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Entre affect psychique et valeurs identitaires paysagères

Aussi cette expérience du ressenti émotionnel, de la déconnection d’un quotidien est propre à des pratiques urbaines de la marche. Chez les agriculteurs, il n’y a pas de notion de ressenti, de mise hors du temps. Le quotidien des transhumances construit une épreuve physiologique et psychologique qui ne fait pas l’objet d’une attention particulière, ne serait-ce que sur le plan pratique : pouvoir transhumer sans perturbation, sentir les variables du temps qui modifient l’attitude de cheminement et la perception du paysage.

Enfin, les résultats et analyses exposées se basent sur des témoignages explicites qui ont notamment été favorisés par la configuration de petits groupes pour les marches exploratoires à Bidart. En effet, la configuration de la marche exploratoire à Saint-Jean-le-Vieux, avec beaucoup de participants qui ne se connaissaient pas, n’a pas permis un échange approfondi sur les ressentis en comparaison à Bidart. Cela dépend également de la capacité de la personne à poser des mots sur ses émotions et de l’intimité que la personne laisse entrevoir. Et enfin, cette dimension émotionnelle nécessite une sorte de prise de recul de l’individu sur son expérience qui ne correspond pas au vécu quotidien de l’instant, pas nécessairement intériorisé.

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Entre affect psychique et valeurs identitaires paysagères

La valeur psychique du paysage par le cheminement

L’expérience émotionnelle de l’individu, conséquence des effets positifs que l’environnement apporte sur son corps et son mental, confère au paysage une valeur d’attachement. Cette valeur psychique du paysage est intrinsèquement liée à la sensorialité puisque l’émotion est induite par la capacité de l’individu à sentir les effets de son environnement sur son corps. Ce phénomène est conscientisé puisque l’individu emploie tout un champ lexical de description de son état mental ou physiologique pour décrire une ambiance paysagère.

Pour en revenir aux effets corporels éprouvés par la marche, cheminer dans un paysage c’est partir à la rencontre de son corps, de son état mental. Le mode de déplacement par la marche semble lui procurer du bien, parfois même « le réparer ». Il force l’individu à s’éveiller aux parties de son corps et aux états de son mental. Ainsi le paysage décrit par le cheminement est finalement celui de l’influence psychique entre un milieu et l’individu. Les éléments perçus de manière désagréable sont ceux qui viennent rompre avec cet état psychique.

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Cette dimension psychique du paysage par le cheminement est identifiable lors des entretiens et des marches exploratoires par la mobilisation des adjectifs comme « apaisant », « calme », « bien-être », « bon », « agréable », « glauque » pour décrire une ambiance paysagère. Ces qualificatifs sont très liés aux appréhensions sensorielles du paysage (sonore, tactile, saisonnier) et relèvent d’une très forte subjectivité. En effet, lors de l’arrêt C de la marche MEB1, une des participantes aborde l'idée de « bien-être », « après la marche, le corps est bien ». Le sentiment de « paix » est évoqué après avoir remarqué le fait qu’une autre participante perçoive l’air propre par l’inspiration pour la première fois depuis le début de la marche. De même, un chasseur Bidartar exprimera comme moment agréable, le fait même de cheminer, de ressentir son corps (interviewé B9). Le paysage semble se dessiner dans cette rencontre de l’individu avec sa nature même, physique voire mentale. Finalement cheminer dans un environnement, c’est cheminer dans une réalité physique extérieure et dans sa réalité physique intérieure.

«Ce que je trouve agréable dans la marche, c’est la fatigue. J’en ai besoin. Y a des endroits qui sont très durs, je souffre et puis j’amène pas d’eau pour moi. Mais j’aime quand c’est vraiment dur, je vois une bécasse et je bataille, bataille. Quand ça a monté, monté et quand j’ai pris, j’appelle ça une branlée. Je suis mort et j’ai réussi à la prélever. C’est jouissif. J’ai pris ma branlée, je suis haché. Les chiens se sont donnés, ils ont fait le job et j’ai prélevée. Super journée. Parce que si à chaque sortie, j’en vois une, c’est jackpot. Parce que j’en vois qu’une, potentiellement, je la prendre ou pas, mais au moins, les chiens, ils en ont vu une. Le plaisir, c’est de voir le travail des chiens.»

Interviewé B9 – Extrait de narration lors de l’entretien

Les sensations tantôt de « plaisir » tantôt de « libération » ou de « bonheur » qualifient le moment même de la rencontre avec l’environnement par le cheminement. Elles sont vécues dans l’instantanéité et parfois dans une forme de brièveté. Ces sensations sont pleinement situées par rapport à une sensorialité éprouvée et elles ne peuvent être reproduite en dehors du milieu cheminé. C’est-àdire qu’elle résulte de la somme des circonstances entre acte de cheminement, rencontre d’un milieu sensoriel et état psychologique de la personne à cet instant. En effet, une mère de famille de Saint-Jean-le-Vieux (interviewée SJLV2) m’exprimera le fait de s’extasier et de ressentir une émotion particulière à la vue de fleurs, qu’elle ne ressent pas lorsqu’elle en voit la photographie (92).

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92. Photographie réalisée pour qualifier les moments agréables et d’arrêts spontanés (interviewée SJLV2).

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« Alors C'est ça la vue et les vues que j'ai quand, voilà. La rivière. J'aime bien les fleurs sauvages comme ça. C'est pour ça que j'aime pas les photos. C'est pas pareil que quand je les vois sur la photo ça ne me fait rien. C'est juste pour montrer que dans votre ce que vous m'avez envoyé, il y avait écrit On s'arrête. J'ai vu les fleurs, la vue, surtout la vue, la vue, les montagnes, la montagne, la campagne. Ce vert, ces verts pardon. Ces verts différents.» Interviewée SJLV2 – Extrait de narration lorsde l’entretien

Ces sensations psychiques ne sont pas propres aux cheminements de loisirs. En effet, les témoignages collectés auprès des agriculteurs ont permis de comprendre le lien fort qui se tisse entre eux, les animaux élevés et le sol (qu’il font pâturer, faucher, travailler). L’expérience de transhumance ou de labourage est vécue comme une réelle épreuve collective avec des rapports de forces entre la bête et l’individu qui oscillent ou s’équilibrent. L’effort est apprécié encore une fois par le contact. Le paysage est qualifié par ces contacts, les effets physiologiques qu’ils procurent à l’individu.

«On tirait comme ça, mais on a la fois, si vous voulez, cette idée de liberté, mais de volonté de pouvoir maîtriser l'animal. Par contre, d'autres, il y a d'autres moments qui sont beaucoup plus intenses. Ce sont les moments où, parexemple, les vaches pour tirer quelque chose dans la prairie, dans le champ, qu'on venait de labourer, une vache qui est déjà habituée au travail, qui est déjà dompté et l'autre qui ne l'est pas. Et là, on se dit «Tiens, c'est moi, c'est moi, c'est moi le chef, le chef et c'est à moi de la dresser». Et ce sont des moments, si vous voulez. Ce n'est qu'après coup qu'on a conscience de ça. Mais c'est un petit peu une espèce de rapport avec la bête pour essayer de la maîtriser. Eh oui, je serai plus fort quetoi parce que voilà. Ça fait partie de ces moments forts. De là à dire qu'il est un plaisir. S'il y a un plaisir, c'est vrai de se dire : «tiens, voilà, je suis en train de devenir un homme et je vais arriver à maîtriser cette bête». »

Interviewé SJLV6- Extrait de narration lors de l’entretien

Le paysage multisensoriel comme valeur identitaire individuelle

Le paysage sensoriel appelle le souvenir personnel. La dimension sonore en particulier active les sphères mémorielles de l’esprit de l’individu. Les sonorités sont les moyens de se rattacher au passé. Par exemple, les bruits d’enfants, de gens, d’animation ne sont pas « anxiogène(s) » mais évoquent chez une mère de famille

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(interviewée B4) le souvenir de ses propres enfants. Le paysage lors de marches passées est également évoqué sous le prisme des odeurs, du toucher et parfois du goût. Les odeurs en effet construisent les souvenirs de l’environnement physique ou familial voir culturel dans lequel la personne a grandi. Ainsi l’odeur des « foins », du « fumier » sera forte chez les agriculteurs et parfois évoquée chez des Bidartar(e)s (souvenirs leur enfance à la campagne). Les souvenirs tactiles sont liés à des événements saisonniers comme les transhumances agricoles ou promenades estivales. Aussi le goût pourra être sollicité dans les souvenirs de convivialité ou de partage, familial ou communautaire. Un ancien agriculteur de Saint-Jean-le-Vieux les évoquera dans le cadre d’un moment de dîner particulier avec sa famille et l’éleveur gardant ses vaches dans les estives (interviewé SJLV6). À ce dîner, il goûtait du lait de chèvre, ce qui laisse à supposer leur présence dans la parcelle se trouvant à l’issue de la transhumance qu’il venait d’effectuer.

«On croise des personnes qui font du sport. Là c’est pareil, ça a beau être animé c’est quand même calme malgré tout. Ouais c’est une animation qui est pas stressante. Non c’est pas du tout stressant, même si les gens font du sport, ils pêchent. Des personnes qui faisaient des petits bateaux télécommandés et qui font des petites courses. C’est calme quoi. Y a de gens qui hurlent, ni rien du tout. C’est vraiment des animations pas stressantes. Ça nous rappelle des souvenirs quand nos enfants étaient petits. C’est pas anxiogène.» Interviewée B4 – Extrait de narration lors de la cartographie

« Nous amenions nos vaches à la montagne, au pâturage et les mettait dans les pâturages collectifs du syndicat de Cize. (…) Donc on allait là-bas, et parmi mes souvenirs, je me souviens qu'on partait à 4 heures du matin avec toutes les vaches du quartier. (...) c'était une cabane en lauze. Ah non, je veux dire en bardeaux. Et il n'y avait pas de cheminée et on dormait là-bas le soir et on buvait du lait de chèvre. Ça fait partie, du lait de chèvre qui appartenait à ce Unaia32 . »

Interviewé SJLV6– Extrait de narrationlors de l’entretien

32 En basquen désigne le berger qui s’occupe des vaches contrairement à l’Arzaina qui s’occupe des brebis

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93. Post-it qui évoque les souvenirs de jeux d'enfancequ’évoquent la plaine de l’Uhabia (participante, arrêt A, marche MEB1). 94. Post-it qui évoque ses souvenirs de premières randonnées dans les bois de la périphérie bordelaise(participante, arrêt C, marche MEB1).

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Les souvenirs de l’enfance donc aussi liés à l’épreuve du corps par le jeu (93) ou dans la possibilité de parcourir : l’épreuve de la falaise, de la butte ou de la montagne l’absence de chemin à l’époque des cheminements évoqués.

Moins, non ouais beaucoup moins. Par contre, après avec les enfants, ce qu'on faisait quand ils étaient plus petits, on allait très souvent au lavoir. Ils aimaient bien avec l'eau et tout ça. Du coup on passe en bas du camp romain, et puis après on descend au lavoir. Par contre, quand j'étais petite, j'allais très souvent sur la butte du camp romain. On montait, on descendait en courant. On allait faire le goûter en haut. On avait l'impression que c'était immense quand on était petit. Et en fait c'est tout petit. C'était la découverte.

Interviewée SJLV10 –Extrait de narration lors de la cartographie

Aussi la dimension du souvenir devient vectrice de marche. Par le cheminement, la personne illustre et se/nous plonge dans son histoire personnelle. Cheminer dans un paysage de l’enfance, ce n’est pas seulement rencontrer les lieux de l’enfance mais c’est comprendre l’environnement dans lequel la personne a grandi, sa personnalité et les valeurs auxquelles elle est attachée. Cette même mère de famille Bidartare (interviewée B4) évoque une balade réalisée à l’occasion avec sa bellefille et son fils pour se replonger dans les souvenirs de l’enfance. Les souvenirs sont donc tantôt incarnés à des sens tantôt à des lieux ou encore à des milieux. Par exemple, le fait de marcher dans une forêt lors de la marche MEB1, replongera certains des participants dans leurs souvenirs de premières randonnées (94).

Alors oui dans le sens là où lui a retrouvé, par exemple où est-ce qu’il prenait le bus, le bus s’arrêtait quand il allait à l’école puis au collège. Et on a eu la chance d’aller voir la maison et la dame qui l’a acheté, elle est sortie et on a pu voir la maison. Oui c’était trop cool. Trop cool et en même temps, un peu d’émotion car la maison n’était plus pareille mais les souvenirs étaient restés. Et du coup on a fait découvrirà sa compagne, pleins d’endroits comme ça. Et on est allé jusqu’au moulin pour acheter le gâteau basque et après on a fait retour à la maison.

Interviewée B4 – Extrait de narration lors de la cartographie

C’est par les souvenirs que l’identité de la personne se construit. L’environnement dans lequel elle a grandi, qu’elle a cheminé quotidiennement amène un rapport au territoire particulier puisque les stimulations sensorielles

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qu’elle a éprouvé au quotidien peuvent être retrouvées dans d’autres milieux. Par l’introspection psychique qu’il génère, le paysage possède une réelle dimension psychologique qui s’étend à la caractérisation de sa propre personnalité. En effet les expériences de marches exploratoires et la marche-entretien qui s’est spontanément mis en place avec une retraitée Bidartare (interviewée B7) ont montré comment le paysage multisensoriel amenait à parler de sa personnalité, de ses habitudes ou des choix qui ont construit son parcours individuel.

Lors de la marche MEB1, par la rencontre fortuite de certains végétaux, une participante partage ses habitudes quotidiennes de jardinage et cuisine. Un autre participant évoque les sensations retrouvées de « quand (il) était petit, dans le bois » et s’adonne à une description de son tempérament solitaire et des activités de construction qu’il l’animait. Lors de la marche-entretien mon interviewée m’a invitée à porter mon regard sur les maisons et jardins qui longeaient notre itinéraire. Cela a été l’occasion pour elle de m’évoquer l’époque où elle s’est installée avec son mari, l’organisation interne de sa maison, l’espace qu’elle loue à des hôtes en AIR B&B mais aussi l’évolution du jardin, les choix qu’elle a fait, les projets qu’elle avait et qu’elle avait réalisés, les choses à améliorer.

Finalement le paysage n’est pas l’objet d’une description de ce qu’il est composé mais plutôt de ce qu’il évoque ou procure. Les éléments paysagés seront systématiquement évoqués dans le prisme de la personnalité de la personne et de ses intérêts ou de son histoire. Par exemple, une mère de famille de Bidart (interviewée B4) m’évoquera les couleurs et les ombres de la forêt puisqu’elle est passionnée de peinture.

«Moi j’aime bien la peinture, alors du coup je regarde les paysages et je fais attention aux ombres, parce que ça a un lien avec la peinture. Donc quand on regarde les paysages on fait bien plus attention aux ombres. On fait attention aux différentes couleurs, en fonction des horaires de la journée.» Interviewée B4 – Extrait de narration lors de la cartographie

Le paysage multisensoriel et esthétique, garant d’une identité culturelle

La sensorialité donne accès à l’esprit des lieux. Les perceptions visuelles des maisons à Bidart et à Saint-Jean-le-Vieux notamment par les personnes qui visitent

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95. Post-it qui décritle paysage perçu depuis le point de vue comme paysage "typique" de la commune(participante arrêt B, marche MEB2).

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la commune, qui perdurent les codes basques sont sujettes à de fortes appréciations esthétiques. Lors de la marche exploratoire MEB1 à Bidart, ces maisons sont décrites avec « du cachet », « un côté traditionnel », participant à la construction mémorielle et vivante de sentiment d’appartenance à une culture collective. Cette dimension culturelle selon deux participants, marque la différence entre les personnes dites « du cru », les personnes locales qui achètent « pour la maison » et les personnes étrangères qui achètent pour la vue. Aussi, le temps du point de vue semble être celui de la contemplation du territoire et de ressentir l’« esprit des lieux qui en ressort ». De même, lors de la marche exploratoire MEB2, une des participantes exprime à l’arrêt B, en observant une vue sur la commune décrit son ambiance sur son post-it comme un mélange de « verdure » et d’« urbanisation » qui serait caractéristique de Bidart (95). Les agriculteurs sont particulièrement sensibles à cette notion d’ « esprit des lieux » mais à plus grande échelle. En effet, lors de la marche MESJLV1, la vue de la coopérative depuis le point de vue B’ choque notre berger qui déclare « on ne voit que ça ». De même, lors de cet arrêt, l’histoire du quartier Harieta est évoqué comme étant un quartier d’agriculteurs avec des bâtiments agricoles et qui a perdu en quelques sortes son essence avec la construction de nouveaux lotissements.

L’esthétique du paysage est finalement l’aspect le plus mis en avant comme expression culturelle. Cependant cette question de l’esthétique peut diviser en étant un balancier entre expression individuelle et inscription dans une identité collective. Lors de la marche exploratoire MEB2, la rencontre de nombreuses maisons d’architecture typique néobasque et de quelques formes d’expressions artistiques notamment par le tag lance un débat sur l’appréciation esthétique de l’architecture locale.

D’un côté, certaines personnes vont apprécier l’architecture néobasque (96) dont l’esthétique est très codifiée. En effet, selon une participante qui vit depuis plus de 40 ans à Bidart, cette esthétique renvoie à la culture locale décrite par l’idée de l’etxe33, de l’attachement à la famille, du lien social. L’entretien des maisons participent à une sorte de bon-vivre, d’esprit village auquel elle s’identifie. Garantir l’esthétique des maisons va de pair avec la dimension culturelle et identitaire.

33 « Maison » en basque

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96. Photographie qui dévoile l’intérêt pour la maison néobasque inspirée de l'etxe traditionnelle(participant, marche MEB1). 97. Photographie qui montre les tags rencontrés sur le parcours (participant, marche MEB2).

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98. Photographie qui montre le bâtiment agraire qui a suscité le débat pour ses qualités esthétiques et le modèle agricole qu’il porte(participant, marche MESJLV1).

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Pour d’autres individus, cette qualité esthétique est perçue comme une mise en valeur pure du village, d’une sorte d’identité commune revendiquée par le maintien d’une uniformité visuelle, associée même à une dimension « touristique ». Cependant en tant qu’individualité, elle sent sa créativité peut-être plus contrainte et limitée. Finalement l’idée d’une esthétique plus libérée peut diviser. Des actes spontanés d’expression incarnés par les tags par exemple ne font pas consensus (97). De plus la question esthétique est naturellement une question de subjectivité. En effet, lors de la marche MESJLV1, la vue d’un bâtiment agricole (98) qui abrite un élevage de volaille suscite le débat sur le côté « américain » porté par la technique agricole qu’il incarne. La personne l’ayant construite est en effet d’origine américaine. Ce bâtiment est déprécié par certains participants par l’esthétique qui dénote avec le contexte et le modèle dont il est porteur.

Ainsi l’expression artistique ou identitaire individuelle soulève le paradigme de la revendication identitaire culturelle par la dimension esthétique et la place qu’elle laisse à l’expression individuelle. Le paysage acquiert une valeur esthétisante en étant porteur d’une identité culturelle et territoriale. Si Maitane Ostolaza a pu analyser le paysage situé « au centre des processus de création et de transmission de l’identité nationale » (2017), les témoignages recueillis dans notre étude soulèvent bien la dimension « revendicatrice » d’une identité territoriale par le paysage.

Cette question de l’esthétique des paysages telle qu’elle est analysée ici effleure les conflits identitaires que traverse le Pays Basque, terre d’accueil et territoire de vie. Un jeune Bidartar (interviewé B11) effectuera le lien entre paysage et conflits entre une population locale et une population touristique. Il a évoqué le fait de ne plus marcher ou de se rendre à pied à Bidart bien qu’il y réside. Il n’a d’ailleurs pas émis des désirs de cheminer sur la commune pour deux raisons : la dégradation des paysages, évoquée par l’évocation de déchets associés à l’activité touristique et l’enjeu prioritaire de l’accession au logement, exacerbé par la succession des périodes de confinement qui a généré une augmentation du foncier local et une difficulté pour les habitants locaux d’y accéder.

«Non, nous surtout, c’est de pouvoir se loger. C’est le plus important que de zoner (traîner) quelque part. Sauf que juste avant, quand tu fais un loyer à 200 000 balles alors que tu gagnes que le SMIC. Pas facile. Par contre, bah les parisiens qui ont la tune, ils peuvent. C’est un peu le problème. Mais après tu crées des villages morts. Comme Hendaye, où il n’y a pas un chat à part le week-end.»

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