9782843784835 Le secret d'Omaha Beach

Page 1


BERGERON

Le Clan des Bordesoule

LE SECRET

SECRET

D’OMAHA BEACH LE

D’OMAHA BEACH

Editions du Triomphe

FRANCIS BERGERON

LE SECRET

D’OMAHA BEACH

Une aventure du Clan des Bordesoule

Illustrations de Marie-Marthe Collin

ÉDITIONS DU TRIOMPHE

Pour Mathilde et Augustin... avec quelques années de retard…

Pour Sacha et Nathan, avec quelques années d’avance...

F. B.

Chapitre

premier

UN MARIAGE DANS LE COTENTIN

Les cloches de l’église de Bricqueville-sur-Mer, dans le département de la Manche, sonnaient à tout rompre. Tous les participants à la messe de mariage de Mathilde Bordesoule quittaient à présent l’église. Les hommes étaient en costume sombre. La note de couleur était donnée par les cravates, bleues presque systématiquement, car c’était la couleur du jour. Les femmes avaient fait assaut d’élégance, et la plupart d’entre elles portaient de ravissants chapeaux, davantage destinés à mettre en valeur la nuque et la coiffure qu’à protéger du soleil.

Et voici que sortait le cortège : les parents, les enfants d’honneur, les mariés, enfin, accueillis par une pluie de pétales de roses.

Mathilde avait répondu oui à la demande du prêtre, et elle s’appelait désormais Mathilde Stevens, puisqu’elle venait d’épouser un jeune américain étrangement prénommé Augustin. Augustin Stevens.

C’est ce jour-là que l’aventure – ou plutôt l’Aventure avec un A majuscule – est venue une nouvelle fois à la rencontre du Clan des Bordesoule. Dans ce tout petit village de Bricqueville.

En fait, ce printemps-là avait commencé de façon très normale, joyeuse, et familiale. Une lointaine cousine des Bordesoule, Mathilde Bordesoule, charmante jeune femme brune aux grands yeux verts, se mariait le 5 juin. Les fameux membres du clan, nos quatre jeunes détectives, n’auraient pas dû être invités à la noce, car ils connaissaient assez peu la future mariée, beaucoup plus âgée qu’eux (une grande personne qui avait au moins 25 ans !). Quant à son fiancé, cet Augustin Stevens, ils savaient seulement que c’était un Américain, rencontré par Mathilde Bordesoule lors d’un stage, pour son travail, aux États-Unis. Et jusqu’à ce mariage, ils n’avaient jamais parlé au fiancé, ne l’avaient même jamais croisé. Ils trouvaient juste bizarre qu’un Américain se prénomme Augustin (d’ailleurs en anglais, comment prononce-t-on un tel prénom ? yougoustine ? puisque les «A » se prononcent « i » et les « u », « ou » ou encore « you ». Quelle langue !). En principe les Américains s’appellent John, Steve, Ken ou Phil, Tom ou Dick. Du moins dans les films. Mais jamais Augustin !

Cet Augustin (le même prénom que le petit frère de Corentin et Julien), était-il sympathique, au moins ?

Peu importe, se disaient-ils. On ne le reverra peut-être jamais. Ou seulement lors de grandes réunions familiales, tous les trente-six du mois ! D’ailleurs, encore une fois, les Bordesoule n’avaient pas été tout à fait invités, mais plutôt embauchés. Le clan au complet (Corentin et Julien, Gaëlle et Nicolas), Mathilde l’avait recruté pour l’aider,et aider toute la famille, à la préparation du mariage. Car un mariage, c’est du boulot ! Et pendant plusieurs jours – avec la perspective d’une agréable cagnotte finan-

cière à l’issue du mariage – les quatre Bordesoule avaient trimé (travaillé) comme des damnés pour participer à la préparation de ce grand moment et de la fête qui devait suivre.

Il faut bien reconnaître que c’est une sacrée organisation, un mariage, avec une foule de choses à faire et de détails auxquels penser.

Gaëlle avait plié les fascicules de chants pour la messe, et les avait attachés un à un avec de la ficelle de raphia (une ficelle venant d’une plante de Madagascar). Elle avait confectionné les bouquets pour les bouts de bancs de l’église. Elle avait rédigé les étiquettes avec les noms de chaque invité pour que les personnes sachent où était leur place pour le dîner, et elle avait dessiné les plans de tables sur une grande affiche et collé les menus sur des cartons. Le nombre des invités était impressionnant : deux cents, peut-être ?

Les trois garçons, eux, étaient allés chercher tables et chaises, empruntées à la salle des fêtes du village, et les avaient installées sous une immense tente, dressée dans le jardin de la propriété où se tiendrait le dîner de mariage. Ils avaient également aménagé un champ voisin, et délimité des emplacements, pour que les invités puissent venir garer leur voiture. Et ils avaient balisé les allées avec des luminaires. Des luminaires avaient également été fixés aux fenêtres de la maison de famille de Mathilde. C’est dans les jardins de cette maison, située à deux pas de l’église, qu’avaient lieu le cocktail et le dîner assis.

Et puis, il y avait le feu d’artifice. Julien, qui se considérait comme un professionnel des feux d’artifice, avait submergé le père de Mathilde, et le chef des pompiers de Bricqueville de ses (excellentes !) suggestions. En tout cas, vers minuit, avec l’aide des pompiers de la petite ville, serait tiré un superbe feu d’artifice. Julien était bien persuadé que, grâce à ses conseils techniques, sous réserve qu’ils soient suivis à la lettre, le spectacle serait spécialement réussi.

En cette fin d’après-midi de tout début juin, Mathilde Bordesoule était donc devenue Madame Augustin Stevens. Et c’est au bras de son mari qu’elle traversa la rue, suivie par toute la noce, pour gagner la maison familiale.

La maison, parlons-en : c’était une jolie bâtisse de deux étages, datant du XVIIIe siècle, peut-être. Presque un manoir. À l’arrière, un second bâtiment avait été construit, sans doute au siècle suivant, dans un style plus balnéaire (les maisons typiques du bord de mer). Depuis le balcon de ce bâtiment, on pouvait d’ailleurs apercevoir la mer, au loin. Recouverte de vigne vierge, la maison avait belle allure. Quant au jardin, il était impeccablement entretenu. Le gazon était parfaitement coupé, les rosiers taillés à la perfection. Et de gros massifs d’hortensias bleus délimitaient chaque angle du bâtiment.

Je ne vous ai pas raconté la cérémonie du mariage, dans l’église. Je ne vais pas davantage vous commenter tous les moments forts de la soirée, le cocktail à l’extérieur, puis l’installation des invités à leur place, l’arrivée des jeunes mariés, sous les applaudissements, avec les

dizaines de serviettes brandies par les convives, tournant au-dessus des têtes, les discours, les films projetés sur l’un des murs de toile de la tente, retraçant l’enfance et l’adolescence de chacun des deux héros de la soirée…

D’ailleurs vous connaissez sans doute déjà tout cela. Je suis bien persuadé que vous avez déjà assisté à un mariage. Ces fêtes se ressemblent toutes un petit peu.

Le cocktail avait été délicieux : huuuum, ces plateaux de petits fours ! Ces tartelettes et ces mini-éclairs aux fruits rouges ! Le dîner était, lui – comme toujours - un peu longuet, et les plus jeunes Bordesoule : Gaëlle et Julien, commençaient à dodeliner de la tête. Mais il y avait la pièce montée, si attendue… Et le feu d’artifice !

Peu avant minuit, deux montagnes de choux à la crème, portées chacune par deux des cuisiniers, furent introduites dans la tente, sous un tonnerre d’applaudissements et les flashes des appareils photo. Il n’y avait donc pas une, mais deux pièces montées ! Du chocolat liquide recouvrait l’une de ces pyramides, celle dont les choux étaient farcis de crème à la vanille. L’autre, celle qui était faite de choux au chocolat, bénéficiait d’un nappage de chocolat blanc. Habile, non ? Même le socle de ces deux pyramides délicieuses, était mangeable, car fabriqué à partir d’une nougatine exquise.

Les deux pièces montées furent posées sur une table, de part et d’autre de fontaines à chocolat. Vous avez déjà vu cela, vous, une fontaine à chocolat ? Les Bordesoule, jamais ! Et Julien ouvrait des yeux comme des soucoupes !

Je vous raconte : c’est un petit réchaud qui fait fondre en permanence du chocolat. Le chocolat liquide tombe

dans une cassolette, qui peut ensuite être utilisée pour arroser la pièce montée, ou la part de gâteau de son assiette. Un délice ! Il y avait deux fontaines : l’une de chocolat au lait classique, et l’autre de chocolat blanc.

Au sommet de la pyramide de choux à la vanille, se tenait une mariée miniature, tandis que la figurine représentant le marié, elle, trônait au sommet de la pyramide de choux au chocolat. C’était les seules parties de la pièce montée qui ne pouvaient pas se manger. Gaëlle collectionnait ces sujets (elle en possédait peut-être déjà quatrevingt !). Elle se précipita au premier rang, s’empara discrètement des deux sujets, alors que la découpe des pyramides avait commencé. Personne ne lui dit rien, et elle revint, triomphante, à sa place, dissimulant à moitié son larcin.

Les Bordesoule étaient aux anges. Ils avaient tellement dîné qu’ils avaient à présent le sentiment que leur estomac était prêt à éclater. Quel festin !

Et soudain ce fut le feu d’artifice ! Tiré de la plage, en contrebas, il illuminait le ciel de mille feux. Les pompiers étaient venus chercher Julien pour faire partir la toute première fusée, celle qui fait un grand bruit de pétard dans le ciel, et qui annonce le début du spectacle.

Les jeunes pompiers appelaient Julien « cher collègue », et rien ne pouvait faire plus plaisir au jeune garçon. Les feux de Bengale furent allumés au pied de la maison, et la mirent extraordinairement en valeur. Selon la tradition, le feu d’artifice se termina par un « bouquet » : les fusées partaient dans tous les sens, et illuminaient le ciel de vert, de bleu, de rouge, de mauve, de blanc...

Mais quand la dernière fusée fut retombée, c’est alors qu’au loin, sur la côte, et aussi dans les terres, des dizaines de feux d’artifices prirent le relais. Tout le pays était soudain illuminé !

– Ça, ce n’était pas prévu ! s’étonna Nicolas. Nous ne sommes pourtant pas le 14 juillet.

Non mais nous sommes le 6 juin ! s’exclama Corentin.

– Et alors ?

– Mais c’est l’anniversaire du débarquement du 6 juin 1944 ! Un événement qui, ici, en Normandie, est extrêmement important. À mon avis les mariés y avaient pensé, eux. D’où leur idée d’un feu d’artifice tiré le 5 juin, juste avant minuit. Pour que tous les autres feux d’artifice prolongent le spectacle !

Et quel spectacle, en effet !

Oui quel spectacle fantastique que cette illumination à 360°, et spécialement sur la côte, d’Avranches au cap de la Hague ! Et sans doute aussi l’autre côte de la presqu’île, de Cabourg à Cherbourg, était-elle pareillement illuminée.

Chapitre 2

BORDESOULE BLONDS CONTRE BORDESOULE BRUNS ?

Nous sommes déjà au second chapitre de cette histoire, et l’on ne peut pas vraiment dire que l’aventure ait commencé. Ou plus exactement, vous vous demandez sans doute par quel bout la prendre ? Elle est pourtant là, elle rôde autour de ce petit monde, réuni à Bricquevillesur-Mer, à l’occasion d’un mariage.

Il faut reconnaître que les Bordesoule attirent les mystères et les aventures, comme l’aimant attire la ferraille ! Je vous étonnerais donc bien, si je vous disais que nous sommes encore loin de l’aventure. En fait vous sentez qu’elle est déjà quasiment commencée, non ?

L’aventure va prendre ici le visage d’Augustin Stevens, ou plus exactement d’un membre de la famille Stevens…

Mais avant de nous plonger dans cette terrible et palpitante histoire, je voudrais, une fois de plus, vous présenter le clan des Bordesoule.

Je sais bien que cette présentation, on la trouve dans tous les récits de leurs aventures. Mais une révision des rôles dévolus à chacun ne peut pas faire de mal. Et puis avouez que c’est un vrai plaisir de retrouver vos chers héros, tels que vous les avez quittés dans le livre précé-

dent ! (sauf bien évidemment, si vous découvrez cette série avec ce livre).

D’abord ce nom : Bordesoule ? Bizarre, n’est-ce pas ? En fait c’est un vieux nom français, que l’on rencontre dans le centre et le sud-ouest de la France, disons en pays d’Oc, au sud de la Loire. En vieux français, une borde est une maison. Et dans le Limousin comme en Charente, on rencontre des villages qui s’appellent Les Bordes (« Les maisons »), Bordeneuve (« Maison neuve »), ou Bordesoule (« Maison isolée », car le mot soule est luimême un mot du vieux français signifiant « seul », dans le sens : « isolé », c’est-à-dire sans autre maison aux alentours).

Corentin et Julien sont deux frères. Gaëlle et Nicolas sont frère et sœur. Les quatre sont cousins germains, car leurs mamans sont sœurs, et s’appelaient Bordesoule, avant de se marier.

Les quatre cousins ont décidé de se baptiser « Clan des Bordesoule » après leur toute première aventure commune, leurs premiers exploits (lire Le Secret de la statue volée, le premier livre de cette collection, qui porte d’ailleurs le numéro 1). Au cours d’une véritable enquête policière, pleine de rebondissements, ils avaient découvert, dans le Berry profond, un trésor chouan caché par un ancêtre Bordesoule, guillotiné peu après, sous la Révolution. Et c’est donc en hommage à cet héroïque ancêtre Bordesoule qu’ils avaient adopté ce nom de « Clan des Bordesoule ».

Les Bordesoule sont quatre, comme les trois mousquetaires d’Alexandre Dumas.

Il y a d’abord Corentin et Julien : ce sont des Bordesoule bruns. De taille moyenne, ils se ressemblent beaucoup, physiquement, mais pas du tout sur le plan du caractère et des centres d’intérêt.

Comment vous définir Corentin ? C’est un garçon de presque dix ans. Il lit beaucoup, connaît une foule de choses sur quantité de sujets. C’est pourquoi il passe – à juste titre – pour l’intellectuel de la bande.

Une petite précision : les Bordesoule ne regardent jamais la télévision. (Et d’abord leurs parents n’ont pas la télévision…). Cela ne les empêche pas, quand ils sont invités chez des amis, en été, d’être fascinés par le jeu télévisé Fort-Boyard. Eux-mêmes y ont d’ailleurs participé, une fois, ce qui a donné lieu à l’une de leurs plus extraordinaires aventures (voir Le Secret de Fort Boyard, qui porte le numéro 15). Ils passent quand même beaucoup de temps devant d’autres sortes d’écrans : ceux de leurs ordinateurs. Car ils sont tous les quatre très bien équipés sur ce plan, et savent parfaitement tirer parti de cet extraordinaire outil. Et spécialement Corentin, qui pianote sans arrêt, y compris sur son smartphone, et qui est champion pour trouver sur internet les réponses aux questions que posent les énigmes auxquelles ils sont souvent confrontés. Corentin a découvert les E-books, les livres électroniques. Il s’est fait offrir une liseuse pour Noël, et il est en train de se monter une colossale bibliothèque virtuelle, en parallèle à sa bibliothèque de livrespapier, qui garnit tout un mur de sa chambre.

Son frère Julien a un an de moins que lui. C’est un jeune garçon qui ne tient pas en place, qui a une idée

(souvent mauvaise ou risquée !) à la minute. Il adore les farces, les pétards, les trompettes, les concerts de casseroles, les feux d’artifice, les feux de cheminée, les… enfin disons tout ce qui fait du bruit, tout ce qui fait de la lumière, tout ce qui bouge.

Il trimballe toujours dans ses poches quantité d’objets improbables, dont il est bien le seul à discerner l’éventuelle utilité. Il peut être un peu colérique, parfois, notre Julien. Un peu boudeur, aussi. Mais tout le monde l’adore quand même, car avec lui, on ne s’ennuie jamais !

Une autre de ses passions : la cuisine. Par on ne sait quelle aberration, Julien s’est mis un jour en tête qu’il était doué pour la cuisine, et qu’il deviendrait plus tard un grand chef cuisinier. Il passe un temps fou à expérimenter des recettes de cuisine. Et le drame, c’est qu’il entend bien qu’on y goutte ! Ceux qui tiennent à leur santé font tout pour tenter d’échapper à ce traquenard.

Personne n’en est mort, à ce jour, mais personne n’en est sorti non plus totalement indemne… Julien a déjà réussi à empoisonner – ou au moins à rendre malades – bon nombre de ses camarades de classe et membres de sa famille. Mais il lui devient de plus en plus difficile de trouver des cobayes… tout le monde se méfie.

Hier soir, lors du dîner de mariage, il a examiné sous toutes ses coutures la fontaine à chocolat liquide. Nul doute qu’il ne nous mijote déjà quelque chose à expérimenter, à partir de cette idée…

Par contraste, Gaëlle et Nicolas peuvent faire figure de jeunes gens très « classiques ». D’abord ce sont les Bordesoule blonds, très blonds, même. Des Bordesoule

grands l’un et l’autre pour leur âge, aux beaux yeux bleus très clairs. Nicolas est même si grand qu’on le prend parfois pour un jeune homme de quatorze ou quinze ans alors qu’il n’en a que douze. Quant à Gaëlle, malgré ses huit ans, elle ressemble déjà à une petite jeune fille, et plus du tout à un bébé !

Toute en longueur, Gaëlle semble une petite fille fragile. Elle est très attentive – comme sa maman – à la façon de s’habiller. Elle ne supporte pas d’avoir la moindre tache sur sa robe, le moindre faux pli sur son chemisier. Elle est toujours impeccablement coiffée. Et elle attend avec impatience le jour où elle pourra utiliser les produits de beauté de sa maman. Et pourtant Gaëlle est une aventurière, elle aussi. Comment se fait-il que cette petite fille modèle ait pu vivre de bout en bout les aventures du clan des Bordesoule ? Des aventures qui l’ont conduite à escalader des murs suintant d’humidité, à ramper dans la boue, à emprunter des souterrains remplis d’araignées et de rats (sans parler de têtes de morts), à se cacher dans les endroits les plus glauques, à se précipiter tout habillée dans des cascades ! Gaëlle est une petite fille qui n’a pas froid aux yeux. Et puis elle aime tellement ses cousins et admire tellement son grand frère, qu’elle serait prête à partir au bout du monde avec eux. Que dire de Nicolas, enfin ? D’abord il est très sportif. Il joue au rugby dans son école : c’est dire la largeur de ses épaules ! De temps en temps il se démantibule un genou ou une cheville, mais ça se répare vite ! Il n’a peur de rien, et en impose par son assurance et son autorité naturelle. Ayant suivi tout un parcours chez les scouts, il est devenu un passionné de la nature et des animaux des

forêts. Nicolas est incollable sur les noms des papillons comme sur l’identification des traces de bêtes sauvages. Je l’ai vu capturer des cistudes (petites tortues d’eau) dans des étangs apparemment inhabités ! Plus tard, Nicolas sera garde-chasse. Ou président d’une association de protection des oiseaux. Ou pêcheur au grand large.

Personne ne peut se lever plus tôt que Nicolas. Qu’il dorme à même un tapis de sol, sous la tente, ou chez ses parents, dans un lit confortable, il faut qu’il soit debout à sept heures, et ceci été comme hiver. Il faut qu’il soit dehors à huit heures, dernier carat.

Il y a quelques années, à Noël, il avait organisé des tours de veille avec sa sœur et ses cousins pour « coincer le père Noël ». Et comme il avait le dernier tour de garde, celui de 7 à 8 heures du matin, c’est lui, bien entendu, qui avait réussi à le découvrir, le père Noël. Une drôle de surprise, d’ailleurs ! Mais cela, je vous le raconterai dans un autre livre.

Nicolas est l’inventeur de cette formule, qui est l’une des formules fétiches du clan des Bordesoule, et qui peut vous rester gravée pendant toute une vie : « Le premier réveillé réveille l’autre !»

Car c’est à l’aube que l’on peut voir les bêtes sauvages, dans la campagne, c’est à l’aube qu’on a l’esprit clair, pour organiser sa journée. C’est à l’aube, lorsque tout dort, qu’on peut avoir le sentiment que le monde vous appartient !

Chapitre 3

AUGUSTIN STEVENS

Nicolas croyait bien être le premier levé. Sans réveil, comme à son habitude, et malgré l’heure tardive à laquelle il s’était couché, il était déjà debout. Il avait immédiatement secoué son cousin Corentin, conformément à la règle du Clan : « Le premier réveillé réveille l’autre ». Les deux garçons étaient installés dans la maison de famille de Mathilde : ils occupaient une minuscule pièce mansardée, au fond du grenier. Gaëlle et Julien, qui craignaient la chaleur de ces pièces mal isolées, et qui craignaient plus encore les réveils tonitruants de Nicolas, avaient préféré dormir sous la tente.

Les deux garçons déboulèrent donc dans la cuisine. Là, surprise : Augustin Stevens était déjà levé, lui aussi. C’était un homme jeune, au regard volontaire. Il avait des cheveux châtain clair, légèrement ébouriffés, et portait une barbe très courte, à la mode du moment.

Les garçons avaient quitté hier soir un marié en queuede-pie et chapeau haut-de-forme gris. Un monsieur, en quelque sorte. Ils se retrouvaient ce matin devant un jeune homme à la chemise blanche à col ouvert, portée

par-dessus un pantalon de toile grise. Une veste façon veste de chasse était posée sur le dossier de la chaise. Les deux garçons, intimidés, firent mine de repartir.

– Restez, restez ! Je suis Augustin Sevens, le marié. Mais le mariage est fini. Et…

– On ne veut pas vous déranger, Monsieur.

– Appelez-moi Augustin. D’abord vous ne me dérangez pas. Ensuite je suis bien content de vous rencontrer. Je voulais justement vous parler.

– Nous parler ?

– Oui, vous parler. Vous êtes bien les cousins de Mathilde ?

– C’est exact, mais, vous savez, nous ne connaissons pas très bien Mathilde et cette branche de la famille. Nous sommes venus parce que nous avons été en quelque sorte « embauchés » pour aider aux préparatifs du mariage, et nous repartons en principe demain.

– C’est moi qui ai insisté pour que vous soyez engagés…

– Vous ?

– Oui, moi. Vous faites bien partie du fameux clan des Bordesoule, n’est-ce pas ? Vous deux, je crois me souvenir que vous êtes Nicolas et Corentin.

– Oui, mais je ne vois pas très bien le rapport…

– Mathilde m’a parlé de vos exploits. Votre réputation n’est plus à faire. J’ai même lu les comptes-rendus de quelques-unes de vos enquêtes. Et j’ai à présent besoin de vous recruter, oui, vous recruter, pour m’aider à résoudre

une énigme. Dans trois jours, je pars avec Mathilde en voyage de noces en Afrique du sud. D’ici là, je voudrais tenter d’éclaircir un mystère sur lequel mon père, et mon grand-père, avant lui, se sont cassé les dents… Et vous ne repartirez pas demain. Je me suis arrangé avec vos parents. Nous avons trois jours devant nous. Êtes-vous partants ?

Les deux garçons tombaient des nues. Mais Corentin réagit immédiatement.

– Pourquoi pas ? Nous sommes très honorés de votre confiance, Augustin. Mais j’ai aussi une ou deux questions à vous poser vous concernant. Vous êtes bien Américain, n’est-ce pas ?

– C’est exact. Nous sommes de Californie.

– Comment se fait-il que vous parliez si bien le français ? Presque sans accent ?

– Depuis le 5 juin 1944, date à laquelle mon grand-père a mis pour la première fois les pieds sur le sol français, notre famille s’est prise de passion pour ce coin de l’Europe. Ma mère est française. Et je rêvais moi-même d’épouser une Française. C’est chose faite !

– C’est pour cela que vos parents vous ont choisi un prénom français ?

– Oui. Et d’ailleurs ce prénom a un rapport avec le mystère dont je voulais vous parler. Mais allons dans le bureau, nous serons plus à l’aise pour bavarder. Prenez vos bols, vos tartines. Emportons cette bouteille de jus d’orange, ce pot de confiture, ce chocolat à tartiner, et toutes ces mini-viennoiseries. On sera plus tranquilles.

C’est moi, surtout qui vais devoir vous donner des explications. Cela risque d’être un peu long. Je voudrais aussi vous montrer quelque chose : un film. Et vous me direz ensuite, en toute connaissance de cause, si vous acceptez cette mission.

Je vous arrête tout de suite, Augustin, dit Corentin. Mais le clan des Bordesoule compte quatre membres. Je crois qu’il serait plus simple et plus efficace que vous attendiez que Julien et Gaëlle nous rejoignent avant de nous exposer votre problème.

– All right, boys !

Je file les réveiller, dit Nicolas, que la perspective d’une nouvelle aventure excitait au plus haut degré.

Le Clan des Bordesoule

Francis Bergeron vous fait découvrir la France et son histoire

Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.