La poste. L'adaptation d'une entreprise publique face à la libération.

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LA POSTE L’ADAPTATON D’UNE ENTREPRISE PUBLIQUE FACE A LA LIBERATION Philippe Boïketé

Octobre

Editrice responsable : A. Poutrain – 13, Boulevard de l’Empereur – 1000 Bruxelles

2010


Introduction ............................................................................................ 2 A.

Quelques chiffres ........................................................................... 2

B.

Structure et actionnariat ................................................................ 3

C.

Le contrat de gestion ...................................................................... 4 1. L’ancien Contrat de Gestion ............................................................ 4 1. Les lignes directrices du 4ème Contrat de gestion ................... 6 2. En pratique ........................................................................ 6 2. Le nouveau Contrat de Gestion........................................................ 7 1. Contexte ............................................................................ 7 2. Principaux axes .................................................................. 7

D.

La révision du plan stratégique (2005-2010) ................................. 8

E.

Transposition de la 3ème directive postale .................................... 9 1. Grandes lignes .............................................................................. 9 2. Le secteur postal belge ................................................................. 10 3. Cadre réglementaire .................................................................... 10 1. Le service universel ........................................................... 11 2. Les licences ...................................................................... 12 3. Condition de travail ........................................................... 12

F.

Prochaine étape : Commission paritaire de branche ..................... 13

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Introduction Au cours de ces dernières années, La poste et le secteur postal dans son ensemble ont vécu de gros changement avec la libéralisation du secteur par la Commission européenne. Cette dernière sera complète au 31 décembre 2010. C’est tout d’abord la restructuration du réseau de bureaux de poste prévue par l’actuel contrat de gestion qui a soulevé un certain nombre de réactions tant chez les usagers qu’auprès des travailleurs de La Poste. Ces craintes ont notamment été relayées par les élus locaux. L’actualisation du Plan stratégique a également provoqué un mouvement de protestation chez les travailleurs de La Poste qui ont vu leurs conditions de travail se dégrader (Géoroute, livreurs de courriers, etc.). Plus récemment, la décision de la poste danoise de se retirer du capital de La Poste a suscité l’émoi chez les travailleurs de La Poste qui ont eu l’impression d’avoir consenti des sacrifices pour rien. La négociation du 5ème Contrat de gestion entre le Gouvernement fédéral et l’opérateur historique a également constitué une étape importante pour ce dernier. L’occasion de repréciser la nature et l’étendue de ses obligations et autres missions de services publics. Enfin, la transposition par une série de dispositions légales dans la législation belge de la troisième directive postale qui fixe le cadre réglementaire organisant la libéralisation totale du secteur postal a aussi été l’occasion de rappeler que le jeu de la concurrence ne pouvait avoir pour effet d’une part de remettre en cause le service universel et d’autre part, de détériorer la situation de l’ensemble des travailleurs postaux. Cette analyse retrace donc les principales étapes du processus de libéralisation du secteur postal tout en identifiant les balises permettant de maintenir les missions de service public.

A. Quelques chiffres Fin 2009, La Poste: comptait près de 34.180 collaborateurs (contre 35.313 en 2008) ce qui correspond à 29.618 équivalents temps plein (30.660 en 2008) pour 41 000 en 2002, 1 400 bâtiments, 6 100 véhicules et 10 800 personnes sur la route au quotidien ; 22 363 travailleurs statutaires (23 538 en 2008) et 11.817 contractuels (11 775 en 2008) ; Avec 2.250,1 millions de produits d’exploitation, les revenus ont légèrement baissé par rapport à 2008 (2.262,4 mio) ; 2,5% de la masse salariale est consacré à la formation du personnel ;

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L’EBITDA1 a progressé de 9,3%, de 313 à 342 millions entre 2008 et 2009 ; Comptait 1.400 points de vente dont 685 Points Poste ; c’est près de 12 millions d’envois (paquets et de lettres) traités et acheminés par jour ; c’est un cinquième Contrat de gestion de 321 mio (montant indexé) ; désert les 4,5 millions de foyers que compte notre pays ; 80% des revenus de l’entreprise proviennent du traitement du courrier ; Le revenu par ETP a progressé entre 2003 et 2009 de 48,7 milliers d’euros à 75 milliers d’euros ; Le taux de satisfaction des clients de La Poste est passé de 78 à 82% entre 2003 et 2009 ; Près de 80% des clients ont été servis en moins de 5 min en 2009 (77,3% en 2008) ; Le courrier distribué en J+1 est passé de 85% à plus de 93% entre 2005 et 2009 ; Plus de 96% de paquets distribués en J+1 ; Le taux d’absentéisme qui était sous la barre des 8% en 2008 est de presque 8,5 en 2009 ; 60.000 nouveaux comptes ouverts à la Banque de la Poste. L’e-shop a connu une augmentation de ses commandes (+32%) et son chiffre d’affaire (+33%).

B. Structure et actionnariat La Poste et le domaine distribution adressés et

ses filiales fournissent des services nationaux et internationaux dans du courrier, en ce compris l’enlèvement, le transport, le tri et la de courrier, d’imprimés, de journaux, ainsi que de documents non adressés.

Par le biais de ses filiales et de ses entités commerciales, La Poste propose également d’autres produits et services, parmi lesquels des produits postaux, bancaires et financiers, des services de livraison express, la gestion de documents et d’autres services apparentés. La Poste assume également des activités d’intérêt public2 pour le compte de l’Etat. Les actionnaires directs de La Poste S.A. sont : 24,14% à l’Etat belge ; 25,87% à la Société Fédérale de Participation et d’Investissement (SFPI, elle-même détenue par l’Etat belge) ; 1

L'EBITDA (Earning before interest tax depreciation and amortization) : il s'agit du profit avant déduction des charges financières, des impôts et taxes, des dotations aux amortissements et aux provisions (dépréciations...). L’EBITDA est considéré comme un très bon indicateur de rentabilité économique. 2

Missions de service public : distribution mensuelle des pensions et allocations sociales (130.000 en moyenne pour 2009) ; distribution de quotidiens avant 7h30 en semaine et 10h le samedi ; service « svp facteur » destiné aux personnes à mobilité réduite ; etc.

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50% moins une action au consortium Post Invest Europe (PIE) dont près de 100% des actions est détenu depuis le 13 juillet 2009 par C.V.C.Funds3 et 457 actions (0,1%) par les employés de La Poste dans le cadre de l’« Employee Stock Option Plan ». Avant d’être détenu à 100% par CVC, PIE était détenu à égalité par Post Danmark A/S et CVC. Conformément à ce qui était prévu dans le Pacte actionnarial, la Poste danoise a manifesté sa volonté de se retirer du capital de La Poste en revendant ses parts dans PIE à CVC4. Selon le pacte actionnarial passé entre les partenaires stratégiques (Post Danmark et CVC) et l’Etat belge, les actionnaires représentant directement ou indirectement au moins 20% du capital peuvent, à partir du 1er janvier 2009, se défaire de leur participation. Et à partir du 17 janvier 2011, le consortium pourra se défaire de sa participation en totalité. Mais cette opération est soumise à un accord préalable du Gouvernement. Le retrait de la Poste danoise a bien eu lieu, bien qu’ayant été dénoncée par les syndicats qui estimaient, à juste titre, que tous les efforts consentis (fermeture bureaux de poste, géoroute, etc.) jusqu’à présent par le personnel ont été demandés dans l’unique but de satisfaire certains actionnaires privés. C’est grâce à la réduction du service à la population, à la pression de plus en plus importante sur le personnel et à la réduction des garanties que des bénéfices substantiels ont été réalisés à destination d’actionnaires privés. Ainsi, la participation de la Poste danoise valait 150 millions au moment de son acquisition en 2005 et a été valorisée à 373 millions d’euros au moment de sa revente. En outre, cette participation a rapporté en termes de dividendes 10,6 millions d’euros en 2006 et 16,1 millions d’euros en 2007.

C. Le contrat de gestion Le Contrat de Gestion est un instrument qui permet à l'État de confier à La Poste un certain nombre de tâches spécifiques relevant du service public, tels que la poste aux lettres, les services financiers ou des missions d'intérêt général.

1. L’ancien Contrat de Gestion Le 4e contrat de gestion passé entre l’Etat fédéral et La Poste le 24 septembre 2005 court jusqu’au 23 septembre 2010. Ce contrat organise la modernisation progressive du réseau postal. Rappelons que la réorganisation du réseau de bureaux ne relève pas du débat sur le service universel. Le réseau de La Poste est en train de se transformer considérablement pour mieux faire face au défi de la libéralisation tout en préservant ses missions de 3

C.V.C. n’est pas un opérateur postal historique, c’est un fonds d’investissement britannique qui détient près de 49 entreprises, compte 376 000 travailleurs et présente un chiffre d’affaires de 48 milliards. Le métier de base de C.V.C. est d’acheter des entreprises (le plus souvent publiques), de les restructurer avant de les revendre en vue de maximiser ses profits. 4 Ce retrait est essentiellement motivé par la fusion des postes danoise et suédoise. Cette fusion serait facilitée si CVC se désengageait de Post Danmark en échange de la participation de celle-ci dans La Poste belge.

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service public. Cette transformation se caractérise par la fermeture de bureaux de poste et leur remplacement par des Points poste. Plus de 90% des activités courantes réalisées dans un Bureau de Poste devront être accessibles dans un Point Poste. Définition de quelques concepts Un « point de contact » est un lieu où l’usager peut trouver du personnel de La Poste (halte poste) ou un tiers (magasin postal) et l’assortiment de base pendant un nombre limité d’heures. Le tiers qui exploite le magasin postal est soit un partenaire privé (épicerie, pompe à essence, etc.) soit un partenaire public (commune). « Assortiment de base » : réception d’envois de courrier égrené et de colis postaux individuels faisant partie du service universel, à l’exception des envois avec valeur déclarée ; conservation et remise d’envois recommandés individuels et de colis postaux individuels faisant partie du service universel et pour lesquels un avis a été remis (présentation à domicile infructueuse) ; vente de timbres-poste ; acceptation de versements pour le compte de La Poste ou d’autres institutions financières, limités à 300 euros ; vente de timbres fiscaux et de timbres d’amendes ou la prestation de services offerte par La Poste dans le cadre d’un nouveau système prévoyant d’autres modalités de paiement. Un « bureau de poste » est un établissement exploité par La Poste qui propose à l’usager au moins l’assortiment de base de services ainsi que les quatre services suivants : la réception de versements en espèces destinés à créditer un compte courant postal ou un compte auprès d’une autre institution financière ; le retrait d’argent (cash) d’un compte propre au guichet ; le paiement des assignations ; la réception de bulletins de virement relatifs à des paiements à partir d’un compte propre. « Assortiment complet »: les services de l’assortiment de base ; l’exécution des opérations relatives au service bancaire de base ; le paiement des mandats-poste nationaux ; la comptabilisation des fonds et titres des amendes routières ; la vente, le remboursement, le remplacement et l’échange des permis de pêche ; la réception de versements en espèces sur un compte courant postal et l’exécution des opérations de paiement à partir de ce compte et sur celuici ; la réception de versements en espèces destinés à créditer un compte courant postal ou un compte auprès d’une autre institution financière.

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Dans son 4ème CG, la Poste avait garanti le maintien d’ici 2010 d’un réseau de 1.300 points de vente répartis en bureaux de poste et Points poste (grande surface, librairie, commerçant etc …). Fin 2009, La Poste comptait 1.400 points de vente dont 685 Points Poste. 1.

Les lignes directrices du 4ème Contrat de gestion

aucun bureau ne sera fermé tant que l’information et la concertation avec les communes concernées et l’ouverture concomitante d’un point poste n’auront eu lieu ; la Poste est libre d’organiser son réseau en tenant compte de la règle « au moins un bureau de poste par commune » ; pour chaque point de service postal offrant un assortiment de base, il existe un bureau de poste à assortiment complet à une distance maximale de 10 kilomètres par la route ; tout projet de modification qui entraînerait la suppression d’un point de service postal éloigné de plus de 5 kilomètres par rapport au point de service postal le plus proche devra faire l’objet d’une concertation entre l’autorité locale concernée et La Poste ; cette structure en étoile avec ce maillage de 5 km garantit aux citoyens une présence postale de proximité. 2.

En pratique

Si des centaines de Points Poste ont vu le jour depuis le lancement du plan, sur le terrain, on a constaté : la fermeture de nombreux bureaux de poste sans réelle concertation avec les communes concernées et sans ouverture préalable d’un Point Poste. La concertation entre La Poste et les communes reste insuffisante ; que lorsque, dans une même commune, La Poste a le choix entre plusieurs bureaux, elle opte pour la fermeture des bureaux qui se trouvent dans des quartiers densément peuplés et fragilisés (notamment à Bruxelles) ; que la gestion des Points poste par du personnel de La Poste constitue une rare exception, la gestion par du personnel du partenaire est plutôt la règle, avec une baisse de la qualité du service ; et pourtant, les derniers indices de satisfaction des clients des Points poste (+/-70%) sont très supérieurs à celui des bureaux de poste (+/50%). De ce dernier constat, il ne faut pas déduire que les points postes seraient, pour les clients, une solution plus satisfaisante que les bureaux de poste. La différence dans les taux de satisfaction s’explique par le fait que les points poste offrent moins de services que les bureaux. Ils drainent donc potentiellement moins de clients. Pour les opérations plus complexes, les clients doivent se rendre dans un bureau de poste. Mais comme on a réduit le nombre de bureaux de poste, les temps d’attentes y sont sensiblement plus longs, engendrant un taux de satisfaction extrêmement bas.

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2. Le nouveau Contrat de Gestion 1.

Contexte

Adopté en avril 2010, le 5ème Contrat de Gestion est entré en vigueur le 24 septembre 2010 pour une période de cinq ans (2015). Le précédent contrat organisait la modernisation de l’opérateur historique afin de le préparer à la libéralisation du secteur postal. Le nouveau Contrat de gestion sera celui du service de proximité et de la consolidation sociale face à la libéralisation du secteur postal. Il s’agira dans un premier temps de corriger les excès des changements intervenus sous le précédent Contrat et plus particulièrement le processus de réorganisation du réseau postal. Il s’agira ensuite de voir dans quelle mesure cette libéralisation peut amener l’Etat à redéfinir les missions de l’opérateur historique en renforçant, notamment, son rôle social. Avant de créer de nouvelles missions, La Poste doit améliorer ses services existants et en les pérennisant dans le contrat de gestion. Même si les Points poste semblent bénéficier d’une certaine satisfaction dans les enquêtes d’opinion, sur le terrain, les usagers des services qui ne sont pas disponibles dans les Points poste sont particulièrement mécontents. En témoignent les nombreuses files des bureaux de poste qui proposent une gamme de services plus large que les Points poste. Or il s’agit là pourtant d’un élément essentiel de la politique commerciale de l’entreprise. Ces différents éléments montrent combien il était important que la négociation de ce 5ème Contrat de Gestion se fasse en parallèle avec les discussions sur la transposition du cadre réglementaire. 2.

Principaux axes

Les principaux axes du 5ème Contrat de Gestion sont les suivants : le maintien des tâches de service public actuelles5 de La Poste (moyennant quelques adaptations, notamment en ce qui concerne les tarifs pour l’envoi de périodiques6) ; la confirmation de l’étendue du réseau prévue par l’accord d’actionnaires, à minimum 1.300 points de service postal, dont 650 7 bureaux de poste . Pour rappel, le précédent Contrat de Gestion prévoyait seulement un minimum d’un bureau dans chacune des 589 communes. De plus, une attention particulière sera portée à la garantie de la continuité du service lors de la substitution de points poste aux bureaux ; le maintien de la dotation à son montant actuel indexé de 321 millions d’euros (2009). L’absence d’augmentation de la dotation est due 5

Distribution de quotidiens, périodiques, imprimés électoraux et envois de la vie associative, versement en espèce aux guichets, paiement de pensions à domicile… 6 Le système tarifaire sera revu pour favoriser les envois pré-adressés par les éditeurs eux-mêmes. En effet, dans le système actuel, l’adressage des envois par La Poste, bien que plus coûteux bénéficie d’un tarif inférieur. 7 Il s’agit, en outre, d’une prolongation, puisque la clause de l’accord d’actionnaires expire fin juin 2012 et que le contrat de gestion courra jusqu’en 2015.

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au fait que La Poste a dégagé, ces dernières années, des marges à l’intérieur de son enveloppe de financement actuel. La dotation pourra donc désormais servir, à concurrence de ces marges, à couvrir une partie du déficit résultant de l’obligation du maintien de certains bureaux de poste ; le renforcement du rôle social du facteur : le contrat actuel ne définissait pas celui-ci, renvoyant à une « convention 8 d’approfondissement » qui n’a finalement jamais été conclue ; l’amélioration de l’accès des personnes handicapées aux bureaux de poste (la proportion de bureaux difficilement accessibles devra passer de 45 à 10 % avant l’expiration du contrat), en concertation avec les associations concernées. L’accessibilité dans les points poste sera également améliorée ; la fixation d’objectifs en matière environnementale (on se réfère ici aux prévisions de La Poste, qui compte réduire de 35 % ses émissions de CO2 d’ici à 2012) et de promotion de la diversité sur les lieux de travail. Ce 5ème Contrat de Gestion vient en quelque sorte atténuer les objectifs de rentabilité du Plan stratégique.

D. La révision du plan stratégique (2005-2010) En parallèle et pour consolider ce processus de modernisation, la Poste a adapté (octobre 2007) son plan stratégique pour commencer à anticiper les effets de la libéralisation totale des services postaux qui interviendra d’ici au 1er janvier 2011. Ce Plan stratégique reprend les objectifs que le management de La Poste se fixe avec ses actionnaires (privés et publics).Il fait partie intégrante du pacte actionnarial (cfr. supra). Il s’agit en quelque sorte de la stratégie pluriannuelle définie par la direction de l’entreprise et le Conseil d’administration en vue d’assurer l’avenir de l’entreprise. Ce plan est donc régulièrement revu et validé par le Conseil d’administration. La version actuelle est le Plan 2009-2010. Cette actualisation a été réalisée en septembre 2008, elle prévoit pour 2013 : une diminution du nombre de salariés à 27.000 équivalents temps plein (principalement via des départs volontaires et des départs à la pension, pas de licenciements secs) ; le remplacement d’au moins 6.000 facteurs par des « agents auxiliaires9 », salariés sous contrat de travail partiel qui assureront une partie de la distribution, notamment en heures creuses ; réorganisation du réseau de distribution pour passer de 500 plateformes à 150 ;

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Il est, à présent, proposé d’exploiter notamment les possibilités offertes par les terminaux mobiles et la carte d’identité électronique, par exemple dans le cadre de partenariats avec les autorités locales. Le maintien du système « SVP facteur » (passage sur demande) est aussi explicitement prévu. 9 Anciennement appelés « livreur de quartier », « facteur de quartiers », etc.

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l’achèvement de la transformation du réseau de points de contact (ou point de vente) pour atteindre 655 bureaux de poste et 730 points poste en 2013 ; la mise en œuvre de la troisième phase du plan « Georoute »10 ; l’adoption du dispositif MIR (statut et rémunération du travailleur postal) l’adoption d’un cadre réglementaire équitable pour la libéralisation du secteur postal (cfr.infra). Le changement d’actionnariat qu’a connu La Poste en 2009 avec le départ de Post Danmark n’a eu aucune répercussion sur le plan stratégique qui a été confirmé par les actionnaires.

E. Transposition de la 3ème directive postale 1. Grandes lignes La Belgique doit transposer pour le 1er janvier 2011, la troisième directive postale sur l’achèvement du marché intérieur des services postaux de la Communauté. Les deux grands axes de cette directive sont : la suppression du secteur réservé11 à l’opérateur historique pour financer le service universel ; maintien d’un service universel12 avec garantie de financement par l’Etat.

10 La troisième phase du dispositif « Georoute » est opérationnelle depuis 2009. Selon La Poste, ce processus d’optimalisation de la levée, du tri et de la distribution du courrier est censé rationaliser les tournées des facteurs. 11 Les envois de correspondance, le publipostage et le courrier transfrontalier entrant dont le prix est inférieur à 2.5 fois le tarif de base, pour autant que leur poids soit inférieur à 50 grammes.

12 Le service universel c’est une offre de services postaux de qualité déterminée fournis de manière permanente en tout point du territoire à des prix abordables pour tous les utilisateurs (la densité des points de contact et d’accès doit tenir compte des besoins des utilisateurs). En Belgique, toutes les communes du Royaume doivent être pourvues d’un point d’accès pour le dépôt des envois postaux.

Le SU doit être garanti au moins cinq jours ouvrables par semaine, sauf circonstances ou conditions géographiques jugées exceptionnelles, et pour qu’il comprenne au minimum : une levée ; et une distribution au domicile ou, par dérogation, dans des conditions déterminées par l’autorité réglementaire nationale, dans des installations appropriées (point contact). Le SU doit comprendre au minimum les prestations suivantes: la levée, le tri, le transport et la distribution des envois postaux jusqu’à 2 kilogrammes ; la levée, le tri, le transport et la distribution des colis postaux jusqu’à 10 kilogrammes ; la distribution des colis postaux reçus d’autres Etats Membres et pesant jusqu’à 20 kg ; les services relatifs aux envois recommandés et aux envois à valeur déclarée. La prestation du SU doit répondre aux exigences suivantes: offrir un service garantissant le respect des exigences essentielles ; offrir aux utilisateurs se trouvant dans des conditions comparables un service identique ; être disponible sans discrimination, sous quelque forme que ce soit, notamment pour des raisons d’ordre politique, religieux ou idéologique ; ne pas être interrompue ou arrêtée, sauf cas de force majeure ; évoluer en fonction de l’environnement technique, économique et social ainsi que des besoins des utilisateurs.

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Le Conseil des Ministres a adopté le 18 décembre 2008 une note du Ministre de l’Economie et de la simplification administrative qui organise la transposition de cette troisième directive. Selon la note, la libéralisation complète du marché postal est fixée au 31 décembre 2010. On a très vite constaté qu’aucun financement du service universel n’était possible par les concurrents de La Poste. Par conséquent l’Etat devait intervenir directement en instaurant le plus rapidement possible un cadre réglementaire qui permette de réduire la nécessité d’un financement externe du service universel en jouant sur des éléments comme la lutte contre l’ écrémage, la fréquence de distribution, l’accès au réseau ou le régime social des travailleurs postaux.

2. Le secteur postal belge Le secteur postal belge en quelques chiffres : 50% des activités de La Poste provient du secteur non réservé (envois supérieurs à 50 gr) ; Actuellement, le secteur réservé connait une diminution de ses volumes de 2% par an ; 600 entreprises employant pas moins de 44 000 travailleurs sont déjà actives dans le secteur postal belge ; 11 opérateurs ont déjà obtenu une licence individuelle de l’IBPT pour les services non réservés13 qui relèvent du service universel.

3. Cadre réglementaire Pour assurer la juste transposition de cette directive, la Belgique doit instaurer un cade réglementaire. La Poste et ses nouveaux concurrents doivent connaître le plus rapidement les conditions et les modalités de fonctionnement du secteur postal belge libéralisé. Tant La Poste que ses concurrents doivent pouvoir effectuer les adaptations et les investissements nécessaires pour être prêts lors de l’ouverture totale du marché. Avec cette ouverture, il y a un risque de voir les nouveaux impétrants marquer un intérêt prioritaire pour les secteurs rentables aux dépens du service au citoyen et de la distribution régulière sur tout le territoire (particulièrement dans les zones rurales). Les expériences étrangères malheureuses (Pays-Bas, Suède, Royaume Uni et Allemagne) ne sont pas de nature à rassurer le citoyen, l’opérateur historique et les travailleurs de ce dernier. La 3ème directive laisse donc aux Etats membres la possibilité d’adapter leurs législations et d’organiser au mieux les conditions de la transition vers un marché entièrement libéralisé. 13

Après le 1ER janvier 2011, il n’y aura plus de distinction entre services réservés et non réservés.

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En Belgique, les principes devant assurer cette adaptation ont été traduits dans un projet de loi qui a été déposé par le Gouvernement sur les bancs du Parlement le 22 septembre 2010 et adopté par la Chambre des Représentants le 18 novembre 2010. Ce texte et les dispositions réglementaires qui l’exécutent devraient entrer en vigueur avant le 31 décembre 2010. A défaut, des sanctions européennes ne sont pas à exclure. 1.

Le service universel

Les modalités de prestation du service universel : aucune modification n’est apportée à la portée du Service Universel Postal, cette portée reste conforme à la 3ème directive postale qui ne prévoit pas non plus une adaptation du Service Universel ; les Etats membres doivent procéder à la désignation du prestataire du service universel. En Belgique, le Gouvernement a proposé au Parlement de désigner La Poste comme prestataire unique à partir du 1er janvier 2011 et ce pour une période initiale de 8 ans. (ce qui correspond à l’amortissement des centres de tri). Les périodes ultérieures porteront sur une durée de 10 ans ; la directive européenne laissait aux Etats membres le choix entre plusieurs modes de financement : par les opérateurs (fonds de compensation14 ou principe de « pay or play »15), par des moyens publics ou encore une combinaison de ces deux moyens. Pour éviter les erreurs connues au moment de la libéralisation du secteur des télécoms16, le Gouvernement a proposé au Parlement que le coût du SU soit exclusivement supporté par l’Etat ; le coût du service universel17 sera calculé par l’Institut Belge des Postes et Télécommunication (IBPT) et l’intervention de l’Etat sera garantie en cas dépassement18. Le Gouvernement devra se montrer particulièrement vigilant à ce que le service universel ne devienne pas infinançable pour l’Etat. Si ce dernier devenait infinançable, le Gouvernement aurait alors la possibilité de soit renforcer les 14

Fonds de compensation : Dès lors que les obligations du SU font peser sur le prestataire universel du SU un coût net, il y a lieu de prévoir un dédommagement public de ce dernier par un partage des coûts entre prestataires et/ou utilisateurs, selon des modalités transparentes et par voie de cotisation via un fonds de compensation. 15 Pay or play : dans ce cas de figure, la marge bénéficiaire que les prestataires du service universel retirent d’activités ne relevant pas du service universel doit être affectée en tout ou en partie au financement du coût net du service universel. Selon ce principe, les nouveaux opérateurs choisissent soit d’assumer les obligations du service universel soit de compenser par le paiement d’un montant forfaitaire. Dans ce système, La Poste ne devrait pas payer dans la mesure où elle assurera le SU. 16 Plusieurs opérateurs télécom ont intenté des recours devant les tribunaux pour contester le montant de leur contribution au financement du SU de ce secteur. 17

Gouvernement a constaté qu’aucun financement du service universel par les concurrents de La Poste n’était réalisable en pratique. L’Etat devait donc intervenir seul, il avait une option : soit ne rien faire (concurrence non soumise à condition), ce qui l’aurait amené à devoir financer le service universel de manière importante (190 MEUR) ;

soit il instaurait un cadre réglementaire qui permette d’alléger son intervention dans le financement externe du service universel en jouant sur des éléments comme la lutte contre l’écrémage, la fréquence de distribution, l’accès au réseau ou le régime social des travailleurs postaux (29 MEUR).

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Ce coût constituera une « charge inéquitable » s’il dépasse3% du chiffre d’affaires que La Poste réalise dans ce segment. Ce qui équivaut, sur base des chiffres actuels, à environ 42 millions d’euros. Pour rappel, une étude KPMG avait évalué ce coût entre 0 et 29 millions d’euros.

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conditions d’exercice sur le marché postal, soit de demander aux autres opérateurs de participer au financement du service universel. 2.

Les licences

Il faut également modifier le système actuel d’octroi des licences pour permettre à la fois aux nouveaux impétrants de prester la totalité des services postaux (y compris ceux qui étaient jusqu’ici réservés à La Poste comme les envois adressés de moins e 50 gr) mais aussi éviter un écrémage du marché postal en raison de variations liées au contexte démographique, géographique, économique et sociologique de notre pays. Il faut en effet créer un environnement qui soit attractif à la fois pour les concurrents de La Poste et équitable pour celle-ci, dans la mesure où elle doit garantir un Service Universel durable à un prix abordable. Monopole courriers<50 gr : abrogation du monopole actuellement réservé à La Poste sur les envois de correspondance inférieurs à 50 grammes ; Couverture géographique : des conditions plus strictes doivent être mises en place pour que les nouveaux impétrants assurent une couverture géographique suffisamment importante et ne se limitent pas à desservir uniquement les zones les plus densément peuplées (lutte contre l’essaimage). Cette obligation sera réalisée graduellement19 ; Fréquence de distribution : Il faut tendre vers une uniformisation des fréquences de distribution. Les opérateurs impétrants devront, dans des délais précis qui suivent leur entrée sur le marché belge, distribuer le courrier avec une fréquence minimum de deux fois par semaine après 2 années d’activité ; Tarifs : obligation pour les nouveaux opérateurs d’appliquer un tarif uniforme par client sur l’ensemble du territoire sujet à l’obligation de couverture. Les nouveaux opérateurs peuvent toutefois utiliser un tarif différencié en fonction du type de services ; Non respect des conditions de licences : En cas de non respect de la couverture géographique minimum et de la fréquence de distribution, une pénalité exprimée en pourcentage du chiffre d’affaires sera appliquée aux titulaires de licences ; Renforcement du régulateur : Dans la mesure où l’application des critères précités devra faire l’objet d’un contrôle par un régulateur, le Gouvernement veut renforcer les pouvoir de l’IBPT afin que ce dernier dispose de moyens humains et juridiques pour assurer le bon fonctionnement du marché postal. L’IBPT pourra notamment imposer des amendes aux entreprises qui ne respectent pas leurs engagements. 3.

Condition de travail

L’expérience étrangère montre que la libéralisation du secteur postal entraînait un certain nombre de dérives en termes de protection sociale (utilisation de

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Obligation de couverture territoriale de 80% des trois régions après 5 ans selon la progressivité suivante : année 1 : 10% année 2 : 20% année 3 : 40% année 4 : 60% année 5 : 80%

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personnel indépendant, altération des conditions de travail chez l’opérateur historique). Si certains partis membres de la majorité fédérale ont tenté d’autoriser le recours à des travailleurs indépendants, il a finalement été décidé que les opérateurs postaux seraient tenus de recourir à des travailleurs salariés. Afin de garantir des conditions sociales égales, toute personne employée pour la levée aux points d’accès, le tri ou la distribution d’envois de correspondance adressés est supposée être employée de manière irréfragable dans les liens d’un contrat de travail. Aucun opérateur ne pourra avoir recours à des travailleurs indépendants. Il était en effet essentiel d’assurer que les personnes occupées à ces tâches bénéficient d’un statut de travailleur salarié. Ces personnes devront désormais être occupées dans les liens d’un contrat de travail vis-à-vis de l’opérateur postal ou de ses sous-traitants. Cette règle ne s’applique pas pour ce qui est de l’acheminement (transport) du courrier adressé. En effet, pour ces derniers, les opérateurs postaux pourront soit prester ces activités eux-mêmes, soit externaliser ces activités à des travailleurs indépendants ou à des sociétés20. L’opposition à des modes d’organisation du travail précaires (intérimaires, soustraitant, indépendants, etc.), de même que le fait de privilégier des contrats de qualité tant pour les travailleurs de La Poste que pour l’ensemble des travailleurs du secteur postal doit rester un des fondamentaux des réformes en cours.

F. Prochaine étape : Commission paritaire de branche La prochaine étape du combat pour les travailleurs postaux sera la mise en place d’une Commission paritaire de branche spécifique au secteur postal. Le Gouvernement a pourtant abordé cette question. Mais il a préféré soumettre ce point à une discussion préalable en groupe de travail. La libéralisation du secteur postal amènera d’autres entreprises à proposer leurs services dans ce secteur. Il faut permettre aux travailleurs de ces entreprises de bénéficier d’une protection sociale semblable à celle des travailleurs de l’opérateur historique. L’idéal serait de mettre en place un statut unique du travailleur postal qui assurerait un degré suffisant de protection. Il y a actuellement plus de 34.000 personnes qui travaillent à La Poste et 44.000 personnes employées dans les 600 entreprises que compte actuellement le secteur postal. 20

A titre informatif, l’emploi à La Poste est actuellement réparti comme suit : collecte et distribution : 20 000 ETP ; acheminement (transport) : 900 ETP ; tri : 2800 ETP.

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Il faut désormais soutenir la mise en place d’un tel organe de concertation sociale. Il faut tout mettre en œuvre pour obtenir un alignement par le haut des conditions de travail et du statut social. Il faut éviter que les travailleurs de l’opérateur historique connaissent une diminution de leur protection sociale.

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