14 minute read

Le prélèvement fiscal à la source

Next Article
Conclusion

Conclusion

forcément (par exemple les travailleurs détachés), nous y reviendrons ci-après. On vise ainsi ici notamment les personnes suivantes :

Les frontaliers ; Les travailleurs détachés, peu importe la durée du travail en Suisse ; Les détenteurs d’un permis L, éventuellement B, non-résidents et non domiciliés.

Advertisement

Dans l’hypothèse d’un assujettissement fiscal limité, l’imposition est restreinte aux parties du revenu imposé en Suisse, en l’espèce le revenu provenant de l’activité lucrative déployée dans notre pays (article 6 LIFD). Au niveau du taux d’imposition, une distinction s’impose ; En effet, l’article 7 alinéa 1 LIFD prévoit que les personnes physiques qui ne sont que partiellement assujetties à l’impôt sur le revenu en Suisse se voient appliquer le taux auquel leur revenu serait imposé si tous les éléments étaient imposables en Suisse (principe de la progressivité du taux d’imposition). Cette disposition ne s’applique pas aux travailleurs imposés à la source comme les frontaliers ou les travailleurs salariés d’une société suisse. En revanche, les travailleurs détachés non imposés à la source devraient être soumis à l’article 7 alinéa 1 LIFD. En conséquence, ils sont censés déclarer au fisc suisse l’ensemble de leurs revenus mondiaux.

On relèvera que l’assujettissement limité pose des problèmes de comptabilité avec les conventions internationales de lutte contre la double imposition. Nous y reviendrons dans le détail.

A noter enfin que les travailleurs détachés assujettis de manière limitée en Suisse (les spécialistes ou ceux exerçant une fonction dirigeante) peuvent faire valoir au niveau fédéral les déductions complémentaires prévues par l’article 2 alinéa 1 Oexpa. Il s’agit des frais nécessaires aux voyages entre le domicile à l’étranger et la Suisse ainsi que les frais raisonnables de logement en Suisse si l’expatrié conserve à l’étranger une habitation permanente destinée à son usage personnel. Des conditions restrictives s’appliquent toutefois.

LE PRÉLÈVEMENT FISCAL À LA SOURCE

A) Imposition à la source des travailleurs résidents ou domiciliés fiscalement en Suisse

L’imposition à la source se distingue de l’imposition ordinaire par sa perception. En effet, l’impôt sur le revenu n’est dans cette hypothèse pas versé par le bénéficiaire de la somme imposable (l’employé) mais par son débiteur (l’employeur).

7 rue des Alpes, 1201 Geneva • T +41 (0)22 906 85 00 • F +41 (0)22 906 85 01 info@croce-associes.ch • www.croce-associes.ch

Sont notamment assujettis à l’impôt à la source, les salariés étrangers domiciliés ou en séjour en Suisse au bénéfice d’un permis B ou L (article 83 LIFD). Cette méthode d’imposition a une double finalité : elle sert d’une part à lutter contre l’évasion fiscale dans le cadre par exemple d’un travailleur de courte durée qui quitterait la Suisse sans s’être acquitté de ses impôts et d’autre part afin de faciliter les démarches des nouveaux étrangers arrivant sur le territoire, peu familiers avec les lois suisses et parfois les langues nationales. Les détenteurs d’un permis d’établissement (permis C) sont en revanche imposés selon le régime fiscal ordinaire. Il est impossible de détailler ici toutes les règles relatives à l’imposition à la source. On se bornera à quelques remarques importantes suivantes :

1)

2)

3) Tous les revenus d’une activité lucrative dépendante sont concernés par l’impôt à la source (salaire, bonus, heures supplémentaires, plans d’intéressement, primes pour ancienneté de service, indemnités pour les repas et le transport, etc.). La base de calcul pour la retenue est le revenu brut et non net. Cela s’explique par le fait que les contributions à la sécurité sociale (1er et 2ème piliers), les cotisations aux assurances accidents et perte de gains maladie, les frais de transport du domicile au travail, les allocations pour enfants et les autres déductions sont d’ores et déjà comprises dans les différents barèmes d’imposition. Les personnes domiciliées/résidentes en Suisse ont la possibilité d’être taxées non pas à la source mais selon le régime fiscal ordinaire. Il suffit d’en faire la demande. Elles peuvent ainsi bénéficier de toutes les déductions prévues par le droit fédéral et cantonal. En revanche, ce choix sera irrévocable dès 2021 (nouvelle loi), c’est-à-dire jusqu’à la fin de l’assujettissement à l’impôt à la source.

Il existe différents barèmes (progressifs d’après le salaire annuel) en fonction de la situation familiale du contribuable (marié, célibataire, divorcé, veuf/veuve, etc.) et du nombre d’enfants. Ainsi par exemple, on appliquera le tarif A0 pour une personne célibataire sans enfant. Une personne célibataire avec un enfant se verra appliquer le tarif H1, et en présence de deux enfants H2. Les couples mariés avec ou sans enfant seront soumis au tarif B ou C, selon que le conjoint exerce une activité lucrative en Suisse ou à l’étranger. Il ressort de ce qui précède qu’il est hautement important que l’employé informe immédiatement son employeur en cas de changement de circonstances familiales (mariage, divorce, naissance d’un enfant, changement de type de permis, etc.). Normalement une déclaration à cet égard doit être remplie chaque début d’année et remise à l’employeur.

7 rue des Alpes, 1201 Geneva • T +41 (0)22 906 85 00 • F +41 (0)22 906 85 01 info@croce-associes.ch • www.croce-associes.ch

4)

5)

6)

Dans certaines situations, la taxation à la source n’a qu’une fonction de garantie, le contribuable (l’employé) devant ensuite remplir une taxation ordinaire subséquente. Il sera alors soumis aux règles fiscales et aux barèmes ordinaires. Tel est notamment le cas par exemple à Genève si le contribuable possède un bien immobilier, de la fortune (CHF 82'040 pour une personne seule sans enfant, CHF 164'080 pour un couple marié sans enfant et CHF 164'080 + CHF 41'020 par enfant pour les personnes seules ou les couples mariés), d’autres sources de revenus (dès 2021 en lieu et place de la taxation ordinaire complémentaire actuelle) ou un salaire élevé (CHF 120'000 par personne par année dès 2021). La démarche doit s’effectuer à Genève par le biais d’une demande de rectification (voir ci-dessous). Il existe aussi des situations dans lesquelles l’employé peut effectuer une rectification auprès de l’administration fiscale genevoise. C’est le cas principalement lorsque celui-ci est soumis à la taxation ordinaire subséquente afin par exemple de déclarer les autres éléments du revenu ou la fortune (voir le point 4), s’il peut faire valoir certaines déductions spéciales (par exemple la contribution au 3ème pilier A, les frais de formation, les frais de garde des enfants, etc. ; à noter que ce régime disparaîtra en 2021, afin de faire valoir ces déductions, le contribuable devra choisir d’être taxé selon le régime ordinaire comme relevé ci-dessus) ou encore afin de solliciter un ajustement du barème C (en effet, le barème C prend comme revenu de l’activité lucrative du conjoint un revenu hypothétique annuel de CHF 65'100. Or, il se peut que le conjoint perçoive une somme inférieure, principalement dans l’hypothèse où il travaille en France où les salaires sont moins élevés ; la rectification du barème C est ainsi particulièrement importante pour les frontaliers). La demande de rectification doit être envoyée au plus tard le 31 mars (31 mai pour 2020) de l’année qui suit la période fiscale, accompagnée des documents nécessaires. Enfin on relèvera que le régime de l’imposition à la source va être remanié en profondeur en 2021, y compris la circulaire n°45 de l’Administration fédérale des contributions (AFC) du 12 juin 2019. Nous vous invitons à consulter notre article sur la question pour les détails relatifs à cette modification.

B) Imposition à la source des travailleurs ni résidents, ni domiciliés fiscalement en Suisse (assujettissement limité)

D’après l’article 91 LIFD, les travailleurs qui, sans être domiciliés ni en séjour en Suisse, y exercent une activité lucrative dépendante pendant de courtes périodes, durant la semaine, sont soumis à l’impôt à la source sur le revenu de leur

7 rue des Alpes, 1201 Geneva • T +41 (0)22 906 85 00 • F +41 (0)22 906 85 01 info@croce-associes.ch • www.croce-associes.ch

activité. Peu importe que la personne soit au bénéfice d’un permis C ou non ou même possède la nationalité suisse. On vise ici principalement le salarié, au bénéfice d’un permis L ou B, qui travaille pour un employeur suisse en Suisse durant la semaine mais qui rentre le week-end à son domicile à l’étranger. Les frontaliers (permis G) font l’objet d’un régime fiscal spécifique détaillé ci-après. Les travailleurs détachés eux ne peuvent pas être soumis à l’impôt à la source (voir ci-dessous). Le contribuable est ainsi assujetti de manière limitée sur les revenus de son activité lucrative. Il n’a pas à payer d’impôt sur ses autres revenus étrangers ou sa fortune (sous réserve de la détermination du taux pour les revenus étrangers du travail). En cas d’autres revenus suisses en revanche, une taxation séparée sera effectuée de manière indépendante et distincte, et l’administration fiscale peut dans cette hypothèse appliquer d’office une taxation ordinaire subséquente. A noter qu’en vertu du principe de l’interdiction de discrimination, si au moins 90 % des revenus mondiaux bruts réalisés durant l’année fiscale concernée sont imposables en Suisse (on parle de quasi-résidence), une personne soumise à l’imposition à la source résidant à l’étranger peut jusqu'au 31 mars de l’année suivant l’année fiscale concernée, adresser une demande de taxation ordinaire ultérieure à l’autorité de taxation compétente. L’imposition à la source n’aura ainsi qu’une fonction de garantie et les personnes domiciliées à l’étranger pourront être traitées de manière équivalente aux personnes résidentes et domiciliées fiscalement en Suisse. La demande doit être renouvelée chaque année. Comme indiqué ci-dessus, l’imposition à la source de ces travailleurs est limitée par les conventions de double imposition.

C) L’imposition à la source des frontaliers

Bien que le terme ne soit généralement pas uniformément défini dans la loi ou les conventions, on entend par frontalier au sens du droit fiscal une personne vivant près d’un État et franchissant, en principe tous les jours ou à tout le moins régulièrement, la frontière afin d’y exercer une activité lucrative. Le Modèle de convention concernant le revenu et la fortune de l’Organisation de coopération et de développement économiques (CM-OCDE) ne contient aucune règle d’imposition sur les travailleurs frontaliers, préférant laisser le soin aux États de se mettre d’accord entre eux, en fonction des conditions locales. Il est en effet très difficile de définir des règles rigides et immuables en pratique dans ce

7 rue des Alpes, 1201 Geneva • T +41 (0)22 906 85 00 • F +41 (0)22 906 85 01 info@croce-associes.ch • www.croce-associes.ch

domaine et des solutions spécifiques doivent être dégagées pour chaque situation.

Le traitement fiscal des frontaliers varie en fonction d’une part de leur État de domicile et d’autre part du canton de travail en Suisse. La Suisse est voisine avec 5 États, la France, l’Italie, l’Allemagne, l’Autriche et le Liechtenstein. Elle a conclu des conventions de double imposition (CDI) et/ou des accords spécifiques avec chacun de ses États. On se bornera ici à présenter les régimes applicables avec la France, l’Italie et l’Allemagne. Le régime fiscal des frontaliers entre la France et la Suisse fait l’objet de deux accords distincts. A Genève, selon un accord du 29 janvier 1973, le droit d’imposition appartient à l’état d’exercice du travail (imposition à la source). A titre de compensation, Genève reverse annuellement aux collectivités locales françaises 3.5% de la masse salariale brut. S’agissant de 8 autres cantons (Vaud, Bâle-Ville, Bâle-Campagne, Valais, Soleure, Neuchâtel, Jura et Berne), c’est le lieu de résidence du frontalier qui est déterminant pour l’imposition, mais la France reverse 4.5% de la masse totale salariale brut à la Suisse (accord du 11 avril 1983). En règle générale, les frontaliers rentrent chaque jour à leur domicile en France. On admet toutefois (échange de lettres entre la Suisse et la France des 21 et 24 février 2005), que le travailleur ne rejoigne pas son domicile en France un jour par semaine ou 45 jours par année (nuitées en Suisse ou déplacements pour le travail dans un pays tiers), essentiellement pour des raisons professionnelles. En cas d’emploi inférieur à une année, le plafond des 45 jours est ramené à 20% des journées de travail. Dans l’hypothèse d’un emploi à temps partiel pendant l'année entière, les 45 jours sont diminués proportionnellement. Par ailleurs, le temps de trajet entre le lieu de domicile et de travail ne doit pas être supérieur à 3 heures aller-retour. Enfin, une attestation de résidence fiscale doit être remise à l’employeur (échange de lettres entre la Suisse et la France des 5 et 12 juillet 2007). Si l’une ou l’autre de ces conditions n’est pas remplie, le travailleur est alors imposé à la source dans ces cantons.

Avec Italie, un accord du 3 octobre 1974 pose le principe d’une imposition fiscale au lieu de travail. Les cantons du Valais, du Tessin et des Grisons reversent toutefois actuellement 38.8% du montant des impôts bruts perçus sur les rémunérations des frontaliers italiens. En décembre 2015, la Suisse et l’Italie ont paraphé un nouvel accord sur l’imposition des frontaliers. Il prévoyait une imposition à hauteur de 70% du salaire en Suisse et le 30% restant en Italie aux taux habituellement pratiqués dans ce pays. La Suisse n’aurait ainsi plus rétrocédé d’impôts à l’Italie. Cet accord

7 rue des Alpes, 1201 Geneva • T +41 (0)22 906 85 00 • F +41 (0)22 906 85 01 info@croce-associes.ch • www.croce-associes.ch

est toutefois resté lettre morte jusqu’à ce jour, malgré la promesse d’une signature imminente pour fin 2020. Enfin, s’agissant de l’Allemagne, le droit d’imposition appartient à l’État de résidence du frontalier (article 15a CDI-Allemagne). Toutefois, l’état dans lequel le travail est exercé peut prélever un impôt à la source n’excédant pas 4.5% du montant brut des rémunérations. Afin d’éliminer la double imposition en Suisse, le montant brut des rémunérations est réduit d’un cinquième lors de la fixation de l’assiette de l’impôt. L’Allemagne accorde elle un crédit d’impôt. A noter que selon la CDI-Allemagne si, après son travail, le travailleur ne regagne pas régulièrement son domicile, il perd sa qualité de frontalier uniquement si, pour une occupation sur toute l’année civile, il ne regagne pas son domicile plus de 60 jours ouvrables en fonction de l’exercice de son activité. Dans cette hypothèse, il y a imposition à la source en Suisse selon les barèmes ordinaires.

Il ressort de ce qui précède que les frontaliers sont imposés en Suisse à la source dans les cantons suivants :

Les frontaliers français sauf dans les cantons de Vaud, Bâle-Ville, BâleCampagne, Valais, Soleure, Neuchâtel, Jura et Berne si les conditions sont remplies. Les frontaliers semainiers, à savoir ceux qui rentrent dans leur pays

7 rue des Alpes, 1201 Geneva • T +41 (0)22 906 85 00 • F +41 (0)22 906 85 01 info@croce-associes.ch • www.croce-associes.ch

de résidence uniquement pour les week-ends sont toujours imposés à la source.

Les frontaliers italiens ;

Les frontaliers allemands.

A noter que les frontaliers italiens et allemands possèdent des barèmes spécifiques complémentaires. Pour le surplus, les frontaliers bénéficient également de la possibilité de demander un ajustement du barème C ainsi que les déductions spécifiques comme les cotisations au 3ème pilier A ou les frais de garde, étant précisé que cette dernière possibilité disparaîtra en 2021 et sera remplacée par le statut de la quasi-résidence (voir ci-dessus). Ainsi, comme les résidents suisses, ils pourront demander à être soumis au régime fiscal ordinaire en Suisse pour autant que 90% de leurs revenus mondiaux soient d’origine suisse. D) Travailleurs détachés et imposition à la source

Les travailleurs détachés (peu importe le type de permis de séjour) ne sont en principe pas soumis au régime fiscal de la source dans la mesure où celui-ci exige, en vertu du principe de la substitution fiscale, que le débiteur de l’impôt (en l’espèce l’employeur) soit assujetti à la souveraineté fiscale suisse. En effet, conformément à l’article 88 LIFD, pour qu’il y ait retenue à la source, l’employeur doit avoir son domicile, son siège, son administration effective, un établissement stable ou une installation fixe en Suisse, ce qui n’est pas le cas dans l’hypothèse d’une prestation de services transfrontalière. Les autorités procèdent à une approche économique ce qui peut occasionner une retenue de l’impôt à la source en Suisse même lorsque la rémunération ne se fait pas à la charge de la succursale ou de l’établissement stable, mais que l’activité peut être imputée à la succursale ou à l’établissement stable suisse (Commentaire de l’Ordonnance du DFF sur l’imposition à la source). Ainsi, les cas d’abus sont réservés notamment lorsque c’est la société suisse, destinataire de la prestation de services, qui est en réalité l’employeur de fait du travailleur détaché (voir ci-dessous pour une discussion de la problématique). A ce stade on relèvera ici que l’on est en présence d’un employeur de facto en Suisse lorsque le travail n’est momentanément pas fourni pour l’entreprise avec laquelle le contrat de travail a été signé, mais pour une autre entreprise du groupe sise en Suisse, qui peut être considérée, sur le plan économique, comme employeur. Si l’on est en présence d’un employeur de facto en Suisse, les

7 rue des Alpes, 1201 Geneva • T +41 (0)22 906 85 00 • F +41 (0)22 906 85 01 info@croce-associes.ch • www.croce-associes.ch

This article is from: