Ferveurs baroques. Hommage à Othon Kaufmann et François Schlageter

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Ferveurs baroques

Ferveurs baroques

Hommage à Othon ­Kaufmann et ­François Schlageter

isbn : 9782351251508 prix : 12 €


Souvenirs et témoignages

11 • La collection p ­ articulière est ­l ’espace de la liberté

Roland Ries

12 • Vingt ans après

Catherine Trautmann

13 • Deux amis

Pierre Rosenberg

14 • Une belle leçon de vie… Ce qu’ils m’ont appris

Alain Roy

18 • Collection du musée des Beaux-Arts de Strasbourg

Itinéraires de vie et de passion

43 • Une esquisse du goût d’Othon Kaufmann et François Schlageter

Dominique Jacquot

55 • Parcours de vies 62 • Trois collections particulières

Ci-contre et double page suivante : l’appartement d’Othon Kaufmann et François Schlageter, 8, rue des Arquebusiers à Strasbourg. Pages 8-9 : François Schlageter et Othon Kaufmann déballant leurs tableaux, dont le Saint Antoine de Padoue tenant l’Enfant Jésus de Bernardo Strozzi, aujourd’hui au musée des Beaux-Arts de Strasbourg.


Souvenirs et témoignages

11 • La collection p ­ articulière est ­l ’espace de la liberté

Roland Ries

12 • Vingt ans après

Catherine Trautmann

13 • Deux amis

Pierre Rosenberg

14 • Une belle leçon de vie… Ce qu’ils m’ont appris

Alain Roy

18 • Collection du musée des Beaux-Arts de Strasbourg

Itinéraires de vie et de passion

43 • Une esquisse du goût d’Othon Kaufmann et François Schlageter

Dominique Jacquot

55 • Parcours de vies 62 • Trois collections particulières

Ci-contre et double page suivante : l’appartement d’Othon Kaufmann et François Schlageter, 8, rue des Arquebusiers à Strasbourg. Pages 8-9 : François Schlageter et Othon Kaufmann déballant leurs tableaux, dont le Saint Antoine de Padoue tenant l’Enfant Jésus de Bernardo Strozzi, aujourd’hui au musée des Beaux-Arts de Strasbourg.




11

La collection ­particulière est ­l’espace de la liberté

Souvenirs et ­témoignages

L

’enrichissement des collections est l’un des premiers soucis d’un conservateur de musée. Celui-ci se fait par deux principaux moyens : les achats et les donations. Si les achats relèvent d’une politique, d’une construction patiente, année après année, les donations ont quelque chose de merveilleux. Souvent inattendues et inespérées, elles témoignent d’une générosité à destination du plus grand nombre tout en dévoilant la délectation privée, intime, de l’amateur. La collection particulière est l’espace de la liberté. Un collectionneur, un amateur passionné, n’est pas obligé de choisir l’œuvre « muséale ». Il peut choisir l’objet plus atypique. Il est surtout moins tenu que l’institution au goût établi. Contrairement au musée, il peut briser la règle de l’échantillonnage et préférer plusieurs œuvres d’un même artiste à une présentation encyclopédique de l’époque choisie. Othon Kaufmann et François Schlageter furent deux fantastiques collectionneurs. D’origine allemande, ils s’établirent à Strasbourg. Ils ne suivirent pas le goût de leur époque et choisirent de collectionner la peinture de deux pays (la France et l’Italie) et de deux siècles (xviie et xviiie), ainsi que des terres cuites italiennes. Il faut se rappeler qu’après la Seconde Guerre mondiale, les collectionneurs français ne prisaient guère l’art baroque. En vrais amateurs, aussi sensibles qu’informés, MM. Kaufmann et Schlageter étaient en avance. En 1983, ils décidaient de donner au musée du Louvre la quasi-totalité de leur collection. Quatre ans plus tard, l’exposition « L’Amour de l’art. Le goût de deux amateurs pour le baroque italien » leur donnaient carte blanche. La même année, ils commençaient à faire bénéficier, également sous réserve d’usufruit, le musée des Beaux-Arts de Strasbourg de leur insigne générosité. Quelques achats à prix amical, en particulier le chef-d’œuvre de Canaletto, furent aussi effectués auprès d’eux. Strasbourg reçut une véritable « manne baroque », exclusivement composée de tableaux italiens. En 1997, après le décès de François Schlageter, les œuvres données gagnèrent les cimaises du Louvre et de Strasbourg et une exposition à l’Ancienne Douane montra l’ensemble de leur collection. L’hommage légitime qui leur est rendu cette année dans le cadre de « Passions partagées » évoque les liens qu’ils surent tisser avec d’autres collectionneurs strasbourgeois ou des environs, certains beaucoup plus jeunes, tous aussi passionnés par le baroque, l’Italie, les expositions de peinture ancienne, l’opéra et la musique. Les vrais collectionneurs sont attachés à échanger sur leur passion et sont généreux aussi en conseils. Comment ne pas citer Hans Haug, Hermann Voss, Pierre Rosenberg, Michel Laclotte, Roland Recht, Alain Roy, dont ils furent si proches ? MM. Kaufmann et Schlageter étaient aussi généreux qu’audacieux. Après leur donation au Louvre, ils ne purent ni ne voulurent s’arrêter de collectionner. Avec une liberté encore plus grande. Ce qui vaut notamment au musée des Beaux-Arts de Strasbourg ses quatre superbes tableaux de Maria Crespi. Là où un conservateur de musée aurait cherché à combler une lacune dans le parcours en faisant acheter une œuvre, les collectionneurs n’écoutent que leur passion tout comme leur goût à vivre entourés des œuvres qu’ils aiment. Le grand historien d’art Jacques Thuillier, qui fut aussi leur ami, écrivit avec bravoure dans un catalogue en leur hommage : « Disons-le franc et net, et pour porter d’emblée le problème à son juste niveau : la collection d’art est l’une des formes les plus hautes de la culture. Elle ne le cède guère qu’à la création même. » Roland Ries, maire de Strasbourg


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La collection ­particulière est ­l’espace de la liberté

Souvenirs et ­témoignages

L

’enrichissement des collections est l’un des premiers soucis d’un conservateur de musée. Celui-ci se fait par deux principaux moyens : les achats et les donations. Si les achats relèvent d’une politique, d’une construction patiente, année après année, les donations ont quelque chose de merveilleux. Souvent inattendues et inespérées, elles témoignent d’une générosité à destination du plus grand nombre tout en dévoilant la délectation privée, intime, de l’amateur. La collection particulière est l’espace de la liberté. Un collectionneur, un amateur passionné, n’est pas obligé de choisir l’œuvre « muséale ». Il peut choisir l’objet plus atypique. Il est surtout moins tenu que l’institution au goût établi. Contrairement au musée, il peut briser la règle de l’échantillonnage et préférer plusieurs œuvres d’un même artiste à une présentation encyclopédique de l’époque choisie. Othon Kaufmann et François Schlageter furent deux fantastiques collectionneurs. D’origine allemande, ils s’établirent à Strasbourg. Ils ne suivirent pas le goût de leur époque et choisirent de collectionner la peinture de deux pays (la France et l’Italie) et de deux siècles (xviie et xviiie), ainsi que des terres cuites italiennes. Il faut se rappeler qu’après la Seconde Guerre mondiale, les collectionneurs français ne prisaient guère l’art baroque. En vrais amateurs, aussi sensibles qu’informés, MM. Kaufmann et Schlageter étaient en avance. En 1983, ils décidaient de donner au musée du Louvre la quasi-totalité de leur collection. Quatre ans plus tard, l’exposition « L’Amour de l’art. Le goût de deux amateurs pour le baroque italien » leur donnaient carte blanche. La même année, ils commençaient à faire bénéficier, également sous réserve d’usufruit, le musée des Beaux-Arts de Strasbourg de leur insigne générosité. Quelques achats à prix amical, en particulier le chef-d’œuvre de Canaletto, furent aussi effectués auprès d’eux. Strasbourg reçut une véritable « manne baroque », exclusivement composée de tableaux italiens. En 1997, après le décès de François Schlageter, les œuvres données gagnèrent les cimaises du Louvre et de Strasbourg et une exposition à l’Ancienne Douane montra l’ensemble de leur collection. L’hommage légitime qui leur est rendu cette année dans le cadre de « Passions partagées » évoque les liens qu’ils surent tisser avec d’autres collectionneurs strasbourgeois ou des environs, certains beaucoup plus jeunes, tous aussi passionnés par le baroque, l’Italie, les expositions de peinture ancienne, l’opéra et la musique. Les vrais collectionneurs sont attachés à échanger sur leur passion et sont généreux aussi en conseils. Comment ne pas citer Hans Haug, Hermann Voss, Pierre Rosenberg, Michel Laclotte, Roland Recht, Alain Roy, dont ils furent si proches ? MM. Kaufmann et Schlageter étaient aussi généreux qu’audacieux. Après leur donation au Louvre, ils ne purent ni ne voulurent s’arrêter de collectionner. Avec une liberté encore plus grande. Ce qui vaut notamment au musée des Beaux-Arts de Strasbourg ses quatre superbes tableaux de Maria Crespi. Là où un conservateur de musée aurait cherché à combler une lacune dans le parcours en faisant acheter une œuvre, les collectionneurs n’écoutent que leur passion tout comme leur goût à vivre entourés des œuvres qu’ils aiment. Le grand historien d’art Jacques Thuillier, qui fut aussi leur ami, écrivit avec bravoure dans un catalogue en leur hommage : « Disons-le franc et net, et pour porter d’emblée le problème à son juste niveau : la collection d’art est l’une des formes les plus hautes de la culture. Elle ne le cède guère qu’à la création même. » Roland Ries, maire de Strasbourg


19

Collection du m ­ usée des ­Beaux-Arts de ­Strasbourg

Francesco Cairo (Milan, 1607 – Milan, 1665) Femme au turban Huile sur toile 70,5 × 71 cm Donation en 1987


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Collection du m ­ usée des ­Beaux-Arts de ­Strasbourg

Francesco Cairo (Milan, 1607 – Milan, 1665) Femme au turban Huile sur toile 70,5 × 71 cm Donation en 1987


26

27

Salvator Rosa (Naples, 1615 – Rome, 1673) Autoportrait Huile sur toile 61 × 45 cm Donation en 1987 Giuseppe Maria Crespi (Bologne, 1665 – Bologne, 1747) Portrait de jeune homme à la pandurina Huile sur toile 81,5 × 69 cm Donation en 1994


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Salvator Rosa (Naples, 1615 – Rome, 1673) Autoportrait Huile sur toile 61 × 45 cm Donation en 1987 Giuseppe Maria Crespi (Bologne, 1665 – Bologne, 1747) Portrait de jeune homme à la pandurina Huile sur toile 81,5 × 69 cm Donation en 1994


43

Une esquisse du goût d’Othon Kaufmann et François Schlageter

Itinéraires de vie et de passion

1q Disciple de Voss, et également proche d’Othon Kaufmann et de François Schlageter, Gerhard Ewald (1927-1997) fut le directeur du musée de Stuttgart, puis, entre 1981 et 1993, celui du Kunsthistorisches Institut à Florence. 2q Voir Hans Haug, homme de musées. Une passion à l’œuvre, cat. exp., Musées de Strasbourg, 2009-2010. 3q Y a-t-il eu d’autres dons ? La question mérite d’être posée, même si elle reste encore sans réponse. Nous avons en effet eu la surprise de constater que l’ouvrage Petits et grands musées de France, publié par Jean Vergnet-Ruiz et Michel Laclotte en 1962 (Paris, Éditions du Cercle d’art), mentionnait comme appartenant au musée des BeauxArts de Strasbourg une Fuite en Égypte de Jean-Baptiste-Marie Pierre (fig. 8). Or, cette œuvre ne figure ni dans l’inventaire ni dans les collections du musée. Bien plus, elle correspond au tableau conservé aujourd’hui au musée des BeauxArts de Rouen, qui, précisément, appartint à Othon Kaufmann et François Schlageter.

À l’époque où naissent Othon Kaufmann et François Schlageter — respectivement en 1905 et 1904 —, l’Alsace est allemande. Le musée des B ­ eaux-Arts­ de Strasbourg, détruit pendant la guerre franco-prussienne de 1870, a bénéficié de l’action de Wilhelm von Bode, le génial directeur des musées de Berlin, pour reconstituer sa collection. Celui-ci a fait acheter pour le musée quelques peintures italiennes baroques importantes, notamment Le Martyre de saint Gérard de Loth, un grand paysage de Rosa, deux tableaux des Tiepolo, une immense veduta de Guardi (elle sera détruite en 1947). De manière significative, il n’y a aucune peinture française rococo. Il faudra attendre le directorat de Hans Haug, après la Première Guerre mondiale, pour que la situation commence à changer. Othon Kaufmann et François Schlageter quittent l’Allemagne nazie pour s’établir à Strasbourg. Allemands, ils s’engagent dans les forces alliées et participent à la campagne italienne. Dès avant 1939, ils entrent en relation avec deux grands historiens d’art qui tiendront une place considérable dans leurs premières années de collectionneurs. Le premier, Hermann Voss (1884-1969), fut un des historiens d’art les plus importants de son temps. Comment oublier qu’il fut celui qui, en 1915, redonna ses premières œuvres à Georges de La Tour ? Un des premiers à réhabiliter le caravagisme et le baroque italien, il publia, dans les années 1920, des ouvrages sur la peinture baroque italienne qui firent date. Marqué par Bode, d’abord conservateur au musée de Wiesbaden, puis à celui de Dresde, Hermann Voss avait accepté de diriger le projet de musée conçu par Hitler qui devait être aménagé à Linz (Autriche). Sa carrière en fut brisée. Après la Seconde Guerre mondiale, il poursuivit son activité dans le marché de l’art. Parallèlement à ses travaux scientifiques, il fournit expertises et certificats à des marchands et exerça sans doute aussi une activité de courtier. Othon Kaufmann et François Schlageter furent très proches de Voss, à qui ils achetèrent quelques-unes des plus belles pièces de leur collection, puis à sa veuve. Après 1945, alors que l’historien de l’art était devenu un paria, les deux hommes lui conservèrent leur amitié. Un des témoignages les plus éloquents de ces liens reste l’ouvrage Hommage à Hermann Voss paru en 1966 à Strasbourg, « réalisé grâce à la générosité de ses amis strasbourgeois » et de plusieurs grands marchands d’art ancien. Outre Othon Kaufmann et François Schlageter, le comité de rédaction comptait parmi ses membres Vitale Bloch, Gerhard Ewald 1, Hans Haug, Roberto Longhi, tandis que le comité d’honneur réunissait des noms illustres, tels qu’Anthony Blunt, André Chastel, René Huyghe, Kurt Martin, Benedict Nicolson, Rodolfo Pallucchini ou Charles Sterling. Sa personnalité, son sens du contact, ses relations avec les meilleurs historiens d’art de son temps, ses publications — sans oublier celles de Mme Haug — firent de Hans Haug (1890-1965), directeur des musées de Strasbourg, un des plus remarquables conservateurs français, peut-être le plus actif en province 2. C’est grâce à lui que de nombreuses œuvres entrèrent dans les musées de Strasbourg, d’une nature morte cubiste de Braque à La Belle Strasbourgeoise de Largillière. Les liens qui se nouèrent avec Othon Kaufmann et François Schlageter furent étroits. En 1950, ce dernier offrit au musée des Beaux-Arts de Strasbourg le portrait d’Anne Marie Schmid par Christian Enslen et, en 1958, il vendit un groupe en porcelaine au musée des Arts décoratifs 3. Un testament daté de 1962 destinait au musée des Beaux-Arts l’ensemble de la collection d’Othon Kaufmann et François Schlageter ; la condition était que les œuvres restent groupées. Après la mort de Hans Haug en 1965 s’ensuivit une longue période de brouille entre les


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Une esquisse du goût d’Othon Kaufmann et François Schlageter

Itinéraires de vie et de passion

1q Disciple de Voss, et également proche d’Othon Kaufmann et de François Schlageter, Gerhard Ewald (1927-1997) fut le directeur du musée de Stuttgart, puis, entre 1981 et 1993, celui du Kunsthistorisches Institut à Florence. 2q Voir Hans Haug, homme de musées. Une passion à l’œuvre, cat. exp., Musées de Strasbourg, 2009-2010. 3q Y a-t-il eu d’autres dons ? La question mérite d’être posée, même si elle reste encore sans réponse. Nous avons en effet eu la surprise de constater que l’ouvrage Petits et grands musées de France, publié par Jean Vergnet-Ruiz et Michel Laclotte en 1962 (Paris, Éditions du Cercle d’art), mentionnait comme appartenant au musée des BeauxArts de Strasbourg une Fuite en Égypte de Jean-Baptiste-Marie Pierre (fig. 8). Or, cette œuvre ne figure ni dans l’inventaire ni dans les collections du musée. Bien plus, elle correspond au tableau conservé aujourd’hui au musée des BeauxArts de Rouen, qui, précisément, appartint à Othon Kaufmann et François Schlageter.

À l’époque où naissent Othon Kaufmann et François Schlageter — respectivement en 1905 et 1904 —, l’Alsace est allemande. Le musée des B ­ eaux-Arts­ de Strasbourg, détruit pendant la guerre franco-prussienne de 1870, a bénéficié de l’action de Wilhelm von Bode, le génial directeur des musées de Berlin, pour reconstituer sa collection. Celui-ci a fait acheter pour le musée quelques peintures italiennes baroques importantes, notamment Le Martyre de saint Gérard de Loth, un grand paysage de Rosa, deux tableaux des Tiepolo, une immense veduta de Guardi (elle sera détruite en 1947). De manière significative, il n’y a aucune peinture française rococo. Il faudra attendre le directorat de Hans Haug, après la Première Guerre mondiale, pour que la situation commence à changer. Othon Kaufmann et François Schlageter quittent l’Allemagne nazie pour s’établir à Strasbourg. Allemands, ils s’engagent dans les forces alliées et participent à la campagne italienne. Dès avant 1939, ils entrent en relation avec deux grands historiens d’art qui tiendront une place considérable dans leurs premières années de collectionneurs. Le premier, Hermann Voss (1884-1969), fut un des historiens d’art les plus importants de son temps. Comment oublier qu’il fut celui qui, en 1915, redonna ses premières œuvres à Georges de La Tour ? Un des premiers à réhabiliter le caravagisme et le baroque italien, il publia, dans les années 1920, des ouvrages sur la peinture baroque italienne qui firent date. Marqué par Bode, d’abord conservateur au musée de Wiesbaden, puis à celui de Dresde, Hermann Voss avait accepté de diriger le projet de musée conçu par Hitler qui devait être aménagé à Linz (Autriche). Sa carrière en fut brisée. Après la Seconde Guerre mondiale, il poursuivit son activité dans le marché de l’art. Parallèlement à ses travaux scientifiques, il fournit expertises et certificats à des marchands et exerça sans doute aussi une activité de courtier. Othon Kaufmann et François Schlageter furent très proches de Voss, à qui ils achetèrent quelques-unes des plus belles pièces de leur collection, puis à sa veuve. Après 1945, alors que l’historien de l’art était devenu un paria, les deux hommes lui conservèrent leur amitié. Un des témoignages les plus éloquents de ces liens reste l’ouvrage Hommage à Hermann Voss paru en 1966 à Strasbourg, « réalisé grâce à la générosité de ses amis strasbourgeois » et de plusieurs grands marchands d’art ancien. Outre Othon Kaufmann et François Schlageter, le comité de rédaction comptait parmi ses membres Vitale Bloch, Gerhard Ewald 1, Hans Haug, Roberto Longhi, tandis que le comité d’honneur réunissait des noms illustres, tels qu’Anthony Blunt, André Chastel, René Huyghe, Kurt Martin, Benedict Nicolson, Rodolfo Pallucchini ou Charles Sterling. Sa personnalité, son sens du contact, ses relations avec les meilleurs historiens d’art de son temps, ses publications — sans oublier celles de Mme Haug — firent de Hans Haug (1890-1965), directeur des musées de Strasbourg, un des plus remarquables conservateurs français, peut-être le plus actif en province 2. C’est grâce à lui que de nombreuses œuvres entrèrent dans les musées de Strasbourg, d’une nature morte cubiste de Braque à La Belle Strasbourgeoise de Largillière. Les liens qui se nouèrent avec Othon Kaufmann et François Schlageter furent étroits. En 1950, ce dernier offrit au musée des Beaux-Arts de Strasbourg le portrait d’Anne Marie Schmid par Christian Enslen et, en 1958, il vendit un groupe en porcelaine au musée des Arts décoratifs 3. Un testament daté de 1962 destinait au musée des Beaux-Arts l’ensemble de la collection d’Othon Kaufmann et François Schlageter ; la condition était que les œuvres restent groupées. Après la mort de Hans Haug en 1965 s’ensuivit une longue période de brouille entre les


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8q Son article de 1961 regroupait de manière remarquable, sous le nom de Rémy Vuibert, un ensemble de peintures qui se révèlent finalement de Reynaud Levieux, dont Le Repos pendant la fuite en Égypte acheté pour le musée des Beaux-Arts de Strasbourg en 2015 ! 9q Rappelons à nouveau que ce cuivre fit partie de la collection de B. Altmann à Vienne, qui fut spoliée et vendue aux enchères en 1938. Le cuivre passa chez Hermann Voss. L’acquisition de 1987 a été pérennisée en 2005 en accord avec les héritiers de B. Altmann et avec l’aide de l’État, des conseils régional et général et du mécénat de Würth France et de la Coop-Alsace.

Fig. 2 Alessandro Magnasco (Gênes, 1667 – Gênes, 1749) et Antonio Francesco Peruzzini (Ancône, 1650 / 1655 –  Milan, vers 1730) Le Christ servi par les anges Huile sur toile 193 × 142 cm Madrid, Museo Nacional del Prado

10 q Outre Pierre Rosenberg et Michel Laclotte, d’autres conservateurs du département des Peintures du Louvre furent en contact avec Othon Kaufmann et François Schlageter : particulièrement JeanPierre Cuzin, Arnauld Brejon de Lavergnée, Sylvie Béguin (qui écrivirent un texte en leur hommage) et Jacques Foucart. 11 q Histoires de musées. Souvenirs d’un conservateur, Paris, Éditions Scala, 2003, p. 130.

peuvent être distinguées. S’ils furent conseillés par Voss jusqu’à son décès en 1969, les deux hommes ne furent en rien passifs. Bien au contraire, il apparaît qu’Othon Kaufmann et François Schlageter furent libres dans leurs choix et surent faire preuve d’indépendance, d’originalité et d’audace. Durant leur presque demisiècle d’activité de collectionneurs, ils n’eurent pas de marchand privilégié mais achetèrent à diverses sources (galeries, ventes publiques, collectionneurs privés), ce qui est un gage d’assurance et de liberté. À la différence des riches collectionneurs américains, ils n’eurent pas de conseiller attitré. Certes, c’est Voss qui leur ouvrit les yeux sur la peinture baroque – et ce goût commun scella leurs relations. Mais Othon Kaufmann et François Schlageter ne suivirent pas toutes les préférences de Voss, à une date où il restait possible de trouver de telles œuvres sur le marché à des prix abordables. Voss écrivit notamment des articles sur les frères Le Nain, Tassel, Gentileschi ou Vuibert 8, sans que des œuvres de ces artistes ne rejoignent la collection d’Othon Kaufmann et François Schlageter. Le grand absent de celleci est précisément le caravagisme. Voss s’y intéressa alors qu’Othon Kaufmann et François Schlageter n’y prêtèrent guère attention, à part au Borgianni… qu’en 1974 ils pensaient revendre. Viennent de Voss plusieurs fleurons de leur collection : en 1949, le cuivre de Canaletto 9 et Le Triomphe de David du jeune Tiepolo, en 1956, Loth et ses filles de Greuze, auxquels il faut ajouter le tableau attribué à Parrasio (p. 69). En 1971, ils achetèrent à sa veuve deux Carpioni et un dessin de Greuze. D’autres œuvres furent expertisées ou publiées par Voss ; certaines témoignent de ses centres d’intérêt, en particulier celles évoquant le thème de la Fuite en Égypte. Les relations des deux collectionneurs avec Pierre Rosenberg, alors conservateur au département des Peintures du Louvre 10 et spécialiste de la peinture et du dessin français et italiens des xviie et xviiie siècles, débutèrent en 1969 et se renforcèrent au fil du temps. Pierre Rosenberg leur prodigua ses conseils et avis sur des œuvres disponibles sur le marché. Sans cette amitié, les principales peintures françaises seraient-elles entrées dans leur collection ? Nous aimerions savoir à quel moment l’idée d’une donation au Louvre se cristallisa et si celleci eut des répercussions sur le choix de leurs acquisitions. En effet, bien des œuvres données au Louvre venaient combler des lacunes. Là encore, soulignons l’indépendance farouche d’Othon Kaufmann et de François Schlageter : Michel Laclotte a raconté comment il leur conseilla un beau tableau de Drölling… qu’ils revendirent bien vite 11. Le troisième temps de la collection débute précisément après la donation de 1983 au Louvre. À consulter la liste de leurs acquisitions, nous percevons comme une nouvelle jeunesse. Osons écrire qu’Othon Kaufmann et François Schlageter furent comme libérés par cette donation. La vente du Cavallino au Louvre puis celle du Canaletto à Strasbourg leur permirent de poursuivre leur chasse aux tableaux de qualité. Sans doute, la montée des prix pour les peintures qu’ils collectionnaient explique certains de leurs choix, mais remarquons qu’à partir de cette date ils n’achètent plus une seule peinture française, et que les formats et les sujets des œuvres acquises témoignent d’une plus grande audace. Les petits formats sont privilégiés : était-ce dû à une question de prix, ou les murs étaient-ils déjà très garnis ? Les fonds sombres sont davantage présents. Trois beaux grands nus masculins par Bononi, Vignali et Crespi rejoignent l’appartement de la rue des Arquebusiers. Des sujets violents apparaissent, tels le douloureux Christ en croix de Magnasco et le quasi expressionniste Christ tombé sous la croix, au visage tuméfié, de Crespi. Le cas de Crespi est passionnant : en effet, si Othon Kaufmann et François Schlageter n’avaient acheté aucune œuvre de cet artiste auparavant, tous


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8q Son article de 1961 regroupait de manière remarquable, sous le nom de Rémy Vuibert, un ensemble de peintures qui se révèlent finalement de Reynaud Levieux, dont Le Repos pendant la fuite en Égypte acheté pour le musée des Beaux-Arts de Strasbourg en 2015 ! 9q Rappelons à nouveau que ce cuivre fit partie de la collection de B. Altmann à Vienne, qui fut spoliée et vendue aux enchères en 1938. Le cuivre passa chez Hermann Voss. L’acquisition de 1987 a été pérennisée en 2005 en accord avec les héritiers de B. Altmann et avec l’aide de l’État, des conseils régional et général et du mécénat de Würth France et de la Coop-Alsace.

Fig. 2 Alessandro Magnasco (Gênes, 1667 – Gênes, 1749) et Antonio Francesco Peruzzini (Ancône, 1650 / 1655 –  Milan, vers 1730) Le Christ servi par les anges Huile sur toile 193 × 142 cm Madrid, Museo Nacional del Prado

10 q Outre Pierre Rosenberg et Michel Laclotte, d’autres conservateurs du département des Peintures du Louvre furent en contact avec Othon Kaufmann et François Schlageter : particulièrement JeanPierre Cuzin, Arnauld Brejon de Lavergnée, Sylvie Béguin (qui écrivirent un texte en leur hommage) et Jacques Foucart. 11 q Histoires de musées. Souvenirs d’un conservateur, Paris, Éditions Scala, 2003, p. 130.

peuvent être distinguées. S’ils furent conseillés par Voss jusqu’à son décès en 1969, les deux hommes ne furent en rien passifs. Bien au contraire, il apparaît qu’Othon Kaufmann et François Schlageter furent libres dans leurs choix et surent faire preuve d’indépendance, d’originalité et d’audace. Durant leur presque demisiècle d’activité de collectionneurs, ils n’eurent pas de marchand privilégié mais achetèrent à diverses sources (galeries, ventes publiques, collectionneurs privés), ce qui est un gage d’assurance et de liberté. À la différence des riches collectionneurs américains, ils n’eurent pas de conseiller attitré. Certes, c’est Voss qui leur ouvrit les yeux sur la peinture baroque – et ce goût commun scella leurs relations. Mais Othon Kaufmann et François Schlageter ne suivirent pas toutes les préférences de Voss, à une date où il restait possible de trouver de telles œuvres sur le marché à des prix abordables. Voss écrivit notamment des articles sur les frères Le Nain, Tassel, Gentileschi ou Vuibert 8, sans que des œuvres de ces artistes ne rejoignent la collection d’Othon Kaufmann et François Schlageter. Le grand absent de celleci est précisément le caravagisme. Voss s’y intéressa alors qu’Othon Kaufmann et François Schlageter n’y prêtèrent guère attention, à part au Borgianni… qu’en 1974 ils pensaient revendre. Viennent de Voss plusieurs fleurons de leur collection : en 1949, le cuivre de Canaletto 9 et Le Triomphe de David du jeune Tiepolo, en 1956, Loth et ses filles de Greuze, auxquels il faut ajouter le tableau attribué à Parrasio (p. 69). En 1971, ils achetèrent à sa veuve deux Carpioni et un dessin de Greuze. D’autres œuvres furent expertisées ou publiées par Voss ; certaines témoignent de ses centres d’intérêt, en particulier celles évoquant le thème de la Fuite en Égypte. Les relations des deux collectionneurs avec Pierre Rosenberg, alors conservateur au département des Peintures du Louvre 10 et spécialiste de la peinture et du dessin français et italiens des xviie et xviiie siècles, débutèrent en 1969 et se renforcèrent au fil du temps. Pierre Rosenberg leur prodigua ses conseils et avis sur des œuvres disponibles sur le marché. Sans cette amitié, les principales peintures françaises seraient-elles entrées dans leur collection ? Nous aimerions savoir à quel moment l’idée d’une donation au Louvre se cristallisa et si celleci eut des répercussions sur le choix de leurs acquisitions. En effet, bien des œuvres données au Louvre venaient combler des lacunes. Là encore, soulignons l’indépendance farouche d’Othon Kaufmann et de François Schlageter : Michel Laclotte a raconté comment il leur conseilla un beau tableau de Drölling… qu’ils revendirent bien vite 11. Le troisième temps de la collection débute précisément après la donation de 1983 au Louvre. À consulter la liste de leurs acquisitions, nous percevons comme une nouvelle jeunesse. Osons écrire qu’Othon Kaufmann et François Schlageter furent comme libérés par cette donation. La vente du Cavallino au Louvre puis celle du Canaletto à Strasbourg leur permirent de poursuivre leur chasse aux tableaux de qualité. Sans doute, la montée des prix pour les peintures qu’ils collectionnaient explique certains de leurs choix, mais remarquons qu’à partir de cette date ils n’achètent plus une seule peinture française, et que les formats et les sujets des œuvres acquises témoignent d’une plus grande audace. Les petits formats sont privilégiés : était-ce dû à une question de prix, ou les murs étaient-ils déjà très garnis ? Les fonds sombres sont davantage présents. Trois beaux grands nus masculins par Bononi, Vignali et Crespi rejoignent l’appartement de la rue des Arquebusiers. Des sujets violents apparaissent, tels le douloureux Christ en croix de Magnasco et le quasi expressionniste Christ tombé sous la croix, au visage tuméfié, de Crespi. Le cas de Crespi est passionnant : en effet, si Othon Kaufmann et François Schlageter n’avaient acheté aucune œuvre de cet artiste auparavant, tous


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Une collection à la gloire d’un certain baroque Après en avoir esquissé l’histoire, il convient maintenant de définir quelques caractéristiques de la collection d’Othon Kaufmann et François Schlageter. Pour ce faire, nous nous limiterons aux peintures entrées dans les musées du Louvre et de Strasbourg, suivant en cela notre présupposé. À ce corpus de soixantecinq tableaux, nous pouvons appliquer plusieurs grilles d’analyse. Si d’abord nous classons celui-ci par dates d’acquisition, nous constaterons que dix-huit peintures ont été acquises entre 1949 et 1967, vingt-huit entre 1970 et 1983, dix-neuf entre 1984 et 1992 – ce qui fait en moyenne 1,5 tableau par an, avec des années fastes (jusqu’à six tableaux achetés en 1985) et d’autres blanches (ou alors il y eut des reventes ultérieures), ainsi en 1968-1969 et 1982-1983. En outre, il n’est pas de collection sans moyens. Othon Kaufmann et François Schlageter disposaient de ressources confortables mais cependant pas suffisantes pour ne pas avoir à revendre ou à concentrer leurs moyens pour acheter quelques œuvres par an. Par chance, le projet de donation de 1983 fournit des éléments chiffrés. Peu importe ici les montants exacts (pour donner un ordre d’idée, le total s’élève à 23 800 000 F) par rapport à la hiérarchie induite. En effet, entre l’œuvre ayant la valeur la plus basse (Burrini) et celle la mieux cotée (Canaletto), le rapport est de 1 à 19. Ainsi, en 1983 et en s’en tenant au critère du prix, les dix fleurons de la collection étaient : Canaletto, puis Borgianni (surprise !), Boucher, Le Sueur, Vouet, Batoni, Guardi, les trois Tiepolo.

Fig. 6 François Lemoyne (atelier de) (Paris, 1688 – Paris, 1737) Narcisse Huile sur toile 65 × 81,2 cm Lyon, musée des Beaux-Arts Fig. 7 Jean-Jacques Lagrenée le Jeune (Paris, 1739 – Paris, 1821) La Chute des idoles et le Repos pendant la fuite en Égypte Huile sur toile 89 × 117 cm Rennes, musée des Beaux-Arts

Le corpus peut encore être étudié en fonction des écoles. Nous constatons alors que quarante-neuf tableaux sont italiens (soit 75 %). En fait, l’empreinte italienne est beaucoup plus présente car le Boucher de jeunesse pourrait passer pour un tableau vénitien, Subleyras fit sa carrière à Rome, de même que longtemps Hubert Robert ; même le Van Dyck relève de son séjour génois ! Six des quinze tableaux français du corpus – acquis en majorité entre 1972 et 1978 – se classent parmi les vingt tableaux les plus chers. Pour les écoles italiennes, Venise se distingue avec quatorze peintures (soit 28,5 % de l’ensemble italien), dont les deux vedute de Canaletto et Guardi. Othon Kaufmann et François Schlageter avaient des goûts précis quant au style : à part le Borgianni, pas de vrais tableaux caravagesques, ni d’œuvres des débuts du baroque à Rome vers 1630, ni non plus d’œuvres franchement « classiques », qu’elles soient italiennes ou françaises ; pour la peinture française, rien entre 1645 et 1725 environ et pas de néoclassicisme. Tout en ayant à l’esprit le degré d’imprécision inhérente au statut spécifique de ce genre d’œuvres, notons le grand nombre d’esquisses : vingt-sept (soit 41,5 % de la collection). Quant au choix des sujets, il a été noté que la collection ne comprenait aucune nature morte, une seule scène de genre (et encore bien élégante), peu de paysages (même les œuvres de Pannini et Robert sont le théâtre d’une histoire ou l’évocation du glorieux passé romain) et guère plus de « vrais » portraits. Bref, plus de huit tableaux sur dix relèvent de la peinture d’histoire, qu’elle soit sacrée, mythologique, historique ou allégorique. Il est intéressant de remarquer le nombre conséquent de peintures abordant le thème de la Fuite en Égypte. En définitive, peu de tableaux


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Une collection à la gloire d’un certain baroque Après en avoir esquissé l’histoire, il convient maintenant de définir quelques caractéristiques de la collection d’Othon Kaufmann et François Schlageter. Pour ce faire, nous nous limiterons aux peintures entrées dans les musées du Louvre et de Strasbourg, suivant en cela notre présupposé. À ce corpus de soixantecinq tableaux, nous pouvons appliquer plusieurs grilles d’analyse. Si d’abord nous classons celui-ci par dates d’acquisition, nous constaterons que dix-huit peintures ont été acquises entre 1949 et 1967, vingt-huit entre 1970 et 1983, dix-neuf entre 1984 et 1992 – ce qui fait en moyenne 1,5 tableau par an, avec des années fastes (jusqu’à six tableaux achetés en 1985) et d’autres blanches (ou alors il y eut des reventes ultérieures), ainsi en 1968-1969 et 1982-1983. En outre, il n’est pas de collection sans moyens. Othon Kaufmann et François Schlageter disposaient de ressources confortables mais cependant pas suffisantes pour ne pas avoir à revendre ou à concentrer leurs moyens pour acheter quelques œuvres par an. Par chance, le projet de donation de 1983 fournit des éléments chiffrés. Peu importe ici les montants exacts (pour donner un ordre d’idée, le total s’élève à 23 800 000 F) par rapport à la hiérarchie induite. En effet, entre l’œuvre ayant la valeur la plus basse (Burrini) et celle la mieux cotée (Canaletto), le rapport est de 1 à 19. Ainsi, en 1983 et en s’en tenant au critère du prix, les dix fleurons de la collection étaient : Canaletto, puis Borgianni (surprise !), Boucher, Le Sueur, Vouet, Batoni, Guardi, les trois Tiepolo.

Fig. 6 François Lemoyne (atelier de) (Paris, 1688 – Paris, 1737) Narcisse Huile sur toile 65 × 81,2 cm Lyon, musée des Beaux-Arts Fig. 7 Jean-Jacques Lagrenée le Jeune (Paris, 1739 – Paris, 1821) La Chute des idoles et le Repos pendant la fuite en Égypte Huile sur toile 89 × 117 cm Rennes, musée des Beaux-Arts

Le corpus peut encore être étudié en fonction des écoles. Nous constatons alors que quarante-neuf tableaux sont italiens (soit 75 %). En fait, l’empreinte italienne est beaucoup plus présente car le Boucher de jeunesse pourrait passer pour un tableau vénitien, Subleyras fit sa carrière à Rome, de même que longtemps Hubert Robert ; même le Van Dyck relève de son séjour génois ! Six des quinze tableaux français du corpus – acquis en majorité entre 1972 et 1978 – se classent parmi les vingt tableaux les plus chers. Pour les écoles italiennes, Venise se distingue avec quatorze peintures (soit 28,5 % de l’ensemble italien), dont les deux vedute de Canaletto et Guardi. Othon Kaufmann et François Schlageter avaient des goûts précis quant au style : à part le Borgianni, pas de vrais tableaux caravagesques, ni d’œuvres des débuts du baroque à Rome vers 1630, ni non plus d’œuvres franchement « classiques », qu’elles soient italiennes ou françaises ; pour la peinture française, rien entre 1645 et 1725 environ et pas de néoclassicisme. Tout en ayant à l’esprit le degré d’imprécision inhérente au statut spécifique de ce genre d’œuvres, notons le grand nombre d’esquisses : vingt-sept (soit 41,5 % de la collection). Quant au choix des sujets, il a été noté que la collection ne comprenait aucune nature morte, une seule scène de genre (et encore bien élégante), peu de paysages (même les œuvres de Pannini et Robert sont le théâtre d’une histoire ou l’évocation du glorieux passé romain) et guère plus de « vrais » portraits. Bref, plus de huit tableaux sur dix relèvent de la peinture d’histoire, qu’elle soit sacrée, mythologique, historique ou allégorique. Il est intéressant de remarquer le nombre conséquent de peintures abordant le thème de la Fuite en Égypte. En définitive, peu de tableaux


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• 1958 La Société des Amis des musées de Strasbourg leur achète une porcelaine figurant Le Repos de Diane pour le musée des Arts décoratifs. • Janvier 1962 Ils emménagent dans un grand appartement moderne, au 8, rue des Arquebusiers. Ils débutent une collection de statuettes en terre cuite. Dans le courant de l’année, ils établissent un testament dans lequel ils prévoient le legs de l’ensemble de leur collection au musée des Beaux-Arts de Strasbourg. • 1966 Ils participent activement à la publication du livre Hommage à Hermann Voss. • 1967 Ils revendent plusieurs de leurs œuvres, dont un Gérard de Lairesse, pour pouvoir acquérir un tableau de Bernardo Cavallino. Le musée des Beaux-Arts de Strasbourg achète en douane centrale leur peinture de Philippe-Jacques de Loutherbourg, Clair de lune. • 1971 Ils acquièrent trois œuvres de la veuve d’Hermann Voss (décédé en 1969). • 1979-1980 Ils achètent deux tableaux de leur peintre favori, Tiepolo, Zéphyr et Flore puis L’Éducation de la Vierge. • 1983 Ils offrent la majeure partie de leur collection au musée du Louvre (quarante-deux tableaux et trois dessins) et lui vendent leur tableau de Cavallino. • 1984 Leur collection est exposée au Louvre (parution du catalogue de La Donation Kaufmann et Schlageter au département des Peintures par Pierre Rosenberg).

Ils sont tous deux nommés chevaliers de l’ordre national de la Légion d’honneur. • 1986 Ils font l’acquisition de Allégorie de l'Ingegno de Giuseppe Maria Crespi. • 1987 Les musées de Strasbourg leur achètent le tableau de Canaletto et organisent une exposition qui leur rend hommage : « L’Amour de l’art. Le goût de deux amateurs pour le baroque italien ». Les deux collectionneurs font une première donation sous réserve d’usufruit de neuf tableaux au musée des Beaux-Arts de Strasbourg. • 1990-1993 Le musée des Beaux-Arts de Strasbourg leur achète plusieurs œuvres : Jacopo Amigoni (en 1990), Alessandro Turchi (en 1992), Francesco Conti et Alessandro Magnasco (en 1993). • 1992 Le musée national d’Histoire et d’Art du Luxembourg expose une sélection de leur collection, soit dix-sept peintures aujourd’hui au musée des Beaux-Arts de Strasbourg. • 22 mars 1993 Mort d’Othon Kaufmann. • 1993 François Schlageter fait don d’un ensemble de terres cuites italiennes au Liebighaus de Francfort-sur-le-Main. • 1994 Seconde donation de huit tableaux aux musées de Strasbourg. • 2 janvier 1997 Mort de François Schlageter. Othon Kaufmann et François Schlageter reposent tous les deux au cimetière de Thal-Marmoutier en Alsace.

François Schlageter et Othon Kaufmann à Naples en 1984. Pages suivantes : les deux amis vers 1940 et dans les années 1970.


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• 1958 La Société des Amis des musées de Strasbourg leur achète une porcelaine figurant Le Repos de Diane pour le musée des Arts décoratifs. • Janvier 1962 Ils emménagent dans un grand appartement moderne, au 8, rue des Arquebusiers. Ils débutent une collection de statuettes en terre cuite. Dans le courant de l’année, ils établissent un testament dans lequel ils prévoient le legs de l’ensemble de leur collection au musée des Beaux-Arts de Strasbourg. • 1966 Ils participent activement à la publication du livre Hommage à Hermann Voss. • 1967 Ils revendent plusieurs de leurs œuvres, dont un Gérard de Lairesse, pour pouvoir acquérir un tableau de Bernardo Cavallino. Le musée des Beaux-Arts de Strasbourg achète en douane centrale leur peinture de Philippe-Jacques de Loutherbourg, Clair de lune. • 1971 Ils acquièrent trois œuvres de la veuve d’Hermann Voss (décédé en 1969). • 1979-1980 Ils achètent deux tableaux de leur peintre favori, Tiepolo, Zéphyr et Flore puis L’Éducation de la Vierge. • 1983 Ils offrent la majeure partie de leur collection au musée du Louvre (quarante-deux tableaux et trois dessins) et lui vendent leur tableau de Cavallino. • 1984 Leur collection est exposée au Louvre (parution du catalogue de La Donation Kaufmann et Schlageter au département des Peintures par Pierre Rosenberg).

Ils sont tous deux nommés chevaliers de l’ordre national de la Légion d’honneur. • 1986 Ils font l’acquisition de Allégorie de l'Ingegno de Giuseppe Maria Crespi. • 1987 Les musées de Strasbourg leur achètent le tableau de Canaletto et organisent une exposition qui leur rend hommage : « L’Amour de l’art. Le goût de deux amateurs pour le baroque italien ». Les deux collectionneurs font une première donation sous réserve d’usufruit de neuf tableaux au musée des Beaux-Arts de Strasbourg. • 1990-1993 Le musée des Beaux-Arts de Strasbourg leur achète plusieurs œuvres : Jacopo Amigoni (en 1990), Alessandro Turchi (en 1992), Francesco Conti et Alessandro Magnasco (en 1993). • 1992 Le musée national d’Histoire et d’Art du Luxembourg expose une sélection de leur collection, soit dix-sept peintures aujourd’hui au musée des Beaux-Arts de Strasbourg. • 22 mars 1993 Mort d’Othon Kaufmann. • 1993 François Schlageter fait don d’un ensemble de terres cuites italiennes au Liebighaus de Francfort-sur-le-Main. • 1994 Seconde donation de huit tableaux aux musées de Strasbourg. • 2 janvier 1997 Mort de François Schlageter. Othon Kaufmann et François Schlageter reposent tous les deux au cimetière de Thal-Marmoutier en Alsace.

François Schlageter et Othon Kaufmann à Naples en 1984. Pages suivantes : les deux amis vers 1940 et dans les années 1970.


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École française du xviie siècle d’après Simon Vouet (Paris, 1590 - Paris, 1649) Repos pendant la fuite en Égypte Huile sur toile, 69,7 × 57,8 cm Ancienne collection Kaufmann et Schlageter (comme Michel Dorigny). La composition de Vouet (tableau en coll. part.) est connue grâce à une gravure de 1649 par son gendre, Michel Dorigny.

Jean-Baptiste Despax (Toulouse, 1710 – Toulouse, 1773) Glorification de la Vierge Huile sur toile, 56 × 42,3 cm Ancienne collection Kaufmann et Schlageter.

Collection J.-M. et M. E.


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École française du xviie siècle d’après Simon Vouet (Paris, 1590 - Paris, 1649) Repos pendant la fuite en Égypte Huile sur toile, 69,7 × 57,8 cm Ancienne collection Kaufmann et Schlageter (comme Michel Dorigny). La composition de Vouet (tableau en coll. part.) est connue grâce à une gravure de 1649 par son gendre, Michel Dorigny.

Jean-Baptiste Despax (Toulouse, 1710 – Toulouse, 1773) Glorification de la Vierge Huile sur toile, 56 × 42,3 cm Ancienne collection Kaufmann et Schlageter.

Collection J.-M. et M. E.


Ferveurs baroques

Ferveurs baroques

Hommage à Othon ­Kaufmann et ­François Schlageter

isbn : 9782351251508 prix : 12 €


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