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Le Mag’ Sœurs de Notre¯Dame de Charité du Bon Pasteur Septembre 2021

Trimestriel

DOSSIER / PAGE 6

COHABITER ET PARTAGER, AUTREMENT EN COUVERTURE : COLOCATION, HABITAT PARTAGÉ, COHABITATION INTERGÉNÉRATIONNELLE OU HABITATION COMMUNAUTAIRE, LE VIVRE ENSEMBLE AUTREMENT CONNAIT UN VRAI REGAIN D’INTÉRÊT. MOTIVÉ PAR LE DÉSIR DE FAVORISER LES LIENS DE PROXIMITÉ ET LE PARTAGE EN TOUTE FRATERNITÉ.

N°28


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Échos Marquette

Arbre de vie, une présence bienveillante

«Si vous pensez que toute histoire humaine est à respecter et que personne n’est jamais perdu. Si vous vous dites qu’un accueil, une écoute bienveillante et une main tendue peuvent remettre debout. Si pour vous, l’amour de Dieu se vit au quotidien et si vous avez envie de travailler en équipe. Cette mission est pour vous ! » C’est à cette annonce que Romane et Charles ont répondu. Depuis septembre, ils assurent une présence attentive et bienveillante à la résidence Arbre de vie de Marquette. Le projet est soutenu par des laïcs depuis 2017, la résidence permet l’hébergement dans des studios indépendants de personnes en situation de fragilité et propose des temps spirituels ouverts à tous en collaboration avec une équipe dédiée.

À lire

Sommaire

Écrits spirituels d’Alix Le Clerc

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P3 – Édito P4 – Rencontre

Marie Hélène Halligon, «Le centre spirituel est un pivot de la Maison-Mère»

P6 – Enquête

Cohabiter et partager, autrement

P12 Évènement

Rencontres d’amitié entre jeunes musulmans et chrétiens

P14 – Spiritualité

Aguchita, figure de la miséricorde

P16 – Méditation

Publié en juin 2021, aux éditions du cerf. L’esprit de résistance d’une figure incontournable de la spiritualité française et féminine du Grand Siècle. Dans un temps où la vie religieuse représentait pour les femmes l’une des rares possibilités d’émancipation et de réalisation de soi hors du foyer et de l’ordre patriarcal, celle qui deviendra Mère Thérèse de Jésus se donne pour mission l’éducation des filles. Alix Le Clerc (1576-1622) fonde à cette fin un ordre d’enseignantes, la congrégation Notre-Dame, et commence à créer des écoles. Elle puise son esprit de résistance dans une puissante vie intérieure, et consigne ses écrits. Ils sont réunis pour la première fois dans ce livre et participent à la créativité de la grande école française de spiritualité. Directrice de la publication : Marie Luc Bailly Conception et réalisation : Bayard Service - Parc du Moulin, Allée Hélène-Boucher, CS 60090, 59874 Wambrechies - Tél. 03 20 13 36 60 bse-nord@bayard-service.com - www.bayard-service.com Graphiste : Anthony Liefooghe - Secrétaire de rédaction : Eric Sitarz Contact publicité : 03 20 13 36 70 Imprimeur : Offset impression-Pérenchies -59 - Dépôt légal à parution En couverture - Crédit photo : D.R. Tous droits réservés textes et photos.

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Edito Traversons les «frontières»

C

e numéro de rentrée s’est bâti dans un entredeux. Entre le chapitre de province BelgiqueFrance-Magyarorszag-Nederland, du 17 au 23 mai, et la fête de Saint Jean Eudes, le 19 août, date de la prise de fonction «officielle» de la nouvelle équipe (lire cidessous). L’ hospitalité et la cohabitation dans la diversité sont les thèmes principaux de notre numéro. Elles révèlent, selon le pape François, «la capacité de reconnaître notre humanité commune dans le regard de l’autre». La résidence Arc-en-ciel ou encore la maison Lazare en attestent. Sans oublier «l’émerveillement» qui peut surgir de la rencontre avec l’autre, quelle que soit sa tradition ou sa spiritualité. L’interculturel ne se décrète pas, il se vit au quotidien. Il nous faut, selon le père Grégoire Catta, jésuite, «passer de Babel à la Pentecôte, de l’illusion autocentrée, de l’unicité, à

l’accueil de multiples dons de l’Esprit dans la multiplicité des langues et des cultures». Une conviction qui, en d’autres termes, rejoint une des cinq priorités retenues par les capitulantes de mai dernier, pour la province Europe BFMN : « L’ouverture au changement, l’intergénérationnel, l’interculturalité et le partenariat avec les laïcs dynamisent la vie. La force du charisme, en traversant les frontières, nous mobilise pour la mission. » Que cette orientation ne se contente pas d’être «un précieux document d’archives» mais que, au-delà de nos peurs et de nos limites, elle soit lumière pour éclairer nos choix et développe en nous la bonté et la bienveillance à l’égard de celles et ceux au milieu desquels nous vivons. Bonne rentrée ! Soeur Marie Luc Bailly

Échos... Angers

Un nouveau souffle estival

Le 11 août, en partenariat avec la ville d’Angers, la compagnie Libertivors a performé dans les jardins de l’abbaye Saint-Nicolas et a offert trente minutes d’acrobaties à près de deux cents spectateurs, ravis d’explorer ce lieu. Pour les Journées du patrimoine, Julie Hénault proposera une visite spectacle de marionnettes à destination d’un jeune public. Les marionnettes de Foulques Nerra et Marie Euphrasie, qu’elle a fabriquées elle-même, animeront très certainement la visite de l’abbaye. Des visites classiques sont également prévues à l’abbaye ainsi qu’à la Maison-Mère. Sur réservation, plus d’infos sur : www.tourisme.destination-angers.com. Province

Une gouvernance circulaire

Depuis le 19 août, fête de saint Jean Eudes, une nouvelle équipe provinciale est au travail. L’équipe est constituée de Sœur Marie Luc Bailly, Sœur Agnès Baron, Sœur Magdalena Franciscus, Sœur Gloria Huerta, Sœur Lucie Kabaze, Sœur Marie Paule Richard. Ce groupe innove dans son modèle de gouvernance, en créant une dynamique basée sur le travail en équipe et le partage du leadership. Une nouvelle manière d’entrer en relation et de travailler, qui implique l’ensemble, ceci pour «donner vie» au terme de «gouvernance circulaire».

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Rencontre

Marie Hélène Halligon

N.D Charité du Bon Pasteur

«Le centre spirituel est un pivot de la Maison-Mère»

Riche de ses expériences, Sœur Marie Hélène Halligon a été nommée par le généralat, coordinatrice du centre spirituel de la congrégation pour trois ans. C’est un retour «aux sources» puisqu’elle a participé à la fondation du centre spirituel entre 1979 et 1986, puis a occupé un poste de coordination entre 2002 et 2009. Avec son équipe, elle a l’ambition de mettre en valeur les racines spirituelles si précieuses de la congrégation.

Au premier plan : Sœur Marie Hélène Halligon. 4

Sœur Marie Hélène Halligon, pouvez-vous présenter votre parcours et ce qui vous mène aujourd’hui à ce poste de coordinatrice au centre spirituel ? Sœur Marie Hélène Halligon. Je suis entrée au noviciat en novembre 1968, passant des barricades du mouvement étudiant de mai 68 au silence du noviciat. À ce moment-là, il me semblait avoir changé de planète… Puis, les obédiences m’ont amenée à occuper de multiples fonctions dans la

congrégation, et voilà que je viens de fêter mes cinquante ans de vie religieuse ! Quel est le rôle du centre spirituel, comment fonctionne-t-il ? Le centre spirituel est un pivot de la Maison-Mère, il est au cœur de l’animation spirituelle de toutes les sœurs et des partenaires de la mission de la congrégation dans tous les continents et cultures où elle est présente. Par son travail de recherche,

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«Avec toute l’équipe, nous avons comme ambition de faire mieux connaître la spiritualité et les engagements des sœurs dans les deux styles de vie apostolique et contemplatif, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la congrégation. Nous souhaitons également donner des clefs pour comprendre les nouvelles recherches spirituelles qui traversent notre époque.»

il contribue à la formation et la diffusion de la spiritualité de saint Jean Eudes et de sainte Marie-Euphrasie Pelletier dans le courant de spiritualité dit de «l’École française». C’est aussi un lieu d’inspiration pour les membres de la congrégation, il favorise l’expérience de Dieu et la communion fraternelle. Le centre est animé par des sœurs de la congrégation, contemplatives et apostoliques, avec l’appui de laïcs. C’est également un support ressource actualisé au cours des chapitres généraux et du travail des commissions de la congrégation, ainsi que dans les divers apostolats et missions des sœurs et de leurs partenaires. Le centre spirituel a le souci de traduire la spiritualité et sa vision dans un langage actuel prenant en compte les différences culturelles et en proposant l’expérimentation de celles-ci pour nos contemporains, en particulier les plus fragiles à travers différents moyens.

Quelles sont vos ambitions et pouvez-vous nous en dire plus sur les projets à venir ? Avec toute l’équipe, nous avons comme ambition de faire mieux connaître la spiritualité et les engagements des sœurs dans les deux styles de vie apostolique et contemplatif, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la congrégation. Nous souhaitons également donner des clefs pour comprendre les nouvelles recherches spirituelles qui traversent notre époque. L’équipe que nous allons former dès septembre est là pour partager notre richesse spirituelle et les engagements qui en découlent dans le monde avec l’ensemble de la congrégation, les partenaires de mission, et toutes les personnes intéressées. Plusieurs projets cheminent dans ma tête, que j’ai hâte de mettre en œuvre de manière interactive. Les perspectives ne manquent pas : les pistes nouvelles qui seront proposées par le chapitre général, le processus de réunification, Aguchita (lire en page 14), 2025, anniversaire de la fondation des sœurs contemplatives, travail avec nos frères eudistes…

Propos recueillis par Élodie Comoy

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Enquête COHABITER ET PARTAGER L

es gens s’intéressent de plus en plus à de nouvelles façons de vivre ensemble autrement. Choisissant la colocation, l’habitat partagé, la cohabitation intergénérationnelle ou encore l’habitation communautaire. À Angers, la résidence Arc-en-ciel n’est pas ouverte uniquement aux religieuses, elle entend accueillir familles et jeunes filles en colocation, tout cela dans le but affiché de favoriser le lien intergénérationnel au quotidien et de partager certains moments ensemble, tout en veillant à respecter l’intimité de chacun. Non loin de là, Sarah et Mathieu, en quête d’ouverture sur leur prochain, couple d’accueil d’une maison Lazare, explique combien le projet de vie fraternelle, promu par l’association, mêlant jeunes pros et personnes en situation vulnérable et/ou précaire, a été déterminant dans leur choix de s’engager.

Comme il est écrit dans l’Évangile, laisserons-nous à notre table un peu de place à l’étranger ? Trouvera-t-il quand il viendra un peu de pain et d’amitié ? (Évangile de Jésus Christ selon saint Jean, chapitre 6). Avant la «multiplication des pains», alors que les apôtres disent à Jésus qu’il n’y a pas assez de pains pour nourrir la foule, Jésus leur dit : «Donnez-leur vous-même à manger.» Les renvoyant à leur responsabilité, on trouve de quoi nourrir tout le monde… Peut-être parce que chacun sort de son sac ce qu’il avait en réserve ? Et le miracle est bien là, sortir de notre confort et de nos égoïsmes, ouvrir nos sacs, nos maisons et nos cœurs. C’est le miracle de l’accueil, du partage ! L’habitation communautaire, la maison Lazare, comme bien d’autres, en sont les témoins…

Sœur Marie-Pierre Pernot Communauté de Saint Martin d’Hères Dans notre enquête : >> Page 8 : Résidence Arc-en-ciel, une cohabitation atypique >> Page 9 : Quand le hasard donne un sens au quotidien >> Page 10 : Sarah et Mathieu, couple d’accueil : «Lazare, c’est avant tout une grande maison de famille»

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Pixabay

R, AUTREMENT

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Enquête

ANGERS

Résidence Arc-en-ciel, une cohabitation atypique La congrégation porte un projet d’ampleur depuis plus de cinq ans : créer un espace intergénérationnel et de mixité sociale sur le site de la Maison-Mère. En novembre 2020, la résidence Arc-en-ciel à Angers a accueilli ses premiers habitants.

L’

objectif du projet était de rapprocher plusieurs populations, «ce qui était, au départ, un projet utopique», reconnaît Monsieur Vilboux, responsable du chantier. Cette idée de mêler familles, jeunes, seniors et religieuses est en effet très atypique. La congrégation a souhaité favoriser le lien intergénérationnel dans le quotidien : une

entrée commune, un oratoire partagé et des offices ouverts à tous, une salle de convivialité. «À l’entrée, sainte Marie Euphrasie nous accueille et nous invite à ne pas oublier dans notre prière sa devise : “Gloire de Dieu salut des âmes, c’est ma vie”», souligne Sœur Maggy, supérieure d’une des trois communautés religieuses installées.

«Notre mission commune est de créer une présence fraternelle au sein de cette résidence ce qui n’exclut pas nos engagements au sein de la paroisse, de diverses associations et au service de la Province», explique Sœur Jacqueline Chevet, supérieure de la communauté Espérance. Une des communautés est chargée de la pastorale des jeunes. Les ambitions de ces communautés sont aujourd’hui de créer des liens entre les générations, entre les communautés, de faire des ponts. Il nous faut réapprendre à favoriser les relations et toujours permettre la rencontre.

Une résidence pour les sœurs, les familles et des colocs Vingt-trois religieuses, âgées entre 42 ans et 96 ans, constituent les trois communautés installées à la résidence Arcen-ciel. Dans celle-ci ont emménagé également des laïcs, amis de la congrégation, des familles et des jeunes filles en colocation. De bonnes relations de voisinage s’installent peu à peu, légèrement freinées par les différentes périodes de confinement et les mesures sanitaires strictes.

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LE TÉMOIGNAGE D’UNE FAMILLE

Quand le hasard donne un sens au quotidien Marie et Grégoire, jeunes cadres parisiens, viennent de poser leurs valises à Angers, accompagnés de leurs deux enfants, Éloi, 18 mois, et Albane, 3 ans. Fraîchement arrivée, Marie nous parle de la sérénité qui se dégage des lieux.

C’

est clairement par hasard et au détour d’une annonce parue sur un site internet que le jeune couple trentenaire est arrivé en Anjou suite à une proposition professionnelle de Grégoire. «Nous avons trouvé cette annonce dans un premier temps étrange. Une résidence récente avec des communautés religieuses, c’est spécial.» Marie, quant à elle, est à 100 % de son temps en télétravail, pour son job dans les ressources humaines. Il était donc primordial de trouver un cadre de vie agréable. «Ici, je me sens en sécurité, dans une bulle, comme dans une famille. Les sœurs connaissent les prénoms des enfants, Albane, ma fille, raconte sa journée aux religieuses, c’est très bienveillant.» Mais ce n’est pas sans crainte qu’ils sont arrivés, comme se confie la jeune maman : «J’avais peur d’être dans un endroit un peu austère, un couvent.

Nous arrivions avec deux enfants en bas âge, où le calme et le silence peuvent être des concepts très abstraits pour eux.» (rires) Partager, sans empiéter Pour la famille, le bien vivre ensemble, c’est avant tout un respect mutuel des vies et habitudes de chacun. «C’est un engagement tacite et du bon sens, pour ne pas empiéter sur la vie des uns et des autres.» Ce nouveau lieu de vie a pour Marie une valeur ajoutée, celle du partage. Partager la foi, se rendre service, partager des moments de vie. «J’aimerais pouvoir apprendre à coudre, peut-être qu’une sœur pourrait m’aider ; en échange, je pourrai les dépanner au niveau informatique.» Ce type d’habitat permet de répondre aux défis de notre époque, tel que l’isolement. Il permet de veiller les uns sur

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les autres, de favoriser les rencontres. Ceci n’est pas toujours chose simple, difficile aussi de trouver sa place dans cet ensemble. Mixité sociale, intergénérationnel, beaucoup d’aspects à prendre en compte pour essayer de s’appréhender les uns et les autres.

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Enquête Maisons Lazare, vivre ensemble pour mieux rebondir

Plus de 200 personnes hébergées en 2020 Comme le nom Lazare – proche de Jésus – le laisse deviner, l’initiative est inspirée par des valeurs chrétiennes, mais «l’association est non confessionnelle et accueille tout le monde», précise Pierre Durieux, son secrétaire général. Elle a été fondée en 2011 par le jeune journaliste parisien de l’hebdomadaire Famille chrétienne, Étienne Villemain. L’an passé, les maisons Lazare françaises ont hébergé plus de deux cents personnes de 18 à 75 ans. La durée des séjours n’est pas limitée. Certains sont juste dans une mauvaise passe et retrouvent leur place dans la société après quelques mois de colocation. D’autres, désocialisés, auront besoin de plusieurs années pour se remettre debout. Quant aux plus âgés, il arrive parfois que certains y finissent leurs jours.

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SARAH ET MATHIEU, COUPLE D’ACCUEIL

«Lazare, c’est avant tout une grande maison de famille» Nous avons rencontré Sarah et Mathieu qui viennent d’aménager dans leur maison Lazare, au sein de la propriété des sœurs de Notre-Dame de Charité du Bon Pasteur à Angers. Dans une maison Lazare, le chrétien n’offre pas du pain au pauvre, il s’assoit à sa table.

Dans une maison Lazare, un couple, une famille partage sa maison et son quotidien, qui êtes-vous et quelle est votre philosophie de vie ? Sarah. On s’est rencontrés à Nantes, j’étais volontaire dans une maison Lazare et Mathieu à l’aumônerie étudiante. Cette vie fraternelle a été dès le départ au cœur de notre projet de mariage. Nous ne voulions pas d’une vie de famille centrée sur nous, mais ouverte sur les autres. C’est aussi une manière concrète de vivre notre foi au quotidien et de transmettre des va-

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leurs fortes à nos enfants, Raphaëlle, 15 mois, et Jacob, 3 ans. Jacob a plein de copains colocs à la maison : Martin, Tom, Albert, Édouard, Régine, Soizic. Nous aimons pouvoir le voir jouer, partager le goûter avec ces femmes, ces hommes, à la recherche de bienveillance. Notre rôle principal est d’être à l’écoute de chacun et d’organiser des moments conviviaux. Afin que chacun puisse grandir lors de son passage ici. Pouvez-vous expliquer aux lecteurs le concept des maisons Lazare ? Mathieu : Lazare, c’est avant tout une grande maison de famille, des tables, des bancs où l’on vient se poser, rebondir… Ici, à Angers, la maison Lazare accueille douze colocataires actuellement – une place est encore disponible. Deux profils cohabitent dans ce lieu de vie


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partagé et mixte : de jeunes pros «volontaires», de 25 à 35 ans, qui ont quitté leur logement pour vivre l’expérience et des personnes de la rue souhaitant retrouver un toit, et plus de stabilité. L’ensemble crée un esprit de famille, un cadre de vie fraternel. On retrouve tous les âges parmi les colocataires, qui ont entre 20 et 65 ans, il y a une vraie dimension intergénérationnelle. Chacun a une chambre, et paie un loyer. Ils partagent la cuisine, la salle de bain et les lieux de vie communs. Il s’agit de partager son quotidien, de reprendre confiance. Les maisons ont la vocation d’être ouvertes à tous avec notamment des temps partagés. Dans quasiment toutes les maisons, une famille, voire deux, coordonne le vivre ensemble.

du mois, nous organisons un goûter ouvert à tous : les colocataires comme les amis, partenaires, les religieuses de la propriété. Il y a une véritable émulation au sein des appartements. Un repas par semaine est organisé par les colocs entre eux. Nous ne sommes jamais contre une petite tisane, un petit café. Nous souhaitons véritablement créer un cocon pour nos colocataires, des liens fraternels entre chacun. On s’appuie aussi sur les volontaires pour créer une dynamique. Ils s’engagent pour un an dans la maison et s’occupent de la prière des laudes. Quels ont été les défis à relever et vos craintes ? Mathieu : Nous ne sommes pas des assistants sociaux, des médecins ou des psychologues. Nous ne nous

substituons en rien aux professionnels médico-sociaux qui suivent les colocataires hors de la maison.  Nous ne souhaitions pas nous mettre en difficulté face à certaines addictions ou pathologies. Nous ne sommes pas formés pour cela. Notre objectif est aussi de promouvoir le vivre ensemble. Pas vivre «juste nous». C’est ce qui nous a guidés dans ce projet. Dans toutes les nouvelles façons de vivre : habitat partagé, résidence intergénérationnelle, colocation, on s’aperçoit que le lien est toujours au cœur du projet. Même lorsque nous quitterons la maison, à l’issue d’un engagement de trois ans, nous resterons parrain-marraine des colocs…

Propos recueillis par  élodie comoy

Quels sont vos rituels pour bien vivre ensemble ? Sarah. Tous les vendredis soir, nous prenons un repas de maison tous ensemble. C’est l’occasion de partager sa semaine, les réussites et les petits pépins. Tous les premiers vendredis

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Événement

RENCONTRES D’AMITIÉ ENTRE JEU À TAIZÉ

Fratelli Tutti et Laudato si’ au cœur du programme La 4e rencontre d’amitié entre jeunes chrétiens et musulmans s’est déroulée à Taizé, sur le thème : «Agir ensemble pour la fraternité humaine et la sauvegarde de la Création».

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Alain PINOGES/CIRIC

vec une soixantaine de participants, ayant entre 18 et 35 ans, la rencontre 2021, qui s’est déroulée en juillet, a été plus modeste en nombre que les trois précédentes, comptant jusqu’à deux cents jeunes ! Le père Vincent Feroldi, directeur du Service National pour les Relations avec les Musulmans (SNRM), souhaitait maintenir cette proposition estivale, malgré la crise sanitaire qui perdure, pour faire connaître «les nombreuses initiatives qui existent». «Nous avons beaucoup à apprendre les uns des autres et pour cela, il faut se connaître», explique-t-il. Les encycliques du pape François sur l’amitié sociale et la sauvegarde de la Création ont constitué la trame du week-end. Si certains temps étaient spécialement destinés aux participants de cette session, les ateliers s’adressaient à tous les jeunes présents à Taizé (jusqu’à cinq cents, l’été, hors pandémie) et étaient traduits dans plusieurs langues. Pour aller plus loin : www.servonslafraternite.net

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NES MUSULMANS ET CHRÉTIENS À MARSEILLE

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«Semons l’émerveillement»

est la 5e fois qu’est organisée cette rencontre islamo-chrétienne à Marseille, organisée par un groupe de croyants des deux confessions. Le thème choisi cette année était : «Chrétiens et musulmans, ensemble, semons l’émerveillement». Et c’est près de deux cent cinquante participants, enfants, jeunes et adultes qui se sont rassemblés, en juin dernier. «Chacun, chacune selon sa tradition, sa spiritualité a partagé comment l’émerveillement naît de la qualité de notre regard, de l’ouverture de notre cœur, de la confiance que nous plaçons en l’autre et de la capacité à recevoir ce qui nous est donné», explique le père Jean Pol Lejeune, référent du service diocésain des relations avec les musulmans. Musulmans et chrétiens ont échangé sur : comment ma foi est-elle source d’émerveillement, comment la nourrit-elle ? Le tout simplement et dans la bienveillance. «On a pu entendre des versets de l’Évangile et un extrait d’une sourate du Coran. C’est dans un esprit de paix et de fraternité que s’est conclu l’évènement. Le chemin de la fraternité se fait ainsi, grâce à de petits pas», s’est réjoui le père Jean-Pol Lejeune.

Église à Marseille, n° 7

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Spiritualité

Aguchita, figure de la miséricorde Exécutée pour sa bonté et sa miséricorde, Sœur Maria Agustina Rivas «Aguchita», religieuse péruvienne de la congrégation, sera prochainement béatifiée. Le 22 mai dernier, le pape François a autorisé la congrégation à promulguer le décret qui reconnaît le martyre en haine de la foi.

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aria Agustina Rivas «Aguchita» est entrée à l’Institut Sevilla, à Lima, en 1933. Un institut, géré par la congrégation de Notre-Dame de Charité du Bon Pasteur, où de jeunes filles pauvres sont hébergées et formées. En 1976, se crée la communauté Reina de la Paz, dans le quartier de Salamanca, à Lima, où la mission se développe dans des activités d’assistance, de promotion et de prévention pour les adolescentes mineures. Elle concerne de jeunes filles âgées de 11 à 18 ans qui se trouvent dans une situation d’abandon, de risque social et d’extrême pauvreté. Quelques années plus tard, le parti communiste péruvien, «le

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Sentier lumineux», commence ses activités terroristes. Le travail apostolique des sœurs s’étend aux communautés voisines à travers des programmes de santé, d’éducation, d’alimentation, d’alphabétisation, d’artisanat et de catéchèse familiale. Malgré la présence de groupes terroristes et la dangerosité, la communauté avait choisi de rester dans cette région. Mais Aguchita est accusée de manipuler les enfants à travers l’éducation, de critiquer la violence, de diffuser un message de paix et de justice, et de distribuer de la nourriture. En septembre 1990, alors qu’elle donne un cours de cuisine, elle est exécutée, à l’âge de 70 ans.

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«La mort ne s’improvise pas… L’amour est notre vocation : nous accomplissons le don total à la ressemblance de notre Seigneur Jésus-Christ», écrivait-elle dans ses notes personnelles retrouvées par les sœurs. Pour le bien, l’amour et la réconciliation Aguchita a témoigné tout au long de sa vie de la fidélité à Jésus Bon Pasteur, en vivant du charisme de l’amour, de la miséricorde, de l’acceptation et de la réconciliation. Elle a donné sa vie à Dieu alors qu’elle éduquait de petites filles et implorait la miséricorde pour son peuple. Depuis toute petite, elle a expérimenté dans la création la transparence de Dieu

et de son amour pour nous. Elle a vécu et enseigné dans un respect et un soin exquis. Aguchita a su innover et s’approprier tout ce que Dieu a mis à sa portée pour le bien de ceux qui l’entouraient. Pour elle, tout avait de la valeur, n’importe quelle chose pouvait être exploitée. Elle a concrétisé en son temps, dans la vie quotidienne, les gestes ordinaires que le pape François demande dans son encyclique Laudato si’. «Les saints qui sont déjà parvenus en la présence de Dieu gardent avec nous des liens d’amour et de communion» (Gaudete et Exsultate, 4).

service communication général

Mirek Nowaczyk

«La mort ne s’improvise pas… L’amour est notre vocation : nous accomplissons le don total à la ressemblance de notre Seigneur Jésus-Christ» Aguchita.

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Méditation

Jamais l’urgence de la fraternité n’a été aussi aiguë pour affronter les défis actuels, spirituels, écologiques, politiques, économiques, sociaux et sanitaires. La relation à soi, aux autres et à Dieu qui s’épanouit dans la rencontre et le dialogue doit être une nouvelle manière d’habiter ensemble dans la maison commune. Sylvie Bukhari-de Pontual, présidente du CCFD – Terre solidaire

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