Le Mag des soeurs de N.D. de Charité du Bon Pasteur

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Le Mag’ Sœurs de Notre¯Dame de Charité du Bon Pasteur Mai 2021

Trimestriel

DOSSIER / PAGE 6

«AIME TON PROCHAIN» EN COUVERTURE : EN CETTE PÉRIODE OÙ NOTRE VIE EST MENACÉE PAR LA PANDÉMIE, NOUS PRENONS DAVANTAGE CONSCIENCE DE NOTRE MAISON COMMUNE, QUE NOUS SOMMES TOUS LIÉS LES UNS AUX AUTRES.

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Monde Nos sœurs aux côtés du peuple de Myanmar (Birmanie)

Sommaire

Le 1er février, les militaires reprenaient le pouvoir en Birmanie et arrêtaient la première ministre Aung San Suu Kyi. Des centaines de milliers de Birmans sont descendus dans la rue. Alors que les Nations unies appellent à cesser la répression contre les manifestants et réclament le retour de la démocratie, les Sœurs de Notre-Dame de Charité du Bon Pasteur présentent sur place appellent à vos prières. «Aujourd’hui, notre avenir est incertain ; l’avenir de notre nation est assombri : nous ne pouvons pas sortir, nous avons des restrictions et nous ne pouvons pas travailler en faveur des autres, alerte Rébecca Kay, la responsable de la Province d’Asie de l’Est. Tout cela est terrible pour les plus nécessiteux et en particulier pour les femmes : les filles des rues, les femmes victimes de violence… Comme citoyennes, nous sommes avec notre peuple et sommes fidèles à notre mission envers les pauvres et ceux qui sont dans le besoin : les femmes, les filles, les enfants, les plus vulnérables. Voir la souffrance d’un peuple accablé par la peur qui perd tout espoir nous est impossible à supporter, nous voulons être à ses côtés dans la rue, partager ses traumatismes et ses souffrances.»

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Nomination

P3 - Édito / Échos P4-5 - Rencontre

Hervé Vilboux, le partage au cœur d’un parcours de vie

P6-11 - Enquête «Aime ton prochain»

P12-13 - Hommage Sœur Agnès Schuler, une vie contre la violence faite aux femmes

P14-15 - Spiritualité

Pâques : attendre, mais attendre quoi ?

P16 - Méditation

Nathalie Becquart, première votante du Synode des évêques Religieuse xavière, Sœur Nathalie Becquart est la première femme à accéder au poste de sous-secrétaire du Synode des évêques et donc la première femme à disposer du droit de vote dans cette assemblée exclusivement constituée d’hommes. Cette assemblée est chargée d’étudier les grandes questions doctrinales de l’Église catholique. «L’enjeu majeur c’est de sortir de l’Église cléricale, de par leur baptême, l’Esprit Saint travaille en tous, déclarait Sœur Nathalie sur RCF, quelques semaines après sa nomination. Je suis une femme et les femmes font partie du peuple de Dieu.» Directrice de la publication : Marie Luc Bailly Conception et réalisation : Bayard Service - Parc du Moulin, Allée Hélène-Boucher, CS 60090, 59874 Wambrechies - Tél. 03 20 13 36 60 bse-nord@bayard-service.com - www.bayard-service.com Graphiste : Anthony Liefooghe - Secrétaire de rédaction : Eric Sitarz Contact publicité : 03 20 13 36 70 Imprimeur : Offset impression-Pérenchies -59 - Dépôt légal à parution En couverture - Crédit photo : Freepik Tous droits réservés textes et photos.

Le Mag’ - n°27 - Mai 2021


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Edito «Attiré(e)s par l’amour, poursuivons, sans fléchir, d’affirmer notre espérance !»*

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otre premier numéro de 2021 nous rejoint en pleine période pascale, temps privilégié de l’espérance et de tous les possibles ! Temps à conjuguer avec la dernière encyclique du pape François, Fratelli Tutti, ce vibrant appel à la fraternité à l’amitié sociale. Au fil des pages, nous découvrirons comment, à la lumière de Pâques, le sens de la fraternité prend chair dans la vie et les engagements de celles et ceux qui ont accepté de donner leur témoignage. Oui, le message de Pâques et l’encyclique nous révèlent la fécondité de nos vies données pour les autres, même dans le contexte d’un confinement qui dure encore, dans les tentations d’un repli sur soi par crainte de l’autre… Ils nous ouvrent des horizons, nous libèrent de toutes peurs, même de la Covid-19. «Faits pour l’amour, nous avons en chacun d’entre nous “une loi d’extase” : sortir de soi-même pour trouver en autrui un accroissement d’être» (Fratelli Tutti, n° 88). «N’ayez pas peur» sont les mots du Ressuscité allant à la rencontre de ses disciples désorientés. Ceux-ci vont trouver la force d’orienter leur vie vers les autres, vers les plus souffrants, «les indéfendus», les laissés pour compte, les étrangers ! Nous ne sommes jamais meilleurs «porteurs et contagieux» d’espérance que lorsque nous sommes proches des autres, fraternels engagés «pour que ceux qui restent en arrière puissent se faire un chemin dans la vie» (Fratelli Tutti, n° 106). À la suite des disciples de Jésus, de nos fondateurs Jean Eudes et Marie Euphrasie, laissons-nous rejoindre en Province BFMN pour, en disciples-missionnaires, vivre dans cette dynamique de l’espérance et des possibles, le prochain chapitre provincial qui se tiendra à Angers, du 17 au 23 mai prochain.

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Sœur Marie Luc Bailly *Lettre aux Hébreux (10, 23)

Chapitre provincial Congrégation Europe BFMN : une nouvelle équipe à venir En décembre 2020, Sœur Patricia Diet a quitté ses fonctions de responsable de la Province Europe BFMN. Conformément à nos statuts, et à la décision du Conseil général de la Congrégation, en date du 22 décembre 2020, Sœur Marie Luc Bailly assure désormais «par intérim», la responsabilité et les attributions qui sont rattachées à cette fonction, ceci jusqu’à l’entrée en charge de la nouvelle responsable. Un chapitre de Province, visant à désigner la nouvelle équipe, interviendra du 17 au 23 mai 2021.

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Congrégation Notre-Dame de Charité du Bon Pasteur

Rencontre

Hervé Vilboux

Le partage au cœur d’un parcours de vie Originaire de Bretagne, papa de trois enfants entre 16 et 23 ans, Hervé Vilboux est depuis 10 ans responsable maintenance pour la congrégation des Sœurs de Notre-Dame de Charité du Bon Pasteur. à Angers. Rencontre avec une personnalité qui a su donner une impulsion forte, ayant le souci de mettre le partage au cœur de ses projets. Quels sont vos chemins de vie ? Hervé Vilboux. C’est après un parcours scolaire laborieux que l’on m’a orienté vers un CAP charpentier et construction de maisons bois. En parallèle, je me suis engagé très jeune dans le Mouvement rural de jeunesse chrétienne (MRJC). À cette époque, ce mouvement avait une forte visibilité nationale et un impact sociétal important. Porté par cette dynamique, je m’implique et occupe de nombreuses responsabilités

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au niveau national pendant deux ans. Cette expérience m’a permis d’aborder un grand nombre de sujets, de développer une solide culture générale et d’apprendre à animer une équipe ; une véritable école de la vie. C’est l’un des rares mouvements animés exclusivement par des jeunes et pour les jeunes. De cette implication a émané un attrait, un véritable déclic, pour débuter une carrière dans le social, aux antipodes de ma formation initiale.


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J’avais obtenu, en parallèle de mon travail de charpentier, un DUT en carrières sociales qui m’a permis de diriger de nombreuses structures dans l’insertion professionnelle de jeunes adultes handicapés. Toujours par intérêt pour la vie collective, je me suis présenté pour jouer un rôle dans la vie de ma commune en tant que conseiller, puis en tant que maire à Saint-Georges-surLayon. Cette mission, je l’ai menée pendant 17 ans. Trois chemins qui sont le fruit de rencontres, de débats et d’échanges. Quelle a été votre plus grande réussite ? Mon expérience en tant qu’élu a été riche grâce à la synergie d’équipe, les réflexions abordées, les échanges entre les conseillers d’horizons et profils multiples. La richesse de cette expérience est de créer une dynamique avec un ensemble, une équipe, mais aussi une commune. Je pense avoir réussi à créer, pendant ces 12 années, une véritable impulsion positive et valorisante pour chacun. Ça paraît tout à fait anecdotique, mais rénover la salle des fêtes de ma commune a été pour moi une expérience très riche, c’est un lieu de vie tellement important, un point d’ancrage d’une vie de famille et d’une vie locale. Et votre plus important défi ? En tant qu’élu local, la plus grande difficulté est la multitude et la diversité des sollicitations reçues par la population. C’est un investissement aussi personnel très lourd. Au sein de la congrégation, comment s’illustre votre engagement ? En 2011, je suis embauché en tant que responsable maintenance au sein de la

«Le projet de restauration de la façade classée de l’abbaye Saint-Nicolas, qui vient de s’achever à l’aube de son millénaire, a été l’un des plus emblématiques de mon parcours. Cette restauration complète allant des menuiseries à la couverture, aux tailles de pierres, m’a beaucoup appris, tant aux niveaux technique qu’historique.» congrégation Notre-Dame de Charité du Bon Pasteur à Angers. Ce double cursus social et technique prend alors tout son sens. Depuis, je mets en œuvre mes compétences techniques au service des Sœurs et de leur œuvre sociale et solidaire. Les Sœurs me font confiance sur de nombreux projets d’envergure, telle que la rénovation de l’abbaye Saint-Nicolas et la construction d’un immeuble collectif. Des projets qui ont duré tous les deux près de cinq ans entre les différentes phases de réflexion. Dans cette fonction, ma satisfaction quotidienne est la confiance octroyée par les Sœurs, que ce soit sur la phase technique, mon cœur de métier, ou lors de la réflexion sur l’objet même de l’immeuble. Le projet de restauration de la façade classée de l’abbaye Saint-Nicolas, qui vient de s’achever à l’aube de son millénaire, a été l’un des plus emblématiques de mon parcours. Cette restauration complète allant des menuiseries à la couverture, aux tailles de pierres, m’a beaucoup appris, tant aux niveaux technique qu’historique. La collaboration avec des experts, tels que la Direction régionale des affaires culturelles (Drac) ou encore les Architectes des bâtiments de France, est toujours source de connaissances. Aujourd’hui, à 57 ans, je suis reconnaissant et fier de pouvoir apprendre tous les jours grâce à mes projets professionnels et associatifs menés, mais aussi de par mes rencontres.

Propos recueillis par Élodie Comoy

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Enquête «AIME TON PROCHAIN» LORSQUE L’ÉPIDÉMIE DE LA COVID-19 NOUS MÈNE D

ès les premiers chapitres de la Genèse, nous découvrons les difficultés à vivre en frères et sœurs. Nous sommes confrontés à la dureté du genre humain. Et pourtant nous ne cessons de lire dans le même temps l’appel de Dieu à prendre soin de notre «frère». À travers sa Parole, il nous redit : «Aime ton prochain.» En cette période où nous prenons davantage conscience de notre maison commune, alors que notre vie est menacée par la pandémie, nous sommes tous liés les uns aux autres. C’est ensemble, dans la solidarité, que nous pourrons avancer et nous l’avons vu dans l’engagement et la réponse apportée aux situations d’urgence. Le pape François nous disait récemment : «Au milieu des crises et des tempêtes, le Seigneur nous interpelle et nous invite à réveiller et à rendre active cette solidarité capable de donner une solidité, un soutien et un sens à ces heures où tout semble sombrer.» Laissons l’Esprit Saint nous enseigner des formes nouvelles de fraternité et de solidarité.

Sœur Armelle Dehennault, communauté Arc-en-ciel Dans notre enquête : >> Marie Thérèse Berges - «Soutenir, aider, aimer, c’est une urgence à laquelle j’ai voulu répondre» >> Les Sœurs contemplatives continuent de prier sur WhatsApp >> Adama Kouyaté - Servir et comprendre l’inquiétude des personnes en précarité >> Une proximité et une humanité retrouvées ?

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Art. - crédits

VERS PLUS DE FRATERNITÉ ET DE SOLIDARITÉ

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Enquête

MARIE THÉRÈSE BERGES

«Soutenir, aider, aimer,

c’est une urgence à laquelle j’ai voulu répondre» Engagée dans sa ville à Pau, très proche des sœurs de Notre-Dame de Charité du Bon Pasteur, Marie Thérèse nous fait partager sa rencontre avec Roseline, étudiante et jeune maman arrivée du Cameroun en septembre 2019. Une rencontre qui a bouleversé leur vie.

À

Marie Thérèse Berges

son arrivée en France, Roseline s’est installée en résidence universitaire pour suivre un cursus en école de commerce. Elle fréquentait la maison de la fraternité du Secours Catholique à Pau, une maison ouverte à tous, chaque dimanche après-midi, pour lutter contre l’isolement. Discrète, souriante, je sentais Roseline un peu perdue. Au fur et à mesure de nos rencontres en ce lieu où je suis bénévole, je crois deviner qu’elle est enceinte. Fin février 2020, elle me téléphone pour me demander de venir la chercher, le lendemain, à la maternité, avec Raymond qui vient de naître. Un précieux réseau paroissial solidaire J’accepte, mais je me pose beaucoup de questions : il me faut trouver en urgence du matériel, des vêtements pour bébé, car elle me paraît bien démunie. Avec la pandémie, la maison de la fraternité est fermée. Roseline se retrouve seule dans sa chambre avec le bébé. Les étudiants sont repartis en famille. Elle est isolée dans cet immeuble. Je suis bouleversée et je décide d’être présente pour elle. Mon engagement à l’égard de ceux qui sont dans le be-

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soin, et tout particulièrement auprès d’une maman et de son enfant, est ma priorité. Un petit réseau paroissial se forme pour l’aider sur le plan financier, matériel et alimentaire pendant le confinement. Ensemble, nous veillons à ce qu’elle ne manque de rien. Elle poursuit ses études par Internet, elle travaille dur pour réussir. Son projet est de devenir responsable d’une exploitation agricole, en espérant un retour dans son pays pour s’installer

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professionnellement dans ce domaine. En septembre 2020, elle postule pour une formation en alternance. Il lui faut trouver un stage sur une durée de sept mois dans une exploitation la plus proche possible de Pau. Après plusieurs refus, un exploitant accepte de la prendre en stage. L’établissement est à quelques kilomètres de Pau, mais il n’y a pas de transport. Je m’engage à l’amener chaque matin. Il accepte de la ramener chaque soir. Il me demande


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«Chaque matin, quand j’accompagne Roseline, je partage avec elle un moment d’amitié que je n’aurais jamais imaginé. Ma journée commence ainsi dans la joie d’une rencontre brève et lumineuse. L’amour de l’autre transforme la vie, ma vie.» pourquoi je fais cet accompagnement. Il comprend facilement qu’au nom de ma foi, ma volonté est de l’aider pour qu’un jour elle trouve le chemin de l’autonomie et réalise son projet professionnel. Le bonheur de donner Soutenir, aider, aimer, c’est une urgence à laquelle j’ai voulu répondre. Éclairée par la parole de Dieu, «Vous

avez reçu gratuitement, donnez gratuitement» (Mt 10,8) et ces mots de Jésus rapportés par saint Paul, «il y a plus de joie à donner qu’à recevoir» (Ac 20,35), j’apprends chaque jour à «donner». J’ai beaucoup reçu du Seigneur. Le bonheur de donner est la réponse à cette grâce. Avec courage, persévérance et conviction, Roseline continue sa formation. Raymond a un an. Depuis un mois,

ils se sont installés dans un appartement. Ils ont tissé des liens amicaux et des amis les soutiennent. Roseline a rejoint notre paroisse. Elle a des compétences en gestion et offre son aide à l’enregistrement informatique des opérations comptables de la paroisse. Chaque matin, quand j’accompagne Roseline, je partage avec elle un moment d’amitié que je n’aurais jamais imaginé. Ma journée commence ainsi dans la joie d’une rencontre brève et lumineuse. L’amour de l’autre transforme la vie, ma vie.

Les Sœurs contemplatives continuent de prier sur WhatsApp

Le pape François a souligné que les nombreux défis actuels incluent le tissu social et une réalité mondialisée connectée à travers les réseaux sociaux et les moyens de communication. C’est un appel auquel les sœurs contemplatives de la Garenne à Angers ont répondu. Depuis cinq ans, les sœurs organisent un temps de prière silencieuse hebdomadaire, le jeudi à 20h15, auquel participent une dizaine de laïcs. «Notre prière est une prière du cœur, un consentement à la présence et à l’action de Dieu dans une relation personnelle.» Avec l’arrivée de la Covid et la mise en place du couvre-feu, il est devenu impossible de se retrouver en présentiel. Sœur Henriette a donc décidé d’organiser sa prière silencieuse grâce à l’application WhatsApp. Son intérêt était de transmettre de la joie, de la sérénité, de la spiritualité

dans cette période si difficile. Aujourd’hui, son réseau s’est étendu et accueille des personnes de la France entière. Elle a l’ambition de continuer même lorsque le couvre-feu sera abandonné.

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Enquête ADAMA KOUYATÉ

Servir et comprendre l’inquiétude des personnes en précarité Adama, 44 ans, originaire du Burkina Faso, vit avec sa femme à Angers depuis 2017. En attente de papiers pour s’installer durablement, il s’est engagé dans la distribution de repas auprès des plus démunis et vient en aide aux personnes sans domicile fixe. Adama Kouyaté

sanitaire, son aide est précieuse, il devient bénévole à temps complet pour les Restos du cœur et le Secours Catholique Caritas France. Un an après, il nous fait partager son engagement quotidien entre la distribution de repas, l’accueil pour la domiciliation et toutes ces rencontres.

A

près un accident cardio-vasculaire survenu il y a trois ans, des semaines d’hospitalisation et des mois de rééducation, Adama a un déclic et veut se rendre utile à la société en proposant son temps. Disponible car en attente de l’obtention de son titre de séjour, il contacte deux associations pour devenir bénévole. En pleine crise

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Qu’est-ce qui vous anime à travers cet engagement ? Adama. C’est une expérience qui m’enrichit humainement au quotidien, comme je ne l’aurais jamais imaginé. J’ai découvert que je pouvais être heureux différemment. Je me sentais en fragilité au regard de ma santé et de ma situation administrative très précaire. Pouvais-je aider les autres ? Je me retrouvais face à des gens, sans domicile, sans vêtements adaptés à la saison, sans pouvoir manger convenablement, sans sourire. Ces hommes, ces femmes et leurs enfants étaient dans une immense détresse, en plus de la barrière de la langue. Malgré ma situation difficile, j’ai compris qu’il y avait des personnes dans une encore plus grande fragilité que la mienne. Alors, j’ai appris à relativiser et j’ai pris conscience que chacun avait quelque

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«Malgré ma situation difficile, j’ai compris qu’il y avait des personnes dans une encore plus grande fragilité. Alors, j’ai appris à relativiser et j’ai pris conscience que chacun avait quelque chose à apporter.»

chose à apporter. Moi-même, vivant dans la précarité administrative, je comprends l’inquiétude du lendemain : ne pas avoir à manger ou être obligé de quitter le territoire français. Quel regard portez-vous sur la crise du coronavirus et les élans de solidarité qui en ont découlé ? L’effet dévastateur de la crise sanitaire restera l’événement planétaire marquant de 2020. Je retiens particulièrement l’élan considérable de solidarité, à travers plusieurs actions émanant de toutes les couches sociales de la population, par des gestes, des dons collectés au profit des associations caritatives. Au même titre que les soignants, félicitons, nos bénévoles engagés dans le combat contre la précarité qui côtoient un quotidien difficile.


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Une proximité et une humanité retrouvées ?

L’

épidémie de Covid-19 a mis en difficulté le fonctionnement des associations, de nombreuses missions n’ont pu être poursuivies que ce soit pour des raisons sanitaires ou faute de bénévoles. À ce moment-là dans la pénombre, une éclaircie, des propositions de bénévolats affluent d’étudiants, de jeunes actifs au chômage partiel. «Des personnes qu’on voit peu dans nos associations, faute de temps», nous explique Pierre Fillaudeau, animateur au Secours Catholique à Angers. Ces nouveaux bénévoles ont comme objectif de donner de

leur temps, se sentir utiles et pallier l’absence de bénévoles retraités confinés par sécurité. Pierre se souvient avec émotion de toutes ces preuves d’amitié et de solidarité reçues pendant cette période. Un soutien aux plus démunis, mais aussi un soutien aux bénévoles et entre eux : «On était remercié dans la rue, on nous appelait pour nous encourager.» Quand la vie «normale» aura repris son cours, certains pensent à transformer cette aide ponctuelle en un engagement durable. En attendant, tous espèrent que leur solidarité en inspirera d’autres.

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Claude Faynot

Hommage

Sœur Agnès Schuler,

une vie contre la violence faite aux femmes Le jeudi 29 octobre 2020, un drame est survenu et a bouleversé toute la congrégation, tout particulièrement les sœurs de la communauté du Verger à Cormelles, dans le Calvados. Dans un grave accident de la route, Sœur Agnès Schuler et une amie ont perdu la vie. Sœur Madeleine Guigue, supérieure de sa communauté, nous raconte le destin hors du commun de Sœur Agnès.

Reconnue par l’État français, Sœur Agnès a été décorée à huit reprises pour son travail auprès des femmes en détresse.

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ée le 25 novembre 1933 d’un père protestant et d’une mère catholique, Sœur Agnès est l’aînée de la fratrie, suivie de frères jumeaux, puis d’autres frères jumeaux. Elle a vécu la guerre en Allemagne, les bombardements de Dortmund et l’exode des Prussiens sur la mer baltique.

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En 1961, elle entre dans la congrégation de Notre-Dame de Charité du Bon Pasteur à Graz en Autriche où elle prononce ses premiers vœux. Ce cheminement serait-il le fruit d’une rencontre, d’un souvenir d’enfant ? «Elle était en pension, loin de sa famille, au cours d’une promenade en groupe


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«… Nous sommes arrivés presque en cachette à la résidence Rose des Bois à Saint-Denis de la Réunion où elle nous a accueillis. Nous étions désœuvrés, n’avions jamais fait un voyage si long, n’avions jamais vu une aussi grande ville, n’avions jamais connu la chaleur d’un foyer où régnaient la paix et la joie, le calme et la sécurité. Elle [Sœur Agnès Schuler] représentait tout cela à la fois.» Roselyne – elle avait 5 ans – elle est entrée dans une église pendant la messe. Avec l’assurance tranquille d’une enfant, elle a remonté toute la nef jusqu’en haut et elle s’est assise au premier rang. Le prêtre parlait du “Père”. Elle n’avait jamais entendu cela. Quel échange y a-til eu à ce moment-là ? Une graine était semée…», s’émeut Sœur Mauricette. Sœur Agnès vient à Angers à la maison mère pour ses cinq années de vœux temporaires et, en parallèle, suit des études d’éducatrice et travaille avec les jeunes du foyer au Val-de-Maine. Dès la fin de ses études, elle part en mission à l’île de la Réunion, à la Plaine des Cafres, pour la reprise d’un grand centre de jeunes filles où elle devient directrice pédagogique jusqu’en 1976. Entre temps, le 27 janvier 1974, elle est naturalisée française. Auprès des femmes en détresse Elle est embauchée par le Mouvement de soutien pour femmes en détresse (MSFD) pour la création d’un Centre d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) et de relais familiaux à Saint-Denis de la Réunion. «Cet endroit, c’est son “enfant”. De quinze lits, nous sommes passés à trente-cinq lits,

avant son départ à la retraite, en 1998», se souvient sa collaboratrice de longue date, Marcelle. Sœur Agnès a donné le meilleur d’ellemême dans le déploiement de cette œuvre de lutte contre la violence faite aux femmes. En témoigne, Roseline, une femme hébergée : «Je l’ai connue, il y a de cela trente et un ans. J’étais une petite fille de 12 ans accompagnée de ma maman Céline, ainsi que de mes petites sœurs Laurence (10 ans), Danielle (9 ans) et de mon petit frère Nicolas (5 ans). Nous sommes arrivés presque en cachette à la résidence Rose des Bois à Saint-Denis de la Réunion où elle nous a accueillis. Nous étions désœuvrés, n’avions jamais fait un voyage si long, n’avions jamais vu une aussi grande ville, n’avions jamais connu la chaleur d’un foyer où régnaient la paix et la joie, le calme et la sécurité. Elle représentait tout cela à la fois.» Reconnue par l’État français, Sœur Agnès a été décorée à huit reprises pour son travail auprès des femmes en détresse. Elle a reçu les médailles d’officier de l’Ordre National du Mérite, d’officier de la Légion d’Honneur, et de chevalier de la Légion d’Honneur, ainsi que la médaille du travail de 30 ans.

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Un palmarès impressionnant, qu’elle s’est toujours refusée à valoriser par humilité. Déléguée de l’ONU à Genève De 1999 à 2007, elle a accepté des missions de responsables dans différentes régions du monde et est devenue déléguée de l’ONU à Genève, pour une association de femmes catholiques. Son souhait a été de revenir en France, sur cette terre de Normandie où Jean Eudes a fondé Notre-Dame de Charité. Sœur Marie Benoit, se souvient de son arrivée : «Elle est arrivée comme un nouvel enfant dans une famille, comme un air frais dans notre petit groupe vieillot… Avec la réputation de multiples responsabilités passées, de nombreux voyages et d’un don pour les langues. Mais aussi, avec le désir de se fondre dans le groupe, une réelle simplicité et une réelle piété très édifiantes. Personnellement, j’ai beaucoup apprécié sa culture, son ouverture d’esprit et sa constante tolérance devant les “petits côtés” de la vie communautaire.» Comme lui a écrit Sœur Magdalena : «Ma force, ce sont nos liens forts d’amitié, qui eux ne se délieront jamais, parce qu’ils sont à l’image de Celui qui est plus fort que la mort !»

Sœur Madeleine Guigue, communauté du Verger à Cormelles-le-Royal

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Spiritualité Pâques : attendre, mais attendre quoi ? On ne peut faire autrement que de situer Pâques 2021 dans le contexte actuel des soucis de l’épidémie et des drames vécus dans le monde entier. À l’issue d’un long carême de purification qui invitait plus que jamais à la réflexion et à la remise en cause de nos certitudes.

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ue pouvons-nous faire à notre petit niveau, alors que nous sommes le petit colibri qui apporte sa goutte d’eau pour éteindre l’incendie  ? Nous sommes plus que jamais invités à vivre ces épreuves dans la foi. Foi et confiance dans le Seigneur qui nous sauve au prix du sacrifice consenti de sa vie. Silence et repos du Samedi saint. Une explosion de vie Attendre, mais attendre quoi  ? Soudain une explosion de vie  ! Le jardinier… mais non, reconnaissons-le : c’est le Christ ressuscité, premier-né d’entre les morts, «justifié pour notre justification» (Rm 4,25).

«Si nous sommes semés dans la corruption, nous ressusciterons dans l’incorruptibilité ; nous sommes semés dans l’ignominie, nous ressusciterons dans la gloire, nous sommes semés corps physique, nous ressusciterons corps spirituel» (1Co 15,43 et s.). «Voici en effet, ce que nous avons à vous dire sur la Parole du Seigneur» (1 Th 4,15). Garderons-nous cette Bonne Nouvelle pour nous seulement ? Non  ! Ne nous a-t-il pas dit : «Allez dans le monde entier proclamer l’Évangile à toute la création» (Marc 16,15)  ? Sœur Mauricette Sarrazin, communauté de Cormelles-le-Royal

«Si nous sommes semés dans la corruption, nous ressusciterons dans l’incorruptibilité ; nous sommes semés dans l’ignominie, nous ressusciterons dans la gloire, nous sommes semés corps physique, nous ressusciterons corps spirituel» (1Co 15,43 et s.).

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Méditation

La charité, par son dynamisme universel, peut construire un monde nouveau, parce qu’elle n’est pas un sentiment stérile mais la meilleure manière d’atteindre des chemins efficaces de développement pour tous. Pape François - Fratelli Tutti

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