crush caramel et beurre salé

Caramel et beurre salé

Jackie Nastri Bardenwerper

Jasmine et Kiara sont amies, mais Kiara délaisse bientôt Jasmine pour des filles plus populaires. alors que Jasmine se fait de nouveaux amis par le biais du club théâtre, Kiara tente de renouer avec elle. Jasmine pourra-t-elle lui pardonner ?

Sasha, Maddie, Jasmine, Sully, quatre héroïnes, quatre histoires différentes, émouvantes et attachantes, à découvrir dans Crush, la série à boire frappée !

et beurre salé

14,90 € TTC France

www.fleuruseditions.com

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29/08/2018 17:17

À Ceci et Bo : puissiez-vous toujours poursuivre vos rêves.

Salted Caramel Dreams by Jackie Nastri Bardenwerper © 2018, Sky Pony Press (A registered trademark of Skyhorse Publishing, New York)

fleurus Direction : Guillaume Arnaud, Guillaume Pô Direction éditoriale : Sarah Malherbe Édition : Raphaële Glaux, assistée de Sophie Virrion Direction artistique et conception graphique : Élisabeth Hebert Mise en pages : Pixellence Direction de la fabrication : Thierry Dubus Fabrication : Axelle Hosten © Fleurus, Paris, 2018 Site : www.fleuruseditions.com ISBN : 978-2-2151-3902-7 MDS : 592 816 Tous droits réservés pour tous pays. « Loi n° 49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse. »

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ackie Nastri Bardenwerpe

CRUSH caramel et beurre salĂŠ Traduit de l'anglais par Charlotte GrossetĂŞte

fleurus

Chapitre 1 Le secret

La brise fraîche de l’automne, qui annonce déjà la morsure de l’hiver, me chatouille la peau au moment où je sors de chez Dolce en compagnie de Kiara. Les mains serrées autour de nos boissons tièdes, nous tentons d’assurer notre équilibre le long des trottoirs de Southfield, fendillés et fissurés par les racines des érables qui ont viré au rouge et or. Compte tenu de nos éclats de rire et de nos stupides chaussures à semelles compensées, la tâche n’est pas facile.

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Crush Kiara est la première à se tordre la cheville ; je ne tarde pas à faire pareil.

— Gaffe aux boissons ! s’exclame Kiara. Ne les laisse pas se renverser !

— Hors de question. De toute manière, entre une cheville et un Onctueux au caramel salé, le choix est vite fait !

Nous sautons par-dessus une autre lézarde en nous retenant l’une à l’autre, sans cesser de blaguer. La journée de cours a été interminable – les journées semblent bien plus longues en 5e qu’en 6e, avec toutes leurs fiches d’exercices, leurs leçons, leurs rédactions – et je savoure le plaisir de me retrouver à l’air libre en train d’écouter les histoires de Kiara. Le soleil brille, j’ai peu de devoirs, et on arrive au Club des loisirs créatifs, mon endroit préféré au monde. Bref, la vie est belle ! Devant le passage piéton de Main Strient, je respire profondément, grisée par le parfum de nos boissons sucrées. Je me tourne vers Kiara : — Alors, prête à finir ton sac aujourd’hui ? Je me dis que le mien pourrait faire un bel ajout à JKDesigns.

— Ça, c’est vrai.

Quand on n’est pas en train de parler de l’école, du Club de loisirs créatifs ou du coup de foudre de Kiara pour

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Caramel et beurre salé Carter, nos discussions tournent autour de JKDesigns, la boutique de mode en ligne qu’on prévoit de lancer pendant les vacances d’hiver. Toutes les deux, on partage un rêve qui est source de dialogues sans fin : devenir des stars du stylisme, célèbres avant d’avoir soufflé nos treize bougies.

Aujourd’hui, pourtant, Kiara me lance un regard fatigué à l’évocation de ce nom. Je m’en étonne : — Eh, tout va bien ?

— Ouais, bien sûr. C’est juste que…

Elle s’interrompt en voyant Mike, l’agent de la circulation, nous faire signe de stopper à l’angle de la rue. D’habitude, Kiara aime le taquiner sur l’une des centaines d’équipes de sport dont il est fan, mais aujourd’hui, elle ne pipe pas mot. Inquiète, je décoche un sourire à Mike, histoire qu’il ne nous croie pas fâchées contre lui. Il me rend ce sourire et on ­s’engage sur le passage.

Une fois de l’autre côté, Kiara se remet à parler.

— Alors, bon, tu sais, il y a un truc que je voulais te dire.

Je pensais attendre demain, mais puisque tu parles de JKDesigns et que c’est notre dernier cours de loisirs créatifs de l’automne, je devrais peut-être te mettre au courant…

Je bois une gorgée d’Onctueux.

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Crush — Quoi ? Qu’est-ce qui se passe ? Ça ne ressemble pas à Kiara de me taire des choses.

Surtout sur un sujet important.

Les joues encore écarlates d’avoir tant ri, Kiara se mord la lèvre.

— Eh bien… Je ne suis pas sûre de continuer les loisirs créatifs cet hiver. Je pensais me mettre au basket pour changer.

Je me force à déglutir.

— Basket… Vraiment ? Waouh. C’est cool.

Je fais ce que je peux pour parler d’un ton naturel. Comme si ma meilleure amie ne venait pas de larguer une bombe en lâchant ce secret qu’elle mijotait depuis qui sait combien de temps.

Kiara détourne la tête, ce qui fait danser ses longs cheveux bruns sur son visage orné de taches de rousseur. Ses doigts se crispent sur son Onctueux au caramel salé, et je me demande si elle se rappelle le jour où on a créé cette boisson, l’été dernier, après avoir essayé toutes les combinaisons d’arômes possibles au salon de thé. Lait fumant, crème caramel, sirop de chocolat noir salé, et éclats de noix de coco, tous ces ingrédients ensemble. La noix de coco avait été la touche finale signée Kiara. À mes yeux, c’est cet ultime

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Caramel et beurre salé raffinement qui a valu à notre boisson de se tailler une place sur le menu permanent du salon, même si Kiara soutient que nos commandes fréquentes y sont pour quelque chose.

Quoi qu’il en soit, je suis toujours fière de voir notre boisson inscrite à la craie rose sur l’ardoise.

Je me demande si on pourra continuer à la commander aussi souvent une fois que Kiara se sera mise au basket.

Combien de temps prennent les entraînements ?

Elle se retourne vers moi avec un sourire, et me regarde pour la première fois depuis qu’elle m’a annoncé sa défection.

— Maman me dit qu’il faudrait que je m’engage dans quelque chose de neuf, et j’ai toujours aimé marquer des paniers avec mon frère. Alors j’ai pensé que le basket pourrait m’amuser.

Elle ajoute avec un clin d’œil : — En plus, il paraît que tu-sais-qui veut intégrer l’équipe des garçons.

Bien sûr. Carter. J’aurais dû me douter que ce garçon était derrière l’affaire. Je ne peux pas en vouloir à Kiara – elle n’est pas la seule fille à craquer pour le sourire ensorcelant de Carter – même si personnellement, au-delà de ce sourire, je considère le personnage comme plutôt banal. Il me semble

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Crush que pour être digne d’un coup de foudre, un gars devrait avoir quelque chose de plus, disons, spécial.

Mais il faut bien le dire aussi, je suis la fille qui n’a pas eu de coup de foudre depuis Connor O’Neil en CM1. À cette époque-là, il avait cette extraordinaire tignasse blonde, il prenait des cours de guitare, et il se retournait souvent sur sa chaise pour me dévisager comme s’il avait envie de mieux faire ma connaissance. J’étais trop timide pour l’aborder, mais au bout d’un moment, je me suis rendu compte que je l’aimais bien. C’est alors qu’il a fait un esclandre auprès de Kiara et moi, parce qu’on se faisait passer des messages. Je suppose que c’était pour ça qu’il m’avait tant dévisagée. Après cette mésaventure, j’ai laissé tomber les garçons. Ce qui veut dire que je n’ai aucun conseil à donner dans ce domaine.

Du coup, même si je me fais du souci à l’idée que Carter soit un peu barbant pour une fille aussi rigolote et douée que ma meilleure amie, je n’ai qu’une chose à souhaiter à Kiara : que ses sentiments soient réciproques. Qui sait, le basket sera peut-être sa chance. À condition qu’elle puisse entrer dans l’équipe, bien sûr. Ce qui ne devrait pas être trop difficile : dès nos douze ans, elle a poussé comme une asperge, et me surplombe d’une bonne quinzaine de centimètres.

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Caramel et beurre salé — Eh, tu sais quoi, tu devrais essayer aussi, Jas, me lance Kiara, interrompant le fil de mes pensées.

Je me contente de secouer la tête.

— Merci, mais je crois que le basket, ce n’est pas pour moi.

— Ouais, je comprends, me répond-elle sans même tenter de me faire changer d’avis.

J’aurais été étonnée qu’elle essaie. Ma taille d’un mètre cinquante doit être un héritage de ma famille colombienne – aucune femme, du côté de chez maman, ne dépasse le mètre soixante. Donc, même si j’étais intéressée, j’aurais du mal à me faire admettre dans l’équipe.

Et ça vaut mieux comme ça, sans doute. J’ai assez à faire avec le Club des loisirs créatifs. Le professeur qui s’occupe de nous, Mme Chloe, est une amie de ma mère. Elle crée et vend des vêtements, et a ouvert ce cours aux enfants intéressés par le design au sens large. On y crée des colliers et des boucles d’oreilles, des accessoires de coiffure et un tas d’autres choses. Mes cours préférés sont ceux qui portent sur le design de mode. En deux ou trois ans, partie du stade où je ne savais pas passer du fil dans une aiguille, j’ai appris à créer mes propres sacs, et j’espère m’attaquer bientôt à la création de vêtements. Tout le processus me

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Crush plaît – dessiner le modèle, choisir les matériaux, coudre, peaufiner mon œuvre. À chaque fois que je crée un nouvel objet, j’ai l’impression d’avoir gravi une montagne. D’où mon impatience à l’idée de lancer JKDesigns avec Kiara. À travers cette boutique, j’espère me constituer un portfolio qui me facilitera l’accès à des études universitaires dans le domaine de la mode.

Je souris en pensant aux articles dont on a déjà fait la liste pour notre site. Kiara aura une page où elle présentera ses accessoires de coiffure en fil métallique, des créations superbes. Moi, je proposerai une gamme de sacs « Jasmine Originals » munis d’une foule de poches intérieures, avec ces coutures extérieures cool qui ajoutent des contrastes de couleurs. J’espère les voir devenir célèbres, mais mon rêve ultime est de vendre un jour des vêtements personnalisés, dès que je serai capable de transformer mes dessins en véritables patrons. Jusqu’à présent, toute création nécessitant le design d’un tour de taille dépasse mes compétences, mais chaque soir, je fais des essais pendant au moins une heure. Avec un peu d’espoir, bientôt j’en réussirai un et je pourrai me mettre à vendre mes créations.

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Caramel et beurre salé Je prends une autre gorgée d’Onctueux au caramel salé en songeant au sac qui m’attend dans l’atelier du premier étage, au-dessus de la blanchisserie Hank. Toute la journée, j’ai pensé aux petites perles iridescentes que je compte coudre sur le contour du rabat supérieur. Mme Chloe a passé le dernier cours à m’enseigner la technique, et je me suis entraînée à la maison tout le week-end. Voilà la nouvelle que je voulais partager avec Kiara avant qu’elle m’ait parlé de cette affaire de basket. De me rappeler ces perles, ça me remonte le moral. Je me tourne vers mon amie : — Tu auras peut-être le temps de suivre à la fois le Club des loisirs créatifs et les cours de sport. Ou au moins, ce sera l’occasion de rencontrer plein de clients potentiels pour JKDesigns !

— Ouais, je ne sais pas si je pourrai continuer les cours, mais une chose est sûre, je ferai de la pub pour JKDesigns.

Je hoche la tête, soulagée. Le basket aura peut-être l’avantage de faire connaître notre boutique. Je demande à Kiara : — Les sélections sont prévues pour quand ?

— Elles commencent demain et durent trois jours. Je devrais être fixée à la fin du week-end.

— Waouh. C’est rapide.

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Crush — Je sais.

Nous montons l’escalier en silence. Je me concentre sur les marches jusqu’au moment où je commence à humer les huiles de cannelle et de clous de girofle que Mme Chloe fait brûler pour « favoriser le flot des humeurs créatives ». Je respire ces senteurs à pleines narines dans l’espoir qu’elles me détendent. Miracle : c’est le cas. Lorsque nous pénétrons entre les murs orange vif et bleu canard de l’atelier, me voilà prête à peindre.

– Bonjour, mesdemoiselles, nous dit Mme Chloe à notre arrivée.

– Bonjour madame.

Nous passons devant une table d’élèves de 6e pour rejoindre nos places habituelles au fond de la pièce.

— Très bien, vous êtes toutes là. Prêtes à finir vos sacs aujourd’hui ? demande Mme Chloe.

— Ah, oui ! s’exclame Kiara en se débarrassant de son manteau. Même si je pense avoir besoin d’un peu d’aide pour me servir de la machine. La dernière fois, c’était raté.

Kiara soulève son sac pour en montrer les imperfections.

La couture n’a jamais été son fort, et je devine que la fin de l’ouvrage l’angoisse.

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Caramel et beurre salé — Bien sûr ! répond Mme Chloe. Elle entraîne Kiara vers l’une des machines à coudre, en s’arrêtant pour allumer la radio au passage.

L’heure qui suit se déroule à merveille. La musique me détend, je me laisse aller à chantonner sur les Top 40 tandis que mes points de couture deviennent encore plus serrés qu’hier soir, et mes perles mieux alignées. J’ai hâte de m’en servir à l’école, heureuse d’avoir une excuse pour mettre à la retraite le sac à dos violet pratique mais moche que j’ai depuis l’âge de dix ans. La création que je suis en train de fignoler est une sacoche. C’est la copie parfaite d’un modèle que j’ai vu en ligne et qui coûte plusieurs centaines de dollars – mais avec ma touche déco personnelle. J’espère qu’un jour j’en vendrai un semblable sur notre boutique.

— Quelle allure phénoménale, me dit Mme Chloe, qui s’est placée derrière moi par surprise. Tu as vraiment un don, Jasmine. L’œil d’une artiste.

Je baisse les yeux avec un sourire.

— Merci, Madame.

— Merci à toi, plutôt. J’ai hâte d’acheter l’un de tes Jasmine Originals, ajoute mon professeur avec un clin d’œil.

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Crush À la fin du cours, je suis à deux doigts d’avoir terminé. Je rêverais de pouvoir rester une heure de plus. Mais on dîne à dix-huit heures à la maison ; donc, pas question de m’attarder.

— On s’est bien amusées, me dit Kiara au moment où on sort dans la rue. Je n’arrive pas à croire que c’était peut-être mon dernier cours.

— Oh, c’est vrai. À cette idée, mes inquiétudes reviennent au galop.

Mais Kiara chasse ces sombres pensées : — J’ai oublié de te demander des nouvelles de ton dernier patron. Tu as fait des modifications dessus ?

Je souris en pensant aux chutes de tissu épinglées sur le mannequin de mon placard – un vrai, que maman m’a trouvé d’occasion dans une brocante.

— Pas grand-chose de nouveau, dis-je tandis que nous traversons Main Strient et attaquons le court trajet à pied qui nous ramène chez nous. Je continue à travailler dessus.

— Je suis sûre que tu vas vite t’en sortir.

— On verra. Le résultat ne peut pas être pire que pour les micro-robes.

On explose de rire en repensant aux robes d’été assorties que j’avais essayé de nous coudre l’été dernier. Elles étaient

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Caramel et beurre salé censées avoir des manches courtes et descendre jusqu’aux genoux. J’avais déniché pour les faire un joli tissu imprimé hawaïen. Seulement, après avoir posé mes épingles sur le tissu, pris les mesures et créé un patron, j’avais oublié de prévoir une marge de tissu pour les coutures. Les manches s’étaient retrouvées trop étroites pour qu’on y passe les bras. Et je ne parle pas de la longueur de la robe – elle atteignait à peine le haut des cuisses ! Le désastre total. Je n’avais réussi qu’à sauver un peu de tissu, dont je m’étais servi pour décorer l’un de mes sacs.

— En y réfléchissant bien, tu devrais peut-être rester sur des sacs, me dit Kiara.

— C’est sûr que les modèles sont plus faciles.

Nous voici au sommet de la colline. L’endroit où nos chemins se séparent.

Kiara étend la main, interrompant mes réflexions.

— Trois, deux, un… commence-t-elle. Je complète en lui tapant dans la main : — C’est qui la meilleure du coin ?

Puis on entremêle nos doigts et on éclate de rire avant de compléter la poignée de main secrète qu’on a longuement travaillée depuis le CM1.

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Crush — À demain, me dit Kiara avec un sourire.

— Je serai ici à sept heures, prête à partir.

— Trop hâte ! Et n’oublie pas. Vendredi, tu dors à la maison.

Quoi qu’il arrive, ajoute Kiara en repartant en arrière pour rejoindre sa rue.

Un dernier geste de la main et je me remets en route, à un bon rythme. Je remonte la fermeture de mon manteau pour me protéger du froid. L’air du soir est plus âpre que la semaine dernière, signe d’un changement de saison. Je repense aux derniers mots de Kiara : Vendredi, tu dors à la maison. Quoi qu’il arrive. Ils me tiennent chaud. J’arrive en vue de ma maison jaune vif. Je pénètre dans l’allée et respire un grand coup pour me préparer à affronter le chaos d’une vie familiale bien remplie : deux parents, des frères jumeaux et une grand-mère qui habite chez nous. En posant la main sur la poignée de la porte, je me sens encore pleine de doute. Parce que même si cette expérience basket se révèle géniale pour Kiara, je n’arrive pas à me défaire du sentiment que tout est sur le point de changer.

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Chapitre 2 Sur invitation seulement

— Attends, redis-moi ce qui s’est passé ?

Tout en posant la question, j’essaie de déchiffrer les mots de Kiara à travers son rire.

Kiara n’arrête pas de glousser depuis que je suis arrivée chez elle avec mon sac de couchage et que je l’ai félicitée d’avoir intégré l’équipe. On est censées regarder un film, une de nos activités préférées quand on dort l’une chez l’autre le vendredi soir, mais à chaque fois qu’on s’apprête à le démarrer, Kiara repense à une autre anecdote vécue

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Crush pendant les sélections. Je souris en la voyant se redresser et essayer de calmer sa respiration saccadée pour me parler. Je lui suis reconnaissante de prendre le temps de me raconter tout ce que j’ai manqué.

— Je t’ai dit… C’était Mary Beth. Tu sais, la fille qui était dans notre classe l’an dernier ? Elle a oublié sa chevillère hier, or elle a une cheville fragile. Du coup, Aliyah et moi, on s’est glissées dans la réserve et on a trouvé un gros scotch en toile pour lui emballer la cheville et éviter qu’elle se la torde.

Et ça a marché ! L’année dernière, elle avait dû renoncer dès le deuxième jour des sélections, mais là, ce ­deuxième jour s’est bien passé pour elle. Alors on a décidé que le scotch lui avait porté chance et qu’il fallait qu’elle le garde le troisième jour. Mais à la fin de l’entraînement, on était en train de l’aider à l’enlever quand Béatrice est arrivée. Elle a lâché : « tu as l’air radioactive avec ce truc – je parie que tu pourrais capter des stations radio ! » On a toutes éclaté de rire.

Kiara continue à rire et à chanter le refrain d’une chanson qu’elle a entonnée un peu plus tôt. La préférée de Béatrice, dit-elle. Je suppose qu’elle tournait en boucle pendant les sélections. J’essaie de rire moi aussi, mais Kiara a beau m’abreuver d’anecdotes, je ne ressens aucune gaieté. Ce

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Caramel et beurre salé n’est pas que ces histoires ne soient pas drôles. C’est juste qu’elles sont différentes. Mary Beth, Béatrice, Aliyah.

Ces filles, je ne les connais que de nom, et jusqu’à tout récemment, Kiara ne les connaissait pas davantage. Mais on dirait que les périls de ces sélections les ont rapprochées.

— Ouais, Mary Beth est tordante, poursuit Kiara. Et Aliyah est trop cool. Tu aurais dû voir sa tenue aujourd’hui à l’entraînement. Elle portait un short noir et violet adorable, et des baskets vert pomme avec, genre, des paillettes intégrées dans le tissu. Tu les aurais adorées. Elle nous emmène au mall demain, Mary Beth et moi, pour qu’on se trouve une tenue d’entraînement cool.

— Oh. Super.

J’en ai le souffle coupé. Aller au mall, on l’a toujours fait ensemble, toutes les deux. Et de mon côté, mon seul plan pour demain, c’est de rentrer chez moi. Mais je ne le lui avoue pas, bien sûr. Je me contente de lui adresser un grand sourire en disant : — Vous allez bien vous amuser.

— Ouais, je sais, j’ai trop hâte ! Pour l’instant, j’ai deux shorts et trois débardeurs dans mon placard. Mais maintenant que

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Crush j’ai intégré l’équipe, ma mère me dit que je peux m’acheter des affaires neuves.

— C’est génial. Elle doit être tellement contente.

Je repense au sourire que j’ai reçu de la mère de Kiara quand elle m’a ouvert la porte.

– Ouais, elle est toute folle. Je crois que c’est pour ça qu’elle nous offre des sundaes pour le dessert.

— C’est vrai, il faut qu’on s’occupe de les faire. La glace ira très bien avec les cookies de ma mère.

Je rêve déjà de ces cookies « dulce de leche » faits par maman cet après-midi.

Nos mères se sont rencontrées quand elles ont été embauchées dans la même agence de marketing à la fin de leurs études ; et elles se sont encore rapprochées après notre naissance, quand elles ont emménagé dans le même quartier. Alors, dès qu’elle a appris que Kiara avait réussi ses sélections de basket, maman a filé en cuisine pour réaliser les cookies préférés de Kiara.

Kiara se lève.

— Oh, ces cookies, ce sont les meilleurs ! Tiens, on va se faire des sundaes aux cookies ! Avec différentes crèmes ! Je crois qu’on a du chocolat et de la fraise.

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Caramel et beurre salé — Et du caramel salé ?

Kiara se met à rire.

— Si seulement. On pourrait toujours aller en catimini chez Dolce…

— C’est ça. Tes parents ne piqueraient pas une crise, ni rien.

— C’est vrai. Et je ne veux pas risquer d’être privée de basket !

Kiara fait un grand sourire.

— Ça me fait penser. J’avais presque oublié. Carter aujourd’hui, si-tu-sa-vais. Il fallait le voir – on a partagé le terrain avec les gars pendant les dix dernières minutes d’entraînement, et il avait une de ces pêches ! Il a marqué à chaque fois qu’il tenait le ballon.

— Waouh, il a l’air vraiment doué. Tu lui as parlé ?

Kiara a secoué la tête.

— Pas aujourd’hui, mais on a échangé quelques mots jeudi. Il se trouve qu’Aliyah habite son quartier. Elle va tout me dire sur lui demain.

— Oh, génial ! Je suis tellement contente que ces sélections se soient bien passées. Même si tu m’as manqué cette semaine. C’était trop calme sans toi !

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Crush Kiara hoche la tête en se dirigeant vers le frigo.

— Oh, tu peux me croire, une partie de moi aurait préféré être avec toi. Qu’est-ce que tu as fait chez Mme Chloe ? Tu as fini ton sac ?

Je souris, heureuse d’avoir l’occasion de lui raconter ma semaine.

— Presque. Je devrais laisser ce pauvre sac tranquille, mais à chaque fois que je le crois terminé, j’aperçois un fil distendu, ou j’ai l’idée j’ajouter quelques perles. Bon, j’arrive au bout, quand même.

— C’est génial.

— Je sais. J’ai hâte de m’en servir. Même si j’adore aussi l’autre sac sur lequel je travaille. Je l’ai décoré d’un ruban et d’une chaîne de glands et pompons. Je le vois déjà en tête des ventes.

— Oui, moi aussi ! Tu as des photos ?

J’attrape mon téléphone et affiche une image du sac.

— Il est magnifique ! Je crois qu’il me le faut.

J’éclate de rire : — Vendu ! Ma première commande.

— La première d’une longue liste.

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Caramel et beurre salé — Sûrement. Ce projet m’emballe. Ma mère m’a offert une biographie de Coco Chanel et ça me motive à fond.

Kiara se met à rire.

— Ce n’est pas la cinquième que tu lis ?

— Quoi ? Non ! La dernière était sur Diane von Furstenberg.

Celle d’avant était sur Alexander McQueen !

— Même différence.

Je lève les yeux au ciel. Kiara n’a jamais été une grande lectrice.

— Je me disais qu’on pourrait se faire une petite séance de mode ce soir, reprend mon amie.

Je hausse un sourcil : — Je n’ai pas apporté mon matériel de couture.

— Pas grave, répond Kiara en donnant un coup de cuiller dans sa glace. Ce n’est pas à la couture que je pensais, mais à la coiffure ! Ma mère a acheté un fer à lisser, et j’ai envie de l’essayer.

— Oh, non, on ne va pas recommencer !

— Cette fois, ce sera différent. J’ai vu comment elle s’en servait l’autre jour avant de partir travailler, et ça a l’air beaucoup plus facile. Ça a rendu ses cheveux lisses comme la soie. Attends une seconde, je file le chercher.

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Crush Kiara bondit de son tabouret et court au salon.

— Maman, tu es là ? Je me demandais si on pouvait t’emprunter ton fer à lisser. Jasmine et moi, on voudrait l’essayer…

Kiara revient une minute plus tard, d’un pas si discret que je ne l’entends presque pas avant qu’elle ait regagné son tabouret. J’ai beau dormir souvent chez elle, je n’en reviens toujours pas du calme, de la paix, de l’ordre qui règne ici.

La maison de Kiara est tout le contraire de la mienne, ce qui explique sans doute pourquoi on passe la plupart de nos soirées ensemble à regarder des films dans le sous-sol des Murphy. Non que ma maison ait des problèmes, c’est juste qu’elle est bien agitée. Depuis que le frère de Kiara est parti à l’université, mon amie vit seule avec ses parents.

Chez moi, il y a papa, maman, Edwin et Michael, et aussi Abuela, qui s’est installée chez nous l’an dernier quand elle s’est mise à faire du diabète. Quelle que soit l’heure, il y a toujours quelqu’un en train de regarder la télé, de cuisiner ou de crier. Je me demande si c’est pour cette raison que je suis aussi taciturne. Dans une maison aussi pleine, les conflits vous tombent souvent dessus comme une tornade.

Ne rien dire, c’est le meilleur moyen de rester à l’abri.

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Caramel et beurre salé — Prête ? me demande Kiara.

Je réponds en savourant la paix ambiante : — Je crois. Même si je doute que ce fer puisse chauffer assez fort pour dompter mes cheveux.

Kiara pouffe de rire.

— Je te dis qu’il va y arriver. Promis.

Une vision me revient à l’esprit, celle de mes boucles noires se mettant à frisotter comme un nid d’oiseau ; et je ris avec Kiara, heureuse de revivre l’un de ces souvenirs communs qui n’appartiennent qu’à nous. C’est moi qui commence par m’occuper de ses cheveux – ce qui me prend moins de dix minutes, parce que sa fine chevelure brune présente peu de boucles – après quoi on s’attaque aux miens. Kiara termine après quelques gémissements et brûlures aux doigts. Quand elle repose le fer à lisser, je sens encore des frisettes, mais d’après les mèches que je vois, mes cheveux sont beaucoup plus raides.

— Alors, qu’est-ce que tu en penses ? me dit Kiara en me tendant un miroir.

Un coup d’œil et j’en reste bouche bée. Je soulève le miroir : — Honnêtement ?

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Crush — Honnêtement.

— J’en pense que je ressemble à un chat mouillé !

Regarde-moi !

J’éclate de rire. Le lissage a déséquilibré mon visage, accentuant mon nez large et mes yeux ronds, soulignant les boutons dont je n’arrive jamais à me débarrasser sur mon front.

— Sérieux ? Après tous mes efforts ?

— Désolée, mais je ne te vois pas coiffeuse plus tard.

— Moi non plus, répond-elle entre deux rires.

Le fer à lisser n’a pas refroidi que Kiara est en train d’enfiler son pyjama à toute vitesse, tandis que j’attrape le matelas gonflable rangé sous son lit. Une minute plus tard, nous voilà toutes les deux dans nos plumes.

— Un, deux, un, deux, un… fait Kiara qui a disparu sous ses couvertures.

Je tends les mains pour attraper les siennes, en complétant : — C’est qui la meilleure du coin ?

— Bonne nuit Jas. — Bonne nuit à toi aussi.

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Caramel et beurre salé Je ferme les yeux et me sens glisser vers le sommeil dans cette maison calme où il fait si bon. Mais avant de sombrer, je me rappelle le projet de shopping de Kiara en compagnie d’Aliyah et Mary Beth. Cette fois, elle n’a même pas essayé de m’inviter à m’y joindre.

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Caramel et beurre salé

Jackie Nastri Bardenwerper

Jasmine et Kiara sont amies, mais Kiara délaisse bientôt Jasmine pour des filles plus populaires. alors que Jasmine se fait de nouveaux amis par le biais du club théâtre, Kiara tente de renouer avec elle. Jasmine pourra-t-elle lui pardonner ?

Sasha, Maddie, Jasmine, Sully, quatre héroïnes, quatre histoires différentes, émouvantes et attachantes, à découvrir dans Crush, la série à boire frappée !

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