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UNE COLLECTIVITÉ ET UNE SOLIDARITÉ INDISPENSABLE (p

L’ÉCOLOGIE SOCIALE

UNE COLLECTIVITÉ ET UNE SOLIDARITÉ INDISPENSABLE

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Dans les années 1960, le milieu architectural aborde un véritable tournant. Avec la création de la team X en 1959 et la fin des CIAM, le mouvement moderne s’efface et laisse peu à peu la place à un nouveau courant de pensée : le post-modernisme. En effet, après une longue période de conception axée sur des principes tels que la modernité, l’innovation, la rationalisation et l’économie de moyens, l’architecture passe de la considération d’un homme universel à celle d’un homme unique, auquel il faut davantage prêter attention. Dans les années 70, le statut de l’architecte change. De plus en plus, il se tourne vers l’usager et s’intéresse aux différentes manières d’habiter. Il s’approprie les outils des sciences humaines et sociales, libérant ainsi l’architecture de la simple question de la composition, pour s’orienter vers l’anthropologie et la compréhension du tissu social.8 En France, à la suite des mouvements étudiants de mai 1968, voient alors le jour de nombreux collectifs d’architectes, définis d’« agitateurs urbains », proposant une nouvelle vision de l’architecture, une architecture qui s’intéresse à l’homme et à l’usager, une architecture collective et alternative. A la même époque, plusieurs mouvements écologiques s’interrogent alors sur la place de l’homme de manière plus générale dans la société. L’écologie sociale, mouvement d’écologie politique faisant partie de l’écologie radicale, en est le principal.

« L’écologie sociale est un mouvement d’écologie politique né dans les années 1960. On pourrait le définir sur deux plans : d’un il s’agit d’une vision théorique, et même philosophique, sur l’écologie, qui postule que

8 Référence de cours n°7

9 LAGNEAU Antoine, « Écologie sociale et transition », Mouvements des idées et des luttes n°75, « La transition, une utopie concrète ? », 2013 les problèmes écologiques (de nature biologique) découlent de problèmes sociaux. Cela veut dire que si on observe une crise écologique aujourd’hui, c’est parce que la relation humains/nature dysfonctionne. Tous les écologistes semblent en accord sur ce point. Mais l’écologie sociale va plus loin et dit que, si cette relation humains/nature a penché vers l’exploitation à outrance, sans égards aux cycles naturels et aux conséquences, c’est parce que la relation humains/ humains dysfonctionne. Murray Bookchin [militant américain fondateur de l’écologie sociale] a cherché à montrer que l’idée de dominer la nature découle de la domination de l’humain sur l’humain (de l’homme sur la femme, du riche sur le pauvre, du vieux sur le jeune, de celui qui sait sur celui qui n’a pas la connaissance, etc.). Il faut donc résoudre ces problèmes sociaux – que l’écologie sociale analyse comme étant avant tout des problèmes de domination – pour voir émerger une société en relation « organique » et non destructrice avec la nature».9 (Antoine Lagneau, 2013)

L’écologie sociale se définit alors comme une écologie politique basée sur le communautarisme cherchant à résoudre du même coup les problèmes environnementaux et sociaux. Ainsi, abolir toute forme de domination implique alors une réinvention de la vie en communauté, une mise en avant des valeurs telles que la solidarité et le partage, notamment par le biais d’une architecture sociale qui favorise la notion de collectivité dans le projet. La notion de collectivité se divise selon moi en trois niveaux différents. J’entends tout d’abord par architecture collective une collaboration évidente entre l’architecte et l’usager, par le biais d’une architecture participative. Née à la fin du XXe siècle face à la standardisation et la planification réprimant la spontanéité de l’individu, l’architecture participative vient replacer l’homme au cœur de la société et de la fabrication de la ville en incluant le citoyen dans le processus de conception du projet. Bien que relativement plus ancienne, c’est

Architecture participative, «le parc de la carraire», 2014, Marseille, Collectif ETC, fig.4

10 Référence de cours n°5

11 «Le vivre ensemble se définit comme les échanges et relations entre les individus dans une volonté de justice et d’égalité pour l’accès à la parole et à l’action», Réseau des Maisons de l’Architecture «De l’intérêt de transmettre une culture architecturale et urbaine», archipedagogie.org, 2008 à cette période qu’elle devient théorisée, et elle est aujourd’hui devenue un véritable outil aussi bien dans la conception et la construction du projet que dans la création d’une nouvelle manière de vivre en communauté. De la concertation à l’acquisition d’un certain pouvoir de décision, les habitants, définis par le terme « maîtrise d’usage », sont impliqués de manière active par les agences qui en font le choix, dans la création ou la rénovation de leur environnement. L’architecture participative se construit sur plusieurs objectifs: elle invite principalement à la collaboration et au partage, visant la création d’une architecture de qualité adaptée aux attentes des usagers, et rejoint également l’architecture durable dans le sens où elle sensibilise l’habitant au respect de ce qu’il aide à concevoir. La participation est un engagement militant, modifiant le rôle de l’architecte, donnant une place privilégiée au dialogue et à la concertation. Ce qui est intéressant dans l’architecture participative, c’est non seulement l’intérêt qu’elle porte à la place de l’usager dans le projet, une volonté d’écoute si forte qu’elle le questionne directement, mais c’est surtout l’impact créé chez l’usager par son intégration à une démarche de conception collective. En le sollicitant, elle le rend acteur et responsable de son environnement et favorise ainsi un respect et un meilleur fonctionnement de l’espace produit. Elle est aujourd’hui largement mise en pratique, de différentes manières et à différents niveaux, dans de nombreuses agences et collectifs, comme ETC, Bellastock, BazarUrbain, Na architecture, Construire, etc... qui en sont encore aujourd’hui les principaux acteurs en France.10 (fig.4, fig.5)

A une autre échelle, en plus d’une collaboration entre l’architecte et l’usager, l’architecture collective signifie également pour moi une collaboration d’usager à usager. Par le biais d’habitats groupés, partagés et/ou participatifs, les projets collectifs prennent aujourd’hui de nombreux aspects. Basés sur les notions du vivre-ensemble11 et souvent de

12 CONNAN Yves, 2012, L’habitat groupé participatif, éd. OuestFrance l’autoconstruction, ils consistent à acheter un terrain de manière collective et par la suite à mutualiser certains espaces, (buanderies, jardins, ateliers, etc...) dans le but de favoriser l’autonomie de chacun tout en créant des lieux de partage et de communauté. Ce sont en général des projets « où l’écologie va de soi et où le maître mot est solidarité »12 (Yves Connan, 2012) A Gap, dans les Hautes-Alpes, a vu le jour récemment un projet d’habitat groupé, sur l’initiative de Romuald Marlin, architecte spécialisé dans la construction en bois, et d’amis à lui souhaitant partager leur lieu de vie. Le projet étant basé sur une vraie collectivité, le terrain a été acheté en commun, les espaces extérieurs et quelques pièces intérieures sont partagés, et tout a été réalisé en co-construction. Le projet collectif implique ainsi une solidarité et une ouverture d’esprit, et permet, en même temps que de recréer une vie en communauté, de valoriser les savoirfaire de chacun en démontrant qu’il est possible de construire avec ses propres ressources. Ce genre de projet demande en général beaucoup d’organisation, car il n’est jamais facile de confronter les manières de travailler et les niveaux d’exigence de chaque habitant. En plus de son caractère collectif, le projet est entièrement construit de manière écologique et bio-climatique, dans une optique d’économie d’énergie et de matière. Il s’inscrit, par son éthique, dans une architecture durable car il favorise le respect, des uns et des autres mais aussi de la planète, par le biais d’un engagement social et écologique. (fig.6, fig.7)

Enfin, si la collaboration usager/usager est fondamentale, la collaboration d’architecte à architecte ou bien d’architecte à artisan est également l’un des principes fondateurs d’une architecture collective. Pour moi, « faire ensemble », signifie en effet faire avec tout le monde : l’architecte, la maîtrise d’oeuvre, la maîtrise d’ouvrage, l’artisan et l’usager. Si se rassembler permet d’abord de faire entendre sa voix en étant plus nombreux, de faciliter un relais dans la réalisation de

projets chronophages, de mobiliser une plus grande quantité de compétences, cela vise surtout à inclure tous les acteurs dans le processus de conception. Travailler ensemble et partager ses points de vue crée un nouvel espace des possibles. Un projet collectif constitue pour moi une vraie interaction au sein de l’équipe de maîtrise d’œuvre ainsi qu’une considération forte pour chaque corps de métier. Il cherche à laisser une place à la parole de chacun dans le but de créer une vraie démocratie et une vraie richesse dans sa réalisation. A ce propos, dans son ouvrage « Construire Autrement »13, le constructeur et scénographe Patrick Bouchain se questionne sur le rôle de chacun dans le processus de conception. Selon lui, le projet dessiné par l’architecte en dit trop et ne laisse pas assez de place à l’interprétation des différents acteurs, qu’ils s’agisse des constructeurs ou des usagers. En comparant le processus de création architectural à la création d’une œuvre musicale ou théâtrale, il démontre le manque de « répétition » et d’expérimentation propre à l’architecture et soulève l’importance de ce qu’il appelle le « non-voulu », autrement dit la liberté attribuée à chaque acteur de pouvoir transformer et interpréter le projet, sans que l’architecte y ai forcément pensé. Il suggère : « l’architecture doit indiquer l’acte qui doit être réalisé plutôt que de le commander, dire ce qu’il faut atteindre et non ce qu’il faut exécuter».14 (Construire autrement, p.65) Dans sa pratique, ce principe se traduit par une réinterprétation du principe du 1% artistique instauré par Jean Zay en 1936. Dans la construction d’un bâtiment public, ce principe consiste à prélever 1% du budget pour le consacrer à la commande d’une œuvre artistique, dans l’optique de valoriser l’art et la culture dans l’espace public. En l’appliquant à d’autres domaines, Patrick Bouchain fait écho aux principes des trois écologies. En effet, si le 1% artistique tient plutôt de l’écologie mentale, le 1% solidaire et le 1% scientifique s’inscrivent dans une démarche sociale et politique et

13 BOUCHAIN Patrick, 2008, Construire autrement, éd. Actes Sud, coll. L’impensé

14 Ibid.

15 BOUCHAIN Patrick, 2008, Construire autrement, éd. Actes Sud, coll. L’impensé, p.127

16 Ibid. dans la volonté d’une architecture alternative. “Le 1% ne circonscrit donc pas un domaine d’études, mais propose un temps, le temps d’essayer, celui qu’on ne prend jamais, en profitant du temps suspendu et ouvert de la construction, situé quelque part en aval de la décision et en amont de l’utilisation” 15 (Joseph Confavreux, p.127) De manière générale, ces 1% consistent à financer un temps d’expérimentation sur le chantier, favorisant par exemple une réinsertion sociale en proposant des postes dans une cantine aménagée le temps des travaux (1% solidaire) ou la recherche de nouvelles technologies de traitement de l’eau non-polluantes dans le cas de la rénovation de la piscine de Bègles en 2006 (1% scientifique). Patrick Bouchain précise que ce principe pourrait encore être élargi vers le domaine de l’éducation et de la vieillesse, en consacrant 1% du budget à la création d’espaces de formations au cœur du chantier ou à la sollicitation de personnes âgées dans le processus de conception, pouvant transmettre leur sagesse. La généralisation du 1% artistique reprend les différents piliers de la “sobriété heureuse” définie par Pierre Rabhi. Il constitue ainsi un véritable exemple de collectivité dans le projet, une autre façon de construire et permet une expérimentation grandeur nature en répondant à de nouveaux questionnements par des situations indédites. Il favorise une relation de confiance plutôt qu’une relation encadrée, car offrant une liberté de création à chacun, il n’est jamais sûr du résultat et prend ainsi le risque d’une véritable création de groupe. « Laisser l’architecture ouverte pour que quelqu’un qui s’en sert prenne sa place et la transforme est une manière de faire participer l’usager à la transformation de l’œuvre et de lui permettre, par ce travail, d’en faire une critique positive. Par son apport constructif, il faut retrouver cette liberté à laquelle tout créateur prend le risque de produire quelque chose d’inattendu. A vouloir ne prendre aucun risque, on ne produit rien ».16 (Construire autrement, p.74)

volonté d’architecture collective qui rappelle en moi un fabuleux brassage entre les corps de métiers auquel j’ai toujours assisté grâce à mon père, ingénieur du son, que je n’ai cessé de voir travailler en collaboration avec des musiciens, des réalisateurs, des vidéastes, des photographes, des producteurs, des scénographes, des metteurs en scène, des chanteurs, des chefs d’orchestre… J’ai toujours trouvé extraordinaire qu’il faille tous ces gens pour mener à bien la réalisation d’un projet. Ce mélange se retrouve en architecture, et quand il donne la parole à chacun, il rend possible des choses fascinantes.

A une toute autre échelle, cette volonté d’une architecture sociale, collective et solidaire se traduit par un engagement humanitaire et une implication dans la réalisation de projets sur des territoires en crises ou dans le besoin. J’ai eu la chance, lors de mon stage de première pratique, réalisé chez Julien Tatéossian à Lyon, de participer au projet d’Architectes Sans Frontières « Foyer Espérance » situé à Kinshasa. C’est un peu par hasard que je me suis retrouvée dans cette situation, car j’avais en fait plutôt ciblé ma recherche de maître de stage sur la question de la scénographie et de l’écoconstruction, mais cette expérience a été déterminante. Le projet « Foyer Espérance » porté par la délégation lyonnaise de l’ONG Architectes Sans Frontières et la Conférence St Vincent de Paul St Camille de Vaise, a pour objectif la réhabilitation et la construction d’une école, d’un orphelinat et d’un centre de santé dans la commune urbano-rurale de N’sele à Kinshasa. Le projet porte sur l’amélioration et la pérennisation de ce foyer, fondé et dirigé par le Père Willy Okey, qui offre un toit et un accès à l’éducation aux enfants de l’orphelinat et des quartiers voisins. L’idée principale du projet est de privilégier les potentialités locales, en terme de ressources et d’acteurs, et de favoriser une construction

écologique, dans un objectif d’exemplarité sur le plan social et environnemental. (fig.8) Architectes Sans Frontières constitue un exemple d’engagement en tant qu’architecte. L’ONG se tourne vers les situations de crises et répond aux besoins sociaux tels la construction d’écoles, d’orphelinats, etc... en mobilisant de nombreux moyens humains et matériels. Elle cherche à offrir une certaine qualité de vie et une certaine qualité architecturale là où ce n’est pas toujours une évidence. Les membres d’Architectes Sans Frontières sont bénévoles, ils prennent tous de leur temps pour se réunir et mener à bien des projets dans le monde entier. De plus, une grande qualité que je trouve à ASF est qu’ils ne se positionnent pas directement en tant que constructeur mais participent plutôt à la mise en route du projet (financements, études et analyses, communication, etc...), tout en valorisant une conception et une construction par des architectes et entreprises locales dans les différents pays. L’engagement humanitaire est une pratique que j’aimerais un jour exercer par le biais de l’architecture. Je l’imaginais assez sous la forme d’une ou deux années consacrées uniquement à ça après mon diplôme, me permettant ainsi de m’engager dans une association et de partir à l’étranger, comme le propose par exemple l’association Rock and Wood, mais la forme plus permanente du bénévolat en parallèle d’une pratique en agence me semble tout aussi pertinente.

Mettre en valeur ces notions de solidarité et de collectivité me semble primordial, et cela commence en général dès le plus jeune âge. En se tournant vers l’éducation et en sensibilisant le jeune public au fonctionnement de l’espace dans lequel il vit, la transmission d’une culture architecturale se positionne comme un outil de l’écologie sociale. Éduquant au respect et au partage de l’espace, non pas seulement de manière théorique mais en considérant l’enfant directement comme un acteur de la conception et de

RÉPULIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO

«UN EXEMPLE SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL» FOYER ESPÉRANCE N’SELE, KINSHASA

RÉHABILITATION ET CONSTRUCTION D’UN ORPHELINAT, D’UNE ÉCOLE ET D’UN CENTRE DE SANTÉ

17 RABHI Pierre, 2010, Vers la sobriété heureuse, Pierre Rahbi, éd. Babel essai, p.121

18 DION Cyril, LAURENT Mélanie, Demain [DVD], film documentaire, éd. francetv distribution, 2015, durée : 115 minutes la construction de petits projets, elle s’inscrit également dans une volonté de ré inventer l’architecture scolaire pour l’adapter à la transmission de ces valeurs actuelles.

L’éducation, en tant que fondement de la société, possède un rôle non négligeable dans la transformation de nos modes de pensées. Considérée comme l’un des piliers fondamentaux de la « sobriété heureuse »(Pierre Rabhi, 2010), c’est en effet là que tout commence, et c’est là que les choses peuvent évoluer. Comme l’indique Pierre Rabhi, « le changement de logique ne peut se réaliser sans que l’on revoie de fond en comble l’éducation des enfants »17 (p.121). En effet, la notion d’éducation et aujourd’hui en partie controversée. De manière générale, elle tend à formater l’individu, dans un climat basé sur la concurrence et la compétition. Plutôt que d’aliéner l’individu en créant en lui l’angoisse d’échouer, l’éducation doit se tourner davantage vers l’apprentissage de la pensée, de la critique, de la création et de la gestion des émotions : en somme, vers une pédagogie de l’être et non de l’avoir. Elle doit donner confiance au sentiment d’être au monde chez l’enfant, en créant l’enthousiasme d’apprendre, notamment par le biais d’un apprentissage par le faire, qui sollicite les capacités de l’enfant et développe sa créativité. L’école, en tant que lieu et institution, constitue alors un moyen privilégié dans la transmission de ces valeurs. Dans le film documentaire Demain18, réalisé par Cyril Dion et Mélanie Laurent en 2015, est prise pour exemple l’école Kikkojarvi (Espoo, Finlande), qui de manière alternative propose une nouvelle façon d’apprendre et d’éduquer. De manière non compétitive, elle offre un enseignement sans évaluation qui invite à travailler de manière collective et à apprendre les uns des autres. Dans cette école où le mot éducation est entendu au sens large, les enseignants sont proches de leurs élèves dans l’optique de créer un climat de confiance et d’égalité, et de susciter, chez l’enfant, un véritable intérêt pour l’école. L’école instaure ainsi des principes

simple comme partager les repas entre enseignants et élèves, ou enlever ses chaussures à l’entrée pour se sentir chez soi et en confiance, ce qui questionne par exemple dans ce cas, en terme d’architecture, la question du traitement des sols. En effet, la transmission de ces valeurs de partage, de solidarité et d’égalité résonne en architecture. Favorisée par l’espace dans lequel elles prennent vie, elles invitent aujourd’hui à repenser l’architecture scolaire, encore trop adaptée à des valeurs anciennes basées sur le pouvoir et la compétition. Ainsi, l’architecture peut permettre, par la création d’espaces d’apprentissages plus ouverts et flexibles, à dépasser le système éducatif actuel pour se tourner vers «l’école de demain».19

En travaillant sur cette question, l’architecte vient se confronter à un usager peu habituel : l’enfant. Comment la collaboration entre architectes et enfants peut elle alors participer à une transformation de l’architecture scolaire, vers la création de l’école de demain ? En intégrant l’enfant au processus de conception, notamment dans l’architecture scolaire, par la réalisation de petits projets au sein même des écoles, l’architecture peut participer à la transmission de valeurs telles la collectivité, le partage, le respect et la solidarité. Ainsi acteur de son environnement proche, l’enfant sensibilisé devient plus responsable et respectueux de l’espace qu’il a participé à créer, favorisant ainsi un meilleure compréhension et un meilleur fonctionnement de son lieu de vie. De plus, en travaillant avec son « usager », l’architecte est alors plus à l’écoute de ses besoins, notamment en terme d’apprentissage. L’espace scolaire en devient ainsi plus adapté. Dans un apprentissage mutuel, la collaboration entre architecte et enfant permet alors du même coup un renouvellement progressif de l’espace scolaire. De nombreux exemples, comme le workshop « Dubois en chantier»20 au collège Pierre Dubois (Seyssinet-Pariset, 38) mettent aujourd’hui en pratique cette collaboration. En sensibilisant l’enfant à l’architecture, ils s’inscrivent

19 Références de cours n°6

20 A Seyssinet-Pariset (38), se déroule dans le collège Pierre Dubois, de septembre 2017 à mai 2018 une résidence du collectif d’architectes Lieu-dit, visant à la création d’un projet participatif avec les élèves afin de les impliquer dans la réalisation de micro projets dans leur établissement. En plus d’avoir beaucoup à s’apprendre en travaillant ensemble, l’architecte et l’enfant viennent alors, à travers cette démarche, influencer et renouveler l’espace scolaire. «Le collège Pierre Dubois mis en chantier par ses propres élèves : quand les collégiens deviennent experts de leur environnement», Ensag actualités, grenoble.archi.fr, mis en ligne le 09 novembre 2017, URL: http:// www.grenoble.archi.fr/ residence-dubois.php

dans une démarche propre à l’écologie sociale et constituent, pour moi, une manière privilégiée d’en transmettre les valeurs tout en en assurant en même temps la pérennité dans la réorganisation de l’espace.

Ainsi, « par la promotion de citoyennes et citoyens acteurs et gestionnaires de leur communauté» (Portail francophone de l’écologie sociale), l’architecture collective et solidaire, notamment par sa sensibilisation auprès du jeune public, et la transformation de l’architecture scolaire sont les champs d’actions d’une architecture qui fait société et une mise en pratique des valeurs de l’écologie sociale. Cependant, si l’écologie sociale vise à réinventer le « vivre-ensemble » et les liens sociaux pour un meilleur fonctionnement de la vie en société, elle n’est alors possible que si l’homme, avant d’être en harmonie avec les autres, est en harmonie avec lui même.

L’ÉCOLOGIE SOCIALE, RÉFÉRENCES DE COURS

5/ TRANSITIONS ÉCO-POLITIQUES DE L’URBAIN CONTEMPORAIN, THÉA MANOLA (LICENCE 3, 2017/2018): Cet enseignement nous a présenté différentes manières d'envisager l'architecture à l'heure de la ville en transition. Il m'a fait découvrir la notion d’architecture participative et a introduit une question nouvelle, celle du collectif d’architectes et des agences aux pratiques alternatives. Le dossier que nous avions à réaliser, sur le rapport des collectifs à la participation, m’a permis de découvrir un grand nombre de collectifs français ainsi que leurs pratiques, dans lesquelles je me retrouve et qui m'ont aidé à définir ma vision de l'architecture.

6/ MÉTHODOLOGIE DE L’ÉCRITURE, CÉCILE LÉONARDI, ENCADRÉ PAR MAËLYS TOUSSAINT (LICENCE 3, S5SA, 2017/2018): Dans le cours de méthodologie de l’écriture proposé au premier semestre de L3, j’ai choisi de m’intéresser à la question de l’architecture scolaire car j’avais entenu parlé à plusieurs reprises des lacunes du système éducatif français, aujourd’hui sources de polémiques. Il est reconnu que l’école, à la fois institution et architecture, construite sur plusieurs siècles, s’est figée en un modèle unique et rigide, celui du XXème siècle, non adapté à la transmission de valeurs actuelles. De ces différents faits nous vient la volonté de comprendre le rôle de l’architecture dans l’éducation. En repensant globalement l’espace d’apprentissage, en inventant une nouvelle architecture scolaire, il semblerait que l’architecture puisse contribuer à la construction d’un meilleur système éducatif en France. Comment la collaboration entre architectes et enfants peut elle participer à une transformation de l’architecture scolaire, vers la création de l’école de demain ? Cet article interroge sur une collaboration architecte/enfant qui permettrait à la fois de sensibiliser davantage le jeune public à la compréhension de son espace de vie, en lui attribuant un rôle dans la construction de son environnement, mais également de participer au renouvellement de l’architecture scolaire en la rendant plus adaptée à la transmission de valeurs actuelles.

7/ «HISTOIRE ET CRITIQUE DE L’ARCHITECTURE, CULTURES CONTEMPORAINES», SOPHIE PAVIOL ET STÉPHANIE DADOUR (LICENCE 3, S6SH, 2017/2018): Ce cours proposait une réflexion sur l’évolution de l’architecture au XXème siècle, notamment en abordant la pratique de grands architectes. Il approfondissait de manière plus claire la transformation progressive qu’a subit l’architecture dans cette période, en ré-expliquant clairement le basculement du modernisme vers le postmodernisme et en présentant les débats et les critiques soulevés par beaucoup d’architectes. Il m’a permis, en présentant l’évolution de la place de l’habitant dans la conception architecturale, de mieux comprendre que c’est dans ce tournant que l’architecte s’est tourné vers un rôle beaucoup plus social et politique qu’auparavant.

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