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Batterie d’un million de miles Les cathodes monocristallines au nickel
UNE NOUVELLE SOLUTION CRISTALLINE POUR ACCROÎTRE L’AUTONOMIE DES VÉHICULES ÉLECTRIQUES
Quand on l’interroge sur l’origine du terme «batterie d’un million de miles», Jeff Dahn répond : «C’est juste pour ainsi dire le fruit accidentel de nos travaux. Un article que nous avons publié disait dans son résumé : “nous montrons que les batteries de ce type pourraient alimenter des véhicules sur un million de miles”. Et l’imagination des médias s’en est emparée.» Pour les constructeurs de véhicules et les concepteurs de batteries, la peur du manque d’autonomie reste l’un des principaux obstacles à surmonter. L’équipe de recherche dirigée par Jeff Dahn, professeur au département de physique et sciences de l’atmosphère de l’Université Dalhousie, en Nouvelle-Écosse (Canada), est en train de mettre au point un matériau monocristallin qui s’avère prometteur pour résoudre cette difficulté.
« Notre but est d’améliorer la densité d’énergie et la durée de vie des cellules lithium-ion tout en réduisant leur coût », précise Jeff Dahn, considéré comme l’un des pionniers du développement des batteries lithium-ion qui alimentent la plupart des ordinateurs portables et téléphones mobiles actuels. Les essais en laboratoire qu’ils ont réalisés montrent comment la structure monocristalline de leurs cathodes au nickel résiste à la microfissuration dont souffrent les matériaux d’électrodes habituels.
Jeff Dahn l’explique en ces termes : « Au fil des multiples cycles d’insertionextraction du lithium entre les couches cathodiques, son volume varie, et cette variation n’est pas la même dans toutes les directions. Les particules des cathodes usuelles sont généralement orientées dans des directions en quelque sorte aléatoires. Les variations à la perpendiculaire des couches cathodiques

sont importantes, si bien que lorsque deux particules primaires se touchent, la disparité de volume peut provoquer une microfissuration de la structure. Cela entraîne une perte de contact électrique et par conséquent d’accès à la masse active de la cathode. »
« Une particule monocristalline, en revanche, est constituée d’une seule cristallite de deux à trois microns. Il s’agit d’un seul cristal ne comportant aucun joint de grains et formant un tout qui se dilate et se contracte en un seul bloc. Cela signifie qu’il est relativement facile de maintenir un contact électrique avec les particules de ce type à mesure qu’elles se dilatent ou se contractent. L’emploi d’un matériau monocristallin permet donc de maintenir un contact total avec la masse active de la cathode tout au long des cycles de charge-décharge. C’est tout à fait remarquable. »
L’équipe de l’Université Dalhousie étudie différentes cathodes monocristallines au nickel, qui ont l’avantage de tolérer un cyclage important tout en offrant une forte densité d’énergie. Un article publié par Jeff Dahn et son équipe dans le Journal of The Electrochemical Society conclut « que les cellules de ce type devraient pouvoir alimenter un véhicule électrique sur plus de 1,6 million de kilomètres et durer au moins deux décennies dans les systèmes de stockage d’énergie en réseau ».
20 ans de durée de vie utile
La bonne nouvelle, c’est que cela ferait durer les batteries alimentant les véhicules électriques aussi longtemps que ces derniers. Qui plus est, le passage au monocristallin n’augmente guère le coût des accumulateurs.
« Pour produire des éléments monocristallins en laboratoire, nous ne faisons qu’apporter une légère modification côté précurseur, puis appliquer le traitement thermique à une température légèrement plus élevée de manière à engendrer la monocristallisation. Il n’y a aucune différence fondamentale dans le procédé de synthèse. »
L’objectif suprême : la batterie d’un million de miles (1,6 million de kilomètres).
« Tout cela montre l’intérêt de conduire des essais de très longue durée. Parmi les cellules mises à l’honneur dans cet article sur la batterie d’un million de miles, certaines sont encore à l’essai. J’en ai fait un bilan il y a peu de temps. Après plus de trois ans de fonctionnement à température ambiante, les batteries en sont à environ 9 500 cycles (ce qui dépasse largement le million de miles de conduite) avec une perte de capacité de moins de 10 %. Autant dire qu’elles sont vraiment increvables. » Illustrations A et a : Images MEB d’un matériau monocristallin commercialisé de formule Li[Ni0,5 Mn0,3 Co0,2]O2 (NMC532, appelé SC-532), qui présente une forte taille de grain (environ 3 μm)1 .




Illustrations B et b : Images MEB d’un matériau polycristallin nu commercialisé (NMC532, appelé UC-532)1 .
1. Li, J., Cameron, A. R., Li, H., Glazier, S., Xiong, D., Chatzidakis, M., Allen, J., Botton, G. A. et Dahn, J. R. (2017). «Comparison of Single Crystal and Polycrystalline LiNi0.5Mn0.3Co0.2O2 Positive Electrode Materials for High Voltage Li-Ion Cells». Journal of The Electrochemical Society, vol. 164, nº 7, A1534.