Extrait Faire sa poterie dans son jardin - Éditions Ulmer

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Faire sa poterie dans son jardin

Coralie LESAGE
Sommaire 9 De la terre au pot, tout est à portée de main ......... 11 1 Trouver l’argile ................................. 15 2 Inventer des pierres ............................. 37 3 Le façonnage ................................... 45 4 Décor & étanchéité ............................. 73 5 Le feu .......................................... 95 Conclusion ....................................... 119 Glossaire & inspirations ........................................... 122

De la terre au pot, tout est à portée de main

Ces dernières années, les activités manuelles, et particulièrement la pratique de la céramique, connaissent un réel engouement sur les réseaux sociaux. On y rencontre une abondance de créations singulières et nous sommes invités à glisser un œil curieux dans des ateliers à travers le monde.

Cette activité que l’on réservait aux enfants ou au folklore (depuis que l’industrie a pris la main sur la production destinée à l’usage quotidien) revient avec panache alors que beaucoup de nos contemporains sont à la recherche de sens et de respirations au fil des semaines qui se ressemblent. Le processus de création et de modelage, intrinsèquement reposant, est un temps que l’on s’offre. L’humeur de l’époque est de s’en mettre plein les mains et de s’entourer d’objets à notre image et la pratique de la poterie répond à ces promesses. Mais l’accès à un cours ou à un service de location de four est parfois difficile, car très prisés en ville et souvent rares en campagne.

Dans ce contexte, l’onéreux ticket d’entrée dans la pratique autonome, de plus de 2 000  € pour l’achat d’un four électrique neuf, peut décourager.

Mais l’heure n’est pas à la déconfiture ! La poterie ne devrait pas être un loisir cher ni un métier sans flamme. L’argile a l’avantage de recouvrir une très grande partie de la surface de la planète, tout comme l’eau et le bois. Apprenons à nous saisir de ces ressources et ajoutons le dernier ingrédient nécessaire : vous et vos 10 doigts.

Céramique : argile cuite à des températures supérieures à 650 °C.

Poterie : fabrication d’objets utilitaires en céramique.

J’étais citadine il y a peu. Je façonnais des terres calibrées et emballées, je cuisais mes ouvrages dans un four électrique programmable, par commodité et par obligation. Les petits espaces en zone urbaine

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contraignent à l’utilisation de produits préparés. L’installation d’un four à gaz ou à bois y est strictement réglementée, voire interdite. Les possibilités sont pourtant déjà considérables dans ce cadre délimité.

Les moyens modernes ont l’avantage de nous offrir un panel de résultats aux couleurs chatoyantes et aux effets variés. Ils nous aident à obtenir une production standardisée. Ils nous permettent d’atteindre de très hautes températures, allant jusqu’à 1 300 °C, sans avoir à déplacer des montagnes. Les fournées ne sont pas non plus tributaires de la météo, à part peut-être quand la canicule frappe l’atelier et qu’on ne veut pas se transformer en rôti à cause de la chaleur résiduelle du four.

J’étais potière, mais je n’ai jamais vu la carrière dont est extraite l’argile que je modelais tous les jours. Cette argile me parvenait d’Espagne ou d’Allemagne, parce qu’il nous reste peu de gisements exploités en France. Cette terre glaise avait déjà fait un grand voyage avant d’atterrir sur ma sellette, muette. Pour seule indication de sa composition et de son parcours, une étiquette aux informations techniques succinctes.

Dès que j’étais en vadrouille en dehors de l’enceinte de la ville, et dès que j’en avais l’opportunité, je rassemblais le nécessaire pour me frotter à la céramique sauvage. Sur mon chemin à la recherche d’argile, je me prenais à imaginer la forme de ma poterie. Je songeais aussi à celle de mon feu, primitif et élémentaire. Je tressaillais à l’idée qu’un peu de glaise modelée serait transformée en poterie, sous la joyeuse danse des flammes.

Au revoir four de briques et résistances électriques, je reprenais tout depuis le début en cuisant dans un trou. Mes premiers résultats m’ont donné soif d’en voir plus. Le souvenir des échanges amicaux autour du feu m’ont donné envie de revivre l’expérience. Après différents types de cuisson au bois et toujours avec des moyens rudimentaires, ce livre est une belle occasion de partager avec vous mon enthousiasme pour une poterie primitive vivante et innovante.

En faisant avec ce que l’on a, nous prenons l’élan pour inventer nos objets. Grâce aux fruits de nos essais, nous enrichissons notre catalogue de textures, de formes et de décors que l’on ne voit pas ailleurs.

Je suis ici comme vous, élève de la matière et du feu.

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J’ai beaucoup appris sur ma pratique en devenant professeure.

Amener les élèves vers la réalisation de leurs projets est très gratifiant.

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Trouver l’argile

DÉCOUVRIR LA RICHESSE DES SOLS QUE NOUS FOULONS

Trouver par ses propres moyens l’argile qui donnera sa matérialité à nos objets est une aventure vertueuse, où la promenade se confond avec la chasse au trésor et où notre curiosité est immédiatement récompensée par la générosité de la nature, qui nous offre des gisements pleins de promesses.

À cette étape de notre quête de poterie, comme à celles qui vont suivre, nous aiguiserons nos sens et nous ferons preuve de patience et d’humilité, toujours accompagnés par nos intuitions. Nous serons en grande partie des autodidactes, parce qu’un manuel technique ne remplacera jamais l’expérience et la curiosité du potier.

Immisçons-nous dans le lent processus naturel de transformation de la matière. Repérons les indices de sa présence dans le paysage, et en en grattant la surface, laissons-y notre empreinte.

UNE ROCHE MOLLE

Quand elle est hydratée, l’argile, ou glaise, est un minéral qui a la particularité d’être plastique, c’est-àdire malléable. Ce phénomène est rendu possible par sa structure en feuillets, particules de moins d’un micromètre. Chaque « paillette » d’argile glisse en concordance avec les autres grâce aux molécules d’eau imbriquées dans la matière.

Cristaux d’argile en feuillets.

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L’EAU QUI MÉTAMORPHOSE

Si l’argile est sèche, sans micropellicules d’eau, elle est friable et cassante. Humidifiée avec la quantité d’eau adéquate, la terre glaise est souple et garde la marque d’une empreinte. Noyée dans l’eau, ses molécules se suspendent pour former ce que l’on appelle une barbotine, de l’argile sous forme liquide.

À chaque degré d’hydratation son volume : humide, la terre glaise gagne le volume de l’eau qu’elle renferme ; sèche, elle connaît un retrait, ce qui forme des craquèlements ou des fissures que nous connaissons bien sur certaines étendues momentanément arides, et dont nous devons nous prémunir dans nos poteries.

UNE ROCHE VIVANTE

La matière organique et l’activité des bactéries ont aussi leurs rôles dans la plasticité d’une argile, formant respectivement une sorte de colle et une gelée qui agissent dans le comportement de la pâte.

L’argile existe à différentes échelles de temps, depuis celle du temps minéral (la durée géologique dont on a l’impression qu’elle est immuable) au temps du micro- et du macrocosme, celui de l’humain et des micro-organismes dont nous percevons chaque jour la vie bouillonnante.

Si la roche elle-même n’est pas inerte, alors qu’est-ce qui l’est ?

UNE MATIÈRE QUI VIENT DE LOIN

Depuis les entrailles de notre planète, par un magma liquide, une masse solide se forme, roche volcanique ou granite. C’est la roche mère de l’argile.

Difficile de trouver de l’argile blanche très pure, formée à proximité directe de sa roche mère. De beaux gisements comme celui destiné à la porcelaine de Limoges, il n’y en a pas partout.

Plus communes sont les argiles dont la roche originelle s’est érodée avec les intempéries, et dont les particules sont portées par les vents ou les eaux. Ces dépôts sédimentaires, accumulés sur des centaines de milliers d’années, ont en eux la marque de l’eau qui les a chimiquement modifiés et des oxydes dont ils ont croisé le chemin et qui les colorent. Ces pâtes font le caractère des poteries populaires.

Les minéraux argileux sont les témoins de l’évolution de la croûte terrestre car ils persistent bien après que les fluides ont disparu. Quand nous marchons dans un désert, peut-être avons-nous sous la semelle les vestiges d’un lac, d’un torrent ou d’une mer.

C’est ainsi que l’on a pu attester de la présence d’eau sur Mars il y a 3,5 milliards d’années, en découvrant de l’argile sur son sol.

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formation des roches sédimentaires

1. Altération et érosion des roches par la pluie, le vent, le gel. Les argiles se forment alors au contact de leur roche mère ou voyagent sous forme de particules qui s’affinent au fil du ruissellement de l’eau.

2. Les sédiments se déposent dans le lit des rivières et des fleuves, au fond des lacs et sur les sols marins.

PISTER UN BON FILON

Toute terre n’est pas argileuse. On trouve souvent en surface la terre végétale, qu’on appelle aussi humus, riche en substrats organiques, en vie animale et végétale. S’il y a de la glaise, elle est en dessous. Et si nous devions creuser plus profondément, nous trouverions de la roche dure… comme de la roche !

Dans notre environnement proche, on peut reconnaître des vallées, des plaines, des cours d’eau et leurs lits qui rassemblent les conditions nécessaires à de substantiels dépôts sédimentaires. Il y

a des chances que les pics montagneux et les grandes plages de sable ou de galets ne soient pas les bons complices de notre vadrouille. Nous cherchons plutôt un endroit où l’argile affleure (ce qui facilite le prélèvement) et où elle a des chances d’être la plus pure. Il est toujours possible de récupérer suffisamment d’argile plastique pour modeler un bol en partant d’une terre légèrement argileuse, mais le travail de préparation n’en est que plus fastidieux, eu égard à la quantité de terre qu’il nous faut alors manipuler.

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Une méthode low-tech et écologique pour s’initier à la poterie, sans matériel ou presque. Avec ce livre, chacun et chacune pourra cueillir de la terre dans la nature environnante, la préparer, la modeler sans tour, puis la cuire au feu de bois. Ces techniques sont simples et permettront aux débutants de se lancer. Les céramistes amateurs ou professionnels renoueront avec des gestes remontant à la Préhistoire. Différents types de fours faciles à fabriquer sont présentés ainsi que des pas à pas clairs pour apprendre le modelage. De quoi retrouver le contact avec les éléments tout en créant des objets utiles et beaux.

Coralie LESAGE devient potière après avoir étudié aux Arts déco de Strasbourg. Elle crée son atelier de céramique et donne des cours. Elle est maintenant installée en zone rurale pour tendre vers l’autonomie et explorer une façon de faire de la poterie la plus écologique possible. Elle vit en Haute-Marne.

PRIX TTC FRANCE : 15,90 € ISBN : 978-237922-284-9
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avec une seule planète
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