Galerie Eric Coatalem - Catalogue Oeuvres sur papier 2025

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GALERIE

COATALEM 136, rue du Faubourg Saint Honoré 75008 Paris Tél. 33 (0)1 42 66 17 17 www.coatalem.com - coatalem@coatalem.com

A Charles, Louis, Pauline et Victor

Je tiens à remercier pour la réalisation des notices mais aussi, pour leur patience et leur précieuse aide :Sarah Catala, Antoine Chatelain, Agathe Dupont, Marie-Anne DupuyVachey, Thomas Hennocque, Sophie Join-Lambert, Bozena Anna Kowalcyk, Alastair Laing ☩ , Sidonie Laude, Thomas Le Claire, Christophe Marcheteau de Quinçay, Frédérique Mattei, Isabelle Meyer-Michalon, Diederick Poncelin de Raucourt, Blaise Porchez, Giovanni Sarti ☩ , Nicolas Schwed, Rafael Valls, Dominique Vitart, Eunice Williams

Tous les montages ont été réalisés, avec élégance, par Sidonie Laude à Paris.

Les dimensions sont données en millimètres en commençant par la hauteur.

Tous les droits de reproduction sont strictement réservés à la Galerie Eric Coatalem, Paris.

Charles COYPEL (Paris 1694 - 1752)

Autoportrait

Pierre noire et sanguine, traces de mise au carreau au crayon noir, H. 354 mm ; L. 280 mm

Œuvre en rapport : Charles Coypel, Autoportrait, 1746, huile sur toile, H. 118 cm ; L. 90 cm, Versailles, Châteaux de Versailles et de Trianon, MV.5813 (fig.1)

Le premier professeur de Charles Coypel fut son père, Antoine, dont il perpétua le style artistique. Il fut à la fois un grand peintre et un habile politicien et accéda aux plus hauts postes de l'administration artistique : Garde des tableaux et dessins de la Couronne de 1722 à 1752, Directeur de l’Académie royale de peinture et de sculpture en 1747, Premier peintre du Roi en 1747. Charles Coypel prit ainsi une part importante dans la création de l’École des élèves protégés de l'Académie royale. Parallèlement à sa carrière de peintre, Coypel est également connu pour ses écrits, qui comprennent de la prose, des vers, des critiques (écrites à la fin de sa vie) et une quarantaine de pièces de théâtre entre 1717 et 1747. Seule Les Folies de Cardenio (1720) fut publiée et jouée aux Tuileries en 1721 avec des intermèdes chantés et dansés dans lesquels le roi Louis XV, âgé de 10 ans, participait en compagnie de soixante-huit danseurs, professionnels et courtisans. Le peintre réalisa également des œuvres sur le thème du théâtre, dont le portrait d’Adrienne Lecouvreur en Cornélie (Paris, Comédie-Française) en 1726 ou encore le Portrait de Molière en 1730. L’un des plus grands peintres de son temps, Charles Coypel reçut également plusieurs commandes pour le château de Versailles et la chapelle de Trianon et travailla pour la maîtresse du roi, Madame de Pompadour. Grand portraitiste, Coypel peignit aussi bien Louis XV, le duc d'Orléans et des personnalités politiques, religieuses que des acteurs.

Notre dessin est l’étude préparatoire à l’Autoportrait de 1746, conservé au château de Versailles (fig.1). Ce portrait, dont DandréBardon dira plus tard qu’il « est d’une vérité frappante », fut très favorablement remarqué par La Font de Saint-Yenne au Salon de 1746: « Avant de quitter les portraits à l’huile, je dois une louange particulière à celui du sieur Coypel qui s’est peint lui-même & dont j’aurois du parler des premiers, si le Public n’étoit depuis long-tems accoutumé à voir d’excellentes choses de lui dans ce genre. Quoique l’on soit moins étonné de trouver la perfection du Portrait chez un grand Peintre d’Histoire, on doit toujours de l’admiration et des éloges à ceux qui réünissent à un certain degré de supériorité autant de talens ».

Le dessin de la bouche diffère très légèrement de la peinture finale mais l’expression des yeux et du visage est totalement similaire à l’huile.

fig.1 - Charles Coypel, Autoportrait, 1746, Versailles.

François BOUCHER (Paris 1703 - 1770)

Nu masculin allongé, avec des études de sa tête, de son bras et de sa main Sanguine rehaussée de craie blanche sur papier brun clair, H. 350 mm ; L. 302 mm

Provenance : Thomas Le Claire, Hambourg (Cat. VI. Meisterzeichnungen 1500-1900, 1989, no. 35) ; collection Ehlen, Allemagne ; vente, Londres, Sotheby’s, 3 juillet 2024, n°41.

Bibliographie : The Drawings of François Boucher, cat. exp, New York, The Frick Collection ; Texas, Fort Worth, Kimbell Art Museum, 2003-4, pp. 27-28, repr. fig.18.

Œuvre en rapport : François Boucher, Aurore et Céphale, 1733, huile sur toile, H. 250 cm ; L. 175 cm, Nancy, musée des Beaux-Arts, inv. 143 (fig.1).

François Boucher entre dans l’atelier de François Le Moyne (1688-1737) avant de travailler chez l’éditeur Jean-François Cars, père du graveur Laurent Cars avec lequel il se liera d’amitié. En 1721, il illustre l’Histoire de France du Père Daniel avant de graver les dessins d’Antoine Watteau (1684-1721). Le jeune artiste s’initie à la fois au dessin, à la gravure et à la peinture. Remportant, en 1723, le premier prix du concours de l’Académie, il part en Italie où, envouté par les œuvres des Tiepolo, de l’Albane (1578-1660) ou du Baroche (1528-1612), il acquiert une virtuosité que l’on retrouvera tout au long de sa carrière. Reçu académicien en 1734, avec Renaud et Armide (musée du Louvre, inv. n°2720), Boucher sera successivement nommé professeur adjoint en 1735, professeur en 1737, recteur adjoint en 1752, recteur en 1761 et enfin directeur en 1765. Il deviendra, grâce à Madame de Pompadour, Premier peintre du Roi et l’une des figures les plus marquantes des arts sous Louis XV.

Après son retour d’Italie, Boucher peint vers 1731-1735, pour l'avocat au Parlement de Paris François Derbais, une série de grandes œuvres mythologiques pour son hôtel particulier rue de la Poissonnière à Paris. Ces toiles étaient une vitrine du talent de l’artiste pour les potentiels mécènes et collectionneurs. Vigoureuses et fortes, les études de cette magnifique feuille se rapportent à la figure de Céphale dans le tableau Aurore et Céphale aujourd'hui conservé au musée des Beaux-Arts de Nancy (fig.1)

fig.1 - François Boucher, Aurore et Céphale, 1733, huile sur toile, H. 250 cm ; L. 175 cm, Nancy, musée des Beaux-Arts (inv. 143)

Francesco GUARDI

(Venise 1712 - 1793)

Les arcades de la Tour de l’Horloge à Venise

Plume et encre brune, lavis brun et gris, rehauts de blancs, H. 350 mm ; L. 275 mm

Signé au dos

Provenance : The Brod Gallery, Londres ; collection privée.

L’authenticité de cette œuvre a été confirmée par Mme Bozena Anna Kowalcyk, spécialiste de l’artiste.

Francesco Guardi est issu d’une famille de peintres vénitiens. Vers 1760, à la mort de son frère Antonio, il reprend l’atelier familial et commence à peindre des vedute. Il renouvelle la tradition de Canaletto et s’inspire principalement des vues de Venise, entre lagune, terra ferma et capricci, atteignant une renommée internationale.

La place Saint Marc et la Tour de l’Horloge sont des motifs privilégiés des artistes de Venise. Guardi appréciait les vues topographiques ou inventées à travers une voûte, dont les effets de perspective et de variations de lumière accentuent la profondeur de manière saisissante. L’atmosphère de Venise se retrouve tout entière dans cette alliance de vie quotidienne, d’architecture et de lumière.

L’exécution, remarquable par les arcs incisés au compas présentant de nombreux repentirs, les différentes nuances de brun, un trait doux repris par une ligne de contour plus marquée, mais encore l’alternance de lavis brun et gris, suggère qu’il s’agit d’une feuille préparatoire à une eau-forte, gravée par le parmesan Dionigi Valesi. La redécouverte de cette feuille corrobore l’hypothèse de Sir Michael Levey, selon laquelle les rares gravures connues formaient à l’origine une série. Les dessins préparatoires ont dû être exécutés vers 1777, l’autorisation de les graver ayant été accordée au marchand Melchior Gabrieli par la Sérénissime en mai 1778.

Guardi a exécuté de nombreux dessins sur ce thème, avec cette même ligne si particulière, aérienne et vibrante, dont notamment, une feuille au British Museum (fig.1) et une toile conservée à l’Alte Pinacothèque de Munich (fig.2).

fig.2 - Francesco Guardi, L’arcade de la Tour de l’Horloge à Venise, Munich, Alte Pinacothèque, inv. HUW 10
fig.1 - Francesco Guardi, Vue à travers une arcade, plume et encre brune, Londres, British Museum, inv. 1861,0810.10

Jean-Baptiste PERRONNEAU

(Paris 1715 - Amsterdam 1783)

Portrait d’un gentilhomme

Pastel sur papier, H. 640 mm ; L. 520 mm

Provenance : Paris, collection Jacques Doucet ; Paris, sa vente, 16-17 mai 1906, n°77 ; acquis par M. Levy ; Paris, collection Paul Mersh ; Paris, sa vente, galerie Georges Petit, LairDubreuil, 28 mai 1909, n° 65 ; acquis par M. Neumans ; Berlin, collection du comte de Seckendorff ; acquis de ce dernier par Paul Cambon, ambassadeur à Berlin ; Paris, Hôtel Drouot Mes Audap, Godeau, Solanet, 13 février 1974, ill. ; Paris, galerie Heim, 1975 ; Monaco, vente Sotheby’s, 26 juin 1983, n° 497 ; Compiègne, Actéon, 23 novembre 2024, n°110.

Bibliographie : Les Arts, n° 103, juillet 1910, p.24, ill. ; Lothar Brieger, Das Pastell, Seine Geschichte und seiner Meister, Berlin, 1923, p.96, ill. ; Gazette de l’Hotel Drouot, n°5, 1er février 1974, ill. ; Trouvailles, n° 5, avril-mai 1977 ; Christopher Sells, « Paris », Burlington Magazine, CXVII/869, août 1977, p. 565, fig.96 ; Neil Jeffares, Dictionnary of pastellists before 1800, Londres, 2006, p. 241 ; Dominique D’Arnoult, Perronneau ca.1715-1783, cat. raisonné, 2014, éd. Arthena, Paris, p. 235, n°82 Pa, ill.

Expositions : Ausstellung von Werken Französischer Kunst des XVIII. Jahrhundert, Berlin, Académie royale des Arts, 1910, n° 248, pl. 105 ; Le Choix de l’amateur : sélection de peintures et sculptures du XVe au XIXe siècle, Paris, Galerie Heim, 6 juin – 31 juillet 1975, n° 35.

Jean-Baptiste Perronneau se forme chez Jean-François Cars (1661-1738), graveur lyonnais, puis auprès de Charles-Joseph Natoire (1700-1777), Premier Grand Prix de Rome en 1725 et directeur de l’Académie de France à Rome en 1751. D’abord graveur, il entame sa carrière de portraitiste, à l’huile et au pastel, dans les années 1740. Il expose au Salon à partir de 1746 et ne cesse d’accroître sa clientèle parmi la haute bourgeoisie, les hommes des sciences et des arts, laissant à son rival Maurice Quentin de La Tour, le titre de portraitiste de la cour. En 1753, c’est la consécration, lors de son admission à l’Académie avec les portraits au pastel du peintre Jean-Baptiste Oudry (1686-1755) et celui du sculpteur Adam l’Aîné (1700-1759). Fervent admirateur, l’abbé Le Blanc écrit sur son art du pastel : « On voit qu'il cherche la nature en homme qui en connaît tout le prix. ». A partir de 1756, sa carrière prend un nouveau tournant, Perronneau délaisse la capitale pour voyager en Europe et répondre aux commandes qui affluent.

Cet élégant gentilhomme se présente à nous dans une posture appréciée par Perronneau, le bras et l’avantbras du modèle faisant office de prédelle. Le musée des Beaux-Arts d’Orléans conserve un très bel exemple (fig.1). La flamboyante manière de notre artiste est ponctuée de délicats rehauts plus appuyés, comme dans la fine extrémité du jabot ou les élégants plis du beau vêtement. La maîtrise de Perronneau est flagrante dans ce pastel où la précision du cannage de la chaise s’oppose à la vibration du vêtement et du visage.

- Portrait d’Hubert Drouais, peintre de l’Académie royale de peinture et de sculpture, 1754, pastel sur papier, Orléans, musée des Beaux-Arts (inv. MO.67.1486)

fig.1

Jean-Baptiste GREUZE

(Tournus 1725 - Paris 1805)

Tête de Vieillard, étude pour Le Paralytique

Sanguine, H. 452 mm ; L. 374 mm

Provenance : collection privée, France.

Œuvres en rapport : J-B. Greuze, La Piété filiale ou Le Paralytique, inv.1168, SaintPétersbourg, musée de l’Ermitage (fig.1).

Greuze naît à Tournus, dans un milieu modeste. Il étudie d'abord la peinture à Lyon puis à Paris où, en 1755, après une formation complémentaire auprès de Charles-Joseph Natoire, il est admis comme membre préliminaire de l'Académie royale de peinture et de sculpture. Invité par son mécène l’Abbé Gougenot à visiter l'Italie, il s’installe à Rome, dans un atelier à l'Académie de France. Au printemps 1757, il revient à Paris et expose aux Salons de 1757, 1759, 1761, 1763 et 1765, avant d’y être interdit faute d’avoir présenté à l'Académie royale son morceau de réception obligatoire. Conteur naturel, il s'intéresse aux sujets moraux modernes mais souhaite être admis comme académicien dans la catégorie la plus importante : la peinture d'histoire. En 1769, il offre Septime Sévère et Caracalla (Paris, musée du Louvre). Si l'artiste est soucieux des normes classicisantes, son traitement sans passion d'un thème obscur ne lui vaut aucun éloge et il est reçu dans la catégorie la plus basse, celle des peintres de genre. Ses peintures reprenant des thèmes moralisateurs et exposées aux Salons annuels lui valent pourtant les éloges du critique influent Denis Diderot. Excellent portraitiste aussi, il expose tout au long des années 1760 avec un grand succès, bénéficiant de la protection de collectionneurs aussi éminents que Jullienne, La Live de Jully, Choiseul, la marquise de Pompadour et l'impératrice Catherine II de Russie. Sa réputation souffre après la Révolution, avec la montée du néoclassicisme, et il meurt dans la pauvreté à l'âge de quatre-vingts ans, dans son atelier du Louvre.

Notre tête est une étude préliminaire pour l'un des tableaux les plus célèbres de Greuze, L'Homme paralysé accompagné de sa famille (Piété filiale) (fig.1). Le tableau est exposé au Salon de 1763, où Diderot en fit un grand éloge, remarquant surtout la beauté des têtes du vieillard, de sa femme et de son fils. En 1766, l’impératrice de Russie Catherine II l’achète pour sa galerie de Saint-Pétersbourg.

Ses études de visage permettaient à Greuze d’affiner les types et les expressions des personnages afin d’accentuer leur sens dramatique. Il les réalisait également comme des œuvres d'art indépendantes, destinées à être vendues.

De vigoureux traits de sanguine hachurés délimitent les muscles, la chair et la peau du visage, se croisent sur les joues et donnent vie au visage. Diderot, face au tableau au Salon de 1763, s’exprimait ainsi : « Quand je vois l'éloquent et pathétique, je sens... mon âme touchée et des larmes sur le point de couler de mes yeux ».

fig.1 - La Piété filiale, 1761, huile sur toile, H. 115 cm ; L. 146 cm, Saint-Pétersbourg, musée de l’Ermitage (inv. 1168)

ERIC COATALEM

Gian Domenico TIEPOLO

(Venise 1727 - 1804)

La rencontre de Jésus et Zachée

Plume et encre brune, lavis sépia sur pierre noire, H. 458 mm ; L. 356 mm

Signé en bas à droite : Dom.o Tiepolo f

Provenance : Roger Cormier, Tours ; sa vente, Paris, Galerie Georges Petit, 30 avril 1921, n°15 ; vente anonyme, Londres, Sotheby's, 21 juin 1978, n°140 (acheté par Adolphe Stein) ; Allemagne, collection particulière ; Londres, Colnaghi ; Katrin Bellinger, 2011; collection Hubert Guerrand-Hermès, sa vente Paris, Sotheby’s, 13 décembre 2023, n° 37.

Bibliographie : A. M. Gealt et G. Knox, Domenico Tiepolo, A New Testament, Bloomington et Indianapolis, 2006, p. 412, n°168, repr.

Fils de Giambattista Tiepolo et de Cecilia Guardi (sœur de Francesco), Gian Domenico Tiepolo travaille, la majeure partie de sa carrière, en étroite collaboration avec son père et maître, assimilant son style avec autant d’habileté que de sensibilité. Dès 1737, il participe à la réalisation de la Villa Valmarana, près de Vicence. Il l’accompagne à Wurtzburg pour la décoration du palais archiépiscopal et en Espagne, avec son frère Lorenzo. Son œuvre peint, dessiné et gravé prouve une vraie personnalité artistique qui lui vaut l’admiration des amateurs vénitiens et étrangers. En 1743, Gian Domenico Tiepolo est appelé à la cour du Duc de Franconie, Charles Philippe, à Dresde. Il y exécute différentes peintures et une série de gravures qui comptent parmi ses chefs-d’œuvre. Il participe également à la décoration du palais ducal de Gênes.

Cette belle feuille appartient au cycle de la Grande série biblique, un ensemble de 317 dessins inspirés de la Bible, de la Légende Dorée, des évangiles apocryphes ou encore des Meditationes vitae Christi de saint Bonaventure. Tiepolo réalise cette série narrative, mêlant érudition et humour, après son retour d’Espagne en 1770. L’ensemble était sans doute destiné à la piété personnelle de l’artiste car il ne sera vendu qu’à sa mort.

Notre dessin, un épisode peu connu de l’Évangile de Saint Luc, représente la rencontre entre le pêcheur Zachée et Jésus lors de l’entrée de ce dernier dans la ville de Jéricho. Trois plans se distinguent : au premier, une foule dense dessinant une seule ligne de têtes, dont ne se distinguent que les deux protagonistes, Zachée, l’homme de petite taille vu de dos, et le Christ ; au second plan, les murs de Jéricho et le sycomore sur lequel le riche collecteur d’impôt avait grimpé pour voir le Christ ; enfin le ciel qui occupe tout le haut de la feuille. A l’étonnement de tous, Jésus interpelle Zachée, celui que la foule méprise et envie pour sa fonction et sa réussite, et lui demande de demeurer chez lui, démontrant par son geste, que tous, riches ou pauvres, sont bienvenus à sa table et que seule l’honnêteté fait la richesse de l’homme.

L'artiste a mêlé ici les vêtements du XVIe siècle avec ceux de l'époque biblique, et opposé les attitudes fixes de la foule avec les gestes amples et expressifs des protagonistes où le regard est attiré par la lumière diffusée par le support laissé en blanc.

La technique virevoltante de la plume, les tonalités brunes presque abstraites, l’utilisation du lavis ocre brun plus ou moins dilué et les réserves savantes de blanc sont typiques de l’art de Gian Domenico Tiepolo.

Jean-Honoré FRAGONARD

(Grasse 1732 - Paris 1806)

Autoportrait dit aux deux cercles, d’après Rembrandt Pinceau, lavis brun et pierre noire sur papier vergée, H. 272 mm ; L. 217 mm

Provenance : Kraemer frères, Paris ; 1903, collection Paul Desmarais ; par descendance.

Bibliographie : A. Ananoff, « Trois dessins inédits de Fragonard », Connaissance des Arts, n°66, août 1957, p. 47 ; A. Ananoff, L'œuvre dessiné de Fragonard, Paris, 1963, t. II, p.185186, n°1092, fig.315 ; E. van de Wetering, A Corpus of Rembrandt Paintings. IV. The SelfPortraits, La Haye, Boston, Londres, 2005, p. 567-568, fig.4, mentionné dans la notice du n°26 ; S. Raux, « Le voyage de Fragonard et Bergeret en Flandres et Hollande durant l'été 1773 », La Revue de l'Art, Paris, n°156, 2007, p. 21 et p. 26, fig.35 ; S. Catala, Fragonard, collections privées, cat. exp., Galerie Éric Coatalem, Paris, 2022, p. 46-47, cat.14.

Né à Grasse en 1732, Jean-Honoré Fragonard a dix ans lorsque ses parents s’installent à Paris. Manifestant un goût déterminé pour la peinture, il entre dans l’atelier de François Boucher qui le place sous la direction de Chardin. Le jeune peintre fait de rapides progrès et, en 1752, obtient le Grand Prix de Rome. Partant pour l’Italie deux ans plus tard, il côtoie Hubert Robert dont le style l’influence. Il se consacre à cette époque à l’étude des paysages, encouragé par son premier mécène, l’Abbé de Saint-Non, qui lui commandera une série de sanguines représentant Tivoli et les alentours. Sa visite à la Villa d’Este à Tivoli, durant l’été 1760, a un effet décisif sur son évolution. De retour à Paris en 1761, Fragonard entreprend une série de paysages dans le style des peintures hollandaises du XVIIème siècle. Il développe également le thème de fêtes galantes et exécute, au cours des dix années qui suivent, une série de scènes de parc, animées de personnages. C’est entre 1765 et 1773, peu avant son second voyage en Italie, que Fragonard réalise sa magnifique série de figures de fantaisie. Il se consacre également à des œuvres plus intimistes, allégories ou scènes de genre.

Au XVIIIème siècle, les amateurs français de peinture restent fidèles au goût pour les arts flamand et hollandais, prononcés en France dès l'époque de François Ier. A l'été 1773, Fragonard prend la route des Anciens Pays-Bas espagnols où il s’éprend des paysages de Ruysdael et peint des têtes d'expressions dans le goût de Rembrandt.

Au cours de ce voyage, il copie à Amsterdam la célèbre Ronde de nuit mais c’est à Bruxelles qu’il copie cet Autoportrait de Rembrandt. Ce tableau est la propriété du comte de Vence à Paris jusqu'en 1761, puis est mentionné en 1767 dans la collection Henessy à Bruxelles, avant de passer dans la collection Danoot (aujourd'hui Londres, Kenwood House). Fragonard, grâce à un savant travail de lavis brun plus ou moins sombres et de nombreuses réserves, sculpte et scrute le visage de Rembrandt tout au pinceau.

Nous remercions Mesdames Eunice Williams et Marie-Anne Dupuy-Vachey de nous avoir aimablement confirmé l’authenticité de cette œuvre.

Hubert ROBERT (Paris 1733 - 1808)

Caprice avec les monuments de Rome

Huile sur toile, H. 44 cm ; L. 64,5 cm

Provenance : coll. particulière, France ; vente Paris, Mes Oger-Blanchet, 7 avril 2023, lot 65

Fils d’un valet de chambre du marquis de Stainville, Hubert Robert fait son apprentissage dans l’atelier du sculpteur Michel-Ange Slodtz. En 1754, grâce à l’appui de Stainville (futur duc de Choiseul), il obtient une place à l’Académie de France à Rome, où il demeure jusqu’en 1765 et suit l’enseignement de Gian Paolo Panini. Durant ce séjour en Italie, Robert se lie d’amitié avec Jean-Honoré Fragonard et l’abbé de Saint-Non, qu’il accompagne lors de son fameux voyage à Naples en 1760. De retour en France en 1765, il connaît une grande renommée comme peintre de ruines et de paysages et travaille pour les plus prestigieux collectionneurs parisiens de son temps, dont Watelet, Mariette, Marigny et Breteuil... Il entre à l’Académie en 1766 et expose dès l’année suivante au Salon où il reçoit les éloges de Diderot. Sa notoriété ne fait que croître durant les trois décennies suivantes et, grâce à ses dons artistiques et à son érudition, Robert devient l’un des personnages les plus en vue de la haute société parisienne.

Notre modello se rattache à l’importante commande de tableaux que le Grand-Duc Paul Petrovitch, le futur tsar Paul Ier, avait passé à Robert en 1783 lors de son Grand Tour à Paris, guidé par le directeur des Bâtiments du roi, le comte d’Angiviller. Notre esquisse est la première pensée pour le tableau peint pour le Tsar en 1785 et conservé aujourd’hui dans la salle de bal du palais de Pavlovsk en Russie (fig.1).

fig.1 - Caprice avec les monuments de Rome, Saint-Pétersbourg, Palais de Pavlovsk, 1785

Comme l’esquisse, le tableau représente un caprice architectural rassemblant des monuments antiques de Rome : le Panthéon, la pyramide de Cestius, le Colisée, la colonne Trajane et la sculpture des Dioscures. Le caractère central accordé au groupe équestre renvoie certainement à l’inauguration, en 1782 de la statue équestre de Pierre Ier, commandée par l’impératrice Catherine II au sculpteur français Falconet (1716-1791).

L’absence de glacis permet de suivre le geste de l’artiste et la rapidité de la touche frappe le regard. Robert structure sa composition grâce à un tracé à la pierre noire et par un contraste marqué entre le fond clair et le premier plan saturé de personnages et d’architectures à l’aide d’un pinceau chargé de matière.

Robert peint vite et ne se décourage pas face aux vicissitudes de la commande russe, comme l’indique une lettre du début de l’année 1785 : « Le temps auquel je vous avais promis les 4 tableaux s’avance [...]. Deux autres qui ne sont qu’ébauchés mais dont toutes les études des figures sont faites d’après nature représentent, l’un les monuments de Rome, et l’autre ce que nous avons de plus distingué en architecture à Paris…». Finalement, le caprice romain est envoyé le 13 novembre 1787, tandis que le caprice parisien reste dans l’atelier de Robert avant d’être exposé au Salon de 1789 sous le titre Une partie des principaux édifices de Paris, où il trouve immédiatement un acquéreur.

Nous remercions Sarah Catala pour sa précieuse aide et son expertise.

Jean-Baptiste

LE PRINCE

(Metz 1734 - Lagny-sur-Marne 1781)

Deux cosaques

Pierre noire, sanguine, lavis brun et rehauts de blanc, H. 341 mm ; L. 234 mm

Provenance : William Beadleston, New York, 1989.

Œuvres en rapport : Pierre-Paul Rubens, La tête de Cyrus apportée à la Reine Tomyris, Boston, Museum of Fine Arts, inv. 41.40 (fig.1).

Jean-Baptiste Le Prince naît en 1734 à Metz, où il commence à étudier la peinture puis part à Paris poursuivre son apprentissage, notamment auprès de François Boucher (17031770). Le Prince voyage d’abord en Italie en 1754, avant un aventureux voyage en Russie en 1758. La cour de la tsarine Elisabeth continue d’engager des artistes étrangers, notamment français, pour se tenir au goût des cours ouest-européennes. Dès son arrivée à SaintPétersbourg, il obtient des commandes dont certains plafonds du Palais d’Hiver. Le Prince voyagera jusqu’au Kamtchatka, à travers la Sibérie, et en tirera une série de dessins, de sanguines et d’aquarelles qui le rendra célèbre en France lorsque ses travaux serviront d’illustrations au Voyage en Sibérie de l’abbé Jean Chappe d’Auteroche, paru en 1768. Il rentre à Paris en 1764, où il est reçu à l’Académie royale de peinture et de sculpture en 1765 et meurt en 1781.

Les cosaques représentés dans ce dessin sont des études d’après La tête de Cyrus apportée à la Reine Tomyris de Rubens (fig.1). Cette étude vint s’ajouter au large fond de « russeries » retrouvés dans l’atelier de Le Prince lors de l’inventaire après décès.

fig.1 - Pierre-Paul Rubens (1577-1640), La tête de Cyrus apportée à la Reine Tomyris, vers 1622-23, Boston, Museum of Fine Arts (inv. 41.40)

Nicolas LAVREINCE

(Stockholm 1737 - 1807)

La Diseuse de bonne aventure

Gouache sur papier, H. 470 ; L. 550 mm

Provenance : coll. Mühlbacher ; sa vente à Paris, Galerie Georges Petit (Me Chevallier), 16 mai 1899, n°178 ; collection de Mme de Polès ; sa vente, Paris, Galerie Georges Petit, 22-24 juin 1927, n°10 ; vente de la succession de Madame de Polès, Paris, Galerie Charpentier, 1718 novembre 1936, n°4 ; coll. de la baronne Cassel van Doorn ; vente Cassel van Doorn, Paris, Galerie Charpentier, 30 mai 1956, n°20 ; vente anonyme, Paris, Galerie Charpentier (Me Rheims), 3 décembre 1959, n°39 ; Galerie Maurice Segoura, Paris ; coll. de monsieur D.

Bibliographie : P. Lespinasse, Lavreince, cat. raisonné, Paris, 1928, p. 21, repr. pl. XLI.

Nicolas Lavreince a été l'élève de son père, le miniaturiste suédois Niklas Lafrensen. Comme plusieurs grands artistes suédois, tels que Roslin, Hall ou Wertmüller, il vient travailler à Paris entre 1774 et 1791 et se spécialise dans les dessins destinés à la gravure. De retour à Stockholm en 1791, il travaille avant tout comme portraitiste mais ce sont ses scènes de la vie quotidienne de la haute société ou ses scènes galantes qui sont très vite appréciées par ses contemporains. Truffées d'anecdotes, de nombreux détails, elles constituent un important témoignage des années qui précédèrent la Révolution.

Cette tireuse de cartes est assise, vue de profil, dans un intérieur rustique, devant un jeu de cartes étalées sur une table. Vêtue d’un corsage blanc rayé de vert et d’une jupe rouge, coiffée d’un bonnet rose, des bésicles sur le nez, elle étudie en souriant les lignes de la main d’une jeune femme venue la consulter. Dans une robe de soie rayée, décolletée, à manches courtes, un bouquet de rose à l’échancrure du corsage, celle-ci écoute, fort émue, les prédictions de la vieille chiromancienne. Une dame l’accompagne, la tête légèrement inclinée sous un grand bonnet de dentelles, le visage heureux des promesses de bonheur qu’elle semble apprendre. Elle porte un mantelet noir croisé sur une guimpe de mousseline et tient un éventail fermé de la main gauche. Dans la pénombre, à droite, un jeune homme, les bras posés sur le dossier d’une chaise, écoute anxieusement les révélations auxquelles il paraît attacher l’intérêt le plus vif. Un rideau retombe, à gauche, sur le fauteuil de la diseuse d’aventures et des livres de magie gisent à terre, près d’une cruche en grès.

Le thème de La diseuse de bonne aventure a été traité par des artistes aussi différents que Le Caravage, Valentin de Boulogne, La Tour, Lancret ou bien Fragonard mais Nicolas Lavreince, dans cette spectaculaire gouache, replace cette scène dans l'esprit enjoué et charmant de l'Ancien Régime.

François VALENTIN

(Guingamp 1738 - Quimper 1805)

Le Mariage mystique de sainte Catherine Plume et encre noire, aquarelle, et rehauts de gouache, H. 460 mm ; L. 305 mm

Annoté au centre du montage : F. Valentin, prof de dessin de l’école Centrale du Finistère an huit

Provenance : collection privée, France.

Bibliographie comparative : F. de Massol, « François Valentin, vie et œuvre », Mémoire de maîtrise d’histoire de l’art, Université de Haute Bretagne, Rennes II, 1987 ; A. Cariou, François Valentin, Guigamp 1753 - Quimper 1805, cat. exp, Saint-Brieuc, musée d’Histoire, 1989 et Quimper, musée des Beaux-Arts, 1990, éd. musée des Beaux-Arts de Quimper, p. 43, ill. 35.

Oeuvre en rapport : François Valentin, « Le mariage mystique de sainte Catherine », mine de plomb, sanguine, encore brune, craie, fusain sur papier, coll. part. (fig.1).

François Valentin naît en 1738 à Guingamp. Placé dès l’âge de douze ans chez son oncle, peintre verrier à Quimper, il y est repéré par l’abbé de Talhouët de Séverac qui devient son premier bienfaiteur. Il se rend à Paris, où il devient l’élève de Joseph-Marie Vien (1716-1809) entre 1763 et 1769. Admis à l’académie de France à Rome en 1770, Valentin y séjourne avant de revenir en France où il alterne les séjours parisiens, auprès de Gabriel-François Doyen (1726-1806), et bretons, région dans laquelle sa réputation s’accroit grâce au soutien de son premier protecteur. Valentin réalise des tableaux d’autels, des peintures mythologiques et des portraits de personnalités locales, notamment au pastel, medium qu’il apprécie. Pendant la Révolution, Valentin prend une part active en s’engageant auprès des émeutiers à Paris et en dessinant des allégories sur les thèmes de la Liberté, la République ou la Justice. Revenu à Quimper, il deviendra administrateur du district, participant activement au regroupement des œuvres confisquées aux émigrés et au clergé, avant de se consacrer à l’enseignement du dessin. Il s’éteindra en 1805.

Notre dessin est une importante redécouverte d’un artiste rare dont l’œuvre se reforme progressivement. La Vierge est placée en haut d’une composition pyramidale tandis que sainte Catherine, au premier plan, semble danser à ses pieds. Les anges rappellent les peintres baroques romains, comme Maratta, Gaulli ou le Bernin.

fig.1 - Le mariage mystique de sainte Catherine, mine de plomb, sanguine, encore brune, craie, fusain sur papier, H. 590 mm ; L. 455 mm, coll. part.

Jean-Benoît SUVÉE (Bruges 1743 - Rome 1807)

L’intérieur du Colisée et l’arc de Constantin Sanguine sur papier, H. 450 mm ; L. 320 mm

Provenance : Paris, Hôtel Drouot, deuxième vente, coll. du Docteur et de Madame Jean Darier, 9 mai 1940, n°17 : Le Pont, Robert (Hubert) (attribué à).

Bibliographie : S. Join-Lambert et A. Leclair, Jean-Benoît Suvée, 1743-1807. Un artiste entre Bruges, Rome et Paris, éd. Arthena, Paris, 2017, p. 299, D. 174 ; Fonds documentaire JeanFrançois Méjanès.

Elève de Matthias de Visch (1702-1765) à Bruges, Suvée vient en France en 1762 pour devenir l'élève de Jean-Jacques Bachelier (1742-1806). En 1771, il obtient le prix de Rome contre le peintre David (1748-1825). Il prolonge son séjour de pensionnaire de l'Académie de France dans la Ville éternelle de 1772 à 1778. De retour à Paris, il est nommé académicien, loge au palais du Louvre et ouvre une école de dessin pour jeunes filles. Il est nommé professeur à l'École des Beaux-Arts de Paris en mars 1792 puis, la même année, directeur de l'Académie de France à Rome, remplaçant François-Guillaume Ménageot (17441816). Ce n'est toutefois que le 11 octobre 1801, après avoir été confirmé par un arrêté de Bonaparte, qu'il peut prendre son poste après avoir été incarcéré quelques temps à la prison Saint-Lazare. Il connaît une carrière brillante à Rome où, après six années de séjour, il meurt subitement.

Cette feuille est une des plus belles sanguines de Suvée dans le corpus de dessins de paysages réalisés au cours de son séjour de pensionnaire au palais Mancini. L’équilibre assuré, élégant et puissant, de la composition capte l'attention. Tout est parfaitement maîtrisé : la technique, la composition, le traitement de la lumière et l'expression du sentiment poétique qui se dégage de ce lieu. L'arche du Colisée, dont l'appareillage de briques et de travertin est représenté dans ses moindres détails avec un souci quasi archéologique, s'ouvre vers le lointain et invite l'œil à s'évader dans cet arrière-plan où se dessine la silhouette de l'arc de Constantin identifiable par ses bas-reliefs et ses sculptures notés rapidement mais de manière précise. À un premier plan sombre, dont certains détails sont traités par de denses hachures très serrées, succède un second plan lumineux qui illumine la partie centrale.

Jean François Pierre PEYRON

(Aix-en-Provence 1744 - Paris 1814)

Marius prisonnier à Minturnes

Plume, encre de Chine et lavis gris, H. 210 mm ; L. 150 mm

Signé et daté en bas à gauche : « P. Peyron, inv. et Del. En 1783 »

Provenance : collection particulière, France.

Bibliographie comparative : P. Rosenberg et U. van de Sandt, Pierre Peyron, 1744-1814, Neuilly, 1983, éd. Arthena, n°100-101, rep. fig. 88.

Œuvre en rapport : Peyron, Marius prisonnier à Minturnes, plume et encre noire, lavis gris et rehauts de blanc sur papier gris-bleu, H. 296 mm ; L. 206 mm, Madrid, Bibliothèque nationale, inv. Dib. 9161 (fig.1).

Né à Aix-en-Provence, Peyron compte parmi les plus grands peintres néoclassiques. Après avoir étudié à l’École de dessin d’Aix-en-Provence, il est formé dans l’atelier de LouisJean-François Lagrenée. Peyron remporte en 1773 le Grand Prix de peinture devant Jacques Louis David. En 1775, il devient pensionnaire à l’Académie de France à Rome, où JosephMarie Vien vient d’être nommé directeur. Très vite, Vien voit en lui l’un des espoirs de la peinture française. Peyron poursuit sa carrière à Paris, se confrontant au peintre qui dominera son époque : Jacques Louis David.

Notre dessin est préparatoire au morceau d’agrément de Peyron à l’Académie, exposé au Salon de 1783 et aujourd’hui disparu Caius Marius, célèbre général et homme politique romain des IIe et Ier siècles avant J.-C., se heurte à la fin de sa vie à l’hostilité du Sénat et à l’autorité croissante de Sylla, son ennemi de longue date. Marius fuit Rome et se réfugie en Campanie, dans les marais de Minturnes. Il y est capturé puis jugé et condamné à mort. Peyron choisit - pour la première fois semble-t-il - de représenter cet instant raconté par Plutarque : « Aucun citoyen n’osant se charger de son exécution, un cavalier d’origine soit gauloise, soit cimbre, prit une épée et entra chez Marius. Comme la partie de la chambre où celui-ci était couché se trouvait mal éclairée et restait dans l’ombre, le soldat, dit-on, crut voir les yeux de Caius Marius lancer des flammes et il lui sembla entendre dans l’obscurité une voix forte qui clamait : « C’est donc toi l’homme qui ose tuer Caius Marius ? » L’homme s'enfuit en criant : « Je ne pourrais jamais tuer Caius Marius » (Plutarque, « La vie de Marius, Les vies des hommes illustres », par. 42.)

Le charisme de Caius Marius, le poing serré et le visage dur, assis sur son lit de repos à droite de la composition suffit à rejeter dans l’ombre son bourreau qui, détournant le regard, renonce à commettre son crime. La composition néoclassique, reposant sur les lignes architecturales de l’arrière-plan formé d’arcs et de voûtes et l’éclairage dramatique dessinent la scène sobre et sévère où se déroule le drame, accentué par la gestuelle très expressives des personnages.

fig.1 - Marius prisonnier à Minturnes, Madrid, Bibliothèque nationale

Jean-Baptiste HUET

(Paris 1745 - 1811)

Étude de lilas

Huile sur papier marouflé sur toile, H. 413 mm ; L. 317 mm

Signé et daté au centre « J. B hüet . 1786 »

Provenance : collection de Sylvia Paine Constable, New York ; vente, New York, Christie’s, 31 janvier 2024, lot 175.

Bibliographie : M. Faré, La vie silencieuse en France. La nature morte au XVIIIe siècle », Office du Livre, Fribourg, 1976, pp. 268-276.

Fils de Nicolas Huet, peintre du garde-meuble du roi, Jean-Baptiste Huet fait son apprentissage auprès de Charles Dagommer (vers 1700 - vers 1768). Il est agréé à l'Académie en 1768 et reçu académicien, l’année suivante, comme peintre d'animaux. Il suit alors les conseils de Jean-Baptiste Le Prince et de François Boucher s’inscrivant dans la mouvance baroque de madame de Pompadour. Huet expose régulièrement aux Salons jusqu'en 1789, très encouragé par la critique et s’illustre dans les pastorales narrant les amours tendres des bergers, les sujets animaliers et des paysages aux accents poétiques. Il reste également associé à la fabrique de toiles imprimées établie à Jouy par Oberkampf, pour laquelle il a fourni des modèles encore diffusés aujourd’hui, ainsi que celle des papiers-peints fondée par Réveillon au Faubourg Saint Antoine. Représentatif du XVIIIème français, l’art de Huet constitue un formidable hommage à la beauté de la nature (fig.1).

Notre étude de fleurs intemporelle est un merveilleux exemple de l’art de Jean-Baptiste Huet au faîte de sa gloire. Il peint cette élégante brassée de lilas avec des couleurs harmonieuses et raffinées, les couleurs bleu pastel, blanc et rose s’opposant au fond ocre brun.

fig.1 - Jean-Baptiste Huet, Etude de plante, lavis de sanguine, rehauts de blanc et gouache rouge, H. 475 mm ; L. 405 mm, Paris, musée du Louvre (inv. RF41218)

Carle VERNET (Bordeaux 1758 - Paris 1836)

La Course

Aquarelle, gouache, plume et encre noire, H. 510 mm ; L. 920 mm

Signée en bas à gauche.

Bibliographie : A. Dayot, Carle Vernet, Étude sur l’artiste, Ed. Le Goupy, 1925, Paris, repr. n°30 (a).

Œuvres en rapport : Course de chevaux. A horse race, aquatinte par Debucourt, 1811, H. 526 mm ; L. 884 mm (fig.1) et son pendant, Course du Grand Prix faite au Champ de Mars, à Paris, par les chevaux qui ont remportés les premiers prix dans leurs départemens (sic), aquatinte par Debucourt, 1811, H. 522 mm ; L. 877 mm (fig.2).

Troisième fils de Joseph Vernet, Carl naît à Bordeaux en 1758 quand son père réalise l’un des tableaux de la série des « Ports de France » commandés par le marquis de Marigny pour Louis XV. Après avoir étudié les rudiments de son art dans l’atelier paternel, Carl entre dans celui de Lépicié, à l’âge de onze ans. Lauréat du Prix de Rome en 1782, il part pour la cité éternelle où il étudie les grand maîtres. Reçu académicien en 1789, il siège quelques mois avec son père. Sa passion pour les chevaux et l’effervescence Napoléonienne le conduisent à peindre de grandes scènes d’histoire contemporaine. Au salon de 1808, il présente une bataille de Marengo (Versailles) qui lui vaut la Légion d’Honneur. Carle Vernet fait sa cour au nouveau régime en exposant, au salon de 1814, le portrait équestre du Duc de Berry. Il est le premier à fréquenter les haras, les manèges et les cirques pour étudier les chevaux racés, souples et fins, les nobles coursiers anglais, arabes, persans ou hongrois, très éloignés des percherons ou boulonnais représentés par ses prédécesseurs. Il scrute leur délicate anatomie, la souple force de leur musculature et la majesté de leurs formes. Comblé d’honneurs à la Restauration, il a, comme son père, la joie de voir son fils Horace entrer à l’académie en 1826.

Exceptionnel par sa fraîcheur et ses dimensions hors norme, notre dessin représente une grande course de chevaux sous l’empire du mouvement.

Au centre de cette très grande composition, un étalon à la robe grise s’élance et se démarque de ses concurrents aux robes plus sombres. Les chevaux au galop, représentés les quatre jambes tendues simultanément, aucune ne touchant plus terre, sont certes irréalistes mais illustrent la vitesse d’un coursier avant que la photographie ne s’empare du sujet. Les spectateurs se mêlent aux concurrents, les casquettes des jockeys alternant avec les hauts-deforme, dans une ambiance non encore codifiée, l’organisation des courses hippiques proprement dites n’étant qu’à son balbutiement.

fig.1 - Course de chevaux. A horse race, 1811, par Debucourt.
fig.2 - Course du Grand Prix faite au Champ de Mars, 1811, par Debucourt.

Marie-Gabrielle CAPET (Lyon 1761 - Paris 1818)

Portrait d’un peintre à son chevalet

Pierre noire, sanguine, pastel et rehauts de craie blanche, H. 306 mm ; L. 225 mm

Signé au-dessus de la palette : Capet 1783

Provenance : collection privée française.

Bibliographie relative : J. Lebreton, cité par A. Doria, Une émule d’Adélaïde Labille-Guiard, Gabrielle Capet portraitiste, Paris, 1934, p.5 ; Mastery & Elegance, Two Centuries of French Drawings from the Collection of Jeffrey E. Horvitz, Harvard University Museum, 1998, n°106.

Née à Lyon dans un milieu modeste, Marie-Gabrielle Capet arrive à Paris à vingt ans. Elle est sans doute déjà l’élève d’Adelaïde Labille-Guiard, artiste réputée, qui prodiguait à ses élèves des soins qui « ne peuvent se comparer qu’à ceux d’une mère ». Cela est particulièrement vrai pour Marie-Gabrielle Capet qui habite chez Mme Labille-Guiard qui la représente à ses côtés dans son Autoportrait au chevalet (1785, New York, The Metropolitan Museum of Art). Dès 1781, Capet expose pour la première fois au Salon de la Jeunesse, place Dauphine. L’année suivante, elle y présente deux portraits au pastel et continue durant toute sa carrière cette spécialité. Pendant les troubles révolutionnaires, alors que leur rivale Élisabeth Vigée-Lebrun quitte la France, Capet et Labille-Guiard restent à Paris. En 1791, elles font partie des vingt-et-une femmes artistes qui exposent pour la première fois au Salon du Louvre. Elles s’installent au Louvre en 1795, auprès du peintre François-André Vincent, futur mari de Mme Labille-Guiard. Capet expose au Salon jusqu’en 1814.

Surpris dans son travail, un peintre tourne son visage poupin vers le spectateur et, le fixant d’un regard empreint de douceur, esquisse un léger sourire. Mis en valeur par le fond uni sur lequel il se détache, le modèle, dont l’identité reste pour l’instant inconnue, est représenté avec une grande minutie. Notre portrait se singularise par sa technique, une combinaison de pierre noire et de pastel, que l’on retrouve dans deux œuvres conservées dans la collection Horvitz, l’Autoportrait de l’artiste (fig.1) et le Portrait présumé de Louis Pallière (fig.2). Nous remercions Isabelle Meyer-Michalon, Sophie Join-Lambert et Christophe Marcheteau de Quinçay qui nous ont aimablement confirmé l’authenticité de ce dessin.

fig.1 - Marie-Gabrielle Capet, Autoportrait, Boston, collection Horvitz
fig.2 - Marie-Gabrielle Capet, Portrait présumé de Louis Pallière, Boston, collection Horvitz.

Louis GAUFFIER (Poitiers 1762 - Florence 1801)

Le Repos de la Sainte Famille en Egypte

Huile sur toile, H. 30 cm ; L. 39 cm

Provenance : vente Paris, Sotheby's, 15 juin 2022, n°205 ; collection particulière, Paris.

Oeuvre en rapport : Le Repos de la Sainte Famille en Egypte, huile sur toile, signé et daté 1792, Poitiers, musée Sainte-Croix (inv.975.1.1) (fig.1) ; Le Repos pendant la fuite en Egypte, dessin, Montpellier, musée Fabre (inv. 837.1.201) (fig.2).

Formé par Taraval, Louis Gauffier subit surtout l’influence de Jacques-Louis David. Se présentant au grand prix en 1782 et 1783, il le remporte en 1784 grâce à sa Cananéenne aux pieds du Christ (Paris, ENSBA) en même temps que Jean-Germain Drouais, l’élève préféré de David. A Rome, Gauffier intègre le cercle des davidiens sans adhérer à la radicalisation de l’art du maître. Il étudie l’Antiquité dans les collections des musées se créant un répertoire de motifs qu’il exploitera dans ses tableaux. Il est agréé en 1789 comme aspirant peintre d’Histoire et expose des peintures d’un néoclassicisme savant et lumineux aux Salons de 1789 et 1791. En 1793, il quitte Rome pour fuir les émeutes antifrançaises et se réfugie à Florence. Il fréquente un milieu cultivé et réalise des portraits-souvenirs suivant l’exemple de son aîné Jacques Sablet. De santé fragile, il meurt en 1801.

Notre esquisse est préparatoire au tableau (fig.1) commandé par Thomas Hope (1769-1831). Il réalise pour lui six grandes peintures pour sa demeure londonienne. Le Repos était présenté dans la salle égyptienne, illustrant le goût pour l’égyptologie propre à la fin du XVIIIe siècle. Les palmiers, les pyramides et la porte monumentale gravée de hiéroglyphes devaient s’insérer dans ce décor érudit.

Le musée Fabre de Montpellier conserve un dessin préparatoire (fig.2) qui présente de nombreuses variantes tant avec l’œuvre finale qu’avec notre esquisse.

A l’inverse, le tableau reprend fidèlement notre esquisse hormis quelques légères variantes.

L’équilibre de la composition, construite sur une diagonale renforcée par une lumière diffuse, les figures élégantes dans des poses variées, ainsi que l’attention portée aux détails archéologiques sont typiques des recherches néoclassiques menées à la même époque par David.

fig.2 - Louis Gauffier, Sainte Famille avec quatre anges ou Saint Jean adorant l’Enfant Jésus, pierre noire, crayon graphite, plume et encres, Montpellier, musée Fabre (inv. 837.1.201)
fig.1 - Louis Gauffier, Le Repos en Egypte, huile sur toile, signé et daté, Poitiers, musée Sainte-Croix

François GÉRARD, dit BARON GÉRARD

(Rome 1770 - Paris 1837)

Étude pour l’Allégorie de la Mort pour la coupole du Panthéon

Pierre noire sur papier beige, H. 235 mm ; L. 320 mm

Œuvre en rapport : Baron Gérard, Étude pour un écoinçon du Panthéon : la Mort, estompe et mine de plomb, rehaut de blanc, Paris, musée du Louvre, inv. RF35611 (fig.1).

François Pascal Simon, appelé le Baron Gérard, naît en 1770 à Rome, où son père était l’intendant de l’Ambassadeur de France auprès du Pape. De retour à Paris, François Gérard devient pensionnaire du Roi en 1782. Il étudie avec le sculpteur Augustin Pajou (1730-1809).

Remarqué par David (1748-1825), il entre dans son atelier en 1786 et obtient, en 1789, le second Prix de Rome avec Joseph reconnu par ses frères (Angers, musée des Beaux-Arts). Il séjourne en Italie de 1791 à 1793 et rentre à Paris pour travailler aux illustrations éditées par les frères Didot. Fin des années 1790, il est reconnu comme un portraitiste de talent et devient le peintre attitré de la famille impériale et des dignitaires de l’Empire. Après son succès au Salon de 1798 avec Psyché et L’Amour (Paris, musée du Louvre), il est surnommé par ses contemporains : « le peintre des rois, le roi des peintres ». Sous la Restauration, il passe au service du nouveau régime et, en 1817, est nommé Premier Peintre du Roi, fonction qu’il exercera sous les règnes de Louis XVIII et de Charles X. Son œuvre, son Salon, ses relations, en font l’un des personnages les plus influents des milieux intellectuels et artistiques de l’époque.

En 1821, le Baron Gérard reçoit une commande de quatre écoinçons pour la coupole du Panthéon pour lesquels il choisit de représenter quatre allégories : La Mort (fig.1), La Patrie, La Gloire et La Justice. L’exécution des fresques étant sans cesse repoussée, le projet final, achevé en 1837, diffère des dessins préliminaires.

Notre dessin est à rapprocher d’une Étude pour un écoinçon du Panthéon : la Mort conservée au Louvre (fig.1). La Mort, munie d’ailes de chauve-souris se dresse devant des hommes et des femmes effrayés qui tentent de lui résister. Un autre dessin au crayon conservé également au Louvre présente une autre version de cette Allégorie.

Toute en force et en contrainte, notre figure puissante est représentée en équilibre sur son genou droit, dans un magnifique raccourci, comme propulsée par la peur. Le mouvement des bras aux mains crispées, la tête détournée et les traits appuyés du visage traduisent l’effroi mêlé de force et de volonté qui repousse la Mort.

(fig.1) - « Étude pour un écoinçon du Panthéon : la Mort », mine de plomb, H. 163 mm ; L. 123 mm, Paris, musée du Louvre.

Alexandre-Évariste FRAGONARD (Grasse 1780 - Paris 1850)

La Leçon de danse

Pierre noire, estompe et rehauts de gouache blanche, H. 525 mm ; L. 850 mm

Signé en bas à droite : Fragonard fils 1802

Provenance : château de Sassy, Boischampré, Orne ; vente, Paris, Mes Baron Ribeyre & Associés, 29 mars 2024, lot 209.

Exposition : Salon de 1802, n°102 : « Fragonard, fils, 102. Une Leçon de danse ».

Bibliographie : R. Duffeix, « Alexandre-Évariste Fragonard, Fragonard fils », éd. Arthena, Paris, 2022, p. 258, D. 140.

Œuvre en rapport : A-É. Fragonard, « Psyché montre ses richesses à ses sœurs », 1797, Paris, musée du Louvre, inv. RF 31040 (fig.1).

Alexandre-Évariste Fragonard suit l’enseignement de son père, Jean-Honoré Fragonard et probablement de sa tante Marguerite Gérard. Son père le place dans l’atelier de David (1748-1825) et il est admis à l’Académie royale en 1792. Remarquablement précoce, il expose au salon de 1793 puis à nouveau à ceux de 1796 et 1800 présentant des dessins de sujets historiques et mythologiques. Fragonard reçoit sous l’Empire plusieurs commandes, notamment pour le Palais Bourbon (œuvres aujourd’hui détruites) et réalise des peintures à la gloire de l’Empereur. Pendant la Restauration, il obtient de nombreuses commandes officielles pour des églises à Paris. C’est à cette époque (vers 1819), que notre artiste se tourne vers l’histoire nationale et commence à réaliser des peintures troubadours. Vers 1830, il travaille de nouveau pour le Palais Bourbon en présentant des scènes de la Révolution française.

La redécouverte de cet important dessin est un témoignage marquant de la précocité du talent de notre artiste car, présenté en 1802 lors de sa quatrième participation au Salon, il n’a que vingt-deux ans. Grâce à ce format allongé, il réalise une mise en scène formelle des personnages « en frise » tout en transcrivant sur les figures la délicatesse de la lumière.

(fig.)1 - A-É. Fragonard, Psyché montre ses richesses à ses sœurs, Paris, Musée du Louvre.

Eugène DELACROIX et Frédéric CHOPIN

(Saint-Maurice 1798 - Paris 1863) et (Zelazowa Wola 1810 - Paris 1849)

Tigre

Plume et encre brune sur une portée de musique, H. 55 mm ; L. 220 mm

Annoté sur le montage : « Eug. Delacroix. Nohant / Croquis fait sur papier à musique annoté par Chopin / Vente de Mme G Sand. 23 avril 1864. Dessin à la plume. »

Provenance : vente Anonyme (Mme Georges Sand), 23 avril 1864, Tableaux et dessins modernes, Hôtel Drouot, salle n°7, n°45.

Œuvre en rapport : Portrait de Georges Sand, Eugène Delacroix, huile sur toile, 1834, H. 27,2 cm ; L. 21,5 cm, Musée Eugène Delacroix, Paris, inv. MD 2016-1 (fig.1).

« (…) parler de la couleur en peinture, c’est vouloir faire sentir et deviner la musique par la parole (…) Ce qui fait le beau de cette industrie-là, me disait gaîment Delacroix luimême dans une de ses lettres, consiste dans des choses que la parole n’est pas habile à exprimer ».

Georges Sand, « Histoire de ma vie », t. 11, ch. 33, 1855

Eugène Delacroix rencontre Georges Sand en 1834 lorsque le directeur de la Revue des Deux Mondes demande au peintre de faire le portrait de la femme de lettres (fig.1).

C’est le début d’une longue amitié qui durera jusqu’en 1863. Delacroix séjournera régulièrement au domaine de l’écrivain à Nohant, écrin de verdure au cœur du Berry, où il aura l’occasion d’observer et de peindre la nature lors de longues promenades dans le parc.

fig.1 - Eugène Delacroix Portrait de Georges Sand, huile sur toile, 1834, Paris, musée Eugène Delacroix

Les fauves, représentés isolément ou mis en scène, ont été l’un des thèmes de prédilection d’Eugène Delacroix. Il exécuta dès sa jeunesse de nombreuses esquisses anatomiques d’après des félins, à la ménagerie du muséum d’histoire naturelle, à la foire de Saint Cloud et en tout autre lieu où l’on pouvait voir des fauves. La passion que Delacroix éprouvait pour les félins, et plus spécifiquement pour les tigres, n’est pas étrangère à la propre ressemblance de l’artiste avec ces nobles fauves solitaires dont il fit sujets d’études tout au long de sa vie. Fasciné par la plastique et l’instinct sauvage du tigre, le peintre l’apprivoise en étudiant son anatomie. Il cherche à mieux en cerner tous les aspects en multipliant ses représentations dans des techniques variées : dessin, aquarelle, pastel, gravure, peinture…

En 1838 débute une relation amoureuse tumultueuse entre Chopin, déjà tuberculeux et sujet à de capricieuses humeurs, et Georges Sand. Chopin réside à Nohant entre 1839 et 1846, date de leur séparation définitive. Elle écrit en l’observant, il compose et joue pour elle chaque soir vivant une véritable parenthèse heureuse. Ami des deux artistes, Delacroix fut un témoin privilégié de cette romance. Ce tigre de Delacroix est le souvenir d’un moment unissant trois artistes du romantisme en France : la littérature de Georges Sand, la musique de Frédéric Chopin et le dessin d’Eugène Delacroix.

Mary CASSATT

(Pittsburgh 1844 - Le Mesnil-Théribus 1926)

Portrait de Pierre

Pastel sur papier marouflé sur toile, H. 580 mm ; L. 480 mm

Signé en bas à gauche

Provenance : coll. de madame Albert d'Arleux, mère du modèle (acquis auprès de l'artiste) ; vente M° Aguttes, 26 octobre 2015, n° 17 ; coll. particulière, France.

Bibliographie : A. Dohme Breeskin, Mary Cassatt: a catalogue raisonné of the oils, pastels, watercolors, and drawings, Washington, Smithsonian Institution Press, 1970, n°480 ; Mary Cassatt: a new catalogue raisonné of the paintings, pastels, and watercolors originally published by The Cassatt Committee, répertorié sous la référence n°MCCR 437.

Mary Cassatt naît en 1844 en Pennsylvanie, dans un milieu très aisé. Pendant sa jeunesse, elle voyage fréquemment en Europe avec sa famille. A sa majorité, elle s’installe à Paris pour suivre des cours dans l'atelier de Jean-Léon Gérôme. En 1872, Cassatt expose pour la première fois au Salon, se rapprochant des impressionnistes grâce à sa rencontre déterminante avec Edgard Degas qui en fera son modèle. Reconnue comme Femme Peintre avec une technique de plus en plus fougueuse, elle prend peu à peu sa place dans le groupe des Impressionnistes. Avec John Sargent et la complicité du marchand Paul Durand-Ruel, avec qui elle organise en 1886 à New York la première grande exposition du mouvement, elle contribue à la diffusion de l'impressionnisme aux Etats-Unis. Cinq ans plus tard, et toujours grâce à Durand-Ruel, elle réalise sa première exposition personnelle à Paris. A la fin des années 1880, la découverte de la gravure japonaise infléchit son art. Elle s’adonne à la technique de la taille-douce, de l’eauforte, et de l’aquatinte. Tournée vers l’art du papier, elle travaille presque exclusivement sur des papiers marouflés sur toile, ce qui lui permet de dessiner verticalement, comme avec un chevalet. Dès 1902, le critique Camille Mauclair ("Un peintre de l'enfance, Miss Mary Cassatt", in. L'Art décoratif, août 1902, pp. 177-184) admire la « sincérité picturale » dans l’art de Mary Cassatt, qui « saisit l'âme présente ». Selon lui, elle renouvelle avec Manet le genre du pastel : les couleurs sont éclatantes, la touche vive et expressive, soulignant la liberté du geste, les hachures larges et juxtaposées, sans estompe.

Albert Morel d’Arleux commande, vers 1906, notre pastel à l’artiste. Le jeune Pierre semble consentir à rester un instant immobile le temps d’une brève pose. L’artiste a rapidement esquissé les principaux traits de cet enfant par de larges lignes de pastel noir. Des couches épaisses et veloutées de pastels blanc et gris modèlent la chemise du jeune garçon tandis que des rouges se superposent pour créer la texture de son costume qui contraste avec le vert de l’assise.

Un autre pastel représentant Claude est conservé à l’Addison Gallery of American Art, Phillips Academy, Andover, MA) (fig.1).

Notre portrait est un magnifique exemple de cette modernité extraordinaire apportée par Mary Cassatt dans l’art du pastel.

fig.1 - Jeune garçon en bleu, vers 1906, Andover, MA, Addison Gallery of American Art, Phillips Academy, inv. 1930.300.

BALTHUS

(Paris 1908 - Rossinière 2001)

Katia endormie

Crayon sur papier, H. 482 mm ; L. 360 mm

Monogrammé en bas à droite

Provenance : galerie Claude Bernard, Paris ; Thomas Ammann Fine Art, Zurich ; collection Ann et Gordon Getty, New York.

Bibliographie : V. Monnier - J. Clair, « Balthus: Catalogue Raisonné de l’œuvre complète », ed. Gallimard, Paris, 1999, p. 338, no. D 1140 (repr.).

Balthasar Klossowski de Rola, dit Balthus, est né à Paris en 1908, de parents prussiens expatriés. Tout au long de sa carrière, Balthus rejette les conventions habituelles du monde de l'art et résiste à toute tentative de construire un profil biographique. Il grandit avec son frère aîné, l’écrivain et philosophe Pierre Klossowski (1905-2001), dans un environnement artistique, le domicile familial étant fréquenté par des artistes et des écrivains célèbres dont Rilke, Gide et Cocteau. En 1917, à la suite du divorce de ses parents, il est à Genève, où sa mère devient l'amante de Rilke. Ce dernier, impressionné par le talent artistique du jeune Balthus, l’aide à publier en 1921 son premier ouvrage intitulé « Mitsou », qu’il préface. En 1926, Balthus visite Florence et copie de nombreuses fresques du maître de la Renaissance Piero della Francesca (1412/20-1492) qui lui inspirent ses premières peintures ambitieuses. En 1933, Balthus s'installe à Paris. Ses peintures, à la manière de la deuxième génération de peintres surréalistes comme Salvador Dalí (1904-1989), utilisent souvent des techniques réalistes pour représenter des motifs psychologiques ou des images de rêve. Son travail est très tôt admiré par les écrivains et ses amis peintres, en particulier par André Breton et Pablo Picasso. En 1937, il épouse Antoinette de Watteville, issue d'une famille aristocratique influente de Berne. En 1940, l'invasion de la France par les forces allemandes amène Balthus et sa femme à s'enfuir en Savoie dans une ferme près d'Aix-les-Bains. En 1942, il s'échappent vers la Suisse, d'abord à Berne puis à Genève, où Balthus se lie avec l'éditeur Albert Skira. Sa renommée internationale ne cesse de grandir avec des expositions à la galerie Pierre Matisse (1938) et au Museum of Modern Art (1956) de New York, tandis qu’il cultive toujours une image énigmatique, renforcée par son second mariage avec la japonaise Setsuko Ideta, de trente-cinq ans sa cadette. De 1961 à 1977, il dirige la Villa Médicis à Rome, puis s’installe à nouveau en Suisse à Rossinière, où il décède.

La jeune fille rêveuse est le sujet le plus attirant et le plus marquant de Balthus. Endormie ou perdue dans sa rêverie, elle est perçue comme l'incarnation même de l'innocence, particulièrement tendre et délicate, vulnérable aussi, lors de cette période cruciale de transformation qui va de l'adolescence au début de l'âge adulte.

Balthus dessine ce jeune modèle endormi dans son atelier à la Villa Médicis.

BALTHUS

BOUCHER François

CAPET Marie-Gabrielle

CASSATT Mary

COYPEL Charles

DELACROIX Eugène

FRAGONARD Jean-Honoré

FRAGONARD Alexandre-Evariste

GAUFFIER Louis

GERARD François

GREUZE Jean-Baptiste

ARTISTES

GUARDI Francesco

HUET Jean-Baptiste

LAVREINCE Nicolas

LE PRINCE Jean-Baptiste

PERRONNEAU Jean-Baptiste

PEYRON Jean François Pierre

ROBERT Hubert

SUVEE Jean-Benoît

TIEPOLO Gian Domenico

VALENTIN François

VERNET Carle

Cataloque

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