Oeuvres sur papier et grisaille - Galerie Eric Coatalem 2022

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Œuvres sur papier & Grisaille 2022

GALERIE ERIC COATALEM PARIS


Œuvres sur papier & Grisaille 2022

GALERIE ERIC COATALEM 136, rue du Faubourg Saint Honoré 75008 Paris Tél. 33 (0)1 42 66 17 17 www.coatalem.com - coatalem@coatalem.com


A Charles, Louis et Pauline

Je tiens à remercier pour la réalisation des notices mais aussi, pour leur patience et leur précieuse aide : Jean-Christophe Baudequin, Carole Blumenfeld, Jean-Luc Bordeaux, Sarah Catala, Eric du Maroussem, Agathe Dupont, Marie-Anne Dupuy-Vachey, Bob Haboldt, Thomas Hennocque, Yuriko A. Jackall, Françoise Joulie, Alastair Laing, Sidonie Laude, Dominique Le Marois, Frédérique Mattei, Stephen Ongpin, Dominique Vitart, Eunice Williams. Tous les montages ont été réalisés, avec élégance, par Sidonie Laude à Paris. Les dimensions sont données en millimètres en commençant par la hauteur. Tous les droits de reproduction sont strictement réservés à la Galerie Eric Coatalem, Paris.



Reynaud LEVIEUX (Nîmes 1613 - Rome 1699) La Sainte Famille bénie par Dieu le Père Plume et encre noire, H. 378 mm ; L. 265 mm Bibliographie comparative : C.-Ph. de Chennevières-Pointel, Recherches sur la vie et les ouvrages de quelques peintres provinciaux de l’ancienne France, Paris, 1847 ; H. Wytenhove, Reynaud Levieux et la peinture classique en Provence, Aix-en-Provence, 1990. Reynaud Levieux naît dans une famille protestante en 1613 à Nîmes, pendant la période tourmentée de l’Edit de Nantes. Fils d’un peintre-verrier et doué pour le dessin, sa carrière démarre dans l’atelier de son père. Quand la peste s’abat sur sa région natale en 1640, Reynaud Levieux est déjà depuis cinq ans à Rome, où il se forme auprès de Nicolas Poussin (1594-1665) et étudie la peinture de Raphaël (1483-1520) en participant aux copies demandées par le surintendant des bâtiments du roi François Sublet de Noyers. De retour en France en 1644 et fort d’une belle réputation acquise en Italie, il entreprend de se faire connaître dans son pays. Concurrencé par Nicolas Mignard à Nîmes, il s’installe à Montpellier autour de 1649 et participe à la décoration de l'hôtel d'Hauteville exécutant des cartons de tapisserie sur le thème de la Vie de Moïse avant de s’établir en Provence, entre Avignon et Aix. Il reçoit alors des commandes des Chartreux de Villeneuve et de la confrérie des Pénitents noirs – dans laquelle il entre en 1656 – et peint de nombreux tableaux pour les hôtels et les églises provençales. Jean Daret (1613-1668) et Nicolas Mignard ayant rejoint Paris, il s’installe à Aix-en-Provence vers 1661 dont il devient le peintre officiel avant de retourner définitivement à Rome en 1669. Autrefois donné à une main italienne, notre dessin a récemment été attribué sans équivoque à Reynaud Levieux par comparaison avec les œuvres graphiques identifiées de l’artiste, qui montrent toutes une facture très identifiable. Les réseaux de hachures qui définissent des volumes géométriques stylisés, notamment dans les plis des drapés (fig.1), et le graphisme anguleux des contours sont caractéristiques. Le visage d’Endymion (fig.2) et celui de l’ange à gauche de la composition sont similaires, présentant un nez « en quart-debrie » typique des visages de Levieux.

(fig.1) La Sainte Famille, eau-forte, Paris, Bibliothèque nationale, Cabinet des Estampes n°C7672.

(fig.2) Diane et Endymion, plume et encre noire et brune, lavis gris sur esquisse à la pierre noire, rehauts de blanc, annoté à la plume au dos R. le Vieux/1256 ; au crayon Reynaud le Vieux (...) 1654, Rouen, musée des Beaux-Arts.

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Charles de LA FOSSE (Paris 1636 - 1716) Etude pour « Le Christ marchant sur les eaux » Sanguine sur papier chamois, rehauts de blanc, H. 220 mm ; L. 255 mm Charles de La Fosse commence son apprentissage chez le graveur François Chauveau avant d’entrer dans l’atelier de Charles Le Brun avec lequel il participe à la décoration de la galerie d’Hercule de l’Hôtel Lambert et du séminaire de Saint-Sulpice. En 1658, il gagne Rome où, pendant deux ans, il étudie les œuvres de Raphaël et les vestiges de l’Antiquité. La Fosse se passionne pour les tableaux des maîtres bolonais, les Carrache, le Dominiquin, Guido Reni, le Guerchin et surtout pour les grandes compositions décoratives de Pierre de Cortone. Son voyage en Italie se poursuit à Venise, où il séjourne de 1660 à 1663, s’inspirant de la peinture vénitienne pour donner à ses propres œuvres plus d’intensité et de couleurs. De retour à Paris, en 1663, il bénéficie de la protection de Colbert et de Charles Le Brun, qui lui confient d’importantes commandes officielles. Pierre Mignard, revenu d’Italie en 1658, devient alors son principal rival. Elu membre de l’Académie en 1673, il travaille à Versailles en même temps que Blanchard et réalise des décors pour différents mécènes. Le Premier ministre Louvois le charge de peindre un grand plafond pour le château de Meudon. Lors de son séjour à Londres vers 1690, La Fosse participe avec Jean-Baptiste Monnoyer au décor de l’hôtel particulier du duc de Montagu, ambassadeur d’Angleterre en France. Sa dernière grande œuvre est la décoration de l’Hôtel Crozat, entièrement réalisé sur le thème de l’histoire de Minerve : cet ensemble, aujourd’hui disparu, marque l’accomplissement de sa carrière. A la demande du célèbre mécène, La Fosse s’installe définitivement dans cette somptueuse demeure, où il fait la connaissance d’Antoine (fig.1) Le Christ marchant sur les eaux, huile sur toile, H. 97 cm ; L. 130 cm, Saint-Pétersbourg, Watteau vers 1712, avant d’y mourir en 1716. musée de l’Ermitage, inv. GE 6787.

Notre dessin est une étude pour la figure du pêcheur qui dirige la barque à gauche de la composition du Christ marchant sur les eaux, actuellement conservée à Saint-Pétersbourg (fig.1). Le tableau final reprend fidèlement ce dessin préparatoire. La sanguine est utilisée de manière souple sur un papier chamois, medium apprécié par l’artiste. Les contours et les éléments du visage sont plus appuyés, lui donnant toute son expressivité et insistant sur les yeux nettement écarquillés dans la composition finale. La reprise de la main montre l’attention portée au détail par La Fosse. Dans un autre dessin préparatoire à l’encre (fig.2), les positions des figures, notamment celle de notre pêcheur, sont légèrement différentes par rapport au tableau de Saint-Pétersbourg.

(fig.2) Le Christ marchant sur les eaux, plume et encre brune, lavis gris, mise au carreau à la pierre noire sur papier beige.

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Michel II CORNEILLE (Paris 1642 - 1708) L’Enlèvement d’Europe Huile sur papier marouflé sur toile, H. 48 cm ; L. 88 cm Michel II Corneille, aussi appelé Michel Corneille le jeune, est un peintre, dessinateur et graveur français, considéré comme l’un des artistes les plus italianisant de sa génération. Son père, Michel Corneille (c.1603-1664), fut l’élève de Simon Vouet dont il épousa la nièce. Comme son frère Jean-Baptiste, Michel II étudie au sein de l’atelier paternel. Il y apprend très tôt le dessin et la gravure, en reproduisant les œuvres de son père. Michel II a ensuite pour maître Charles Le Brun (1619-1690) et Pierre Mignard (1612-1695). Après avoir remporté un prix de l’Académie, il poursuit ses années d’apprentissage en se rendant en Italie, de 1658 à 1663. Comme ses condisciples, Corneille se consacre à l’étude des grands maîtres italiens, et plus particulièrement de Raphaël et des Carrache, qui marquent fortement et durablement l’esthétique de son œuvre. Dès son retour, il est reçu à l’Académie royale de Peinture grâce à une esquisse, La vocation des Apôtres. A partir de 1690, il y enseignera la peinture. Corneille attire très vite l’attention du roi et se voit confier plusieurs commandes d’envergure pour les châteaux de Fontainebleau, Meudon et Versailles, où il élabore, entre autres, le plafond du salon des Nobles et deux toiles pour le Trianon. Dessinateur fécond et virtuose, il laisse derrière lui de nombreuses feuilles aux techniques variées qui témoignent de son talent. Notre esquisse offre une synthèse des éléments qui caractérisent l’œuvre de Michel II Corneille, notamment l’influence des grands maîtres italiens, comme l’Albane, les Carrache ou le Dominiquin. Corneille choisit de représenter le moment où Europe, fille d’Agénor, roi de Tyr, et ses compagnes Tyriennes, entourent Zeus qui a pris la forme d’un Taureau. Admiratives de la beauté de l’animal, elles le parent de guirlandes de fleurs, usant d’une gestuelle gracieuse et délicate. Le peintre suit ainsi à la lettre l’épisode raconté dans le livre II des Métamorphoses d’Ovide. Un dessin de la main de Corneille sur ce même thème et inspiré de l’œuvre d’Annibal Carrache est conservé au Louvre (fig.1).

(fig.1) Michel II Corneille, L’Enlèvement d’Europe, plume et encre brune, lavis brun et rehauts de gouache blanche, H. 248 mm ; L. 248 mm, inv.25585.

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François LE MOYNE (Paris 1688 - 1737) Etude pour « Tancrède rendant les armes à Clorinde » Pierre noire avec rehauts de blanc sur papier brun clair, H. 370 mm ; L. 205 mm Provenance : J.-D. Lempereur, Paris (L. 1740) ; Paris, 19 octobre 1775, peut-être partie des lots 93, 94, 95, 780, 787 ou 794 ; Christie's, New York, 12 janvier 1995, lot 89. Bibliographie comparative : J-L. Bordeaux, François Le Moyne and his generation, Paris, Arthena, 1984, n°33 p.86, fig.29. François Le Moyne, Prix de Rome en 1711, reçu à l’Académie en 1718, poursuit une carrière de portraitiste et paysagiste, tout en répondant aux commandes officielles notamment pour la nef de Saint-Germain-des-Prés auprès de ses aînés Jean Restout et Jean-Baptiste Vanloo. En 1723, il part enfin à Rome, grâce à son mécène François Berger, receveur général du Dauphiné. A son retour, sa popularité s’accroit grâce aux mécénats du prince de Rohan, de Crozat, Jullienne, Berger, Verrue... En 1727, il s’oppose à Jean-François de Troy lors du fameux concours organisé par le duc d’Antin et dont le prix sera finalement attribué aux deux peintres. Il est ensuite nommé professeur associé à l’Académie. Son ambition ne fut cependant récompensée que lorsque le roi, ayant vu le plafond du Salon d’Hercule à Versailles réalisé en 1736, prit la décision de le nommer Premier peintre. Hélas, sa soif de reconnaissance le rendit dépressif et il mit fin à ses jours l’année suivante. Sa palette lumineuse et sa touche variée, énergique et sensuelle, influencée par la peinture italienne, le définissent comme l’un des initiateurs de la peinture claire en France. Avant son départ pour l’Italie, Le Moyne travaille à un grand et ambitieux tableau Tancrède rendant les armes à Clorinde (fig.1). Ce tableau illustre un épisode du chant III de la Jérusalem délivrée du Tasse contant la bataille au cours de laquelle le héros chrétien Tancrède reconnaît en son adversaire la belle sarrasine Clorinde et tombe amoureux d'elle. Notre dessin est une étude de nu pour le cavalier vu de dos, à côté du porte-étendard de Tancrède sur le côté gauche de la composition (fig.2). Le Moyne se concentre sur le corps nu de l’homme, dont la musculature est soulignée par de larges hachures et des rehauts de craie blanche, ne faisant que suggérer ses attributs et sa monture. Nous connaissons au moins six autres études préparatoires pour cette oeuvre, attestant de la minutie du processus préparatoire de Lemoyne. La seconde étude d’homme, dans la partie basse, n'apparaît pas dans la composition finale mais contribue à la mise en page dynamique du dessin. Nous remercions Jean-Luc Bordeaux de nous avoir confirmé que le présent dessin sera inclus dans son prochain catalogue raisonné révisé de l'artiste.

(fig.1) François Le Moyne, Tancrède rendant les armes à Clorinde, huile sur toile, signé et daté 1722, Besançon, musée des Beaux-Arts et d’archéologie (inv.850.21.1)

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(fig.2) Détail de la (fig.1) : cavalier situé derrière le porte-étendard.



Charles-Antoine COYPEL (Paris 1694 - 1752) Etude pour « La destruction du palais d’Armide » Pierre noire et sanguine, graphite, incisé, H. 303 mm ; L. 368 mm Provenance : Sotheby’s, New York, 9 janvier 1996, lot 185 ; collection Pierre Durand, Christie’s New York, 27 janvier 2022, n°199. Bibliographie comparative : T. Lefrançois, Charles Coypel, peintre du Roi (1694-1752), Ed. Arthena, Paris, 1994, n° P.187, ill. (carton) et n° P.186, ill. (modello, fig.1). Fils d’Antoine et neveu de Noël-Nicolas, Charles-Antoine Coypel est le dernier représentant de cette illustre famille d’artistes. Il mènera une brillante carrière de peintre, graveur et écrivain. Maîtrisant toutes les techniques et les genres picturaux, Coypel a cependant une attirance particulière pour le grand genre. Directeur de l’Académie, Premier peintre du roi et du duc d’Orléans, Garde des tableaux et dessins de la Couronne, protégé de Marie Leszczynska, il est l’un des artistes les plus érudits et les plus appréciés de la Cour et des cercles mondains de son temps. Notre dessin est préparatoire à l’une des quatre tapisseries de la fameuse Tenture des Fragments d’Opéra dessinée par Coypel en 1737 et tissée aux Gobelins pour la reine Marie Leszczynska. Elle illustrait Armide, le dernier opéra composé par Jean-Baptiste Lully en 1686 sur un livret de Philippe Quinault et inspiré de la Jérusalem Délivrée du Tasse. L’épisode représenté est la scène 5 du dernier acte : « Fuyez, Plaisirs, fuyez, perdez tous vos attraits ! Démons, détruisez ce palais ! » Ainsi s’exprime la magicienne sarrasine Armide qui, envoyée pour capturer les croisés et tuer le chevalier chrétien Renaud, en tombe amoureuse, l’envoûte et l’enferme dans son palais. Lorsque Renaud, délivré par ses compagnons, recouvre ses esprits, Armide comprend que, sans l’aide de sa magie, elle ne sera pas aimée. Emplie de chagrin et de rage, elle détruit alors le palais onirique créé pour leurs amours. Coypel illustre cet instant, prenant certaines libertés avec le livret : au lieu d’être montée sur un chariot volant, Armide chevauche un dragon, assimilée à Médée se vengeant de Jason. A ses pieds figurent ses serviteurs paniqués, des esprits ou des démons. Le carton est conservé dans la collection du musée des Beaux-Arts de Nancy et une tapisserie, réalisée par Mathieu Monmerqué vers 1741 aux Gobelins, se trouve aujourd'hui au Rijksmuseum (Inv. BK-1955-102-B). Un modello plus petit a été vendu chez Christie's à Londres, le 8 décembre 2015, lot 36 (fig.1).

(fig.1) La destruction du palais d’Armide, modello signé et daté ‘CH.COYPEL. 1737’, huile sur toile, H. 128 cm ; L. 193 cm.

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Jacques-André PORTAIL (Brest 1695 - Versailles 1759) Le reniement de Saint Pierre Pierre noire, sanguine et pastel, H. 415 mm ; L. 355 mm Provenance : collection particulière. Jacques-André Portail commence sa carrière comme ingénieur et architecte, profession apprise auprès de son père dans sa Bretagne natale. Il réside à Nantes avant d’être appelé à Paris en 1738 par le Surintendant des Bâtiments du roi, Philibert Orry, pour être nommé Dessinateur du Roy. Dès 1740, il loge à l’Hôtel de la Surintendance à Versailles, où il demeurera sa vie durant, occupant le poste de Garde des tableaux du roi. Il supervise les copies réalisées par les peintres du Cabinet et réunit un bureau de dessinateurs pour établir un recueil des plans des maisons royales. A partir de 1743, il organise régulièrement le Salon, dans lequel lui-même expose. Connu au XVIIIe siècle pour ses dessins précis et minutieux, il est apprécié d’amateurs prestigieux tel que Louis XV et Madame de Pompadour qui, à Choisy et Versailles, s’entourent de ses miniatures et de ses œuvres de piété montées sur verre. Au XIXe siècle, il trouve un nouveau public auprès de collectionneurs éclairés comme Marius Paulme, les frères Goncourt ou Chennevières, qui apprécient ses figures proches de Watteau, ses simples études aux deux crayons, de femmes, de couples ou de musiciens. L’apôtre Saint-Pierre, assis dans un paysage rocailleux, présente les écritures dans la main droite, tandis qu’il porte sa main gauche, ceinte des clés du Royaume, sur son cœur. A sa droite, le coq évoque l’épisode de son reniement rapporté par les quatre Évangiles. Après l’arrestation de Jésus, Pierre, par peur d’être arrêté comme l’un de ses apôtres, nie par trois fois le connaître. Or, Jésus avait prédit à Pierre sa lâcheté à venir : « Avant que le coq chante deux fois, tu m’auras renié trois fois » (Marc, 14, 66-68). Pierre, entendant le coq chanter, se met alors à pleurer. Portail représente le saint en contrition. Son regard franc tourné vers le spectateur, les yeux encore humides, traduit toute la confiance qu’il a dans le pardon de Dieu. Les œuvres de Portail sont reconnaissables par leur souci du détail et la précision du dessin. A la minutie exceptionnelle des traits du visage, de la barbe du Saint, des frondaisons et des plumes du coq, s’ajoute un système de hachures très fines, légères et parallèles tracées couleurs par couleurs pour marquer les ombres et les volumes. D’après l’inventaire des biens de Madame de Pompadour rédigé après son décès, sa collection comprenait plusieurs figures de saints hommes d’église, dont un saint Augustin, un saint Paul et un saint Antoine (fig.1) Saint Antoine ermite, pierre noire, ermite par Portail (X. Salmon, Jacques-André Portail, sanguine, plume et encre de Chine, Cahier du Dessin Français n°10, Ed. Galerie de Baser, rehauts d’aquarelle, H. 400 mm ; L. 290 mm, Versailles. 1996, n°45, fig.1).

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Edme BOUCHARDON (Chaumont-en-Bassigny 1698 - Paris 1762) Amour et Psyché Sanguine, H. 570 mm ; L. 290 mm Edme Bouchardon effectue ses premières années de formation auprès de son père sculpteur, Jean-Baptiste Bouchardon. Il est ensuite envoyé à Paris en 1722, où il poursuit son apprentissage avec le sculpteur Guillaume Coustou le Jeune (1716-1777). La même année, il remporte le Premier Prix de sculpture et rejoint l’Académie de France à Rome, accompagné par le sculpteur Lambert Sigisbert Adam (1700-1759) et le peintre Charles Joseph Natoire (17701779). Durant ces années, Bouchardon dessine avidement d’après l’antique. Il copie également des œuvres de la Renaissance et des oeuvres modernes, avec une prédilection pour le Dominiquin ou Raphaël. Très vite remarqué grâce à son grand talent, qu’il exprime à travers ses dessins et sculptures, il débute une carrière brillante et s’attire les faveurs de prestigieux commanditaires, comme celles du pape Clément XII et du cardinal de Polignac, ambassadeur de France auprès du Saint-Siège. Après neuf années passées à Rome, Bouchardon quitte l’Italie en 1732, juste après son admission à l’Académie de Saint-Luc. Il est appelé à Paris par le duc d’Antin, Directeur des Bâtiments du roi, à la demande de Louis XV et, dès 1733, est admis en tant que membre agréé de l’Académie Royale. Il est alors accaparé par des commandes royales telles que le bassin de Neptune pour le parc du château de Versailles, un Athlète domptant un ours pour le parc de Grosbois et la Fontaine de Grenelle pour la ville de Paris, qui l’occupe de 1739 à 1745. Ses dessins et sculptures peuvent également être admirés aux Salons, où il apparaît à huit reprises, de 1737 à 1746, remportant à chaque fois un vif succès. Dès 1737, il est nommé dessinateur de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. La fin de sa carrière est occupée par l’exécution de deux œuvres majeures : la Statue équestre de Louis XV et un marbre de l’Amour taillant son arc dans la massue d’Hercule terminé en 1750. Notre sanguine est une étude d’après Psyché et l’Amour du musée du Capitole à Rome (fig.1), sculpture en marbre d’après un original grec datant du IIe siècle avant J.-C. Le dessin a vraisemblablement été réalisé in situ, lors du séjour romain de l’artiste. La sanguine, avec laquelle il s’est familiarisé dès le début de son séjour romain, est sans aucun doute la technique de prédilection de Bouchardon. L’artiste utilise un léger trait au graphite, qui précède ou souligne les lignes des formes.

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(fig.1) Psyché et l’Amour, Rome, musée du Capitole, inv. MC0408.



François BOUCHER (Paris 1703 - 1770) Etude pour « La Lumière du monde » Trois crayons et estompe sur papier brun clair, H. 195 mm ; L. 258 mm Provenance : collection du comte de Lubersac, château de Maucreux, avant 1900 ; puis par descendance jusqu'à la seconde partie du XXe siècle ; collection particulière, Paris. François Boucher entre dans l’atelier de François Le Moyne (1688-1737) avant de travailler auprès de l’éditeur et graveur Jean-François Cars. En 1721, il illustre l’Histoire de France de Daniel avant de graver les dessins d’Antoine Watteau (1684-1721) de la collection de Jean de Jullienne. Remportant, en 1723, le Premier Prix du concours de l’Académie, il part en Italie en 1727 où, envouté par les œuvres des Tiepolo, de l’Albane (1578-1660) ou du Baroche (1528-1612), il acquiert une virtuosité que l’on retrouvera tout au long de sa carrière. Reçu académicien en 1734 avec Renaud et Armide (musée du Louvre, inv. N°2720), Boucher sera successivement nommé professeur adjoint en 1735, professeur en 1737, recteur adjoint en 1752, recteur en 1761, et enfin directeur en 1765. Il deviendra, grâce à la favorite de Louis XV, Madame de Pompadour, sa protectrice, Premier peintre du Roi et l’une des figures les plus marquantes des arts sous Louis XV, connu pour son œuvre abondante de scènes mythologiques ou champêtres, souvent galantes, de cartons de tapisserie et de décors peints. Notre dessin est une étude pour la figure de la Vierge dans le tableau La Lumière du monde (fig.1), l’une des premières œuvres religieuses de grand format peinte par Boucher. Le tableau fut commandé par Madame de Pompadour pour la chapelle privée du château de Bellevue et présenté au Salon de 1750. Le sujet fait écho à l’évangile selon saint Jean (I, 9): « Le Verbe était la vraie Lumière qui éclaire tout homme en venant dans le monde. » Boucher choisit de le traiter de manière innovante, en combinant trois représentations canoniques des épisodes du Nouveau Testament : la Nativité, l’Adoration des bergers et la Purification de la Vierge. Joseph se confond ainsi avec Siméon, qui reconnaît dans le Christ la Lumière du monde. La Vierge ne touche pas le Christ à main nue, mais dans un linge, en signe de respect. Notre étude porte précisément sur ce geste de Marie qui retient l’Enfant dans ses bras. Boucher dessine les contours à la pierre noire, sculpte les volumes avec des hachures à la sanguine et de larges rehauts de craie blanche. Il accentue les modelés par des hachures de pierre noire estompée tout en suggérant le linge blanc à la craie. L’étude des pieds, tout aussi délicate, (fig.1) François Boucher, La Lumière du monde, prépare une autre œuvre, non identifiée. 1750, huile sur toile, Nous remercions Madame Françoise Lyon, musée des Beaux-Arts, inv. 1955-106. Joulie et Monsieur Alastair Laing d’avoir confirmé l'authenticité de ce dessin. GALERIE ERIC COATALEM PARIS



Jean JOUVENET (Rouen 1644 - Paris 1717) Putti volants Sanguine sur papier vergé, ovale, H. 375 mm ; L. 480 mm Provenance : collection particulière. Bibliographie comparative : A. Schnapper - C. Gouzo, Jean Jouvenet (1644-1717) et la peinture d’histoire à Paris, Paris, Arthena, 2010, n°P7, p. 195 (repr. p.83) ; n° P83, p. 228 (repr. p.124) ; P.57, p. 215 ; Peinture Mentionnée n°75, p. 309. Jean Jouvenet est l’un des principaux représentants de la peinture française de la seconde moitié du XVIIe siècle. Après avoir reçu une première formation de son père, Laurent Jouvenet, peintre et sculpteur rouennais, il rejoint Paris en 1661 pour y poursuivre ses études artistiques. En 1669, il rencontre Charles Le Brun avec lequel il collabore au château de Saint-Germain-en-Laye, aux Tuileries puis à Versailles. Son May de 1673 marque véritablement le début de sa renommée et lui vaut l’admiration de toute une clientèle de riches collectionneurs privés pour lesquels il réalise de grandes compositions décoratives, alliant une certaine rigueur esthétique héritée de Poussin et de Le Brun, à une utilisation de la couleur s’inspirant de la peinture de Rubens. Jouvenet reçoit d’importantes commandes de tableaux pour des églises et couvents parisiens. Reçu à l’Académie en 1675, il mène une longue carrière de peintre officiel couronnée de succès. Notre dessin peut être rapproché de plusieurs éléments de décors : celui commandé en 1694 pour la Grand’Chambre du Parlement de Bretagne (fig.1), mais aussi d’un détail du plafond peint vers 1673 pour le salon de Mars à Versailles (fig.2), ou encore d’un dessus-deporte peint en 1688 pour le salon Frais du Grand Trianon (fig.3). Sur le marché de l’art est récemment réapparue la toile perdue depuis la vente de Vigny à Paris en 1773 dont notre dessin est l’œuvre préparatoire (fig.4).

(fig.1) Putti volants (détail), toile marouflée, Rennes, Grand’chambre du Parlement de Bretagne.

(fig.3) Le Printemps, huile sur toile, Versailles, musée national du château, Grand Trianon (inv. MV 8217).

(fig.2) La Victoire, la Valeur, la Prudence, la Libéralité et la Gloire, Versailles, musée national du château, inv. 1850-2196.

(fig.4) Groupe de deux enfants, huile sur toile, H. 59,4 ; L. 73 cm. Vente Versailles, Osenat, 31 octobre 2021. Peinture Mentionnée n°75, dans A. Schnapper, op.cit., p. 309.

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Gabriel de SAINT-AUBIN (Paris 1724 -1780) Le Moulin Pierre noire, estompe, plume, aquarelle et rehauts de blanc, H. 200 mm ; L. 130 mm Signé en bas à gauche : GdSA 1779 Provenance : depuis 1958, collection A. Ananoff, Paris (son cachet en bas à droite) ; sa vente, Sotheby’s Monte Carlo, 11 février 1979, lot 56. Bibliographie comparative : A.-C. Gruber, « Les ‘Vauxhalls’ parisiens au XVIIIe siècle », Bulletin de l’histoire de l’art français, Paris, 1971, p.136, n°7 ; A. Ananoff, « Un reportage à Paris du temps de Louis XV », Connaissance des Arts, août 1960, p. 45, fig. 7. Gabriel de Saint-Aubin est un peintre, dessinateur et graveur, issu d’une grande dynastie d’artistes et artisans. Son père, brodeur pour le roi, l’aurait initié au dessin, avant qu’il ne fréquente l’atelier d’un certain Sarrasin. Il rejoint ensuite l’Académie de Beaux-Arts où il suit l’enseignement des peintres Jeaurat, Colin de Vermont et François Boucher. Il enseignera luimême le dessin à l’Ecole des Arts fondée par l’architecte Jacques-François Blondel. En 1752 et 1753, Saint-Aubin gagne à deux reprises le second prix de l’Académie, avec les peintures Jéroboam sacrifiant aux idoles et Nabuchodonosor et Sédécias. Après une autre tentative pour remporter la première place, il finit par se résigner à abandonner. Il est récompensé quelques années plus tard, en gagnant le Prix de l’Académie de Saint-Luc, dont il est devenu membre. Artiste extravagant, Saint-Aubin vit une existence bohème, fréquente des écrivains et des acteurs, parcourt les rues de Paris à la recherche d’inspiration. S’il peint avec talent, il est surtout un dessinateur très prolifique. Il croque tout ce qui l’entoure et attire son attention sur des supports variés : carnets, catalogues d’exposition, guides... On dénombre environ huit-mille dessins de sa main, réalisés à la sanguine, au lavis ou à la pierre noire. Précieux témoin de son époque, il aime documenter les scènes de la vie parisienne. Il est également un graveur aguerri et talentueux, qui reproduit ses propres œuvres à l’eau-forte. Au premier plan, on distingue un ouvrage mécanique dessiné avec une grande précision et deux personnages à peine esquissés : précédé d’un âne, un homme tenant une faux et une femme qui semble courir en agitant les bras. Au second plan, un moulin à vent domine la partie droite de la composition. Le bâtiment à l’arrière-plan serait un Vauxhall, établissement de plaisirs et de divertissements en vogue au XVIIIe siècle. Si certains éléments sont suggérés d’un trait léger, d’autres, comme le moulin ou le mécanisme, sont représentés avec minutie. Saint-Aubin nous fournit une vision du Paris de la seconde moitié du XVIIIe siècle, alors que la ville côtoie encore la campagne environnante. Un dessin dans le même esprit est conservé au National Museum de Stockholm dans un carnet de l’artiste (P. Bjurstrom, Drawing in Swedish collection, French Drawings Eighteen Century, 1982, n°1184, rep. F.96 r., fig.1).

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(fig.1) Gabriel de Saint-Aubin.



Jean-Baptiste GREUZE (Tournus 1725 - Paris 1805) Etude pour « Le départ de la jeune mariée » Sanguine, H. 516 mm ; L. 320 mm Provenance : vente, Sotheby’s Londres, 7 juillet 2021, lot 41. Après avoir étudié à Lyon dans l’atelier du portraitiste Charles Grandon, Greuze arrive à Paris au début des années 1750 pour y suivre les cours de l’Académie où il est l’élève de Charles Natoire (1700-1777). Parrainé par le sculpteur Pigalle (1714-1785), il est agréé en 1755 et expose la même année au Salon où, acclamé par le public et la critique, il reçoit les éloges de Diderot. Après un séjour en Italie entre 1755 et 1757, il poursuit sa carrière à Paris et expose avec succès aux Salons de 1759 à 1765. Ses relations conflictuelles avec l’Académie le poussent à se retirer des Salons jusqu’en 1800 ce qui ne l’empêche pas d’exposer chaque année ses dernières œuvres dans son atelier du Louvre, au même moment que le Salon officiel. Il y expose à nouveau dans les dernières années de sa vie et se fait remarquer du public par l’étonnante vigueur de son art. Jusqu’à sa mort en 1806, il exécute nombre de tableaux importants, des scènes de la vie quotidienne aussi bien que de brillants portraits. Le dessin fluide à la sanguine, qui ne s’attarde plus sur les détails anatomiques comme on peut l’observer dans les dessins de jeunesse, traduit l’influence de Natoire et l’habileté de Greuze dans ce medium. La silhouette déhanchée, bien équilibrée et aux contours fermement dessinés, prend son volume dans un subtil jeu d’ombre et de lumière qui souligne l’anatomie de la figure. La fermeté de la figure contraste avec le fond esquissé de larges hachures, le drapé librement tracé, presque aérien, et l’entablement sur lequel la figure s’appuie, à peine suggéré grâce aux ombres. La figure est véritablement mise en scène, dans une attitude théâtrale, le mouvement du drapé, de la chevelure et du regard prolongeant la ligne du bras dressé vers la droite. Notre homme apparaît, revêtu mais dans une attitude très similaire, dans Le départ de la jeune mariée (fig.1), un dessin créé en pendant de l’Accordée de Village et aujourd’hui conservé au Louvre.

(fig.1) Le départ de la jeune mariée, Paris, musée du Louvre, département des arts graphiques, RF 40472, recto.

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Jean-Honoré FRAGONARD (Grasse 1732 - Paris 1806) Le vieux chêne Sanguine, H. 260 mm ; L. 435 mm Provenance : collection de M. Maurice Delestre, Paris (vers 1889), sa vente anonyme (Coll. de M. D...), 14 mai 1936, n°29 ; collection privée. Bibliographie : A. Ananoff, L'oeuvre dessiné de Jean-Honoré Fragonard (1732-1806), vol I, Paris, 1961, p. 152, n° 340 et vol II, Paris 1963, fig. 363. Considéré comme l’un des artistes les plus importants du XVIIIe siècle français, JeanHonoré Fragonard s’est distingué aussi bien dans la peinture d’histoire qu’avec la représentation de scènes de la vie quotidienne ou galantes. La diversité de son inspiration associée à une technique parfaitement maîtrisée lui permet de diversifier sa manière que vient enrichir sa solide culture visuelle et littéraire. Formé dans l’atelier des peintres Chardin (16991779) et Boucher (1703-1770), Fragonard remporte en 1752 le Premier Prix de l’Académie, ce qui lui permet d'achever sa formation en Italie où il séjourne de 1756 à 1761. Il intègre l’École royale des élèves protégés jusqu’en 1758, date à laquelle il devient pensionnaire au palais Mancini à Rome. Il gonfle alors ses portefeuilles de copies d’après l’antique et les maîtres et se consacre à l’étude de paysages, encouragé par son premier mécène, l’Abbé de Saint-Non. En 1773 et 1774, lors de son second voyage en Italie, puis en Hollande, en Autriche et en Allemagne avec le fermier général Jacques Onésyme Bergeret de Grancourt, il renouvellera cette pratique de copie. En 1765, il est agréé à l’Académie Royale de peinture et de sculpture avec Corésus et Callirhoé (Paris, musée du Louvre). Il se détourne cependant de sa carrière officielle prometteuse pour se consacrer à la peinture de genre, de paysages et de figures de fantaisie. Sa manière s’infléchit sur des œuvres rarement datées : jouant largement des empâtements sur ses célèbres Figures de fantaisie, dont la réalisation se situe entre 1768 et 1769, il affine sa touche tout en adoucissant les coloris à l’aide d’une lumière plus argentée et diffuse après 1775, tel Le Verrou (Paris, musée du Louvre). La Révolution bouleverse la carrière du peintre qui choisit de se retirer quelques temps dans sa Provence natale avant de s’installer à nouveau à Paris durant la Convention avec le titre de conservateur du Museum central des arts. Comme dans les paysages hollandais du XVIIe siècle qu’il admire dans les collections parisiennes, Fragonard introduit une dimension humaine qui vient contrebalancer la majesté de la nature représentée par un vieux chêne dédoublé. Il se distingue de ses contemporains, en particulier Hubert Robert et Amand, par une approche sensible et une touche plus impressionniste et vibrante. Sa maîtrise de la sanguine est telle qu’il parvient, en quelques lignes appuyées pour les branches ou, au contraire, en légères virgules juxtaposées pour figurer les feuillages, à traduire le frémissement de la nature. Des zones blanches sont laissées en réserve pour construire les volumes et les reliefs par contraste avec des zones hachurées sur lesquelles il dessine des détails de l’écorce ou des branchages, multipliant les textures de la végétation. Dans le ciel, par un jeu de réserve entre de larges hachures, Fragonard dessine imperceptiblement des nuages aux contours librement tracés, contribuant à l’atmosphère instantanée de ce paysage champêtre. Nous remercions Marie-Anne Dupuy-Vachey d’avoir confirmé l’attribution à l’artiste.

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Hubert ROBERT (Paris 1733 - 1808) Vue du portique du Cortile au palais des Conservateurs à Rome Sanguine sur papier vergé, H. 450 mm ; L. 335 mm Signée et datée 1762 Provenance : vente, Paris, Galerie Charpentier, 22.06.1977, n°20 ; collection privée. Bibliographie : S. Catala, Hubert Robert (1733-1808) Un peintre visionnaire, Paris, musée du Louvre, 2016, p.146 (non localisé) ; S. Catala, Hubert Robert. Le temps de la citation, thèse de doctorat, Université Lyon Lumière, 2020, vol.1, p.130 et vol. 2, p.53 (non localisé). À Rome, lors de son séjour de 1754 à 1765, Robert fréquente quotidiennement des architectures et des œuvres antiques, afin de perfectionner sa pratique artistique. Logé à l’Académie de France à Rome, puis pensionnaire de 1759 à 1762, il étudie des modèles observés dans les forums, places, églises, galeries... et dans les collections privées. Cette facilité d’accès permet à Robert de développer une véritable familiarité avec l’Antiquité, renforcée par sa maîtrise du latin et du grec, appris durant ses études au Collège de Navarre. Tout cela affine sa compréhension du prestige des œuvres passées, du point de vue de l’histoire et de l’art, ainsi que l’importance de la conservation et de la présentation des objets dans les musées. Les vues de galeries que Hubert Robert a dessinées à la sanguine, sur de grandes feuilles, sont emblématiques de l’essor des musées au XVIIIe siècle et de la fascination que les œuvres de l’Antiquité exercent sur les pensionnaires de l’Académie de France à Rome. Si Robert a justement produit une centaine d'études d’après l’antique, le plus souvent des esquisses, les grandes représentations de galeries sont plus rares. La Vue du portique du Cortile au palais des Conservateurs à Rome est une redécouverte car elle n’était connue que par une contre-épreuve de Jean-Robert Ango (actif vers 1759-1773) sur une contre-épreuve de Robert (fig.1) dont le procédé complexe redouble l’intérêt de la sanguine. Dans notre feuille, il rend compte de l’une des premières muséographies spectaculaires : la construction du portique par Alessandro Specchi (1668-1729) au palais des Conservateurs, pour mettre en valeur les statues de la Dea Roma et des deux Prisonniers barbares, provenant de la collection Cesi et acquises par le pape Clément XI (Rome, musées Capitolins, inv. MC0775 et inv. MC0773). Il ajoute à l’arrière-plan les statues égyptiennes d'Osiris-Antinoüs et d’Arsinoé II (Rome, musée Pio Clementino, inv. MV.22795.0.0 et MV.22681.0.0) qui provenaient de fouilles et étaient alors exposées au musée du Capitole, avant leurs transferts au Vatican à la fin du XVIIIe siècle. Le tracé à la sanguine adoucit les formes sculptées, les visages gagnent en expressivité et les (fig.1) Jean-Robert Ango et Hubert Robert, Vue de l’atrium du Palais des Conservateurs au attitudes semblent plus naturelles. musée du Capitole, 1762, contre-épreuve de Nous remercions Sarah Catala pour la pierre noire sur contre-épreuve de sanguine, rédaction de cette fiche. pierre noire sur papier vergé, H. 448 mm ; L. 334 mm, collection particulière.

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Esprit-Antoine GIBELIN (Aix-en-Provence 1739 - 1813) Le char de la Victoire après les guerres de Vendée Plume et encre noire, sanguine et lavis, H. 420 mm ; L. 680 mm Provenance : vente, Piasa, Paris, 19 décembre 2004, lot 212 ; collection privée. Artiste et érudit aux multiples talents, Esprit-Antoine Gibelin part en Italie en 1759, sans passer par le cursus académique classique, pour y étudier l’antique et y découvrir l’oeuvre maniériste de Raphaël et de ses suiveurs. Il s’initie à la peinture à fresque et fait, à Rome, la connaissance du suédois Johan Tobias Sergel (1740-1814), avec lequel il entretient de riches échanges artistiques. A son retour en France en 1771, il se spécialise dans la peinture en grisaille à fresque et réalise des programmes décoratifs importants à Paris, notamment pour le grand amphithéâtre de l’École de chirurgie et pour l’École Militaire. Passionné d’archéologie, il est également l’auteur et l’illustrateur des Lettres sur les tours antiques qu’on a démolies à Aix-en-Provence et sur les antiquités qu’elles renfermaient, parues en 1787. Durant la Révolution, il regagne Aix et devient colonel de la milice provinciale. A nouveau à Paris en 1795, il devient membre de l’Institut de France et est nommé directeur de l’Ecole de peinture d’après le modèle vivant à Versailles. Son indépendance artistique et sa liberté le placent aux côtés de Brebiette et Hennequin parmi les artistes « fantaisistes » qui apportent une originalité indéniable à la scène artistique française néoclassique. Notre dessin met en scène, sous les traits d’une épopée antique, un événement contemporain. Un char, tiré par quatre chevaux et entraîné dans une course effrénée, transporte neuf personnages féminins vêtus de robes drapées à la romaine et arborant des ailes. Ces personnifications allégoriques de la victoire brandissent les attributs qui reviennent aux vainqueurs : une palme, des branches et des couronnes de lauriers. Le char est décoré de motifs de rubans et d’une poignée de main, sans doute symbole d’allégeance. Au loin, dans une plaine où poussent des chardons et des épis de blé, on distingue un autre char identique. Des inscriptions « Quiberon / armée / général Hoche / brigadier / […] dragon » figurent sur les feuilles de la palme, tandis que l’on peut lire sur les javelots embarqués dans le char : « prise de Stofflet général des rebelles » et « prise de charrette ». Ces inscriptions font référence aux guerres de Vendée qui opposèrent les forces royalistes aux républicains de 1793 à 1796. Les deux principaux chefs chouans, le général Jean-Nicolas Stofflet et François Athanase Charette de La Contrie, tombèrent devant les troupes du général Hoche, chargé de pacifier l’Ouest de la France, et furent exécutés en 1796, l’un à Angers, l’autre à Nantes. Ce dessin pourrait être une étude pour une plus vaste peinture, commandée par la République pour commémorer sa victoire sur les deux derniers chefs vendéens.

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Jean-Simon BERTHÉLEMY (Laon 1743 - Paris 1811) Caprice architectural avec les monuments de Tivoli Sanguine sur papier vergé, H. 524 mm ; L. 384 mm Provenance : C. E. Hodgkin et M. C. Henderson Hodgkin, Londres ; peut-être vente Londres, Sotheby’s, 21 oct. 1963 ; Artemis Ltd, Londres (comme Hubert Robert), 1995 ; Denenberg Fine Arts, Inc., San Francisco, Californie ; vente Bonhams, 25 oct. 2017, n°282 ; collection privée, Royaume-Uni. Exposition : Londres, Royal Academy of Arts, La France au XVIIIe siècle, 1968, n° 599 (comme Hubert Robert). Bibliographie : cat. exp. Londres, 1968 (David Sutton dir.), p. 113, n° 599 (comme Hubert Robert, Landscape with ruins). Après avoir remporté le Prix de Rome en 1767, Berthélemy intègre l'École des élèves protégés, puis séjourne à l’Académie de France à Rome, de 1770 à 1774. Il se plie aux exercices imposés comme les études d’après le modèle vivant et réalise librement des vues sur le motif dont Tivoli, site prisé par les artistes de toute l’Europe depuis le XVIe siècle. Puis, dans son atelier, à l’aide de ses feuilles et probablement de croquis dans des carnets, il réinvente les lieux en associant plusieurs sites de la ville. De retour à Paris, l’artiste poursuit une brillante carrière de peintre d’histoire, de décorateur et de portraitiste prisé par la direction des Bâtiments du roi et sa clientèle privée. Si Berthélemy ne pouvait ignorer les caprices d’architecture de Robert, en particulier les vues inspirées de Tivoli que le peintre exposait au Salon dès 1767, il développe une sensibilité qui lui est propre. Le travail sur le télescopage des temps passés, présents et futurs que Robert aime à mettre en scène, n’intéresse pas Berthélemy. Pour renforcer le sentiment d’harmonie et apporter de l’unité à sa composition, dont chaque plan est très marqué par une construction imposante, Berthélemy emploie la végétation. C’est d’ailleurs dans le tracé de cette nature enracinée dans l’architecture que l’on observe les habitudes de Berthélemy avec des lignes irrégulières et accentuées des branches, les petits zigzags pour les buissons et les jeux d’étalement de la sanguine par aplats. Cette observation est renforcée par la barrière de bois émergeant de la broussaille, véritable tic des paysages de Berthélemy, et le tracé tout en rondeur des personnages vêtus de toges. Le grand soin apporté à la composition et au tracé extrêmement maîtrisé de la sanguine incitent à considérer le dessin comme une production destinée au commerce du Grand Tour. La représentation d’un paysage idéal de Tivoli, plus beau que nature, ne pouvait que séduire les voyageurs désireux de rapporter un souvenir de leur périple italien. Berthélemy a pris soin de garder lui-même la mémoire de cette sanguine en tirant une contreépreuve. Attribuée régulièrement à Hubert Robert, cette sanguine est caractéristique de la production des sanguines que Berthélemy exécute en Italie. L'œuvre témoigne du regard que la génération d’artistes français actifs à Rome vers 1770 porte sur le travail de Robert. Berthélemy et ses camarades Suvée, Pâris, Lebouteux et Vincent dessinent des vues pittoresques à la sanguine, privilégiant ses effets aux matériaux de couleur noire qui s’imposent durant le directorat de Joseph-Marie Vien, à partir de 1774. Nous remercions Sarah Catala pour son aide dans la rédaction de cette fiche.

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François-André VINCENT (Paris 1746 - 1816) Etude pour « Le Chancelier La Galaizière prêtant serment devant le roi Stanislas à Meudon » Plume, encre brune et lavis brun, H. 415 mm ; L. 304 mm Provenance : vente Paris, Hôtel Drouot, 24 janvier 1980, n°315 ; collection particulière. Bibliographie : J.-P. Cuzin, François-André Vincent, 1746- 1816, Les Cahiers du dessin Français, n°4, Ed. Galerie de Baiser, 1988, n°33 ; J.-P. Cuzin, Vincent entre Fragonard et David, Ed. Arthena, Paris, 2013, p. 421, repr. fig. 329 D. François-André Vincent est le fils du peintre miniaturiste François-Elie Vincent, auprès de qui il débute son éducation artistique. Encouragé par le peintre suédois Roslin (1718-1793), il intègre l’Académie Royale de peinture et de sculpture dès 1760, où il a pour maître Vien (1716-1809). En 1767, il remporte également le Prix de la Tête d’Expression, fondé par le Comte de Caylus, qui augure de son talent en tant que portraitiste. Il obtient le Premier Prix de Rome en 1768 avec Germanicus apaisant la sédition dans son camp et gagne l’Italie en 1771 pour quatre ans, durant lesquels il se consacre à l’étude de l’antique et des grands maîtres. Bergeret de Grancourt lui présente Fragonard (1732-1806) avec qui il passe six mois à Naples. De retour en France, il expose régulièrement au Salon, toujours avec succès. En 1783, il est admis à l’Académie avec l’Enlèvement d’Orythie (Rennes, musée des Beaux-Arts) puis est choisi pour enseigner à l’Ecole des Beaux-Arts de Paris et à l’École polytechnique. Il épouse en 1799 la talentueuse peintre Adelaïde Labille-Guiard (1749-1803). Si, à ces débuts, on rapproche son style de celui de Fragonard, son esthétique évolue et montre l’influence de Boilly ou même de David. Sur une scène artistique occupée par ce dernier et les peintres néo-classiques, Vincent a su se démarquer. Notre dessin fait partie d’une série d’études pour le tableau Le Chancelier La Galaizière prêtant serment devant le roi Stanislas à Meudon conservé au musée du Palais des ducs de Lorraine à Nancy (fig. 1). Il s’agit de l’un des deux grands tableaux commandés par le chancelier de Lorraine Antoine-Martin Chaumont de la Galaizière vers 1777 pour commémorer son investiture. Ces tableaux, qui ornaient son hôtel particulier, font partie des projets les plus ambitieux de Vincent. Le groupe représenté dans notre étude se situe à l’extrémité droite du tableau. On retrouve deux des frères du chancelier : François-Albert, dit Antoine Chaumont, comte de Mareil (1702-1773) qui nous fait face, portant une cuirasse et une canne, et Philippe Chaumont, comte de Rivray (1715-1782), de dos, dont on distingue le visage de profil. Les hommes au premier rang portent tous l’épée, indiquant une carrière dans les Armes. Quant aux autres personnages, il s’agit de membres de la famille Chaumont ou de personnages de la cour de Lorraine. Il existe quelques variantes entre le dessin et le tableau final comme la position de la femme à (fig.1) François-André Vincent, Le Chancelier La Galaizière l’arrière-plan ou le cordon sur la cuirasse prêtant serment devant le roi Stanislas à Meudon, 1778 du Comte de Mareil qui n’existe pas dans Nancy, musée du Palais des ducs de Lorraine, Inv. D.62.3.1. le dessin. GALERIE ERIC COATALEM PARIS



THOMAS DE THOMON (Nancy 1754 - Saint-Pétersbourg 1813) Caprice de monuments anciens Aquarelle, plume, encre et lavis sur papier, H. 550 mm ; L. 890 mm Signé et daté en bas à gauche : Composto e fatto, in Roma. / per Thomas - architetto. / anno 1787 Bibliographie comparative : Il neoclassicismo in Italia da Tiepolo a Canova, catalogue d’exposition avec la participation de F. Mazzocca, E. Colle, A. Morandotti, S. Susinno, Milan, Palazzo Reale, 2002, Milan, Skira, 2002, p. 192. L’architecte Thomas de Thomon étudie à Paris à l'Académie d'architecture et se lie avec Claude-Nicolas Ledoux, Charles Percier et Pierre Fontaine. Encouragé par François-Guillaume Ménageot, Directeur de l’Académie, il se rend à Rome en 1785, où il découvre l’architecture antique et l’art de Piranèse. De retour à Paris en 1789, il travaille comme architecte pour le comte d'Artois, puis l’accompagne lors de l’émigration due à la Révolution, d’abord en Pologne, où il reconstruit le château de Łańcut pour les princes Lubomirski, mécènes d’Antonio Canova, puis à Vienne en 1794, pour se mettre au service du prince Esterházy. Par conviction politique, il ne rentra jamais en France et, grâce l’entremise du prince Galitzine, s'installa en 1798 à Saint-Pétersbourg où il résida jusqu’à sa mort. Il est nommé architecte de la Cour en 1802 et réalise pour le Tsar Alexandre Ier, les édifices néoclassiques les plus importants de la ville, tels que le théâtre impérial Bolchoï Kamenny (1802-1805, malheureusement détruit par un incendie en 1811) et le bâtiment de la Bourse maritime sur l'île Vassilievski et ses fameuses colonnes rostrées inspirée par Piranèse (1804-1816). Entre 1807 et 1809, il supervise la construction, dans le parc paysager de Pavlovsk, de la chapelle commémorative du Tsar Paul I. Tout comme Elizabeth Vigée-Lebrun, il fréquenta la haute société russe très francophile, pour laquelle il peignit des paysages et imagina des projets d’architecture pour des hôtels particuliers. En 1806, il publie à son compte, en français, un Recueil des plans et façades des principaux monuments construits à Saint-Pétersbourg, et dans les différentes provinces de l'empire de Russie, volume qui contribuera à la renommée de son œuvre. La plupart de ses aquarelles et eaux-fortes sont conservées au musée de l'Ermitage. Il figure, avec Piranèse, Desprez, Boullée et les architectes utopiques de la Révolution française, parmi les artistes les plus innovants et les plus visionnaires du tournant du XIXe siècle. Dans une perspective très large, qui suggère l'influence des Bibiena ou de Piranèse, Thomas de Thomon intègre le Panthéon de Rome, les Dioscures de Montecavallo, une statue de Minerve antique, une colonne en spirale inspirée de celle de Trajan et, à l’arrière-plan, audelà du Tibre et du port fluvial de la Ripetta, le Colisée et le mausolée d’Auguste. La majesté des bâtiments, au graphisme parfaitement maîtrisé, est animée par une myriade de figures et de soldats vêtus à l’antique, parfois simplement esquissés pour en augmenter encore le nombre. Le charme de la composition est amplifié par la brume et la poussière que Thomas suggère magnifiquement à l'aquarelle. Il parvient à donner à chaque figurant une attitude et une expression particulière, grâce à un trait sûr et rapide à l’encre. Les armées de l’Empire, dominées par un général monté sur un char tiré par des éléphants, acclamées par la foule, déposent aux pieds du Panthéon les présents des peuples portant allégeance à Rome. Cependant, plus qu’une scène antique relevant de la peinture d’histoire, Thomas de Thomon compose une Rome antique idéalisée, exaltant les vertus héroïques. Son format et son exécution en font un dessin d’une rareté exceptionnelle.

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Jean-Germain DROUAIS (Paris 1763 - Rome 1788) Etude pour « Caïus Gracchus sortant de sa maison pour apaiser la sédition dans laquelle il périt » Plume et encre brune, lavis brun et rehauts de blanc, H. 295 mm ; L. 425 mm Bibliographie relative : Jean-Germain Drouais 1763-1788, Rennes, musée des Beaux-Arts, 1985. Fils du portraitiste François-Hubert Drouais (1727-1775), Jean-Germain est placé en 1775 dans l’atelier de Nicolas-Guy Brenet (1728-1792), puis dans celui de Jacques-Louis David (17481825) vers 1780. Inscrit à quinze ans à l’Académie Royale, il remporte le Premier Prix en 1784 avec un immense succès. Drouais part immédiatement pour Rome, où il rejoint son maître et s’imprègne de l’antique en le copiant inlassablement. Hostile à l’enseignement académique, il s’astreint pourtant à répondre à ses règles et livre Marius à Minturnes (1786, musée du Louvre) acclamé par ses pairs, puis s’attèle à son Philoctète (1787, Chartres, musée des Beaux-Arts) qui restera inachevé. Considéré comme le plus habile des pensionnaires, artiste scrupuleux et insatisfait, d’un tempérament préromantique, il cherche « son » sujet, à réaliser avant la fin de son séjour à Rome : ce sera Caïus Gracchus. Durant son exécution, Drouais décède subitement, immédiatement regretté par l’ensemble de l’Académie. Sa réputation est inversement proportionnelle au volume de son œuvre : adulé en son temps, il n’a laissé à sa mort que quelques toiles, envoyées de Rome à Paris durant son pensionnat. On compte cependant plus de six-cents œuvres sur papier, croquis ou études d’après nature. L’œuvre illustre un épisode polémique de l’histoire romaine : la vie des Gracques, décrite par Plutarque. Drouais représente le moment où, en 121 avant J.-C., le tribun romain Caïus Gracchus, escorté de ses partisans, quitte sa maison pour affronter les Sénateurs sur l’Aventin. Il est retenu par sa femme Licinia qui l’adjure de ne pas s’y rendre. Mais Caïus veut croire en son idéal civique, quitte à se sacrifier. Drouais marque l’opposition des points de vue par celle des groupes en présence : à gauche, le groupe des pleureuses et, à droite, celui des hommes déterminés à réformer Rome. L’architecture romaine minutieusement conçue par Drouais avec l’aide de l’architecte Saint-Hubert accentue l’action dramatique : encerclées, les figures sont dans une situation sans issue. La souplesse des attitudes, la gestuelle à la fois expressive, noble et réservée, sont caractéristiques de l’exemplum virtutis. La maîtrise du dessin par Drouais apparaît dans toute son ampleur : un trait sûr, sans repentirs, (fig.1) Piroli, gravure d’après Drouais. des volumes définis sans estompe ni hachures dans une concision exemplaire. Dès octobre 1788, paraît dans les Memorie per le Belle Arti pour illustrer La vie de Drouais en hommage à l’artiste, une gravure de Piroli très proche de notre composition (fig.1) mais avec de légères variantes dans les figures féminines (drapés et bras) et l’architecture. Un dessin du même sujet, conservé à Lille (fig.2), présente plusieurs variantes avec notre œuvre : le groupe à gauche est composé de trois pleureuses, la pose de Licinia et de l’enfant est différente et les partisans sont moins nombreux. (fig.2) Lille, musée des Beaux-Arts.

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Jan Frans van DAEL (Anvers 1764 - Paris 1840) Nature morte aux Raisins, Prunes, Pêches et Ananas, avec un Papillon Aquarelle et gouache, H. 350 mm ; L. 445 mm Provenance : collection Marcille ; collection Henri Lavedan (de l’Académie Française) ; sa vente, le 28 novembre 1941, Paris, lot 3 (étiquette au verso) ; Paris, Tajan, le 27 mars 2001, lot 84 ; galerie Bob Haboldt ; collection particulière. Peintre de nature morte flamand, Jan Frans van Dael s'installe à Paris dès 1786 muni du double Premier Prix d’architecture de l’académie d’Anvers (1784 et 1785). Il débute comme peintre de décors et fournit des trompes-l’œil pour les châteaux de Chantilly, Saint-Cloud et Bellevue. Il se spécialise dans la peinture de fleurs et bénéficie rapidement d'une large reconnaissance publique et institutionnelle. Admis pour la première fois au salon en 1793, il y exposera régulièrement jusqu'en 1833. Il obtient une médaille d'or à deux reprises lors des Salons de 1810 et 1819. Les impératrices Joséphine et MarieLouise, au titre de mécénat princier, puis Louis XVIII et Charles X acquirent plusieurs de ses œuvres. Tout au long de sa carrière, il dispense des cours de peinture pour les femmes dans son atelier parisien. Jan Frans van Dael demeure, avec les frères Spaendonck et Redouté, le plus célèbre de ces peintres nordiques venus à Paris à la fin du (fig.1) Jan Frans van Dael, Fruits, huile sur marbre, XVIIIe siècle perpétuer la grande tradition Salon de 1819. Collection particulière. hollandaise de la peinture de fleurs. Notre dessin est à rapprocher du tableau en marbre exposé au Salon de 1819 sous le titre Fruits peints sur marbre blanc, n°1122 (fig.1). Van Dael représenta souvent des ananas. On retrouve ce fruit dans plusieurs tableaux : le Tombeau de Julie (Salon de 1804, n°486, aujourd’hui à Rueil-Malmaison, Château de Malmaison), Fruits exposés sur une Table de marbre (exposé au Salon de 1819, n°1121, acquis par Louis XVIII et aujourd’hui conservé à Auxerre) ou encore Fleurs sur une console en marbre avec un Ananas (fig.2). Ce fruit exotique, introduit en France sous Louis XV, puis oublié sous la Révolution et l’Empire, réapparaît sur les tables royales sous la Restauration grâce au jardinier du château de Choisy-le-Roi. Notre aquarelle est un très bel exemple de la peinture de fruits du XIXe siècle. La touche fine, l’harmonie délicate des tons, la subtilité de l’éclairage sur ce fond blanc, montrent avec quelle virtuosité Van Dael excelle dans l’illusionnisme de la nature.

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(fig.2) Jan Frans van Dael, Fleurs sur une console en marbre, Fontainebleau, musée national du Château.



Charles Toussaint LABADIE (Paris 1771 - 1798) Portrait d’enfant Fusain et rehauts de gouache blanche, H. 220 mm ; L. 180 mm Signé en bas à gauche Labadie 1797 Artiste prometteur, Charles Toussaint Labadie étudie à la fin des années 1780 dans l’important atelier du peintre néoclassique François-André Vincent (1746-1816) aux côtés de Charles Thévenin (1764-1838). Il concourt au Prix de Rome en 1789 en présentant le tableau Joseph reconnu par ses frères (fig.1), aujourd’hui conservé dans une collection particulière. Il tente à nouveau de gagner ce concours en 1793 puis en 1798, avec une peinture sur le thème du Combat des Horaces et des Curiaces. Il eut plus de succès au concours de la demi-figure peinte, institué par le pastelliste Maurice Quentin de la Tour, qu’il remporte en 1792 avec Edmond Louis Thomassin, l’un de ses condisciples dans l’atelier de Vincent. A partir de 1789, il commence à réaliser une série de portraits des députés de l’Assemblée Constituante et des Etats Généraux. Ces dessins, destinés à être publiés par l’éditeur et marchand d’estampes Dejabin, sous le nom « Collection des portraits gravés en taille-douce de MM. les députés de l’assemblée nationale », lui apportent une grande notoriété dans le genre du portrait. Il dessine, pour ce même éditeur, des portraits de personnalités de l’époque, dont Benjamin Franklin, destinés à être gravés pour illustrer un ouvrage sur (fig.1) Charles Toussaint Labadie, l’Histoire des ballons. La Bibliothèque nationale Joseph reconnu par ses frères, huile sur toile, de France conserve plus de six-cents portraits par H. 113 cm ; L. 144,5 cm, collection particulière. Labadie. Bien qu’il ait eu du succès de son vivant, sa biographie est très peu documentée, car il meurt à l’âge de 27 ans. Les quelques œuvres connues qu’il laisse derrière lui témoignent cependant d’un grand talent, d’une sensibilité et d’une grande rigueur artistique dignes des plus grands (fig.2). Notre dessin témoigne de l’aisance et du génie de Labadie pour le genre du portrait. L’artiste a su capter avec un réalisme saisissant l’attention et la mélancolie qui animent l’enfant.

(fig.2) Charles Toussaint Labadie, Portrait d’un jeune homme dans un paysage, 1797, fusain et rehaut de blanc, H. 295 mm ; L. 227 mm, Londres, The British Museum, inv. 2001, 0728.6.

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Henriette LORIMIER (Paris 1775 - 1854) Portrait de deux amis Fusain, pastel et craie sur papier bleu, H. 440 mm ; L. 580 mm Dédicacé, signé et daté en bas à droite « troir (?) Souvenir / Henriette Lorimier pour / son amie Eliza 1805 » Provenance : collection particulière, France. Élève du peintre néo-classique Jean-Baptiste Regnault (1754-1829) - à l’instar d’Adèle Romany, de Pauline Auzou ou d’Isabelle Pinson - Henriette Lorimier expose au Salon dès l’âge de 25 ans, de 1800 à 1814, essentiellement comme portraitiste mais aussi comme peintre de scène de genre. Elle reçoit la médaille d’or du Salon en 1807. Peintre de la Cour Impériale de Napoléon, Henriette Lorimier connut un succès considérable sous l’Empire, portée par l’admiration des critiques et des mécènes les plus importants, telles que l’Impératrice Joséphine et la Princesse Caroline, épouse du Prince Murat. Elle fut la première femme artiste à s’inscrire dans le courant Troubadour - dominé par les peintres Fleury Richard, Bergeret ou Forbin - en exposant (fig.1) Salon de 1806. Jeanne de Navarre montrant à son fils la tombe de Jean Rueil-Malmaison, musée national des châteaux V (fig.1) au Salon de 1806. Elle y reçut les vifs éloges de Malmaison et de Bois-Préau. de Vivant Denon : « …il n’est personne, en entrant au Salon qui ne s’arrête sur ce tableau : on ne le voit pas encore, et l’on devine la place qu’il occupe par la direction de regards qui se réunissent sur lui » (Lettre de M. Denon sur le Salon de 1806, Paris, Brasseur, 1806. Quatrième lettre). Le charme de cette peinture « féminine » de l’Empire fut tant apprécié des critiques et du public que l’Impératrice l’acquit pour la Malmaison lors même de sa présentation. En 1808, elle rencontre le diplomate et grand voyageur François Pouqueville (17701838), actif pendant les campagnes d’Égypte et philhellène convaincu, qui ne peut l’épouser pour avoir été ordonné prêtre plus jeune, mais avec lequel elle partage sa vie à partir de 1817. Ensemble, ils fréquentent le Tout-Paris de l’Empire puis de la Restauration, côtoyant des hommes de lettres tels que Châteaubriand ou Dumas mais aussi des artistes, parmi lesquels Ingres ou David d’Angers. On appréciait la grâce, la noblesse et la douceur qu’elle savait insuffler à ses modèles, sa manière de dépeindre les sentiments et le charme de la vie domestique avec vérité et sans mièvrerie. C’est exactement ce que l’on retrouve dans notre double portrait qui illustre l’amitié entre deux jeunes gens, surpris ensemble par quelque chose, peut-être par leur image. Le raccourci de la main, la délicatesse des jabots et l’intensité des regards montrent la maîtrise du dessin d’Henriette Lorimier. L’usage de la craie blanche et du fusain permet à l’artiste de jouer sur des contrastes lumineux profonds, entre les carnations pâles et les costumes sombres, qui composent une atmosphère étrange proche du « sfumato » de Pierre-Paul Prud’hon (17581823).

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Odilon REDON (Bordeaux 1840 - Paris 1916) Visage derrière une fenêtre Fusain sur papier, H. 354 mm ; L. 368 mm Signé en bas à gauche et à droite ODILON REDON Provenance : collection privée, Paris, 1991 ; sa vente, Paris, Hôtel Drouot, 20 Juin 2007, lot 51 ; collection privée, Europe ; Stephen Ongpin Fine Art, London ; collection particulière néerlandaise. Bibliographie : A.Wildenstein, Odilon Redon: Catalogue Raisonné de l'Œuvre peint et dessiné, vol. II, Paris, 1994, no. 1067, rep. p. 160. Exposition : London, Stephen Ongpin, Master Drawings, 2015, n°34 ; Laren, Singer Museum, Impressionism and Beyond. A Wonderful Journey, 2018, ill. p. 87 ; Amsterdam, Museum Het Rembrandthuis, Rembrandt in Parijs, 2018-19. Odilon Redon, peintre, lithographe, pastelliste, aquarelliste et dessinateur naît à Bordeaux en 1840. Dès ses débuts, il s’éloigne du mouvement impressionniste pour privilégier l’exploration de l’imaginaire à l’instar du mouvement symboliste. Son apprentissage de l’art de la gravure avec Rodolphe Bresdin (1822-1885) et son immense admiration pour Delacroix (1798-1863) influencent durablement son œuvre. En 1863, inspiré par un appel au Romantisme, Redon part en excursion dans les Pyrénées. Cette période sera celle de la contemplation mélancolique et solitaire de la nature, expérimentation de sublimation et de transcendance. C’est après la guerre de 1870 qu’il développe « sa propre conscience » et travaille exclusivement ses « noirs » - « royaux comme la pourpre » d’après Mallarmé - puis, à partir de à partir de 1890, commence à attacher plus d’importance à la polychromie et utilise l’huile et le pastel. Dans ses œuvres isolées, ses cycles ou ses illustrations, Redon se consacre à l’exploration de l’imaginaire et de l’inconscient. Admirateur de Gustave Moreau (1826-1898), mais aussi de Goya (1746-1828), auquel il rend hommage en 1885, il s’appuie sur la dimension fantastique de thèmes bibliques et mythologiques, sur la découverte de l’infiniment petit, de la nature, mais aussi du monde des rêves et des cauchemars. Le motif de la fenêtre munie d’une grille est fréquent dans l’œuvre de Redon cependant, on ne sait pas s’il est une référence aux fenêtres de la « Maison Usher » d’Edgar Poe ou bien un symbole maçonnique. Derrière une fenêtre, comme encadré et tenu à distance par une grille, un visage apparaît dans la lumière, se confondant avec l’image d’un soleil irradiant dont les rayons traversent la matière. Les yeux clos, la bouche scellée par deux doigts sur le menton, il est plongé dans une veille intérieure, véritable incarnation de la réflexion et du silence. Ni effrayante, ni hallucinée, ni monstrueuse - loin en cela d’autres œuvres de Redon, relevant ouvertement du cauchemar ou de délires angoissés -, cette apparition étrange et énigmatique s’inscrit dans un « fantastique d’atmosphère », selon l’expression de Marcel Brion. Notre feuille est caractéristique de l’imaginaire de Redon, débordant de visions merveilleuses et enchanteresses, parfois mélancoliques et graves. Toutefois l’artiste traduit toujours son univers mystérieux avec poésie et délicatesse : les noirs veloutés et intenses de ses fusains ajoutent une dimension onirique à ses oeuvres.

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ARTISTES

BERTHELEMY Jean-Simon

LABADIE Charles Toussaint

BOUCHARDON Edme

LE MOYNE François

BOUCHER François

LEVIEUX Reynaud

CORNEILLE Michel II

LORIMIER Henriette

COYPEL Charles-Antoine

PORTAIL Jacques-André

DROUAIS Jean-Germain

REDON Odilon

FRAGONARD Jean-Honoré

ROBERT Hubert

GIBELIN Esprit-Antoine

SAINT-AUBIN Gabriel de

GREUZE Jean-Baptiste

THOMAS DE THOMON

JOUVENET Jean

VAN DAEL Jan Frans

LA FOSSE Charles

VINCENT François-André

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