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LE PETIT MONDE DE L’ASCLÉPIADE
• PAR MARIE-ÈVE ANDRÉ ET LUCILE PIC
Au cours de leur histoire évolutive, insectes et végétaux ont tissé d’intimes relations, entre eux et avec le monde qui les entoure. L’asclépiade, dont il existe une douzaine d’espèces au Canada, étonne par l’efficacité de ses adaptations pour freiner l’impact des herbivores sur sa croissance. Latex gluant, molécules toxiques, tous les moyens sont bons pour éviter d’être dévorée ! À leur tour, quelques insectes ont réussi à contrer ses défenses. C’est ainsi que l’asclépiade et sa mini communauté s’influencent mutuellement : une coévolution complexe qui se façonne depuis des millions d’années…
LE LATEX
En guise de protection, l’asclépiade produit un latex collant et visqueux qui s’écoule copieusement au moindre dommage à ses feuilles ou à ses tiges. Par exemple, si la plante est grignotée par un insecte, un flot abondant de latex dégouline immédiatement sur l’herbivore et adhère à ses mandibules ou à ses pattes… Peu pratique quand on veut casser la croûte ! Bien des insectes choisissent donc de poursuivre leur quête alimentaire ailleurs.

PHOTO Espace pour la vie (Sonya Charest)
PHOTO Espace pour la vie (Sonya Charest)
LES COMPOSÉS TOXIQUES
Les tissus de l’asclépiade contiennent des composés toxiques nommés «cardénolides». En plus de leur goût amer, ces molécules ont des effets désagréables lorsqu’ils sont ingérés par les animaux : palpitations cardiaques, nausées, ralentissement de croissance, etc. Les cardénolides sont présents en différentes concentrations dans plusieurs parties de la plante, des racines aux feuilles, en passant par les tiges. Cela dit, c’est le latex qui en contient le plus ! Il est ainsi d’autant plus efficace pour repousser les mangeurs de feuilles.
AFFICHER SES COULEURS
Les insectes qui accumulent les cardénolides dans leur corps affichent souvent des couleurs vives et des motifs contrastés comme des rayures ou des taches. Ces couleurs dites « aposématiques » permettent de signaler leur toxicité à des prédateurs potentiels. Ces derniers apprennent rapidement à reconnaître les couleurs éclatantes de ces insectes pour mieux les éviter.

PHOTO André Sarrazin
L’ADAPTATION À LA TOXICITÉ
Quelques insectes ont développé une résistance aux composés toxiques. Ils tolèrent les cardénolides et ressentent peu d’effets physiologiques à la suite de leur consommation. D’ailleurs, certains insectes sont de grands spécialistes de l’asclépiade et ne se nourrissent d’aucune autre plante. C’est le cas de la chenille du monarque, mais aussi de quelques autres insectes, par exemple la chrysomèle, le longicorne et l’arctiide de l’asclépiade. En outre, ces insectes vont jusqu’à emmagasiner les cardénolides dans leur propre corps pour devenir eux-mêmes toxiques. Ils font d’une pierre deux coups : se nourrir et se protéger des prédateurs.

PHOTO André Sarrazin

PHOTO Espace pour la vie (Sonya Charest)
PHOTO André Sarrazin
LE NECTAR
Le nectar des fleurs d’asclépiade contient une faible concentration de cardénolides. Il est donc consommé par un plus grand nombre d’espèces que les feuilles. Des pollinisateurs généralistes comme les bourdons y butinent de temps à autre. Le monarque adulte se nourrit aussi du nectar de l’asclépiade, mais pas exclusivement, à la différence de la chenille. On peut ainsi l’observer butinant sur une myriade d’autres fleurs.

PHOTO André Sarrazin
PARTEZ EN MISSION !
Vous désirez vous familiariser davantage avec cette plante et la surprenante communauté d’insectes qui l’habite ? Participez à Mission monarque ! Il s’agit d’un programme de science participative coordonné par l’Insectarium. Il suffit de trouver de l’asclépiade, de compter les œufs et les chenilles de monarque qui s’y trouvent et de consigner vos observations sur mission-monarque.org. C’est simple, amusant et très utile pour étudier la reproduction du monarque. En effet, les données sont analysées par les scientifiques pour mieux comprendre l’habitat de reproduction de ce papillon emblématique.