L O U Y S E
M O I L L O N
( circa 1610 – 1696 ) L A
N A T U R E M O R T E A U
G R A N D
S I E C L E
13 novembre - 12 décembre 2009 GALERIE ERIC COATALEM
93, Faubourg Saint Honoré 75008 Paris Tel : + 33 1 42 66 17 17 – coatalem@coatalem.com www : coatalem.com
A Charles, Louis, Pauline
Je tiens à remercier chaleureusement Dominique Alsina, qui a accepté de collaborer à la première exposition consacrée à cette rare femme peintre de la première moitié du XVII° siècle, Louyse Moillon. Que tous les collectionneurs, qui ont répondu avec tant de spontanéité, de gentillesse et d’enthousiasme, soient remerciés pour leur très généreux prêt. Je remercie mille fois Manuela de Paladines et Florence Thieblot qui ont, une fois de plus, travaillé avec passion pour que cette exposition puisse voir le jour mais aussi, pour leur aide et leur patience, Gilles de Fayet, Michael Haas, Jacques Leegenhoek, Jan Stefan Ortmann, Séverin Racenet et Jean Max Tassel.
Louyse Moillon (circa 1610-1696), artiste encore méconnue du XVIIe siècle, doit occuper, dans le panthéon des peintres, une place de premier plan. Est-ce dû à sa spécialité, la nature morte? Au fait qu'elle appartienne à une minorité, c'est une femme ? Est-ce dû au thème, considéré à l'époque comme le «petit genre» ou, comme le soutiennent certains historiens, l'arrêt brutal de son art peu après son mariage en 1640 avec un marchand de bois Estienne Girardot, protestant lui aussi ? Les renseignements sur sa vie tiennent en quelques lignes et, malgré une longue activité parisienne et le succès permanent de ses tableaux, peu de traces subsistent dans les archives notariales ou les inventaires de collections. Son père Nicolas Moillon (1580-1619) est à la fois peintre et marchand de tableaux, installé Pont Notre-Dame puis dans une loge à la foire Saint-Germain. Dans ces marchés permanents, les amateurs pouvaient trouver des œuvres d’artistes flamands, hollandais ou français et abordant tous les genres picturaux. Deux enfants suivront ses traces artistiques: Isaac (1614-1673), peintre d'Histoire futur membre de la toute jeune Académie royale de peinture et de sculpture et Louyse, spécialisée, au contraire, dans le « petit genre », la représentation de natures mortes. Après la mort de son père, elle bénéficiera probablement de l'enseignement de son beau-père François Garnier (1600 – 1657), lui-même peintre de natures mortes. C’est le parti pris de rigueur et de dépouillement qui distingue les natures mortes de Louyse Moillon des œuvres flamandes et hollandaises : aux scènes de cuisines débordantes de victuailles, elle oppose sur une simple table, un panier et quelques fruits à la chair raffinée. Dans les petits formats, ces objets sont équilibrés sur un fond sombre mis en valeur par un éclairage subtil ou soutenu qui rappelle les leçons de Caravage. Dans les grands formats, Louyse Moillon réalise de véritables mises en scène intégrant même, vers 1640, comme dans «La Collation», du château de Wideville, un ou des personnages. L’extrême précision du dessin des fruits, leurs tonalités vibrantes enrobés d’une lumière douce ou au contraire brutale, l’équilibre parfait des compositions, sont les caractéristiques de l’art de Louyse Moillon. Dominique Alsina
Préparant un ouvrage sur les natures mortes françaises à l’époque de Louis XIII, je ne pouvais accepter qu’avec enthousiasme de réaliser, avec Dominique Alsina, auteur du récent catalogue raisonné des peintures de Louyse Moillon (circa 1610-1696), la première exposition jamais consacrée à cette artiste. Sur les soixante dix œuvres répertoriées par Dominique Alsina (dont quatorze sont dans les musées), un décompte rapide nous fit réaliser qu’il était possible de réunir et confronter, pour la première fois, une dizaine d’œuvres de la main de Louyse Moillon, toutes peintes entre 1629 et 1641. On ne connaît que très peu de femmes peintres tout au long du XVII° siècle : en France, Marie Trésar (vers 1650) ou Madeleine Boulogne (1646-1710), en Italie Fede Galizia (1580-après 1630), en Hollande Clara Peeters (1594-1657) ou Rachel Ruysch (1664 - 1750) car les Arts semblent et restent, presque exclusivement et étrangement, dominés par la gente masculine tout au long des siècles. Nous espérons que cette première exposition permettra, aux amateurs, de découvrir le raffinement de sa technique, sa sensibilité, sa délicatesse et sa façon si particulière et si féminine d’enrober les fruits d’une lumière mielleuse, dorée… mais aussi gourmande. Eric Coatalem
1 - Corbeille de pêches Huile sur bois, H. 58,5 cm ; L. 76,5 cm Vers 1629 Collection particulière
Provenance : Début 1992, dans le commerce à Reims; 1994, Galerie Jean-Claude Serre - Jacques Leegenhœk, Paris; 1997, le 17 juin, vente Me Tajan, Hôtel Drouot, Paris, n° 37 ; coll. particulière, Paris ; 2000, Galerie Eric Coatalem, Paris; 2000, Galerie Michael Haas, Berlin ; coll. particulière. Expositions : 1994-1995, Maîtres Anciens, Galerie Jean-Claude Serre - Jacques Leegenhoek, Paris, n° 14. Bibliographie : 2009, D. Alsina, Louyse Moillon, La nature morte au Grand Siècle, catalogue raisonné, Ed. Faton, Dijon, n° 2, p. 111.
2 – Nature morte aux pêches et prunes dans un panier Huile sur bois, H. 40,4 cm ; L. 50,2 cm Vers 1634 Collection particulière
Provenance : 1933, Galerie Goudstikker, Amsterdam ; coll. Mrs Asscher, Londres ; 1938, le 6 mai, vente Christie’s, Londres, n° 40 (comme J. van Es); 1938, coll. Robert Franck, Londres; 2005, le 8 déc., vente Christie’s, Londres, n° 27; 2005-2006, Galerie Eric Coatalem, Paris ; coll. particulière. Bibliographie : 2009, D. Alsina, Louyse Moillon, La nature morte au Grand Siècle, catalogue raisonné, Ed. Faton, Dijon, n° 20, p. 143.
3 – Plat de pêches posé sur une boîte de copeaux Huile sur bois, H. 49,5 cm ; L. 64,5 cm Signé et daté en bas, à droite, sur la boîte de copeaux : Louyse Moillon, 1634 Collection LGR
Provenance : 1956, coll. Robert Lebel, Paris ; 2004, Galerie Turquin & Galerie Sanct Lucas, Vienne ; coll. particulière.
Exposition : 1957, mai – juin, Voici des fruits, des fleurs, des fleurs et des branches, Galerie Bernheim Jeune, Paris, n° 39 ; 1959, avril - mai, Natures mortes françaises du XVIIe au XXe siècle, Galerie Daber, Paris, n°9 ; 1960, Flower and still life paintings of four centuries, Hallsborough Gallery, Londres, n° 18.
Bibliographie : 1955, Nouveau Fémina, mai, rep. ; 1956, J. Wilhem, Louise Moillon, Revue L’œil, sept. , n° 21, rep. p. 6 ; 1962, M. Faré, La nature morte en France, son histoire et son évolution du XVII° siècle au XX° siècle, Genève, Pierre Cailler, t. II, rep. pl. 64 ; 1974, M. Faré, Le grand siècle de la nature morte en France, le XVII° siècle, Fribourg, Office du Livre (Suisse), rep. p. 60, fig. 4 ; 1985, C. Wright, The french painters of the seventeenth Century, Boston, Orbis, Brown & Company, p. 233; 2009, D. Alsina, Louyse Moillon, La nature morte au Grand Siècle, catalogue raisonné, Ed. Faton, Dijon, n° 24, p. 148.
4 - Panier de prunes Huile sur bois, H. 30 cm ; L. 40, 5cm Signé en bas, à droite, sur la tranche de la table : Louyse Moillon. Vers 1634 Collection particulière
Provenance : Ancienne collection de la Baronne X…; 2004, le 1er déc., vente Me Oger-Dumont, Hôtel Drouot, Paris, n° 22; coll. particulière. Bibliographie : 2009, D. Alsina, Louyse Moillon, La nature morte au Grand Siècle, catalogue raisonné, Ed. Faton, Dijon, n° 31, p. 155.
6 - Nature morte aux pêches et raisins Huile sur bois, H. 48,5 cm ; L. 64 cm Signé en bas, à droite, sur la tranche de la table: Louyse Moillon Vers 1641
Provenance : France, coll. part. ; 1988, le 2 - 3 déc., vente Sotheby’s, Sporting d’Hiver, Monaco, n° 656 ; Galerie David Koetser, Zürich ; coll. privée ; 2006, le 17 oct., vente Christie’s, New York, n° 25; Galerie Eric Coatalem, Paris ; coll. particulière. Expositions : 1990, Galerie David Kœtser, Zürich, n° 11.
Bibliographie: 2009, D. Alsina, Louyse Moillon, La nature morte au Grand Siècle, catalogue raisonné, Ed. Faton, Dijon, n° 48, p. 178.
7 - Corbeille de pêches, coings et prunes sur une table Huile sur toile, H. 66,5 cm ; L. 85,5 cm Après 1641 Collection particulière
Provenance : Vente de la succession de Mme C.; 1962, le 5 fév., vente Me Bondu, Hôtel Drouot, Paris, n°15 (attribué à); 1989, le 27 juin, vente Me Ader-Picard-Tajan, Drouot Montaigne, Paris, n° 26 ; coll. part., Paris; 2008, le 27 mars, vente Piasa, Hôtel Drouot, Paris, n° 93 ; Galerie Eric Coatalem, Paris. Bibliographie : 2009, D. Alsina, Louyse Moillon, La nature morte au Grand Siècle, catalogue raisonné, Ed. Faton, Dijon, n° 56, p. 188.
8 – Nature morte aux grenades et bigarades dans un panier Huile sur bois, H. 49,5 cm ; L. 64 cm Après 1641 Collection LGR
Inédit
9 - Nature morte de raisins, grenade et bigarade Huile sur bois, H. 41 cm ; L. 51 cm Après 1641 Collection particulière
Provenance : 1987, le 20 juin, vente Sotheby’s, Sporting d’Hiver, Monaco, n° 367; 1987, 14 déc., vente Me Loudmer, Hôtel Drouot, Paris, n° 21; coll. part. ; 2008, le 27 juin, vente Piasa, Hôtel Drouot, Paris, n° 67 ; coll. particulière. Bibliographie : 2009, D. Alsina, Louyse Moillon, La nature morte au Grand Siècle, catalogue raisonné, Ed. Faton, Dijon, n° 61, p. 194.
10 – Poires, grenades, coings et paniers de pêches et de raisins. Huile sur toile, H. 85, 8 cm ; L. 117, 5 cm Après 1641 Collection particulière
Provenance : 1981, le 11 déc., vente Christie’s, Londres, n° 7; 1983, le 18 janv., vente Christie’s, New York, n° 104; 1983, Galerie Cesare Lampronti, Rome; coll. part., Milan; 2009, Galerie Eric Coatalem, Paris. Bibliographie : 2005 - 2006, Tableaux français du XVII° siècle, Galerie Eric Coatalem, Paris – New York, rep. p. 101 ; 2009, D. Alsina, Louyse Moillon, La nature morte au Grand Siècle, catalogue raisonné, Ed. Faton, Dijon, n° 68, p. 203.
11 - Nature morte aux fruits et légumes posés sur une table de bois Huile sur toile, H. 92 cm ; L. 125 cm Après 1641 Collection particulière
Provenance : Coll. part.; dans le commerce parisien jusqu’à fin 1981; 1982, coll. part., Bordeaux; 2005, Galerie Eric Coatalem, Paris; coll. particulière.
Exposition: 2005 - 2006, Tableaux français du XVII° siècle, Galerie Eric Coatalem, Paris (16 nov. - 17 déc.) - New York (25 janv. - 25 fév.), rep. p. 94. Bibliographie : 2009, D. Alsina, Louyse Moillon, La nature morte au Grand Siècle, catalogue raisonné, Ed. Faton, Dijon, n° 69, p. 204 – 205.
LA
SYMBOLIQUE
DES
FRUITS
REPRESENTES
Bigarade (sorte d’orange amer à la peau rugueuse): symbole de péché originel ou de la rédemption. La fleur de l’oranger évoque la pureté ou la chasteté. Le mot « orange » en hollandais se traduit par sinaasappel, soit « pomme chinoise ». La bigarade est aussi appelée « orange de Séville ». Cerise : sa couleur évoque le sang du Christ versé sur la croix. Coing : en grec krusomélon soit pomme d’or, symbole d’amour, de fécondité, du mariage ou, dans les mains du Christ, un symbole de résurrection. Figue : arbre des origines de la ville de Rome, le figuier symbolise la fécondité ou la fertilité (dans la Rome antique), ou de péché originel (après avoir mangé les fruits de l’arbre de la connaissance, Adam et Eve ont couvert leur nudité de feuilles de pommiers ou parfois de figuiers). Fraise : considérée comme une plante du jardin du paradis. Symbolise l’incarnation du Christ, la Passion du Sauveur. Ces feuilles trilobées peuvent évoquer la Trinité, sa fleur blanche l’innocence, sa couleur rouge le sang donc la Passion du Christ. Grenade : dans la main de Jésus, c’est un symbole de résurrection, dans celle de la Vierge c’est la chasteté mais elle évoque aussi la fertilité, la fécondité ou la force de l’église capable d’unifier, par la foi, les peuples et les croyants. Pêche : constituée en trois parties (chair, noyau et graine), elle peut évoquer la Trinité, mais aussi le fruit du Salut (lors de la Fuite en Egypte, c’est un pêcher qui aurait plié ses branches devant le Christ). C’est aussi un emblème du cœur et de la parole et donc de la vérité. Pomme : symbole de la tentation, du péché originel mais aussi de la rédemption de l’homme lorsqu’elle est tenue par l’Enfant Jésus. Le mot latin « malum » désigne aussi bien le mal que la pomme d’où la probable interprétation. Prune : symbole de fidélité. Pourpre ou violet sombre, elle évoque la Passion et la mort du Christ, jaune sa chasteté, rouge sa charité et blanche son humilité. Raisin : la couleur évoque le sang du Christ et les grappes sont un des symboles de l’eucharistie. Peut aussi évoquer l’ivresse de Noé que l’on trouve souvent ivre et endormi dans la vigne qu’il a plantée.