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Actualités artistiques
from #7 Février 2020
portrait - Marina Abramović
Lorsque l’on parle de performance d’art, on pense tout de suite à Marina Abramović la célèbre artiste serbe. Abramović a dédié sa vie à tester les frontières physiques et mentales de l’homme. Telle un peintre qui s’exprime avec son pinceau, elle repose une pratique basée sur l’usage de son corps. Avec son amant Ulay, ils réalisent de nombreux performances dont « Rest Energy », le couple met sa confiance à l’épreuve. Marina serre fermement un arc tandis qu’Ulay en tient la flèche dirigée vers son cœur. Des micros sont placés sur leurs cœurs et enregistrent l’accélération cardiaque et leur respirations irrégulière au fur et à mesure de la performance. A l’âge de 23 ans, l’artiste réalise sa performance “Rythme 0”. Figée dans une pièce où se trouve 72 objets placés sur une table, elle se livre entièrement au public pendant 6 eures. La seul consigne est que le public peut faire ce qu’il veut avec les objets sur le corps de Marina. Elle affirme par la suite a cette performance que son but était de montrer la vision des hommes sur les femmes. L’une de ses performance les plus connues et celle réalisé au MoMA (The Museum of Modern Art) à New York. Pendant 3 mois, plus précisément 736 heures, elle est assise sur une chaise au milieu d’une salle. À l’ouverture du musée, les visiteurs viennent un par un s’installer en face d’elle pendant quelques temps, sans échanger aucune parole . Elle ne s’attendait pas à que son ex compagnon Ulay qu’elle n’avait pas vu depuis 13 ans se présente devant elle. C’est grâce à ses performances iconiques que Marina Abramović est devenue l’une des plus grandes artistes de performances.
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Cem Karahan Aydin
oscars 2020 : la Corée du Sud à l’honneur
Dans la nuit du 9 février 2020 s’est déroulée dans l’enceinte du Dolby Theater de Los Angeles la 92ème cérémonie des Oscars, cérémonie la plus prestigieuse du cinéma américain et clôturant ainsi la saison des cérémonies de remise de prix. Et quelle saison ! En effet, l’année 2019 a été chargée en termes de sorties cinéma diverses et variées, et les films en compétition cette année témoignent de cette diversité. Que ça soit des films de réalisateurs reconnus et adulés comme Martin Scorsese avec “The Irishman” ou encore Quentin Tarantino avec “Once Upon a Time... in Hollywood”, ou des films de réalisateurs moins sur le devant de la scène comme Noah Baumbach (“Marriage Story”), Greta Gerwig (“Les Filles du docteur March”) ou encore Taika Waititi (“Jojo Rabbit”), cette année a été riche propositions cinématographiques variées. Mais, contre toute attente, c’est un film Sud-Coréen qui a été le grand vainqueur de cette soirée, remportant 4 statuettes dont celle du meilleur film et meilleur réalisateur : “Parasite” du très apprécié Bong Joon-Ho. Déjà plébiscité au Festival de Cannes en mai 2019, obtenant même la très convoitée Palme d’Or, ce film réussi l’exploit d’être le premier film non anglophone à obtenir l’oscar du meilleur film, en plus des de trois autres oscars, dont meilleur scénario original et meilleur film étranger, même si l’on aurait aimé voir Ladj Ly remporté ce prix pour le magistral “Les Misérables” en compétition pour ce prix. Cette succession de récompenses apparait comme une revanche pour le réalisateur dont le film précédent,“Okja”, avait fait polémique sur la Croisette en 2017 suite à sa sortie exclusive sur Netflix et non en salle. Le géant américain du streaming possède d’ailleurs les droits sur deux films nommés cette année, à savoir “Marriage Story” et “The Irishman”, et s’en sors même avec un oscar, à savoir celui de la meilleure actrice dans un second rôle remit à Laura Dern pour sa superbe perfomance dans “Marriage Story”, bien que l’on aurait apprécié voir Scarlett Johansson décroché enfin son premier Oscar pour sa performance remarquable dans “Jojo Rabbit”. Cela montre encore une fois que Netflix est définitivement en train de s’imposer comme un des géants du cinéma américain. Sans grande surprise, c’est bien évidemment Joaquin Phoenix qui remporta l’oscar du meilleur acteur pour sa prestation magistrale entant que Joker dans le film éponyme de Todd Phillips, film pourtant présenté comme grand favoris mais qui n’obtint finalement que deux statuettes, avec celle de meilleure musique, confirmant ainsi que l’académie décidément a du mal avec les films adaptés de comics. Un autre grand favori pour le titre de meilleur film était l’incroyable “1917” de Sam Mendes, film notamment remarqué pour son magnifique plan séquence. Malheureusement, le film ne remporta pas la prestigieuse distinction et se contenta des prix pour la meilleure photographie, le meilleur mixage son et, étonnamment, meilleurs effets spéciaux. Cette cérémonie nous a donc permis de voir que l’académie des oscars s’ouvrait de plus en plus à un autre genre de cinéma et non plus uniquement au cinéma étatsunien traditionnel, que ça soit en récompensant des films non-anglophone ou ne sortant pas des systèmes de distribution classiques. On peut donc peut-être espérer un jour voir un film français obtenir l’oscar du meilleur film, qui sait ?
Yoann Dogbe
exposition Faire corps - Adrien M & Claire B
Au programme une exposition d’un genre nouveau où musique et lumière interagissent avec les visiteurs. «Faire corp», à la Gaîté Lyrique jusqu’au 3 mai prochain nous plonge dans un monde enchanteur et numérique. A l'origine de cette exposition le collectif Adrien M & Claire B qui interroge depuis une dizaine d’années déjà les frontières entre corps, art et sciences. Afin d’être pleinement disponible pour cette expérience sensorielle il est demandé de retirer ses chaussures avant d’accéder à l’exposition. Une fois à l’intérieur, le temps semble s’être arrêté: les jeux de lumière et la musique procurent un grand sentiment d’apaisement. On se concentre sur ses mouvements sur ce qu’ils provoquent sur les oeuvres. En somme cette exposition ludique qui nous entraîne dans un univers insolite, on bouge, on écoute son corps et ça fait du bien! Beau et inspirant!
Raphaelle De Priester
tu mourras à 20 ans.
« A la mémoire des victimes de la révolution soudanaise », c’est ainsi que prend fin le « meilleur premier film », selon le Festival de Venise 2019, du réalisateur soudanais Amjad Abu Alala : « Tu mourras à 20 ans », 8 e film jamais produit au Soudan. Le nom du film nous titille ; « Tu mourras à 20 ans », comme une injonction moribonde qui corroborerait le fait qu’à 20 ans, on aurait déjà tout vu, tout vécu, et que la fleur de l’âge ferait mieux d’être cueillie que de commencer à faner. « Tu mourras à 20 ans » sera plutôt une injonction à la vie ! Amjad Abu Alala attire ainsi notre attention pour nous plonger dans le Soudan profond, terre des Nubiens oubliés, où la vie des villageois tourne autour d’un islam omniprésent, un islam des marabouts diseurs de superstitions et des récitateurs de Coran ensorcelantes ; une religion en phase avec le mode de vie simple du petit village dans lequel il nous emmène. C’est l’histoire de Muzamil qui, dès sa naissance, portera en lui la mort après que sa famille n’ait fait l’objet d’une malédiction de la part d’un savant religieux de la région. On nous conte alors le quotidien meurtri de sa petite famille qui devra vivre avec ce fardeau tout en nous mettant face aux nombreuses questions que suscite cette finalité à laquelle aucun n’échappera ; comment accepter la mort ? Comment vivre avec ? Comment vivre, tout simplement, quand on nous prédit notre mort à peine étant né ? C’est l’histoire de Muzamil, un homme mortné. Au fil du film, Amjad Abu Alala nous fait découvrir les relations de la religion à la mort, du péché à la mort et de la vie à la mort dans une sphère spirituelle teintée des couleurs chatoyantes des voiles des femmes soudanaises. Les images sont pures, lumineuses et calmes. La musique est sobre et puissante et s’entremêle aux chants traditionnels des femmes ainsi qu’aux récitations solennelles du Coran. Le réalisateur laisse le temps au temps sans nous faire oublier que ce dernier nous est compté, surtout si l’on croit que l’on mourra à vingt ans. Car tout, dans ce film, est une question de croyances, de superstitions et rites abscons qui peuvent ternir l’image d’une religion. Muzamil connaîtra certes la mort tout au long de ses vingt ans, mais il connaîtra surtout l’amour, la joie, la haine, la solitude, le travail et le cinéma sans jamais quitter son petit village. Un personnage principal enquis de courage qui fait écho à toute une jeunesse soudanaise révolutionnaire, qui n’avait plus peur de ses gourous, qui n’avait plus peur de la mort et qui a appris à l’apprivoiser. « Tu mourras à 20 ans » est une ode à la fougue, une ode à la vie et à l’envie de vivre pleinement dans un pays aussi vaste que le Soudan.
Aïmen LAIHEM