Bologne : Arte Fiera franchit le demi-siècle
Arte Fiera, née en 1974, inaugure traditionnellement l’année des foires italiennes. Elle a tenu sa 48e édition du 7 au 9 février avec une fréquentation atteignant les 50 000 visiteurs.
BIANCA CERRINA FERONI - CORRESPONDANCE DE BOLOGNE
Grâce au travail de valorisation de la scène artistique italienne mené par Simone Menegoi, directeur artistique depuis 2019, la foire a retrouvé une place centrale. À l’issue de son second mandat, il fait son bilan avant de quitter ses fonctions : « Le fait de se concentrer presque exclusivement sur la scène italienne a porté ses fruits : il est maintenant évident qu’à Bologne, une institution ou un collectionneur souhaitant approfondir la scène du pays peut le faire. »
De Morandi à Pistoletto
Après avoir regagné la confiance de nombreuses galeries (176 au compteur, avec d’importants retours), il se félicite d’avoir rassemblé presque toutes les grandes enseignes italiennes, grâce aussi à son binôme avec le collectionneur Enea Righi, qu’il avait proposé il y a trois ans comme directeur opérationnel. « La qualité de la foire a retrouvé au fil des ans une véritable crédibilité, confirme Mauro Nicoletti de la galerie Magazzino (Rome), de retour après une longue absence. Pour une galerie qui fait un travail de recherche une foire locale fonctionne mieux que des grands événements comme Art Basel, qui suivent désormais principalement le goût du marché et où les galeries n’ont plus un rôle didactique à jouer. Nous retrouvons ici un grand nombre de collectionneurs qui connaissent bien notre
Simone Menegoi, directeur artistique, et Enea Righi, directeur opérationnel, lors de la conférence de presse d’Arte Fiera Bologne 2025.
© Art Fiera.
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Art Fiera Bologne 2025.
© Art Fiera.
travail et nos artistes ». Pas de fièvre acheteuse même si la societé Alfasigma, de l’importante collection bolonaise de Paola et Marino Golinelli, a acquis une pièce de Francesca Leone dès le premier jour. Samedi les points rouges commencaient à apparaître. La galerie Sprovieri (Londres) avait vendu six dessins de Giorgio Morandi à 63 000 euros pièce. « Le marché reste encore lent, mais les échanges sont nombreux. On peut parler avec des curateurs ou des institutions importantes », confie Giorgio Persano (Turin) qui exposait un Pistoletto de 1976 à 2,5 millions. Même constat pour Nicky Verber, propriétaire de la londonienne Herald St qui participait pour la première fois : « Il y a d’importants collectionneurs, venant même des communes voisines, ainsi que toutes les institutions italiennes. »
Davide Ferri, nouveau directeur

Le bémol vient de la récente annonce du refus du gouvernement de réduire la TVA sur les œuvres d’art. « Un taux d’imposition réduit aurait envoyé un signal important de soutien aux galeries », commente Francesco Mazzoli de la Mazzoli gallery (Modène, Berlin). Taxées à 22 %, « les œuvres sont considérées uniquement comme des biens de luxe et non comme des biens culturels pouvant également stimuler tout ce qui gravite autour ». Il ne s’agit pas seulement des galeries, « tout un écosystème va être pénalisé », dit Paola Potena, directrice de la galerie Lia Rumma (Naples) de retour sur la foire depuis un an. « Nous partageons des artistes avec d’autres galeries étrangères. Cela va compliquer notre travail ». C’est le cas de Wael Shawky, qui trône au milieu du stand, ou de William Kentridge, parmi d’autres. La France et l’Allemagne, avec des taux respectifs de 5,5 % et 7 %, sont saluées comme des modèles à suivre. Arte Fiera reste la foire traditionnelle par excellence, avec une forte présence de la peinture depuis plusieurs années. À côté des maîtres, « les nouvelles générations montrent que la peinture italienne est bien vivante », commente Davide Ferri, actuel commissaire de la section « Peinture XXI », qui se concentre sur les œuvres produites après l’an 2000. Comme pour confirmer l’importance de ce médium, particulièrement en vue sur le marché mondial ces dernières années, ce commissaire indépendant originaire de Forlì, a été nommé nouveau directeur pour la prochaine édition.
Vue du stand de la Galerie Magazzino (Rome).
© Magazzino SRL
Vue du stand de la Galerie Lia Rumma (Naples).
© Photo Bianca Cerrina Feroni.
Vue du stand de la Galerie Giorgio Persano (Turin).
© Art Fiera.
Collectif Claire Fontaine, Pal€stinians sur le stand de la Galerie de’ Foscherari (Bologne).
© Galerie de’ Foscherari
Pirri. Installations in situ du programme « Art City », au sol du Palazzo Boncompagni.
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Anna Scalfi Eghenter, Le néon « comunista ». Galerie Pinksummer (Gênes). © photo credits okno.studio
TVA omniprésente
Certains stands de la section principale sont reliés aux sections curatées par des œuvres explorant le thème de la « Communauté », choisi par Menegoi, qui a observé une forte volonté chez les artistes de relever ensemble les défis politiques, écologiques et sociaux de notre époque. À l’entrée de la galerie de’ Foscherari (Bologne), un néon portant l’inscription ‘Pal€stinians’ du collectif Claire Fontaine contourne la censure des algorithmes en intégrant un € parmi les lettres. Le néon « comunista » d’Anna Scalfi Eghenter chez Pinksummer (Gênes) propose une propriété partagée : l’acheteur s’engage à prêter son élément (10 000 euros) lorsque cela est nécessaire pour reconstituer l’œuvre complète. L’impact d’Arte Fiera sur la ville reste fort, avec plus de cent expositions gratuites et de nombreuses installations in situ faisant partie du programme « Art City » sous la direction de Lorenzo Balbi, directeur du MAMbo. Parmi les lieux insolites à découvrir : les céramiques Gatti dans l’ancienne église de San Pietro Martire, une vasque d’huile noire de Per Barclay activant des jeux de réflexion dans l’ex-église restaurée de San Barbaziano, ou encore le miroir brisé d’Alfredo Pirri au sol du Palazzo Boncompagni, demeure du XVIe siècle du pape Grégoire XIII (jusqu’au 30 avril). La foire a fermé ses portes sous les sifflets de protestation des galeristes contre le maintien du taux élevé de TVA.

« Le véritable défi sera les trois prochaines années, confie Enea Righi. Nous avons beaucoup travaillé sur l’Italie, mais il faudra désormais trouver d’autres formules pour s’ouvrir à l’étranger. » La décision du gouvernement ne facilitera pas la tâche. artefiera.it
Art Fiera Bologne 2025.
Alfredo
Photo Marcela Ferreira/Adagp, Paris 2025.