
2 minute read
de architectura
from #7 Février 2020
« Le Justice Palace » de Richard Rogers et l’Idéal de Transparence : Un « Savoir-Fair » High-Tech au service du Peuple Bordelais
Si la ville de Bordeaux évoque tout aussi bien les couleurs du bleu comme du rouge pour les afficionados du ballon rond ou de verre (pour les fanatiques de grands crues raisinés), elles font de même écho pour les amateurs d’architecture contemporaine à celle d’un homme, l’anglais Richard Rogers, qui avec la construction du Tribunal de Grande Instance achevée en 1998, a donné à la justice française un nouveau visage.
Advertisement
Cet édifice institutionnel, symbole de la mutation de l’agence Rogers Stirck + Harbour opérée dans les années 90, vient en effet clore une série manifeste qui avait débuté avec la sortie de terre de la CEDH et du Parlement du Pays de Galles. Un bâtiment aux allures futuristes héritées d’Archigram qui marque tout d’abord par la finesse de son inscription dans un contexte urbain empreint de culture et d’histoire.
Implanté en plein centre historique, sur une parcelle anguleuse adossée aux vestiges des remparts médiévaux et de son bastion, le Palais de Justice fait s’entrechoquer avec harmonie le passé et le futur. Entre référence formaliste à la cathédrale gothique le jouxtant, alignement avec l’existant ancien par la remise en eau de certaines douves et intégration de l’édifice à la ville par la création d’une rampe publique, le Pritzker 2007 apporte une première réponse contextuelle notable.
Une inscription de même à la culture Girondine, moins perceptible de prime abord, qui se perpétue dans le choix des matériaux de constructions, des techniques locales employées ainsi que par la forme conique des salles d’audiences suspendues, qui n’est pas sans rappelée les « futs de vin des tonneliers ».
Mais c’est bien dans l’approche conceptuelle même de l’idéal de justice que l’architecte s’illustre. En créant une façade totalement vitrée qui parcoure tout le volume de cette immense squelette métallique High-Tech et en répartissant de manière égalitaire les espaces intérieurs et extérieurs de ce « Law Palace », Richard Rogers s’inscrit dans la même vision militante et radicale que son collègue de la Team 4 Sir Norman Foster (ndlr : Bundestag), d’une Justice totalement transparente et démocratique.
Enfin, comme pour affirmer toujours plus son avant-gardisme, le Palais de Justice de Bordeaux a été pensé comme un bâtiment régie par des principes bioclimatiques ou l’apport en lumière naturelle (quoique critiquable) et l’aération du bâtiment par des systèmes d’optimisation de l’isolation, de régulation de la température ambiante et autres flux d’échanges thermiques ont été conçues dans une optique d’autonomie énergétique du bâtiment. Pensé comme un bâtiment-phare venant connecter l’argentée Garonne a son centre historique, véritable témoin des réflexions de cette période pré-milléniale du rapport entre le peuple et sa vision de la justice, le TGI de Richard Rogers s’est affirmé, contre vent et critique, comme le nouveau socle fondateur de l’équité, de la représentativité et de la loi pour l’ensemble des habitants du « Port de la Lune ».
Vincent Richard du Perron