Amitiés dom inic a ine s
Des raisons d’espérer Lettre de la province de France
97 Hiver 2023 - 2024
SOMM A I R E
Introduction par le frère Yves Habert, o.p.
Dossier : le s E s ti v a l e s , r e nc on t r e des laïcs domi ni c a i ns à Ly on Une rencontre sur le thème de l’Espérance par le frère Jean-Étienne Long, o.p.
Le témoignage d'une participante par Véronique, laïque dominicaine
Synthèses des conférences Les Fraternités laïques dominicaines • La Bible dans une main, le journal dans l’autre par Jean-René Berthelemy, laïc dominicain
• Assistant religieux d’une fraternité laïque dans l’Ordre des Prêcheurs par le frère Patrick-Dominique Linck, o.p.
Album photos : s ’ e nga ge r à la suite d e s a i nt D omi ni que Les dominicains font l’histoire en Finlande avec la profession d’un frère Dimanche 3 septembre : professions solennelles à Lyon Samedi 9 septembre : professions simples à Strasbourg Dimanche 29 octobre : ordination diaconale à Lyon
L’ÉDITORIA L
CONSOLEZ, CONSOLEZ
« Consolez, consolez mon peuple »… Nous allons entendre cette supplication poignante et magnifique, issue du livre d’Isaïe, dans les jours qui viennent. Le temps de l’Avent, temps de l’Espérance, comme le rappelle le frère Yves Habert, rédacteur en chef d’Amitiés Dominicaines, dans son propre éditorial, est aussi le temps de la consolation. Car à la soif d’être relevé, pardonné, guéri, aimé, sauvé, répond le bruit des pas du Seigneur qui vient nous visiter. C’est dans ce bruit, pour l’heure léger, que nous nous tenons, dans cette écoute de la consolation qui approche que nous avançons. L’Espérance de la consolation est peut-être, d’ailleurs, notre première consolation ? Les pages de ce numéro d’Amitiés dominicaines rendent compte d’événements heureux vécus au sein de notre Ordre ces dernières semaines, chez les frères, ou au sein des fraternités laïques dominicaines. Des moments de joie qui évoquent une joie toute imprenable : celle de ceux qui accourront bientôt à la crèche de Bethléem pour y accueillir l’Emmanuel. Qu’il nourrisse en nous sans cesse l’Espérance, celui qui est lui-même le Sauveur que nous espérons. Qu’il vienne consoler son peuple qui l’espère. « Viens Seigneur, ne tarde plus ! » Beau temps de l’Avent à tous, et belle fête de la Nativité !
Frère Nicolas Tixier, o.p. Provincial de la province de France 3
I N TR OD U C TI ON
Frère Yves Habert, o.p. du couvent du Saint-Nom-de-Jésus à Lyon
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Nous avons tous, et de façon urgente, soif d’espérance. Ce besoin se décline à tous les niveaux : nous-mêmes, nos familles, notre pays, notre Église, notre monde. Nous sommes traversés par des difficultés, des conflits et, parfois même, des situations tragiques. Et l’espérance ne se paye pas de mots. Confrontés à des situations graves, nous en avons fait l’expérience. Les paroles comme « Demain, ça ira mieux ! » ou « Patience, ce n’est qu’un mauvais passage ! » ne peuvent répondre à une aspiration profonde du cœur humain et de nos sociétés. Au fond, nous désirons la paix. Le temps de l’Avent, dans lequel nous sommes, est celui de l’Espérance. Il est frappant de constater que le temps de la liturgie de l’Église commence par le désir d’une naissance. Portés par les patriarches, les prophètes jusqu’à Jean et la Vierge Marie nous désirons la naissance du Sauveur, de l’Espérance faite chair. Le choix éditorial de ce numéro accorde la part belle à la rencontre des fraternités laïques dominicaines à Lyon fin août. Ces Estivales étaient centrées sur l’Espérance et, portées par ce rassemblement, les fraternités se sont réunies pour vous la transmettre. Enfin, comme un troisième signe, les photos des professions simples et solennelles puis de l’ordination diaconale nous montrent des jeunes qui engagent leurs vies entières. En réalisant ce numéro, nous avons voulu vous donner des raisons d’espérer.
LES ESTIVALES
RENCONTRE DES LAÏCS DOMINICAINS À LYON
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UNE RENCONTRE SUR LE THÈME DE L’ESPÉRANCE Oui, l’espérance ne déçoit pas, seul l’espoir déçoit. Le problème, c’est que trop souvent, en bons humains que nous sommes, nous confondons l’espérance qui vient de Dieu avec l’espoir qui vient des hommes. Cette confusion est très ancienne et très naturelle. Il est naturel et indispensable d’avoir de l’espoir pour entreprendre et vivre le présent avec responsabilité. Il est certain aussi que la foi en Dieu conduit d’abord à un espoir très terrestre, qu’il s’agisse de la terre promise, ou du rétablissement de la royauté en Israël. C’est précisément cet espoir des disciples de Jésus qui a été déçu, et ce n’est qu’en y renonçant totalement qu’ils ont pu entrer dans la logique de l’espérance et du Royaume. Bien souvent, les disciples d’aujourd’hui doivent prendre ce chemin de renoncer à ces espoirs de lendemains qui chantent, renoncer à changer le monde, par l’humanisme, le socialisme, le communisme ou d’autres idéologies inefficaces, et pour cette raison même, pouvant devenir très violentes. À trop vouloir changer le monde, on devient vite un meurtrier. 6
LES ESTIVALES Renoncer donc à changer le monde, ne pas confondre foi chrétienne et régime de chrétienté, oui, cela peut être dit comme ça aussi, et entrer dans l’espérance qui ne déçoit pas. L’espérance ne déçoit pas, car elle n’est justement pas l’espoir que tout ira bien, sur le plan terrestre. L’espérance demeure, voire elle commence, quand ça va mal, parce qu’elle est foi en la présence de Dieu à notre histoire, en la présence de l'Esprit en toute épreuve, assurance de la victoire finale en Jésus Christ, et pas seulement de la victoire de la fin des temps, mais d’un point de vue spirituel, dans le temps, dès maintenant. Sur la Croix même, l’amour du Christ l’a emporté sur la mort et sur la haine. Toute la prédication de Jésus sur le Royaume de Dieu arrivé jusqu’à nous pointe vers cette présence à déceler, à apercevoir, à accueillir, au fur et à mesure du temps qui passe. Non pas changer le Carême dans la ville. monde, mais changer mon regard, voir le Royaume non dans la splendeur des pierres du Temple, mais dans la pauvre veuve qui donne tout ce qu’elle a ; voir le Royaume et sa joie spécifique, chez les pauvres en esprit, les doux, les miséricordieux, les assoiffés de justice, les artisans de paix, et les persécutés ! Et le vivre, être le bon samaritain, se faire le prochain. Les épreuves qui s’accumulent sur nos routes ou qui frappent davantage en certains temps, soit personnellement, soit collectivement, peuvent bien constituer des motifs de désespérer, au sens de perdre tout espoir humain, mais elles sont les occasions même d’entrer en vérité dans l’espérance, d’espérer contre tout espoir, c’est-à-dire d’entrer dans la logique du Royaume, de chercher d’abord la justice du Royaume, de maintenir sa vigilance, de réveiller sa foi et son amour. Quoiqu’il arrive, si je vis par le Christ, avec le Christ, dans le Christ, je ne manque de rien et j’ai bien atteint déjà l’objet de mon espérance, le Seigneur lui-même, et lui seul.
Frère Jean-Etienne Long, o.p., assistant religieux provincial des fraternités laïques, du couvent de Sainte-Marie, La Tourette, Eveux. 7
LE TÉMOIGNAGE D'UNE PARTICIPANTE
L’invitation à passer trois jours à Lyon, fin août, avec des membres des fraternités laïques dominicaines pour associer prière, conférences et rencontres est un programme totalement dominicain très tentant. La perspective d’un week-end un peu étiré avant la véritable reprise de la rentrée ne fait qu’ajouter à la décision de s’inscrire à ces « Estivales dominicaines ». La ville de Lyon est encore écrasée par cette canicule qui sévit depuis quelques jours quand nous arrivons au Centre Jean Bosco, près de la Basilique Notre-Damede-Fourvière. Par son ouverture, ce lieu salésien pourrait être dominicain. Le centre a bénéficié d’une rénovation très réussie pour accueillir des groupes ou des touristes, travail et repos mêlés ainsi que la prière avec une chapelle située à l’exact carrefour de la salle commune et de l’amphithéâtre, heureusement climatisé, où nous allons bénéficier de la conférence de Fabien Revol sur l’écologie. Comment, malgré l’effondrement qui vient ou qui est déjà là, ne pas confondre espoir et espérance et nous tourner vers notre source et nos ressources afin de résister. Le frère Ceslas Bourdin nous interroge : La démocratie a-t-elle besoin de la nation ? On se prend à regretter qu’il ne soit pas davantage invité dans les médias. Le frère Pascal Marin démythifie l’intelligence artificielle et le discours ambiant : ...Il s’agit d’un matérialisme intégral, qui tient que la réalité est entièrement calculable et reproductible artificiellement. 8
LES ESTIVALES Interrogeons notre foi, notre histoire et notre tradition dominicaine : nous avons les ressources pour ne pas céder à la désespérance. Ce sont ces mêmes ressources que le frère Jean-Étienne Long et Jean-René Berthelemy nous inviteront à retrouver en nous appuyant plus que jamais sur les trois piliers de la vie dominicaine : la prière, l’étude et la vie fraternelle. Après l’étude, nous avons pu goûter la saveur de la prière et de la vie fraternelle : les offices chantés ensemble dans la chapelle, grâce à Christine Trotignon ; les repas où, au hasard des placements, chacun a pu faire connaissance avec les membres des autres fraternités et se donner des nouvelles comme on le fait dans une famille. En point d’orgue, nous avons passé la soirée du samedi, vêpres et dîner, avec les frères du Couvent du Saint-Nom-deJésus, comme une joyeuse cousinade ! Pour terminer, je n’oublie pas les visites de la Basilique de Fourvière avec Catherine Jacquin, de la maison de Pauline Jaricot avec Catherine Masson et la découverte de Lyon au hasard des déambulations. En fin de journée, il ne fallait pas manquer le dernier funiculaire sous peine d’être obligés de rentrer à pied. Bref, ces Estivales eurent un petit goût de vacances prolongées qui donnent qu’une envie : y revenir !
Véronique, laïque dominicaine 9
SYNTHÈSES DES CONFÉRENCES
L’espérance face à la question de la crise démocratique, « La démocratie a-t-elle besoin de la nation ? » La question posée et le propos, en synthèse Qu’il s’agisse de la démocratie ou de la nation, voici deux concepts particulièrement malmenés dans notre siècle, soit qu’ils se retrouvent vidés de leur sens, soit que l’accaparement des mots par quelques-uns, sonne comme une prise d’otage d’un sens toujours plus grand que ce à quoi nous voudrions les réduire. Et nous voici souvent empêchés de poser des débats nécessaires, éclairés et adultes. Le propos de Bernard Bourdin, fut ainsi de questionner pourquoi et comment le lien entre démocratie et nation doit se faire et non se taire. En dressant une généalogie de ce lien, en particulier dans l’histoire européenne, et en analysant ce mouvement d’émancipation de l’homme, il a pu d’autant mieux interroger et appréhender la phase du discrédit moral traversée par les démocraties occidentales, pour la mettre en perspective avec le sens que nous donnons à notre « affectio societatis », aux principes de la nation. L’étude historique tend en effet à démontrer que l’établissement de la nation est 10
LES ESTIVALES la condition nécessaire à l’avènement de la démocratie moderne. Autrement dit, la démocratie a besoin de la nation pour se déployer et se maintenir.
Matière à réflexion, quelques ouvertures en partage Dans le contexte que nous connaissons, le christianisme offre de précieuses ressources spirituelles et théologiques face à l’humanisme universel abstrait et totalisant. Par l’unité en Christ, né, mort et ressuscité, les chrétiens peuvent déployer depuis plus de 2000 ans une théologie de l’universel incarné où la vulnérabilité et la singularité de chacun sont reconnues. Le christianisme rend possible à l’homme de développer une pensée et un système politiques qui permet son émancipation. Par la miséricorde et la possibilité du pardon, le christianisme permet de désigner le mal, de débattre dans le respect de l’autre et d’envisager le futur ensemble.
Frère Ceslas Bourdin, o.p. est professeur des Universités à l’Institut catholique de Paris. Il a récemment publié Le chrétien peut-il aussi être citoyen ? aux Éditions du Cerf.
Numérique, Intelligence artificielle, Transhumanisme
La question posée et le propos, en synthèse
Un drôle de discours envahit aujourd'hui la culture au sujet du développement des technologies numériques. Sous le nom d'intelligence artificielle, des propos aussi alarmistes que fascinants nous annoncent l'imminence d'une perte de contrôle de l'humain. Échappées des laboratoires de la technique avancée, des intelligences surpuissantes mettraient en péril notre fragile 11
LES ESTIVALES 2023
Frère Pascal Marin, o.p. du couvent de SainteMarie, La Tourette, d’Eveux est professeur de philosophie à l’Université Catholique de Lyon. Il a récemment publié Penser l'âme au temps de son éclipse, les ressources de l’anthropologie chrétienne, de Laurence Mellerin et Pascal Marin, dans la Collection Cerf Patrimoines.
humanité. Mais ce discours n'est-il pas un chiffon rouge destiné à détourner l'attention des visées de pouvoir et d'argent du développement technologique ? Et a-t-il plus de fond que les fake news, qui prospèrent à l'âge de la post-vérité numérique ? Le soupçon est légitime et la confrontation de la pensée humaine et de l'intelligence artificielle conduit à regarder d'un autre œil, non plus dépréciatif mais admiratif, notre condition vulnérable, matrice de la pensée humaine et de ses créations. Ainsi la visée du propos de Fr. Pascal Marin o.p., est de considérer l’intelligence artificielle, non pas seulement comme un ensemble de technologies numériques, aussi puissantes dans leurs usages qu'aux conséquences souvent problématiques, mais aussi comme une vision de la vie, sorte de philosophie, qui rejoint les idées du transhumanisme. Le transhumanisme constitue une nébuleuse de conceptions, qui convergent dans le projet d'une libération des malheurs du corps vulnérable et de la mort, dans un salut par la technique. D'où le fait que ce discours puisse séduire au sein d'une culture sortie de la religion, et de plus en plus inquiète et désenchantée sur l'avenir de l'humanité.
Matière à réflexion, quelques ouvertures en partage Cela nous aide aussi progressivement à comprendre comment le transhumanisme, s’appuyant sur le concept d’homme machine, traite la question de l’angoisse existentielle et de la souffrance, et vise à libérer l’homme de sa corporéité. Il est désir d’homme sans corps, par mépris du corps, dans une espérance d’immortalité qui séparerait corps et esprit. Nous voyons alors bien comment être chrétien, religion de l’incarnation, nous exhorte à tenir ensemble le corps et l’esprit, dans un égal et intégral respect. C’est notre main associée à notre conscience qui nous ouvre à une « techné » émancipatrice. Notre finitude à l’origine constitue notre humanité et stimule une créativité mue par l’espérance en la vie éternelle en Dieu, dans un corps unifié et glorifié.
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FRATERNITÉS LAÏQUES DOMINICAINES
LA BIBLE DANS UNE MAIN, LE JOURNAL DANS L’AUTRE L’Ordre dominicain, l’Ordre des Prêcheurs, compte trois branches : frères, sœurs, et… laïcs. En effet, depuis les tout débuts de l’Ordre, au xiiie siècle, des laïcs, hommes et femmes, ont souhaité marcher à la suite de saint Dominique et prendre leur part dans la mission de l’Ordre. Ainsi, aujourd’hui encore, un peu partout dans le monde, des hommes et des femmes s’engagent, pour toute leur vie, à la suite de saint Dominique ; cet engagement est reçu par le Maître de l’Ordre et se vit très concrètement au sein de Fraternités qui se construisent sur trois piliers : la prière, la vie fraternelle, l’étude. Prière quotidienne des offices de l’Église, fréquentation des sacrements, étude de la Parole de Dieu, de la foi de l’Église, de la Tradition dominicaine, étude des questions qui agitent le monde d’aujourd’hui, rencontres régulières souvent accompagnées d’un repas, ainsi va la vie d’une fraternité laïque dominicaine : la Bible dans une main, le journal dans l’autre. 13
LES FRATERNITÉS LAÏQUES DOMINICAINES
Rencontre Carême dans la Ville.
Les laïcs dominicains obéissent à une règle – la même pour toutes les fraternités du monde – ainsi qu’à un directoire qui permet une mise en œuvre de la règle dans une Province, directoire voté par un « chapitre » provincial qui se réunit tous les quatre ans. Les laïcs dominicains ne sont donc pas d’abord destinataires de la prédication de l’Ordre, ils en sont des acteurs à part entière. En effet, leur vie fraternelle, leur prière – à la fois personnelle et partagée – et leurs travaux d’étude, trouvent leur sens et leur épanouissement dans la prédication. Prêcher, c’est annoncer Jésus Christ, y compris en découvrant sans cesse que l’Esprit de Dieu travaille le cœur de tout homme, y compris de celui qui ne dit pas « Je crois en Dieu ». Prêcher, c’est se laisser guider par l’Esprit, soutenu par la prière, l’étude, la vie fraternelle, qui sont nourriture pour la route, et rendent compétents. Prêcher c’est comprendre les hommes de notre temps et le monde dans lequel nous vivons tous : comprendre ses joies et ses peines, analyser les mouvements profonds qui l’agitent. Et l’aimer ! De toute façon, il n’y en a pas d’autre… Dominique et ses frères ont compris les enjeux de l’urbanisation, le besoin de « savoir » des hommes et des femmes de leur temps… Nous pouvons nous sentir quelquefois étrangers dans ce monde… Mais c’est dans celui-là que nous sommes envoyés. Prêcher c’est accepter d’entrer en débat, en disputatio, être capables de rendre compte de notre foi et des convictions qu’elle nourrit en nous. Les laïcs dominicains s’inscrivent pleinement dans la vision et la tradition de l’Église catholique : Lumen Gentium, un des grands textes du concile Vatican II, rappelle que « La vocation propre des laïcs consiste à chercher le règne de Dieu 14
LES FRATERNITÉS LAÏQUES DOMINICAINES
précisément à travers la gérance des choses temporelles qu'ils ordonnent selon Dieu. Ils vivent au milieu du siècle, c'est-à-dire engagés dans les divers devoirs et ouvrages du monde, dans les conditions ordinaires de la vie familiale et sociale, dont leur existence est comme tissée. A cette place, ils sont appelés par Dieu pour travailler comme du dedans à la sanctification du monde, à la façon d'un ferment, en exerçant leurs propres charges sous la conduite de l'esprit Évangélique. » Fidèles à la tradition dominicaine, les laïcs dominicains vivent leur engagement dans une grande liberté et une grande variété : dans des aumôneries d’hôpitaux ou de prisons, dans leur vie professionnelle, dans des activités paroissiales ou diocésaines, en contribuant aux programmes des couvents dominicains auxquels ils sont rattachés, en organisant des manifestations culturelles en lien avec l’annonce de la Bonne Nouvelle… Dans une société française très déchristianisée, marquée par une postmodernité qui isole, déracine, déconstruit, mais qui recèle aussi de vraies ressources de solidarité et de générosité, les laïcs dominicains tentent de vivre la conversation avec le monde qui est appel de Dieu et signe de l’Église. Ils annoncent Jésus-Christ en même temps qu’ils Le reçoivent dans ce monde où ils sont envoyés. Ils nourrissent leur travail d’étude par la prière et la vie fraternelle. Ils sont plutôt des chevaux légers qu’une cavalerie lourde. La Bible dans une main et le journal dans l’autre !
Jean-René BERTHELEMY, laïc dominicain Responsable des Fraternités laïques dominicaines de la Province de France 15
ASSISTANT RELIGIEUX D’UNE FRATERNITÉ LAÏQUE DANS L’ORDRE DES PRÊCHEURS Jeune frère au couvent de Lille, je pouvais croiser à l’occasion d’un repas des groupes de laïcs qui se réunissaient au couvent, autour d’un frère, puis disparaissaient sans laisser de trace, si ce n’est celle de leur vaisselle ! Réalité un peu mystérieuse et pas très attirante pour le jeune frère que j’étais.
Seule présence de l’Ordre au Danemark J’ai fait mes premières armes comme assistant d’une fraternité laïque dominicaine à Copenhague, au Danemark, dans les années quatre-vingt-dix. J’étais alors assigné en Suède au couvent de Lund. Après le décès du dernier frère français présent au Danemark j’ai pris le relais de la dernière fraternité laïque du pays. Une fraternité menée par Conny P., un « petit bout » de femme, très âgée, mais encore très active. Cette fraternité laïque était la dernière présence de l’Ordre dans ce pays où il n’y avait plus ni frère ni sœur. Ce petit groupe de Danois représentait donc l’Ordre dans ce pays. Il y avait aussi un nombre assez important de laïcs dominicains vietnamiens émigrés au Danemark, mais avec qui le dialogue, du fait de la langue, était difficile. Élément notable, ces laïcs avaient pleinement conscience de représenter l’Ordre et y menaient la vie dominicaine avec toutes ses composantes : prière, étude avec une dimension communautaire dans le but d’annoncer la Parole de Dieu. Par la suite, aux cours de mes différentes assignations, j’ai toujours été assistant de fraternités laïques dominicaines à Copenhague, Lund, Strasbourg et 16
LES FRATERNITÉS LAÏQUES DOMINICAINES Nancy. Finalement, cela représente environ une trentaine d’années au service des fraternités laïques dominicaines.
Quelques réflexions à partir de mon expérience D’abord, permettez-moi de dire ce que n’est pas une fraternité laïque dominicaine. Ce n’est pas un groupe de réflexion où l’on écoute religieusement l’enseignement du Père dominicain omniscient. Ce n’est pas non plus un club sélect ou l’on se retrouve entresoi ; pas davantage un groupe de copains sympathiques même si, en général, les membres des fraternités sont bienveillants et qu’il n’y est pas interdit d’y nouer des amitiés. Les fraternités laïques dominicaines sont une des branches de l’Ordre des Prêcheurs au même titre que les sœurs et les frères. Par leur engagement devant le Maître de l’Ordre, les laïcs sont incorporés à l’Ordre des Prêcheurs. L’engagement leur confère des droits mais aussi des devoirs. Les membres des fraternités se sont engagés publiquement à prêcher la Parole de Dieu dans le monde, dans leur condition de laïcs. Cette mission a ses exigences : une vie de prière plus développée (la prière des heures en partie), une vie ecclésiale active (pratique des sacrements) et une vie d’étude pour comprendre et pouvoir entrer en dialogue avec les hommes et les femmes de notre temps. Ce n’est pas un engagement au rabais. C’est pourquoi ils doivent assumer les exigences de leur vocation à leur niveau et en fonction de leur état. Il n’est pas question d’en faire des religieux ou des professeurs d’université. Ils ont leur famille, enfants et petits-enfants, leurs amis, leur travail, mais l’engagement qu’ils ont pris dans l’Ordre doit aussi être vécu avec sérieux. Sans cela cet engagement risque bien de devenir une sorte de « médaille du mérite », 17
LES FRATERNITÉS LAÏQUES DOMINICAINES
une simple croix dominicaine qu’on porte au revers du veston sans que cela ne fasse de celui qui s’est engagé un laïc épris du salut des hommes.
Une fraternité à Nancy Une fraternité laïque dominicaine est une chance pour la ville où elle se trouve et pour le couvent s’il y en a un à proximité. Nous faisons à Nancy, l’expérience d’une collaboration féconde intellectuellement et spirituellement avec les fraternités laïques dominicaines et les sœurs apostoliques. Cette collaboration donne une plus grande visibilité et un plus grand dynamisme aux différentes branches de l’Ordre dans le diocèse. Des réflexions sont menées en commun, des conférences abordant différents sujets sont données au couvent, des articles sont rédigés sur des questions de notre société. Frères, sœurs et laïcs essayent ensemble de lire les signes des temps afin de réfléchir aux questions des hommes de notre temps. Chaque branche de l’Ordre, dans une belle collaboration, participe à l’annonce de la Parole de Dieu sous toutes ses formes.
Frère Patrick-Dominique Linck, o.p. du couvent de Sainte-Marie-du-Chêne de Nancy 18
ALBUM PHOTOS S’ENGAGER À LA SUITE DE SAINT DOMINIQUE
LES DOMINICAINS FONT AVEC LA PROFESSION
Le dimanche 27 août 2023, dans la cathédrale d’Helsinki, le frère Gregorius Pehrman a fait profession solennelle dans l’Ordre comme frère coopérateur. Pour la famille dominicaine, dont les frères ont eu un rôle central dans l’évangélisation du pays au xiiie siècle, l’évè nement avait un caractère historique, puisqu’il s’agissait de la première profession d’un religieux en Finlande depuis la Réforme, et ce bien que le frère Gregorius soit le troisième finlandais à rejoindre l’Ordre depuis le retour des frères en Finlande en 1949 (les frères faisant profession en France au cours de leur formation). L’Église catholique en Finlande est une présence modeste : seize mille catholiques au sein de cinq millions six cents mille habitants luthériens et orthodoxes, dispersés sur un territoire grand comme l’Allemagne, avec huit paroisses desservies par une vingtaine de prêtres. Déjà présent dans le sud de la Suède, qui à l’époque administrait la Finlande, l’Ordre a fondé dès 1249 des couvents en Finlande à Turku et Viipuri (aujourd’hui Vyborg, en Russie), avant de disparaître à la Réforme, pour revenir au xxe siècle. Avec le frère Nicolas Tixier, provincial de France, étaient venus pour ce week-end des frères de Belgique (le frère Gregorius poursuit ses études à Louvain), et du vicariat de Dacie (d’Oslo, Lund et Stockholm). La 20
L’HISTOIRE EN FINLANDE D’UN FRÈRE
messe était présidée par le frère Marie-Augustin Laurent-HuyghuesBeaufond, supérieur de la maison d’Helsinki, et le frère Gabriel Salmela, dans l’homélie a rappelé, pour une assistance composée de paroissiens de la cathédrale, de laïcs dominicains et des amis et proches du frère Gregorius majoritairement luthériens, le sens de la profession religieuse à la suite du Christ et de la vocation de frère coopérateur au service de la prédication. Il a aussi évoqué les racines chrétiennes de la Finlande telles qu’elles se laissent discerner dans la peinture et la littérature finlandaises, un domaine qui est cher au frère Gregorius, bien introduit dans les cercles littéraires finlandais. Une réception a suivi au Studium Catholicum, le centre culturel qu’animent les frères à Helsinki, avec l’aide de la famille dominicaine, pour nous réjouir avec l’Église locale et l’Ordre entier de la profession du frère Gregorius.
Les frères Marie-Augustin Laurent-Huyghues-Beaufond, Gabriel Salmela et Gregorius Pehrman
Le 27 août dernier, le frère Gregorius PEHRMAN a fait profession solennelle en la cathédrale Saint-Henri à Helsinki. À cette occasion, le plus grand journal de Finlande Helsingin Zanomat a réalisé une longue interview du frère Gregorius.
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DIMANCHE 3 SEPTEMBRE PROFESSIONS SOLENNELLES À LYON DES FRÈRES THOMAS CARRIQUE, BENJAMIN EKMAN ET VINCENT ANTONY LÖNING
Frère Vincent Les frères dans le cloître
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Les trois nouveau profès Une belle assemblée
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SAMEDI 9 SEPTEMBRE PROFESSIONS SIMPLES À STRASBOURG DES FRÈRES MILAD P. PIERRE-MAËL DOUSSON, GABRIELIUS JUŠKEVIČIUS ET SIMEON FRANZÉN
La sortie avec les nouveaux profès
La prostration
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Frère Nicolas
Frère Gabriel
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DIMANCHE 29 OCTOBRE ORDINATION DIACONALE À LYON DU FRÈRE MINA-ATHANASE ABDELMESEH Vestition
Imposition des mains
La doxologie
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Père Michel
Mina et son frère
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» Grandes figures dominicaines - Couvent dominicain de Cracovie
ACTUALITÉ DE LA PROVINCE
Élections » Le 13 septembre 2023, le frère Alain
Riou a été élu prieur du couvent de la Croix-et-de-la-Miséricorde à Évry. » Le 17 septembre 2023, le frère Augustin Pic a été élu prieur du couvent de Sainte-Marie-du-Chêne à Nancy.
Institutions et nominations » Le 13 septembre 2023, le frère Bruno
Cadoré a été institué vicaire de la maison de Notre-Dame-des-Prêcheurs à Paris. » Le 2 octobre 2023, le frère ThomasMarie Gillet a été institué vicaire sur le couvent de l’Annonciation à Tours (le 24 octobre, il a été nommé prieur du même couvent). » Le 2 octobre 2023, le frère Didier Pentecôte a été institué supérieur de la maison de Saint-Louis-Bertrand à Clermont-Ferrand. » Le 20 octobre 2023, le frère Pijus Virginijus Eglinas a été institué vicaire sur la maison de Saint-Dominique à Liepaja. » Le 20 octobre 2023, le frère Jean Baptiste Rendu a été institué maître des frères étudiants au couvent de SaintThomas-d’Aquin à Lille. » Le 24 octobre 2023, le frère ThomasMarie Gillet a été nommé prieur du couvent de l’Annonciation à Tours.
Assignations » Le 1 er septembre 2023, les frères
Étienne-Marie d’Ardailhon Miramon et Benjamin Ekman ont été assignés au couvent de Saint-Hyacinthe à Fribourg. » Le 10 septembre 2023, le frère CyrilleMarie Richard a été assigné au couvent de Saint-Hyacinthe à Fribourg. » Le 11 septembre 2023, les frères Gabrielius Juškevičius, Simeon Franzen,
L E CARNE T
Pierre-Maël Dousson et Milad P. ont été assignés au couvent du Saint-Nom-deJésus à Lyon. » Le 13 septembre 2023, le frère Thomas Zimmermann a été assigné au couvent de Saint-Thomas-d’Aquin à Lille. » Le 13 septembre 2023, le frère JosephLoubens Fortin a été assigné ratione studiorum au couvent de l’Annonciation à Paris. » Le 22 septembre 2023, le frère Xavier Loppinet a été assigné au couvent de Sainte-Marie-du Chêne à Nancy. » Le 20 octobre 2023, le frère PierreMarie Laurent a été assigné à la maison de Notre-Dame-des-Prêcheurs à Paris. » Le 26 octobre 2023, les frères Haroon Mario Mushtaq et Pervez Fabian Shahzaib, de la vice-province du Filsde-Marie au Pakistan, ont été assignés au couvent de Saint-Thomas-d’Aquin à Lille.
Ordination diaconale » Le 29 octobre 2023, le frère Mina-
Athanase Abdelmeseh a été ordonné diacre par Mgr Loïc Lagadec, évêque auxiliaire du diocèse de Lyon, au couvent du Saint-Nom-de-Jésus à Lyon.
Décès » Le 21 octobre 2023, est décédé le
frère Pierre Lambert, du couvent de l’Annonciation à Tours. Il était né le 31 août 1933 à Meaux (Seine-et-Marne), avait fait profession dans l’Ordre des Prêcheurs le 24 octobre 1955 et avait reçu l’ordination presbytérale le 9 juillet 1961. Ses obsèques ont été célébrées le mercredi 25 octobre 2023 en la cathédrale Saint-Gatien-de-Tours. L’inhumation aura lieu le vendredi 3 novembre 2023 au cimetière de Lionsur-Mer (Calvados).
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Frère Jean-Claude Lavigne, o.p. syndic provincial Province dominicaine de France
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Le dossier de ce nouveau numéro d’Amitiés Dominicaines peut apparaître provocateur ou hors propos face à tout ce que l’actualité, tant internationale qu’ecclésiale, livre dans les media et dans notre quotidien. L’anxiété et la tristesse, le cynisme et l’indifférence blasée sont hélas les comportements dominants de ces derniers temps. Comment, face à ce climat morose, parler d’espérance sans tomber dans de la naïveté ou de l’optimisme béat et de l’idéalisme ? La réponse à cette question peut se lire à travers des réalités concrètes, des engagements bien réels vécus par notre famille spirituelle, tant les frères et les sœurs que par les membres de fraternités laïques dominicaines. Ces derniers sont pleinement membres de l’Ordre et ont pour mission de vivre avec passion l’Évangile et de la prêcher au milieu des réalités sociales, culturelles ou économiques de notre monde. L’Évangile provoque un sursaut contre le malheur et la résignation. La résurrection du Christ affirme que la mort n’aura pas le dernier mot. Ainsi l’espérance, et non l’espoir qui est fugace, est une force pour le croyant qui le pousse en avant et l’invite à se donner en entraînant les autres. C’est ce qui nous est donné d’expérimenter chaque fois qu’un jeune frère fait profession ou est ordonné. L’album photo de cette livraison d’Amitiés Dominicaines nous introduit dans cette dynamique avec l'ordination et huit professions de nos frères. Ils ont été touchés par cette espérance et s’élancent pour la faire partager dans leurs futurs apostolats et insertions communautaires L’espérance qui nous est proposée de manière concrète se déploie aussi à travers la vitalité des fraternités laïques qui à travers leur vie familiale ou professionnelle mettent en œuvre le charisme de saint Dominique. Les membres de ces fraternités ne se laissent pas gagner par la désespérance contemporaine et nous proposent un chemin où tous sont invités. Ces graines de vie, nous sommes heureux de les partager avec vous pour qu’elles germent dans vos propres existences et donnent des beaux fruits. Et qu’ainsi tous ensemble nous élargissions l’espace d’un monde plus heureux. Pour soutenir ce projet d’espérance nous comptons encore une fois sur votre générosité et votre solidarité. Le statut légal de la province permet de vous faire bénéficier d’un reçu fiscal pour les dons aux œuvres. Il donne droit à une réduction d’impôts de 66 % du montant du don, dans la limite de 20 % de votre revenu imposable. En renvoyant votre don dans l’enveloppe jointe avec le formulaire associé, vous recevrez ce reçu. Vous pouvez aussi faire un don en ligne sur www.dominicains.fr/nous-aider Une autre manière de nous aider sur le long terme est de nous faire bénéficier de legs. Nous sommes à votre disposition si vous souhaitez nous faire bénéficier de votre générosité par ce moyen.
> Faire un DON EN LIGNE sur le site www.dominicains.fr rubrique « Nous aider ». > Envoyer un DON PAR CHÈQUE à l’ordre de « Province dominicaine de France », à : Province dominicaine de France, 24 rue des Tanneries, 75013 PARIS - FRANCE. > Un reçu fiscal vous sera envoyé. Il vous permet de déduire 66 % de votre don, dans la limite de 20 % de votre revenu imposable. Un don de 60 € vous permet de déduire 40 € de vos impôts. Le don vous reviendra donc à 20 €. Une entreprise pourra déduire 40 % du don dans la limite de 5 ‰ (5 pour mille) du chiffre d’affaires annuel hors taxe. > La Province dominicaine de France est aussi habilitée à RECEVOIR DES LEGS. Si vous souhaitez des précisions sur la manière de rédiger des dispositions testamentaires en sa faveur, vous pouvez contacter le frère syndic (Tél. : +33 1 45 61 39 24 - mail : syndic@dominicains.fr) ou nous écrire (adresse ci-dessus).
« Amitiés dominicaines », nouvelle série, n° 97 ISSN 1637-3847 - Dépôt légal : XII-23 Prix indicatif de ce numéro : 5 € Directeur de la publication : Province dominicaine de France Rédacteur en chef : fr Yves Habert, o.p. © Province dominicaine de France Maquette et impression, en France par : MG Imprimerie (04 90 670 670)
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Les frères dominicains de la Province de France vous souhaitent un joyeux Noël et une bonne année 2024