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LA VILLE, À LA SOURCE D’ADAPTATIONS SURPRENANTES

• PAR FANNY ROHRBACHER

En bâtissant des villes, l’humain modifie l’environnement et crée des habitats uniques. Certains végétaux, oiseaux, insectes tirent parti de ces changements de façon impressionnante. Zoom sur quelques espèces.

UNE OPPORTUNITÉ POUR CERTAINES ESPÈCES VÉGÉTALES ?

D’après certaines études, le pissenlit, l’herbe à puce et l’herbe à poux tireraient bénéfice de l’augmentation du CO 2 dans l’air. Absorbé par les végétaux lors de la photosynthèse, le CO 2 présent en plus grande concentration dans les villes risque d’augmenter considérablement le nombre d’inflorescences et de semences du pissenlit d’ici la fin du XXI e siècle. D’autre part, l’herbe à puce deviendrait plus toxique en développant une forme plus allergénique d’urushiol (la substance responsable d’une douloureuse inflammation de la peau). L’herbe à poux produirait également plus de pollen, ce qui la rendrait plus allergène.

DES HIRONDELLES DE HAUTE VOLTIGE

Le cas de l’hirondelle à front blanc est un exemple typique d’adaptation urbaine. Celle-ci utilise les ponts d’autoroute et les viaducs comme sites privilégiés pour construire son nid. En se retrouvant en bordure de route, l’hirondelle vit au plus près du danger de collisions avec des véhicules. En quelques décennies, les individus ayant des ailes plus courtes et arrondies ont été favorisés et se sont multipliés. Grâce à ces ailes, l’hirondelle réalise des décollages verticaux plus rapides et des virages plus efficaces afin d'éviter les véhicules. Cette évolution lui a permis de survivre bien mieux que ses congénères aux ailes plus longues, moins habiles.

UN DÉFI DE TAILLE POUR CERTAINS INSECTES

Plus chaud que la campagne, le milieu urbain influence une caractéristique clé des insectes : leur taille, que ce soit à la hausse pour certaines espèces ou à la baisse pour d’autres. En effet, lorsque la température est plus élevée, les insectes dépensent plus d’énergie pour vivre. Par conséquent, certains d’entre eux, comme des scarabées et des charançons, grandissent moins s'ils ne peuvent pas compenser par leur diète les pertes énergétiques liées à leur croissance. À l'inverse, la hausse des températures associée à des saisons de croissance plus longues pourrait permettre à d’autres espèces d'obtenir plus de ressources et de grossir, comme le puceron russe du blé. Ces deux mécanismes peuvent agir en même temps, se compenser ou s’annuler. Face à des insectes plus petits ou plus grands, comment évolueront leurs prédateurs ? Seul l’avenir le dira.

DES OISEAUX URBAINS MOINS FAROUCHES

Dans toutes les villes du monde, les oiseaux tolèrent de mieux en mieux la proximité des humains. Cette adaptation comportementale est même parfois inscrite dans leur ADN, et donc transmissible aux générations suivantes. Chouettes des terriers argentines, merles communs européens, cygnes noirs australiens… Face à l'arrivée d'un piéton, ces oiseaux devenus urbains fuient plus tardivement et sur une moins longue distance que leurs congénères volatiles campagnards. La foule urbaine influencerait l'évolution de leurs gènes d’anxiété et de méfiance, jusqu’à diminuer toute crainte envers d'éventuelles menaces.

TISSER SA TOILE EN VILLE

En milieu urbain, certaines araignées n’ont plus peur de sortir de leur petit coin sombre. La malmignatte des maisons, cousine de la veuve noire, semble s’être adaptée à la lumière de l’éclairage public. Alors que les jeunes araignées campagnardes évitent les lieux éclairés et tissent leurs toiles dans la pénombre, les juvéniles urbaines les tissent à la lumière. Ce comportement leur permettrait de capturer les nombreuses proies attirées par la lumière, telles que les papillons de nuit, un mets de choix pour les malmignattes. Cette adaptation à la lumière artificielle s’avérerait maintenant largement ancrée dans l’ADN de ces populations spécifiques. Un comportement qui ne semble toutefois pas être partagé au sein du grand groupe des araignées.

HUMAIN DES VILLES, HUMAIN DES CHAMPS

Rapide et persistante, l’urbanisation influence l'évolution de notre espèce. Une sélection naturelle peut s’opérer à la suite d’épidémies : des populations qui vivent depuis longtemps dans des zones urbaines sont mieux adaptées pour résister naturellement à certaines infections, comme la lèpre ou la tuberculose. Dans le futur, la pollution extrême des mégalopoles pourrait également jouer un rôle sur notre génome, en activant ou en désactivant certains de nos gènes ou en engendrant des mutations. Par exemple, un quart des Argentins de San Antonio de los Cobres sont actuellement porteurs de mutations qui leur permettent d'assimiler l'arsenic présent dans leur eau potable. En bref, à travers le monde, les génomes des populations évoluent et continueront d'évoluer par rapport à la vie urbaine.

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