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KNIGHT’S

HADDON

Les

Mystères du

Pensionnat Disparition à minuit Fleurus

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Première publication en Angleterre en 2015 sous le titre Mischief at Midnight par The Chicken House, 2 palmer Street, Frome, Somerset, BA11 1 DS. Texte copyright : Esme Kerr, 2015 Design de couverture par Studioheler.co.uk Traduction : Charlotte Grossetête Direction : Guillaume Arnaud, Guillaume Pô Direction éditoriale : Sarah Malherbe Édition : Claire Stacino, Raphaële Glaux, assistées de Léa Bernardin Direction artistique : Élisabeth Hebert, assistée de Maïté Dubois Mise en page : Text’Oh Fabrication : Marie Guibert © Fleurus, Paris, 2017 Site : www.fleuruseditions.com ISBN : 978-2-2151-3273-8 Code MDS : 652 571 Tous droits réservés pour tous pays. « Loi n° 49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse. »

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À Tipu et Freya et Foldy-au-milieu.

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Chapitre 1 Nostalgique de l’école C

– omment se sont passées tes vacances ?

– Super bien. Et les tiennes ?

– Topissimes. Sauf qu’on a été bloqués chez nous par la neige au Nouvel An. – Trop drôle.

– Pas vraiment. On devait aller à Paris.

– Tant pis* Paris ! La France, quel ennui. Regarde le bronzage de Sally, elle est allée en Jamaïque.

Sally fit une grimace.

– Ça faisait bizarre d’être à la plage en janvier. J’aurais préféré aller au ski.

Un murmure compréhensif s’éleva dans le dortoir. Tout le monde était d’accord pour dire que le ski valait bien mieux que la plage au Nouvel An, tout le monde sauf Edie, qui restait *. En français dans le texte. (Note de la traductrice.)

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assise sur son lit sans rien dire. Elle détestait l’après-midi de la rentrée, où il fallait subir les récits de vacances des autres.

– Tu es allée où, Edie ? demanda Alice.

– À Folly Farm, chez mes cousins, répondit Edie en espérant qu’on n’allait pas lui demander de détails.

– C’est mieux que de rester avec Fothy, je suppose ? dit Sally.

Edie haussa les épaules. Tout le monde savait qu’il lui était arrivé de passer ses vacances avec Miss Fotheringay, la directrice, et elle sentait que les filles la plaignaient. Elles ignoraient qu’Edie préférait largement ces moments-là à ses vacances en famille dans le Devon ; et jamais elle ne le leur aurait avoué.

Anastasia était la seule à qui Edie avait dit combien elle détestait ces séjours à Folly Farm – chez Tante Sophia qui paraissait ne jamais s’apercevoir de sa présence, chez son tyrannique cousin Lyle qui ne s’en apercevait que trop. Edie avait eu Anastasia au téléphone quelques jours auparavant, et elle lui avait raconté ses vacances catastrophiques.

– Je vais dire à Papa qu’il faudra toujours que tu passes Noël chez nous, avait conclu Anastasia fermement.

Edie se rappelait le son de sa voix, réconfortant mais irréel, à l’heure où son amie l’appelait de Moscou et qu’elle-même se tenait dans la cuisine froide et crasseuse de Folly Farm. Edie avait hâte de retrouver Anastasia. Mais celle-ci était systématiquement la dernière à arriver le jour de la rentrée.

– Et tes cadeaux ? Sympas ? insista Sally.

Edie rougit.

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– Au moins, tu étais à la campagne, loin de notre vieille ville ennuyeuse de Londres, s’empressa de glisser Rose. Plus tard, je serai vétérinaire, et j’aurai…

– Une ferme à toi avec des chevaux, des cochons, des poulets et des moutons, complétèrent Sally et Alice ensemble, dans un éclat de rire.

– Tu nous pompes l’air, dit Phoebe qui, avachie sur le siège de la fenêtre, croquait une tablette de chocolat. C’est bien la dixième fois que…

Elle fut interrompue par un choc soudain à la porte.

– Salut tout le monde ! On est toutes dans le même dortoir ?

On va bien s’amuser !

C’était Anastasia, qui traînait des sacs et ressemblait à une poupée de porcelaine avec ses yeux brillants, ses joues roses et ses cheveux sombres qui dégringolaient sur une étole en fourrure. Elle embrassa rapidement tout le monde, en gardant Edie pour la fin ; puis elle serra la main de cette dernière entre les siennes et s’assit à côté d’elle sur le lit jonché d’affaires à ranger.

– Je vois que tu n’as pas fait beaucoup de progrès en maths pendant les vacances, dit Rose, malicieuse. Comment est-ce qu’on pourrait tenir à sept dans un dortoir de quatre ?

– Tête-bêche ? suggéra Anastasia.

– Belinda, Phoebe et moi, on est en face dans le couloir, avec une mystérieuse nouvelle, dit Rose. Tu viens, Bee ? On ferait mieux de choisir nos lits avant qu’elle se pointe.

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Alice et Sally accompagnèrent leurs amies dans l’autre dortoir, laissant Edie et Anastasia en tête à tête.

– Je nous ai réservé ces deux lits, dit Edie en désignant le sien et celui d’à-côté.

– Et tu m’as gardé celui qui est sous la fenêtre, dit Anastasia en la serrant dans ses bras. Oh, merci Edie !

Edie sourit. Elle savait combien ce genre de détail comptait pour Anastasia.

– Tu vas bien, Edie ? Ça n’a pas l’air, dit Anastasia en se laissant tomber avec volupté sur le lit étroit, et en levant un œil scrutateur depuis l’oreiller.

– Si, ça va. Contente d’être revenue. C’est juste…

– D’entendre tout le monde s’extasier sur ses vacances « topissimes » ?

– Même ça, ça ne me dérange pas. Ce qui me gêne, c’est quand les gens me posent des questions sur Fothy. Je ne sais pas quoi répondre.

– Tu pourrais toujours dire la vérité.

– Je sais. Mais ça m’obligerait à admettre que je préfère rester ici avec Fothy, et tout le monde me traiterait de chouchoute.

Pensive, Anastasia reprit : – Tu ne devrais peut-être pas le prendre si mal, Edie, je veux dire, tu es sa chouchoute… Eh ! s’écria-t-elle en voyant Edie se pencher sur elle comme pour la boxer. Je ne voulais pas te vexer. Je suis la chouchoute de beaucoup de monde, moi. C’est cool d’être une chouchoute. Tiens, pendant que j’y pense, 10

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­ oursuivit-elle en se rasseyant pour enlever son manteau. Ça, p c’est pour toi.

Et elle ôta l’étole de fourrure qu’elle enroula autour du cou d’Edie.

– Mais… Tu ne peux pas m’offrir ça !

– Pourquoi ? Je te l’ai achetée à Moscou. Je l’avais sur moi seulement parce qu’elle risquait d’être écrabouillée dans ma valise. Tu aimes ? C’est de la vraie, tu sais.

– Je… oui, oui, bien sûr, répondit Edie en caressant l’étole d’un geste hésitant.

Anastasia sourit.

– Papa pensait que tu étais peut-être antifourrure. Il dit que beaucoup d’Anglais font des chichis à ce sujet. Mais je lui ai dit que tu n’étais pas comme ça. Oh, Edie, regarde-toi dans le miroir – elle te va vraiment bien !

Edie essaya d’avoir l’air contente, mais elle se disait que l’étole lisse qui recouvrait sa tunique d’uniforme brune avait un petit air vivant assez inquiétant. Elle fut soulagée d’entendre la voix de Matrone à la porte ; cela lui donna une excuse pour enlever très vite l’étole.

– Bonjour, alors, voyons, qui est là ? Anastasia Stolonov, enfin ? C’est justement vous que je cherchais. Comment allezvous, ma chérie ? Bienvenue dans les murs. Maintenant, voyons voir, avez-vous défait vos valises ? D’après ce que je vois, je dirais que non. Il y a eu une inversion, mon trésor, vous n’êtes pas

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dans ce dortoir, vous êtes à Charlbury avec Rose, Belinda et Phoebe.

Campée sur le seuil, Matrone regarda les filles par-dessus ses lunettes, puis elle revint à la feuille d’instructions qu’elle tenait à la main. Elle arborait une expression chaleureuse qui changea lorsque les filles la prirent furieusement à partie.

– Qu’est-ce que vous voulez dire, une inversion ? On a toujours été dans le même dortoir !

– Vous ne pouvez pas nous séparer !

– Ce n’est pas juste ! Il doit y avoir une erreur ! Vous ne pouvez pas nous forcer !

– Silence ! Vous avez bien du toupet, répliqua Matrone. Si vous souhaitez porter plainte, faites-le auprès de Miss Fotheringay, pas de moi. Mais je peux vous assurer que ses instructions sont claires. Vous savez l’attention qu’elle porte aux listes des dortoirs.

Anastasia s’assombrit.

– Mais pourquoi est-ce qu’elle nous ferait un coup pareil ?

C’est de la méchanceté gratuite.

– C’est elle la patronne, répondit Matrone. Posez-lui la question. Et maintenant, dépêchez-vous, je vous prie. J’ai mieux à faire le jour de la rentrée que de discuter avec des deuxièmes années récalcitrantes.

– Je ne bougerai pas d’ici, dit Anastasia, fermement assise sur son lit. On fait la grève, hein, Edie ?

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– Une grève pour quoi ? demanda Alice qui revenait avec Sally.

– Elles essaient de me faire déménager à Charlbury, dit ­Anastasia.

Sally fronça les sourcils.

– Charlbury ? Qui s’installe ici, alors ?

– Une nouvelle, répondit vivement Matrone. Janet Stone.

– Il y a sûrement une erreur, dit Sally, appuyant Edie et Anastasia. Son nom figure sur la porte de Charlbury. Rose et Belinda se demandaient qui c’était. Vous savez quelque chose, Matrone ?

– Rien du tout, répondit fermement Matrone. Maintenant, Anastasia, dépêchez-vous, ou vous passerez la nuit de la rentrée à l’infirmerie.

– Je m’en fiche, fit Anastasia d’un air obstiné, mais Edie perçut que sa voix s’étranglait.

Comme Matrone quittait la pièce, elle essaya de réconforter son amie.

– Charlbury est juste en face, Ansti, et je me glisserai chaque nuit dans ton dortoir. Et au moins, comme ça, on est sûres d’être ensemble cet été. Fothy n’oserait pas nous séparer deux trimestres de suite.

– Fothy oserait tout ce qu’elle veut, répondit Anastasia en laissant échapper un sanglot.

Edie se sentit coupable. Anastasia accordait beaucoup plus d’importance qu’elle-même à l’organisation des dortoirs. Ils étaient loin, les jours où elle avait joué le rôle secret de ­protectrice 13

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auprès d’Anastasia. Mais Edie était parfois frappée de voir à quel point son amie s’en remettait à elle.

– Tu veux qu’on aille voir Fothy ? demanda calmement Edie.

On peut le faire tout de suite, avant le retour de Matrone.

– Vas-y, toi, dit Anastasia en tirant de sa valise une photo­ graphie qu’elle posa d’un geste ferme sur sa table de chevet. Tu arrives toujours à obtenir tout ce que tu veux d’elle.

– Eh bien, chère enfant, je me demandais quand j’allais recevoir l’honneur d’une visite, dit Miss Fotheringay en se levant de son bureau et en faisant signe à Edie de s’approcher.

– Je suis désolée, dit Edie d’un ton hésitant. J’allais venir, mais…

– Vous aviez vos amies à saluer d’abord, dit Miss Fotheringay.

Elle prit les mains d’Edie entre les siennes et la regarda droit dans les yeux. ­— Je comprends.

Non, vous ne comprenez pas, pensa Edie qui avait attendu avec une impatience secrète de retrouver la directrice. Pendant que les autres prenaient le thé, elle avait rôdé à travers les couloirs dans l’espoir d’une apparition de Miss Fotheringay. Mais malgré tout le temps qu’elles avaient passé toutes les deux seules pendant les vacances, Edie n’osait jamais, en période scolaire, frapper sans raison chez la directrice.

Miss Fotheringay lâcha les mains d’Edie.

– Vous n’êtes pas venue juste pour me dire bonjour, dit-elle.

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Edie se sentit mal à l’aise.

– Quelque chose vous ennuie, Edith. Dites-moi ce que c’est.

– C’est au sujet de vos listes de dortoirs, répondit Edie en rougissant.

Miss Fotheringay inclina la tête.

– Matrone est venue nous dire qu’il y avait eu une erreur et qu’Anastasia devait se mettre avec Rose et Belinda, et…

Edie s’interrompit, gênée : tout cela lui paraissait soudain puéril.

Miss Fotheringay fronça les sourcils.

– C’est exact, je crois. Oui, c’est ce que j’ai décidé.

Elle regarda Edie d’un air interrogateur, comme si elle la mettait au défi de poursuivre.

– Anastasia n’est pas contente du tout, dit Edie en rejetant la faute sur son amie.

Miss Fotheringay pinça les lèvres.

– Dans ce cas, c’est à Anastasia de venir me parler.

– C’est ce que je pensais, mais elle m’a dit qu’il valait mieux…

Edie s’arrêta, avec l’impression qu’elle envenimait les choses.

– Ce que je voulais dire, c’est que…

– Oui, Edith ? À la manière claire et froide dont Miss Fotheringay avait prononcé son nom, Edie ressentit une crampe d’estomac familière. Tous les autres professeurs s’étaient mis à l’appeler Edie, même l’Homme, mais pour Miss Fotheringay, elle restait Edith.

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« C’est le prénom que votre mère vous avait choisi, Edith », lui avait-elle dit un jour. « Je ne vois aucune raison de vous en donner un autre. » Et Edie en était contente.

– Vous n’êtes pas la gardienne d’Anastasia, Edith, reprit Miss Fotheringay. Vous pouvez la laisser se défendre toute seule, de temps en temps.

– Oui, mais…

– Vous n’êtes pas sœurs siamoises, Edith. Si ?

– Non, c’est juste… Juste qu’on préférerait toutes les deux être dans le même dortoir, c’est tout, dit faiblement Edie.

Miss Fotheringay sourit.

– Il n’y a aucun mal à cela. Mais j’ai bien peur, Edith, que ce soit mon rôle de ne pas laisser une préférence puérile se mettre en travers d’une cause plus noble.

– Quelle cause plus noble ? demanda Edie, stupéfaite.

– Enfin ! répondit Miss Fotheringay en claquant des mains.

Je craignais que vous ne me le demandiez jamais !

Elle se versa à boire et se laissa tomber sur le canapé.

– Asseyez-vous, ordonna-t-elle en tapotant la place vide à côté d’elle. Notre école accueille une nouvelle élève, poursuivit-elle en regardant Edie bien en face. J’ai accepté de l’inscrire au pied levé, et j’ai pensé que je pouvais compter sur vous pour veiller sur elle.

– Moi et Anastasia, on pourrait veiller sur elle ensemble, dit gravement Edie.

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– Anastasia et moi, corrigea Miss Fotheringay. Et vous devez me laisser être juge quant à l’efficacité d’Anastasia en la matière.

Elle n’est pas habituée à veiller sur les autres.

– Elle veille sur moi !

Miss Fotheringay leva un sourcil.

– Il va être difficile pour la nouvelle élève, Janet, d’arriver au milieu de l’année scolaire, poursuivit-elle. Et sa situation familiale n’est pas simple. Je n’étais pas sûre du tout de devoir l’inscrire. Puis j’ai pensé à vous, Edith, et j’ai estimé, en toute conscience, que je ne pouvais pas refuser d’accepter une enfant qui a peut-être autant besoin d’aide que vous à votre arrivée ici.

Edie se rappela sa première visite dans le bureau de Miss Fotheringay, plus d’un an auparavant. Elle s’était assise là, dans ce canapé, figée, hypnotisée par le regard scrutateur de Miss Fotheringay. Edie se secoua. Cette fille-là n’existait plus. Elle était plus forte, à présent.

– Maintenant dites-moi, Edith, tout s’est bien passé à Folly Farm ?

Edie haussa les épaules, mais sa gorge se serra.

– Ma pauvre enfant.

– Ça n’a pas été si terrible que ça, s’empressa de dire Edie.

J’étais juste… nostalgique de l’école.

Elle n’avait pas eu l’intention de prononcer ces mots. Elle avait imaginé, au cours des vacances, le drôle d’effet que cela ferait de les dire à voix haute – « nostalgique de l’école ». Elle avait pensé en discuter avec Anastasia, et personne d’autre, mais 17

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Miss Fotheringay avait l’art d’inciter Edie à en dire toujours plus que ce qu’elle voulait.

– Je suis navrée de n’avoir pas pu vous emmener chez mes parents, reprit Miss Fotheringay. Vous leur avez manqué à tous deux.

Tout en parlant, elle s’était levée et avait marché jusqu’à la fenêtre ; elle écarta le rideau et observa la nuit d’un air pensif.

– Comment… Comment va votre père ? demanda prudemment Edie. Elle savait que M. Fotheringay avait été malade.

La directrice ne se retourna pas.

– Avez-vous appris la nouvelle concernant la tour des Préfètes ?

– Non, répondit Edie.

La tour des Préfètes se dressait dans les bois, juste au-delà des limites du parc. C’était une cachette idéale, avec des lits superposés et une cuisine, et une fenêtre qui faisait un poste d’observation parfait dépassant la cime des arbres – mais, comme son nom l’indiquait, seules les préfètes avaient le droit de s’y rendre.

C’était dans cette tour qu’Edie et Anastasia avaient trouvé refuge pour tenter d’échapper aux ravisseurs d’Anastasia. Mais personne ne parlait plus de cette affaire à présent.

– Ce ne sera plus très longtemps la tour des Préfètes, dit Miss Fotheringay, les yeux fixés dans cette direction. Elle est vendue et va être transformée en maison. Elle a fait beaucoup jaser au village – ils vont abattre presque un demi-hectare d’arbres pour construire une vraie route d’accès, et ils vont aussi devoir bâtir un pont au-dessus de la rivière.

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Edie écarquilla les yeux, stupéfaite. Elle savait que la tour n’appartenait pas à l’école, mais à la famille Greyling, dont la fille avait été préfète principale à Knight’s Haddon l’année précédente. Les Greyling possédaient la plupart des terres environnantes, mais ils avaient toujours laissé à l’école la jouissance de la tour, même avant l’arrivée de leur fille au pensionnat.

Toutes les filles de Knight’s Haddon s’en considéraient comme les propriétaires.

– Mais… mais elle ne peut pas être vendue, balbutia Edie, sous le choc.

– Un peu de bon sens, Edith. Il s’agit d’une propriété privée.

La famille d’Helen avait le droit de la vendre, et c’est ce qu’elle a fait. Nous ne pouvons que nous estimer heureuses d’en avoir profité si longtemps.

– Mais… Mais ils ne peuvent pas abattre les arbres ! reprit Edie.

– Si, la mairie a donné son accord, dit Miss Fotheringay. Il y a des mécontents, des pétitions ont circulé, à ce que j’ai compris, mais à ce stade, toute protestation sera vaine.

– Qui a acheté la tour ? demanda Edie, curieuse.

Miss Fotheringay referma les rideaux d’un geste impatient.

– Ce sera dit en temps et en heure.

Elle se retourna vers Edie, qu’elle regarda attentivement.

– Je me demandais parfois ce que vous auriez ressenti à vous servir de la tour une fois devenue préfète – si vous le deveniez.

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Cela vous aurait peut-être fait un drôle d’effet après ce que vous y avez vécu.

Edie rougit. L’enlèvement était si rarement évoqué qu’elle se sentait mal à l’aise quand le sujet était abordé, même avec Miss Fotheringay.

– Votre père ? insista-t-elle pour changer de sujet. Est-il très malade ?

– Il l’a été, mais il a ensuite retrouvé assez d’énergie pour demander de vos nouvelles, et pour me confier ce cadeau à votre intention, répondit la directrice en tendant à Edie un paquet brun qu’elle venait de prendre sur son bureau.

Edie déballa le cadeau. C’était un exemplaire de Macbeth, de William Shakespeare. Il paraissait très ancien, avec ses lettres d’or et sa couverture en cuir qui s’effritait au niveau des coutures.

En l’ouvrant, Edie découvrit un ex-libris* avec l’insigne d’une école, et une inscription qui décernait à Michael Fotheringay le « Premier prix d’Histoire, 1945 ». Un sourire étonné apparut sur le visage d’Edie.

– Il savait que vous alliez étudier cette pièce un peu plus tard dans l’année, et il a souhaité vous donner cet exemplaire, dit Miss Fotheringay d’un ton abrupt. Filez maintenant, courez voir si on vous a laissé de quoi dîner.

*. Inscription à l’intérieur d’un livre contenant le nom de son propriétaire.

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Chapitre 2 Le mystère de la nouvelle élève Edie était contente qu’Anastasia n’ait pas assisté à sa défaite immédiate dans le bureau de la directrice. Elle l’évita pendant le dîner, et quand les autres pensionnaires se retrouvèrent dans la salle commune pour bavarder, elle se glissa seule dans son dortoir. Celui-ci était sinistre, à peine éclairé par une petite lampe restée allumée sur une table de chevet, mais la pénombre convenait bien à l’humeur d’Edie. Elle s’assit sur son lit et fixa le sol des yeux, perdue dans ses pensées.

– Euh… Est-ce-que dans cette école, on ne se dit, genre, même pas bonjour ? Ou est-ce que j’ai déjà fait quelque chose de mal ?

Edie sursauta. En se retournant, elle vit une silhouette voûtée sur le lit d’à côté.

– Oh, je ne t’avais pas vue. Tu es… la Nouvelle ?

– Ouais. Mais j’ai un prénom, aussi.

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– Je suis désolée, j’ai la tête ailleurs, c’est juste parce que tu m’as fait très peur, reprit Edie, consciente qu’elle avait dû paraître très maladroite. Tu t’appelles Janet, c’est ça ?

– Hmm, répliqua la Nouvelle. On dirait que je suis déjà célèbre ?

– N… Non, dit Edie. C’est Matrone qui en a parlé. Et il est écrit sur la porte.

– Pas sur cette porte, fit observer Janet. Ce qui est un peu étrange. Mais on m’a dit qu’il y avait eu une confusion, ce qui ne m’étonne pas, dans la mesure où l’école ne m’a inscrite qu’avant-hier, par malchance.

– Tu… n’avais pas envie de venir, alors ? demanda bêtement Edie, en dévisageant l’arrivante dans la pénombre. L’impression principale d’Edie était de taille : des bras et des jambes qui partaient dans tous les sens, comme une poupée géante qu’on aurait jetée d’un landau et qui aurait atterri étalée sur le lit. Un visage finit par apparaître à Edie, large et blanc, avec des yeux qui l’observaient derrière des lunettes à monture épaisse, et une masse de cheveux noirs. Sa voix elle-même était lourde, les mots tombant de sa bouche, épuisés, plombés par l’indignation.

– Tu m’étonnes que je ne voulais pas. Qui voudrait ? Pas de portable, pas d’Internet, pas de rien. Ça rime à quoi ? Même les gens qui vivent dans les arbres ont des portables. Et une école sans ordinateurs, je n’ai jamais entendu parler d’un truc aussi stupide.

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Edie sourit. La vision du monde moderne selon Miss Fotheringay faisait toujours beaucoup parler les nouvelles élèves. Tout gadget électronique était interdit à Knight’s Haddon. Seules les sixièmes années avaient accès à la très convoitée salle informatique, et malheur à quiconque tentait d’introduire clandestinement un téléphone portable. Miss Mannering avait le don de découvrir tout objet défendu au cours de ses redoutées inspections des dortoirs.

– Tu t’y feras vite, dit Edie d’un ton amical, en se rappelant sa propre stupéfaction devant ces règles lors de son arrivée.

– Non, murmura la Nouvelle. Un trimestre maxi, et je m’en vais d’ici.

– C’est exactement ce que je m’étais dit moi-même, mais…

– Mais te voilà toujours ici, engluée, à faire contre mauvaise fortune bon cœur. Eh bien, moi, je vais faire mieux. Je vais me débrouiller pour qu’on me jette dehors. Ça ne devrait pas être difficile si l’ambiance est aussi stricte que ça.

Edie la regarda, intriguée.

– Pourquoi tu es venue si tu vois les choses comme ça ?

Janet la foudroya du regard.

– Tu t’imagines que j’ai eu le choix ? Ma mère s’est fait embaucher à New York par un quelconque magazine débile, alors pour moi, hop, la prison ! Je serais restée avec mon père s’il n’était pas aussi…

– Quoi ? demanda Edie.

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– Pathétique, rétorqua Janet avec amertume. Mais je suppose que ce qui fait vivre les pensionnats, ce sont les parents inutiles. À quoi ressemblent les tiens ?

– Ma mère est morte, dit simplement Edie.

Janet émit un long sifflement.

– Et ton père ?

– Mort aussi.

Nouveau sifflement.

– Orpheline ! Cool !

Edie en resta stupéfaite. La plupart des gens étaient tellement gênés, quand ils apprenaient qu’elle était orpheline, qu’ils ne savaient plus où regarder.

– Quelle chance ! poursuivit Janet sans retenue. J’adorerais être débarrassée de mes parents.

– Mais tu en es débarrassée. Tu es en pension ! souligna Edie.

Puis, voyant Janet se saisir d’une canette, elle s’exclama : – Eh ! Qu’est-ce que c’est que ça ?

Janet éclata de rire.

– T’inquiète, c’est juste de la limonade. Tu veux une gorgée ?

Mais comme elle tendait la boisson à Edie, la canette lui glissa des doigts et se déversa sur le lit, qui était encore jonché des vêtements d’Anastasia.

– Ah, désolée. C’est le tien ? demanda Janet avec insouciance en soulevant un manteau éclaboussé.

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– Non, maugréa Edie. C’est celui d’Anastasia. Et ça, c’est son lit. Du moins, ça l’était. Tu devrais peut-être attendre qu’elle ait repris ses affaires avant de t’y installer.

– C’est qui, Anastasia ? fit Janet en bâillant.

– C’est moi, intervint une voix indignée. Et toi, tu es qui au juste ? Et qu’est-ce que vous fabriquez toutes les deux, assises dans le noir ? À l’instant même, la pièce s’éclaira, et en se retournant, Edie vit Anastasia debout sur le seuil. Son amie fixait Janet d’un regard noir.

Les yeux d’Edie allèrent de l’une à l’autre. Elle n’était pas à l’aise, mais au moins, la colère d’Anastasia n’était pas tournée contre elle. Maintenant qu’elle la voyait distinctement, Edie fut frappée de constater que Janet avait l’air beaucoup plus âgée.

On aurait dit une cinquième année plus qu’une deuxième, et malgré ses lunettes, il y avait quelque chose de sauvage dans son apparence, avec sa peau pâle et ses cheveux emmêlés. Elle se prélassait sur son oreiller avec nonchalance, insensible à la présence d’Anastasia, mais soudain elle bondit du lit et jeta l’étole loin d’elle en hurlant : – Aaahhh ! Qu’est-ce que c’est que ça ? Un rat ?

– Comment oses-tu ? s’écria Anastasia en ramassant l’étole tombée par terre. Hé ! Elle est mouillée ! Qu’est-ce que tu as fait ? Qui es-tu ? Fiche le camp de mon lit !

– Anastasia ! souffla Edie en faisant un mouvement désespéré des yeux vers la porte.

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Mais Anastasia, tournée de l’autre côté, n’avait pas vu surgir la directrice.

– Anastasia, venez avec moi, je vous prie, dit Miss Fotheringay.

Elle parlait sur un ton auquel même Anastasia n’osait pas désobéir.

– J’ai essayé, firent les lèvres d’Edie, sans un son, au moment où Anastasia jetait un dernier regard furieux derrière elle depuis la porte du dortoir.

– Et maintenant, on fait quoi ? demanda Janet après l’extinction des feux.

– On dort, répondit Sally.

– Ennuyeux, décréta Janet.

– Seules les ennuyeuses s’ennuient, dit Alice.

– Ennuyeux, répéta Janet. Edie ?

Pas de réponse. Janet s’assit dans son lit et jeta un oreiller vers sa voisine.

– Edie a fugué ! cria-t-elle tout excitée.

– Elle a dû se glisser dans le dortoir d’en face pour dire bonne nuit à Anastasia, ricana Sally.

– Elles sont un peu mariées, ces deux-là, expliqua Alice.

– Intéressant, dit Janet, qui se mit presque aussitôt à ronfler.

Le peignoir d’Edie avait appartenu à Tante Sophia. Il était si long qu’il tombait à ses pieds comme la traîne d’une mariée.

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Elle dut le soulever pour traverser le couloir et se glisser dans le dortoir d’Anastasia. Il n’y avait pas un bruit dans la pièce, mais elle sut tout de suite que les occupantes de Charlbury étaient éveillées. Le rideau avait été écarté, et la lumière de la lune formait une flaque par terre. Edie resta immobile le temps que ses yeux s’habituent à l’obscurité, et vit que deux lits étaient vides. Le troisième paraissait abriter le monstre du Loch Ness sous ses couvertures. Le monstre, qui avait décelé une présence étrangère dans la pièce, retenait son souffle.

– Ce n’est que moi, chuchota Edie. Aucun danger à l’horizon.

– On peut lui faire confiance ? demanda une voix étouffée.

– Méfions-nous des imposteurs, dit une autre, tandis qu’Anastasia rompait les rangs pour jeter un coup d’œil de sous sa couverture.

– Oh, Edie, soupira-t-elle. Tu me manquais tellement que Belinda et Rose ont dû venir me changer les idées.

– Est-ce qu’on a réussi ? demanda Rose en émergeant du tas de couvertures pour s’asseoir d’un côté d’Anastasia, tandis que Belinda s’asseyait de l’autre.

– Échec total, dit Anastasia d’une voix faussement éplorée.

Mais merci d’avoir essayé.

Edie avait entendu l’accusation implicite.

– Je suis désolée, Anastasia, dit-elle. Mais Fothy n’avait qu’une idée en tête, le fait que cette nouvelle avait besoin d’aide.

– Ce n’est pas l’impression qu’elle m’a donnée, à moi ! rétorqua Anastasia indignée. Mais si Fothy pense qu’elle a besoin de 27

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quelqu’un pour la tenir par la main, pourquoi est-ce qu’on n’aurait pas pu le faire toutes les deux ?

– C’est ce que je lui ai dit, mais…

– Mais ?

– Oh, je ne sais pas, fit Edie, vaincue. Tu connais Fothy, Ansti.

Elle veut sans doute juste vérifier qu’on peut survivre dans des dortoirs séparés le temps d’un trimestre.

– Elle ferait bien de ne pas essayer avec nous, dit Belinda en jetant un regard solennel à Rose.

– Qu’est-ce que vous feriez si elle le faisait ? demanda Anastasia.

Une pause s’ensuivit, le temps que Rose et Belinda réfléchissent à la question.

– Je ne sais pas, dit Rose en se recroquevillant au bord du lit, les genoux sous le menton. Mais quelque chose d’assez énorme !

– Ce n’est pas vrai. Elle vous terrifie. Elle terrifie tout le monde, reconnaissez-le, intervint Phoebe, allongée dans son lit.

– Peut-être, mais quand même, je lui tiendrais tête si elle essayait de me séparer de Belinda, répliqua Rose.

Anastasia ne dit rien, mais elle lança à Edie un regard entendu tandis que les autres regagnaient leurs lits.

Un sentiment de révolte s’empara d’Edie. Anastasia avait été impopulaire lors de son arrivée à Knight’s Haddon, mais après la tentative d’enlèvement dont elle avait été victime au cours de

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ses premiers mois à l’école*, elle était devenue la chouchoute de tout le monde, chaque fille voulant devenir son amie. Fothy a raison, pensa Edie. Anastasia peut bien s’occuper d’elle-même. Puis elle laissa tomber un petit objet lourd sur les genoux d’Anastasia en disant : – Tiens, je t’ai apporté ça.

– Mais, Edie, c’est Birdy ! Il t’appartient ! protesta Anastasia.

– J’ai pensé qu’on pourrait le partager, répondit Edie. Il peut voler d’un dortoir à l’autre, la nuit, sans aucun bruit – et si l’Homme essaie de l’attraper, il lui donnera des coups de bec dans l’œil !

Anastasia pouffa de rire. Edie connaissait son penchant pour les contes de fées et la superstition. L’idée que Birdy joue le rôle d’un messager clandestin entre les deux dortoirs, au cœur de la nuit, l’enchantait visiblement.

– Je suis désolée de faire ma grincheuse, Edie. C’est juste que le trimestre a très mal commencé, dit Anastasia en se tortillant sous ses couvertures. D’où sort ce peignoir, au fait ? demanda-t‑elle en jetant un regard désapprobateur à la volumineuse toison écarlate d’Edie. Assez hideux.

– Je sais, répondit Edie en riant. J’ai dit que j’en avais besoin d’un et Tante Sophia a sorti celui-ci de son placard. Elle m’a dit qu’il était trop laid pour elle, mais qu’il ferait l’affaire « pour

* Voir Tome 1, l’Oiseau de verre.

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l’école ». Mais il ne fera pas du tout l’affaire, je m’en rends compte. Il est impossiblement long pour moi.

– Hideux et pas pratique, dit Anastasia. Je vais demander à Papa de te trouver quelque chose de décent à Paris. Il y est en ce moment et… Eh, qui sait que mon anniversaire aura lieu samedi ?

– Ce samedi ? fit Belinda tout excitée.

L’année précédente, le père d’Anastasia avait envoyé un énorme gâteau rose, et assez de bonbons et de chocolats pour permettre à Anastasia d’organiser une fête de minuit chaque week-end jusqu’à la fin du trimestre. En raison du souvenir de ce butin, l’anniversaire d’Anastasia, cette année, était un événement impatiemment guetté par tout le monde.

Edie hocha la tête.

– Qu’est-ce qui est prévu ?

– Il devait m’emmener déjeuner à l’extérieur, expliqua Anastasia. Tout était organisé, et il avait obtenu de Fothy que je puisse inviter trois amies, mais ce soir, juste au moment où il me déposait ici, Papa a reçu un coup de téléphone, je ne sais pas de quoi il s’agissait parce qu’il parlait allemand mais c’était sûrement quelque chose d’important, et maintenant il ne peut plus venir ! Oh, c’est tellement ennuyeux ! J’aurais pu choisir mes meilleures amies et on serait toutes allées s’empiffrer à l’Old Stoke.

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– Qui est-ce que tu aurais emmené ? demanda Belinda, comme si elle voulait jouer la scène délicieuse qui se déroulait dans son esprit.

– Edie, bien sûr, dit Anastasia en commençant sa liste fictive d’invitées. Ensuite, vu qu’on est dans le même dortoir, je suppose que je vous aurais demandé à vous, et…

Edie lui donna un coup de coude, tout en faisant un geste vers la silhouette silencieuse étendue sur le lit du coin. Edie était certaine qu’Anastasia n’aurait pas souhaité la compagnie de Phoebe, mais c’était blessant de l’exclure de la fête, même d’une fête imaginaire.

– Je n’aurais pas pu venir, de toute façon, dit Phoebe en bâillant. Ma cousine se marie, et j’ai une permission de sortie pour la journée.

– Oh, eh bien, c’est dommage. Alors je suppose que j’aurais choisi Belinda et Rose, dit Anastasia en laissant de nouveau libre cours à son imagination. Et Papa m’avait dit qu’on pourrait manger tout ce qu’on voudrait. Ensuite, il nous aurait emmenées au cinéma – il avait obtenu de Fothy qu’on n’ait pas à rentrer à l’école avant le dîner. Mais maintenant, je suis obligée de tout annuler !

– Qu’est-ce que tu veux dire, annuler ? demanda Rose.

Elle se tenait courbée sur son lit, son journal intime posé sur ses genoux, son visage donnant à voir un regard fantomatique à la lueur de sa torche.

– Est-ce que ton père a dit à Fothy qu’il renonçait au projet ?

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Anastasia haussa les épaules.

– Il m’a dit de le lui dire.

– Ansti, ne lui dis rien ! souffla Rose. Si elle a déjà donné son accord, pourquoi lui dire que tout est annulé ? Est-ce que ton père devait venir lui-même à l’école ?

– Non, répondit Anastasia d’un air hésitant. Il était censé nous envoyer une voiture avec chauffeur, qui devait nous conduire jusqu’au restaurant, à dix miles d’ici. Son projet était d’arriver de Paris ce matin-là et de nous retrouver directement là-bas.

– Alors, on peut encore y aller ! s’exclama Rose avec enthousiasme. Il aura annulé la voiture, mais on peut toujours en réserver une autre. Fothy ne le saura jamais.

– Mais avec quoi est-ce qu’on paiera ? dit Edie, l’esprit pratique. En plus, l’Old Stoke ne nous laissera sans doute pas nous installer dans la salle à manger sans un adulte avec nous.

– On n’ira pas à l’Old Stoke. Les restaurants, de toute façon, c’est ennuyeux.

– Parle pour toi, dit Belinda. Où est-ce qu’on peut aller, sinon ?

– À la foire aux chevaux bohémiens, répondit Rose, très décidée.

– Qu’est-ce que c’est que ça ? demanda Edie.

– À ton avis ? soupira Rose. C’est une foire aux chevaux tenue par les gens du voyage. Elle a lieu chaque année à Parley’s Head,

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à dix miles seulement d’ici. Ma marraine m’y a déjà emmenée et je me suis tellement amusée !

– Oui ! s’écria Anastasia en battant des mains.

– Mais, Anastasia, tu es malade ! s’exclama Edie en lançant un regard atterré à son amie. Tu sais bien que ton père ne plaisante pas avec la sécurité. S’il apprend qu’on est allées là-bas sans le dire à personne, il fera fermer l’école !

– Non, parce qu’il n’apprendra rien du tout. Et Fothy non plus, ajouta Anastasia d’un ton déterminé. Alors, tu es dans le coup ou hors du coup ?

Edie sentit trois paires d’yeux fixées sur elle à la lueur de la lune.

– Dans le coup, bien sûr, dit-elle, avec plus de vaillance dans la voix que dans le cœur.

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2

C’est la rentrée au pensionnat de Knight’s Haddon et Edie et Anastasia se retrouvent avec joie. Les choses se gâtent avec l’arrivée d’une nouvelle élève, Janet.

Edie la trouve étrange et fantasque, mais la jeune fille sympathise avec elle malgré la jalousie d’Anastasia.

Quand cette dernière accuse Edie de trahison, Edie ne peut compter que sur Janet, qui est la seule à la croire innocente.

Mais Edie a-t-elle raison de lui faire confiance ? pheline attachante, une él mitié, une or èv a ’ l e d , ets par la nouvelle intrigue à sus e énigmatiq r r e t r c o p e m s e pense ue, Des aissez-vous es Mystères du pensionnat. l d

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