4 minute read

L’expérience du pas devient une motivation au cheminement

«D'être seul. La nature, les oiseaux. Vous avez des truites qui gobent. On peut voir des animaux. C'est très intéressant, très intéressant. Non, non, la pêche est très, très intéressante. On voit toutes sortes de, toutes sortes de, la végétation change d'un mois à l'autre. C'est très joli. On voit la nature.» InterviewéSJLV7 – Extrait de narration lors de l’entretien

Ces différentes attitudes de cheminement traduisent des modes de marche « de passage » où il s’agit de transiter d’un espace à un autre différents des modes de marche où le cheminement devient l’occasion d’éveil à son environnement par la pluralité des sens. Ces derniers préfigurent de réel instant d’introspection personnelle évoqués dans le chapitre 02.Le paysage éprouvé: le cheminement comme vécu de paysages multisensorielles et affectifsou moments de convivialité individuels ou collectifs que nous aborderons dans le chapitre 03.Le paysage habité: le cheminement comme milieu où s’établir . Finalement par l’expérience qu’il permet le paysage cheminé génère une attitude vectrice de cheminement.

Advertisement

L’expérience du pas devient une motivation au cheminement

L’occasion de cheminer dans des contextes de sol très différent devient une circonstance motivante et déterminant le cheminement. La qualité de l’aménagement, la seule détermination au choix d’un parcours, l’expérience du pas, de la matérialité du sol dans sa réalité et de la sensorialité podotactile qu’il permet sont autant d’éléments qui déterminent la direction du cheminement.

De prime abord, il semble évident que l’aménagement du sol conditionne notre attitude au paysage. Dans une acception classique de valoriser la perception des paysages, il s’agira d’envisager un aménagement permettant une foulée qualifiable d’ « agréable » favorisant ainsi un mode d’émerveillement sensoriel au paysage environnant. Cet émerveillement révèle tout de même d’une acception de la mise en scène du paysage « spectaculaire » ou « artialisé ».

Cependant l’analyse de la perception des paysages par le cheminement a révélé que la sensorialité podotactile est aussi à l’origine des choix de cheminement. Alors de manière naturelle, là où la marche est perçue comme désagréable ou impraticable, le cheminement sera dévié pour appréhender des sols plus confortables ou accessibles au cheminement. Par exemple, pour reprendre le cas de notre assistante maternelle de Saint-Jean-le-Vieux, cette dernière sélectionnera certains parcours pour la qualité de sol propice à ce mode marche.

180

81. Photographie qui décrit l'environnement perçu lors d'une randonnée effectuée sur l'Arradoy et qui révèle la prédominance du chemin terreux dans cet environnement (interviewée SJLV5) 82. Photographie qui montre un chemin de terre très agréable par sa matérialité et l'ambiance sensorielle génère et qu'elle a découvert (interviewée B7).

181

L’expérience du pas peut donc constituer un obstacle au cheminement lorsque le sol est impraticable (boue) ou sur fréquenté (voitures).

Ce qui peut parfois paraître de l’inconfort, voire de l’impraticable est motivateur de cheminement. Ainsi de nombreux témoignages, tant en contexte littoral urbain que rural montagnard, révèlent une appétence pour les sols accentués avec des trajectoires non établies où l’épreuve du pas, dans la difficulté qu’il génère est hautement appréciée. En effet, lors de la marche exploratoire MESJLV1, l’itinéraire à partir du point B est improvisé dans les prairies pentues environnantes. Le fait de monter de cheminer à travers les prairies dont la végétation est assez haute génère une expérience décrite comme agréable par les participants. Cela fait écho aux récits de marches en montagne ou le caractère pentu qui constitue un certain défi et naturel des chemins est hautement apprécié (81). Cheminer des territoires non établis est synonyme de découverte, d’une forme d’aventure qui rompt avec un quotidien rapide et « dirigé ». Cette expérience aussi peut s’expliquer, notamment pour les éleveurs qui effectuent des marches de types loisirs, par la volonté de rester sur des sols vécus quotidiennement, appréciés et qui restent des territoires privilégiés pour eux (interviewé 11).

«Des fois, je passe par mes prairies. Au bout y a un portail, chez la voisine. Elle sait que c'est moi. C'est plus sympa que de prendre l'enrobé avec les voitures, au bord de la route. Même si c'est sympa, c'est des gens que tu connais. Je prends souvent mon chien avec moi.»

Interviewé SJLV11– Extrait de narration lors de l’entretien

Enfin cela peut aussi s’expliquer par une volonté de contact intense avec le sol, d’une expérience multisensorielle. La sensorialité podotactile est stimulée par le contact de la matérialité du sol. Cette même matérialité doit être « naturelle » de l’ordre du végétal (prairie, terre) (82) ou minéral (sable, rochers) (interviewé B5). Rencontrer cette matérialité traduit, dans le premier cas, une première forme de contact avec l’environnement naturel, ce qui relève chez nos participants de la « nature » perçus comme des éléments qui n’ont pas été transformés par l’humain.

182 « PD: Non c’est un peu différent parce qu’il ya des parties où il va y avoir un peu plus de rochers au niveau de la mer. Un moment c’est plus sableux vers Pavillon Royal ou comme ça. Non ça alterne un petit peu. Ça alterne à plusieurs endroits et à marée basse c’est toujours magnifique.