Grandis, petite sœur !
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Que fait Anna ? Anna dort.
Malo ne comprend pas pourquoi sa petite sœur ne gigote pas comme les autres bébés. Lui qui avait si hâte de la rencontrer, de la toucher, de l’embrasser, il ne peut que se contenter de l’observer dans sa cage de verre, ses yeux fermés du matin au soir et du soir au matin, ses minuscules poings serrés. Anna n’a même pas besoin d’ouvrir la bouche pour se nourrir, ce sont ces vilains tuyaux qui lui injectent tout ce dont elle a besoin. Maman était si contente ces derniers temps quand elle caressait son ventre rond. Papa était ravi du petit berceau qu’il avait installé dans la chambre. Ils semblaient impatients d’enfin pouvoir poser leurs yeux tendres sur leur deuxième enfant. 4 semaines. 28 jours. 672 heures les séparaient alors de ce moment-là. Malo aussi était impatient, ça promettait d’être chouette d’avoir quelqu’un avec qui partager les bêtises, même s’il aurait bien gardé sa maman pour lui tout seul encore un peu. Alors pourquoi Papa et Maman semblent-ils maintenant si inquiets quand leurs yeux se posent sur leur petite Anna ? Pourquoi, lorsqu’ils regardent sa petite sœur, Malo voit-il passer une ombre de chagrin sur leur visage ? Pourquoi Malo n’a-t-il pas le droit de prendre Anna dans ses bras ? Les adultes ne comprennent décidément rien. Anna est arrivée plus tôt que prévu, par surprise, désireuse sans doute de savoir à qui appartenait cette douce voix qui lui chantait des paroles incompréhensibles et cédant probablement à son envie de le rencontrer, lui, son grand frère, et c’est dans une prison transparente qu’on l’enferme nuit et jour. 43 centimètres. 2050 grammes. 34 semaines d’aménorrhée. Voilà tout ce que le médecin a trouvé à dire, Malo ne comprend pas mais il lui en veut d’avoir fait pleurer Maman. -
Que fait Anna ? Anna ne grandit pas.
Tous les jours, et même plusieurs fois par jour, on la mesure et on la pèse. Rien ne change. 43 centimètres. 2050 grammes. Maman rencontre d’autres mamans qui, elles, partagent leur chambre avec leur nouveau-né. Elle ne peut voir Anna qu’en compagnie de médecins, qui ne parviennent pas toujours à dissimuler leur pessimisme quant au développement de sa fille. Elle ne peut pas lui offrir son sein – ce qu’elle a adoré faire avec Malo quatre ans auparavant –, tout juste ses bras, et ceci montre en main. Anna a besoin d’être constamment reliée à ces horribles machines qui font peur à Malo et doit passer le plus de temps possible allongée. Papa fait des allers-retours quotidiens entre l’école maternelle où Malo passe ses journées à en attendre la fin pour retrouver Maman et Anna, le bureau de notaire dans lequel il travaille depuis des années et où il s’efforce d’afficher un sourire qui ne parvient même pas à duper son propre reflet, et la maternité où sa femme passe presque autant de temps à pleurer que sa fille à dormir. Aujourd’hui à l’école, Malo a fait un dessin pour Maman. Un grand bonhomme aux cheveux ras, comme Papa, une autre silhouette plus petite au ventre arrondi et vêtue d’une belle robe verte comme celle que Maman portait il y a deux semaines, pour l’anniversaire de Mamie, et un petit