AVANT-PROPOS
Pour la huitième édition du Mois européen de la photographie au Luxembourg, nous avons choisi le titre “Rethinking Nature / Rethinking Landscape”. Les thèmes qu’évoque ce titre sont évidemment liés aux questions actuelles concernant les relations humaines avec l’environnement et aux nouvelles approches esthétiques du paysage, genre que la photographie a su mettre en valeur dès ses débuts.
Avec les positions plus radicales des artistes du mouvement des New Topographics dans les années 60, et l’arrivée du numérique dans les années 90, les codes de représentation du paysage ont radicalement changés de sorte à faire émerger aujourd’hui de nouvelles approches paysagères multi-médiales.
Alors que les transformations du système terrestre par l’homme laissent une empreinte indélébile, il est d’actualité de s’intéresser aux nouvelles façons de voir ces phénomènes aussi bien du point de vue sociétal, dans le contexte de l’Anthropocène, qu’artistique dans un dispositif de photographie politique et engagée.
Ancré dans un réseau européen de festivals de la photographie, depuis 2006, avec une nouvelle constellation comprenant Circulation(s) (Paris), Imago Lisboa (Lisbonne), Foto Wien (Vienne) et Europäischer Monat der Fotografie (Berlin) - le Mois européen de la photographie au Luxembourg
permet d’établir une plateforme de la création photographique européenne qui s’enrichit d’édition en édition par rapport au thème imposé et à partir de laquelle émergent des expositions thématiques de groupe et monographiques.
Ainsi, avec Rethinking Nature / Rethinking Landscape EMoP poursuit ses recherches photographiques sur les changements politiques, écologiques et artistiques de notre société, présentées notamment dans les expositions Mutations (2006-2011) et DistURBANces (2012-2013), en révélant de nouvelles positions photographiques face aux enjeux de la mondialisation et du réchauffement climatique.
Néanmoins, comme pour les éditions précédentes, la sélection n’est pas dogmatique et reflète l’idée d’échange entre les partenaires européens et nationaux tout en privilégiant la création internationale émergente. De la photographie-sculpture et de la photographie-dessin aux installations, du noir&blanc sériel et conceptuel à l’image hyper coloré déclinée sur les supports les plus variés, la photographie de paysage proposée dans cette édition n’est pas lisse mais au contraire suscite des questionnements saillants sur notre rapport à la nature.
Cependant face à ce bouleversement planétaire, ces positions photographiques variées ne sont pas alarmistes et catastrophistes mais le résultat de
différentes approches esthétiques entre écologie éthique et résistance poético-philosophique.
En réfléchissant aujourd’hui aux représentations photographiques de cette nature menacée, les artistes nous invitent à repenser le genre du paysage tout en lui donnant une dimension plus complexe où la beauté est aussi une question de sensibilité et de conscience de notre environnement.
Dans ce contexte thématique et à partir d’un ensemble d’une cinquantaine d’artistes, le jury d’EMoP (Berlin, Lisbonne, Luxembourg, Paris et Vienne) a retenu cinq artistes en vue du prix European Month of Photography Arendt Award dont une partie des œuvres sera montrée au Arendt House parallèlement au Cercle Ratskeller et au Musée national d’Histoire et d’Art avec d’autres artistes présentés lors des échanges entre curateurs des festivals européens et co-sélectionnés avec les partenaires luxembourgeois.
Les expositions au Mudam, à la Villa Vauban (installation au parc), au Casino Luxembourg, au centre culturel neimënster mais aussi à la Cité de l’Image à Clervaux, au CNA à Dudelange, aux centres d’arts de Dudelange (Nei Liicht et Dominique Lang) et à la toute nouvelle Konschthal Esch déclinent le thème en restant dans l’esprit de leur programmation.
RETHINKING NATURE / RETHINKING LANDSCAPE
Le Mois européen de la photographie au Luxembourg est toujours l’occasion de célébrer la photographie sous ses formes les plus nouvelles comme celles du passé. On peut ainsi redécouvrir notre patrimoine photographique à travers les collections comme celle de The Family of Man ou à travers les expositions de la Bibliothèque nationale ou des Archives nationales.
Les galeries luxembourgeoises comme Nosbaum Reding, Valerius, Fellner contemporary, MOB-ART studio tout comme l’Institut français et l’Institut Camões défendent quant à eux un volet plus ancré dans le contemporain. À cela s’ajoute la présence incontournable de Lët’z Arles dans le paysage photographique luxembourgeois.
Nous remercions pour cette édition le Ministère de la Culture, la Ville de Luxembourg et plus particulièrement nos partenaires institutionnels ainsi que ceux du privé sans lesquels une manifestation comme celle-ci ne serait pas possible. Leur engagement constitue le fondement même d’un événement culturel comme le Mois européen de la photographie au Luxembourg.
COMMISSAIRE DE L’EXPOSITION
RETHINKING NATURE / RETHINKING LANDSCAPE
EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY ARENDT AWARD 2021
ARENDT & ART
Le “European Month of Photography Arendt Award” est un prix prestigieux récompensant tous les deux ans les artistes visuels émergents qui proposent un travail artistique innovant et pertinent par rapport à la thématique choisie par le réseau EMoP (European Month of Photography) dont l’association du même nom a son siège au Luxembourg.
Depuis 2013, Arendt, cabinet d’avocat indépendant, basé à Luxembourg est affilié au Mois Européen de la Photographie au Luxembourg. À travers le parrainage du Prix EMoP, Arendt offre une plateforme à cinq artistes présélectionnés choisis parmi ceux invités aux expositions du réseau EMoP. En récompensant les jeunes lauréats et en participant aux expositions du Mois européen de la photographie au Luxembourg, Arendt soutient l’art de la photographie depuis plus de 15 ans.
En choisissant Rethinking Nature / Rethinking Landscape comme thème de son projet commun, l’Association du Mois européen de la photographie cherche à mobiliser le pouvoir du médium de la photographie pour étendre le discours écologique à travers de nouveaux regards émergents sur la nature et le paysage.
Le jury EMoP était composé de Paul di Felice (président / Luxembourg), Bettina Leidl (vice-présidente / Vienne) et des membres du comité Emmanuelle Halkin (Paris), Verena Kaspar- Eisert (Vienne) et Rui Prata (Lisbonne).
Les cinq artistes présélectionnés s’intéressent à la complexité de la corrélation entre l’homme et la nature et réfléchissent chacun à sa façon sur les nouvelles représentations et fictions du paysage. Avec les photographies de Vanja Bučan nous entrons dans un univers fantasmagorique et onirique illustrant un écosystème disposé de manière inhabituelle. Chez Inka & Niclas les visions perturbées du paysage sont de l’ordre de l’étrange et du sublime, alors que les photographies des villages ruraux russes en ruine
de Danila Tkachenko témoignent d’une époque historique révolue. Chez Anastasia Mituykova comme chez Maria Magdalena Ianchis, les représentations des icebergs et paysages de glace du Groënland se déclinent sous différentes formes d’images mentales et réelles qui se présentent dans des installations où l’archive et la mémoire tentent de représenter les stigmates de l’Anthropocène et de combler le vide laissé par l’impossibilité de photographier la complexité de la nature.
ARENDT & ART
NOÉMIE GOUDAL
Le travail de Noémie Goudal explore le rapport de la nature à l’artificiel, de la science à l’imaginaire, du construit à l’inventé. À travers ses oeuvres, elle questionne le paysage sous différents angles, comme une édification du regard.
Fascinée par la relation entre un paysage physique et sa construction mentale, elle joue de ce qu’elle représente et de ce qu’elle a représenté historiquement dans l’imaginaire collectif. Une partie de l’oeuvre de l’artiste se compose de larges installations et sculptures qu’elle fabrique
de toutes pièces et photographie in situ créant ainsi des « espaces autres », comme ceux décrits par le philosophe Michel Foucault. La réunion d’espaces fictionnels et d’espaces géographiques fabrique des « hétérotopies », lieux concrets qui hébergent l’imaginaire.
ARTISTES
BRUNO
COMMISSAIRES DE L’EXPOSITION
PAUL DI FELICE (POUR CAFÉ-CRÈME ASBL),
RETHINKING LANDSCAPE
Comme pour les éditions précédentes du Mois européen de la photographie, le thème générique “Rethinking Nature / Rethinking Landscape” se décline sous différentes formes et différents angles de vues, entre déconstruction du « paysage » et exploration artistique de la « nature ».
Les représentations paysagères ont une longue et riche histoire dans l’art et leurs transgressions aussi. On pense notamment aux « marcheurs » anglais et autres formes du Land art qui à partir des années 70 ont radicalement changé la représentation du paysage. En devenant support, le paysage n’est plus représenté par l’artiste en tant que sujet, mais traversé physiquement comme expérience artistique.
ET D’ART
Cette approche s’accompagnait déjà d’une prise de conscience du rapport de plus en plus déséquilibré entre l’homme et la nature.
Aujourd’hui, aux questions qui touchent à l’empreinte environnementale et le dépassement des capacités de la planète, les artistes répondent en participant de plus en plus à l’éveil d’une nouvelle conscience écologique. Mais comment ces nouveaux constats se traduisent-ils visuellement ?
Rethinking Landscape propose cinq positions d’artistes portant un nouveau regard photographique sur les représentations du paysage et montrant de nouvelles approches esthétiques très variées entre fiction, sublimation et distanciation.
C’est ainsi que Bruno Baltzer & Leonora Bisagno, artistes franco-italiens qui vivent au Luxembourg, s’intéressent au paysage en continuant leur recherche artistique sur la poïétique de l’image, l’acte photographique et les représentations visuelles. Les œuvres Si je me souviens et La pointe de l’Iceberg déjouent le caractère mnémonique et indiciel de la trace photographique à travers une certaine déconstruction de l’image symbolique de la montagne. D’un côté, les inscriptions monumentales sur le flanc d’une carrière oubliée à Montréal et de l’autre des images inversées des carrières de Carrare. Dans l’une comme dans l’autre série, la vision des artistes est celle d’une réinterprétation iconographique du paysage dans une confrontation historico-politique de l’image.
Les œuvres d’Inka & Niclas, artistes scandinaves (finlandais et suédois) établis à Stockholm, s’inscrivent quant à elles plus dans une paraphrase des représentations romantiques du paysage que dans un questionnement politique. Néanmoins, à travers leurs séries Family Portraits ou 4 K ULTRA HD, ils jouent sur le rapport nature et homme dans un contexte paradoxal de sublimation et de distanciation du réel. L’artificialité qu’ils rajoutent aux images est à la fois un élément fascinant et étrange qui questionne les représentations classiques du paysage. Entre force presque sacrale et genius loci ou éco-symbolicité (Berque), le paysage selon Inka & Niclas est autant une construction formelle qu’une matérialité photographique.
Chez l’artiste suisse Douglas Mandry, le paysage plutôt que d’être une représentation telle-quelle, devient une reconstruction, une composition en strates proche d’une démarche archéologique. À partir de photographies prises lors de ses voyages, il développe une approche plasticienne de la photographie en s’inspirant d’archives et en collant et coloriant les images. Présentées sous forme d’installation, où wallpaper photographique et pho-
tographie encadrée se juxtaposent, ses œuvres de la série Unseen Sights renouent avec les représentations anciennes des cartes postales retouchées. Cependant par le découpage et le coloriage pop, ces nouveaux « paysages » nous invitent à visiter un territoire imaginaire où l’éclectisme postmoderne domine. L’idée du paysage qui émane de la série en noir&blanc Cercle, Square de Daniel Reuter, artiste luxembourgeois vivant en Islande, est marquée par une démarche conceptuelle. Comme l’indique le titre, ces paysages renvoient à une certaine typologie et une relation formelle où le rapport de force entre l’homme et la nature n’est pas défini. Comme des réminiscences visuelles de certaines installations des artistes du Land Art, ces photographies semblent se détacher de leur sujet initial pour mettre en jeu un langage visuel formaliste. Pas d’horizon, pas vraiment de point de vue central mais des fragmentations et des jeux de texture et d’échelle dans ces photographies qui paraissent comme une espèce de modélisation du paysage naturel.
„RETHINKING LANDSCAPE” PROPOSE DE NOUVELLES APPROCHES
ESTHÉTIQUES TRÈS VARIÉES ENTRE FICTION, SUBLIMATION ET DISTANCIATION.
Les photographies de la série Motherland du photographe russe Danila Tkachenko traitent la question de l’abandon forcé des villages ruraux pendant la collectivisation de l’ère communiste entre 1928 et 1937. En brûlant les vestiges symboliques qui hantent ces paysages au fin fond des steppes soviétiques, l’artiste crée une espèce de rituel funéraire nocturne. Malgré leur beauté spectaculaire, ces images radicales nous font imaginer les tensions politiques et sociales dues à ces désertifications. L’action de purification qui s’inscrit dans le présent interagit avec les utopies échouées du passé afin de créer une attitude critique envers ce paysage politique post-soviétique en mutation.
L’exposition a été réalisée en partie dans le cadre d’une collaboration internationale de Café-Crème asbl sous le titre de Rethinking Nature / Rethinking Landscape du réseau EMoP (European Month of Photography asbl) regroupant les institutions dédiées à la photographie de cinq capitales européennes (Berlin, Lisbonne, Luxembourg, Paris et Vienne). Elle est présentée au Luxembourg en plusieurs volets complémentaires au Cercle Cité – Ratskeller et Arendt House également.
DE
RETHINKING NATURE
Avec “Rethinking Nature” le thème générique de cette 8ème édition est décliné de façon à provoquer une rupture avec ce qu’on appelle le genre du paysage. Le point de vue et le cadrage n’obéissent plus à la perspective euclidienne séculaire de la peinture ou de la photographie de paysage classique. N’étant pas non plus assimilable au genre de la nature morte, ces représentations ouvrent de nouveaux espaces micro et macro sur la nature.
En plus, le dispositif de fabrication de l’image et d’exposition participe à l’exploration artistique de cette thématique. En conséquence, ces approches artistiques photographiques se caractérisent par la dématérialisation, la déconstruction et la fragmentation signifiant la vulnérabilité de cette nature et exprimant les conflits actuels dans son rapport avec l’homme.
CERCLE CITÉ
Plus que jamais, l’association avec d’autres disciplines artistiques et scientifiques permettent de nouvelles approches photographiques et vidéographiques interrogeant l’état actuel et contribuant à une prise de conscience écologique. Ces nouvelles démarches photographiques qui se nourrissent des connaissances scientifiques participent aussi à la perception de la nature que nous avons aujourd’hui. Ainsi, les images de crise de la situation actuelle sont véhiculées artistiquement par une photographie qui se veut performative, multimédia et politique. Complice d’une expérience esthétique nouvelle, le regardeur est interpellé par la mise en scène et l’installation photographique s’ouvrant à des champs inexplorés.
L’artiste roumaine Maria-Magdalena Ianchis vivant à Vienne, s’intéresse au changement climatique provoqué par l’homme. À travers ses recherches artistiques autour de trois glaciers islandais et autrichiens, elle montre d’un côté la vulnérabilité et l’impuissance de la nature et de l’autre la fragilité de l’homme.
Son intérêt pour les icebergs elle l’exprime ainsi : « Lorsqu’un glacier fond, il saigne à mort, meurt et disparaît à jamais de la surface de notre planète. »
Ses photographies, ses installations, ses vidéos présentent sous le titre de Transition les tentatives presque vaines de ralentir la fonte des glaces et illustrent artistiquement les efforts illusoires d’éta-
blir une connexion forte avec notre environnement. Néanmoins son engagement artistique n’est pas dogmatique mais ouvert à un imaginaire qui nous transpose dans les profondeurs de l’humanité. Avec ses paysages sous-marins, l’artiste français Nicolas Floc’h nous plonge dans un univers fascinant des habitats marins immergés. Ses expéditions scientifiques et artistiques l’ont amené à étudier les transformations dues au réchauffement climatiques et de voir comment en dehors de leur impact politique ses photographies trouvent des correspondances esthétiques en référence à la peinture et à d’autres représentations de paysages photographiques classiques. Pour l’artiste, celles-ci convoquent un ensemble d’époques et de recherches appartenant à un autre vocabulaire que celui du milieu sous-marin.
De ses plongées dans l’obscurité des profondeurs où l’image se révèle davantage à posteriori, il collecte des milliers de prises de vue. L’œuvre qui se présente à nous est le résultat d’un choix rigoureux d’ordre plastique et esthétique, à partir d’un corpus important d’images. Outre la beauté des photographies et la qualité artistique du travail de Nicolas Floc’h, ces séries dévoilent une œuvre ouverte (Eco) où de multiples espaces se croisent.
L’art et les sciences s’entrecroisent aussi chez l’artiste luxembourgeoise Justine Blau. Sur les traces de Charles Darwin et la question d’extinction et de dés-extinction, elle crée des assemblages d’images et des installations – photographies et vidéos- qui
nous transposent dans un monde entre réel et imaginaire à travers une quête scientifique-artistique. À partir de mises en scènes surréalistes et de théâtralisations des artefacts, elle propose de repenser la nature, en nous plongeant dans son univers fluide et ouvert tout en révélant les controverses qui alimentent son questionnement scientifique, artistique et philosophique.
Selon elle, le médium photographique, lui permet « par sa multitude de canaux d’utilisations et de références et par quelques gestes de détournements, de tenter d’une certaine manière, une mise en abyme de notre monde. »
COMPLICE D’UNE EXPÉRIENCE
ESTHÉTIQUE NOUVELLE, LE REGARDEUR EST INTERPELLÉ
PAR LA MISE EN SCÈNE ET L’INSTALLATION PHOTOGRAPHIQUE S’OUVRANT À DES CHAMPS
INEXPLORÉS.
L’artiste slovène vivant à Berlin Vanja Bučan quant à elle, s’intéresse aux corrélations de l’homme avec la nature et aux questions liées aux écosystèmes. Inspirée des natures mortes et arrangements insolites des surréalistes et dadaïstes, elle détourne des situations qui montrent ces relations entre le végétal, l’animal et l’humain en reconstruisant des environnements dans son studio. À travers ses mises en scènes et arrangements absurdes, elle perturbe avec ironie et enchantement notre vision de la nature. Les photographies généralement de grand format sont captivantes et curieuses par leur générosité chromatique et leur imbrication de formes et de textures étranges.
Fascinée depuis son jeune âge par les pôles nord et sud et lectrice des écrits de Jean Malaurie comme Les Rois de Thulé et de ses plaidoyers en faveur des inuits, Anastasia Mityukova, artiste de Genève, présente avec Iceworm Project un travail artistique complexe. Cette recherche photographique repose sur des archives de documents autour d’une base militaire nucléaire expérimentale construite
à Thulé et abandonnée par les Américains en laissant les déchets enfouis dans le sol gelé du Groenland. Un corpus de 6000 images accumulé par l’artiste au courant des dernières années se présente sous différentes formes évolutives et organiques créant une nouvelle narration en interaction avec les visions du spectateur.
Paul di FeliceL’exposition a été réalisée en partie dans le cadre d’une collaboration internationale de Café-Crème asbl sous le titre de Rethinking Landscape / Rethinking Nature du réseau EMoP (European Month of Photography asbl) regroupant les institutions dédiées à la photographie de cinq capitales européennes (Berlin, Lisbonne, Luxembourg, Paris et Vienne). Elle est présentée au Luxembourg en plusieurs volets complémentaires au MNHA, au Casino Forum d’art contemporain et Arendt House également.
ARTISTE
DAPHNÉ LE SERGENT
COMMISSAIRE
PAUL DI FELICE (POUR CAFÉ-CRÈME ASBL) & LAURENCE LOCHU, DIRECTRICE DE L’INSTITUT FRANÇAIS DU LUXEMBOURG
EXPOSITION RÉALISÉE AVEC LE SOUTIEN DE L’INSTITUT FRANÇAIS DU LUXEMBOURG
SILVER MEMORIES
« Envisager la fin du minerai d’argent et poser son regard sur une photo argentique, cela pourrait-il être un regard porté sur sa propre finitude ? »
Daphné Le Sergent
Dans le cadre de la 8e édition du Mois européen de la photographie sous le thème de Rethinking Nature - Rethinking Landscape , Daphné Le Sergent, artiste française d’origine coréenne, présente avec Silver Memories un ensemble de paysages réalisés en différents médias : photographie, dessin et vidéo.
En partant de l’hypothèse que le minerai d’argent se raréfie, elle construit un narratif artistique hybride où la photographie argentique est au centre du questionnement des enjeux artistiques, économiques et écologiques.
Sa proposition multimédia qui se présente, d’une part, comme une projection vidéo et, de l’autre, comme une installation composée de photographies et de photographies-dessins, créées spécialement pour l’espace du Casino Luxembourg, montre de façon sensible la chaîne de production de la photographie argentique allant de l’extraction minière aux fluctuations boursières.
Dans ses dessins sur photographie, la mine de plomb semble se substituer à l’argentique et la trace scripturale dominer l’index photographique. Le jeu de l’échelle, le rapport du proche et du lointain benjaminien, entre projection auratique dans les profondeurs de la matière et réflexion parodique émergeant des surfaces, est aussi un clin d’œil à l’esthétique pictorialiste de la fin du XIXe siècle. Aux « tableaux » photographiques ou faux daguerréotypes que Daphné Le Sergent compare à des peintures de vanités, elle associe une vidéo, l’image extractive, qui retrace l’histoire de la photographie selon une perspective économique et géopolitique spéculative liée à l’extraction et à la fabrication du métal. Ainsi selon l’artiste, cette
image extractive vient « puiser dans les profondeurs de la terre tout autant qu’arracher des informations au réel ». Ici, une panoplie d’images, issues principalement d’archives ainsi qu’ une voix off racontent cette péripétie à partir de la colonisation des terres mexicaines au XVIe siècle jusqu’à l’extraction minière récente en créant de façon poético-visuelle une réflexion sur la surexploitation des ressources naturelles, sur les spéculations boursières, mais aussi sur la représentation photographique, voire même, comme l’exprime Daphné Le Sergent à travers certains de ses titres sur « la préciosité du regard et le désir des choses rares ».
Paul di FeliceARTISTES
COMMISSARIAT
SLIDE SHOWRETHINKING NATURE
Au début d’année, les festivals de photographie Foto Wien, le Mois européen de la photographie Luxembourg et Imago Lisboa ont lancé conjointement un appel à candidatures international sur le thème de “Repenser la nature”. Parmi 168 soumissions provenant de 74 pays, les œuvres d’environ 130 artistes ont été sélectionnées, puis éditées et organisées pour le diaporama “Rethinking Nature”.
Les photographes et artistes participants démontrent de manière impressionnante que le médium de la photographie a un rôle particulier à jouer dans l’effort de compréhension de la relation actuelle entre l’homme et la nature. Le diaporama Rethinking Nature rassemble une grande variété de points de vue sur la nature qui illustrent, filtrent et analysent l’ambivalence actuelle de notre compréhension de la nature – d’une part la nature en tant que lieu de paix et de nostalgie, d’autre part comme cible de destruc-
tion environnementale et d’exploitation croissante. De même, la mise en abyme que la traduction artistique crée inévitablement permet de réfléchir aux multiples significations de la nature. De cette distanciation qui est à la base d’un potentiel particulier émerge une qualité originale de la photographie de paysage. Les œuvres sélectionnées couvrent un champ de pensée artistique qui va de la réflexion philosophique, de la mise en scène conceptuelle, du document neutre jusqu’aux nouveaux romantismes. La compilation des différentes positions, en combinaison avec la musique composée spécialement pour le diaporama, ouvre une expérience audiovisuelle à multiples facettes qui permet d’explorer les rapports subjectifs respectifs avec la nature.
DE LUXEMBOURG
LES PAYSAGES DU KAIROS
HOLGER TRÜLZSCH, DOMINIQUE AUERBACHER
Dominique Auerbacher et Holger Trülzsch poursuivent depuis plusieurs années une réflexion sur le paysage comme en témoignent leurs œuvres respectives.
Dans l’installation «Les paysages du Kairos», ils associent et font dialoguer leurs visions et évocations du paysage.
« Les photographies de Holger saisissent l’apparition de paysages dans les traces du sol maculé de son atelier ou d’autres ateliers, ainsi que dans les coulures fugaces des couleurs renversées. Par ailleurs, sur ses polaroïds peints (imprimés en grand format), les traces de peinture évoquent les structures végétales d’une nature luxuriante et ouvrent un autre espace, celui d’un paysage onirique » (D. A)
Les tableaux des entrelacs de phrases de la série «Reliefs» de D. Auerbacher, mêlent d’après la forme littéraire du centon, des extraits de textes provenant d’origines diverses (littéraire, mythologique, ethnologique, scientifique, artistique…) pour former, à partir de reliefs (au sens de restes, de traces), un ensemble d’images mentales du paysage.
MUSÉE D’ART DE LA VILLE
VILLA VAUBAN
Paul di Felice : Créer une installation photographique pour le jardin/parc de la Villa Vauban dans le cadre de la 8e édition du Mois européen de la photographie dont le thème est Rethinking Nature/ Rethinking Landscape est certainement un défi comme chaque œuvre in situ mais en même temps n’est-ce pas une autre façon pour vous de penser la représentation paysagère à partir d’une recherche artistique déjà bien entamée depuis des années. Les références artistiques, littéraires et philosophiques ne manquent pas dans vos « paysages reconstruits » qui sont aussi une sorte de mise en abyme et de distanciation du genre mais qui nous transposent aussi dans un imaginaire surprenant.
Dominique Auerbacher : « Les paysages du Kairos » évoquent et d’une certaine manière convoquent la Nature, le Paysage, et le Jardin dans leurs relations aux beaux-arts, à la littérature, à la mythologie…
En l’occurrence, le petit dieu du Kairos, qu’on ne peut saisir que par les cheveux quand il passe à toute vitesse, est au rendez-vous. Il a incarné pour nous l’inattendu susceptible de surgir, l’instant fugitif et décisif d’un à-propos propice.
Notre installation essaye de jouer avec la perception du proche et du lointain, de penser les lieux en fonction de l’agencement du jardin et des possibilités de déplacements et de haltes pour les visiteurs, ce qui nous ramène à l’interrogation de Henry Maldiney, Sommes-nous « devant » ou « dedans » le paysage ?
Il me semble qu’un jardin est à la fois ce lieu de la nature, de l’artifice et de la mythologie où on s’imagine apercevoir des personnages des Métamorphoses d’Ovide sous la forme d’un rocher, d’un arbre ou d’un animal.
On retrouve dans cette installation, Arachné, la jeune mortelle de Lydie qui fut transformée en araignée par la déesse Minerve pour l’avoir défiée et surpassée dans l’art du tissage et surtout avoir osé représenter sur sa tapisserie des dieux qui assouvissent leurs désirs en recourant à des métamorphoses pour abuser de leurs victimes.
Je pense à la phrase de Jean-Pierre Vernant « La mythologie, c’est une vision de soi face au monde, elle marque une prise de distance par rapport à ce qui, aujourd’hui, nous semble évident ».
H. Trülzsch : Le jardin et le parc sont peut-être les derniers refuges qui nous permettent de réfléchir à la nature en tant que culture du paysage. Dans le jardin du musée Vauban, notre installation d’images et de textes s’organise sur trois lieux qui, situés sur le cercle de la pelouse centrale, forment un triangle. La déambulation circulaire semble être appropriée à la réflexion, à la méditation ; par exemple dans le parc d’Ermenonville, le chemin (aujourd’hui partiellement disparu) tracé autour du lac où se trouve le cénotaphe de Jean-Jacques Rousseau, passait aussi devant les ruines du temple, la maison du philosophe, le tombeau du poète inconnu et la pyramide. «Ce n’est donc ni en architecte, ni en jardinier, c’est en Poète et en Peintre qu’il faut composer les paysages, afin d’intéresser tout à la fois l’œil et l’esprit». Cette citation est de René-Louis de Girardin, ami de Rousseau, seigneur d’Ermenonville et créateur de ses jardins.
Paul di Felice : Plusieurs expressions se superposent dans ce travail très complexe où le paysage peut devenir une interface de démarches artistiques et littéraires dont la visualisation conceptuelle est le résultat d’une pensée sensible et intelligible.
En partant de la peinture et de la gestualité d’un côté, de la philosophie et de la littérature de l’autre, vos mises en image paysagères dépassent la photographie pour devenir une installation voire sculpture photographique dans le cadre du jardin/parc de la Villa Vauban.
H. Trülzsch : Quand le visiteur est assis ou allongé sur la pelouse, il peut contempler les trois images (d’un format horizontal de 3m x 2m), qui sont chacune une photographie d’une apparence du paysage ou de la nature sur le sol d’un atelier : une averse, un relief vallonné ressemblant à une gravure de Hercules Seghers, une formation liquide d’un éden. En marchant autour de la pelouse, le visiteur découvre à l’arrière de chacune de ces trois images, un centon composé des élements de Reliefs ( au sens de restes) de la mémoire du paysage auquel est associée une image agrandie d’un Polaroïd “overpainted” ou une photographie d’un sol taché de craies de couleur qui évoque les paysages méditerranéens d’Albert Camus dans Noces à Tipasa ou dans L’Eté.
D. Auerbacher : Les images de textes sur le paysage font partie d’une série intitulée Reliefs (au sens de restes, de traces). Les couleurs et les polices des caractères composent un ensemble textuel pictural constitué de vers, de phrases et d’extraits de textes provenant de divers auteurs. J’utilise le genre littéraire du centon pour re-contextualiser ces appropriations et ces détournements en les entrelaçant dans une trame polysémique du paysage. Il y a aussi les supercheries ingénieuses du centon comme celle de Blaise Cendrars qui révèle que les poèmes de son recueil Kodak (Documentaire) ont été « taillés à coups de ciseaux » dans le roman d’aventures, Le Mystérieux docteur Cornélius, de son ami Gustave Lerouge et qu’il s’agit d’un collage « monté comme un court-métrage poétique » ; il écrira « ces poèmes, que j’ai conçus comme des photographies verbales, forment un documentaire ».
Quant au lettriste Gil J Wolman, il développera l’art de la citation dans son Art scotch après l’avoir expérimenté dans son récit détourné J’écris propre dont il dira qu’il est écrit « aux ciseaux et à la colle » avec des phrases découpées dans des livres et que le titre lui-même est un détournement du slogan publicitaire pour le stylo Bic.
Les spolia dans l’architecture ont aussi quelque chose du centon par leurs remplois dans une construction nouvelle de matériaux et d’œuvres d’art provenant d’une construction ancienne ou de ruines. Ainsi de nos jours, le couple d’architectes chinois Wang Shu et Lu Wenyu inscrivent le savoir-faire traditionnel chinois dans la ville contemporaine notamment en ayant recours à la technique millénaire dite « wa pan » qui utilise une mosaïque de matériaux de récupération pour reconstruire les murs des maisons détruites par les typhons.
H. Trülzsch : Quand je prends une photo, dans un premier temps, mon regard reste concentré sur l’écran LCD de l’appareil photo, j’examine les structures du sol maculé d’un atelier… il arrive qu’un détail se différencie dans des taches ou des traces liquides de peinture … à cet instant et à cet endroit là, le cadrage met en évidence ce que je reconnais comme un paysage. La surface laisse apparaître le non-visible.
Il ne s’agit pas d’une peinture photographiée et pas non plus d’une peinture gestuelle.
L’image qui se produit résulte de ce procédé de capture photographique sans lequel elle n’adviendrait pas.
CONCEPT DE L’EXPOSITION
TIMOTHY PRUS (ARCHIVE OF MODERN CONFLICT)
COMMISSAIRES
TIMOTHY PRUS (ASSISTÉ DE ED JONES, LUCE LEBART, GIULIA SHAH ET MICHELLE WILSON) ET MICHELLE COTTON (ASSISTÉE DE SARAH BEAUMONT ET CHRISTOPHE GALLOIS)
SCÉNOGRAPHIE
POLARIS ARCHITECTS
AVEC DES PHOTOGRAPHIES DE ANNA ATKINS,
ENFIN SEULES.
PHOTOGRAPHIES DE LA COLLECTION
ARCHIVE OF MODERN CONFLICT
“Enfin seules” présente une sélection de plus de deux cents images de la collection Archive of Modern Conflict. Fondée en 1992 à Londres, cette organisation se décrit comme étant « dépositaire des histoires perdues et oubliées que recèle la production photographique passée ». Initialement portée sur l’histoire des conflits, elle s’apparente aujourd’hui davantage à un laboratoire qu’à une archive traditionnelle, couvrant une multitude de genres.
À travers un ensemble de photographies provenant de tous les continents et couvrant une large période, du milieu du XIXe siècle jusqu’aux années 1970, Enfin seules pose un regard inédit sur le monde végétal dans toute sa diversité. Conçue comme un environnement immersif articulé autour d’un espace central, assimilable à une « caverne », l’exposition dresse le portrait d’un monde fictionnel
déserté de toute vie humaine ou animale. La date et la raison de cette disparition, tout comme la manière dont elle se serait produite, ne sont pas précisées. Des images de la flore, de champignons, de troncs d’arbres, de fougères, de stalagmites ou d’aurores boréales investissent l’ensemble des murs de la galerie. Ces panoramas de plantes, de roches et de lumières servent de toile de fond à une sélection de photographies historiques et récentes, aux techniques et procédés divers. Photographies d’artistes de renom figurent aux côtés de celles de personnalités issues de différents champs disciplinaires - tels que la botanique, l’astronomie, les mathématiques ou la science, et d’images anonymes.
L’EXPOSITION DRESSE LE PORTRAIT
D’UN MONDE FICTIONNEL DÉSERTÉ DE TOUTE VIE HUMAINE OU ANIMALE.
LA DATE ET LA RAISON DE CETTE DISPARITION, TOUT COMME
LA MANIÈRE DONT ELLE SE SERAIT PRODUITE, NE SONT PAS PRÉCISÉES.
LAND(E)SCAPELISA KOHL
LAND(E)SCAPE est une capture photographique de l’oubli. Des restes, porteurs de traces d’une vie perdue, constituent des nouveaux paysages qui incarnent l’absence, la disparition d’une personne.
L’expérience de l’objet abandonné et retrouvé devient un moment de découverte et de témoignage d’un passé.
Faire aujourd’hui de la photographie de paysage n’est pas une chose aisée pour une jeune artiste. Le paysage est pollué, par l’histoire ancienne et récente, par nos excès de consommation, de production et d’exploitation et par le passage de l’Homme, passage voulu ou contraint, libre ou obligé.
NEIMËNSTER
Alors quand Lisa Kohl est arrivée en 2016 sur l’île grecque de Lesbos, elle a été confrontée au paysage idyllique de l’île égéenne ou le ciel et la mer sont d’un azur profond et onirique, mais aussi aux milliers de migrants arrivés de Turquie qui sont passés par là en quête d’une vie acceptable et digne.
Dans la série de photographies LAND(E)SCAPE, l’artiste témoigne avec un langage plastique très subtile et sensible de cette tragédie humaine et du sort de ces hommes, femmes et enfants qui ont fui la terreur pour se retrouver dans un autre cauchemar, la fin de leur rêve de liberté et de paix. En photographiant les objets abandonnés, oubliés et perdus, l’artiste crée un nouveau paysage, un land(e) scape, qui par l’absence nous suggère la présence. Les objets sont élevés au statut d’icônes. En les découvrant un par un, le spectateur a accès à l’intimité des personnes, il les rencontre, il les voit et les entend. Il est pris d’émotion. L’oubli n’a pas lieu car l’histoire est écrite par le biais du langage photographique de Lisa Kohl.
Danielle IgnitiLES CONTES SAUVAGESMARINE LANIER
Repenser, réinventer les paysages extérieurs pour mieux explorer les paysages intérieurs, et raconter les liens qui nous unissent à la nature, à notre environnement : Marine Lanier nous entraîne dans «la dimension lyrique et primitive» de la nature, «pour questionner la puissance sauvage qui nous entoure». Elle nous immerge dans le végétal en particulier avec sa série de monochromes organiques Eldorado qui montre la flore épaisse d’une pépinière à l’abandon.
La nature est saisie dans son état brut, elle est personnifiée, et ses mystères nous happent, et nous échappent.
Les photos de Marine Lanier mettent en lumière une végétation primaire, où les éléments surgissent et dialoguent : pierres, roches des falaises, eaux
NEIMËNSTER
profondes des cascades, terre, glace, mais aussi la peau, le sang... Son univers est un monde sauvage, originel, qui renvoie les êtres à leurs pulsions primitives. Dans la série Le Soleil des loups, réalisée en Ardèche sur un territoire situé au-dessus d’un volcan, Marine Lanier montre deux enfants dont les corps sont en symbiose avec cet espace rugueux et minéral. La photographe a suivi durant trois ans le parcours de deux frères, un appareil argentique en main : la nature rustre, indomptable, absorbe magistralement les silhouettes de ces adolescents sans loi.
Leurs corps semblent des lianes ou des racines incrustées dans le paysage. C’est le cas aussi avec la série Les Contrebandiers, où les êtres semblent faire partie intégrante de leur environnement hostile, ils se fondent dans ces montagnes abruptes, ces territoires inaccessibles, impraticables, tout autant que sublimes.
Les œuvres de Marine Lanier explorent différentes échelles, lointaines ou fragmentaires. Les paysages d’Arménie, extraits de la série Les Lointains sont de grands déserts calcinés de chaleur. Leurs contours dramatiques racontent les conflits et les massacres invisibles, comme un probable hors-champ. Les panoramas ont été réalisés depuis des surélévations, des promontoires, des falaises, d’où l’on peut embrasser les espaces environnants, prendre du recul, de la hauteur. Et surtout sentir la menace, la tension qui se jouent sur ces monts et ces gouffres, qui «accentuent l’impression de traque du visible, rendant soudainement inquiétant et opaque des paysages lunaires où seule affleure une géologie tourmentée». En regard, les gros plans, les close-up bouleversent notre perception de l’échelle. Dans la série Les Contrebandiers notamment, ils nous perdent dans la possibilité d’un ailleurs, en nous renvoyant à d’autres grands espaces invisibles.
L’utilisation des couleurs chez Marine Lanier convoque la palette du peintre. Les couleurs chaudes s’articulent avec les couleurs froides ou le noir et blanc, les tons chauds évoquent la brûlure du soleil, les tons froids «l’énergie de la nuit, de la neige, du repli». En travaillant sur la série Eldorado, l’artiste explique : «J’ai vu cette couleur de l’or qui filtrait à travers la bâche des serres. J’ai décliné cette teinte, elle résonnait avec cette idée de rêves perdus». C’est ainsi qu’est née cette magnifique série végétale de monochromes dorés.
Pour les photos en noir et blanc de la série Le Soleil des loups, la photographe commente : «Mon noir et blanc est plutôt gris, comme une cendre qui se serait déposée sur la nature et sur les hommes, une sorte d’hommage au volcan». Les couleurs sont aussi un langage, des symboles. Ainsi par exemple le mauve invoque un monde onirique, celui des limbes, situé entre la vie et la mort.
«La couleur est ce qui reste. Elle est l’essence, le souvenir, la sensation quand nous ne pouvons plus raconter», dit-elle aussi.
Marine Lanier aime citer des cinéastes qui l’ont marquée et ont influencé ses images, tels que Bres-
son, Kieslowski ou Boorman et Laughton ; elle a d’ailleurs aussi étudié le cinéma avant d’intégrer l’École nationale supérieure de la photographie d’Arles. Son esthétique, en particulier en ce qui concerne son approche de la nature et des paysages, tisse des correspondances évidentes avec les lieux mystérieux et organiques filmés par Tarkovski, ces espaces indéterminés et habités, à la fois sensuels et étranges, familiers et menaçants. Les univers qu’elle met en scène semblent comme suspendus dans le temps : ils appartiennent tout autant au passé, au présent et au futur. Chaque série est empreinte d’intemporalité, et place aussi le spectateur qui l’appréhende en dehors du temps, parce que dans un espace souvent indéfini. «Mon appréhension du temps questionne alors les notions de limite, de transgression, et de métamorphose».
La nature est le miroir de lieux intimes, qui racontent des fictions de quêtes perpétuelles. «Le tout entre en collision avec l’autobiographie, elle réverbère alors quelque chose de plus large, de plus grand, qui dépasse le particulier pour se tourner vers la mémoire collective, transgénérationnelle, vers nos mythologies, nos peurs primaires, cosmos invisible.»
«Le mythe de l’Eldorado est nostalgie, rêve de paradis perdu. Il décrit souvent un lieu d’innocence naturelle situé dans l’origine des temps. Ici l’imaginaire de l’île s’ouvre sur une nature sauvage, hostile, spontanée. L’Eldorado est une étape dans l’itinéraire, un monde où les valeurs sont inversées, une traversée aveugle, un refuge temporaire, une contrée fabuleuse.»
Le cheminement de Marine Lanier questionne inlassablement le réel, pour mieux le dépasser. Elle ne cesse de tenter de saisir les mystères de la Nature, le miracle d’être en vie. Elle semble traquer les interstices de l’invisible, elle nous livre des contes fantastiques, recrée un monde à la fois subtil et originel, comme pour faire émerger l’irréalité du réel, la réalité de l’irréel. La photographe nous emporte dans les arcanes de l’imaginaire, pour déchiffrer les signes et les symboles en éclosion au sein du paysage. L’aphorisme d’Héraclite n’est jamais très loin «La Nature aime à se cacher» : ces secrets ances-
traux, qu’ils traitent des mystères du passage de la vie à la mort, ou des miracles impudiques de la nature, nourrissent le travail de l’artiste. Grâce à la force sauvage de ses photographies, Marine Lanier convoque en nous des émotions profondes, viscérales, touche des zones inconscientes et sensibles, qui nous bouleversent. En démiurge, elle nous emporte au royaume des ombres, laissant planer un voile sur ses paysages larges ou fragmentaires, et en poétesse s’exprime par la métaphore et l’oxymore visuel.
S’opposant à l’attitude prométhéenne (l’homme doit se rendre maître et possesseur de la nature), et prônant résolument l’attitude orphique, c’est-àdire que seuls le poète et l’artiste sont en mesure de soulever le voile des mystères de la nature[1], Marine Lanier photographie les hommes et les paysages en voilant de sa fiction la réalité, pour mieux nous en dévoiler les secrets enfouis.
ARTISTES
ANNE-SOPHIE COSTENOBLE, PATRICK GALBATS, FLORIAN GLAUBITZ, THILO SEIDEL, ÉMILIE VIALET COMMISSARIAT DE L’EXPOSITION
NEIMËNSTER, CAFÉ-CRÈME ASBL, NOUVEL OBSERVATOIRE PHOTOGRAPHIQUE DU GRAND-EST, SAARLÄNDISCHES KÜNSTLERHAUS SAARBRÜCKEN E. V
REGARDS SANS LIMITES
Que racontent du monde les photographes d’aujourd’hui?
Cette interrogation sourd dans l’esprit du visiteur à chaque évènement photographique. Se posait-on - d’emblée - une telle question il y a 40 ou 60 ans ? Il est permis d’en douter.
Si de toute époque chaque génération a ressenti que devenait révolu le monde qui l’avait pétrie, jamais ce sentiment vague où l’inquiétude le dispute à la nostalgie ne s’est trouvé autant que maintenant justifié par une réalité tangible, corroborée, irréfutable. La langueur diffuse s’est muée en brutale certitude.
NEIMËNSTER
C’est que ne sont plus en cause les seules évolutions d’idées et de mode de vie. L’échec patent des systèmes politiques à bout de souffle entraîne une sinistre ronde de corollaires : économie d’exclusion, violence sociale et dégâts écologiques irréversibles. Nos conditions de vie physiques sont en jeu, dorénavant. Une telle constatation ne se borne pas à ébranler nos certitudes, elle les balaye pour en affirmer une nouvelle : à l’évidence le monde ne sera plus, ne pourra plus être, celui qu’il a été.
Qu’attendons-nous, alors, des photographes ? Un miracle, peut-être. Qu’ils fassent surgir l’espoir ténu que nous ne pouvons formuler, qui, enfoui derrière notre conscience désabusée, bien secrètement nous habite, l’espoir d’une espérance. L’urgence cependant les commande, et souvent confirment-ils les inquiétudes qui nous taraudent, lèvent-ils les derniers doutes et déchirent-ils l’ultime souffle d’espoir. Arpenteurs de la terre bouleversée, citadins en perpétuel transit à travers la froideur des ensembles urbains, observateurs tout à la fois alertés et distanciés, témoins intransigeants de nos (dis) fonctionnements, ils constatent, ils relatent. Sans pathos, sans attiser le repentir collectif, sans professer quelque prétendu message. À la différence d’attitudes antérieures, bien des gestes photographiques actuels ne portent plus, sur un réel d’ailleurs fluctuant, un regard renouvelé, mais laissent la nouveauté du monde directement émerger, sans filtre
ni code. Feraient-ils par leurs images se dessiner la carte du nouveau monde (qui, comme un legs tristement prospère des New Topographics, tend tout entier au non-lieu), nombre de photographes, loin de sacrifier au systématisme de la Nouvelle objectivité, alimentent cette géographie par des visions fortuites où hasard et poésie se mêlent, dans une rugueuse tendresse parfois. Ils collectionnent plus qu’ils n’inventorient. Avec une liberté de cadrage qui traduit la précarité des situations.
Il est frappant de relever dans le corpus d’images qui suit la quasi-éviction de la figure humaine, tout au moins le désintérêt manifeste pour son individualité, instaurant par là une relation d’évitement, pour reprendre à notre compte une terminologie ethnologique. À l’opposé des heures glorieuses de la photographie humaniste, la foi en l’homme semble s’être éteinte. S’attache à lui, oserions-nous
avancer, une forme de culpabilité inhérente à son action (ou son inaction), voire à son essence-même, qui le condamne au bannissement de l’image, comme après la révélation des camps de la mort il était, pour les peintres, devenu irreprésentable. Alors, il se tapit dans l’ombre des images. Nature sans cesse remodelée par le travail, nature sauvage paradoxalement contrainte par muséification, arrogance urbaine, déchets de toutes sortes et en tout lieu, faune sauvage « conservée », animaux domesti-
qués, toujours la main de l’homme se devine-t-elle en hors-champ. Toujours se voit ainsi ravivé le sempiternel dialogue Nature/culture dont la permanence se teinte aujourd’hui d’une couleur rabattue.
Et toujours, par les photographes, s’éveille en nous, à l’échelle tant singulière que commune, avec ce qu’il faut de drame pour la magnifier, la révélation de notre appartenance au monde.
Pierre van TieghemARTISTES
COMMISSAIRES
Dans le cadre du 8e Mois européen de la photographie (EMoPLux) au Luxembourg, les Centres d’Art de Dudelange et le Centre national de l’audiovisuel (CNA) s’associent pour présenter les trois expositions monographiques de Marie Capesius, Rozafa Elshan et Marie Sommer reliées sous le titre de « Archipel » : une île dont la cohabitation intrigante entre une communauté naturiste et un camp militaire défie l’idée-même de paradis, un appartement qui sert de point d’observation pour une étude expérimentale d’une fraction du quotidien capté au moyen d’un téléobjectif, un territoire dans la région arctique marqué par une ligne de radars, dont les vestiges évoluent au long des cycles de la fonte des glaces.
Les trois artistes explorent des territoires naturels, stratégiques et intimes, à travers leurs strates de mémoire et d’idéologies, et proposent une mise en perspective à travers des langages très variés tels que la photographie, la vidéo, le son, la sculpture, le des-
sin, le journal intime et imprimé, la performance, les images d’archives.
« Archipel » nous parle d’un monde traversé par les courants et vagues, ses fragilités, beautés et paradoxes, sous la lumière des relations changeantes entre l’homme et son environnement. « Archipel » est aussi un observatoire du répertoire renouvelé de l’image pour le raconter aujourd’hui.
COMMISSAIRES
MARIE CAPESIUS : HELIOPOLISDANS L’OMBRE BLEUE DE LA CITÉ DU SOLEIL
Au début des années 1930, « Héliopolis », le premier village naturiste en Europe, a été fondé sur l’île du Levant, en Méditerranée française. Les premiers adeptes du mouvement naturiste ont mis pied sur cette île sauvage, afin d’échapper à la vie de ville agitée et de vivre un mode de vie plus sain en accord avec la nature. de missile. Un grillage sépare ces deux mondes opposés, qui cohabitent dans le même paysage. Intriguée par ces contrastes frappants, Marie Capesius documente avec sa caméra le quotidien d’Héliopolis et va à la rencontre de ses habitants pendant plus de trois ans. Une déclaration qu’elle a souvent entendue “Ici, c’est le paradis” a provoqué sa réflexion sur la notion du paradis. Qu’est-ce que le paradis ? Qu’est-ce que cela pourrait être et a-t-il déjà existé ?
De simples bungalows et terrains de camping ont été aménagés, plus tard une école et une infrastructure de village se sont construits. Le fait que ce n’est qu’en 1989 que Héliopolis a été raccordée à l’électricité marque la détermination de la communauté naturiste à préserver leur philosophie et style de vie naturel. Dans les années 1950, la marine française s’établit également sur l’île du Levant et utilise jusqu’à aujourd’hui 90 % de la superficie de l’île comme base militaire et de test de lancement
Inspirée par l’histoire d’Adam et Eve, elle compose intuitivement avec ses photographies et ses notes furtives un conte ouvert, qui questionne les sentiments subconscients liés au paradis et à l’enfer.
Elle vient à la conclusion que le paradis et l’enfer sont présents des deux côtés du grillage, que la présence de la vie et de la mort forme un ensemble, une évolution cyclique de la nature. Elle utilise des symboles qu’elle trouve dans la nature ; comme par exemple le serpent et le scorpion, pour évoquer des références archaïques et souligner une interprétation métaphysique.
Pour le Mois européen de la photo au Luxembourg, dont le sujet est « Rethink Nature and Landscape », Marie Capesius présente sa série en cours Heliopolis, qui a initialement été montrée à Berlin, dans le cadre de son projet de fin
d’étude à l’école « Ostkreuzschule für Fotografie » fin de l’année 2019. Dans une version plus étendue et avec une scénographie spécifique adapté au lieu d’exposition, notamment à la galerie « Nei Liicht », elle invite les spectateurs à plonger dans une vision plus intime des contrastes de paysages intérieurs et extérieurs de son travail. Elle inclut l’affichage d’originaux extraits de ses cahiers de notes qu’elle a tenus pendant ses recherches sur l’île, une projection photo où elle inclut des enregistrements de sons de la nature sur l’île, une série de photographie de nu et des représentations visuelles du côté militaire, qu’elle associe à la couleur bleue, faisant de l’ombre à la cité du soleil.
ARTISTE ROZAFA ELSHAN
COMMISSAIRES
ROZAFA ELSHAN : SYNTHÈSE D’UNE EXCURSION
À toi beaucoup t, (0000.....) 5fois infiniment fois
n était exeloús [sic].
Tu désœuvrais ta démonstration, contenue dans une boîte et tu la frottais à la peau de cet endroit de passage, pour (te) dépayser, mesurer l’espace, une durée (avec la précision d’un sismographe), t’essayer à une forme un peu plus attentive du quotidien. Ce quotidien exeloús, de nos temps.
Démontrer, tu disais, en éprouvant un tas de trucs : la trace photographique, la reproduction infinie par photocopie, l’étirement d’un instant dans sa répétition, la distribution du temps en forme de tickets numérotés, la couleur rouge, le point de vue caméra, les articulations hasardeuses d’une liste de films trouvée, le dispositif de vision formé par des plaques de verre de différentes tailles, l’arpentage d’un espace et de ses contraintes, les bruits de leurs désœuvrements. Démontrer pour éprouver et pour informer une recherche, la manifester possiblement, dans la salle d’attente d’une gare.
(Entre parenthèses : dans la gare de M. Reihl, constructeur de rails et de trains qui n’ont besoin d’arriver nulle part et des palais de verre qui s’effondrent sous le poids d’expositions et de clichés, on raconte qu’il continuait de regarder devant lui, monsieur Reihl, mais rien à faire. Il n’arrivait vraiment pas à comprendre. Impossible. Vraiment, il n’arrivait pas à le voir. De quel côté était la vie.)
Dans l’attente, tu collectais des petits bouts de papier glanés entre les livres trouvés au Pêle-mêle et manipulés par des mains inconnues et anonymes. De ces solid objets, qui nous regardent, tu retenais la mince chance d’une rencontre, d’un retardement sur page. Une érotique des écarts imprévisibles par rapport à la ligne droite. (0000.....)
(…) la poésie des infinies potentialités imprévisibles de même que la poésie du vide naissent d’un poète qui n’a aucun doute quant à la nature physique du monde. Cette pulvérisation de la réalité s’étend aussi aux aspects visibles, et c’est là qu’excelle la qualité poétique de Lucrèce : les grains de poussière qui
tourbillonnent dans un rayon de soleil au milieu d’une pièce sombre (II, 114-124) les toiles d’araignée qui nous enveloppent sans que nous nous en apercevions tandis que nous marchons (III, 381-390).
Accordée à ces expériences qui se donnent en bordure de récit, tu t’approchais d’une sorte de point oméga, où (quand/comme) le temps bascule dans l’espace, l’horloge s’est arrêté à 11 :11 et l’on ne cherche plus à aligner les causes aux effets : tout donnait l’impression d’être réel, le rythme était réel, paradoxalement, des corps qui se mouvaient musicalement, des corps qui bougeaient à peine, une dodécaphonie, des choses qui se passaient à peine, cause et effet si radicalement séparés que tout lui paraissait réel, à la façon dont sont dites réelles toutes les choses du monde physique que nous ne comprenons pas. (…) Lumière et son, tonalité sans paroles, la suggestion d’une vie au-delà du film, l’étrange réalité criante qui respire et mange là-bas, cette chose qui n’est pas du cinéma. (22)
Rester debout faisait partie de l’art, l’homme debout participe. (…) Mais il revenait toujours au mur pour un contact physique, faute duquel il risquait de se retrouver à faire quoi, il ne savait pas trop… (120)
Ces moments abstraits, de toute forme et toute taille, le motif du tapis, le grain du plancher, qui maintiennent son œil comme son esprit en alerte absolue, et puis le palier, en plongée… (119)
En contre-plongée du mur (écran) tu t’allongeais alors par terre et avec rigueur, sans bouger ni t’assouplir, tu essayais d’atteindre le plafond à l’aide d’une projection sur verre. Telle une écriture jouée infiniment sur un bout de papier de la taille de cette salle de passage : de l’univers clos au monde infini.
Michela SacchettoAvec des extraits et des citations de : Alessandro Baricco, Châteaux de la colère, Albin Michel, 1995 ; Italo Calvino, « Légèreté » dans Leçons américaines, Gallimard, 2017 ; Don Delillo, Point Oméga, Actes Sud, 2010 ; Émilie Hache (ed.), De l’Univers clos au monde infini, Éditions Dehors, 2014, Chris Marker, Le Tombeau d’Alexandre, 1992 ; échanges avec Rozafa Elshan ; marque page trouvé par Rozafa Elshan ; Virginia Woolf, Solid Objects, dans A Haunted House and Other Short Stories, Adelaide, 2009.
COMMISSAIRES
MARIE SOMMER : L’ŒIL ET LA GLACE
« L’Œil et la Glace » poursuit une recherche sur les lieux-archives de la guerre froide que Marie Sommer a amorcée en 2018 à la Stasi à Berlin. L’installation explore cette fois les vestiges de la DEW Line (Distant Early Warning Line), un système de défense mis en place dans le nord du Canada pour détecter toute éventuelle invasion de l’Amérique du Nord par les Soviétiques. Cette ligne de radar et de communication à longue portée trace une frontière magnétique sur l’ensemble du territoire arctique d’ouest en est.
Sur les nombreuses stations construites entre 1954 et 1956, la très grande majorité a été abandonnée, mais sans avoir été démantelée. Dégradés par les effets du temps, ces lieux constituent en soi une archive, dont l’historicité est circonscrite à l’intérieur d’un conflit qui s’est joué à l’abri des regards.
L’installation se compose de trois parties : un film projeté sur deux écrans, des photographies tirées de fonds d’archives canadiens et états-uniens imprimées avec les données cartographiques de tous les sites et une table-objet qui reprend des éléments architecturaux des dispositifs de radar. Par son titre, l’installation fait référence à deux enjeux
géopolitiques déterminants de la guerre froide : la détection à distance (l’œil) et la conquête du Nord (la glace).
Le film a été tourné aux environs de Tuktoyaktuk à quelques centaines de kilomètres de la station du nom de code BAR-3, située à une latitude de 69° 26’ 35” nord et une longitude de 132° 59’ 55” ouest. Ne pouvant accéder au site en raison d’une fonte prématurée de la glace, Marie Sommer dirige sa caméra vers cette nature en transition et capte les effets de ce changement climatique sur l’environnement. Tourné en 16mm, le film n’est ni documentaire ni narratif. Il est au contraire abstrait et affiche sa propre matérialité analogique : le montage des courtes séquences alterne entre des paysages et des prises de vue rapprochées, qui donnent à voir la texture singulière de la glace, et laisse apparaître des entrées de lumière, qui altèrent la pellicule. Le film semble ainsi sur le point de se désagréger de lui-même.
Cette dématérialisation accentue la fonte de la glace et fait écho à la dégradation des sites militaires que montrent les images d’archives. La juxtaposition des photographies met en contraste deux temps du conflit : les lieux au moment de leur mise en opération, où se révèle la froideur de leur technologie, et les lieux désaffectés, où les vestiges divulguent la nature particulièrement précaire de leurs architectures. Conçues dans l’urgence de la menace et dans des conditions extrêmes, les stations radars de la Dew Line étaient vouées à l’obsolescence dès leur origine en raison de l’évolution extrêmement rapide des technologies de surveillance durant cette période critique de la guerre froide. Les dispositifs de radar s’imposent majestueusement dans plusieurs photographies, mais leur monumentalité a quelque chose de fantomatique, comme si le futur qu’ils préfiguraient s’était figé dans le passé. Dans cette atmosphère rétro-futuriste, que la comparaison des photographies laisse apparaître, on décèle encore l’idée du progrès malgré la désuétude qui y règne. Ces lieux-archives attesteraient ainsi d’une nouvelle temporalité que la guerre froide introduit et que « L’Œil et la Glace » interroge : un temps anté-numérique, où se joue la transition entre une technologie de surveillance analogique, qui requiert la présence humaine, et une technologie numérique entièrement informatisée et opérationnelle à distance. Montrer la désuétude de ces architectures de la guerre froide, comme le fait « L’Œil et la Glace », ne vise pas à parler de la fin d’un conflit, mais à montrer l’obsolescence programmée dont ils sont les témoins matériels.
Marie FraserCOLLAPSED MYTHOLOGIES : UNE ANNEXE AU LEXIQUE GÉO-FINANCIER
ELINE BENJAMINSEN, 2021
On dit souvent que le jargon financier est délibérément obscur ; en contrefaisant la complexité, il égare l’opinion publique. En parcourant le dictionnaire des termes financiers du Financial Times, Sami Hammana a découvert qu’une grande partie du vocabulaire employé par les chroniqueurs financiers de ce quotidien se réfère au monde naturel.
« S’il existe une telle convergence » entre la nature et le marché, soutient-il, « alors la violence du capitalisme et la dégradation de l’environnement sont non seulement inséparables, mais suivent des logiques similaires, sinon identiques, dans la définition de stratégies d’émancipation. » (Hammana, The Geofinancial Lexicon, 2018)
Follement inspirée par des termes tels que « esprits animaux », « dead cat bounce », « ordres Iceberg », « jour des quatre sorcières » et « vampire des abysses », Benjaminsen a décidé de mettre en images ces bizarreries viscérales dans son dernier travail
“Collapsed Mythologies. An annex to the Geofinancial Lexicon”. L’objectif de ce projet, créé durant sa résidence artistique au Centre national de l’audiovisuel au Luxembourg, est de formuler des plaidoyers visuels pour illustrer ces fictions financières et les dégager de leur opacité tout en examinant leurs étymologies et leurs mythologies. En tant que berceau mondial de la gigantesque industrie des fonds d’investissement, le grand-duché de Luxembourg a récemment créé un centre d’innovation dans le secteur des marchés verts et de la finance durable –un cadre idéal pour cette recherche.
Entre la signification de ces termes (comme les interactions financières habituellement évoquées par des emprunts dérivés de l’écologie) et le monde naturel désigné par ces termes, gisent de riches récits mythologiques.
ARTISTES
COMMISSAIRE
LANDRUSH : VENTURES INTO GLOBAL AGRICULTURE
HUBER & UWE H. MARTIN“LandRush - Ventures into global agriculture” est une exploration artistique de l’impact social et environnemental de l’agriculture à travers le monde.
L’agriculture accélère le dérèglement climatique, l’extinction, l’érosion et la raréfaction des ressources en eau. Elle monopolise environ 40% des terres émergées et plus de 70% de l’eau douce de la planète, asséchant les lits des rivières et tarissant les nappes phréatiques.
En raison de la surexploitation des sols et de l’intensification rapide du réchauffement climatique, la désertification est une des plus lourdes menaces pesant sur la vie sur terre. Tous les jours, à chaque minute, l’avancée du désert détruit 23 hectares de terres arables, tandis que la dégradation des sols réduit de 23% la productivité de l’ensemble de la surface terrestre mondiale.
La population mondiale devrait frôler les dix milliards d’habitants d’ici 2048. L’évolution des régimes alimentaires, plus riches en viande et en poisson, se traduira par une demande accrue en nourriture avec le risque d’une dégradation encore plus rapide des
sols par épuisement, alors qu’au même moment les récoltes seront de plus en plus mauvaises en raison du dérèglement climatique. Les fertilisants déversés par les activités agricoles industrielles détraquent les écosystèmes des cours d’eau et des zones côtières, tandis que la déforestation et la transformation des prairies en terres cultivables causent l’érosion des sols et l’appauvrissement de la biodiversité. La nature décline globalement à un rythme sans précédent dans l’histoire de l’humanité ; l’agriculture et les changements dans l’utilisation des sols en sont les principaux responsables et contribuent par ailleurs à l’émission d’un quart environ des gaz à effet de serre qui aggravent le dérèglement climatique. Plus que toute autre, l’agriculture est l’activité par laquelle l’espèce humaine transforme la planète, pourtant la plupart des gens ne mesurent pas à quel point nos systèmes alimentaires sont fragiles en réalité.
Frauke Huber et Uwe H. Martin documentent les conséquences sociales et environnementales de l’agriculture mondiale depuis 2007. En adoptant une démarche de journalisme lent, ils nouent d’étroites relations sur place avec des agriculteurs, des éleveurs, des pêcheurs et interviewent des responsables politiques, des activistes et des scientifiques. Leurs projets se développent de manière organique, chapitre par chapitre, suivant un cycle constant de recherche, production et présentation. Cette approche ouverte permet à leur travail de faire surface au sein de contextes toujours nouveaux, en jetant progressivement des ponts entre publications dans des revues, films documentaires, Web-documentaires linéaires et applications interactives jusqu’aux mises en espace dans des institutions culturelles.
White Gold (2007-2012) examine les effets sociaux et écologiques de la production mondiale de coton. Le coton entre dans la fabrication de nos vêtements, des billets de banques, des aliments pour animaux, du dentifrice et des pellicules cinématographiques. Le commerce du coton a toujours été des plus inéquitables et sa réputation de produit naturel n’est rien de plus qu’une illusion. Le coton détruit des régions entières par ses besoins excessifs en eau, emploie plus de pesticides que d’autres cultures et
dégrade les écosystèmes. De plus, le coton stimule l’industrialisation mondiale de l’agriculture.
Landrush (2011 – en cours) analyse l’impact des investissements agricoles à grande échelle sur les économies rurales et les droits fonciers, l’essor des carburants renouvelables, la réaffectation des terres et l’avenir de l’agriculture à travers le monde, tout en documentant l’accaparement néo-colonial des terres en Éthiopie, les méga compagnies industrielles au Brésil, les fermes familiales florissantes grâce à la production d’éthanol dans l’Iowa, et l’agriculture biologique ainsi que les politiques d’aménagement du territoire en Allemagne orientale – parmi bien d’autres phénomènes.
Dry West (2014 - en cours) documente la société hydroélectrique et les paysages façonnés par l’homme de l’ouest américain, où les rivières coulent dans des berges en béton, à travers les montagnes et le désert, tout en rapportant de l’argent. Ce système, qui a fait fleurir le désert et grandir des villes, est de plus en plus déséquilibré. La région réclame plus d’eau que ne peut en fournir la nature. Plus de 80% de l’eau est engloutie par un système agricole qui a métamorphosé la moisson en opération minière ; au lieu du cuivre, de l’or ou du pétrole, il extrait de l’eau fortement subventionnée.
COLLECTIONS PERMANENTES
Les “Steichen Collections” au Grand-Duché de Luxembourg rassemblent le patrimoine lié à Edward J. Steichen (1879-1973). La longue carrière de cet artiste américain mondialement connu et d’origine luxembourgeoise a surtout été marquée par la photographie : d’une part, il travaille en tant que photographe prolifique, de l’autre comme direc-
teur au département photographie du Museum of Modern Art (MoMA) à New York, où son travail de commissariat d’exposition a trouvé une résonance internationale.
Plusieurs collections témoignent de son travail créateur au Luxembourg : celles du Musée national d’histoire et d’art (MNHA), de la ville de Luxembourg et du Centre national de l’audiovisuel (CNA). Le fonds des Steichen Collections du CNA comprend les deux expositions emblématiques The Family of Man (1955) et The Bitter Years (1962) que Steichen crée en tant que curateur au MoMA. Elles forment aujourd’hui deux ensembles iconiques de la photographie humaniste et documentaire du XXème siècle.
THE FAMILY OF MAN MÉMOIRE DU MONDE DE L’UNESCO (CHÂTEAU DE CLERVAUX)
En 1955, Edward Steichen conçoit The Family of Man pour le 25ème anniversaire du Museum of Modern Art (MoMA) de New York. Une exposition qui attirera le monde au musée et qui entrera dans l’histoire de la photographie, par son ambition, son succès
THE STEICHEN COLLECTIONS
international et sa réception enthousiaste et controversée à la fois. L’exposition est pensée comme un panorama humaniste visant à tisser des liens entre les peuples via le pouvoir de communication de l’image. Steichen saisit l’esprit du temps et dessine une image rassurante, incluant tensions et espoirs, sur le fond du contexte historique agité de la guerre froide.
503 images de 273 auteurs de 68 pays sont ici sélectionnées pour composer un manifeste pour la paix et l’égalité fondamentale des hommes. Les images d’auteurs tels que Robert Capa, Henri Cartier-Bresson, Dorothea Lange, Robert Doisneau, August Sander, Ansel Adams, … y sont mises en scène d’une manière moderniste et spectaculaire.
Après une itinérance internationale et décennale, la collection est léguée au Grand-Duché de Luxembourg dans les années 1960. Entrées dans les archives du CNA au moment de sa création en 1989, les photographies originales y sont restaurées et préparées à l’exposition permanente au Château de Clervaux – lieu choisi par Steichen lui-même. Aujourd’hui, la collection fait partie de la Mémoire du Monde de l’UNESCO et est présentée selon une interprétation contemporaine au respect de son histoire.
www.steichencollections.lu
DERNIERS FEUX
L’extinction du dernier haut fourneau de l’usine sidérurgique d’Esch/Belval, un quartier d’Esch-sur-Alzette, marque la fin d’une époque importante dans l’histoire industrielle du Luxembourg. Avec sa série de photographies Derniers
Feux, véritable monument à la mémoire du monde disparu des hauts fourneaux et usines sidérurgiques du GrandDuché, Yvon Lambert préserve de l’oubli cette partie de notre histoire.
L’alliance entre l’homme, le feu et le fer est ancienne. Si les premiers fours de fusion furent construits il y a 3000 ans, le feu et le fer restent, aujourd’hui, des éléments essentiels, des éléments qui n’ont rien perdu de leur force symbolique. La fascination qu’inspirent ces éléments et leur transformation reste entière. Celui qui a eu l’occasion de visiter une usine sidérurgique ne peut ignorer l’aura de ces anciennes cathédrales industrielles.
ARCHIVES NATIONALES DE LUXEMBOURG
Selon Roland Barthes « dans la Photographie, je ne puis jamais nier que la chose a été là. Il y a double position conjointe : de réalité et de passé. Ça-a-été ; il a été absolument, irrécusablement présent, et cependant déjà différé ». Cette conception de la Photographie s’applique particulièrement à l’œuvre d’Yvon Lambert, sa pratique de la photographie argentique fondée sur des processus photochimiques qui transposent les traces lumineuses et temporelles d’une réalité manifeste. De là, ce réalisme mélancolique et poignant propre aux tirages d’Y. Lambert, malgré la grande diversité des sujets et des lieux qu’ils nous donnent à voir. Dans sa série Derniers Feux, cette réalité est celle du monde désormais historique de la sidérurgie, du travail des hommes, des infrastructures techniques et de l’atmosphère qui le caractérisent. En procédant ainsi, ses images vont bien au-delà d’un intérêt documentaire.
« Un œil du photographe, grand ouvert, regarde à travers le viseur, l’autre, fermé, regarde à l’intérieur de sa propre âme », Henri Cartier-Bresson définit ainsi le caractère duel du regard du photographe à la fois extérieur et intérieur. Cette même démarche se retrouve chez Y. Lambert dans l’art d’aborder le sujet. Comme le démontrent ses autres séries photographiques, il est un observateur extrêmement fin et précis. Cependant, c’est par sa capacité à saisir des atmosphères et des ambiances, par son intérêt pour les gens, son empathie et sa curiosité intellectuelle qu’il va au-delà des images toutes faites pour rendre visible ce qui à première vue ne l’est pas. Dans ces photographies le spectateur reste parfois en arrêt devant la menace de gerbes d’étincelles. Force, dynamisme, concentration extrême sont nécessaires dans ces hauts et obscurs espaces qui ressemblent à de sombres cathédrales et dans lesquelles les hommes paraissent petits et perdus dans leur harassant travail quotidien.
Eva-Maria ReutherCE TÉMOIGNAGE D’UNE ANCIENNE CULTURE INDUSTRIELLE EST AUSSI
UN HOMMAGE À LA VIE ET AU TRAVAIL DES HOMMES QUI EN FURENT
LES ACTEURS.
VUES DU LUXEMBOURG ET DE « L’ORIENT »
Francis Frith (1822-1898) acquiert une énorme renommée en Grande-Bretagne durant la seconde moitié du 19e siècle, grâce aux photos ramenées de ses trois voyages en Orient entre 1856 et 1860. L’égyptomanie submerge la société victorienne, les fouilles archéologiques suscitent un grand intérêt et, en 1854, le public afflue pour voir l’Egyptian Court au Crystal Palace à Sydenham.
Frith est un homme au tempérament passionné, très religieux, érudit malgré le fait qu’il ait arrêté sa scolarité à l’âge de seize ans. Il relate dans son autobiographie que durant ses années d’apprentissage à Sheffield, il s’est plongé dans les écrits métaphysiques de John Locke, Dugald Stewart et Adam Smith. Il aime aussi lire de la poésie, des récits de voyages et des biographies[I]. La famille Frith fait partie du mouvement des quakers et Francis a une illumination
BIBLIOTHÈQUE NATIONALE DU LUXEMBOURG
religieuse à la suite d’une dépression aux alentours de dix-neuf ans. Sa foi est alors devenue l’un des fondements de sa vie. Durant cette époque de mal-être, il voyage avec ses parents au Nord de l’Angleterre dans le Yorkshire, au Pays de Galles et en Écosse. Il décide ensuite de se lancer dans le commerce alimentaire de gros avec un associé à Liverpool, qui est à cette époque une ville maritime en plein essor. Lorsqu’il vend son commerce à trente-quatre ans, il a amassé une telle fortune qu’il peut vivre de ses rentes. C’est à Liverpool qu’on trouve la trace de son intérêt pour la photographie, il est un des membres fondateurs de la Liverpool Photographic Society créée
Celle-ci a sa propre revue, le Liverpool Photographic Journal, qui mentionne en 1856 que Frith a participé à l’exposition de la London Photographic Society et que « les meilleurs portraits sont ceux de notre membre, Mr. Frith, un amateur ».[III] Cette exposition présente quatorze photos de Frith, dont deux portraits et des photos de paysages du Pays de Galles, dont des vues stéréoscopiques, vendues par la société d’instruments d’optique Negretti and Zambra. Frith travaille avec le procédé au collodion humide, qui produit les négatifs les plus fiables et nets. Ce procédé au collodion humide sur verre inventé par l’anglais F. Scott Archer et rendu publique en 1851 s’avère difficile à maîtriser, d’une part « à cause de la fragilité du support verre, mais aussi parce que l’humidité de l’émulsion doit être maintenue de la prise de vue au fixage du négatif. Les opérateurs, en voyage surtout, devaient agir rapidement et développer sur-le-champ. »[IV] Notons aussi que Frith signe déjà ses négatifs en gravant son nom dans l’émulsion au collodion, pour contrecarrer le piratage[V]
Frith, qui déménage à Reigate après avoir vendu son affaire, se sent pourtant désœuvré. C’est alors qu’il décide de voyager: “ The very best thing that a young man of means and leisure can do, if he has not yet found another destiny.”[VI] C’est dans l’état d’esprit du Grand Tour en Orient, effectué par l’aristocratie ou la bourgeoisie aisée, qu’il se lance dans l’aventure égyptienne.
En compagnie de son ami Francis Herbert Wenham, un ingénieur en optique et mécanique, il part en Égypte de septembre 1856 jusqu’en juillet de l’année suivante. Les deux compagnons se complètent par leur inventivité, Wenham avec un bateau à vapeur de sa création qu’il amène en Égypte et Frith avec son chariot de travail couvert, en osier, utilisé comme chambre noire sur roues et occasionnellement comme chambre à coucher. Les égyptiens spéculent qu’il transporte son harem dans son chariot, ce qui lui vaut beaucoup de respect.[VII] Lors de ce premier voyage, Frith remonte la Vallée du Nil jusqu’à Abou Simbel. Il a emporté trois appareils photographiques de différents formats, un appareil à plaque standard
[III] Ibid., p. 44 et p. 189 Liverpool Photographic Journal 3, no.27 (8 mars 1856)
[IV] François Brunet La naissance de l’idée de photographie. Paris PUF, 2000 p. 222
[V] Douglas R. Nickel Francis Frith in Egypt and Palestine, p. 45
[VI] Ibid. p. 29 extrait de: Francis Frith A true story of my life
(200x250mm), un appareil à plaque mammouth (400 x 500 mm) et un petit appareil stéréoscopique[VIII]. Wenham dit dans ses mémoires que c’était les débuts du procédé du collodion humide et qu’ils n’étaient pas optimistes quant au résultat, car ils étaient les premiers à tenter l’expérience dans des « pays chauds »[IX]
Wenham étant le consultant optique de Zegretti and Zambra, cette firme publie les premières vues stéréoscopiques en 1857, que Frith leur envoie d’Égypte.[X] À leur retour, ils restent trois mois en Angleterre, le temps de se refournir en matériel pour repartir pour six mois, cette fois jusqu’en Palestine, via l’Égypte, de novembre 1857 à mai 1858. Ils se rendent à Jaffa par la mer, puis ils vont à Jérusalem, Hebron, la mer morte, Nazareth, Damas, Baalbek et Beyrouth[XI]
Après ce voyage, Frith est déjà une célébrité, il donne des conférences, expose ses tirages grands formats et supervise la publication de son premier ouvrage.
C’est l’éditeur James S. Virtue qui publie Egypt and Palestine en deux volumes avec 76 photos, distribuées par souscription en 25 fascicules avec un tirage de
[VII] Ibid. p. 47 extrait de: Francis Frith Egypt and Palestine, vol. 2. London James Virtue, 1858-60
[VIII] John Hannavy (ed.) Encyclopedia of nineteenth century photography. New York : Routledge, 2008, p. 558
[IX] Ibid. p. 48 extrait de : Francis Wenham A photographic tour: past and present (British journal of photography 45, no. 1997 (12 Aug. 1898)
[X] Colin Osman Egypt caught in time. Reading : Garnet, 1997, p. 35
[XI] Douglas R. Nickel Francis Frith in Egypt and Palestine, p. 29
2000 exemplaires[XII], en 1858 et en 1859. À cette période germe en Frith l’idée que l’illustration photographique de livres sera le futur de l’imprimerie et il s’associe à un marchand d’images londonien pour créer la firme Frith and Hayward.[XIII]
En 1859, Frith entreprend son dernier voyage en Orient, qu’il considère comme « une prouesse, et peut-être une folie »[XIV]. Il va plus loin que n’importe quel photographe avant lui, presque jusqu’à la troisième cataracte et atteint Soleb en Nubie. Ce périple est très éprouvant, il parcourt des kilomètres à dos de chameau. Il relate dans une lettre à la London Photographic Society du 7 août 1859: «[W]e were devoured by thousands of sandflies ; the water was bad, and the great heat. I worked hard, and took some fine pictures… I imagine the temperature in my little tent could not be less than 130° Fahrenheit; the developing solution was quite hot»[XV]. Il re-photographie certains sites notamment à cause de nouvelles excavations entreprises depuis sa dernière visite et ajoute d’autres vues.
À son retour de voyage, il relocalise sa société d’impression et d’édition pho-
[XII]
tographique à Reigate, sous le nom de F. Frith & Co. Il publie son travail et celui d’autres photographes. Devinant l’essor du tourisme naissant, il s’emploie à photographier chaque ville, village et site en Grande-Bretagne. Il est assisté par d’autres photographes, qu’il forme au style photographique distinctif de la maison. Il élabore cette idée de génie en commissionnant des photographes pour aller aux quatre coins du globe. En Orient, un de ces photographes est Frank Mason Good (1839-1928), dont on retrouve des photos dans l’album du Luxembourgeois Tony Dutreux, qui effectue un voyage en Orient en 1867. Mason Good est commissionné par Frith entre 1866 et 1867 et certaines photos présentes dans l’album de Dutreux sont dans le catalogue Frith’s Photo-pictures, The Universal series (Sinai & Palestine). Elles étaient publiées sous le nom de Frith dans son livre F. Frith’s photo-pictures from the Lands of the Bible. Illustrated by scripture words. Au Luxembourg, « un anglais du nom de Simpson, qui travaille pour […] Francis Frith, prend onze vues de la capitale. […] On retrouve ces vues collées dans des livres illustrés mis en vente sous le titre Frith’s photographs, sans mention du nom de l’auteur des clichés. L’imprimeur-libraire luxembourgeois Pierre Bruck, les acquiert à son tour pour les vendre ensuite [soit] à l’unité, montées ou non sur carton Bristol, sous 3 formats différents […], [soit] réunies dans un album, toujours sans indication du nom du photographe.»[XVI] Julia Skinner de la Francis Frith Collection pense que Simpson est soit un photographe employé par la F. Frith & Co., soit un photographe indépendant et que la F. Frith & Co. achète les droits pour publier et distribuer ces photos ou que la F. Frith & Co. le commissionne spécialement pour prendre ces photos pour leur compte. La Bibliothèque nationale du Luxembourg présente dans son exposition les photos du Luxembourg extraites des deux albums qu’elle possède,[XVII] ainsi que les photos orientales de Francis Frith tirées du livre Egypt, Nubia, and Ethiopia / illustrated by one hundred stereoscopic photographs, taken by Francis Frith.[XVIII]
Nadine Abel Esslingen
[XIII] Nickel p. 78
[XIV] Nickel
[XV]
75 (10 Feb. 1860)
[XVI] Edmond Thill et al. Charles Bernhoeft photographe de la Belle époque. Luxembourg Musée national d’histoire et d’art, 2014, p. 81. « La Luxemburger Zeitung du 26 mai 1880, le signale dans ses colonnes p.2 »
[XVII] [Francis Frith] Souvenir de Luxembourg Luxembourg : Pierre Bruck, [ca. 1880] : contient onze photos (17 x 11 cm) numérotées de 9715-9726, datées c.1877 dans les registres tenus à la Francis Frith collection
[Francis Frith] Luxembourg Luxembourg : Pierre Bruck, [ca. 1880] : contient vingt photos (26 x 15 cm), par Frith numérotées comme suit: 9715-9720 ; 9722-9725 ; 11556-11560 ; 11562-11563 [s. n.: „Portail de la Cathédrale”] 11568 [renversé] ; 11571. Contient les 10 photos du 1er album, ainsi que d’autres vues, datées c.1879 dans la Francis Frith collection.
[XVIII] Francis Frith Egypt, Nubia, and Ethiopia / illustrated by one hundred stereoscopic photographs, taken by Francis Frith for Messrs. Negretti and Zambra ; with descriptions and numerous wood engravings by Joseph Bonomi ; and notes by Samuel Sharpe. London : Smith, Elder and Co., 1862
TITO MOURAZ : FLUVIAL
Deux épidémies photographiques plus ou moins inoffensives affectent respectivement les photographes de la nature et les photographes du territoire. L’un d’eux est, pour reprendre les termes de Lewis Baltz, l’« esthétique de la carte postale » ; le second, le regard anesthésié par l’ironie. Bien que s’intéressant à la nature et se consacrant, il est vrai, à un territoire délimité spécifique (les plages et les villages de l’intérieur nord et du centre du Portugal), Tito Mouraz est à l’abri des deux.
Photographiées entre 2011 et 2018, ces scènes fluviales révèlent une réflexion assez longue et patiente sur les manières décentes, sophistiquées et pertinentes de traiter photographiquement une géographie tombée visuellement dans la banalité. Il n’est pas sans intérêt de se souvenir que c’est aussi de sa géographie personnelle qu’il s’agit qui est à l’origine de ce questionnement et des difficultés additionnelles - photographiques mais pas exclusivement – à savoir comment traiter ses propres origines sans indulgence mais aussi sans dureté excessive ? Comment
réinventer un paysage victime de conventions ? etc. La solution trouvée par Tito Mouraz semble avoir été la construction d’une ambiance de fiction - une ode au loisir - basée sur des gestes théâtraux et un regard qui abandonne le familier, à travers lesquels il conserve, pour ainsi dire presque paradoxalement, un sentiment d’appartenance intime et une empathie décomplexée.
La série Fluvial tisse également une analogie entre l’érosion et la vision, basée sur des analogies visuelles entre les corps humains et d’autres corps organiques et inorganiques. Tout comme les courants déforment les troncs d’arbres et façonnent des blocs minéraux, qui émergent dans ces images presque comme des sculptures de land art, la relation de longue date avec un territoire a, dans cette œuvre de Tito Mouraz, une fonction purifiante et révélatrice, conduisant à voir ces figures humaines avant tout autre aspect, comme des formes analogues à celles-ci.
Ce geste a un double effet. D’une part, il signale avec élégance les liens telluriques - ou, à proprement parler, fluviaux - entre certains corps et certains lieux. Mutatis mutandis, il nous met au défi, de manière quelque peu provocante, en revanche, d’envisager dans une perspective presque inconcevable les individus humains comme des œuvres de land art, comme de simples formes naturelles. Figures aléatoires d’une étude continue des formes, de la lumière et de la couleur, dans la géographie intime qui caractérise l’œuvre de l’auteur au cours de la dernière décennie, le rôle de ces personnes n’est pas très différent de celui des modèles en peinture, sauf qu’ils se déplacent librement. Difficulté résolue ici par des principes de travail explicites, autour desquels est déclarée - intentionnellement ou non - l’inséparabilité entre l’expertise technique et la pudeur envers un sujet.
Trois aspects en particulier, parmi d’autres, méritent d’être signalés. Premièrement, le traitement de l’eau non seulement comme élément qui permet de flotter ( l’observateur face à l’irréductibilité de la forme humaine), mais aussi comme instrument optique
à proprement parler où l’image réfléchie des corps immergés apparaît comme une métaphore où se diluent les formes habituelles du vacancier. Puis, dans certains des portraits, la combinaison magistrale du flash avec l’utilisation de grandes ouvertures, une combinaison qui ne produit pas tout à fait des photographies de paysage mais plutôt des photographies d’images du paysage, comme des scénarios ouverts suivant lesquels se mettent en évidence des corps d’homme et où le photographe s’approprie la nature comme s’il s’agissait d’un grand studio privé. Et enfin la manière dont - grâce à une utilisation affirmée de la lumière discontinue - les corps sont accentués dans des jeux d’ombre et de lumière et où les référents ne se trouvent peut-être pas dans la tradition photographique mais plutôt dans l’histoire de la peinture, chez des maîtres comme Manet ou Courbet. Réaliste et pourtant onirique, païen dans sa façon de considérer la nature et recréant l’ambiance d’un dimanche sans fin, Fluvial s’imprime dans la mémoire comme un rêve d’été portugais.
Humberto Brito ( traduit du portugais par Pierre Stiwer )
LA SÉRIE „FLUVIAL” TISSE UNE
ANALOGIE ENTRE L’ÉROSION ET LA VISION, BASÉE SUR DES ANALOGIES
VISUELLES ENTRE LES CORPS HUMAINS ET D’AUTRES CORPS ORGANIQUES ET INORGANIQUES.
DANIEL REUTER : OVERSEES
Les sujets photographiques sont généralement un élément de distraction. Si l’indexicalité de la photographie est son plus grand atout, elle lui permet également d’induire en erreur le spectateur en l’ entraînant vers des impasses sémantiques. Or, sujet et sens, bien que souvent distincts, sont la plupart du temps intimement liés. Ils nous donnent accès à l’image, tout en pointant vers un champ qui lui est extérieur, vers une possible évasion.
History of the Visit de Daniel Reuter semble documenter une visite en Islande, mais les apparences sont trompeuses. Déployant un langage formel rigoureux et concis, c’est un voyage vers l’intérieur - une œuvre atmosphérique, empreinte d’une forte tension psychologique qui finit par hanter le spectateur. Marquées par une forme de retenue et
de discrétion, ces images sombres et faiblement contrastées nous font traverser le paysage islandais, tout en évitant les vues spectaculaires et les attractions touristiques. Branches cassées, hangars verrouillés, rochers et champs recouverts de mousse – tout est vu à travers un regard à la fois inquisiteur et distancié. Ces images de lichens, de roches et de prairies balayées par le vent rappellent le travail de Paul Caponigro et des photographes naturalistes, tout en jouant sur un registre plus mélancolique, voire sinistre. Si Minor White abandonnait les enseignements de Gurdjieff et se mettait à écouter Sunn O))) et Brian Eno, c’est probablement à cela que son travail ressemblerait.
Bien que détachées et d’apparence minimaliste, les images de Daniel Reuter, par leurs tons sombres et leurs sujets évoquant l’obscurcissement – portes fermées, cordes, parois rocheuses imposantes et broussailles infranchissables – renvoient à une intériorité insaisissable, hors de notre portée. Au touriste occasionnel, il n’est guère donné de porter un regard plus approfondi sur le pays qu’il découvre. Au mieux, il écume la surface, glanant ici et là des impressions plus significatives. Les images de Daniel Reuter semblent ainsi à première vue se contenter d’une vision limitée de l’Islande et n’es-
saient pas de nous montrer une version définitive du pays - à supposer que cela soit possible. Mais comme Roni Horn, qui a également choisi l’Islande pour explorer un territoire avant tout psychologique, Daniel Reuter sonde les profondeurs en portant son regard à la fois vers l’extérieur et l’intérieur. Notre séjour en Islande au côté de l’artiste est certes court, mais qui a dit qu’une visite devait durer pour affecter profondément celui qui l’effectue ?
( “History of the Visit” : version légèrement amendée d’un texte initialement publié dans “Paper Journal”, 27 mars 2014 )
L’exposition “Oversees” de Daniel Reuter chez Nosbaum Reding combine et recontextualise pour la première fois des œuvres des séries “History of the Visit” (2013) et “Beachhead” (2018) ainsi que des œuvres récentes liées aux voyages de l’artiste au Chili.
BIEN QUE DÉTACHÉES ET D’APPARENCE MINIMALISTE, LES IMAGES DE DANIEL REUTER, PAR LEURS TONS SOMBRES ET LEURS
SUJETS ÉVOQUANT L’OBSCURCISSEMENT (... ) RENVOIENT À UNE INTÉRIORITÉ INSAISISSABLE, HORS DE NOTRE PORTÉE.
ÉRIC POITEVIN
Si l’on s’attache au parcours et aux choix de vie d’Éric Poitevin, des clichés sont toujours possibles : l’enracinement lorrain et la campagne meusienne, la méritocratie des Beaux-Arts et la Villa Médicis, l’enseignement à Paris... Mais cette lecture de son parcours éclairerait mal les choix esthétiques et l’oeuvre de ce photographe talentueux, simple, inventif et toujours passionnant.
Pour mieux découvrir l’homme de 56 ans, mieux vaut regarder ses photographies, dont certaines, plus qu’une biographie documentée toujours à écrire[1], parlent d’une forme d’apaisement et de quelques certitudes, assez rares chez un artiste. Commençons donc par ce qu’il montre de la nature qui l’entoure, faune et flore confondues en gommant les ombres dans une lumière diffuse, un peu comme le faisait le regretté Thibaut Cuisset. Leurs oeuvres ne se ressemblent pas. Ici, le photographe
serre de beaucoup plus près son sujet pour saisir non pas un paysage (sauf au cap Corse) mais plutôt une architecture naturelle, tout ce qu’elle donne à découvrir derrière les entrelacs végétaux : la glaise, les tensions et une violence sourde. Violence mise à distance dans des photos de bêtes abattues, lors de parties de chasse auxquelles Éric Poitevin, pêcheur en étang, ne va pas. Pour lui, pas d’idéologie ancrée dans la vérité d’une terre meusienne qu’il aime pourtant au point d’y vivre au long cours. Mais d’abord une curiosité jamais rassasiée... Voilà qui n’en fait pas un grand voyageur et « même de moins en moins ». Il s’agit plutôt de creuser dans son pré, d’approcher sans cesse. D’où cette complicité affichée avec l’écrivain Jean-Christophe Bailly.
« Dans mon travail, j’ai misé sur le long terme. Pendant les années 1980 en photographie, il fallait être dans la répétition. Ça ne m’intéressait pas. D’une certaine façon, mes portraits d’anciens de la guerre 14-18 ont trop bien marché. Très vite, on m’a demandé de répéter le geste... J’ai alors choisi une stratégie de la rupture. J’ai pensé qu’à la fin de chaque travail, il fallait repartir de zéro.» En redistribuant les cartes. « D’où mon corpus assez hétéroclite qui m’a été reproché. Mais aujourd’hui, ces écarts sont devenus comme le ciment de mon travail. » Il est donc possible de repérer des ruptures formelles : d’étonnantes photos en couleur d’une fanfare, de paysages en Corse qui l’ont « libéré de beaucoup de choses ». « Je suis passé au grand format et je n’en suis jamais sorti. C’est une construction. Elle demeure le chemin le plus court entre l’image et vous. Le numérique offre plus de précision et moins de compréhension. Aujourd’hui, peut-être est-on en train de passer d’un oeil de bovin à un oeil de faucon ? De toute manière, il me faudra du temps pour passer au numérique. » Éric Poitevin refuse radicalement l’urgence. Comment vivre de son travail de photographe alors que le soutien public s’érode et celui du privé se négocie le plus souvent sous condition ? Ne pas trop croire au mécénat et très rarement aux travaux de commande. « Trouver un équilibre grâce
à des collectionneurs qui achètent vos photos » et des activités d’enseignant « vécues beaucoup plus comme une initiation qu’une transmission ». Les portraits d’Éric Poitevin saisissent les êtres au point de les faire parler. Assez statiques, ils livrent dans les regards et les esquisses de sourire, des rêves, des attentes, une histoire. La démonstration était sans doute plus facile à faire quand les sujets étaient les combattants de 14-18. Plus compliquée peut-être avec des membres de la Curie romaine (travail à la Villa Médicis). Moins évidente avec ces musiciens de Longuyon, ville de Meurthe-et-Moselle où il a grandi. Pourtant dans ses photographies, l’effet de vérité est saisissant, à mille lieues des images mensongères ou - et publicitaires. Son travail au Palais Galliera (« Anatomie d’une collection ») éloigne du faux glamour pour un étrange voyage ethnologique dans la mode. C’est encore plus vrai pour ses nus remarquables qui le rapprochent du Patrice Chéreau d’Intimité ou de La Reine Margot. Densité, agilité et puissance des corps. La chair est là, vivante. Ce ne sont pas des natures mortes. Comme sont vivantes les plantes, son nouvel objectif de photographe. L’aventure se continuera aussi dans les Highlands, en Écosse, pour un retour aux paysages.
par François Ernenwein[...] DANS SES PHOTOGRAPHIES, L’EFFET DE VÉRITÉ EST SAISISSANT, À MILLE LIEUES DES IMAGES MENSONGÈRES ET / OU PUBLICITAIRES.
ARTISTES
COMMISSAIRE YASEMIN ELCI
APPRIVOISER LA NATURE
Les artistes de l’École de Helsinki ont commencé à explorer la nature à peu près au même moment où le chimiste atmosphérique Paul J. Crutzen, lauréat du prix Nobel, a popularisé le terme «Anthropocène», terme utilisé aujourd’hui pour désigner la période la plus récente de l’histoire de la Terre, où l’activité humaine a commencé à avoir un impact drastique sur l’écosystème.
Avec leur première exposition au Luxembourg, les artistes de l’école d’Helsinki Sandra Kantanen, Jaakko Kahilaniemi et Riitta Päiväläinen engagent de nouvelles discussions autour de la relation conflictuelle de l’humanité avec la nature à l’époque de l’ Anthropocène, thème qui est cœur du Mois européen de la photographie, cette année. Par École de Helsinki on désigne six générations d’artistes photographes depuis les années 1990 qui ont été diplômés de l’Université Aalto de Helsinki
VALERIUS GALLERY
ou qui y ont participé. Présentée dans plus d’une centaine de publications et d’expositions internationales, elle est aussi un des rares mouvements photographiques à avoir un impact durable et qui s’est transformé en une marque internationale dans le monde de l’art. Chacun de ces artistes remet en question les frontières de la photographie par des associations avec d’autres disciplines et par des approches conceptuelles de sujets immatériels tels que le temps et la mémoire. Les paysages oniriques de Sandra Kantanen oscillent entre passé et futur, réel et surréalisme, mais aussi entre les différentes manières de voir la nature à l’est ou à l’ouest. Depuis qu’elle a découvert que les montagnes sacrées qu’elle a étudiées dans la peinture de paysage chinoise étaient ruinées par les modes de vie «modernes», Kantanen a choisi de recréer «l’image idéalisée», soit en surexposant, en superposant ou en déformant numériquement les images.
Son travail photographique montre le passage du temps comme si un peintre laissait des coups de pinceau denses sur l’image pour tenter de confiner une lumière fugitive. En recréant l’intervention humaine sur la nature, Kantanen construit une mémoire intemporelle de paysages fictifs et transcendants.
Alors que Sandra Kantanen cherche à raconter une histoire commune, Jaakko Kahilaniemi se concentre sur la sienne et de sa famille. La série
«100 Hectares of Understanding» de Kahilaniemi peut sembler à première vue dépourvue d’éléments objectifs et scientifiques ; cependant, c’est bien à un voyage personnel que l’artiste nous invite. En disséquant et en rassemblant cent hectares de forêt, Kahilaniemi fait une première tentative pour établir une relation avec son futur héritage. En conceptualisant des pièces documentaires, il se réapproprie le récit autour de cette terre qui a appartenu à sa
famille pendant des générations et son processus de visualisation expérimental transforme les ressources collectives en déclaration personnelle. Tout comme Kahilaniemi, Ritta Päiväläinen ne considère pas le paysage uniquement comme un phénomène objectif. Cependant, contrairement à Kahilaniemi, Päiväläinen observe la nature à travers les traces de la présence humaine. L’enchevêtrement de l’homme avec la nature est représenté par ses «espaces sculpturaux» métaphoriques, des installations de tissus dansant dans la nature. Ses images mises en scène représentent de rares moments où l’inorganique et l’organique semblent exister en harmonie l’un avec l’autre. Finalement, Päiväläinen souligne l’effort collectif de l’humanité pour domestiquer l’environnement.
LES ARTISTES DE L’ÉCOLE
D’HELSINKI [...] ENGAGENT DE NOUVELLES DISCUSSIONS AUTOUR DE LA RELATION CONFLICTUELLE DE L’HUMANITÉ AVEC LA NATURE À L’ÉPOQUE DE L’ ANTHROPOCÈNE.
JOHN OESCH
John Oesch, photographe professionnel basé au Luxembourg, joue avec ses objectifs comme un peintre avec ses couleurs.
Il met soigneusement en place des scènes extraordinaires, impressionnantes voire poétiques. Ses images sont toujours construites avec le plus grand soin et travaillées dans le moindre détail.
Les photographies présentées dans le cadre de l’Emop ont valeur d’archives et de témoins d’un événement qui nous a tous marqués en 2020: le lockdown.
Luxembourg, ville devenue fantôme, nous renvoie à l’impact de l’Homme sur son environnement, à sa trace laissée, à une certaine vanité peut-être.
Des images exceptionnelles à la beauté interpellante, reflets poétiques d’un instant fragile où tout a basculé, point de rupture de nos certitudes mégalomaniaques où la Nature prouve qu’elle peut toujours reprendre le contrôle.
INSTINCTS. SAME BUT DIFFERENT
« La naissance de Victoria et Helena a tout changé. Rien n’est plus comme avant. Elles font partie de mon monde, de ma vie, de moi-même. Nous évoluons côte à côte, unies par un lien unique. J’ai commencé « Instincts. Same but different » comme silencieuse observatrice de leur dyade naissante, de leurs explorations et de leurs rencontres. Je sais désormais que tout au long de ce projet, je me suis redéfinie comme femme, mère, et artiste.»
«Instincts. Same but different» se lit comme un journal intime dans lequel Cristina Dias de Magalhães décrypte visuellement et émotionnellement son environnement familial. Fascinée par le lien natif qui unit ses filles jumelles, elle s’est détachée des autoportraits pour retrouver à travers leur regard les moments liés à la petite enfance : la joie de vivre, l’exploration de l’environnement, la découverte de soi et la construction d’une relation avec les autres.
En incluant l’univers animal que ses filles aiment observer et analyser, elle établit un dialogue entre les images où l’instinct prévaut et nous guide. En tant que mère, elle se projette dans la figure archétypale de l’animal, dotée de symbolisme et de caractéristiques humaines, qui accompagne ses filles au quotidien dans leur apprentissage. Ses diptyques dévoilent un lien silencieux créé par les moments partagés et ressentis vécus. Cette rencontre physique, imaginaire et pourtant authentique nous rappelle que nous sommes nés dans un monde complexe où les instincts sont la base de la survie.
À travers la présentation de nos mondes infantiles et instinctifs disparus, la série «Instincts. Same but different» fait référence à la relation que nous construisons avec les autres, notre environnement et notre planète, tout en nous poussant à redéfinir notre propre humanité.
DES MOBILES DE VÉRITÉS ET D’IDENTITÉS FIXES.
“LIQUID EARTH” EST UNE EXPLORATION DE L’INVISIBLE ET DU TANGIBLE SUR DES TERRAINS MOUVANTS, LAISSANT DERRIÈRE ELLE
ARTISTES
CAECILIA TRIPP, ARMAND QUETSCH
COMMISSAIRES
POUR ARMAND QUETSCH : CHRISTIAN MOSAR
POUR CAECILIA TRIPP : CHRISTIAN MOSAR ( EN ASSOCIATION AVEC ERNA HÉCEY )
SCHAUFENSTER 3 :
CAECILIA TRIPP : LIQUID EARTH
ARMAND QUETSCH : BY THE SAME PATHS
LIQUID EARTH
(FILM / PERFORMANCE 12’50 MIN) AVEC DES ENREGISTREMENTS SUR LE TERRAIN ET DES IMAGES FILMÉES DU VOLCAN NYIRAGONGO
PAR CAECILIA TRIPP 2018
“Liquid Earth” est une exploration de l’invisible et du tangible sur des terrains mouvants, laissant derrière elle des mobiles de vérités et d’identités fixes. Liquid Earth construit une «poétique de la relation» et de la migration à travers la sismologie et les plaques tectoniques, reliant les terrains locaux au volcan Nyiragongo situé au Congo comme l’un des plus grands lacs actifs de lave volcanique au monde. Le volcan est surveillé de près par le Centre européen de géodynamique et de sismologie du Luxembourg, en
collaboration avec le Musée royal de L’Afrique centrale (Belgique).
Le Nyiragongo est également la source et la zone de conflit en raison de la précieuse matière première qu’est le coltan, transformé dans les smartphones et les ordinateurs.
Le cœur de la Terre, «Un tremblement ensemble» comme l’affirme Edouard Glissant, entre respiration et essoufflement, un souffle coupé. Un Prométhée qui vole le feu.
Filmé dans les ruines d’une usine sidérurgique abandonnée, construite grâce à la migration. Réalisé par Georges Maikel Pires Monteiro, un jeune chorégraphe originaire de l’île volcanique du Cap-Vert.
(traduit de l’anglais par Paul di Felice)
Avec le soutien du ministère de la Culture du Luxembourg, en collaboration avec le Centre européen de géodynamique et de sismologie et le Musée royal de l’Afrique centrale (Belgique), remerciements particuliers à Nicolas d’Oreye et Marlène Kreins.
En noir et blanc, en positif ou en négatif, la série proposée nous emmène avant toute chose à suivre les pas d’une itinérance singulière.
Les photographies d’Armand Quetsch, dans un flux lent et répétitif, glanées d’un geste presque automatique à deux pas de son domicile, offrent une ode au regard. Loin de toute posture romantique ou intellectualisante, la démarche est pauvre, presque dénuée de toute intention, sans concept préétabli, sans désirs. Et c’est justement là que son médium lui tend sa part de merveilleux.
Dans un paysage d’une banalité presque aveuglante pour celui-ci, qui, prit de lassitude, refuse de connaître encore et se contente de reconnaître. Les images reconnues, que l’on saisit par la suite, ne sont que les balises d’un quotidien ennuyeux et sans espoir. Quetsch le sait et, maintenant son rythme, s’oblige à rester disponible aux lumières et aux formes, aux compositions et aux nuances.
Les pellicules, une fois développées, révèlent une seconde fois, parfois des mois plus tard, la magie
LOIN DE TOUTE POSTURE ROMANTIQUE OU INTELLECTUALISANTE, LA DÉMARCHE EST PAUVRE, PRESQUE DÉNUÉE DE TOUTE INTENTION.
émanant de ses ritournelles. La lenteur du processus oeuvre dans un rite contemplatif ou il arrive que la lecture du négatif puisse suffire. Le médium photographique est généreux et offre à profusion de subtils détails, des nuances infinies. Reste néanmoins la question de composition. À mains levées, les images sont prises avec la rigueur d’un géomètre et l’organisation d’un paysagiste. Pas ou peu de déchets. Vient enfin, la sélection d’images qu’impose une grammaire personnelle pour écrire une nouvelle, empreinte de minimalisme.
Une méditation soutenue par un environnement proche, la contemplation des infinis du paysage, la réinvention du réel comme palliatif de nos tourments. Armand Quetsch touche par le raffinement de ses images et l’élégance de son œuvre et par l’amplitude que prend son travail, en empruntant des sentiers similaires à celles d’un autre promeneur, Robert Walser: « Que tout était devenu beau, à présent, intime, dans la campagne qui sombrait dans la nuit. De braves prés verts filaient avec douceur, élégance et amitié devant moi des pensées de toutes sortes se bousculaient comme des chatons caressants sur mes talons. »
François GoffinARTISTES
COMMISSAIRES
MICHÈLE WALERICH, DANIELLE IGNITI
LËT’Z ARLES 2021 :
DANIEL REUTER : PROVIDENCIA
LISA KOHL : ERRE
Pour sa 4ème participation aux Rencontres internationales de la photographie, Lët’z Arles présente, à l’été 2021 à Arles, deux artistes : Daniel Reuter et son projet Providencia ainsi que Lisa Kohl et son installation ERRE.
Leur sélection pour leurs expositions arlésiennes par un jury d’experts internationaux en photographie a apporté un éclairage supplémentaire sur leurs travaux et a permis de tisser des liens avec le
Mois Européen de la Photographie au sein duquel il était pertinent de leur donner à tous deux une place. Dans le sillage d’Arles, les deux expositions Providencia et ERRE seront montrées à la Konschthal d’Esch au moment de son ouverture, inscrivant ainsi le medium photographique comme une des disciplines majeures dans la programmation de ce nouvel espace d’art contemporain.
PROVIDENCIA
DANIEL REUTER
Providencia - la providence - dans son sens biblique, décrit l’intervention de Dieu dans l’univers, une influence hors du contrôle humain. Le quartier Providencia, à Santiago du Chili, donne à la fois le cadre et le titre à cette nouvelle série de Daniel Reuter. Son regard explore les marques d’un contexte de divergence récemment porté à la surface, à partir d’une urbanité visuellement prosaïque : détails architecturaux, structures de fortune, arbres et feuillages, clôtures de chantier obstruant la vue. Au lendemain de manifestations civiles, nous rencontrons des protagonistes confinés dans la complexité de leur existence. Sous une couche superficielle du quotidien, nous sentons la dernière grande vague d’aspirations occidentales s’effondrer. Des figures apparaissent, réitération d’un narrateur ou de personnages évoluant dans un récit indéfini ? En résonance avec ses sujets de recherche tels que l’identité et la mémoire, l’artiste prend appui sur cette topographie chargée et traduit sa texture, son reflet et sa lumière. Se cristallise l’investigation d’un territoire plus profond et intériorisé, conjurant rêves et désenchantement d’un monde en mouvement.
A la Chapelle de la Charité ( Arles ), douze images de grand format entrent en conversation à travers un dispositif hexagonal inspiré d’un kiosque moderniste du quartier Providencia. Un ouvrage accompagne l’exposition et offre une exploration immersive de cette série, utilisant plusieurs papiers, jeux de transparences, opacités et matérialités.
ERRE
LISA KOHL
Lisa Kohl s’intéresse à la relation entre la création artistique et la réalité sociale. Elle se rend sur le terrain pour rencontrer des personnes qui vivent dans des conditions précaires et elle établit avec eux des relations d’échange et de confiance. Les œuvres de Lisa Kohl parlent de fuite, d’exil, du non-lieu de vie ou de survie, d’invisibilité et d’absence. Avec audace, elle réussit à lier le réel à la poésie. Son propos est social, il implique la protestation contre un état hostile et froid et, simultanément, il nous permet par l’esthétique poétique des images, de rêver d’un monde où tout pourrait être différent. Elle nous invite à la réflexion sur l’identité, la patrie, le passage des frontières, la futilité et l’espoir.
Son projet ERRE pour la nef latérale de la Chapelle de la Charité à Arles est une installation composée de trois œuvres inédites. La projection au plafond de son film HAVEN (2021) entre en dialogue avec deux séries de photographies : Shelter (2019) et Passage // 32°32’04.7’’N 117°07’26.3’’W (2019), présentées sur des supports rétro-éclairés. Le premier ouvrage de l’artiste, ERRE, accompagne l’exposition et prolonge l’exploration de ces thèmes par le biais de divers textes et par la présentation d’autres œuvres récentes de Lisa Kohl.
LES ŒUVRES DE LISA KOHL PARLENT DE FUITE, D’EXIL, DU NON-LIEU DE VIE OU DE SURVIE, D’INVISIBILITÉ ET D’ABSENCE.
CLERVAUX CITÉ DE L’IMAGE
Ne raconte-t-on pas que le vent du nord apporte le changement ? Et la terre du Nord ? Est-ce qu’elle reflète le visage de ce vent tant redouté ? Dans toute bonne histoire, le protagoniste, errant dans son existence, ne s’orientet-il pas vers le Nord pour (re)trouver son chemin ? Mais quelles sont donc ces questions confuses ? Que le spectateur dirige simplement son regard vers ladite direction pour découvrir des perspectives nouvelles.
ÉTAT DES LIEUX, ETATS D’UN LIEU; CLERVAUX
CHRISTIAN ASCHMAN
Clervaux se situe au nord du Luxembourg. Le nom désigne à la fois une localité et une commune. La région rurale au Luxembourg fait partie d’une
stratégie politique soutenue au niveau national. Tous les domaines de la vie sociale sont visés dans cette perspective de développement durable. L’accent est mis sur la qualité de vie, la culture, le tourisme, l’agriculture, l’industrie, la protection du patrimoine ...
Christian Aschman a observé ce changement durant plus d’un an (fin 2018 - début 2020). Ses images montrent des compositions imbriquées de l’activité urbanistique. Contrastes forts, imbrications harmonieuses, ajouts audacieux, constructions fonctionnelles et pastorales.
MAMMOTH HUNTERS EVGENIA ARBUGAEVA
La République russe de Sakha, ou Yakoutie, située dans le nord-est de la Sibérie, est le théâtre d’une histoire qui n’a rien à envier à la plume d’un Jules Verne. Le pergélisol fond en raison du réchauffement climatique. Le sol libère ce qu’il recouvre depuis 4 000 ans : des restes de mammouth laineux.
Evgenia Arbugaeva a accompagné des chasseurs
de mammouths. Ils parcourent la toundra glacée de Sibérie jusqu’à 18 heures par jour. Se saisir d’une défense peut prendre jusqu’à 24 heures d’excavations sans interruption. Les photographies montrent des scènes à caractère surréaliste. Une certaine intensité dramatique se crée lorsque le passé et le présent se croisent.
ZEELAND JEROEN HOFMAN
« Zeeland », la Zélande, est une destination populaire pour les touristes en général. Diverses nationalités se rencontrent au bord de la mer du Nord. Ce littoral conserve encore de fortes traces, dites naturelles, au milieu d’un paysage culturel, dans le sens que le terrain a été sculpté par deux intervenants, la nature et l’homme.
C’est un paysage à multiples facettes qui représente un pont entre le passé et le présent. La confrontation de ces forces opposées ne nuit guère à l’harmonie optique du panorama. À ciel ouvert, toutes les tensions et les divergences semblent s’estomper dans le spectacle coloré des nuages gris et bleus. Mais pas le souvenir, qui survit et impressionne rétrospectivement, combiné à un goût légèrement salé, provenant du vent du nord.
NORTH WARNING SYSTEM
DONOVAN WYLIE
Les progrès technologiques et le développement de bombardiers à longue portée ayant rendu les frontières arctiques du Canada vulnérables aux attaques après la Seconde Guerre mondiale, le Canada et les États-Unis se sont vus obligés de construire un réseau de stations radar le long des frontières nord du pays dans les années 1950. Ces systèmes ont finalement été améliorés dans les années 1990, pour devenir le « Système d’alerte du Nord », jouant un rôle de plus en plus actif au fil des ans. Le voyage qu’entreprend Donovan Wylie suit un plan élaboré. Le poste de surveillance sans per-
sonnel, construit aux frontières de la civilisation sur une chaîne de montagnes, et dont le rôle est de détecter des menaces invisibles, est lentement visé en hélicoptère et stratégiquement contourné. Alors que la tour radar est toujours le point de mire, le paysage environnant change constamment ; les nuages se déchirent et révèlent des rochers, de la glace et des fjords glaciaires. Le calme apparent au milieu de ce paysage blanc est cependant trompeur - l’œil vigilant de la station militaire est dirigé vers nous et enregistre le moindre de nos mouvements.
SKY & FOREST SANTERI TUORI
La série d’images « Forest » du photographe finlandais Santeri Tuori est basée sur des années d’observation de motifs et d’endroits identiques (2011-2019) et sur la représentation répétée de ceux-ci. La superposition de négatifs individuels donne naissance à de nouvelles images. Le pouvoir du « moment décisif » est annulé. Le moment n’est qu’une partie d’un tout, en somme, une nouvelle œuvre d’art complète est créée.
L’effort pour définir la création artistique comme un processus se reflète également dans son travail « Sky ». Si l’on considère le ciel comme une surface de projection pour une variété infinie de formations nuageuses, leurs mouvements et leurs changements ne peuvent s’expliquer que par le phénomène du temps. Les photographies de Santeri Tuori font l’effet d’images d’un monde parallèle, d’un univers soumis à la loi du temps mais qui se meut et qui existe en dehors des paradigmes humains.
ARCTIC ZERO PAOLO VERZONE
Le Svalbard est un archipel de l’Arctique. Son territoire est rattaché à la Norvège, mais, étant déclaré zone démilitarisée, il occupe un statut neutre. Dans la langue norvégienne, le nom « Svalbard » désigne un « littoral frais », une description qu’on peut prendre à la lettre, car la température moyenne est de -6° C.
L’archipel nordique a le potentiel de toutes les narrations fantastiques ; son sol est peuplé d’une diversité des espèces étonnante. Ses paysages sont riches en surface et sous terre.
Aujourd’hui, le Svalbard est un terrain d’action pour une dizaine de nations différentes se profilant dans la recherche scientifique. Entre réserve naturelle à accès réduit et zone de lancement de ballons-sondes scientifiques, cet archipel est fortement lié à notre époque et soumis au rythme du présent.
ARTISTES
RÉVÉLATION(S) / PORTFOLIO PLATEFORME – LUXEMBOURG
ÉDITION 2019
CARTE BLANCHE AUX ARTISTES-PHOTOGRAPHES SÉLECTIONNÉS EN 2019
Les pages suivantes sont dédiées aux sept lauréats qui ont présenté leurs portfolios lors de la troisième édition de Révélation(s) / Portfolio – Plateforme – Luxembourg le 15 mai 2019 dans l’auditorium du Cercle Cité. Nous proposons traditionnellement quelques pages dans l’édition de l’année suivante du Mois européen de la photographie pour documenter ce travail qui a été présenté au public.
Créée par Café-Crème asbl et l’Université du Luxembourg dans le cadre du Mois européen de la photographie au Luxembourg et élaboré par Cristina Dias de Magalhães, la première édition de Révélation(s) / Portfolio – Plateforme a eu lieu en avril 2015 à l’Abbaye Neumünster (Neimënster) à Luxembourg. Pour cette édition 2019, les lauréats avaient été invités à expliquer leurs projets photographiques (présentation de dix minutes en anglais) devant le
public et un jury d’experts internationaux de l’image composé par Thomas Licek, ancien directeur de Eyes On – Month of Photography (Autriche), Verena Kaspar-Eisert, curatrice au Kunst Haus Wien (Vienna, Autriche) et de FotoWien, Christian Gattinoni, membre de l’Association Internationale des Critiques d’Art, rédacteur en chef de la revue en ligne « www.lacritique.org » (France), Branislav Stepanek curateur au Central European House of Photography (Bratislava, Slovaquie), Gabriela Uhl, curatrice et professeur à l’Université de Budapest (Hongrie), Angela Ferreira, artiste, curatrice ( Portugal), Maria Livia Brunelli, curatrice, galeriste (Ferrare, Italie), Audrey Hoareau, curatrice, co-fondatrice et codirectrice de The Red Eye (France) et Anouk Wies, responsable programmation culturelle et directrice artistique, Cercle Cité (Luxembourg).
À l’issue des présentations, les participants ont pu commenter sur une table individuelle leurs photos, leur publication ou autre documentation et échanger individuellement avec les experts présents. Le but de Révélation(s) / Portfolio – Plateforme –Luxembourg est de créer des opportunités pour les artistes-photographes luxembourgeois et pour ceux qui ont déjà exposé au Luxembourg : leur rencontre avec des experts internationaux de renommée peut aboutir à de futurs projets d’expositions ou de publications pour les participants.
Ainsi Véronique Kolber a été invitée par le membre de notre jury d’expert, Anouk Wies, à montrer Fictitious location spotting for a non-existing movie au Cercle Cité au Luxembourg-City. Patrick Galbats a exposé Hit Me One More Time lors du festival Imago Lisboa 2020. Carole Melchior a exposé eleutheromania en septembre 2020 au Centre d’Art Nei Liicht et a obtenu la bourse de publication
CNA 2019 pour ce projet, qui paraîtra en 2021 aux Gevaert Editions.
Véronique Kolber, Patrick Galbats et Carole Melchior sont trois des six photographes que le CNA a mandatés en 2020 pour témoigner de la pandémie actuelle.
Séverine Peiffer continue sa série Transitions qu’elle a montrée dans l’espace publique en 2020 sur la place Guillaume-II et en 2021 dans le parc de Merl à Luxembourg.
En 2019, Martine Pinnel a exposé Sea Dream Avenue au Salon artistique CAL (Luxembourg) et au Centre Culturel Niederanven et en 2020 à Art2Cure (Banque International Luxembourg).
En 2021, Jana Hartmann exposera Mastering the elements à la Alfred Ehrhardt Stiftung (Allemagne) et son livre photographique correspondant sera publié dans les éditions The Eriscay Connection.
IMMOBILE
KEVEN
ERICKSONLa série « Immobile » vient de ma fascination pour une attitude de plus en plus répandue qui veut que les individus sont de plus en plus isolés, enfermés, constamment accrochés à leur téléphone. Cela me dérange que nous choisissons de nous déconnecter volontairement des autres alors que mon plus grand défi dans la vie a toujours été de surmonter le fait d’être introverti.
Nous sommes tellement absorbés par les smartphones que nous oublions ce qui se passe autour de nous. Pire encore, en marchant et en fixant le smartphone, nous nous transformons en une sorte de zombie, présents physiquement, absents mentalement. Je documente ce phénomène en parallèle à mon exploration de divers
documents médicaux en relation avec les problèmes qui peuvent en découler. Je saisis des mouvements qui ont changé en raison de l’utilisation du smartphone. Le rythme de la marche habituelle a été perturbé et s’est transformé en un mouvement aléatoire. Il semble que le monde physique se transforme en un monde virtuel. Nous assistons à un processus qui génère une déformation de notre perception, menant à un aveuglement où notre perception du monde extérieur est déviée vers le monde virtuel. Comme dans un jeu, je joue avec les figurants, je les dispose sur une scène soigneusement arrangée où leurs chemins se croisent et où je prévois des collisions inévitables. Cette danse erratique, j’en ai bien peur, ne connaîtra pas de fin heureuse.
AU PAYS D’ESZTER
UNE INVESTIGATION
PHOTOGRAPHIQUE AUTOUR DE L’AFFAIRE DE TISZAESZLAR.
PATRICK GALBATSUn matin d’avril 1882, à Tiszaeszlár, dans la campagne hongroise, Eszter, une jeune fille de quatorze ans disparaît en allant faire les courses. Ce jour-là, une réunion se tient à la synagogue du village pour choisir un abatteur rituel parmi les candidats venus de toute la région. Très vite, la rumeur se répand : les juifs auraient enlevé et égorgé la jeune chrétienne pour ajouter son sang au pain azyme de la pâque juive...
(extrait du roman L’affaire Eszter Solymosy de Gyula Krudy (1931) )
Ces fausses accusations menaient à un procès contre 15 juifs au tribunal correctionnel de Nyireghaza (H), pour meurtre, complicité de crime et dissimulation de
corps. L’histoire est devenue connue au niveau international sous le nom de l’Affaire de Tiszaeszlar et n’a fait que nourrir l’ambiance antisémite croissante de l’époque.
L’acquittement et la libération des 15 prisonniers en août 1883 a déclenché une vague de violences contre la population juive d’Europe.
Des décennies plus tard, l’Holocauste a causé presque 600 000 victimes dans la communauté juive de Hongrie. Après 1945, seulement quelques rescapés des camps de concentrations sont retournés dans la région.
Aujourd’hui, à Tiszaeszlar et dans sa région, aucune trace rappelle l’injustice faite contre les accusés d’antan. Seul le monument érigé en 1994 sur le cimetière catholique de Tiszaeszlar en l’honneur d’Eszter Solymosi, nous laisse deviner que pour certains l’affaire n’est toujours pas close.
Voici le point de départ de mon investigation.
MASTERING THE ELEMENTS
(2017-21)
JANA HARTMANN
La nature «post-factuelle» de notre époque se manifeste également par une crise de crédibilité croissante de la science moderne. Néanmoins, nous vivons dans une phase de l’Anthropocène où la communauté mondiale dépend plus que jamais de l’autorité qui émane de solutions scientifiques solides afin d’affronter les risques complexes et existentiels du futur.
Dans son travail Mastering the elements, l’artiste Jana Hartmann examine la conquête de notre monde par la science dans des photographies qui juxtaposent la vision holistique du monde de l’alchimie avec les pratiques de la recherche moderne. Le travail photographique qui porte sur la recherche scientifique ou les sciences naturelles trouve son complément dans une recherche sur des écrits d’alchimistes et des publications de notre époque. En les reliant ensemble contextuellement, Jana Hartmann interpelle le système de valeurs de la recherche scientifique des origines à nos jours et dessine le tableau d’une quête constante pour prolonger la vie humaine et augmenter la prospérité. Selon elle, ce que l’humanité moderne doit à l’alchimie se découvre dans une philosophie où l’homme et la nature, l’esprit et la matière sont étroitement liés.
FICTITIOUS LOCATION SPOTTING FOR A NON-EXISTING MOVIE VÉRONIQUE KOLBER
Marquée depuis son plus jeune âge par les livres de H.P. Lovecraft, Edgar A. Poe et surtout Stephen King, Véronique Kolber a développé au fil des années une attirance certaine pour l’étrange et les ambiances obscures de tension et de peur romantiques. Attirée par les histoires et les personnages de ces livres et de leurs adaptations filmiques, ainsi que par les univers mystérieux et la face ordinaire et détraquée de l’Amérique, elle entreprend plusieurs voyages aux « States » pendant huit ans. Inspirée entre autres par Eggleston et Shore, elle réalise ainsi le projet American Diorama, une sélection de photographies personnelles de son périple, de lieux inconnus, non identifiables et sans présence humaine qui provoquent toutefois une sensation de déjà-vu et déclenchent irrémédiablement une vague d’associations auprès du spectateur, comme un film qui se met automatiquement en route. En référence au cinéma et à son expérience profes-
sionnelle en tant que photographe de plateaux de tournages, le projet évolue pour aboutir à fictitious location spotting for a non-existing movie. Les photographies sont accompagnées par des extraits de scripts de David Lynch, des frères Coen, Christopher Nolan etc., revus par Véronique Kolber, qui réussit par ces nouvelles associations à faire émerger – entre hommage et détournement des univers des maîtres –une autre narration.
L’artiste présente des images vraies, comme figées dans le temps, en attente d’action et d’histoires à écrire : elle livre la toile de fond, le mirage américain, et invite le spectateur à fournir la narration, pour compléter la scène suivante.
En infiltrant la filmographie de réalisateurs américains par des scripts qu’elle écrit elle-même, l’artiste rajoute une dimension qui instaure un glissement inverse de la réalité des scénarios à la fiction autobiographique et instaure le flou entre existence réelle, apparence et imaginaire collectif.
ELEUTHEROMANIA CAROLE MELCHIOR
L’expérience des plis, accords et désaccords.
L’idée d’une liberté excessive, ses possibles, ses dérives.
C’est sensible, incertain. Quel est le voyage ?
L’envers du manège, doute et suspension, comme une pause, la pensée.
De multiples narrations sont possibles.
S’agit-il de la fabrication d’un territoire ayant une fin ouverte, d’un pur présent à composer ?
Circulation ininterrompue, rencontres, coexistences.
Déplacement physique, psychique, intériorité et extériorité conversent, des temporalités se tissent, de proche en proche, à travers des corps, des objets, l’intuition des mains, structure, l’idée d’images à venir.
Onze images mère visage film d’archives terre éclipse
Touché électronique bande magnétique temps écoute expérimentation monde en relation
S’émouvoir penser devoir voir entendre penser écrire l’envers
Carole Melchior
TRANSITIONS SÉVERINE PEIFFER
Transitions est une série d’images réalisée par la photographe luxembourgeoise Séverine Peiffer en collaboration avec des élèves de l’enseignement secondaire au Luxembourg. Un projet à caractère pédagogique soutenant une démarche autobiographique comme outil à la construction identitaire. Depuis son invention au milieu du 19e siècle, la photographie a permis à l’Homme de découvrir sa propre image et d’explorer toutes les facettes de son être. Accompagnés par Séverine, les jeunes ont fait l’expérience du langage artistique pour exprimer leurs pensées, leurs peurs, leurs doutes, leurs identités et enfin, se révéler à eux-mêmes. Si certains ont choisi de montrer leur optimisme et leur détermination, d’autres ont choisi la voie de la vulnérabilité et de la sensibilité, ou encore ont préféré garder une part de secret. Tous ont relevé le défi d’affirmer leur personnalité par le biais de la création artistique
et particulièrement la photographie au collodion humide, un procédé datant du 19e siècle, appréciée par la photographe pour ses qualités à créer des portraits uniques et fascinants.
La série parle des émotions de ces jeunes face au monde qui les entoure, atteste de leur présence au monde et propose un dialogue entre eux et le public qui les regarde. C’est aussi l’occasion pour eux, de prendre une respiration dans leur cursus scolaire et de prendre le temps de s’affirmer en tant qu’individu dans la société actuelle.
La crise sanitaire actuelle et les mesures de protection introduites par le gouvernement ont profondément impactées le système de l’éducation et la vie des jeunes. Il est devenu primordial de se préoccuper de questions d’ordre émotionnel et psychologique concernant ces adultes en devenir. Quelles sont les difficultés auxquelles ils sont confrontés en temps d’incertitude? Et, que faisons-nous, en tant qu’adultes, pour les soutenir à faire face aux enjeux sociétaux engendrés par une telle crise?
SEA DREAM AVENUE MARTINE PINNEL
Salton Sea est un environnement surréel; avec sa superficie de mille kilomètres carrés, le lac - ou mer intérieure - est situé sur la faille de San Andreas, dans l’un des endroits les plus chauds et les plus secs du sud de la Californie.
Au début du XXe siècle, le site a attiré des colons qui en ont fait une zone agricole.
Le lac tel que nous le connaissons aujourd’hui a été créé accidentellement en 1905 lorsque de fortes crues du Colorado ont provoqué des inondations. Cela a provoqué la rupture d’un canal d’irrigation qui a alimenté pendant deux ans le bassin asséché de Salton.
Au fur et à mesure que l’industrie agricole se développait dans la vallée, de plus en plus d’eau, principalement les eaux de ruissellement de l’agriculture, se déversaient dans le bassin.
A partir des années 20 du 20e siècle, il a été considéré comme un puisard agricole. Même si le lac est une saline et l’eau de plus en plus salée, le lac est devenu un habitat pour de nombreuses espèces de poissons et d’oiseaux.
Dans les années 60, Salton Sea était devenu une zone de loisirs animée, attirant de nombreuses célébrités comme Frank Sinatra, les Beach Boys et Jerry Lee Lewis.
Mais après de nombreuses catastrophes - l’une a fait mourir des millions de poissons quotidiennement sur ses rives - et l’inondation des stations balnéaires voisines dans les années 1990, provoquant le départ des gens, la vallée se trouvait pratiquement oubliée.
La sécheresse persistante en Californie, ainsi que la réduction des apports d’eau - en raison de changements conventionnels dans la répartition des eaux du Colorado - asséchait le lac.
Les niveaux d’eau diminuaient et libéraient des poussières toxiques et dangereuses pour les habitants de Salton Sea ainsi que pour toute la population du sud de la Californie.
Martine Pinnel vient à Salton Sea depuis 8 ans, connaît l’endroit intimement et comprend ses charmes et ses difficultés.
Au printemps 2018, elle a séjourné pendant six semaines à Salton Sea avec l’artiste Melanie Planchard pour produire un court métrage et une série de photographies. Des portraits intimistes permettent au spectateur d’avoir un aperçu de la vie des personnes vivant autour de cette mère intérieure et de leur manière d’affronter un avenir incertain. Ce projet, intitulé « Sea Dream Avenue », présente un ensemble d’œuvres qui documente la réalité visuelle de l’histoire moderne de Salton Sea.
( traduction de l’anglais par Pierre Stiwer )
ASCHMAN CHRISTIAN
*1966
vit et travaille à Bruxelles & Luxembourg www.christian-aschman.com
ARBUGAEVA EVGENIA
*1985 République de Yakoutie (Russie) vit et travaille à Londres www.evgeniaarbugaeva.com
AUERBACHER DOMINIQUE
*1955
vit et travaille entre Paris, Strasbourg (France), Peterskirchen (Allemagne) et Berlin
BALTZER BRUNO
*1965
vit et travaille entre Luxembourg et Greve in Chianti (Italie) www.bruno-baltzer.net
BENJAMINSEN ELINE
*1992 Norvège vit et travaille aux Pays-Bas www.elinebenjaminsen.com
BISAGNO LEONORA
*1977
vit et travaille entre Luxembourg et Greve in Chianti (Italie) www.leonorabisagno.com
BLAU JUSTINE
*1977
vit et travaille à Luxembourg www.justineblau.com
BUČAN VANJA
*1973 Nova Gorica, Slovenie vit et travaille à Berlin www.vanjabucan.com
CAPESIUS MARIE
*1989
Vit et travaille au Luxembourg www.mariecapesius.com
COSTENOBLE ANNE-SOPHIE
*1967 vit et travaille en Belgique www.ascostenoble.be
DIAS DE MAGALHÃES CRISTINA
*1979 Luxembourg vit et travaille à Luxembourg www.cristina-dias.com
ELSHAN ROZAFA
*1994 Vit et travaille à Bruxelles www.rozafaelshan.com
ERICKSON KEVEN
*1979 Luxembourg vit et travaille au Luxembourg www.erickson-photo.com
FLOC’H NICOLAS
*1970 Rennes (France) vit et travaille à Paris www.nicolasfloch.net
FRITH FRANCIS
*1882-1898 Chesterfield (Derbyshire, Angleterre); mort à Cannes, France http://pic.nypl.org/constituents/1746
GALBATS PATRICK
*1978 Luxembourg vit et travaille au Luxembourg www.patrickgalbats.com
GLAUBITZ FLORIAN
*1985 Allemagne
vit et travaille à Maintz et Leipzig, Allemagne www.flux4art.de/kuenstler-innen/florian-glaubitz
GOUDAL NOÉMIE
*1984 vit et travaille entre Paris et Londres www.noemiegoudal.com
HARTMANN JANA
*1971 Allemagne vit et travaille à Francfort-sur-le-Main, Allemagne www.janahartmann.eu
HOFMAN JEROEN
*1976 vit et travaille à Amsterdam www.jeroenhofman.com
HUBER FRAUKE
*1966
vit et travaille à Hambourg Allemagne www.landrushproject.com
IANCHIS MARIA-MAGDALENA
*1982 Roumanie vit et travaille entre Reykjavík, Islande et Vienne, Autriche
www.maria-magdalenaianchis.at
INKA & NICLAS (LINDERGÅRD)
*1985 Finlande & *1984 Suède vivent et travaillent à Stockholm, Suède www.inkaandniclas.com
KAHILANIEMI JAAKKO
*1989 Finlande vit et travaille à Helsinki, Finlande www.jaakkokahilaniemi.com
KANTANEN SANDRA
*1974 Finlande vit et travaille à Hanko, Finlande www.sandrakantanen.com
KOHL LISA
*1988 Luxembourg vit et travaille au Luxembourg www.lisa-kohl.com
KOLBER VÉRONIQUE
*1978 Luxembourg vit et travaille à Steinsel, Luxembourg www.veroniquekolber.com
LAMBERT YVON
*1955 vit et travaille à Esch/Alzette (Luxembourg)
LANIER MARINE
*1981 Valence (France) vit et travaille entre Crest et Lyon. www.marinelanier.com
LE SERGENT DAPHNÉ
*1975 Corée du Sud vit et travaille à Paris, France www.daphnelesergent.com
MANDRY DOUGLAS
*1989
vit et travaille à Zürich, Suisse www.douglasmandry.com
MARTIN UWE H.
*1973
vit et travaille à Hambourg, Allemagne www.uwehmartin.de
MELCHIOR CAROLE
*1972 Belgique vit et travaille entre le Luxembourg et la Belgique www.carolemelchior.com
MITYUKOVA ANASTASIA
*1992
vit et travaille à Genève, Suisse www.anastasiamityukova.ch
MOURAZ TITO
*1977
vit et travaille à Lisbonne, Portugal www.titomouraz.com
OESCH JOHN
*1965
vit et travaille au Luxembourg www.vision.lu
PÄIVÄLÄINEN RIITTA
*1969
vit et travaille à Helsinki, Finlande www.riittapaivalainen.com
PEIFFER SÉVERINE
*1981 Luxembourg vit et travaille à Luxembourg www.severinepeiffer.com
PINNEL MARTINE
*1988 Luxembourg vit et travaille au Luxembourg www.martinepinnel.com
POITEVIN ERIC
*1961 Longuyon (France, Meurthe & Moselle) vit et travaille en France
QUETSCH ARMAND
*1980
vit et travaille au Luxembourg www.armandquetsch.com
REUTER DANIEL
*1976
vit et travaille entre Luxembourg et Reykjavik, Islande www.danielreuter.net
SEIDEL THILO
*1987
vit et travaille à Sarrebruck, Allemagne
SOMMER MARIE
*1984
Vit et travaille à Paris www.mariesommer.com
TKACHENKO DANILA
*1989
vit et travaille à Moscou, Russie www.danilatkachenko.com
TRIPP CAECILIA
*1968 nomade www.caeciliatripp.com
TRÜLZSCH HOLGER
*1939 vit et travaille entre Peterskirchen (Allemagne ), Berlin et Paris
TUORI SANTERI
*1970 Finlande vit et travaille à Helsinki www.santerituori.com
VERZONE PAOLO
*1967 Italie vit et travaille en Italie et en Espagne www.paoloverzone.com
VIALET ÉMILIE
*1980
vit et travaille à Strasbourg, France www.emilievialet.com
DONOVAN WYLIE
*1971 Irlande du Nord vit et travaille à Belfast www.donovanwylie.studio
INDEX DES ARTISTES
Artists of the Mudam exhibition featured in the catalogue:
ATKINS ANNA GREEN CONRAD THEODOR
SERT JOSÉ MARÍA
Artists of the slide show «Rethinking Nature» featured in the catalogue:
BRITTA BAUMANN
PHILLIPA BLOOM
NOEMI COMI
CLAUDIA FRITZ
SEULKI KI
ELENA KRISTOFOR
CALIN KRUSE
SONIA MANGIAPANE
KAVEER RAI
NAZANIN RAISSI
ANNA SIGGELKOW
MERVE TERZI
GESCHE WÜRFEL
INFORMATIONS PRATIQUES
LIEUX D’EXPOSITION / VENUES AND EXHIBITIONS
LUXEMBOURG
Archives nationales de Luxembourg
2 Plateau du Saint-Esprit, 1475
Tél : (+352) 24 78 66 60
E-mail : relations.publiques@an.etat.lu
www.anlux.public.lu
Exposition Yvan Lambert, Derniers Feux > 29.09.2021 – 30.04.2022 (sous réserve)
Arendt & Art
41 A, Avenue J. F. Kennedy, L-2082
Luxembourg
Tél : (+352) 40 78 78 1
www.arendt.com
EMoP Arendt Award remise du prix 02.06.2021
EMoP Selection > 09.05 - 12.09.2021
Noémie Goudal > automne - hiver 2021
Bibliothèque nationale du Luxembourg
37d Avenue John F. Kennedy, 1855
Luxembourg
Tél : (+352) 26 55 9-100
www.bnl.public.lu
E-mail : info@bnl.etat.lu
Views of Luxembourg and the “Orient”
Francis Frith and Victorian Photography > 06.05 - 26.06.2021
Casino Luxembourg – Forum d’art
contemporain
41, rue Notre-Dame L-2240 Luxembourg
Tél : (+352) 22 50 45
www.casino-luxembourg.lu
Daphné Le Sergent : Silver Memories (Rethinking Nature / Rethinking Landscape) > 03.04 - 06.06.2021
Slide Show: Rethinking Nature > 01.06.07.06.2021
Révélation(s) / Portfolio – Plateforme –Luxembourg – édition 2021 > 2.06.2021
Cercle Cité – Espace d’exposition
Ratskeller
Place d’Armes 2, rue du Curé L-1368
Luxembourg
Tél : (+352) 46 49 46 - 1
www.cerclecite.lu
Rethinking Nature ( V.Bučan, A. Mituykova, M. Ianchis, J. Blau, N. Floc’h ) > 30.04 - 27.06.2021
Fellner contemporary
2a, Rue Wiltheim, L-2733 Luxembourg www.fellnercontemporary.lu
Éric Poitevin > 17.06 - 28.08.2020
MOB-ART studio
19a Avenue de la Porte-Neuve, L-2224 Luxembourg
Tél : (+352) 691 10 96 45
www.mob-artstudio.lu
John Oesch > 21.04 - 22.05.2021
Galerie Nosbaum Reding
4 Rue Wiltheim, L-2733 Luxembourg
Tél : (+352) 26 19 05 55
www.nosbaumreding.lu
Daniel Reuter: Oversees > 22.0412.06.2021
Galerie Valerius
1, Place de Theatre | L-2613 Luxembourg info@valeriusartgallery.com
www.valeriusartgallery.com/
Taming Nature > 26.05 - 26.06.2021
Instituto Camões, Centre culturel portugais
4, Place Joseph Thorn, L-2637 Luxembourg
Tél : (+352) 46 33 71-1
www.instituto-camoes.pt
Tito Mouraz: Fluvial > 04.06 -16.07.2021
Mudam Luxembourg – Musée d’Art
Moderne Grand-Duc Jean
3, Park Dräi Eechelen, L-1499
Luxembourg-Kirchberg
Tél : (+352) 45 37 85 1
www.mudam.com
Enfin seules. Photographies de la collection Archive of Modern Conflict > 01.05 – 19.09.2021
Musée National d’Histoire et d’Art
Luxembourg (MNHA)
Marché-aux-Poissons, L-2345 Luxembourg
Tél : (+352) 47 93 30 1
www.mnha.lu
Rethinking Landscape: Inka & Niclas, Daniel Reuter, Douglas Mandry, Bruno Baltzer & Leonora Bisagno, Danila
Tkachenko > 07.05 - 17.10.2021
Neimënster (Abbaye de Neumunster)
28, rue Münster, L-2160 Luxembourg
Tél: (+352) 26 20 52 1 www.neimenster.lu
Lisa Kohl – Land (E)scape > 29.0403.06.2021
Regards sans limites, Patrick Galbats, Anne-Sophie Costenoble, Florian Glaubitz, Thilo Seidel, Émilie Vialet > 29.04 - 03.06.2021
Marine Lanier / Les Contes sauvages > 29.04 - 03.06.2021
Parc de Merl – Luxembourg Instincts. Same but different - Cristina Dias de Magalhaes > 04.2021 - 09.2021
Villa Vauban – Musée d’Art de la Ville de Luxembourg
18, Avenue Emile Reuter, L-2420 Luxembourg
Tél : (+352) 47 96 49 00 www.villavauban.lu
Holger Trülzsch / Dominique Auerbacher: Les Paysages du Kairos > 27.04 - 12.09.2021
CLERVAUX
Clervaux – cité de l’image a.s.b.l. Maison du Tourisme et de la Culture
11, Grand-rue, L-9710 Clervaux
TEL : (+352) 26 90 34 96 www.clervauximage.lu
NORD – Six installations photographiques à ciel ouvert
Jeroen Hofman 16/09/2020 - 15/09/2021
Christian Aschman 25/09/202024/09/2021
Paolo Verzone 25/09/2020 - 24/09/2021
Evgenia Arbugaeva 23/10/202022/10/2021
Santeri Tuori 26/03/2021 – 25/03/2022
Donovan Wylie 09/04/2021 – 08/04/2022
The Family of Man - Steichen Collections
CNA – Château de Clervaux
L-9710 Clervaux
Tél.: +352 92 96 57 www.steichencollections-cna.lu
The Family of Man > 01.03.202101.01.2022
DUDELANGE
Centre national de l’audiovisuel (CNA) 1b, rue du Centenaire, L-3475 Dudelange
Tél : (+352) 52 24 24 1 www.cna.lu
Waassertuerm : Collapsed Mythologies / Une annexe au lexique géo-financier
d’ Eline Benjaminsen > 22.05 - 28.08.2021
Pomhouse : LandRush / Ventures into global agriculture de Frauke Huber & Uwe
H. Martin > 20.03 - 29.08.2021
Display 01 : Marie Sommer - L’Oeil et la Glace > 24.04. - 29.08.2021
Centre d’Art Nei Liicht
Rue Dominique Lang, 3505 Dudelange
Tél : (+352) 51 61 21-292
https://www.galeries-dudelange.lu/
Marie Capesius - Heliopolis > 24.04.13.06.2021
Centre d’Art Dominique Lang Gare Dudelange-Ville
Tél : (+352) 51 61 21-292
https://www.galeries-dudelange.lu/
Rozafa Elshan - Synthèse d’une excursion > 24.04. - 13.06.2021
ESCH / ALZETTE
Konschthal Esch
29-33 Bvd Prince Henri L-4280 Esch-sur-Alzette info@konschthal.lu www.konschthal.lu
Schaufenster 3 : Caecilia Tripp: Liquid Earth
Armand Quetsch: by the same paths > 29.05. - 29.08.2021
Lët’z Arles - Daniel Reuter (Providencia) et Lisa Kohl (ERRE) > automne / hiver 2021-2022
REMERCIEMENTS / THANKS TO
Mme Sam Tanson, Ministre de la Culture
M. Jo Kox, premier conseiller de Gouvernement au Ministère de la Culture
Mme Lydie Polfer, Maire de la Ville de Luxembourg
Mme Josée Kirps, directrice des Archives nationales de Luxembourg
Mme Sanja Simic, responsable communication des Archives nationales de Luxembourg
M. Claude D. Conter, directeur de la Bibliothèque Nationale du Luxembourg
Mme Nadine Esslingen, responsable de la médiathèque de la BNL
M. Kevin Muhlen, directeur du Casino Luxembourg – Forum d’art contemporain
Mme Stella Arieti, commissaire d’exposition au Casino LuxembourgForum d’art contemporain
M. Paul Lesch, directeur du Centre National de l’Audiovisuel
Mme Michèle Walerich, responsable du département photo au CNA
Mme Daniela Del Fabbro, commissaire d’exposition au CNA
Mme Anke Reitz, responsable de la collection Edward Steichen au CNA
Mme Suzanne Cotter, directrice du Mudam Luxembourg – Musée d’Art Moderne
Grand-Duc Jean
Mme Michelle Cotton, chef de département, programmation artistique et contenu, Mudam Luxembourg – Musée d’Art Moderne Grand-Duc Jean
M. Christophe Gallois, curateur, responsable des expositions, Mudam Luxembourg –Musée d’Art Moderne Grand-Duc Jean
M. Michel Polfer, directeur du Musée National d’Histoire et d’Art Luxembourg
M. Timothy Prus, directeur de l’Archive of Modern Conflict, Mudam Luxembourg –Musée d’Art Moderne Grand-Duc Jean
M. Ruud Priem, conservateur du Musée National d’Histoire et d’Art Luxembourg
Mme Ainhoa Achutegui, directrice du CCR Neimënster
M. Claudio Minelli, responsable des expositions CCR Neimënster
Mme Christiane Sietzen, responsable des services culturels de la Ville de Luxembourg
Mme Anouk Wies, directrice artistique du Cercle Cité – Ratskeller espace d’exposition
Mme Vanessa Cum, coordinatrice culturelle de la Ville de Luxembourg
M. Guy Thewes, directeur Les 2 Musées de la Ville de Luxembourg
Mme Gabriele Grawe, conservatrice à la Villa Vauban - Musée d’Art de la Ville de Luxembourg
Mme Annick Meyer, directrice Clervaux Cité de l’Image
Mme Marlène Kreins, directrice des centres d’art de la Ville de Dudelange
M. Christian Mosar, directeur artistique de la Konschthal Esch
Mme Florence Reckinger-Taddeï, présidente de Lët’z Arles
M. Bruno Perdu, ambassadeur de France, Luxembourg
Mme Laurence Lochu, directrice de l’Institut français, Luxembourg
M. António Gamito, ambassadeur du Portugal au Luxembourg
Mme Adília Martins de Carvalho, directrice du Centre Culturel Portugais - Camões
M. Philippe Dupont, associé Etude Arendt
Mme Danielle Igniti, commissaire d’exposition
M. Alex Reding, galeriste
M. Luc Schroeder, galeriste
M. Gerard Valerius, galeriste
Mme Yasemin Elci, commissaire d’exposition
LES GALERIES SUIVANTES / THE FOLLOWING GALLERIES
ANTWERP
NK Gallery Antwerp Pourbusstraat 19, 2000 Antwerp www.nkgallery.be
BERLIN
Dorothée Nilsson Gallery
Potsdamer Straße 65 10785 Berlin www.dorotheenilsson.com
PARIS
Galerie Les Filles du Calvaire 17, rue des Filles du Calvaire 75003 Paris www.fillesducalvaire.com
Galerie Maubert 20 rue Saint-Gilles 75003 Paris www.galeriemaubert.com
ZÜRICH
Bildhalle Galerie Stauffacherquai 56 CH-8004 Zürich www.bildhalle.ch
LUXEMBOURG
Galerie Fellner contemporary 2a Rue Wiltheim
L-2733 Luxembourg
www.fellnercontemporary.lu
Galerie Nosbaum & Reding
2 + 4, rue Wiltheim
L-2733 Luxembourg
www.nosbaumreding.lu
MOB-ART Studio
19a Avenue de la Porte-Neuve L-2224 Luxembourg www.mob-artstudio.lu
Valerius Gallery
1, Place du Théâtre L-2613 Luxembourg
www.valeriusartgallery.com
BOURSE REGARDS SANS LIMITES / BLICKE OHNE GRENZEN PARTENAIRES / SOUTIENS FINANCIERS
Nouvel Observatoire Photographique du Grand-Est Région Grand-Est
Département de la Moselle Ministère de l’Education et de la Culture de la Sarre Saarländisches Künstlerhaus Saarbrücken e. V Abbaye de Neumunster
THE EMOP NETWORK
BERLIN
City of Berlin
Tim Renner (Permanent Secretary for Cultural Affairs)
Moritz van Dülmen (director of Kulturprojekte Berlin)
Oliver Baetz, manager of Kulturprojekte Berlin and the European Month of Photography Berlin
LISBONNE
Imago Lisboa, Rui Prata
LUXEMBOURG
Café-Crème asbl, Paul di Felice, Pierre Stiwer, directors
PARIS
Emmanuelle Halkin, commissaire membre du Comité artistique du collectif FETART
VIENNA
Dr. Bettina Leidl, director of Kunst Haus Vienna Verena Kaspar-Eisert, curator at Kunst Haus, Vienna
COLOPHON
Editor / Publisher
Paul di Felice, Pierre Stiwer ( Café-Crème asbl )
Organisation du Mois européen de la photographie Luxembourg / Managers of EMoP Luxembourg
Paul di Felice, Pierre Stiwer (directeurs)
Assistante principale / Main assistant
Krystyna Dul
Traductions selon indications / Translations as indicated
Pierre Stiwer & Simon Welch; Claire di Felice
Révélation(s) / Portfolio – Plateforme – Luxembourg
Cristina Dias de Magalhães & Café-Crème asbl
Conception graphique / Graphic Design
hyke.studio
Droits / Credits
All pictures if not otherwise stated: courtesy and copyright The Artist No part of this publication may be reproduced or transmitted in any form or by any means, electronic or mechanical, including photocopy, recording or any other information storage and retrieval system, without prior permission in writing from the publisher.
Imprimé / Printed
Offset Printing House KOPA, Vilnius, Lituanie
ISBN 978-99959-674-8-2
photo de la couverture / cover photo
Vanja Bučan ©
NOSBAUM & REDING ART CONTEMPORAIN
Saarländisches Künstlerhaus Saarbrücken e.V.