Mémoire master d'architecture, les paravents d'Eileen Gray

Les paravents d’Eileen Gray, 1878-1976 Architecte, Designer, Laqueur, Artiste, Tapissière

Elise Geoffroy Master Fragments 2021-2022 École d’architecture de la ville & des territoires Paris-Est Rédaction du Mémoire de Fin d’Etudes 1

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Remerciements

Je tiens avant tout, à exprimer toute ma gratitude à mon directeur de mémoire, Monsieur Avissar Ido, qui m’a fait découvrir Eileen Gray et qui m’a accompagné, encouragé, et offert des précieux conseils. Je tiens également à remercier mes professeurs Roquemaurel Thais et Ippoliti Jaques pour leurs patiences, leurs soutiens et leurs aides lors de nos séances.

Ainsi qu’un grand merci à ma partenaire Leclere Cassandra, pour sa collaboration lors de la relecture et son indulgence lors de ces moments. À tous ces intervenants, et à ceux que je n’ai pas cité, je vous présente mes remerciements, ma gratitude et ma profonde affection ; sans qui, ce projet n’aurait pas vu le jour.

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Pour créer, il faut tout d’abord tout mettre en question.

- Eileen Gray

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ADAM Peter, Eileen Gray Her Life and Her Work. The Biography, p. 6.

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Tables des matières Remerciements

p. 3

Tables des matières

p. 7

Préface

p. 9

Introduction

p. 10-11

Leporello

p. 12-15

I. Oscillation entre peinture et objet 1. l’objet peinture 2. l’objet authentique

p. 16-27 p. 16-22 p. 23-27

II. Basculement vers une architecture 3. La cloison et l’objet : la transition A. La cloison B. L’objet 4. l’objet architectural

p. 29-42 p. 29-31 p. 32-36 p. 37-42

III. La rupture fonctionnelle 5. l’architecture de l’objet

p. 43-47

IV.

p. 48-51

Quintessence du paravent chez Gray 6. de l’objet à l’architecture par le mobilier

Conclusion

p. 53-54

Notes

p. 55-56

Bibliographie Annexes Leporello Figures

p. 57

p. 59-60 p. 61-63

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Préface

Eileen Gray est une architecte designer du XXe siècle, particulièrement prisée pour son travail de laque luxueuse style Art Déco et pour son passage radical à un modernisme Corbuséen. De nationalité irlandaise, elle découvre rapidement la France et ses milieux artistiques à travers l’Exposition Universelle de Paris en 1900. Un an plus tard, elle va commencer des études de peinture à la Slade School of Fine Art (section d’art de l’University College de Londres). Elle fait de nombreux aller-retour entre ses cours et Paris, où elle décide en 1907 de s’y installer définitivement et quitte la peinture pour étudier le laquage sous la direction de l’artisan laqueur Seizo Sugawara.

C’est à Paris qu’elle développera tout son talent et sa passion pour la laque, ce qui fera d’elle la pionnière de laque occidentale du XXe siècle. Au travers de cette matérialité artistique, elle confectionne de nombreux mobiliers en bois laqués, des tapisseries, des paravents, des fauteuils. En 1910, elle ouvre deux ateliers à Paris, l’un dédié à la laque, 11 rue Guénégaud auquel collabore également Sugawara. L’autre sera dédié au tissage de tapis et à la conception de tissus au 17 rue Visconti. C’est dans ces années-là qu’elle reçoit plusieurs commandes d’aménagements d’appartements et qu’elle acquiert une notoriété. Notamment le paravent le Destin (1914), La table Lotus (1914), ainsi que La Table aux chars (1914) et la Table au bilboquet (1917) qui lui seront commandés par le couturier Jacques Doucet. En 1913, lors de sa première exposition au XIVe Salon des Artistes Décorateurs à Paris, elle présente un ensemble de meubles comportant des panneaux décoratifs. Ce qui lui permettra d’ouvrir sa fameuse Galerie Jean Désert en 1922 avec Jean Badovici, un architecte roumain. C’est l’opportunité pour Gray de promouvoir et de commercialiser ses réalisations de « paravents en laque, mobiliers en bois, tentures murales, lampes, divans, miroirs et tapisseries » ainsi que « décoration et installation d’appartement » 2 selon le carton publicitaire de la galerie. Elle se fera remarquer grâce à ses confections se distinguant par son style de laque si particulier, notamment avec sa Table De Stijl de 1924 ou encore ses architectures très modernes comme la villa E 1027. Elle ne cesse d’expérimenter tout au long de sa vie, mais va malgré tout, tomber rapidement dans l’oubli. Eileen Gray va néanmoins être revalorisée et son travail est depuis une dizaine d’années redécouvert.

Ce nouvel engouement pour son travail va lui permettre d’être exposée et critiquée.

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CONSTANT Caroline, Eileen Gray, p. 43.

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Introduction Je l’ai récemment découverte au gré d’un exercice sur de grandes figures artistiques du XXe siècle. Elle a suscité en moi beaucoup de curiosités et un intérêt grandissant pour ses conceptions. Mes recherches m’ont fait ressortir un goût fort envers son traitement de laque, notamment pour ses objets asiatiques : les paravents.

Par la suite, j’ai compris que les paravents avaient un rôle très important dans le travail et dans la vie d’Eileen Gray. C’est à travers ses paravents et les différentes transformations qu’elle expérimente (matérialités, formes, rapport au contexte) que l’on remarque un basculement radical entre œuvres artistiques, design d’objets et architectures. Cette oscillation se manifeste fortement après son exposition au XIVe au Salon de la Société des Artistes Décorateurs de 1923. Elle y exposera une pièce entière composée de ses œuvres et notamment le paravent en brique (1923). Ce dernier est une traduction architecturale de l'aménagement pour l’appartement rue Lota qu’elle fait en amont. À travers cette traduction et ce travail spatial de la mise en scène effectuée au Salon, l’amorce d’une envie de composition architecturale se fait sentir en elle. Mais que lui apporte ce passage de l’objet à l’architecture ? Que pouvons-nous lier entre son travail de design et son travail d’architecture ? Est-ce vraiment une intention de traduire ses paravents en architecture ? Ou, est-ce l’inverse ? Comment l’entrée de l’appartement rue Lota et son paravent en brique offrent un statut d'ambiguïté des objets ?

Toutes ces questions traduisent une ambiguïté autour de ses paravents et de son travail architectural qui va suivre. En effet, on retrouve une certaine ambiguïté dans les paravents de Gray qui se manifeste par une constante évolution et expérimentation de la part de l’artiste, brouillant l’usage même de l’objet.

Ainsi, la question suivante se pose. Comment Gray construit-elle une ambiguïté par l’usage du paravent comme peinture, objet et architecture ? Pour y répondre, il est fondamental de comprendre que la notion d’ambiguïté définit le « caractère de ce qui est susceptible de recevoir plusieurs interprétations. » 3 C’est à travers cette notion et l’intérêt des paravents, de manière chronologique, que l’on pourra réaliser son évolution et son cheminement vers la peinture, l’objet et l’architecture.

Nous verrons dans un premier temps qu’il est nécessaire d’étudier les premiers paravents d’Eileen Gray et ses méthodes de travail artistiques pour comprendre le point de départ de toutes ses futures expérimentations (chapitre I.) Ainsi Il faudra tout au long de l’analyse suivre dans la même continuité de création de l’artiste, ses

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CNRTL, [En ligne], https://www.cnrtl.fr/definition/ambigu%C3%AFt%C3%A9

différentes évolutions/conceptions de l’objet (le paravent), afin d’appréhender au mieux son ambiguïté. Par la suite, un tiraillement dans le travail de Gray va mettre en avant de nouvelles conceptions de l’objet qui devront être vues en détails (chapitre II). Ainsi, il faudra tenter d’analyser le nouveau terrain artistique de Gray par certaines conceptions architecturales qui semblent être reliées au paravent (chapitre III). Ainsi pourrons-nous trouver l’objet ultime de Gray reliant architecture, paravent et conception pour répondre à ma question (chapitre IV) ?

Une intention personnelle de maintenir chronologiquement l’étude sera introduite par une numérotation successive malgré un raisonnement composé en différents chapitres.

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Leporello 1. Paravent Le destin -1914

7. Divan la pirogue -1919

13. Chaise non-conformiste1925

2. Table aux chars -1914

8. Cabinet de laque -1920

14. Architectural Cabinet -1925

3. Fauteuil aux Dragons -1917

4. Table au Bilboquet -1917

5. Console -1918

6. Fauteuil dit la Sirène -1919

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9.Le paravent en laque noire -1922

10.Table De Stijl -1922

11. Paravent en briques -1923

12. Floor lamp -1923

15. Day Bed -1925

16. Lampadaire Tube -1927

17. Table Occasionnelle Ronde -1927

18. Miroir Satellite -1927

19. Chaise Roquebrune -1927

20. Pailla -1927

21. Desserte Rivoli -1928

25. Bar Stool No.2 -1928

26. Fauteuil Bibendum -1928

27. Petite Coiffeuse -1929

22. Table Jean -1928

28. Adjustable Table -1929

23. Bar Stool No.1 -1928

29. Cabinet à tiroirs pivotants1929

24. Aixia -1928

30. Fauteuil Transat -1929

31. Kilkenny -1929-35

32. Roqueburne -1929-35

33. St Tropez -1929-35

34. Wendingen -1929-35

35. Black Board Rug -1929-35

36. Blue Marine -1929-35

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37. Centimetre -1929-35

40. Folding screen -1930

38. Bonaparte -1929-35

41. Roattino-1931

39. Castellard -1929-35

42. menton table -1932

45. Appartement rue Lota -1919 – 1924

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43. Bonaparte -1935

44. Chaise pliante ‘S’ -1938

46. Villa E-1027 - 1926 – 1929

47. Villa Tempe a païa - 1932 – 1934

48. Lou Pérou - 1954 – 1961

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I. Oscillation entre peinture et objet 1. l’objet peinture Gray va rapidement tomber amoureuse du laque. Un laque est un objet fabriqué à partir de laque, c’est un travail artisanal japonais, touchant de nombreux domaines artistiques comme les objets, les paravents, les meubles, les peintures.

La laque est une résine issue de la sève de l’arbre Urushi qui prend forme lors de son séchage, à forte température et humidité, en formant un revêtement solide et brillant. La technique artistique Urushi-e évoque à la fois l’art du laque sur objet ,mais également l’art d’estampe sur bois. Sa complexité regorge par sa difficulté d’emploi dû à sa toxicité et par la nécessité d’appliquer de nombreuses couches.

Elle peut prendre différentes couleurs au gré des pigmentations. Eileen Gray est « l’une des premières artistes à adapter au goût occidental les techniques asiatiques traditionnelles. » 4 Lors de son apprentissage à la Slade School of Art, elle découvre deux techniques traditionnelles de laque qui la suivront dans sa vie d’artiste designer.

La première est le negoro qui nécessite un travail délicat aux formes simples et des pigmentations fortes en rouges et noires. La deuxième est le maki-e qui permet par la projection, de parsemer une surface laquée de poudre d’or ou d’argent. Lors de sa formation, elle fait la rencontre de D. Charles qui lui enseignera tout son savoir sur la restauration de mobilier et des paravents anciens en laque, ce qui amorcera ses premières créations. Elle gardera contact avec son formateur de longues années, lui demandant régulièrement conseil. C’est ainsi qu’au travers de ses passions et de sa formation, qu’elle expérimentera et testera toutes sortes de rendus et de pigmentations.

Par la suite, elle poursuit sa formation dès son arrivée à Paris en 1906 auprès du maître laqueur japonais Seizo Sugawara, qui deviendra un collaborateur important de Gray.

C’est en 1912 qu’elle réalise son premier paravent en laque à quatre panneaux pour son amie Florence Gardiner : La Voie Lactée. Cet écran bleu nuit aux incrustations de nacre représente une figure humanoïde sautant au-delà d’une montagne. On retrouve dans ce premier objet iconique la technique du negoro par un travail de pigmentation bleu obscur permise grâce au broyage de feuille de lapis lazuli (mineral Silicate). Cette roche opaque d’un bleu profond (entre l’azur et l’outremer) utilisée en art depuis des milliers d’années, offre une brillance immense. « Ce magnifique écran de laque bleue est très simple, mais d’une conception très efficace.» 5 En effet, ses recherches et innovations constantes conduisent Eileen Gray à inventer cette nouvelle pigmentation bleue jusqu’alors absente de l’art du laque désormais célèbre.

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4

CONSTANT Caroline, Eileen Gray, p. 23.

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ADAM Peter, Eileen Gray Her Life and Her Work. The Biography, p. 39.

Le travail d’incrustation de nacre y est ici permis par la technique raden qu’elle apprendra auprès de son professeur Seizo Sugawara (technique décorative japonaise dans laquelle des doublures de nacres et de coquilles d’ormeaux sont découpées en motifs). Le caractère luxueux de l’objet se manifeste ainsi par ses incrustations délicates de nacres représentant des corps célestes et également par la représentation d’un personnage mythique, cheveux au vent, apportant également une notion scénaristique. « C’est le premier écran dans lequel elle montre son goût pour les thèmes mystiques et énigmatiques. Le motif était formé de nacres sur un fond presque bleu nuit. Eileen a incrusté la nacre avant que la laque ne soit complètement sèche, et les deux substances ont séché ensemble. » 6 Le mouvement de cette figure nous évoque un songe en action, comme un arrêt sur image. Le scénario possible du rêve permet de lui créer une histoire, de lui raconter un récit.

Figure 2 : Paravent La Voie Lactée

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« An Artist in Lacquer », British Vogue, d’août 1917, p. 29.

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Figure 3 : BADOVICI Jean, « L’art d’Eileen Gray », Wendingen, n°6 (6 novembre 1924). National Museum of Ireland

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Figure 4 : Paravent Le Dit du Genji

À travers son utilisation de matériaux luxueux et de représentations scénaristiques, ce quadruple panneau laqué fait référence aux paravents japonais: les Byobu, introduits au Japon au VIIIe siècle. Ils ont la particularité de représenter une scène, un récit, un conte et d’être ornés de matières précieuses (or, soie, nacre). Pour comprendre cette référence, le byobu japonais cicontre à 6 panneaux se nommant Dit du Genji datant du XVII-XVIIIe siècle, est le parfait exemple. Le Dit du Genji est une œuvre importante de la littérature japonaise et est considéré comme le premier roman (conte) psychologique du monde. Basé sur des faits réels de l’époque, le paravent sur papier raconte la vie de l’empereur Genji en illustrant à Figure 5 : Détail du dernier panneau (sens de lec« travers ses encres, ses couleurs et ses ture de droite à gauche) feuilles d’or trois scènes du conte. » 7 Ainsi, la référence s’exprime par le caractère luxueux fortement exprimé par les matériaux et par le scénario, la volonté de raconter une histoire, comme une traduction artistique de l’œuvre littéraire.

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Galerie Tora Tori, Anticsore, [En ligne], https://www.anticstore.com/paravent-6-panneaux-dit-genji-

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Ce début de réputation va la mettre en avant comme l’une des premières artistes à réinterpréter les techniques artistiques asiatiques à un regard occidental. C’est ainsi qu’en très peu de temps après son premier objet : La Voie Lactée, qu’elle compose Le Magicien de la nuit en 1913 pour le XIVe Salon de la Société des Artistes Décorateurs avec l’aide de Seizo Sugawara. D’ailleurs, il en existe trois exemplaires, deux sur fond rouge et un autre sur fond bleu. Le rouge étant le plus célèbre (figure 8) et représentant le mieux sa façon de travailler, son analyse en est plus adaptée au sujet. Par ailleurs, le nom donné au paravent au Salon, Aum Mane Padme Aum, est une phrase sacré bouddhiste désignant « le lotus comme un joyau qui permet l'illumination » 8. Pourtant, il est devenu connu sous le nom de Le magicien de la nuit, une alternative adoptée en raison du caractère occidentaliste de l’époque. Entre temps, il a également été désigné par erreur par le titre d'un autre panneau illustré au Salon de 1913, La forêt enchantée.

Eileen Gray sera remarquée lors de son exposition par le couturier Jaques Doucet. On retrouve dans ce paravent composé d’un seul panneau, le caractère luxueux à travers la nacre découpée en formes de pétales. Cette fleur précieuse, bleutée est tendue par un personnage au corps nu. Cette offrande mystérieuse à un personnage vêtu, apporte au spectateur une libre interprétation du récit si énigmatique. Cette teinte rouge profonde est possible par extraction de résine de l’arbre Rhus vernicifera. Elle combine de manière remarquable ces matérialités complexes et innovantes pour l’époque. On peut facilement imaginer le côté céleste et mythique de la scène mystérieuse entre ces trois protagonistes. La référence du byobu, Le Dit du Genji est également présente dans ce deuxième paravent de Gray, de par les récits scénaristiques, les matériaux précieux et par la puissance du rendu.

Figure 6 : Le magicien de la nuit, version fond bleu

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Figure 7 : Le magicien de la nuit, version fond rouge

PITIOT Cloé et STRITZLER-LEVINE Nina, Eileen Gray, Designer and Architect, p. 214.

Figure 8 : Paravent exposé au Salon Le magicient de la nuit, version fond rouge

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De plus, Gray ne choisit pas au hasard ses pigmentations de laque, mais bien en fonctions des émotions qu’elles peuvent faire ressentir : le rouge pour le sentiment de triomphe, le vert pour le caractère lugubre et le bleu intense pour le désespoir.

Sa volonté autour de l’emprise du rouge, s’accaparant une grande partie du tableau, contraste et s’oppose avec le bleu de la fleur qui prend une infime partie de la toile. Le spectateur ne peut que se voir troubler devant un tel désaccord artistique et figuratif au sein même de l’œuvre. Ne sachant quoi ressentir entre la froideur de la pierre et la chaleur des corps absorbant symboliquement l’offrande. Eileen Gray créée une harmonie entre richesse des matériaux et sensibilité de la référence japonaise qu’elle ose apporter à ses œuvres. C’est ainsi que son paravent n’est pas qu’un simple objet permettant de créer des séparations, de protéger des regards et des courants d’air et d’atténuer la lumière, mais c’est une vraie œuvre d’art. Elle n’est pas précisément destinée à un usage de séparation spatial, mais à un usage artistique, de contemplation, d’admiration.

Cette atmosphère de rêverie et d’enchantement offre à Eileen Gray un début de notoriété, ses premières critiques et ses publications. C’est ainsi qu’elle commence à instaurer une ambiguïté entre la symbolique et la fonction du paravent.

Figure 9 : «Eileen Gray. Aum Mane Padme Aum», Le Salon de la Société des Artistes Décorateurs, 1913

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2. l’objet authentique Eileen Gray a énormément appris lors de l’élaboration de ces deux premières œuvres. Elles lui ont permis d’acquérir sa première renommée, notamment auprès du célèbre couturier Jacques Doucet. Grand amateur d’art, il passera à son atelier (qu’elle tient avec Seizo Sugawara) pour lui acheter un an après son exécution en 1914, le paravent Le Destin. Ce dernier, a la particularité d’être le seul objet signé de l’artiste, dû à l’insistance de M. Doucet. Le couturier passera plusieurs commandes auprès de l’artiste notamment le cabinet Figure 10 : Le paravent Le Destin, motif arrière oriental ou encore la table aux chars en laque rouge corail.

Quant à l’écran Le Destin, d’un rouge profond en résine de Rhus vernicifera, on y retrouve sur la face principale trois personnages et à l’arrière un motif abstrait. « Il représente une scène allégorique où l’on voit un jeune homme nu portant un grand et lourd personnage enveloppé d’un tissu gris. Un troisième personnage, plus petit, semble entrer dans l’image depuis le bord de l’écran, avec une expression choquée ou surprise sur le visage.» 9

Figure 11 : Le paravent Le Destin, motif avant

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Figure 12 : Le paravent Le Destin, motif arrière

ADAM Peter, Eileen Gray Her Life and Her Work. The Biography, p. 42.

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Pour retrouver les conditions d’humidité de l’époque, étant donné que les artisans japonais travaillaient sur des bateaux en mer, Eileen Gray travaille dans sa salle de bain. D’ailleurs, on retrouve encore cette dualité du rouge et du bleu, persistante dans le travail de Gray. Pour obtenir ce rouge profond, elle additionne des pigments à huile. Comme vus précédemment, le bleu pourrait évoquer le sentiment de désespoir que semble ressentir les deux personnages. À mon sens, le sujet de droite semble plutôt ressentir un profond sentiment d’abandon, de désarroi voire de rejet par son expression fortement déconcertée et par sa posture à la main tendue. Quant au second personnage bleu supportant un être à peine humanoïde (voir mythique) enrobé d’une cape, semble à bout de souffle, de force, voir désemparé. Cette forme céleste, seraitelle un destin lourd à porter dont le personnage de droite semble le prévenir, l’avertir ?

Certains parlent ici d’une « composition émotive de Gray qui pourrait être lue comme une métaphore du cycle de la vie et de l’inévitabilité de notre destin ultime. » 10 La quadruple partition du paravent met en évidence chaque partie, à travers une lecture par panneaux de droite à gauche (à la manière asiatique). Ainsi, on retrouve un personnage déconcerté puis sa main seule comme un symbole de retient.

Ensuite, sur le troisième panneau, sont positionnées les deux personnes appelées par la main tendue puis comme une fatalité, le dernier panneau se finit sur un vide pesant.

Malgré une continuité de son travail de dualité et de sujet mythique, l’absence de forme figurative et compréhensive au dos marque une nouvelle direction dans son travail. L’abstrait va devenir chez Gray une grande préoccupation et source motrice dans ses futurs projets. Elle ose abandonner les thèmes célestes et mythiques pour expérimenter de nouvelles choses. Ce détachement figuratif laisse de côté la référence japonaise de ses premiers paravents pour ramener l’objet à sa plus simple nature. Elle exprime le paravent comme objet tel. Il devient alors objet de séparation et non objet d’art. Ce renouveau artistique ne change en rien ses habitudes de travail. Malgré cette nouvelle implication vers un paravent authentique, elle ne le rattache pas à son contexte. Son élaboration privilégie sa fonction, sa représentation et non son rapport au contexte. L’objet peut tout aussi bien être dans un salon que dans une salle de réception. Par ailleurs, le paravent Le destin fût exposé dans son espace de travail puis simplement racheté par Jaques Doucet et placé n’importe où. « Le Destin makes a striking imposition into domestic space.» 11 Ce détachement contextuel permet de le rattacher à la référence des paravents chinois. Apparu environ 500 an avant J-C, le paravent chinois est l’origine de nombreuses

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10

PITIOT Cloé et STRITZLER-LEVINE Nina, Eileen Gray, Designer and Architect, p. 260.

11

RAULT Jasmine, Eileen Gray, New Angles on Gender and Sexuality, p. 73.

réinterprétations (japonaises et coréennes). De nature fixe puisqu’il est très lourd, épais et cher, il ne possède pas de contexte et peut être placé dans n’importe quel endroit.

Ainsi, il s’adapte à de nombreuses circonstances. Il est fabriqué avec des matériaux simples (bois, tissus) ce qui permet pour l’époque de faciliter l’accessibilité de l’artisanat. Avec le temps, très peu de paravents ont pu être conservés, pourtant à travers les estampes ou dessins d’époque, il est représenté comme le fruit d’un symbole impérial, riche et puissant. Le paravent fait office de support arrière de décors de scènes. On retrouve ci-dessous, deux estampes chinoises avec la représentation d’un paravent comme ornement de fond, ainsi que le paravent de la salle d’étude de Qianlong (figure 14).

Figure 13 : estampe peinte pendant la dynastie chinoise des Song , anonyme

Figure 14 : paravent de la salle d’étude de Qianlong dans le Palais des Splendeurs de la Dynastie Qing, Règne Qianlong (1735-1796).

Figure 15 : estampe de Tang Yin «Tao Gu présentant une parole à Qin Ruolan» , encre et couleurs sur soie, 1515, Musée national du palais, Taipei.

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Plus tard, lors d’une exposition pour Eileen Gray après sa mort, Le Destin va être mis scène en arrière-fond de la fameuse pirogue réalisée pour l’appartement rue Lota. Également en laque, on y retrouve ici clairement un écho à la référence du paravent chinois utilisé comme objet fixe de décor de scène. Ici, le paravent est symboliquement placé derrière le canapé comme un support arrière d’exposition où l’abstraction de sa fonction primaire (séparation) permet de mettre en avant le premier plan : le sofa.

Ce passage vers une abstraction des motifs, des scénarios et des significations va être un nouveau point de départ, d’expérimentations et de recherches chez Gray.

C’est ainsi qu’elle compose de nombreux paravents aux supports géométriques et aux pigmentations de laque complètements insolites (brun-orangé). Notamment Le paravent en laque noire de 1922/1925, hauteur 140 cm, largeur 160 cm ou encore un paravent à huit panneaux en laque (sans titre, 1918-1925) avec des plaques en métal qui composent un nouveau matériau chez Gray. On y retrouve des incrustations d’argents grâce à la technique du maki-e comme citée au chapitre précédent. Ces

Figure 16 : paravent à huit panneaux en laque (sans titre, 1918-1925)

Figure 17 : dessin d’Eileen Gray du futur paravent en laque noir, 1922

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panneaux à compositions géométriques n’ont pas de réelle relation avec leur support, par ailleurs, leurs motifs semblent simplement posés sur les parois. L’artiste exploite les propriétés de la laque et des nouveaux matériaux tels que l’argent ou le métal, qui se mettent en scène avec des reflets de

Figure 18 : Paravent en laque noir, 1922

lumière, la qualité tactile des surfaces ou encore avec la dualité de la température des matériaux (froid pour le métal et tempérée pour le bois laqué).

Malgré tout, Eileen Gray arrive à harmoniser parfaitement son style de dualité de couleurs et ses thématiques mystérieuses avec une nouvelle volonté d’abstraction.

Malgré ses premiers paravents très scénarisés, tel que La Voie Lactée et Le Magicien de la Nuit, le paravent Le Destin devient un pont artistique de son intention scénaristique par son premier-plan et par un nouveau travail d’art abstrait en arrièreplan. Ce qui va par la suite l’amener vers des laques plus épurées et libres, aux formes simples. Qui seront mises en valeur par la qualité de la laque et non plus par des figurations. Poussée par l’encouragement et l’approbation des membres du Bauhaus, du groupe Hollandais de Stijl et des modernistes Français comme Le Corbusier. Eileen Gray va progressivement opérer un basculement artistique et conceptuel dans ses paravents. L’ambiguïté du paravent chez Gray va subitement s’accentuer lorsqu’elle va passer d’un objet de contemplation à un objet de design, voire même d’architecture.

Figure 19 : paravent Le Destin derrière la pirogue

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II. Basculement vers une architecture 3. La cloison et l’objet : la transition A.

La cloison

Après l’achat du paravent Le Destin par Jaques Doucet, Eileen Gray réalise majoritairement des objets, des tapisseries, des pièces uniques, surtout pour le couturier. Pourtant, un basculement va se faire dans son travail lorsqu’elle va s’intéresser aux espaces à décors intégrés. Et c’est lors de sa première grande commande en 1918 par Madame Mathieu-Levy pour la rénovation de l’appartement rue Lota, qu’elle va pouvoir y effectuer tout un travail de design, d’architecture et notamment de décorations intégrées. D’ailleurs, cette demande, passée par la riche propriétaire de l’enseigne Suzanne Talbot, laissera à Gray toute la liberté de créer et d’entreprendre ses idées artistiques, même jusqu’à "quelque chose d’extravagant. » 12 « Gray introduit deux thèmes qui traverseront son œuvre : l’accent sur les relations entre les parties plutôt que sur les objets eux-mêmes et l’exploration du potentiel de nombreux matériaux. » 13 Son exploration de matériaux se fera essentiellement autour de la laque à travers son utilisation dans le mobilier et dans l’architecture. Et c’est par son travail d’abstraction qui figurait déjà sur ses anciens paravents, qu’un nouveau mode de conception va apparaître lors de l’aménagement : un ensemble d’objets et de décors sinueux, des couleurs plus sombres. Elle ne se contente plus de créer des œuvres individuellement, où chaque objet unique n’a pas de lien avec le reste, elle est enfin libre de concevoir un environnement complet, avec des lampes, des tapis, du mobilier laqué et des revêtements muraux. Ainsi, elle marque la première étape de son passage progressif du simple objet à une élaboration plus poussée. Celle-ci sera rapidement rattachée à un passage du design vers une architecture. L’élaboration de l’aménagement sera notamment inspirée par les projets de décors totaux des Ballets russes, très prisés par Gray à l’époque.

On retrouve dans l’entrée de l’appartement, un aménagement de seconde peau en brique laquée. Ce recouvrement souhaite cacher les moulures existantes puisque dès sa première visite elle « s’oppose immédiatement aux moulures disgracieuses du plafond et des murs. » 14 Pour cela, elle créée un aménagement structurel constitué de 450 petits panneaux de laque incrustés de fines coquilles d’œuf, aux couleurs gris 12

POLAN Judy, « EILEEN GRAY From Shadow to Light », Modernism, 2011, p. 47.

13

CONSTANT Caroline, Eileen Gray, p. 28.

14

ADAM Peter, Eileen Gray Her Life and Her Work. The Biography, p. 53.

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Figure 20 : Hall d’entrée, appartement rue Lota, Paris, 1924

Figure 21 : Photo de la galerie d’entrée de l’intérieur en 1933

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mat, or et argent ; dont les panneaux sont reliés par de fines tiges de laiton et dans certains cas de chrome. Ce travail de pigmentation est tout nouveau dans le travail de Gray puisqu’il répond à la demande de sa cliente qui souhaitait une tonalité sombre et reposante pour venir contrebalancer avec le caractère éblouissant du salon très lumineux. On retrouve également l’abandon de matière luxueuse qui s’est précipité suite à la Première Guerre Mondiale. Elle donne ainsi une unité esthétique plus retenue par le

travail de la matière de laque et par la tonalité obscure. Les écrans s’incurvaient pour embrasser la porte du salon, donnant ainsi l’impression d’une ouverture beaucoup plus grande. Un vrai travail de mise en scène est opéré dès le premier contact avec l’appartement, où chaque petit détail est pensé, notamment sur la poignée de la porte d’entrée qui suscite « une sensation parce que c’est la première poignée de ce type que l’on a jamais tenue. Elle ne ressemble pas à une poignée de porte. Elle a l’air solide, extrêmement décorative et architecturale mais sans égards pour les procédés habituels d’ouverture de porte. » 15 Eileen Gray aménage chaque partie pour offrir un univers total.

Le revêtement déposé par-dessus le mur porteur, créé une nouvelle épaisseur flexible, une nouvelle nature, un nouveau monde. Pour cela, il a nécessité un énorme travail de laque dont Gray a dû solliciter l’aide de son collaborateur Seizo Sugawara. « La manière dont les panneaux de ses paravents sont fixés entre eux témoigne de sa réflexion sur leur construction - la possibilité de rotation traduisant leur potentiel à prolonger et à modifier l’espace. Ils apportent stabilité et flexibilité.» 16 Ainsi, Eileen Gray abandonne totalement les imageries asiatiques pour revenir à des compositions plus personnelles, aux formes et couleurs plus simples. Pourtant, les travaux de l’appartement de la rue Lota vont durer plus de quatre ans, en 1922, Eileen travaille toujours sur cette structure de paravents en laque. Le hall de l’appartement n’est terminé qu’en 1924.

Eileen Gray joue subtilement, mais parfaitement avec un équilibre entre meuble intégré, design et architecture. Ce n’est plus l’idée de contemplation qui est moteur artistique chez Gray, mais bien une recherche conceptuelle aux formes et couleurs plus simples. C’est pourquoi elle se rattache à la symbolique de cloison architecturale et par son rapport flexible, à un paravent.

Figure 22 : Décor de Léon Bakst pour Schéhérazade, Ballets Russes, Paris, 1909

15

Article du «New York Times», 1922, repris et traduit par Eileen Gray pour la publicité de sa galerie

16

ADAM Peter, Eileen Gray Her Life and Her Work. The Biography, p. 53.

31

B. L’objet Néanmoins, ce n’est que quelques années plus tard que ce rapport au paravent va prendre tout son sens, lorsque Eileen Gray va se réapproprier ce pattern structurel en briques. En 1923 lors du XIVe Salon des Artistes Décorateurs, elle est conviée pour exposer une pièce entière. Elle n’avait jamais eu d’exposition complète ; elle fut donc naturellement ravie et composera l’ensemble : Boudoir de Monte-Carlo.

Bien que dans un article de L’Architecture vivante, elle nomme une première fois son installation sous le nom de Hall 1922, elle optera pour le nom de Boudoir de Monte-Carlo dont la signification vient pour Gray des « allusions aux qualités sensuelles décrites dans un texte du XVIIIe siècle sur ce premier espace domestique exclusivement féminin : « Le boudoir est regardé comme le séjour de la volupté. C’est là que [la femme] semble méditer ses projets, ou se livrer à ses penchants… » » 17 Lors de son exposition, elle réussit à marier les matériaux laqués, des formes nouvelles et expérimenter des rendus différents, répondant à un usage plus réel de la vie domestique. Chaque partie, chaque recoin de son exposition est travaillés au maximum, rendant son travail architectural total et harmonieux. On y retrouve de nombreux tapis et de tentures murales, ainsi que des luminaires aux formes nouvelles, un lit de repos, une table, une bibliothèque et de nombreux éléments laqués ; dont les fameux paravents en brique reprenant la structure murale de l’appartement rue Lota.

Gray y présente ainsi ses deux paravents sous le nom de Bricks, plus communément appelé paravent en brique. Un énorme effort chromatique est joué dans l’espace d’exposition entre les paravents en laque blanche, et le mobilier en laque noire, avec des luminaires argentés ou encore avec des tapis bleu et brun. L’exposition de la chambre à coucher de Gray va faire affluer les critiques et les réactions contradictoires. Là où les éléments semblent « bizarres » 18 ou la chambre en elle-même parait « affolante » 19, la sensation que dégage l’espace n’en reste pas là. « C’est cocasse et c’est anormal.

Il s’en dégage cependant une atmosphère dont on ne peut nier l’harmonie et qui, les outrances mises à part, révèle un sensible talent. » 20 Par la suite Eileen Gray va conserver environ deux paravents en briques noirs, qu’on retrouve documentés sur 17

CONSTANT Caroline, Eileen Gray, p. 52.

18

GASTO Varenne, «L’Art urbain et le mobilier au Salon d’automne», Art et décoration, n°44 (décembre

1923), p. 178.

32

19

« Salon des décorateurs », Le matin, 5 mai 1923

20

CHEVANCE René, «Le XIVème Salon des Artistes Décorateurs», Art et décoration, n°43 (juin 1923),

p. 178.

Figure 23 : Boudoir Monte Carlo exposé Figure 24 : extrait « Le salon des artistes français », La Rampe par Guy de Montgailhard, 3 juin 1916, p. 16.

Figure 25 : extrait « Le salon des décorateurs », La Renaissance de l'art français et des industries de luxe par Guillaume Janneau, Paris, juillet 1923, p. 431.

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des photographies d’elle dans son appartement rue Bonaparte, ainsi que plusieurs briques laquées non-utilisées.

Eileen Gray extrapole ainsi le pattern du hall d’entrée de l’appartement pour créer un principe de paravent unique où elle expérimente sa composition, sa couleur et son orientation ; afin de répondre à un besoin spatial.

La composition des paravents lors de l’exposition est de 11 briques de haut par 4,5 briques. La structuration du paravent permet à celui-ci de bénéficier d’une modularité et peut donc se composer au grès des besoins et des espaces environnants. Eileen Gray reprendra plusieurs fois ce pattern dans divers lieux qu’elle aménagera, ou même chez elle, sous différentes compositions : 9 par 5 à 4 briques 8 par 5 briques

Figure 26 : Paravent en brique noir

Figure 27 : Paravent en brique rouge

Figure 28 : Appartement d’Eileen Gray rue Bonaparte, photo de 1970

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La couleur du paravent en briques est également expérimentée, en rouge, en noir ou en blanc laqué où les incrustations en coquilles d’œuf sont abandonnées faisant suite à sa volonté conceptuelle plus simple. Pourtant, on aperçoit en plus dans ces briques destinées aux paravents une forme en relief au centre. Ceci a pour effet d’accentuer la réflexion de la lumière sur la laque.

Les orientations possibles des ensembles de briques verticaux permettent de nombreuses compositions d’aménagement spatial. Ainsi, là où la lumière peut être extrêmement réfléchie, les interstices des briques offrent de multiples jeux d’ombrages.

Figure 29 et 30 : modélisation personnel sur la rotation des briques et le résultat de la réflection

Le paravent en brique devient un symbole chez Gray. Il témoigne d’un passé architectural vers un futur de design d’objet. On y voit bien toute cette ambiguïté qui la tire entre les deux expressions exprimant l’extension d’un concept architectural, tout en affichant ouvertement sa construction géométrique. Ainsi, Eileen Gray arrive à mettre en scène des sensations, elle sollicite les sens et traduit une atmosphère singulière par sa matérialité, son imbrication. Le spectateur ne voit pas simplement un objet, mais une approche conceptuelle de la traduction du paravent entre Architecture et Design. Ce pattern structurel va immortaliser un second passage décisif dans le travail de Gray : l’architecture.

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Figure 31 : élément en brique laqué

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4. l’objet architectural Bien que le paravent en brique d’Eileen Gray marque la transition radicale d’un travail de design total vers une conception architecturale, c’est vers 1921, lors des travaux de l’appartement de Madame Mathieu-Lévy, qu’Eileen rencontre l’homme qui aura l’influence la plus décisive sur sa future carrière : l’architecte roumain Jean Badovici.

Jean Badovici est un architecte critique d’art français d’origine roumaine connu pour avoir édité de 1923 à 1932, le magazine d’avant-garde architecturale L’Architecture Vivante. Sa présence va fertiliser en Gray de nombreuses questions et créations. Elle bénéficie de son aide pour la création de sa Galerie Jean Désert en 1922 à Paris. Puis au grès de nombreux voyages, une forte entente s’établit et un duo aux mêmes sensibilités, questionnements et réflexions autour de l’architecture et du design va émerger.

Leur plus forte collaboration se fera à travers la villa E 1027, où Eileen sollicitera énormément les compétences de l’architecte pour mener à bien la réalisation. Celle-ci se situe à Roquebrune-Cap Martin, construite de 1927 à 1929 et décrite comme E pour Eileen, 10 pour la position de la lettre J de Jean dans l’alphabet, 2 pour B de Badovici, et 7 pour G de Gray. Par la suite, ils rédigent ensemble une description détaillée de leur maison dans un numéro spécial de L’Architecture Vivante, publié en 1929, intitulé Maison en bord de mer, E-1027.

Figure 32 : couverture de la revue L’Architecture Vivante

Figure 33 : Extrait de l’article Maison en bord de mer, E-1027

Eileen Gray expérimente depuis toujours la matérialité et les formes ; elle cherche constamment de nouvelles expressions. Elle bascule très tôt vers un design et une architecture moderniste. Les meubles se veulent modernes et épurés, la maison se révèle d’un esthétique béton et l’ensemble se veut au titre de Maison minimum.

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C'est-à-dire, elle doit être « envisagée d’un point de vue social : minimum d’espace, maximum de confort. » 21 Elle développe la maison dans l’idée d’une habitation de vacances sur des bases minimum, avec une partie domestique, où chaque meuble et équipement visent à s’adapter aux besoins de chacun. On retrouve ainsi, la seconde cuisine ou encore la chambre domestique séparées du reste de la maison ainsi que les pièces techniques qui sont mises à l’écart, afin de mettre en scène l’accès et l’intimité. Eileen Gray met l’accent sur le respect de l’art de vivre avec une reprise des formes conventionnelles et structurelles de l’espace. L’expérimentation globale de Gray va la mener à trois catégories d’objets : - les meubles (la coiffeuse-paravent 1926 - 29, cabinet à tiroirs pivotants 1926 - 29, adjustable table 1927,…)

- les équipements (miroir satellite 1927, bidet 1927,…)

- les pièces intégrées à l’architecture (paravent-épine 1927, meubles incrustés dans l’alcôve de la chambre,…)

Figure 34 : coiffeuse paravent

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Figure 35 : cabinet à tiroirs pivotants

Figure 36 : adjustable table

Figure 38 : bidet

Figure 39 : meubles incrustés dans l’alcôve

Affiche de l’exposition de la villa E 1027

Figure 37 : Miroir satellite

C’est notamment la dernière catégorie qui va particulièrement faire basculer l’expression ambiguë du paravent objet de Gray vers une intention totalement architecturale. De nombreuses conceptions de Gray manifestent ainsi, une traduction architecturale de l’objet.

On ne peut noter que certains des meubles de la villa reçoivent déjà la qualification de paravent dans leur nominations, comme la coiffeuse paravent ou encore le paravent-épine. D’autres conceptions témoignent d’une intention de paravent qui peut transformer temporairement les terrasses et balcons ouverts en espaces solides. Cela témoigne d’une intention directe de la traduction du paravent vers d’autres formes plus architecturales. L’exemple du paravent-épine, se situant dans l’entrée de la villa, donne la sensation d’une paroi séparatrice habitée à mi-hauteur.

Celle-ci est fixe et non-amovible, pourtant, la fracture de la paroi rappelle l’imaginaire d’un panneau de paravent. D’ailleurs, Eileen Gray évoque « la porte, à droite donne accès dans la salle ; une épine-paravent empêche le regard de pénétrer du dehors à l’intérieur quand la porte est ouverte. »22 Cette cloison incorpore des étagères de

Figure 40 : Plan du rez-de-chaussée haut de la villa E-1027.

22

BADOVICI Jean et GRAY Eileen, « De L’éclectisme au doute », L’architecture Vivante, p. 16.

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vinyles, un porte-parapluies et un portemanteau, tout en isolant l’espace de la vue. Cette paroi particulière constitue un mélange harmonieux de codes associés à l’objet du paravent et également de codes du mur architectural. En premier lieu, un objet est un élément de l’espace avec une fonction prédéfinie, non toute hauteur. Ici, notre objet possède une fonction puisqu’il est habité par des installations de rangements intégrés et qu’il n’est pas toute hauteur. Il est même possible de parler dans ce cas de figure de meuble. Eileen Gray insiste sur sa forme demi-cylindrique et sa fonction de colonne de disque afin de créer « le coin à musique et l’heureuse disposition de l’épine sert à l’amplification des sons. »23 En second lieu, ce qui le caractérise d’architecture est son côté fixe, épais, permanent et totalement ancré spatialement. On sent à travers cet objet, une architecture, une ambiguïté. Cette dernière semble toujours présente, mais partagée équitablement entre ces notions claires.

Figure 41 : Modélisation personnelle de l’épine-paravent

Figure 42 : Coupe personnelle de l’épine paravent fermée, sans fond

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23

Figure 43 : Coupe personnelle de l’épine paravent ouverte, avec fond

BADOVICI Jean et GRAY Eileen, « De L’éclectisme au doute », L’architecture Vivante, p. 18.

Comme vue précédemment, au gré de l’histoire, on a pu identifier des paravents chinois (figure 44), ancré dans leur contexte, qui n’étaient pas pour autant de l’architecture, étant donné que malgré leur poids conséquents, ils pouvaient tout de même être déplacés occasionnellement. Ce qui n’est pas le cas du paraventépine d’Eileen qui est totalement ancré dans son espace et donc considéré en parti comme architecture. C’est ainsi qu’Eileen Gray oscille entre le paravent et une traduction architecturale, plus ou moins évidente. Là où le caractère de l’objet se dévoile par son côté onduleux, l’architecture se manifeste par sa présence spatiale.

Pour mieux comprendre cette ambiguïté, on peut notamment s’appuyer sur l’installation d’Olivier Mourgue, Lame de paravent en bleu turquoise. Dans cette référence, le rapport architectural du mur est plus que palpable, notamment par l’angle de vue de la photo. L’épaisseur et le caractère fixe du mur sont très présent pourtant, on sent le caractère du paravent par sa forme sinusoïdale, ses recoins de rangements et ses ouvertures. Ici, l’artiste nomme cet objet de paravent, ainsi la comparaison au mur de la villa permet de mettre au clair cette dualité fixe architecturale et sinusoïdale du paravent.

Figure 44 : Paravent de table à dix feuilleus en bois laqué et incrustations de nacre, Chine, dynastie Qing, XVIIIe siècle.

Figure 45 :Olivier Mourgue, Lame de paravent de 30cm bleu turquoise, 1971

41

Ainsi, l’entrée de la villa n’est pas qu’un mur, mais aussi un meuble, une paroi, un paravent, un tout harmonique. Gray lui donne subtilement, mais ingénieusement, le statut d’objet architectural. Le rattachement au paravent se fait par la référence aux paravents chinois, mais surtout par sa forme sinusoïdale, pouvant faire écho aux panneaux d’un paravent déployé.

L’ambiguïté du paravent chez Gray commence à se stabiliser et à se rationaliser.

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III. La rupture fonctionnelle 5. l’architecture de l’objet Le travail moderniste de la villa E 1027 d’Eileen Gray se traduit par la matérialité béton qu’elle utilise, mais aussi par les cinq points de l’architecture nouvelle qu’elle reprend de Le Corbusier : les pilotis, le toit-terrasse, le plan libre, la fenêtre en bandeau et la façade libre. La manifestation de l’ambiguïté du paravent chez Gray a commencé à se classifier et à s’organiser harmonieusement depuis son exposition au Salon des artistes décorateur en 1923. C’est à travers le bandeau de fenêtre de la façade E 1027, qu’on va observer la transcription la plus architecturale du paravent chez Eileen Gray.

Dans la continuité du système de fenêtre en bande à la Corbusier, Eileen Gray conceptualise sa propre expression d’ouverture par une baie à plusieurs épaisseurs. En effet, ce bandeau révèle une traduction formelle de la structuration du paravent dans une utilité architecturale. L’articulation des panneaux de fenêtres permet le mouvement de pliage et le coulissement. C’est ainsi que l’ensemble traduit le mécanisme du paravent, l’objet est transformé en architecture. C’est une interprétation formelle du paravent afin d’offrir une ouverture complète de l’espace. Eileen Gray, appuie fortement

Figure 46 : brevet d’invention de la fenêtre mécannique type paravent

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cette transcription puisqu’elle le nommera la fenêtre paravent. D’ailleurs, c’est l’une de ses premières créations brevetées qui témoigne d’une forte volonté de modernité.

Il est important de souligner que le travail de Gray s’est beaucoup inspiré de la courbe du soleil pour articuler ses espaces et ses circulations internes. En effet, le soleil du matin brille dans la chambre principale et dans les pièces des domestiques (à l’Est) permettant aux habitants de se réveiller pour les premiers rayons de soleil.

Ensuite, le soleil à midi éclaire le bureau et l’espace de travail, offrant beaucoup de lumière naturelle pendant les heures de travail. Enfin, une exposition au Sud permet de profiter de la terrasse et du salon tous deux séparés par ce bandeau ainsi que la salle à manger. La lumière du soir réchauffe de ses rayons de soleil, les derniers instants de la journée. C’est pourquoi, elle place des volets verticaux coulissants à l’extérieur des fenêtres, afin de limiter l’apport de soleil à certains moments de la journée pour

Figure 47 : plan de la ville avec la courbe du soleil

Figure 48 : Façade ouverte

favoriser la ventilation. Pour elle, « une fenêtre sans volet, est un œil sans paupières.»24 Ici, le mécanisme ne reflète plus du tout l’intention d’intimité ou la recherche de séparation, mais au contraire, la volonté d’ouvrir. Cela s’exprime également par la matérialité de verre et par le système en accordéon. Cette matérialité utilisée, si singulière permet de mettre en relation les baies de la ville avec le paravent à trois feuilles de Gustave Serrurier-Bovy, 1899. Composé dans un ensemble de meubles pour une chambre à coucher, la paroi exprime concrètement une volonté de transparence par l’emploi du verre. On y retrouve le système pliable propre au paravent ainsi qu’un encadrement de bois. « Les panneaux sont tendus d’étoffes à leur partie inférieure, tandis que le haut est constitué par des écrans de verre où s’enchâssent dans les plombs un vol de papillons et de libellules » 25

44

24

BADOVICI Jean et GRAY Eileen, « De L’éclectisme au doute », L’architecture Vivante, p. 28.

25

Gustave SOULIER, sur la Chambre à coucher de L’Art Nouveau, comportant le paravent

Là où réside toute l’ingéniosité de cet objet est dans la partie inférieure qui peut être remplir en un tissu pour le raccorder à l’espace ou aux meubles. Ainsi, le paravent de Gustave Serrurier-Bovy fait référence au design de l’objet tandis qu’architecturalement, la façade du Solar pavilion, Upper Lawn, des Smithson vient créer la référence.

Construite bien après la E-1027, de 1959 à 1962, elle va se construire sur les bases d’une ancienne ferme. La maison est conçue dans l’idée d’une simple boîte posée sur le mur du jardin existant et gardé, contenant les espaces de vie dans une idée de hutte primitive au confort minimal. La structure non-porteuse sur la façade permet à celle-ci de s’ouvrir par des portes coulissantes afin d’offrir une vue panoramique fabuleuse sur l’extérieur. Cette ouverture totale de la façade s’appuie fortement de l’expérience d’Eileen Gray. Même si les Smithson ne l’affirmeront pas, je pense qu’il est nécessaire de relever cette similitude et d’imaginer que notre artiste est l’objet de référence future.

Figure 49 : Paravent à trois feuilles de Gustave Serrurier-Bovy

Figure 50 : Solar pavilion, Upper Lawn

Ainsi, la référence de design ou encore ce que va apporter Eileen Gray dans le futur par sa traduction du paravent et de son mécanisme en architecture apporte à cette conception le statut d’architecture de l’objet. Celui-ci offre au spectateur une vue magnifique, dont on ne peut passer à côté lorsque l’on visite cette maison. « La fenêtre en bandeau manipule notre vision de l’espace en supprimant le plan moyen, elle permet une juxtaposition directe de l’intérieur et du paysage sans le facteur médian du contexte. » 26 C’est en passant par ce balcon qu’on pourra accéder à ce magnifique horizon. La villa se situant à Roquebrune-Cap Martin, commune française non loin de Monaco, offre ainsi un paysage marin idyllique. Son ouverture en accordéon permet architecturalement de ramener le paysage dans le salon, mais aussi nous rappel les premiers paravents de Gray et tout un tas d’autres objets flexibles et hybrides

26

REICHLIN Bruno, « Une Petite maison on Lake Leman : the Perret Le Corbusier Controversy », Lotus

International, n°60 (1988), p. 65.

45

aménageant toute la maison. Eileen Gray va également créer une fenêtre étroite et pivotante en hauteur par un mécanisme d’ouverture en type paravent dont elle tire son nom. Ce deuxième brevet d’invention permet également la ventilation et incarne une nouvelle fois sa réflexion du paravent en architecture. Cela témoigne sa forte volonté de modernité.

Figure 51 : fenêtre étroite pivotante

Figure 52 : élévation et coupe de la fenêtre pivotante

Ainsi, Eileen Gray arrive finalement à retranscrire le paravent en architecture de manière parfaite. Son ambiguïté disparaît et laisse place à une conception moderne, ingénieuse, avec plein d’histoires, de recherches et d’expérimentations. Ce nouvel équilibre dans le travail de Gray va lui permettre de marier harmonieusement tout son savoir-faire avec ses ambitions architecturales, conceptrices et innovatrices.

46

Figure 53 : Façade principale type paravent

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IV. Quintessence du paravent chez Gray 6. de l’objet à l’architecture par le mobilier La villa E 1027 est un joyau de concept, de recherches, d’inventions et de gadgets passant des tiroirs intégrés jusqu’aux systèmes brevetés. Eileen Gray nous offre un paradis d’architecture et de design. À mon sens, elle arrive enfin à trouver le parfait équilibre entre l’objet paravent et l’architecture. Pourtant, comme dans sa nature, elle va continuer d’expérimenter et d’exprimer encore et encore le paravent.

On retrouve dans la villa E 1027, une matérialité singulière utilisée fréquemment, soit pour des radiateurs, des systèmes de rangements ou encore la corbeille de la salle de bain. Cette matérialité industrielle en tôle blanche perforée est la même utilisée pour le paravent folding screen qui est présent dans la chambre d’amis de la villa. D’ailleurs le mot anglais folding screen se traduit par écran pliable.

Ce paravent témoigne-t-il d’une continuité de traduction de l’objet en architecture ? Ou inversement ? Aucun commentaire n’existe sur le premier emploi de cette matérialité.

Est-ce une extrapolation de la matière architecturale vers un paravent ? Chose qu’elle a déjà faite jadis avec l’entrée de l’appartement rue Lota vers le paravent en brique.

Ou est-ce la création du paravent folding screen qui par la suite a été réinterprété matériellement sous forme architecturale pour la villa ?

Pour ma part, j’aime garder l’idée d’une extrapolation d’un concept structurel architectural vers un paravent. Ceci me semble sensé étant donné que le folding screen ne semble pas complètement rattaché à l’architecture contrairement aux autres meubles et parois totalement intégrés et pensés comme tel. Le paravent est ainsi posé dans l’espace et j’imagine qu’Eileen Gray a sûrement souhaité créer un paravent dans la continuité de l’esthétisme de la villa. Ce qui fait

Figure 54 : radiateur

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Figure 55 : Rangement

Figure 56 : Corbeille

Figure 57 : rideau métallique

perdurer une manière, un caractère de travail dans les recherches d’Eileen Gray.

Ce paravent en quatre parties en tôles amovible entouré d’un cadre de bois, où chaque paire de panneaux est perforée de manière différentes. Ces derniers possèdent une courbe douce permettant un caractère intimiste, une sensation d’enveloppement.

La tôle ajourée possède une finition en laque brillante rappelant la grande renommé d’Eileen Gray comme laqueuse. La tôle perforée blanche reprend les notions de la villa et les initiatives de l’artiste où les meubles et les équipements doivent s’adapter aux besoins de chacun. Ici, notre objet n’est pas que séparation d’espace, mais également « une moustiquaire en celluloïd transparent, dont le toile se développe sur un câble en acier extrêmement fin, avec tendeur, ce qui supprime l’aspect lourd et inégalent des moustiquaires ordinaires. »27 En effet, Eileen Gray continue de pousser les objets vers une notion de mobilier, d’architecture et de paravent. Bien que la paroi de l’entrée, l’épine-paravent, semble y répondre de manière timide voir inconsciente ; ici, le paravent est comme une quintessence de l’objet par un rapport architecturale évidant grâce à sa matérialité. La notion de meuble est permise par la fonction d’une moustiquaire qui se déploie et également par la notion du paravent elle-même.

Figure 58 : Folding screen dans la chambre d’amis

27

Figure 59 : système de moustiquaire

BADOVICI Jean et GRAY Eileen, « De L’éclectisme au doute », L’architecture Vivante, p. 22.

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En ce qui concerne le paravent folding screen, Gray arrive à trouver parfaitement un équilibre entre chaque notion que je déduis par des pourcentages symboliques : 33.3 % d’architecture, 33.3 % de meuble et 33.3 % de paravent. Ce rapport est naturellement quantitatif, mais il met en évidence la résolution de l’ambiguïté du paravent chez Gray depuis peu. Bien que la façade en bandeau de la villa exprime un rapport de 50 % architectural et de 50 % au système de paravent, il lui manque l’idée propre du meuble. Quant à l’épine-paravent qui ne traduit pas concrètement le système pliable du paravent, on retrouverait un rapport de : 50 % architecturale, 40 % meuble et 10 % paravent. Il est important de garder ce rapport au meuble dans le travail de Gray, car il permet de le rattacher à la symbolique de la peinture. Tandis qu’ici, on ne parle plus de peinture comme œuvre d’art, mais plus comme un bien mobile, servant à la décoration ou aux besoins de l’espace (besoins décoratifs).

Bien que ce rattachement à la peinture soit symbolique, Eileen Gray va expérimenter plusieurs aspects techniques du folding screen, que l’on peut rattacher aux déclinaisons du paravent en briques. Un travail de couleur des parois est réalisé par des pigmentations différentes de la tôle, en noir ou en rouge comme à son habitude.

Un travail de composition sera également expérimenté où les perforations seront testées avec plus ou moins de diamètres, en cercle ou en rectangle. D’ailleurs, on retrouvera un de ces paravents dans l’appartement de Jean Badovici, avec un caractère plus prononcé au niveau des perforations. Ainsi, les différentes compositions de percées permettent un jeu d’ombrage plus ou moins accentué au grès des assemblages de panneaux.

Figure 60: appartement de Jean Badovici

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La villa E 1027 permet ainsi à Gray de supprimer son ambiguïté et d’affirmer ses traductions de conceptions dans le design, dans l’architecture et dans l’art. Le folding screen n’est pas le dernier de ses paravents pourtant, il ferme ce besoin constant d’expérimenter et de retranscrire dans d’autres domaines d’arts. Il permet l’équilibre de chacun et d’apporter une réponse aux recherches de l’artiste.

figure 61 : détail perforation sur le paravent en laque rouge

Figure 62 : Folding screen blanc à perforation à trous

Figure 63 : paravent folding screen en laque noir

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Conclusion Comme le dit Eileen Gray « Pour créer, il faut tout d’abord tout mettre en question. » 28 Dès le début de sa carrière artistique, elle a su remettre en cause ses créations. Elle n’a cessé d’expérimenter et de créer. Ainsi, elle construit une ambiguïté par l’usage du paravent comme peinture, objet et architecture.

Malgré des débuts sans succès, elle a su se faire remarquer et aller au-delà des critiques. Elle s’est affirmée et a su au travers de ses expérimentations, de ces tentatives et de ses évolutions artistiques ; nous offrir des paravents formidables jouant avec les sensations et les expressions entre le design, l’objet, l’art et l’architecture. On a pu distinguer dans ses premiers paravents une oscillation entre l’objet lui-même et la peinture. Le caractère de cette dernière se manifeste par un côté luxueux et par l’effort d’un scénario, d’une intention et d’une figuration s’inspirant des byobus. La Voie Lactée et Le Magicien De La Nuit sont les deux premiers paravents d’Eileen Gray, que l’on peut rattacher à la notion de toile artistique. Par la suite, l’objet lui-même est simplifié, les matériaux deviennent moins luxueux, le sujet devient plus abstrait. Le paravent apparaît dans sa forme la plus simple, mise en valeur pour sa fonction de séparation. On peut parler ici du paravent Le destin. C’est dans une suite chronologique que va apparaître chez Gray une transition de l’objet, créant un basculement rapide vers l’architecture. Au travers de la commande de réaménagement de l’appartement, rue Lota. Elle amorce un passage ambigu de l’objet vers l’architecture. La villa E 1027 regorge d’innombrables possibilités d’interprétations du paravent en architecture, où le mobilier joue comme un paravent symbolique. Pourtant, la seule façon de traduire littéralement l’objet en architecture, c’est de briser cette ambiguïté. Le paravent ne doit plus être objet ou symbole, mais un élément de l’architecture. C’est au travers des baies en façade que Gray fait une traduction complète du système du paravent en architecture ; comme une réponse à son ambiguïté de l’objet, comme la finalité de toutes ses expériences. Malgré tout, Eileen Gray va continuer d’expérimenter le paravent, comme objet, traduction architecturale, et même comme mobilier. Le folding screen semble confirmer la fin de l’ambiguïté du paravent chez Gray par sa matérialité typiquement architecturale, par un usage typique de paravent et par le traitement du mobilier. Ainsi, le folding screen serait la quintessence du paravent chez Gray.

28

ADAM Peter, Eileen Gray Her Life and Her Work. The Biography, p. 6.

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Finalement, Eileen Gray va développer jusqu’au bout la fascination qu’elle éprouve pour le paravent. Le travaillant comme une œuvre d’art à l’objet luimême, passant par un travail de design qui fera sa renommée, par une traduction architecturale de son système et de sa symbolique, et même jusqu’à y développer un paravent multiple. C’est ainsi, qu’elle arrive à maîtriser l’ambiguïté, qu’elle instaure lors de ses premiers paravents. Conception et innovation, on permit une maîtrise de chaque notion et un contrôle artistique. Le paravent est devenu une force dans le travail de Gray et fait d’elle encore aujourd’hui sa renommée. Elle continuera à travailler des projets de meubles, d’architecture, de paravents notamment la paire de paravents en lièges qui me laisse poser la question :

Est-ce une continuité d’expérimentation ou simplement la volonté de créer de l’artiste ?

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Notes 1

ADAM Peter, Eileen Gray Her Life and Her Work. The Biography, p. 6.

Préface 2

CONSTANT Caroline, Eileen Gray, p. 43.

Introduction 3

CNRTL, [En ligne], https://www.cnrtl.fr/definition/ambigu%C3%AFt%C3%A9

Chapitre I 4

CONSTANT Caroline, Eileen Gray, p. 23.

5

ADAM Peter, Eileen Gray Her Life and Her Work. The Biography, p. 39.

6

« An Artist in Lacquer », British Vogue, d’août 1917, p. 29.

Galerie Tora Tori, Anticsore, [En ligne], https://www.anticstore.com/paravent-6-panneaux-dit-genji-

7

edo-18eme-71777P 8

PITIOT Cloé et STRITZLER-LEVINE Nina, Eileen Gray, Designer and Architect, p. 214.

9

ADAM Peter, Eileen Gray Her Life and Her Work. The Biography, p. 42.

10

PITIOT Cloé et STRITZLER-LEVINE Nina, Eileen Gray, Designer and Architect, p. 260.

11

RAULT Jasmine, Eileen Gray, New Angles on Gender and Sexuality, p. 73.

Chapitre II 12

POLAN Judy, « EILEEN GRAY From Shadow to Light », Modernism, 2011, p. 47.

13

CONSTANT Caroline, Eileen Gray, p. 28.

14

ADAM Peter, Eileen Gray Her Life and Her Work. The Biography, p. 53.

15

Article du New York Times, 1922, repris et traduit par Eileen Gray pour la publicité de sa galerie

16

ADAM Peter, Eileen Gray Her Life and Her Work. The Biography, p. 53.

17

CONSTANT Caroline, Eileen Gray, p. 52.

18

GASTO Varenne, «L’Art urbain et le mobilier au Salon d’automne», Art et décoration, n°44 (décembre

1923), p. 178.

19

« Salon des décorateurs », Le matin, 5 mai 1923

20

CHEVANCE René, «Le XIVème Salon des Artistes Décorateurs», Art et décoration, n°43 (juin 1923),

p. 178.

55

21

Affiche de l’exposition de la villa E 1027

22

BADOVICI Jean et GRAY Eileen, « De L’éclectisme au doute », L’architecture Vivante, p. 16.

23

BADOVICI Jean et GRAY Eileen, « De L’éclectisme au doute », L’architecture Vivante, p. 18.

Chapitre III 24

BADOVICI Jean et GRAY Eileen, « De L’éclectisme au doute », L’architecture Vivante, p. 28.

25

Gustave SOULIER, sur la Chambre à coucher de L’Art Nouveau, comportant le paravent

26

REICHLIN Bruno, « Une Petite maison on Lake Leman : the Perret Le Corbusier Controversy », Lotus

International, n°60 (1988), p. 65.

Chapitre IV 27

BADOVICI Jean et GRAY Eileen, « De L’éclectisme au doute », L’architecture Vivante, p. 22.

Conclusion 28

56

ADAM Peter, Eileen Gray Her Life and Her Work. The Biography, p. 6.

Bibliographie CONSTANT Caroline, Eileen Gray, Paris, Phaidon, 2007, p. 256.

ADAM Peter, Eileen Gray Her Life and Her Work the Biography, Münich, Schirmer/Mosel, 2014, p. 360.

PITIOT Cloé et STRITZLER-LEVINE Nina, Eileen Gray, Designer and Architect, États-Unis, Bard Graduate

Center, en collaboration avec le Centre Pompidou, 2020, p. 503.

JOHNSON J. Stexart, Eileen Gray deigner, Royaume-Uni, Debrett’s pour MoMA 1979, p. 67.

LOYE Brigitte, Eileen Gray : 1879-1976 : architecture, design, États-Unis, J.P. Viguier, 1984, p. 159.

GARNER Philippe, Eileen Gray : Designer et architecte, Allemagne,Taschen, 1993, p. 160.

CLUZEL Jean-Sébastien, Le japonisme architectural en France : 1550-1930, Dijon, Faton, 2018, p.399.

ClassiCon, London, Classic Contemporary Design Eileen Gray, [Fichier PDF], 2021, p. 200. https://www.classicon.com/files/classicon/Brochures/Catalogue/ClassiCon-catalogue.pdf

CLERMONT-TONNERRE Elisabeth, « Les laques de Miss Eileen Gray », Feuillets d’Art, n°3, Paris, Mars, 1922 « An Artist in Lacquer », British Vogue, d’août 1917, p. 29.

POLAN Judy, « EILEEN GRAY From Shadow to Light », Modernism, printemps 2011, p. 42-51.

MONTGAILHARD Guy, « Le salon des artistes français », La Rampe, Paris, 3 juin 1916, p. 16.

JANNEAU Guillaume, «Le salon des décorateurs», La Renaissance de l’art français et des industries de luxe, Paris, juillet 1923, p. 431.

BADOVICI Jean, « L’art d’Eileen Gray », Wendingen, n°6 (6 novembre 1924). National Museum of Ireland RAULT Jasmine, Eileen Gray, New Angles on Gender and Sexuality [Fichier PDF], Montreal, 2006, p. 265, https://escholarship.mcgill.ca/concern/theses/qn59q856x

OLSSON Kerstin, Remembering Eileen Gray [Fichier PDF], Suède, 2021, p. 96, https://projects.arch.chalmers.se/wp-content/uploads/2021/06/Olsson_Kerstin_CriticalSpatialPerspectives Booklet-Final-ACEX35-2021.pdf

Galerie Tora Tori, Anticsore, [En ligne], https://www.anticstore.com/paravent-6-panneaux-dit-genji-edo-18eme-71777P

57

58

Annexe Leporello 1.

CONSTANT Caroline, Eileen Gray, 2007,

2.

CONSTANT Caroline, Eileen Gray, 2007, p. 24.

3.

ADAM Peter, Eileen Gray Her Life and Her Work the Biography, 2014, p. 53.

4.

CONSTANT Caroline, Eileen Gray, 2007, p. 30.

5.

Photo de BARAJA Christian, Studio SLB, Centre Pompidou, 2013, https://www.francetvinfo.fr/culture/

p. 60.

arts-expos/design/le-design-moderne-d-eileen-gray-au-centre-pomp dou_3299089 html

6

Photo DeLorenzo Anthony, Centre Pompidou, 2013, http://www.alaintruong.com/ar chives/2013/02/20/26461970.html

7.

CONSTANT Caroline, Eileen Gray, 2007, p. 49.

8.

PITIOT Cloé et STRITZLER-LEVINE Nina, Eileen Gray, Designer and Architect, p. 112.

9

CONSTANT Caroline, Eileen Gray, 2007, p. 14.

10.

ClassiCon, London, Classic Contemporary Design Eileen Gray, p. 190.

11.

CONSTANT Caroline, Eileen Gray, 2007, p. 65.

12.

PITIOT Cloé et STRITZLER-LEVINE Nina, Eileen Gray, Designer and Architect, p. 123.

13.

CONSTANT Caroline, Eileen Gray, 2007, p. 99.

14.

CONSTANT Caroline, Eileen Gray, 2007, p. 91.

15.

ClassiCon, London, Classic Contemporary Design Eileen Gray, p. 189.

16.

ClassiCon, London, Classic Contemporary Design Eileen Gray, p. 194.

17.

ClassiCon, London, Classic Contemporary Design Eileen Gray, p. 191.

18.

CONSTANT Caroline, Eileen Gray, 2007, p. 112.

19.

ClassiCon, London, Classic Contemporary Design Eileen Gray, p. 188.

20.

ClassiCon, London, Classic Contemporary Design Eileen Gray, p. 194.

21.

ClassiCon, London, Classic Contemporary Design Eileen Gray, p. 191.

22.

ClassiCon, London, Classic Contemporary Design Eileen Gray, p. 191.

23.

ClassiCon, London, Classic Contemporary Design Eileen Gray, p. 189.

24.

ClassiCon, London, Classic Contemporary Design Eileen Gray, p. 188.

25.

CONSTANT Caroline, Eileen Gray, 2007, p. 143.

26.

ClassiCon, London, Classic Contemporary Design Eileen Gray, p. 188.

27.

ClassiCon, London, Classic Contemporary Design Eileen Gray, p. 191.

28.

ClassiCon, London, Classic Contemporary Design Eileen Gray, p. 190.

29.

ADAM Peter, Eileen Gray Her Life and Her Work the Biography, 2014, p. 106.

30.

CONSTANT Caroline, Eileen Gray, 2007, p. 98.

59

60

31.

ClassiCon, London, Classic Contemporary Design Eileen Gray, p. 193.

32.

ClassiCon, London, Classic Contemporary Design Eileen Gray, p. 193.

33.

ClassiCon, London, Classic Contemporary Design Eileen Gray, p. 193.

34.

ClassiCon, London, Classic Contemporary Design Eileen Gray, p. 193.

35.

ClassiCon, London, Classic Contemporary Design Eileen Gray, p. 193.

36.

ClassiCon, London, Classic Contemporary Design Eileen Gray, p. 193.

37.

ClassiCon, London, Classic Contemporary Design Eileen Gray, p. 193.

38.

ClassiCon, London, Classic Contemporary Design Eileen Gray, p. 193.

39.

ClassiCon, London, Classic Contemporary Design Eileen Gray, p. 193.

40.

ClassiCon, London, Classic Contemporary Design Eileen Gray, p. 192.

41.

ClassiCon, London, Classic Contemporary Design Eileen Gray, p. 194.

42.

ClassiCon, London, Classic Contemporary Design Eileen Gray, p. 191.

43.

ClassiCon, London, Classic Contemporary Design Eileen Gray, p. 188.

44.

ADAM Peter, Eileen Gray Her Life and Her Work the Biography, 2014, p. 115.

45.

LOYE Brigitte, Eileen Gray : 1879-1976 : architecture, design, p. 44.

46.

PITIOT Cloé et STRITZLER-LEVINE Nina, Eileen Gray, Designer and Architect, p. 224.

47.

PITIOT Cloé et STRITZLER-LEVINE Nina, Eileen Gray, Designer and Architect, p. 267.

48

PITIOT Cloé et STRITZLER-LEVINE Nina, Eileen Gray, Designer and Architect, p. 271.

49.

PITIOT Cloé et STRITZLER-LEVINE Nina, Eileen Gray, Designer and Architect, p. 286.

Figures 1.

(couverture) ADAM Peter, Eileen Gray Her Life and Her Work the Biography, 2014, p. 171.

Chapitre I 2.

« An Artist in Lacquer », British Vogue, d’août 1917, p. 29.

3.

BADOVICI Jean, « L’art d’Eileen Gray », Wendingen, n°6 (6 novembre 1924). National Museum of Ireland

4.

Galerie Tora Tori, Anticsore, https://www.anticstore.com/paravent-6-panneaux-dit-genji-edo-18eme-71777P

5.

Galerie Tora Tori, Anticsore, https://www.anticstore.com/paravent-6-panneaux-dit-genji-edo-18eme-71777P

6.

PITIOT Cloé et STRITZLER-LEVINE Nina, Eileen Gray, Designer and Architect, p. 261.

7.

PITIOT Cloé et STRITZLER-LEVINE Nina, Eileen Gray, Designer and Architect, p. 261.

8.

PITIOT Cloé et STRITZLER-LEVINE Nina, Eileen Gray, Designer and Architect, p. 261.

9.

«Eileen Gray. Aum Mane Padme Aum», Le Salon de la Société des Artistes Décorateurs, 1913

10.

PITIOT Cloé et STRITZLER-LEVINE Nina, Eileen Gray, Designer and Architect, p. 260.

11.

CONSTANT Caroline, Eileen Gray, 2007, p. 60.

12.

CONSTANT Caroline, Eileen Gray, 2007, p. 60.

13.

CLUZEL Jean-Sébastien, Le japonisme architectural en France : 1550-1930, p. 115.

14.

CLUZEL Jean-Sébastien, Le japonisme architectural en France : 1550-1930, p. 115.

15.

CLUZEL Jean-Sébastien, Le japonisme architectural en France : 1550-1930, p. 115.

16.

CONSTANT Caroline, Eileen Gray, 2007, p. 61.

17.

PITIOT Cloé et STRITZLER-LEVINE Nina, Eileen Gray, Designer and Architect, p. 260.

18.

CONSTANT Caroline, Eileen Gray, 2007, p. 14.

19.

PITIOT Cloé et STRITZLER-LEVINE Nina, Eileen Gray, Designer and Architect, p. 215.

Chapitre II 20.

CONSTANT Caroline, Eileen Gray, 2007, p. 44.

21.

LOYE Brigitte, Eileen Gray : 1879-1976 : architecture, design, p. 45.

22.

CONSTANT Caroline, Eileen Gray, 2007, pp. 28-29.

23.

PEYROULET Gilles Galerie, Archives, Paris, 1923, http://www.galeriepeyroulet.com/?page=de sign&type=xx

24.

MONTGAILHARD Guy, « Le salon des artistes français », La Rampe, Paris, 3 juin 1916, p. 16.

25.

JANNEAU Guillaume, «Le salon des décorateurs», La Renaissance de l’art français et des industries de luxe, Paris, juillet 1923, p. 431.

61

26.

PITIOT Cloé et STRITZLER-LEVINE Nina, Eileen Gray, Designer and Architect, p. 367.

27.

OLSSON Kerstin, Remembering Eileen Gray [Fichier PDF], 2021, https://projects.arch.chalmers.se/ wp-content/uploads/2021/06/Olsson_Kerstin_CriticalSpatialPerspectives_Booklet-Final-ACEX35-2021.pdf

28.

ADAM Peter, Eileen Gray Her Life and Her Work the Biography, 2014, p. 347.

29.

Modélisation personnelle par logicel 3D

30.

Modélisation personnelle par logicel 3D

31.

Artcurual, [En Ligne], https://www.artcurial.com/fr/lot-eileen-gray-1878-1976-element-du-paravent-dit-briquescirca-1923-plaque-rectangulaire-en-bois

32.

ADAM Peter, Eileen Gray Her Life and Her Work the Biography, 2014, p. 77.

33.

BADOVICI Jean et GRAY Eileen, « De L’éclectisme au doute », L’architecture Vivante, p. 4-5.

34.

CONSTANT Caroline, Eileen Gray, 2007, p. 101.

35.

ADAM Peter, Eileen Gray Her Life and Her Work the Biography, 2014, p. 104.

36.

CONSTANT Caroline, Eileen Gray, 2007, p. 102.

37.

CONSTANT Caroline, Eileen Gray, 2007, p. 112.

38.

BADOVICI Jean et GRAY Eileen, « De L’éclectisme au doute », L’architecture Vivante, annexe p.

21.

LOYE Brigitte, Eileen Gray : 1879-1976 : architecture, design, p. 45.

39.

CONSTANT Caroline, Eileen Gray, 2007, p. 107.

40.

BADOVICI Jean et GRAY Eileen, « De L’éclectisme au doute », L’architecture Vivante, p. 14-15.

41.

Modélisation personnelle par logiciel 3D

42.

Coupe personnelle de la villa

43.

Coupe personnelle de la villa

44.

CLUZEL Jean-Sébastien, Le japonisme architectural en France : 1550-1930, p. 114.

45.

catalogue de l’exposition «Plaidoyer pour le mobilier contemporain -l’atelier de recherche et de création du Mobilier national», 2001

Chapitre III 46.

GATIER Pierre-Antoine, La restauration de la villa E.1027 et la redécouverte d’un chantier, p.30.

62

47.

BADOVICI Jean et GRAY Eileen, « De L’éclectisme au doute », L’architecture Vivante, p. 11.

48.

CONSTANT Caroline, Eileen Gray, 2007, p. 108.

49.

Musée d’orsay, [En Ligne], https://www.musee-orsay.fr/fr/oeuvres/paravent-trois-feuilles-103432

50.

ArquitecturaViva, [En Ligne], ven. 11 févr. 2022, https://arquitecturaviva.com/works/pabellon-wiltshire-

51.

CONSTANT Caroline, Eileen Gray, 2007, p. 109.

52.

GATIER Pierre-Antoine, La restauration de la villa E.1027 et la redécouverte d’un chantier, p.30.

53.

PITIOT Cloé et STRITZLER-LEVINE Nina, Eileen Gray, Designer and Architect, p. 285.

Chapitre IV 54.

BADOVICI Jean et GRAY Eileen, « De L’éclectisme au doute », L’architecture Vivante, annexe p.29.

55.

BADOVICI Jean et GRAY Eileen, « De L’éclectisme au doute », L’architecture Vivante, annexe p.01.

56.

BADOVICI Jean et GRAY Eileen, « De L’éclectisme au doute », L’architecture Vivante, annexe p.18.

57.

CONSTANT Caroline, Eileen Gray, 2007, p. 135.

58.

CONSTANT Caroline, Eileen Gray, 2007, p. 103.

59.

HELVEY Ashley, photo instagram, 25 octobre 2021, [En Ligne], https://www.instagram.com/p/ CVdyagKNh_C/

60.

CONSTANT Caroline, Eileen Gray, 2007, p. 139.

61.

ClassiCon, London, Classic Contemporary Design Eileen Gray, p. 125.

62.

ADAM Peter, Eileen Gray Her Life and Her Work the Biography, 2014, p. 204.

63.

ClassiCon, London, Classic Contemporary Design Eileen Gray, p. 126.

63