Bruxelles Culture 15 mai 2018

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LA FAILLE EN TOUTE CHOSE Armand Gamache n’a vraiment pas le cœur à s’investir dans les préparatifs de Noël. Un peu perdu au sein de la brigade des homicides de Québec, il a progressivement vu ses collègues être mutés dans d’autres services. Aussi, lorsque Myrna, la libraire de Three Pines, un petit village flanqué au milieu de nulle part, fait appel à lui pour résoudre une épineuse affaire de disparition, il profite de l’opportunité pour rompre avec la routine oppressante du bureau mais, très vite, il se trouve en bute au silence de son amie. Pourquoi refuse-t-elle de lui révéler l’identité de la disparue et lui cache-t-on quelque chose ? Louise Penny met en scène un solitaire qui débarque dans un bled pour mener ses investigations et qui doit se rompre à des conditions extrêmes. L’isolement aidant, les tensions croissent pour déployer un récit tentaculaire prompt à naviguer en eaux sombres. La mise en scène se révèle rapidement d’une fameuse virtuosité, notamment dans son approche du climat et de l’espace. L’auteure ne laisse rien au hasard et maîtrise la mécanique du récit pour engendrer un suspense qui va crescendo, avançant sur un terrain mouvant de la plus addictive des manières. Alors qu’il ne s’y attendait pas du tout, le policier se laisse rattraper par une histoire vieille de plusieurs années, ayant un lien avec les sœurs Quellet. La disparue serait-elle la dernière de la fratrie ? Un roman dur et intense qui célèbre le mariage d’une intrigue judicieuse et de l’étude psychologique. Ed. Actes Sud – 519 pages Paul Huet

LA JEUNESSE EST UN PAYS ETRANGER A travers des pages pleines de vie, Alain Claude Sulzer décrit une jeunesse – la sienne ? – dans la banlieue de Bâle et revient avec énormément de tendresse sur une époque où les jeunes pensaient refaire le monde. Les années 60 et 70 ont été pour beaucoup celles de toutes les illusions, de tous les rêves à concrétiser et de tous les espoirs. L’existence insufflait au quotidien une énergie fédératrice, faisant que les petits riens devenaient exceptionnellement passionnants. L’auteur a grandi dans un quartier réputé pour sa tranquillité, avec des maisons devancées par des jardinets proprets. Ici, personne ne songeait à se séparer de son conjoint et tous les regards se focalisaient sur une belle femme au volant d’une voiture aussi jolie qu’elle, qui faisait sensation auprès de tous les mâles en âge de s’extasier. Francophone et maîtrisant mal l’allemand, le jeune homme s’est découvert homosexuel. Une tare pour beaucoup, une catastrophe pour d’autres. En regardant dans le rétroviseur, le narrateur se souvient de ses doutes, de ses combats et de ses affirmations. Il était le seul garçon à suivre le cours de danse classique, le seul qui se faisait véhiculer à l’école par son père, le seul à avoir brigué une carrière artistique. Tendresse et subjectivité se conjuguent dans un livre empreint de vitalité, fait pour remettre les idées en place, encourager la réflexion et pousser les esprits à s’épanouir. « La jeunesse est un pays étranger » n’a néanmoins aucune vocation philosophique ou pédagogique. Au mieux, on peut y voir une invitation à davantage de tolérance, au droit à la différence et au respect d’autrui. Ed. Jacqueline Chambon – 238 pages Willy Smedt


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