L'alyah

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©2024, Emeth Éditions CLC - BP 9 - F-26216 Montélimar Cedex emeth@clcfrance.com - www.emeth-editions.com ISBN : 979-10-97546-36-6 (papier) / 979-10-97546-37-3 (epub) Les versets bibliques sont tirés de la Bible Louis Segond NEG 1979. Diffusé en Belgique par la Centrale Biblique Diffusé au Canada par CLC Canada Diffusé en Suisse par RDF éditions Diffusé aux États-Unis par CLC USA Tous droits réservés. Toute reproduction ou transmission, totale ou partielle, par voie électronique, mécanique ou autre, ainsi que tout enregistrement ou photocopie, sont interdits sans le consentement préalable de l’éditeur. L’objectif de l’éditeur est que chacun accède à la foi et à la maturité spirituelle dans le Seigneur Jésus-Christ, grâce à la littérature et à tout support multimédia. Nous ne cautionnons pas nécessairement toutes les opinions exprimées par l’auteur. Nous faisons confiance aux lecteurs pour exercer leur jugement avec sagesse dans le respect des opinions d’autrui. Couverture : Morlon Création Dépôt légal : février 2024 Impression n°xxxxxxxxx (janvier 2024) • IMEAF • France Mots clefs : alliance, émigration, identité, Israël, immigration, judaïsme.


Xavier Darrieutort

L’alyah Du premier au dernier exode

« Je vous ramènerai dans le pays d’Israël. »



Table des matières

Prologue......................................................................................7 1. Qu’est-ce que l’alyah ?..........................................................17 2. Les dispersions des juifs dans les nations .............................27 3. L’alyah biblique...................................................................49 4. L’alyah contemporaine.........................................................59 5. L’alyah aujourd’hui..............................................................87 6. L’alyah qui vient................................................................109 7. Juifs et chrétiens : même combat........................................119 8. Le ministère Ebenezer Opération Exodus..........................129 9. Témoignages.....................................................................141 Conclusion..............................................................................159 Épilogue..................................................................................163 Lexique...................................................................................169



Prologue

Prologue

— Non, non et non, jamais ils ne me feront partir ! S’écrie Georges très agacé. — La France est notre pays depuis trois générations, on a tout ici. Nos grands-parents sont arrivés les premiers. Chassés par des pogroms, ils ont été résistants et se sont battus contre les nazis. Il est hors de question d’abandonner notre patrie pour partir en Israël. Georges et son épouse Myriam vivent confortablement dans leur univers qu’ils considèrent protégé. La réussite professionnelle de Georges lui confère le statut de « notable » au sein de leur communauté, mais pas seulement. Très engagé politiquement dans sa ville et, même si son appartenance à la communauté n’est jamais remise en cause, il se considère bien plus Français que Juif. La simple idée que des familles puissent penser que leur place n’est plus ici l’exaspère. — Chéri, ne t’énerve pas, on peut quand même en discuter. Tu sais bien que nos amis n’ont pas le même avis que nous. — Oui je le sais, mais comment peuvent-ils seulement imaginer tout quitter pour s’installer dans un pays où règnent le désordre et

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L’alyah : du premier au dernier exode la guerre ? Te vois-tu imposer à tes enfants de faire le service militaire alors que la situation au nord comme au sud est si tendue ? Alors que les actes antisémites se multiplient, de nombreuses familles juives s’inquiètent et se demandent combien de temps encore elles pourront rester dans leur pays d’accueil. Les opinions au milieu d’eux divergent, allant de « Jamais nous ne partirons, même si… » à « Il est temps de partir avant que… ». À aucun moment de son histoire, l’Agence Juive n’a enregistré autant de demandes de départ vers Israël. Pourtant, beaucoup de familles ne sont pas prêtes ou hésitent. Elles savent combien l’intégration dans la société israélienne est difficile. Les coreligionnaires qui ont fait le grand saut ne manquent pas d’en témoigner : Trouver un logement, un travail digne de leur niveau de vie, apprendre l’hébreu, se « dépatouiller » avec l’administration. Bien sûr, les aides à l’intégration ne manquent pas. Les olim* sont pris en charge dès leur arrivée, mais les attaques aveugles et les attentats meurtriers se multiplient, les bruits de guerres s’amplifient. Les ennemis d’Israël menacent en permanence la sécurité du pays et de ses habitants. — Georges, promets-moi de ne pas encore t’énerver. Paul et Lydia sont sur le départ et sont tellement enthousiastes à l’idée de faire leur alyah**. Quant à Louis et Isabelle, ils hésitent encore, mais inutile d’essayer de les convaincre avec tes arguments habituels. — C’est entendu, je vais faire attention… — Permets-moi d’avoir des doutes quand je rappelle nos dernières discussions plus que houleuses. Mais au moins, ne sois pas agressif cette fois. — D’accord ma chérie, mais pourrai-je quand même défendre notre point de vue ? C’est bien NOTRE point de vue, n’est-ce pas ? *. NDE : mot hébreu pour désigner les nouveaux arrivés juifs en Israël (pluriel d’olé). **. NDE : ce mot est expliqué par l’auteur à la page 15. 8


Prologue — En effet, je n’ai pas changé d’avis. En tout cas pas encore. Tu sais que ça ne m’empêche pas d’y penser et de m’inquiéter pour nos enfants. — Tu ne vas quand même pas te laisser convaincre par l’aveuglement de nos amis ? — On verra. Tout dépend de l’évolution de la situation. Si j’estime que mes enfants sont en danger, je pourrais très facilement changer d’avis. — Tu sais fort bien que jamais l’État ne nous laissera tomber au profit d’une bande d’excités dégénérés. La République est et sera toujours là pour nous protéger. Ils ont tous bien trop besoin de nous. Les trois couples se retrouvent ce vendredi soir chez Georges et Myriam comme habituellement pour l’ouverture du shabbat. Tradition qu’ils respectent, ne serait-ce que pour le plaisir de se retrouver, et célébrer ensemble ce moment particulier qui remonte à leur plus tendre enfance. Et puis les enfants sont heureux de passer du temps entre eux et célébrer le début du week-end avec leurs parents. — Bonjour les amis, comment allez-vous ? Et vous, Paul, ces préparatifs avancent ? — Oui, plus que jamais ! C’est le parcours du combattant mais on avance. On attend un retour de l’Agence Juive pour avoir une date de départ. — Ah oui, vous en êtes déjà là ? Vous êtes allés vite finalement. — On s’accroche. Notre enthousiasme transcende la bureaucratie israélienne. On parle de la paperasserie d’ici mais en Israël, ils ne font guère mieux. — Et vous, Isabelle, toujours en réflexion ?

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L’alyah : du premier au dernier exode — Oui, toujours. Rien n’est encore décidé mais nous suivons avec attention le parcours de Paul et Lydia pour nous aider dans notre réflexion. Il y a encore beaucoup de points qui nous freinent. Nos parents, nos cabinets, et vous aussi. — Je suppose, Georges, que tu es toujours certain de rester ici malgré le climat politique et social délétères ? — Absolument, je n’ai pas évolué d’un iota. Je suis Français depuis trois générations. Ma famille, mes amis, mes affaires sont ici, je suis chez moi ici, et personne ne m’en chassera. À chaque rencontre, les débats sont de plus en plus vifs entre les familles, tellement les opinions divergent face aux tensions économiques et sociales de plus en plus rudes. Les Albani, de leur côté, avaient subi l’antisémitisme de plein fouet. Ils habitaient un quartier dans lequel être juif devenait de plus en plus dangereux. Ils avaient vu partir de nombreuses familles, jusqu’à leur rabbin, qui n’avait pas manqué de les alerter sur l’aggravation de la situation dans leur ville. Leur fils, qui s’appelait Samuel, avait l’habitude de jouer au football avec ses copains de quartiers. Pour ne pas se faire repérer, il se faisait appeler Thomas, jusqu’au jour où un copain était venu jouer avec lui, et au cours de la partie eut l’indélicatesse de l’appeler Samuel. Certains ont alors compris qu’il était Juif et ils s’en sont pris à eux, les agressant verbalement puis physiquement. La maman de Samuel ne s’en était pas vraiment remise. Depuis, la peur pour ses enfants ne l’avait pas quittée, et c’est alors qu’ils avaient décidé de faire leur alyah, comprenant que leur place était en Israël : « Pour être juifs au milieu des juifs et ne plus subir invectives et violences. » Ils savaient très bien que l’intégration serait difficile, que tout abandonner en France serait un énorme sacrifice. Mais que faire ? Subir les insultes et risquer la vie de leurs enfants dans un climat qui ne cessait de se dégrader ? 10


Prologue Paul et Lydia, eux, vivaient dans un quartier plutôt calme. Tous deux médecins libéraux, ils ne se sentaient pas vraiment en insécurité. Pourtant, ils savaient intérieurement, sans trop savoir l’expliquer, qu’un jour il leur faudrait partir. Partir pour aller où ? Ils ne savaient pas encore. Certaines familles étaient parties au Canada, d’autres en Floride, d’autres encore à New-York, la ville juive par excellence. Ils rencontraient des difficultés à envisager de partir en Israël comme le faisait leurs amis. L’insécurité et les difficultés d’intégration leur paraissaient trop importantes. Pourraient-ils par exemple exercer la médecine ? Ne parlant pas l’hébreu et n’ayant pas la volonté de l’apprendre, il leur serait difficile de s’installer là-bas. Des amis installés à Netanya leur disaient que parler le français était plutôt un atout dans cette ville, et qu’en tant que médecins, ils seraient les bienvenus. Mais partir dans un pays comme le Canada ou les États-Unis leur paraissait moins risqué et l’intégration plus aisée. De plus, renoncer à l’exercice de la médecine, à leur confortable maison pour habiter dans un appartement quelconque, passer d’une forme d’insécurité à une autre, étaient des arguments suffisants pour les dissuader de partir s’installer en Israël. Leur motivation ne serait de toute façon pas religieuse. Ils célébraient bien le shabbat avec leurs amis de toujours, allaient à la synagogue pour les principales fêtes, mais plus par tradition et pour rencontrer leurs amis que par conviction. Pour eux, toutes ces traditions étaient importantes pour conserver et transmettre leur identité juive, mais les rituels leurs semblaient désuets. — À propos, dans nos préparatifs, nous sommes aidés par une association chrétienne. — Des chrétiens ? Vous plaisantez j’espère ! — Non, pas du tout. Ils sont très gentils et nous ont été recommandés par l’AJ elle-même. — Allons bon, c’est la meilleure ! Des chrétiens, c’est une blague. Je suppose qu’ils vous ont proposé de vous aider en échange d’une 11


L’alyah : du premier au dernier exode séance d’évangélisation gratuite. Ils finiront par essayer de vous faire croire à leur Jésus. C’est ce qu’ils font depuis 2 000 ans, ce n’est pas aujourd’hui que cela va changer. — Écoute Georges, je sais ce que nous ont fait les chrétiens au cours de notre histoire. Je te rappelle que notre famille a subi l’Inquisition et l’exil forcé pendant des générations avant de s’installer en France. Je n’ignore pas non plus l’histoire de l’Église et le silence coupable des autorités pendant que nos grands-parents vivaient l’enfer des camps. Je sais tout cela. Mais tu sais aussi que des chrétiens qu’on appelle évangéliques aiment Israël et qu’ils ne perdent pas une occasion de défendre les intérêts d’Israël. Te souviens-tu que beaucoup de chrétiens sont des Justes parmi les nations parce qu’ils ont sauvé beaucoup d’entre nous au péril de leur vie ? Et pour avoir longuement discuté avec eux, j’avoue qu’ils m’ont drôlement surpris. Je suis certain qu’ils sont réellement sincères et qu’ils veulent nous aider sans rien attendre en retour. Ce qui m’a le plus étonné c’est leur connaissance de la Torah, ou plutôt de la Bible pour eux. Je ne suis pas certain que nous ayons, nous le peuple du Livre, une aussi grande connaissance. — Excuse-moi, Lydia, mais je reste et resterai sceptique. Ce peut être des loups déguisés en agneaux. Vous devriez quand même faire attention et veiller à ce qu’ils ne vous encouragent pas à tourner le dos à la loi mosaïque pour épouser leurs thèses fumeuses. — Georges, s’il te plaît, te rappelles-tu ce que tu m’as assuré ? — Oui, ma chérie, mais là je ne m’énerve pas, je discute avec conviction. — Tu sais, Georges, il existe des prophéties dans notre Torah qui parle de l’alyah, et certains versets évoquent l’aide que nous apporteront les goyim lors de notre ascension à Jérusalem. — Houlà ! Alors là, mon ami tu t’égares et tu spiritualises un peu trop pour moi. Mais bon, s’ils vous aident et ne vous demande rien en échange… Pourquoi ne pas en profiter après tout. 12


Prologue — Dis-moi, Paul, que penses-tu des dernières mesures du gouvernement à propos du renforcement de la laïcité ? — Je crois, hélas ! que ce n’est pas bon pour nous. Entre ces nouvelles mesures qui tendent à contrôler toutes les instances religieuses et les dernières lubies des islamo-gauchistes qui veulent légiférer contre l’abattage rituel et la circoncision, mon avis est que tout cela concourt à nous empêcher d’être juifs. — Oui en effet, dit Georges, sur ce point je suis entièrement d’accord avec toi. Il va falloir agir vite et fort auprès des autorités pour arrêter tout cela. Nos coreligionnaires parlementaires vont faire le job, j’en suis sûr. Ce qui m’inquiète encore plus se sont ces fous furieux antisémites qui pourraient gagner les prochaines élections. — Il est sûr que s’ils passent, il y aura de quoi s’inquiéter et se poser les bonnes questions sans tarder quant à notre avenir ici. — Écoutez, nous avons fait le choix de partir, vous savez ce qui nous y a poussé et aujourd’hui, même si nous avons des appréhensions quant à la nouvelle vie qui nous attend, nous ne regrettons pas d’avoir pris cette décision, pour nous, pour nos enfants. Plus que de savoir que notre place n’est plus ici en tant que Juif, nous sommes convaincus que notre place est en Israël. C’est notre Foyer et on nous y attend tous. — Ce discours sioniste qu’on entend de plus en plus m’exaspère. Notre place est là où nos familles ont été accueillies, et ce n’est pas une poignée d’extrémistes qui doit nous en dissuader. Personnellement, je choisis de me battre pour rester dans mon pays. D’abord démocratiquement comme il se doit, puis par d’autres moyens s’il le faut. — Vos arguments à chacun sont légitimes et j’avoue que, si cela enrichit notre réflexion, on n’avance pas plus dans un sens que de l’autre. Je sais, pour être suffisamment lucide, que la situation des juifs dans les nations se dégrade, et les politiques telles qu’elles sont menées n’arrangent rien. Faudra-t-il partir un jour ? Oui, je le 13


L’alyah : du premier au dernier exode crois. Ce jour-là est-il arrivé ? C’est pour nous toute la question. Et si nous devons partir : pour aller où ? En Israël ou ailleurs, où on voudra bien nous accueillir ? — Au moins, propose Lydia, sans que cela ne t’engage à rien de plus, vous pourriez remplir un dossier à l’Agence Juive dans le cas où vous auriez besoin de quitter le pays précipitamment. — Oui, on y pensait, et les décisions gouvernementales à venir finissent de nous convaincre. — Allez c’est l’heure, nous sommes tous là, arrêtons nos discussions et célébrons le shabbat…

****** Ces échanges, imaginés entre ces trois familles aux avis bien différents quant à leur immigration en Israël, représentent ce que l’on peut entendre de la part de juifs installés parfois depuis plusieurs générations dans les nombreux pays dans lesquels ils ont été dispersés. Les arguments des uns et des autres sont courants : Entre ceux qui se sentent plus Français que juifs ; ceux qui savent qu’un jour il leur faudra partir, comme l’ont fait avant eux les générations passées, mais qui hésitent quant au moment et au lieu d’exil ; ceux qui ont subi des actes antisémites, que ce soient des insultes, des crachats ou des violences physiques. Ces familles qui, saisies par la peur, décident de partir, tout en sachant qu’elles s’apprêtent à vivre un changement radical de vie. Je me souviens en particulier, dans le cadre de mes activités à Ebenezer, d’un appel à l’aide d’une maman de trois enfants qui voulait partir le plus vite possible et qui sollicitait notre aide. Ne comprenant pas la raison de cette décision brutale, je l’interrogeai sur les raisons de ce que je croyais être une fuite plus qu’une décision raisonnée. Au téléphone, je sentis alors toute la détresse de cette maman qui, en larmes, me raconta que ses enfants prenaient le bus pour aller à 14


Prologue leur école juive, et que le bus s’arrêtait tous les matins à hauteur de l’établissement où se retrouvaient les frères Kouachi. Quand elle réalisa cela, une peur irrationnelle pour la vie de ses enfants l’avait saisie, et, quelles que fussent les conditions de vie en Israël, elle ne pouvait plus laisser ses enfants courir de si grands risques. Des situations identiques, parfois pires, au sein du ministère d’Ebenezer, nous en rencontrons régulièrement, et nous en sommes à chaque fois bouleversés. Comment imaginer que, dans notre pays, des familles juives puissent fuir par peur ? Comment accepter de voir le passé refaire surface, et des horreurs que l’on croyait à tout jamais révolues se reproduire ? Mais cela ne correspond-il pas à un moment précis de notre histoire, un temps d’accomplissement de prophéties bibliques ? Un temps particulier où Dieu appelle son peuple à rentrer en Israël ? La Bible ne parle-t-elle pas abondamment de ce retour ? Et pourquoi, dans notre génération, assiste-t-on à l’accélération du phénomène que l’on appelle l’alyah ? Nous aborderons tout au long de ce livre tout ce qui concerne le retour du peuple juif en eretz (terre) Israël, qui apparaît comme si précieux dans le cœur de Dieu. Nous traiterons de sa signification, son histoire, mais aussi de sa signification pour les chrétiens, ainsi que le rôle que le Seigneur attend de chacun, dans ce qui préfigure le retour de notre Seigneur. « 30 Alors le signe du Fils de l’homme paraîtra dans le ciel, toutes les tribus de la terre se lamenteront, et elles verront le Fils de l’homme venant sur les nuées du ciel avec puissance et une grande gloire. 31 Il enverra ses anges avec la trompette retentissante, et ils rassembleront ses élus des quatre vents, d’une extrémité des cieux à l’autre. » Matthieu 24.30-31

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Qu’est-ce que l’alyah ?

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Qu’est-ce que l’alyah ?

« C’est pourquoi tu diras : Ainsi parle le Seigneur, l’Éternel : Je vous rassemblerai du milieu des peuples, je vous recueillerai des pays où vous êtes dispersés, et je vous donnerai la terre d’Israël. » Ézéchiel 11.17

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ans la Bible, nombreuses sont les prophéties qui évoquent le retour du peuple juif en Israël. On peut en répertorier au moins soixante-dix venant de huit prophètes différents. Le mot alyah, que l’on trouve écrit indifféremment alya, aliyah ou aliya, est un mot hébreu qui signifie littéralement « ascension » ou « élévation spirituelle ». Faire son alyah, pour un Juif, c’est le fait d’immigrer en terre d’Israël. L’ascension revêt une signification aussi bien spirituelle que physique. Tous les juifs sont élevés dans la croyance que cette ascension fait partie intégrante du judaïsme. Cette notion de montée spirituelle renvoie à l’époque du Temple pendant laquelle les Juifs avaient l’obligation de « monter » trois fois par an à Jérusalem : à l’occasion des fêtes de Pessah, Shavouot et Souccot. On retrouve 17


L’alyah : du premier au dernier exode cette dimension de « retourner vers Dieu » en montant à Jérusalem, là où se trouve le temple. « L’Éternel apparut à Salomon pendant la nuit, et lui dit : J’exauce ta prière, et je choisis ce lieu comme la maison où l’on devra m’offrir des sacrifices. » 2 Chroniques 7.12

Qui peut immigrer en Israël ? Selon la « Loi du Retour* » instituée en 1950 à la suite de la création de l’État d’Israël, tout individu juif obtient automatiquement la nationalité israélienne lors de sa demande d’immigration. Elle est l’expression juridique du lien qui unit le peuple juif et Israël et incarne un principe fondamental de l’État hébreu : procurer un asile sûr pour tous les Juifs, d’où qu’ils viennent. À l’origine, cette loi s’appliquait aux personnes considérées comme juives selon la halakha (Loi juive). Il fallait que la mère fût juive pour acquérir la nationalité israélienne. Mais depuis l’amendement de 1970, elle s’est élargie aux personnes dont seulement l’un des parents ou grands-parents est juif. Le rassemblement des exilés dans le pays de la promesse est la raison d’être de l’État d’Israël. Depuis toujours il est un pays d’immigration qui s’est bâti grâce à toutes celles et ceux qui sont venus de toutes les nations où ils étaient dispersés. C’est également dû à de généreux donateurs qui ont permis de financer la construction du nouvel État et la survie des premiers arrivants. Les olim sont arrivés, forts de leurs savoirs et de leurs avoirs. Ils ont été d’une grande richesse pour l’évolution du jeune pays, aussi bien pour l’économie, pour les avancées technologiques que pour son organisation, qui en fait aujourd’hui une démocratie moderne.

* https://www.axl.cefan.ulaval.ca/asie/israel-loi-1950-2006.htm 18


Qu’est-ce que l’alyah ? À noter, et il est bon de le rappeler, qu’elle est, et reste indiscutablement, la seule véritable démocratie de la région. Chaque juif instruit dans la lecture de la Torah sait qu’Israël est le pays que l’Éternel a donné à ses Pères pour toutes les générations : « Je te donnerai le pays que j’ai donné à Abraham et à Isaac, et je donnerai ce pays à ta postérité après toi. » Genèse 35.12

Ils savent également que Dieu les ramènera dans le pays promis. C’est ainsi qu’à chaque célébration de la Pâque juive, alors qu’ils célèbrent la libération de l’esclave et la sortie d’Égypte, chaque juif pratiquant prononce cette prière : « L’an prochain à Jérusalem ». De même, dans la prière du matin faite par les juifs pieux, ils récitent ceci : « Sonne le grand shofar de notre rédemption, rassemble-nous des quatre extrémités de la terre dans Jérusalem ta ville sainte. » L’alyah est donc une évidence pour tout juif de la diaspora parce elle est le retour dans le pays de la promesse. Nous savons qu’une grande partie du monde nie l’appartenance de la terre d’Israël au peuple juif. Mais la Bible, qui est et restera à jamais notre référence, lève toute ambiguïté sur cette possession perpétuelle : « Tu leur as donné ce pays, que tu avais juré à leurs pères de leur donner, pays où coulent le lait et le miel. » Jérémie 32.22

Les contestations, d’où qu’elles viennent, sont incompatibles avec la réalité évangélique. De nombreux passages contredisent une théorie totalement insensée appelée « théologie du remplacement ». Celle-ci s’évertue à vouloir faire passer le peuple juif pour déicide et à le remplacer par l’Église chrétienne. Or, les alliances de Dieu avec Israël sont éternelles. S’il fallait encore le démontrer, nous pourrions citer par exemple l’apôtre Paul : 19


L’alyah : du premier au dernier exode « 1 Je dis donc : Dieu a-t-il rejeté son peuple ? Loin de là ! Car moi aussi je suis Israélite, de la postérité d’Abraham, de la tribu de Benjamin. 2 Dieu n’a point rejeté son peuple, qu’il a connu d’avance. » Romains 11.1-2b

Il est essentiel, en tant que chrétien, de se rappeler que c’est ce peuple que le Seigneur s’est choisi. Qu’on le veuille ou non, Dieu, le Créateur de l’univers et tout ce qui le compose, a fait ce choix. Rien ne sert de le mettre en doute. Défendons, au contraire, cette position sans faillir*. Chercher à comprendre ou à remettre en cause n’a aucun sens face aux décisions irrévocables du Dieu « Je suis ». Il se souvient pour mille générations de son alliance qu’il a faite avec Abraham, Isaac et Jacob. C’est à eux, par sa seule volonté : « 4 Les Israélites, à qui appartiennent l’adoption, la gloire, les alliances, la loi, le culte, les promesses, 5 et les patriarches, et de qui est issu, selon la chair, le Christ, qui est au-dessus de toutes choses, Dieu béni éternellement. Amen ! » Romains 9.4-5

Bien sûr que l’on peut s’en étonner, d’autant plus quand on connaît l’histoire de ce peuple, rebelle à bien des périodes, et qui s’est souvent détourné de Dieu. Mais sommes-nous en capacité de les juger alors que nous ne faisons guère mieux ? J’aime cette citation du journaliste britannique William Norman Ewer (1885-1977), qui a écrit en son temps : « Que Dieu ait choisi les Juifs est étrange ; mais ce n’est pourtant pas aussi étrange que ceux qui choisissent le Dieu juif et dédaignent les Juifs. » Certains refusent de l’admettre et justifient leur antisémitisme par quelques théories fumeuses. C’est le cas pour tous ceux qui prennent une posture propalestinienne, faussement humaniste, refusant le * NDE : la tradition juive enseigne que Dieu a d’abord proposé la Torah aux soixante-dix nations, qui l’ont toutes refusée, avant de la proposer à Israël qui l’a acceptée. 20


Qu’est-ce que l’alyah ? droit au peuple juif de disposer de leur héritage divin. Ce « peuple palestinien », inventé en 1965 par les services secrets soviétiques en plein guerre froide, pour de basses raisons géopolitiques*, n’a pas cessé d’être un prétexte pour justifier l’antisémitisme, sous couvert d’un antisionisme plus « politiquement correct » mais qui n’en est pas moins monstrueux car il conduit à autant de haine. Beaucoup d’ouvrages de qualité et bien argumentés** démontrent que, aussi bien sur le plan du droit international que sur les faits historiques démontrés par des fouilles archéologiques, ou encore au fait du récit biblique, que ce tout petit bout de terre, à la croisée de trois continents, appartient bel et bien au peuple juif. Le peuple juif, ô combien remarquable, ne représente qu’environ 2 ‰ du total de la population mondiale, alors que 25 % des prix Nobel ont été attribués à des juifs***. Dans un pays où cohabitent, malgré ce que l’on peut lire et entendre, les trois religions monothéistes. Pays entouré d’ennemis qui clament haut et fort, au vu et su des nations, qu’ils ne veulent que sa destruction. D’autre part, Dieu n’est pas homme pour se repentir de ses choix (1 Samuel 15.29) : « Car les dons et l’appel de Dieu sont irrévocables. » Romains 11.29

De nombreuses déclarations d’amour pour son peuple démontent, s’il en est encore besoin, combien Dieu aime son peuple :

* Article recommandé de Richard KEMP en date du 14 janvier 2022, publié sur le site de l’institut Gatestone : https://fr.gatestoneinstitute.org/18128/ apartheid-israel. ** Comment le peuple palestinien fut inventé, David Harowitz et Guy Millière, éd. Valensin ; Israël, la terre controversée, Claude Ezagouri, Emeth Éditions ; Les montagnes d’Israël, Norma Parrish Archbold, éd. « Lettre aux nations ». *** Étude menée par les universitaires israéliens Elay Ben-Gal et Yeshayahu Leibowitz : https://www.les-crises.fr/les-dispersions-du-peuple-juif/ 21


L’alyah : du premier au dernier exode « Parce que tu as du prix à mes yeux, parce que tu es honoré et que je t’aime... » Ésaïe 43.4a

Et pourtant, ce peuple, aussi remarquable qu’il soit, s’est rebellé et détourné de Dieu à de nombreuses reprises dans son histoire. « Toute la maison d’Israël a le front dur et le cœur endurci. » Ézéchiel 3.7b

Dans les livres des Juges et des Rois, nous pouvons lire régulièrement à propos des rois qui se sont succédé : « Il fit ce qui est mal aux yeux de l’Éternel ». Le jugement de Dieu fut sans égal envers son peuple. Il a été dispersé dans les nations, soit poussé par la famine et divers fléaux qui sévissaient dans le pays, soit parce qu’ils étaient chassés ou amenés captifs par des peuples conquérants dont le Seigneur s’est servi pour exercer son jugement, toujours à cause de leur désobéissance et de leur idolâtrie. Ce fut le cas lors de la déportation en Assyrie : « 27 Ainsi parle le Seigneur, l’Éternel : Je suis vivant ! Ceux qui sont parmi les ruines tomberont par l’épée ; ceux qui sont dans les champs, j’en ferai la pâture des bêtes ; et ceux qui sont dans les forts et dans les cavernes mourront par la peste. 28 Je réduirai le pays en solitude et en désert ; l’orgueil de sa force prendra fin, les montagnes d’Israël seront désolées, personne n’y passera. 29 Et ils sauront que je suis l’Éternel, quand je réduirai le pays en solitude et en désert, à cause de toutes les abominations qu’ils ont commises. » Ézéchiel 33.27-29

Malgré tous ses écarts, nous pouvons lire dans de nombreux chapitres des livres prophétiques que, si la colère et le jugement de Dieu envers Israël sont sans appel, c’est par la promesse de sa restauration que ces textes se terminent.

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Qu’est-ce que l’alyah ? « Je te rétablirai encore, et tu seras rétablie, vierge d’Israël ! Tu auras encore tes tambourins pour parure, et tu sortiras au milieu des danses joyeuses. » Jérémie 31.4

L’importance de l’alyah dans le cœur de Dieu D’abord et avant tout parce que c’est une promesse que le Seigneur a faite à son peuple et qu’il veut le meilleur pour lui : « Je prendrai plaisir à leur faire du bien, et je les planterai véritablement dans ce pays, de tout mon cœur et de toute mon âme. » Jérémie 32.41

Il n’existe pas d’autre passage dans toute la Bible dans lequel Dieu exprime autant d’amour et d’engagement en déclarant « de tout mon cœur et de toute mon âme ». C’est dire à quel point le bien de son peuple est essentiel et qu’il ne peut être que dans le pays de la promesse. Cette seule déclaration suffit à nous convaincre que s’intéresser et, plus encore, participer au retour du peuple juif, est une évidence pour toutes celles et ceux qui adorent le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. La deuxième raison est qu’au travers du retour de son peuple, Dieu va se glorifier auprès des nations. « 22 Et les nations sauront que je suis l’Éternel, dit le Seigneur, l’Éternel, quand je serai sanctifié par vous sous leurs yeux. 23 Je vous retirerai d’entre les nations, je vous rassemblerai de tous les pays, et je vous ramènerai dans votre pays. » Ézéchiel 36.22-23

Quand plusieurs millions de juifs convergeront vers Israël, dans des conditions qui ne pourront être que gravement dégradées, sur un bout de terre qui, à vue humaine, ne saurait être en capacité de tous les accueillir ; alors même que les nations essayeront de les en empêcher, comme l’a fait Pharaon du temps de l’exode, parfois en 23


L’alyah : du premier au dernier exode usant des sentiments trompeurs, parfois aussi par la force de lois, c’est alors que Dieu opérera de grands miracles pour conduire son peuple en toute sécurité, uniquement parce qu’il l’a décidé depuis toujours, et qu’il va ainsi affirmer sa souveraineté. En effet, ce retour massif ne peut se faire que miraculeusement, sans même que les nations ne puissent s’y opposer. Comme les Égyptiens ont été contraints de laisser aller le peuple hébreu, il en sera de même du temps du dernier exode qui s’annonce. Voilà pourquoi les nations ne pourront qu’admettre que le Dieu des juifs est un Dieu puissant qui accomplit tout ce qu’il veut, bien au-delà de la volonté et des stratégies humaines. Si les nations auront bien des difficultés à le reconnaître, sa gloire sera alors éclatante. Une troisième raison au retour du peuple de Dieu en Israël est propre au peuple lui-même : Après avoir béni les nations par leur présence, le temps des nations arrivant à sa fin, les juifs ont à retourner dans le pays de la promesse. Il sera alors temps pour eux de reconnaître leur Messie. Pour les chrétiens, le Messie, l’oint de l’Éternel est Jésus. Nous croyons qu’il est le fils de Dieu venu parmi les hommes pour l’expiation des péchés du plus grand nombre. Par sa mort et sa résurrection, nous recevons le pouvoir de devenir à notre tour enfant de Dieu et, à ce titre, cohéritiers du royaume avec Jésus. Nous sommes alors sauvés, c’est-à-dire que, par le pardon de nos péchés, nous entrons dans une vie nouvelle : c’est la nouvelle naissance. Tous ensemble nous constituons l’épouse du Messie. Notre salut nous est accordé uniquement par grâce, simplement parce que nous avons cru. Selon qu’il est écrit dans Osée : J’appellerai mon peuple celui qui n’était pas mon peuple, et bien-aimée celle qui n’était pas la bien-aimée ; 26 et là où on leur disait : Vous n’êtes pas mon peuple ! ils seront appelés fils du Dieu vivant. (Romains 9.25-26) 25

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Qu’est-ce que l’alyah ? Or, si beaucoup de juifs qui constituent la communauté messianique croient que Jésus, Yeshoua, est bien le Messie attendu, une grande majorité sont encore dans l’attente. Mais la Bible est claire sur un point : Dieu a un plan en continu pour Israël. Il est engagé par une alliance éternelle. Quand Dieu appela Abraham, il lui dit qu’il lui montrerait une nouvelle terre, qui serait la sienne. Le psalmiste l’exprime clairement dans le Psaume 105.8-11 : « 8 Il se rappelle à toujours son alliance, ses promesses pour mille générations, 9 l’alliance qu’il a traitée avec Abraham, et le serment qu’il a fait à Isaac ; 10 il l’a érigée pour Jacob en loi, pour Israël en alliance éternelle, 11 disant : Je te donnerai le pays de Canaan comme héritage qui vous est échu. »

Paul, dans sa lettre aux Romains, explique que Dieu n’en a aucunement fini avec Israël mais qu’il va les restaurer dans les derniers jours (cf. Romains 11.26). Il déclare également qu’à cause de leur désobéissance, nous les gentils, nous avons l’opportunité d’être sauvés (cf. Romains 11.11). Au verset 12, Paul annonce que leur complet relèvement sera une source de grande richesse pour le monde. Alors, en tant que chrétiens, sans pour autant concéder sur quelque point que ce soit de nos convictions, en évitant de vouloir être plus juifs que les juifs, comme cela peut être parfois le cas, mais au contraire en affirmant notre identité de chrétiens, soyons attentifs et restons à la place que le Seigneur nous a donnée par grâce. Soyons les témoins de sa présence en nous, afin que tous ceux que nous côtoyons se posent la question de savoir ce que nous avons qu’ils n’ont pas et qu’ils aient soif de chercher de tout leur cœur, le Dieu des cieux qui se laissent trouver. Rendons-les jaloux par le témoignage de sa présence en nous. « 13 Je vous le dis à vous, païens : en tant que je suis apôtre des païens, je glorifie mon ministère, 14 afin, s’il est possible, d’exciter la jalousie de ceux de ma race, et d’en sauver quelques-uns. » Romains 11.13-14 25



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