BC juin 2019

Page 14

UN KET DE BRUSSELLES : LE VISMET OU MARCHÉ AUX POISSONS Tu connais le parvis de l’église Sainte Catherine ? Mais oué c’est là ousque tu dégustes une assiette d’huitres avec un verre de Moselle en attendant que Bobonne finisse ses courses rue Antoine Dansaert. Voilà, tu y es ! Sur le côté de l’église, tu vois une grande esplanade que maintenant on appelle le Marché aux Poissons (le Vismet pour les intimes). Autrefois, il y avait là un morceau du canal (le Bassin des Marchands) qui faisait comme un port, avec des quais de chaque côté. Ils s’appellent toujours Quai aux Briques et Quai au Bois à Brûler. Un gros malin a un jour estimé que de l’eau à cet endroit-là ça ne servait à rien, que ça sentait mauvais et que de toute façon la Senne était quand même enterrée, et que Brusselles n’avait plus besoin de transport fluvial ; tu vois bien qu’il en avait des choses à dire, c’est pour ça que c’était un gros malin. Et c’était pas fini : d’après lui les Ânes de Schaerbeek s’occuperaient bien du canal de Willebroek au pont Van Praet et ça suffisait. Les Brusseleirs ils préféraient tousser dans la vapeur pétrolière des camions, ara ! Donc les deux quais et le canal rebouché ont fait une large esplanade dont on ne savait pas quoi faire, même pas le gros malin, mais il trouvait que c’était mieux quand même que cette eau croupie qui venait empester les braves marchands. Et puis des briques, on en trouvait des tas avenue du Port à Molenbeek et du bois à brûler on n’en avait plus besoin à cause du bon charbon de nos mines wallonnes. Tout était tof in den hof grâce à lui ! Grosse question : qu’est-ce que l’administration communale allait bien pouvoir foutre avec cet espace vide ? Alors on s’est mis à y vendre du poisson. On a construit un grand hall très XIXe siècle (qu’on s’est empressé de démolir en 1955). C’est bien, le poisson. Ça sent un peu aussi mais c’est différent. Tous les sept mètres tu trouvais un grossiste avec des soles, des carrelets, des boestrinks et autres anguilles, et des restaurants chicos pour la bourgeoisie. Homards, langoustes, huitres, fruits de mer, entrez Messieurs-Dames, c’est tout frais ! Et klett ! voilà l’endroit rebaptisé ! Le Marché au Poisson ! The place to be ! Mieux que l’Îlot Sacré, mieux que Manneken Pis : tu t’accoudes à une table rustique (une tige verticale avec un rond pas très propre au-dessus) avec une assiette de moules parquées et un verre de Chablis du Mont de l’Enclus non millésimé et tu regardes l’entrée de l’église. The foot, peï ! Tu te crois à Washington en compagnie de Donald. Car l’administration s’est retrouvée de nouveau avec un grand espace vide et inutile après la démolition intempestive des halles. Alors un gars inspiré par les Muses (un autre que le gros malin, rassure-toi) s’est levé dans la salle gothique de l’hôtel de ville et a lancé : « Pourquoi on ne ferait pas un bassin avec de l’eau ? » Approbation quasi unanime. La belle idée ! Déjà on imagine le Mall de Washington avec à un bout la statue de « Abraham » Anspach dans un énorme mausolée, et de l’autre le Capitole Sainte Catherine. Ne manquera que l’obélisque (ou monument à George – sans s) et la Maison Blanche sur la droite… Mais voilà, manque de budget, ou manque d’ambition, on a créé deux petits bassins, un à chaque bout, avec la fontaine Anspach en guise de mausolée d’un côté et les inscriptions « Défense d’uriner » sur la façade de l’église de l’autre côté. Ça rapporte tout de même un peu d’argent en fin d’année, lorsque l’administration loue des chalets de Noël à prix d’or lors de ces derniers marchés de notre siècle de vente sur Internet. The place to be ? Plus rien à voir là-bas en juillet, à part prendre un bain de pieds lors des canicules, mais pour ça, tu as aussi le parc du Cinquantenaire, dont je te parlerai la prochaine fois.


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.