Bolly&Co - Numéro 18

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numÉro 18 gratuit Une Édition

SPÉCIALE 1990’s avec la scÈne culte de

DILWALE DULHANIA LE JAYENGE votre retour sur

Dil to pagal hai

et tout ce qui cloche dans

KUCH KUCH HOTA HAI !

mais aussi des critiques, des articles cinÉma

ét plus encore ! en plus : Shane Nigam, l’enfant terrible ● Les plus beaux ratÉs de la mode en 2019


LE MOT D E L A R É DAC

À CHAQUE ANNÉE, SES TENDANCES CINÉMATOGRAPHIQUES ! ENTRE BIOPICS, FILMS À MESSAGES ET MASALA BOURRINS, LE CINÉMA INDIEN A ÉTÉ TÉMOIN DE PLUSIEURS VAGUES DE GENRES CES DERNIÈRES ANNÉES. En effet, il suffisait qu’un film au registre singulier s’illustre au box-office pour qu’une floppée d’oeuvres du même style voient le jour à peine quelques mois plus tard !

ET DEPUIS QUELQUES TEMPS, UNE MODE S’IMPOSE AU CINÉMA INDIEN, EN PARTICULIER À BOLLYWOOD : CELLE DU FILM HISTORIQUE. Remis au goût du jour en 2015 par Sanjay Leela Bhansali avec Bajirao Mastani, ce genre cinématographique a été exploré par le passé à de multiples occasions, de Jodhaa Akbar à Mughal-e-Azam, en passant par les films dravidiens Raani Samyuktha et Anarkali. Cela dit, sur les deux dernières années, une multitude d’oeuvres du genre ont été initiées à Bollywood. Parmi les exemples les plus parlants, il y a Padmaavat (en 2018), Manikarnika (en 2019), Panipat (en 2019) et Tanhaji - The Unsung Warrior (en 2020).

ALORS, COMMENT EXPLIQUER L’ESSOR D’UN TEL REGISTRE ? Le plébiscite de Bajirao Mastani a sans doute rassuré les réalisateurs qui voulaient

se lancer dans de tels projets, souvent coûteux et rigoureux. Toutefois, ce n’est pas ce métrage qui a selon moi amené les films épiques à se multiplier dans les salles obscures.

ON DOIT EFFECTIVEMENT CE PHÉNOMÈNE AU CARTON PLEIN DE LA SAGA TÉLOUGOUE BAAHUBALI, INITIÉE EN 2015. Pourtant, elle ne s’inscrit pas dans le genre du film historique, mais plutôt dans celui de l’heroic fantasy. Cela dit, le travail visuel du cinéaste S.S. Rajamouli, sa vision et son audace ont joué un rôle majeur auprès des réalisateurs hindi dans leur façon d’aborder leurs fresques. L’influence du diptyque est incontestable tant elle est palpable dans les productions hindi récentes, avec cette propension à nous livrer des effets qui se veulent impressionnants, mais qui sont parfois plus improbables qu’autre chose.

EST-CE UNE BONNE NOUVELLE ? OUI ET NON. Que le cinéma hindi ait l’envie d’étoffer visuellement ces métrages est une excellente chose. À condition d’y mettre les moyens car hélas, les effets spéciaux des métrages indiens sont souvent d’une qualité très relative. Aberrant quand on sait que les plus grands professionnels du domaine, qui ont fait des films Marvel ce qu’ils sont aujourd’hui, sont en fait originaire d’Inde. Un jour, juste par curiosité, regardez le générique de fin d’un des opus de la saga Avengers, et vous verrez que dans les équipes de VFX, il n’y a presque que des indiens. La fresque historique est un registre exigeant, parce qu’il


y a le souci d’insuffler une restitution pertinente du contexte, et ce même en prenant des libertés avec les faits. Il faut que les tenues soient les mêmes qu’à l’époque, que les traditions de cette ère soient respectées, que les décors instaurent une atmosphère semblable à ce qui a jadis existé... Bref, c’est un travail d’orfèvre qui demande une connaissance dantesque de l’époque restituée, sans parler des moyens financiers à investir pour y arriver. En gros, faire correctement un film pareil coûte vraiment très cher !

édito

ALORS, POURQUOI LES CINÉASTES S’Y RISQUENTILS DE PLUS EN PLUS ALLÈGREMENT ? Sans doute parce que, ces derniers temps, le public a généralement répondu présent. Le genre fascine puisqu’il n’a pas encore épuisé toutes ses ressources. Encore plus lorsqu’on connaît l’histoire complexe du sous-continent. Des centaines, que dis-je, des milliers de bons films potentiels pourraient naître juste en étudiant le passé !

DONC CERTES, PARMI LES OEUVRES PROPOSÉES CES DEUX DERNIÈRES ANNÉES, CERTAINES N’ÉTAIENT PAS À LA HAUTEUR. MAIS J’AI CONFIANCE EN L’AVENIR ET EN LA CAPACITÉ DE CINÉASTES VISIONNAIRES À NOUS LIVRER DES MÉTRAGES POINTUS ET SOIGNÉS, AUSSI BIEN SUR LE PLAN ESTHÉTIQUE QUE NARRATIF.

Asmae Benmansour

RÉDACTRICE EN CHEF


SOMMAIRE N U M É R O 1 8

FOC US Un peu de lecture (008) INVESTIGATION Les scandales entre Bollywood et le cricket (010) À LA DÉCOUVERTE DE Abish Mathew (018) LE COUP DE COEUR DE Camille (020) ILS ONT DIT SUR Ce que les stars disaient dans les années 1990 (022) NOIR ET BLANC Devika Rani (024) BOX-OFFICE Le récap de 2019 (028)

E N ACTION FESTIVAL Mon bilan du FFAST, édition 2020 (036) INTERVIEW Nivin Pauly (044) L'AVENTURE BOLLY&CO La première interview (052)

NOUVE L ES P OIR Shane Nigam, l’enfant terrible (056) CRITIQUE Eeda (062)

C INÉ MA DERRIÈRE LA CAMÉRA Le doublage, indispensable (068) BILAN Mithun Chakraborty est-il mort ? (076) UN FILM, UN VOYAGE Bangalore (082) POURQUOI Kuch Kuch Hota Hai, ou quand quelque chose ne passe pas (086) DÉJÀ-VU Naveen Polishetty (093) 3 FILMS QUI DISENT TOUT SUR Mani Ratnam (097) LUMIÈRE SUR Kumar Sanu (100) L’ALBUM DU FILM Taal (104)


FILM VS LIVRE (108) Never Kiss Your Best Friend vs Never Kiss Your Best Friend SCÈNE CULTE (114) « Jaa Simran jaa » de Dilwale Dulhania Le Jayenge ET SI ON COMPARAÎT LES REMAKES ? (118) 7g Rainbow Company vs Malaal POUR FAIRE COURT (124) Khujli

À LA U N E KAJOL (128) La Kajol des 1990’s (146) L’héroine anti-conformiste (150) Alka Yagnik, la voix de Kajol

C RI T IQ U ES N O R D FLASHBACK (154) Dil To Pagal Hai (hindi) (160) Bandit Queen (hindi) (162) Arjun Patiala (hindi) (165) Helicopter Eela (hindi) (168) 15 August (marathi) (170) Marjaavaan (hindi) UN FILM, TROIS VISIONS (174) Ghulam (hindi)

C RI T IQ U ES S U D (180) Jodi (télougou) (185) Kumbalangi Nights (malayalam) (189) Enai Poki Paayum Thota (tamoul) (192) Minsara Kanavu (tamoul)

MO D E (198) Simran dans Dilwale Dulhania Le Jayenge TENDANCE (202) Les couleurs de l’océan MODE (212) Les plus beaux ratés de l’année

RÉSEAU X S O CI AU X (220) Twitter : #stvalentin (224) Instagram : @iamsrk Crédits



FOCUS LECTURE & DÉCOUVERTE


FOCUS U N P E U D E L E C T U R E

Un peu de lecture MOT S PAR ASM AE BENM ANSOUR

PETIT TOUR D’HORIZON DES OUVRAGES LIÉS À L’INDE, QUE CE SOIT PAR LEURS AUTEURS OU PAR LEURS THÉMATIQUES À L’OCCASION DE CETTE RUBRIQUE EXCLUSIVE DE BOLLY&CO...

1.

SHOW BUSINESS de Shashi Tharoor

LE SAVIEZ-VOUS ? En plus d’être un auteur à succès, Shashi Tharoor a mené de brillantes études et deviendra le plus jeune titulaire d’un doctorat de l’Université de droit de Tufts, à seulement 22 ans. Il sera plus tard diplomate, notamment pour l’Organisation des Nations Unies (ONU) de 1978 à 2007.

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Ashok Banjara est sur son lit d’hôpital. Grande star de Bollywood, il est plongé dans le coma, duquel il entend ceux qui lui rendent visite sans toutefois pouvoir leur répondre. Dans cette fresque piquante de Shashi Tharoor, le romancier nous embarque dans le récit de vie d’Ashok, alternant les points de vue et les versions des multiples visiteurs pour nous questionner sur la réalité, tout cela pour finalement mieux l’étayer.

C’EST FIN ET TRÈS INTELLIGENT !


2.

LE BUREAU DE MARIAGE DE M. ALI de Farahad Zama Monsieur Ali vit à Vizag, en Andhra Pradesh. Il cherche à tuer le temps pendant sa retraite et ouvre donc une agence matrimoniale, alors qu’il n’a absolument aucune expérience dans le domaine ! Ce roman tordant est en fait une relecture ‘made in India’ d’Orgueil et Préjugés et vient notamment interroger la sacralisation du mariage dans la société indienne, non sans humour !

3.

LES DERNIERS FLAMANTS DE BOMBAY de Siddharth Dhanvant Shanghvi Karan est photographe et arrive dans la mégalopole indienne. Il y fera la rencontre de plusieurs personnalités singulières qui vont changer sa destinée. Siddharth Dhanvant Shanghvi dépeint un Bombay surpeuplé, fourmillant et animé, au coeur duquel le cinéma, l’amour et la désolation s’entrechoquent. Un voyage initiatique qui mue en polar pour mieux mettre en exergue les tabous d’une société indienne hélas toujours très puritaine... 9


FOCUS I N V E S T I G AT I O N

LES SCANDALES ENTRE BOLLYWOOD ET LE CRICKET M OTS PA R E LO D I E H A M I DOV I C

CE N’EST PAS UN CLICHÉ. DANS LE COEUR D’UN INDIEN, LE CRICKET TIENT AUTANT DE PLACE QUE LE CINÉMA.

et surtout, des films autour de cette pratique tant appréciée. Mais pour réellement exploiter le cricket, l’industrie du cinéma attendra la fin des années 1990 et le début des années 2000.

Ce sport, d’abord importé par les anglais durant la colonisation, a été investi par les indiens au point de devenir un symbole de l’indépendance.

En effet, c’est à cette période-là qu’a lieu le premier gros scandale du monde du cricket : la police de Delhi arrête un bookmaker et le capitaine de l’équipe de cricket sud-africaine, Hansie Cronje, pour avoir accepté de l’argent afin de truquer les matchs. Quand cette corruption a éclaté, l’un des faits majeurs reste le bannissement du joueur indien Mohammad Azharuddin.

UN SYMBOLE D’ESPOIR. La sortie du métrage Awwal Number en 1990 marque le début des films sportifs en Inde 10


EMRAAN HASHM I DANS LE RÔLE DE M OHAM M AD AZHARUDDIN, ANC IEN JOUEUR DE C RIC KET INDIEN, POUR LE FILM AZHAR.

Mais il y a aussi des films plus profonds, comme Lagaan - Once Upon A Time In India (2001), Iqbal (2005) ou encore Kai Po Che! (2013), qui permettent de rappeler les valeurs fondamentales du cricket, ainsi que des comédies familiales à l’image de Dil Bole Hadippa ! (2009), Patiala House (2011) ou encore The Zoya Factor (2019), qui abordent ce sport de façon plus légère. Surtout, il y a des films autour de célébrités inspirantes comme M.S Dhoni - The Untold Story (2016). Enfin, il reste les événements de l’histoire indienne, comme le métrage à venir 83 (2020) sur la victoire de l’Inde lors de la coupe du monde de 1983. En d’autres termes, si vous aimez le sport et que vous voulez regarder des films sur le sujet, vous avez largement le choix, car l’industrie n’a laissé aucun sujet de côté !

Rapidement, les projets cinématographiques s’enchaînent et n’hésitent pas à faire allusion à ces scandales, la preuve même dans Ghulam (1998) dont nous vous parlons dans ce numéro, qui fait un clin d’œil à la manière dont la pègre menace des joueurs pour remporter des paris. De Jannat (2008) à 99 (2009), en passant par Azhar (2016), l’industrie a trouvé un sujet à exploiter et ne s’en lasse pas ! D’ailleurs, la série indienne Inside Edge surfe sur les paris sportifs et la facette moins glamour du cricket, qui semble ne pas avoir évolué depuis des décennies.

PAR AILLEURS, IL FAUT SAVOIR QUE L’EFFET INVERSE EXISTE ÉGALEMENT : DES JOUEURS DE CRICKET S’ESSAYENT AU CINÉMA. La preuve la plus parlante, c’est le père de Yuvraj Singh (joueur de cricket très populaire en Inde), Yograj Singh, ancien joueur dont la carrière dans le cinéma punjabi continue aujourd’hui d’impressionner. Puis, il y a tous les autres qui ont essayé, sans vraiment marquer les esprits, comme Sunil Gavaskar avec le film marathi Savli Premachi ou bien encore Ajay Jadeja, qui est apparu dans le métrage hindi Khel. Avec une telle popularité, ces deux industries ont fini par être au cœur de différentes histoires qui ont surpris l’Inde. > 11


Retour sur cinq événements qui ont impacté les deux univers comme jamais... PREITY ZINTA, REINE 1. DES KINGS XI PUNJAB. En 2007, l’Inde décide de mettre en place l’Indian Premiere League, un nouveau tournoi dans le même esprit que Twenty20, un format plus court du jeu de cricket et mondialement populaire. Pour inaugurer le premier tournoi, l’IPL met en place 8 équipes à travers le pays. Des entreprises et des businessmen investissent, mais c’est surtout deux noms d’acteurs qui surprennent : Shahrukh Khan (avec Juhi Chawla et son mari) pour les Kolkata Knight Riders et Preity Zinta (avec notamment son conjoint de l’époque Ness Wadia) pour les Kings XI Punjab.

TRÈS VITE, DES IMAGES DE LA BELLE EN COMPAGNIE DES JOUEURS SURPRENNENT. Certaines rumeurs parlent d’une relation intime avec son capitaine de l’époque, Yuvraj Singh. Les médias se moquent ouvertement d’elle : qu’est-ce qu’une fille peut bien connaitre au cricket ? Sa carrière d’actrice est finie ! Qu’est-ce qu’elle y connaît en gestion ? En plus de cela, les gérants de l’équipe font très vite face à des accusations de fraude fiscale et le conseil d’administration finit par agir en 2010 en raison des dettes de plus en plus importantes du club. Pourtant, Preity ne lâche pas son équipe ! Elle obtient un diplôme de gestion de l’université d’Harvard, s’essaye à la production, se montre plus motivée que jamais et surtout, garde la tête haute... P R E I T Y ZI N TA ET Y UV RAJ SI N G H , EN 2008 12


SAUF QUE SA RELATION AVEC NESS WADIA RESTERA À JAMAIS L’UN DES PLUS GROS SCANDALES AUTOUR DE L’ACTRICE COMME DU CRICKET. D’abord en couple publiquement avec Ness depuis 2005, cette histoire s’achève subitement en 2009. La rumeur dit que Ness aurait violemment giflé Preity lors d’une fête, ce qui aurait conduit à leur rupture. Officiellement, il est dit que Ness et sa famille voulaient que Preity cesse sa carrière, ce qui était impensable pour la jeune femme. Liés néanmoins par leur équipe de cricket, ils sont semble-t-il restés en bons termes selon les médias.

MAIS EN 2014, TOUT BASCULE. Preity Zinta accuse Ness Wadia de harcèlement et d’agression, les faits s’étant déroulés le 30 mai au Wankhede Stadium. Dans sa plainte, elle raconte la manière dont son ex-petit ami, après lui avoir violemment attrapé le bras, lui a expliqué qu’il pouvait la faire disparaître de la surface de la planète sans que personne ne s’en aperçoive. Tout cela parce qu’elle a essayé de le calmer alors qu’il s’en prenait injustement à l’équipe du stadium. « Il a essayé de me maltraiter, s’est mis

à mal me parler tout en m’humiliant devant mes collègues, mes amis et ma famille. » Dans sa plainte, elle ajoute : « Le comportement de Ness envers moi est devenu de plus en plus agressif et violent avec le temps. Allant de jeter des cigarettes brûlantes sur mon visage jusqu’à m’enfermer dans des chambres d’hôtel, j’ai tout vu avec lui. » Il faudra

cependant attendre 4 ans pour que la police de Mumbai arrête Ness Wadia, mais la

haute cour de Mumbai a fini par rejeter l’affaire en demandant aux deux parties de trouver un terrain d’entente... Aujourd’hui, ces deux-là sont toujours à la tête de l’équipe, mais ils ne se sont plus vraiment adressés la parole en dehors des réunions officielles des Kings XI Punjab.

RAJ KUNDRA, MARI DE SHILPA SHETTY, AU 2. CŒUR DE LA CORRUPTION. En 2013, l’IPL rencontre de nombreux problèmes liés à la corruption. L’ancien propriétaire des Chennai Super Kings est arrêté, ainsi que des joueurs, dont le beaufils du président de l’époque de l’instance dirigeante de cricket en Inde (Board of Control for Cricket in India). Tout va mal ! Peu de temps après, c’est Raj Kundra qui est soupçonné par la police de Delhi, et le tout Bollywood est choqué.

EN EFFET, LE MARI DE SHILPA SHETTY ÉTAIT LE CO-PROPRIÉTAIRE DES RAJASTHAN ROYALS ET A ÉTÉ INTERROGÉ PAR LA POLICE POUR SON IMPLICATION PRÉSUMÉE DANS LE ‘SPOTFIXING’ (EN D’AUTRES TERMES, IL S’AGIT DE PRÉORGANISER CERTAINS ACCIDENTS DURANT UN MATCH). Trois joueurs de son équipe sont arrêtés, il fallait donc se renseigner sur les propriétaires de cette équipe, même ceux qui n’ont pas de pouvoir décisionnaire comme Raj Kundra > 13


(qui possède 11% des parts de l’équipe). Selon la CNN, après 12 heures d’interrogatoire, Raj aurait avoué faire des paris sur sa propre équipe, dévoilant même l’identité de son bookie. Surtout, avec les trois joueurs de son équipe qui ont été arrêtés, les soupçons ne font qu’augmenter vis-à-vis des propriétaires.

ÉVIDEMMENT, SHILPA SHETTY N’EST PAS NÉGLIGÉE DANS L’ENQUÊTE PUISQU’ELLE EST ACCUSÉE À SON TOUR D’AVOIR PARTICIPÉ À DES PARIS, VOIRE MÊME DE JOUER SUR SA POPULARITÉ D’ACTRICE POUR AUGMENTER LES SOMMES DES PARIEURS. Résultat : la cour suprême interdit aux Rajasthan Royals de participer à tous les tournois de cricket pendant deux ans. Quand à Raj Kundra, il sera banni à vie du monde du cricket. Pour Shilpa, rien n’a été prouvé la concernant.

EN 2018, RAJ ESSAYERA TOUT DE MÊME DE FAIRE APPEL POUR ANNULER CE BANNISSEMENT PUISQUE LA POLICE DE DELHI A ABANDONNÉ LES POURSUITES CONTRE LUI, FAUTE DE PREUVE. « Si la police de Delhi dit clairement

que je n’ai rien fait de mal, pourquoi me punir ? » Surtout il n’hésitera pas à parler ouvertement des paris : « Il serait temps de légaliser les paris [...]. Je vous garantis que 80% de ce pays arrêterait de regarder le cricket s’il ne pariait pas. » Depuis, sa femme et lui ont revendu leurs parts des 14

Rajasthan Royals et attendent un retour de la cour suprême.

ANUSHKA SHARMA ET VIRAT KOHLI, 3. L’HISTOIRE D’AMOUR INTERDITE. Qui n’a pas suivi cette romance digne d’un conte de fée ? Tout commence lors du tournage d’une publicité pour une marque de shampoing. L’actrice Anushka Sharma rencontre le beau Virat Kohli en 2013 et c’est le coup de foudre. Ils garderont leur histoire secrète pendant un temps, jusqu’à ce que la belle apparaisse régulièrement lors des matchs de son joueur de petit-ami. Il faut savoir que Virat est alors aussi populaire que M.S. Dhoni ou encore que Sachin Tendulkar ! ANUSHKA SHARM A ENVOYANT UN BAISER À VIRAT KOHLI LORS DE L’IPL EN 201 8.


Ils sont d’abord « bons amis » et les paparazzi les surprennent souvent ensemble. Mais c’est surtout en janvier 2014 que la presse s’enflamme. Après un tournoi en Afrique du Sud, Virat est directement parti rejoindre la belle plutôt que de faire la fête avec son équipe. Les rumeurs commencent ! En février, elle ira même jusqu’en Nouvelle-Zélande pour assister aux matchs de cricket de Virat et des photographies circulent, les dévoilant main dans la main ! Surtout, en octobre 2014, ils iront ensemble voir un match et ça, ça ne ment pas. Ce qui ment encore moins, c’est le baiser qu’envoie Virat à Anushka lors d’un match en novembre de la même année.

PERSONNE N’AVOUE RIEN ET, EN MÊME TEMPS, ILS NE SE CACHENT PAS... CE QUE LES FANS ADORENT. Il faudra néanmoins attendre juillet 2015 pour une première apparition publique ensemble, lors des Vogue Beauty Awards. Ce qui est difficile pour les deux stars, c’est qu’elles sont constamment questionnées sur leur relation, et ce bien plus que sur leur travail ! L’un comme l’autre somment les journalistes d’arrêter, en vain. En fin d’année 2015, beaucoup de rumeurs parleront de rupture, notamment parce que Virat aurait arrêté de suivre Anushka sur Instagram. La raison : il aurait aimé qu’elle tourne moins pour passer plus de temps avec lui. Le public est triste, mais tout s’arrange lorsqu’ils réapparaissent ensemble lors du mariage d’un autre joueur de cricket : Yuvraj Singh.

ET S’ILS SE SONT MARIÉS (EN SECRET) EN DÉCEMBRE 2017, LE MONDE CRUEL DU CRICKET N’ÉPARGNE PAS ANUSHKA. Lorsqu’ils étaient ensemble et que Virat n’était pas à la hauteur sur le terrain,

tout le monde s’en est pris à elle. Et après la rupture et des résultats en amélioration lors des matchs, cela a empiré. Des réactions qui ont poussé Virat à poster un long message sur Instagram pour soutenir sa belle : « Honte à tous ceux qui la blâment

et se moquent d’elle, alors qu’elle n’a aucun contrôle sur ce que je fais dans mon sport. [...] Ayez de la compassion et respectez-la. » Et si le public continue

d’attaquer la comédienne, lui n’hésite pas à dire qu’elle lui porte chance et qu’il a réussi grâce à son soutien sans faille.

ÇA AURAIT PU S’ARRÊTER LÀ. Sauf qu’un ancien joueur aurait affirmé qu’Anushka se serait fait servir du thé par un membre du comité de sélection de l’équipe indienne lors d’un match de la coupe du monde. Qu’elle bénéficierait aussi d’un traitement de faveur puisqu’elle est la femme de Virat. Une déclaration qui a fait bondir l’actrice, qui n’avait jusqu’ici jamais pris la parole concernant toutes les rumeurs à son sujet. Elle a donc publié un message clair sur ses réseaux sociaux. « J’ai mené ma vie et construit ma

carrière avec dignité et je ne veux pas compromettre cela pour rien. Peut-être que c’est difficile à croire parce que je suis une femme indépendante qui s’est faite toute seule et qui est simplement mariée à un joueur de cricket. Et pour information, je bois du café, » conclutelle.

LE KING KHAN, 4. IVRE ET VIOLENT. Tout comme Preity Zinta, Shahrukh Khan est l’un des premiers acteurs à avoir investi dans une équipe de cricket. > 15


SHAHR UKH KHAN, FURIEUX, APRÈS LE M ATC H DES KO LKATA KNIGHT RIDERS EN M AI 201 2.

Pourtant, en 2012, alors que son équipe gagne pour la première fois le tournoi de l’IPL, Shahrukh Khan est au centre de la presse à scandale. En effet, le 16 mai 2012, des photographies de l’acteur mécontent font la une des journaux. C’était juste après la victoire de son équipe, les Kolkata Knight Riders contre les Mumbai Indians.

QUE S’EST-IL PASSÉ ? IL SEMBLERAIT QUE L’ACTEUR, IVRE, AURAIT TENTÉ DE JOUER SUR LE TERRAIN APRÈS LE MATCH POUR SON PROPRE PLAISIR, AVEC DES AMIS ET SA FAMILLE, ET AURAIT MALTRAITÉ L’ÉQUIPE DU WANKHEDE STADIUM POUR PARVENIR À SES FINS. De son côté, Shahrukh s’est défendu : il n’était pas ivre et ne cherchait absolument pas à jouer. Il accompagnait simplement ses enfants Aryan et Suhana sur le terrain, qui 16

étaient avec une trentaine de leurs amis pour célébrer la victoire des Kolkata Knight Riders. Sauf que la sécurité est apparue de nulle part et a commencé à malmener ses enfants.

C’EST LÀ QUE SHAHRUKH KHAN AURAIT PRIS LES CHOSES EN MAIN. Il aurait donc confié les enfants à son manager et demandé à ce qu’ils s’en aillent, pour clarifier les choses avec l’agent de sécurité qui est venu à eux. Il n’a surtout pas compris comment la sécurité a pu être absente durant tout le match pour ne revenir qu’à ce moment-là. Aussi, il a pointé du doigt l’affreuse manière dont la sécurité s’est comportée avec sa famille. Néanmoins, la présence de membres importants de différents comités de cricket indien sur place n’aide pas l’acteur qui, le 18 mai, sera officiellement banni du stade pour 5 ans. Mais en 2015, un accord est trouvé grâce à plusieurs témoignages en sa faveur, et son bannissement sera révoqué.


HARDIK PANDYA ET K.L. RAHUL DANS KOFFEE 5. WITH KARAN, MAUVAISE IDÉE. Le 11 janvier 2019, Karan Johar invite sur le plateau de son célèbre talk-show deux joueurs de cricket auxquels ils posent ses habituelles questions sur les thèmes suivants, récurrents dans le programme : l’amour et le cinéma. Si Rahul est plutôt discret et fait attention à ce qu’il dit, ce n’est pas le cas de son partenaire d’Hardik. Le joueur, très ouvert, raconte qu’il a eu plusieurs relations et que ses parents sont au courant de tout. « Quand j’ai perdu

ma virginité, je suis rentré chez moi et j’ai dit : j’ai fait l’amour aujourd’hui. [...] Lors d’une fête, mes parents m’ont demandé : alors, c’est laquelle ta chérie ? Et j’ai répondu : elle, elle, elle... Et ils étaient en mode : on est fiers de toi, mon fils ! » Quand Karan demande à Hardik pourquoi il ne demande pas les prénoms des filles qu’il rencontre en boite de nuit, celui-ci répond : « J’aime les observer en train de bouger.

SI LES JEUNES JOUEURS ONT TENTÉ DE S’EXCUSER SUR LES RÉSEAUX, ILS SONT TRÈS VITE SUBMERGÉS PAR LA BCCI, QUI EXIGE UNE EXPLICATION CONCRÈTE À LEUR PROPOS MISOGYNES. Ce comportement questionne aussi sur le fait que les joueurs puissent accepter de l’argent pour truquer les matchs. Des joueurs de renom sont choqués par les propos tenus et attendent une réaction sévère. Conclusion, Rahul et Hardik sont tous deux suspendus jusqu’à nouvel ordre, et Rahul perdra son contrat avec Gilette. Le BCCI décide également de ne plus autoriser les joueurs à participer à des émissions télévisées sans accord préalable de l’instance. Le 23 janvier, le comité finit par annuler la décision et permet aux deux joueurs de retourner sur le terrain. Depuis, ils ont été sages et Hardik s’est même fiancé avec l’actrice serbe Nataša Stanković.

Je m’assois dans un coin sombre parce que j’ai besoin de voir comment elles bougent. »

MAIS CE N’EST PAS TOUT. Car en parlant d’anecdotes, Rahul raconte qu’une fois, ils ont dû débattre ensemble pour décider lequel des deux pourrait sortir avec une fille, ce à quoi Hardik a fini par répondre : « C’est le talent. Le plus talentueux part avec la fille. » Des commentaires qui ont fait la une des journaux et qui ont eu des conséquences plutôt douloureuses...

HARDIK PANDYA ( À GAUC HE) ET K.L. RAHUL ( À DROIT E) AVEC KARAN JOHAR. 17


FOCUS À L A D É C O U V E RT E D E

L’INDE NE SE RÉSUME PAS À BOLLYWOOD... Tel est notre leitmotiv depuis le lancement du e-magazine Bolly&Co, en 2010. C’est ainsi que nous y parlons également de littérature, de mode tout en mettant en avant les cinémas indiens régionaux, notamment au travers de nos multiples critiques. Mais l’Inde est si riche, si complexe que nous passons tout de même à coté de nombre d’acteurs, de chanteurs, de métrages et d’autres œuvres qui ne relèvent pas nécessairement du septième art. En ce sens, nous vous proposons de partir à la découverte de ces artisans indiens quelque peu différents, et ce qu’il s’agisse de fiction, de musique, de danse ou de télévision...

À LA DÉCOUVERTE DE

ABISH M AT H E W

M OTS PA R AS M A E B E NMA N SO UR P H OTO G RA P H I E D U COMP TE I N STAG RAM D ’A B ISH (@A B I S H M AT HEW )

QUI EST-IL ? POURQUOI VOUS INTÉRESSER À LUI ? Voici 5 raisons de devenir complètement fan de l’humoriste ! 18

1.

PARCE QU’IL ANIME L’UN DES MEILLEURS TALK-SHOW INDIENS DU NET... En effet, il est à la tête de Son of Abish, émission qui mélange les genres, donnant à voir des invités originaux et souvent très variés. Sur son plateau ont défilé certaines des plus grandes sensations du moment dans le monde du divertissement indien : Vidya Balan, Dulquer Salmaan, Taapsee Pannu, Vicky Kaushal, Yami Gautam ou encore Abhay Deol se sont effectivement assis sur le fauteuil de l’animateur.


2.

PARCE QU’EN PLUS, IL EST DRÔLE ! Révélé par la troupe All India Bakchod, Abish joue dans plusieurs vidéos humoristiques qui viennent révéler son incroyable timing comique. Fort de cette popularité grandissante, il est depuis 2018 l’animateur d’un autre programme, proposé sur la plateforme Amazon Prime Video : Comicstaan.

LE PRINCIPE ? RÉVÉLER DE JEUNES TALENTS DU STANDUP À LA MANIÈRE DU JAMEL COMEDY CLUB EN FRANCE, MAIS SOUS LA FORME D’UNE COMPÉTITION.

3.

PARCE QU’IL NOUS FAIT AUSSI CROIRE EN L’AMOUR. Oui, car en plus de nous faire rire et de nous divertir, Abish est un homme épanoui en ménage ! Il est en effet marié à l’actrice malayalee Archana Kavi, sa meilleure amie depuis l’enfance. D’ailleurs, l’humoriste ne loupe jamais une occasion de moquer gentiment le mariage et la manière dont cette institution a changé sa vie.

SURTOUT, LES DEUX AMOUREUX S’AFFICHENT DE TEMPS EN TEMPS SUR LES RÉSEAUX, ET CE SANS TROP EN FAIRE : TOUT CE QU’ON AIME !

4.

PARCE QU’AUCUN FORMAT NE LUI FAIT PEUR ! Du sketch vidéo à l’animation, en passant par la scène, Abish Mathew est d’abord un touche-à-tout ! Car en plus de son talk-show, de Comistaan et de ses collaborations avec AIB, il défend sur scène son propre one-man-show, intitulé Whoop. Il a même eu l’occasion de se produire pour plus de 1000 représentations, que ce soit en Inde, aux Émirats Arabes Unis, aux États-Unis, au Canada ou aux Pays-Bas. Il faut également savoir qu’avant d’exploser sur Youtube, Abish était animateur à la radio... Bref, voilà un homme des plus surprenants !

5.

PARCE QU’IL PORTE DE VRAIS SUJETS DE SOCIÉTÉ. Enfin, et comme rien ne semble l’arrêter, le comédien/animateur/humoriste utilise également son talk-show pour défendre des questions qui lui tiennent à coeur.

EN 2019, IL DÉVOILE UNE CHANSON PARODIQUE, « GENDER IDENTITY SONG», QUI PORTE SUR LA NOTION DE GENRE. Devenue virale, la vidéo étend largement la notoriété d’Abish et lui permet surtout de gagner en reconnaissance au regard du travail dantesque qu’il fournit sur chacun de ses projets. Et notre petit doigt nous dit que ce n’est que le début ! 19


FOCUS L E C O U P D E C O E U R D E C A M I L L E Dans le cadre de cet article, nous vous donnons la parole, laissant à l’un de nos fidèles lecteurs l’occasion d’exprimer son coup de cœur lié au cinéma indien...

Le coup de cœur de Camille HENNA, UNE ODE À L’HUMANITÉ. Henna est l’un des premiers films hindi que j’ai visionné. Je suis tout de suite tombée sous le charme de cette œuvre bouleversante considérée comme la dernière du grand réalisateur Raj Kapoor, bien qu’elle ait été majoritairement réalisée par son fils Randhir. Rishi Kapoor et l’actrice pakistanaise Zeba Bakhtiar y tiennent les rôles principaux.

Voici mon humble hommage à ce film qui m’a particulièrement émue… Chander vit près de Srinagar. Sur la route pour se rendre à son mariage, il tombe dans une rivière en pleine tempête et se retrouve dans un village situé de l’autre côté de la frontière. Ayant perdu la mémoire durant son accident, il apprend à vivre dans ce village et y fait la rencontre de la belle Henna. Quelques mois plus tard, alors qu’il était sur le point de l’épouser, il retrouve la mémoire. Mais il est déjà trop tard. Il est soupçonné par un membre du village et un inspecteur sans scrupule d’être un espion indien. Pour que Chander retrouve sa vie et que les habitants du village ne courent aucun danger, Henna fait preuve d’un extraordinaire sens du sacrifice. 20

AUCUN PERSONNAGE DE FILM NE M’A INSPIRÉ AUTANT D’AFFECTION QUE CELUI DE HENNA, MERVEILLEUSEMENT INTERPRÉTÉ PAR ZEBA BAKHTIAR. Elle est touchante par sa jeunesse, son innocence, sa douceur et son dévouement. Son âme est entièrement pure et lumineuse. Elle est la seule qui ne doute jamais de l’honnêteté de Chander et lui reste fidèle en amitié. Elle est lucide quant au fait que Chander et elle ne seront jamais unis. « Après tout, la lune appartient au ciel et

moi, Henna, je suis enracinée sur cette terre. »


ELLE N’EN VEUT PAS AU DESTIN MALGRÉ LA TOURNURE TRAGIQUE QUE PREND SA VIE. ELLE SE VOIT COMME UNE MESSAGÈRE ET UNE PROTECTRICE DU BONHEUR DE CHANDER.

« Une simple ligne sur une carte dessinée

par les hommes peut-elle être si puissante pour anéantir les liens du fond des âges et l’amour créés entre les peuples par Dieu, et les remplacer par la haine, la colère et la suspicion ? » Il est juste, bon et ne croit pas aux frontières. Il n’a pas d’a priori ni de méfiance envers Chander, et ce bien qu’il ne sache rien de lui au début du film. Plus tard, le fait que Chander se révèle être un étranger ne change rien à l’estime qu’il lui porte. Lorsqu’il le remercie pour sa générosité, Khan Baba l’arrête de suite. « Toutes nos actions

ont été accomplies dans un élan d’humanité ». Khan Baba, à l’instar de sa

fille Henna et de Chander, considère l’amour comme un pouvoir unificateur universel. Chander a d’ailleurs cette formule très juste à la fin du film. « Ces barrières séparent peut-être les pays… mais pas les cœurs. » J’aime beaucoup la dualité présente dans le métrage entre ces personnages d’une grande sagesse et ceux qui, à l’inverse, transposent les frontières politiques en inimitiés. Mais pour moi, film mémorable rime également avec musiques mémorables ! La bandeson de Henna est absolument magnifique, empreinte d’une sérénité et d’un lyrisme qui m’émeuvent à chaque écoute. L’atmosphère poétique des chansons répond parfaitement à celle des visuels. « Que ce soit une femme ou la pâte du

henné, les deux sont vouées à créer de la couleur pour autrui. Les deux sont heureuses après avoir été détruites. »

Si une telle personne existe réellement, j’aimerais la connaître, car Henna incarne l’amitié sincère et désintéressée de la plus belle des façons. Le second point qui me bouleverse toujours lorsque je visionne le film, c’est l’extraordinaire sentiment d’humanité qui s’en dégage. Cela passe majoritairement par le personnage de Khan Baba, le vieux sage par excellence.

VOILÀ POURQUOI J’AIME LE FILM HENNA. À chaque visionnage, je redécouvre toutes les émotions que j’ai ressenties en le regardant la première fois. Je pense qu’il s’agit d’un de mes plus gros coups de cœur cinématiques. J’espère que ce témoignage aura donné envie à des curieux de découvrir ce joyau du cinéma indien, qui fait selon moi partie des meilleurs films de Rishi Kapoor, mon acteur préféré depuis que j’ai découvert cette industrie cinématographique. 21


FOCUS I L S O N T D I T S U R . . .

Ce que les stars disaient dans les années 1990 ! M OTS PA R E LO D I E H A M I DOV I C

QUI ÉTAIENT-ELLES À L’ÉPOQUE ? QUE PENSAIENTELLES ? Faisons marche arrière et découvrons ensemble ces déclarations d’alors qui font encore écho aujourd’hui... En août 1992, Filmfare Magazine dévoile un numéro spécial avec Shahrukh Khan et Aamir Khan en couverture. Le King Khan disait : « S’il y a un grand acteur dans ce pays,

c’est Aamir Khan. J’ai entendu dire qu’il voulait prendre sa retraite à 30 ans et devenir réalisateur. Je pense que j’arrêterai à 30 ans aussi. » À plus de 50 ans, les deux acteurs sont toujours actifs, et si Shahrukh Khan n’a rien annoncé depuis le flop de Zero en 2018, Aamir Khan sera à l’affiche du remake indien de Forrest Gump, intitulé Laal Singh Chaddha. 22

En mai 1994, Amitabh Bachchan présente Insaniyat, qui fera un bide monumental au box-office. C’est le dernier film de l’acteur, qui décide ensuite de mettre fin à sa carrière. Déjà en 1993, il disait : « J’insiste sur le fait

que je ne peux pas avoir 50 ans et jouer quelqu’un qui en a 25. Je dois jouer ce que je suis. Que cela plaise ou non, un acteur doit jouer l’âge qu’il a. » Un an plus tard, la presse le questionne sur sa situation : « Si ça me manque de jouer ?

Pas vraiment. Avec le temps, je pense que je serai incapable d’être de nouveau un acteur. » Pourtant, Amitabh Bachchan n’a cessé de surprendre le public depuis son retour, deux ans après cette fin de carrière annoncée.


Lors d’une émission durant laquelle Madhuri Dixit répondait en toute simplicité aux appels de ses fans, elle explique qu’elle ne pense absolument pas au mariage. Pourtant, quand on lui demande si elle serait prête à aller à l’étranger pour son époux, elle répond :

« Si mon mari souhaite qu’on déménage aux États-Unis, alors on ira aux ÉtatsUnis. » Incroyable quand on sait qu’après son mariage avec Sriram Nene en 1999, l’actrice ira vivre à Denver, dans le Colorado pendant presque 10 ans.... En 2011, son mari décidera de la suivre à son tour quand ils se réinstalleront en Inde.

En 1992, Sridevi est en couverture de Filmfare, titré « Dangereuse ». L’interview pose des questions assez simples, notamment autour de sa famille. À ce moment-là, Sridevi explique : « J’ai une

soeur, Srilata et un frère, Sateesh. Nos prénoms commencent par un S et si j’ai un enfant, je pense que je continuerai cette tradition ». Pourtant, en 1997, son époux Boney Kapoor et elle nommeront leur première fille Janhvi et en 2000, ils appelleront leur seconde Khushi.

Les histoires d’amour de Govinda ont souvent fait la Une des journaux. Mais dans les années 1990, quand il se confie à Stardust, c’est le scandale : « Je n’ai jamais voulu avoir une relation

frère était venu me rendre visite sur le tournage. C’était une scène romantique, mais je n’y arrivais pas. C’était très inconfortable de tenir cette fille dans mes bras. Plus tard, mon frère m’a dit : ‘Pourquoi est-ce que tu ne te trouves pas une nana avec laquelle avoir une histoire, pour avoir plus d’expérience dans la romance ? Au moins, tu apprendras à tenir une fille correctement.’ C’est à ce moment-là que j’ai rencontré Sunita. J’admets que mon engagement avec elle a été totalement calculé de ma part et j’en ai payé le prix. » Des mots durs quand on sait qu’il a épousé Sunita en 1987, avec laquelle il a eu deux enfants. Mais surtout, il souligne le fait de n’avoir jamais oublié son premier amour, l’actrice Neelam... « Mon coeur manque

toujours un battement quand je la vois (Neelam, ndlr). Comme un cri désespéré. Si seulement je n’avais pas promis à Sunita le mariage, si seulement... » Pourtant, Govinda et Sunita ne se sont jamais séparés malgré ces propos, comme lorsqu’il ajoute : « Demain, qui sait ? J’aurai une autre

histoire et j’épouserai cette fille-là. Sunita doit se préparer à ça. (...) Je crois vraiment au destin. Ce qui doit arriver arrivera. Oui, j’apprécie beaucoup Juhi Chawla et même Divya Bharti. C’est difficile pour un homme de leur résister. Je sais que Sunita va être en colère avec tout ce que je dis, mais elle devrait savoir que je résiste encore au charme de Divya. Je n’ai pas encore succombé à la tentation... »

sérieuse avec Sunita. Je voulais juste une fille avec laquelle sortir. À ce moment-là, j’avais signé quelques films et mon 23


FOCUS N O I R E T B L A N C …

L’époque du noir et blanc. Une ère qui évoque une certaine nostalgie, même si nous n’y avons pas vécu. Avec ses films qui inspirent à ce jour les cinéastes, entre reprises de grands classiques et hommages rendus à des acteurs qui ont fait chavirer les cœurs. Des artistes talentueux ont indéniablement marqué cette période du cinéma indien.

AINSI, POUR CE NUMÉRO, BOLLY&CO VOUS PRÉSENTE...

Devika Rani MOTS PA R ASMA E BENM ANSOUR

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ELLE EST CONSIDÉRÉE COMME LA PREMIÈRE DAME DU CINÉMA INDIEN. Sa carrière s’étend sur plus de 10 ans d’activité au service d’un cinéma hindi en pleine croissance. Elle fait indubitablement partie des figures emblématiques à avoir construit le Bollywood que l’on connait aujourd’hui. Issue d’une famille bengalie de la haute société et arrière-petite nièce de l’écrivain renommé Rabindranath Tagore, Devika Rani Chaudhuri est envoyée en pension à l’âge de 9 ans, en Angleterre. Elle a 16 ans lorsqu’elle intègre la Royal Academy of Dramatic Art de Londres, où elle apprend les fondements du métier d’actrice. Elle s’essaye également à la musique, puis à l’architecture avant de travailler dans un salon de cosmétiques. Devika se cherche, nourrissant sa curiosité juvénile en allant vers tout ce qui l’appelle, sans toutefois se projeter dans une voie qui deviendrait son métier.

EN 1928, ELLE FAIT LA CONNAISSANCE DU PRODUCTEUR DE CINÉMA HIMANSHU RAI, RENCONTRÉ PAR LE BIAIS D’UN GROUPE D’AMIS INDIENS BASÉS À LONDRES. Il a 16 ans de plus qu’elle et un enfant issu d’un premier mariage. Et si le coup de foudre entre eux est évident, eh bien il attendra, puisqu’Himanshu a d’abord la volonté de mener à bien sa production : le film muet Prapancha Pash, dirigé par l’allemand Franz Osten. Devika y est donc missionnée comme assistante du directeur artistique, découvrant les technicités et spécificités d’un plateau de tournage.

L’année suivante, le film sort et Devika épouse Himanshu. Il n’est alors pas question de faire carrière au cinéma pour la jeune femme, âgée d’à peine 20 ans. Pourtant, ils tourneront ensemble plusieurs projets, le plus connu étant Karma, l’un des premiers films parlants du cinéma indien sorti en 1933. Tourné en hindi et en anglais, le métrage fait parler de lui pour une scène dans laquelle les héros (campés respectivement par Himanshu et Devika) échangent un langoureux baiser. Heurtant la morale puritaine, Karma fera un bide retentissant. Pourtant, Devika y est divine, captant l’oeil des spectateurs et plus encore de la critique, qui voient en elle un énorme potentiel. En 1934, Himanshu s’installe définitivement en Inde pour fonder le fameux studio Bombay Talkies, nourri par ses expériences auprès de cinéastes occidentaux et de formations en Allemagne et en Angleterre.

SA VOLONTÉ ? CHANGER LA MANIÈRE DE FABRIQUER DES FILMS EN INDE. Il construit donc ses projets avec des équipes internationales, mais surtout avec LA star du studio : Devika Rani. Elle sera effectivement la vedette de ses multiples productions, à commencer par le film Jawani Ki Hawa en 1935, dans lequel elle donne la réplique à Najmul Hussain. Leur duo fonctionne à merveille, et ils sont donc de nouveau associés pour le métrage Jeevan Naiya, qui sortira en 1936. Sur le tournage, Devika et Najmul auraient pris la fuite. La rumeur parle d’une liaison entre les deux jeunes gens, ce qui n’a jamais été confirmé par les intéressés ou leurs familles. En tout cas, Himanshu et son ingénieur du son Sashadhar Mukherjee, duquel Devika est très proche, auraient convaincu l’actrice de revenir tourner. Quant à Najmul, l’urgence est de lui trouver un remplaçant opérationnel. > 25


Sashadhar propose le nom de son beaufrère, un certain Ashok Kumar. Si de prime abord, Himanshu n’est pas vraiment convaincu, il n’aura pas d’autre choix que d’accepter au regard des délais. Le succès du métrage est plutôt timide, tout comme la collaboration suivante des deux acteurs, Janmabhoomi, où la comédienne incarne une jeune femme éprise d’un docteur qui renonce à l’amour pour se dévouer entièrement aux plus démunis. Mais ils ne leur faudra pas attendre très longtemps puisque nous sommes toujours en 1936 lorsque sort en salles Achhut Kannya, dans lequel elle campe une intouchable qui se sacrifie par amour. La critique est unanimement séduite, le public est au rendez-vous et la complicité entre Devika et Ashok est évidente. Aussi, l’audience découvre la voix de l’actrice qui, en plus de jouer avec la grâce d’une Greta Garbo, chante à merveille pour le film.

LE PHÉNOMÈNE EST DONC OFFICIELLEMENT LANCÉ ! L’année suivante, après le projet mythologique Savitri dans lequel l’actrice retrouve son partenaire de prédilection, elle tient le rôle principal de Jeevan Prabhat, un drame social dans lequel elle donne la réplique au débutant d’alors Kishore Sahu, qui fera par la suite les beaux jours du Bollywood des années 1940.

COMME PLUSIEURS OEUVRES DU STUDIO, LE MÉTRAGE DÉNONCE LE SYSTÈME DE CASTE ET POSITIONNE DEVIKA EN UNIQUE HÉROÏNE. Car c’est clairement ce qui fait sa singularité, en particulier pour l’époque : Bombay Talkies base ses oeuvres et sa communication sur 26

Devika. C’est elle, la star. C’est elle que le public vient voir.

ELLE EST L’ICÔNE, L’INCARNATION D’UNE BEAUTÉ À LA FOIS RAFFINÉE ET TRÈS ATTACHÉE À SON IDENTITÉ INDIENNE. Les costumes, le maquillage et la caméra illustrent ce physique enchanteresse et magnétique qui a rendu Devika si populaire. Après avoir retrouvé Ashok Kumar dans Izzat (en 1937), Nirmala (en 1938) et Anjaan (en 1941), l’actrice doit cependant renoncer. Nous sommes alors en pleine Seconde Guerre Mondiale, et les techniciens allemands qui travaillent sur ses films sont tous arrêtés. Personne en Inde n’est en mesure de les remplacer. Bombay Talkies fait face à son premier coup dur, le second (et sans doute le plus rude) étant le décès soudain d’Himanshu Rai, qui mourra d’une attaque cardiaque en 1940. Avec Hamari Baat, sorti en 1943,

DEVIKA TIRE SA RÉVÉRENCE, DONNANT PAR AILLEURS LA RÉPLIQUE À UNE JEUNE ACTRICE QUI FERA GRAND BRUIT, TEL UN PASSAGE DE FLAMBEAU : L’ICONIQUE SURAIYA. Pour autant, Devika reste à l’affût. Suite à la mort d’Himanshu, elle est nommée par le conseil d’administration de Bombay Talkies au poste de contrôleur de production, où elle a à sa change toute la direction artistique des oeuvres produites par le studio. À l’époque, c’est la première femme à obtenir un poste d’une telle importance dans l’industrie cinématographique indienne. Mais cela ne suffira pas.


LES ÉCHECS SE MULTIPLIENT ET MALGRÉ TOUTES LES BONNES INTENTIONS DE DEVIKA, LE STUDIO S’EFFONDRE BRIQUE PAR BRIQUE. En 1945, Devika tourne définitivement le dos au monde du cinéma en épousant un peintre russe, Svetoslav Roerich. Bollywood continuera d’idolâtrer cette grande dame, connue face caméra pour ses personnages progressistes et captivants. En dehors, elle est une femme de poigne, accro à la cigarette qui ne manque jamais l’occasion de faire une crise de nerfs !

EN 1994, ELLE DÉCÈDE À BANGALORE DES SUITES D’UNE BRONCHITE SÉVÈRE, UN AN APRÈS LA MORT DE SVETOSLAV. Lors de ses funérailles, ses biens font débat puisque le couple n’a jamais eu d’enfant et n’a désigné aucun héritier. Finalement, ils reviendront de droit à l’État du Karnataka suite à une décision de la cour suprême en 2011.

EN 2019, L’ACTRICE LILLETE DUBEY DIRIGE UNE PIÈCE EN SON HONNEUR, DANS LAQUELLE SA FILLE IRA INCARNE AVEC BRIO CELLE DONT LE PUBLIC SE SOUVIENDRA TOUJOURS COMME LA PREMIÈRE DAME DU CINÉMA INDIEN. 27


FOCUS B OX O F F I C E 2 0 1 9

TOP 10 DES FILMS INDIENS DE L’ANNÉE M OT S PA R FAT I M A-ZA HRA EL A HMAR

PARCE QUE NOS ENVIES D’AIMER LES FILMS CHANGENT D’UNE PERSONNE À L’AUTRE, NOUS OUBLIONS PARFOIS QUE BOLLYWOOD EST AVANT TOUT UNE INDUSTRIE. Une machine dans laquelle des producteurs investissent leur argent pour générer du profit. À la fin de chaque année, nous retenons dans nos esprits les meilleures histoires tout comme les pires. Et dans l’industrie, il y en a qui ne retiennent que les chiffres.Μ

Vo i c i l e ré c a p i t u l at i f d e s 10 fi l m s à avo i r ra p p or té l e p l u s d ’a rg ent au box-of fi ce i n d i e n . À NOTER ! Les sources pour suivre les résultats au box-office sont diverses. Si vous faites vos recherches par vous-même, vous constaterez sans doute des écarts. Les chiffres présentés dans cet article sont tirés de plusieurs de ces sites, notamment BoxOfficeIndia, Koimoi, BollywoodHungama, ScoopWhoop entre autres. Ces différences sont dues au fait qu’il n’existe aucun organisme précis pour répertorier et calculer les résultats des films au box-office. 28


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té ce film a é france ! n e diffusé

C hh i c hho re DATE DE SORTIE : 6 SEPTEMBRE 2019. RÉALISÉ PAR NITESH TIWARI, AVEC SUSHANT SINGH RAJPUT, SHRADDHA KAPOOR, TAHIR RAJ BHASIN, PRATEIK BABBAR, NAVEEN POLISHETTY ET VARUN SHARMA. Trois ans après la sortie de Dangal, Nitesh Tiwari revient avec son nouveau film. Habitué aux projets s’appuyant sur un casting riche, le réalisateur plonge dans sa zone de confort avec ce métrage. Chhichhore termine en dixième position du top des films les plus populaires en Inde. Son budget est de 500 millions de roupies (6,4 millions d’euros) et représente un gain de 1,5 milliard de roupies en Inde (plus de 19 millions d’euros). Internationalement, il finit avec 2,15 milliards de roupies (soit 27 millions d’euros).

HIT.

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Kesari

té ce film a é france ! n diffusé e

DATE DE SORTIE : 21 MARS 2019. RÉALISÉ PAR ANURAG SINGH, AVEC AKSHAY KUMAR ET PARINEETI CHOPRA. Anurag Singh revient à Bollywood après 10 ans et plusieurs projets réalisés au Pendjab. Inspiré de faits réels, ce film de guerre historique était l’un des premiers succès de l’année 2019. Il arrive en neuvième position du classement des films les plus lucratifs en Inde, et il s’inscrit également dans l’enchaînement de succès populaires d’Akshay Kumar. C’est avec un total de 2,07 milliards de recettes (26 millions d’euros), dont 1,53 milliard en Inde (19 millions d’euros) que le film finit sa course au box-office. Son budget était de 800 millions de roupies (soit un peu plus de 10 millions d’euros).

HIT. 29


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té ce film a é france ! n e é s diffu

Total D ha m a a l DATE DE SORTIE : 22 FÉVRIER 2019. RÉALISÉ PAR INDRA KUMAR, AVEC AJAY DEVGN, MADHURI DIXIT, ARSHAD WARSI, JAVED JAFFREY, ANIL KAPOOR, RITEISH DESHMUKH, SANJAY MISHRA ET JOHNNY LEVER. Également connu sous le nom de Dhamaal 3, le film est le troisième volet de la franchise comique Dhamaal. Il répète le succès commercial de ses prédécesseurs, tout en réunissant un casting inattendu et original. Avec un budget de 900 millions de roupies (11 millions d’euros), sa recette en Inde a atteint les 1,54 milliard de roupies (presque 20 millions d’euros). Ce qui permet au métrage d’arriver huitième dans ce classement. Au total, il a remporté 2,28 milliards de roupies dans le monde (près de 30 millions d’euros).

HIT. 30

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té ce film a é france ! n e diffusé

M i ssi o n Mang al DATE DE SORTIE : 15 AOÛT 2019. RÉALISÉ PAR JAGAN SHAKTI, AVEC AKSHAY KUMAR, VIDYA BALAN, SONAKSHI SINHA, TAAPSEE PANNU, NITHYA MENEN, KIRTI KULHARI ET SHARMAN JOSHI. Akshay Kumar semble une fois de plus valider son statut de star au box-office indien. Inspiré d’une histoire vraie, Mission Mangal est un concentré de patriotisme qui a séduit un vaste public. Avec 2 milliards de roupies de recettes en Inde (plus de 25 millions d’euros), le film assure sa septième position. Et avec un modeste budget de 350 millions de roupies (4,5 millions d’euros), Mission Mangal a constitué un succès assuré pour ses producteurs et ce même à l’international. Au total, ce n’est pas moins de 2,9 milliards de roupies qu’il a remporté dans le monde (soit 37 millions d’euros).

SUPER-HIT.


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5 té ce film a é france ! n diffusé e

Goo d New wz DATE DE SORTIE : 27 DÉCEMBRE 2019. RÉALISÉ PAR RAJ MEHTA, AVEC AKSHAY KUMAR, DILJIT DOSANJH, KAREENA KAPOOR KHAN ET KIARA ADVANI.

Ho u sefu l l 4

té ce film a é france ! n diffusé e

DATE DE SORTIE : 25 OCTOBRE 2019. RÉALISÉ PAR FARHAD SAMJI, AVEC AKSHAY KUMAR, RITEISH DESHMUKH, BOBBY DEOL, KRITI SANON, POOJA HEGDE ET KRITI KHARBANDA.

Comédie de fin d’année et toujours en projection actuellement en Inde, cette production signée Karan Johar semble avoir fait son effet sur le public indien. Les chiffres ne sont pas encore finalisés, mais à l’heure où cet article est rédigé, Good Newwz a déjà trouvé sa place dans le top 10 de 2019. En sixième position, le film a déjà réalisé environ 2,01 milliards de roupies de recette (26 millions d’euros), avec un budget de 600 millions de roupies (plus de 7 millions d’euros). Son total dans tous les pays du monde est autour de 3,18 milliards de roupies (soit environ 40 millions d’euros).

En début d’année dernière, nous avons tous entendu parler de Housefull 4. Non pas parce qu’il vient s’ajouter à une franchise très commerciale, mais à cause des accusations d’agressions et de harcèlement sexuel à l’encontre de son réalisateur initial, Sajid Khan. Après que ce dernier ait été évincé de l’équipe, le boycott du métrage a pu être évité. Résultat, le film est le cinquième plus gros succès de 2019 en Inde (septième si nous comptons ses chiffres à l’international). Son budget de 750 millions de roupies (9 millions d’euros) est largement dépassé avec ses 2,06 milliards de roupies réalisés en Inde (soit plus de 26 millions d’euros). Dans le monde, Housefull 4 a légèrement séduit, et son total de recettes se tient à 2,8 milliards de roupies (presque 36 millions d’euros).

HIT.

HIT. 31


4

B ha rat

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DATE DE SORTIE : 5 JUIN 2019. RÉALISÉ PAR ALI ABBAS ZAFAR, AVEC SALMAN KHAN, KATRINA KAIF, DISHA PATANI, SUNIL GROVER ET JACKIE SHROFF. Le mois de juin a été une période assez fructueuse pour Bollywood et ses producteurs. Avec cette énième collaboration, Ali Abbas Zafar et Salman Khan ajoutent un succès de plus à leurs filmographies respectives. Même si le Bhai ne figure pas dans le top 3 de l’année 2019, il n’en est pas très loin avec sa quatrième place. Budgétisé à un milliard de roupies (près de 13 millions d’euros), le film récolte environ 2,10 milliards de roupies (presque 27 millions d’euros) en Inde. Avec ses entrées dans le monde, le total monte à 3,25 milliards de roupies (plus de 41 millions d’euros).

HIT. 32

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té ce film a é france ! n e é s diffu

U ri - The Su rg i cal St ri ke DATE DE SORTIE : 11 JANVIER 2019. RÉALISÉ PAR ADITYA DHAR, AVEC VICKY KAUSHAL, YAMI GAUTAM, PARESH RAWAL ET KIRTI KULHARI. L’année 2019 a bien démarré. En janvier, la sortie du film Uri se fait remarquer. Avec un casting talentueux, Aditya Dhar présente une version dramatisée de faits réels. Uri décroche donc la troisième place du podium au box-office indien, avec 2,44 milliards de roupies remportés (plus de 31 millions d’euros). Son budget d’origine est de 250 millions de roupies (3 millions d’euros), et ses recettes dans le monde finissent par atteindre les 3,4 milliards (43 millions d’euros).

SUPER-HIT.


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té ce film a é france ! n e diffusé

Kabi r S i ngh DATE DE SORTIE : 21 JUIN 2019 RÉALISÉ PAR SANDEEP VANGA, AVEC SHAHID KAPOOR ET KIARA ADVANI.

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War

té ce film a é france ! n e diffusé

DATE DE SORTIE : 2 OCTOBRE 2019 RÉALISÉ PAR SIDDHARTH ANAND, AVEC HRITHIK ROSHAN ET TIGER SHROFF.

Les remakes de films régionaux comme internationaux sont monnaie courante en Inde. Parfois, ils sont une déception pure pour leurs producteurs, mais d’autres fois, ils attirent la foule et l’argent. Cette version Bollywood du film Arjun Reddy s’inscrit dans la seconde catégorie.

Depuis Bang Bang, Siddharth Anand semble à l’aise avec le film d’action. Il retrouve Hrithik Roshan pour leur seconde collaboration, et réalise au passage l’un des rêves de Tiger Shroff en lui permettant de travailler avec son idole.

Avec un budget de 600 millions de roupies (soit plus de 7 millions d’euros), le métrage assure sa seconde position au box-office indien de l’année avec une recette de presque 2,8 milliards de roupies (l’équivalent de plus 35 millions d’euros). Le marché international amène d’ailleurs une plus value pour un total de 3,79 milliards de roupies (48 millions d’euros).

War arrive en première position de ce classement. Avec un budget estimé à 1,5 milliard de roupies (soit presque 20 millions d’euros), le métrage récolte 3,2 milliards de roupies en Inde seulement (l’équivalent de 41 millions d’euros). Un chiffre qui monte à environ 4,75 milliards de roupies si nous comptons l’intégralité de ses recettes dans le monde (ou 61 millions d’euros).

SUPER-HIT.

HIT. 33



EN ACTION F E S T I VA L & I N T E RV I E W


EN ACTION F E S T I VA L

MON BILAN DU FFAST, ÉDITION 2020 MOTS PA R ASMA E BENM ANSOUR

CHAQUE FESTIVAL EST DIFFÉRENT. Lorsqu’on me demande celui que j’ai préféré, il m’est impossible de donner une réponse systématique. Car toutes les éditions auxquelles j’ai eu le plaisir de participer possédaient leurs qualités et ce je ne sais quoi qui les rendaient si spéciales. Depuis 2016, j’ai l’immense privilège de prendre part ces évènements, à Paris comme à Toulouse, entre découvertes cinématiques délirantes et rencontres artistiques bouleversantes. Et comme cette nouvelle édition du 36

Festival du Film d’Asie du Sud a de nouveau été particulièrement riche pour moi, il m’a été très difficile de synthétiser cette semaine de manière circonstanciée. Cela dit, je m’essaye tout de même à l’exercice, dans l’espoir que cela vous donne envie de venir avec moi assister à l’édition 2021 du #FFAST.

VOICI DONC LES CINQ GRANDS MOMENTS DE CE QUI CONSTITUE LE PLUS GRAND FESTIVAL PARISIEN DE CINÉMA INDIEN...


Ah , Ni vi n Pa u ly. . . JE VAIS ÊTRE HONNÊTE AVEC VOUS. SI J’AI TANT LUTTÉ POUR ÊTRE PRÉSENTE À CETTE ÉDITION, C’ÉTAIT POUR LUI. En décembre dernier, alors que je suis en pleine soirée d’anniversaire, j’apprends que Nivin Pauly sera l’un des invités d’honneur de la cérémonie d’ouverture du FFAST 2020. Impossible pour moi de manquer ça ! Ceux qui me suivent et qui me connaissent de longue date savent que Nivin est l’un de mes acteurs préférés, ainsi que ma personnalité favorite de l’industrie malayalam. Si j’osais espérer le rencontrer un jour, j’imaginais que cela se ferait au Kerala, le jour où je m’autoriserai enfin à partir en Inde... Mais non, le FFAST a décidé de me faciliter la tâche en me livrant Nivin Pauly directement à Paris ! À seulement une petite heure de train de chez moi ! Comment pouvais-je passer à côté ?

POURTANT, J’AI BIEN FAILLI NE PAS VENIR ! En effet, je commençais un nouvel emploi et je doutais de pouvoir obtenir mes congés... Toutefois, prêt d’une semaine avant le festival, mon supérieur hiérarchique m’autorise à prendre ma semaine, m’encourageant au passage à bien profiter de cette opportunité... Bref, toutes les planètes s’alignent pour me permettre d’arriver jusqu’au Grand Rex ce mardi 28 janvier 2020. La rencontre est fixée pour 16h30 alors que les grèves de transport battent leur plein. J’arrive cela dit sans encombre jusque Gare du Nord et entame ma route à pied jusqu’au Grand Rex.

Elodie m’annonce qu’elle aura du retard, la faute à un impératif professionnel. Je sollicite donc un de mes grands amis pour m’épauler en son absence. En effet, Deep sera là pour capturer chaque instant de cette rencontre, armé de son appareil photo et de son sourire communicatif.

UNE HEURE AVANT LE RENDEZ-VOUS, JE SUIS EN ANGOISSE. J’arrive directement de la gare et me rend à pied jusqu’au Grand Rex, valises à la main et souffle saccadé. > 37


J’appelle Sakina, ma soeur de coeur, qui trouve les mots justes pour me rassurer. Deep m’avertit par ailleurs de son arrivée. Et s’il est d’habitude le roi des retardataires, aujourd’hui, il sera là en avance. Comme l’an dernier, j’arrive dans les loges du Grand Rex, toujours aussi tortueuses. J’ai à peine le temps de poser mes valises et de saluer Erell, notre adorable contact du FFAST que je suis déjà face à Nivin. Il est totalement décontracté, je contiens de mon côté toute mon excitation. Hors de question de faire la sotte, je dois être professionnelle !

L’ENJEU EST DE FAIRE DE CETTE INTERVIEW UNE RÉUSSITE POUR NOTRE MAGAZINE ET, PLUS QUE TOUT, POUR NOS FIDÈLES LECTEURS. Nivin nous signifie qu’il aimerait voir la Tour Eiffel avant la tombée de la nuit... sauf qu’il est déjà 17 heures ! J’ai peur que l’entrevue soit écourtée et que l’acteur s’empresse de répondre afin de pouvoir partir. Et bien non ! Nivin joue le jeu avec beaucoup de bonne volonté et ne manque pas de nous faire sourire. Elodie arrive en cours de route, toute intimidée par un acteur qu’elle apprécie beaucoup également. S’en suit plus tard dans la soirée la projection de son film Moothon, dans lequel l’acteur est tout bonnement magistral. S’il est sursollicité par une horde de fans, je me fraie tout de même un chemin pour le féliciter.

BREF, CE SOIR-LÀ, J’AI RÉALISÉ UN DES RÊVES DE MA VIE EN RENCONTRANT UN ARTISTE QUE J’ADMIRE, ET QUI S’EST DE SURCROÎT RÉVÉLÉ DES PLUS SYMPATHIQUES... 38

G eet u Mo hand as, l a g rand e d am e. J’ai beaucoup parlé de Nivin Pauly et pourtant, une autre figure emblématique du cinéma malayalam était présente lors de la cérémonie d’ouverture : Geetu Mohandas. Aujourd’hui réalisatrice, il est important de rappeler qu’elle a largement contribué à faire de Mollywood ce qu’il est aujourd’hui. Actrice depuis qu’elle est enfant (elle a même remporté un Kerala State Film Award pour son tout premier rôle, alors qu’elle n’avait que 5 ans !), Geetu est devenue dans les années 2000 l’une des comédiennes les plus prolifiques de l’industrie. En 2009, elle met un terme à sa carrière et épouse le chef opérateur Rajeev Ravi. On croit alors au scénario classique de l’actrice qui se range pour choyer son époux et devenir maman... Que nenni !

GEETU A D’AUTRES PROJETS EN TÊTE ! En 2014, elle prend tout le monde de court en réalisateur son premier film : Liar’s Dice. En langue hindi et avec l’excellent Nawazuddin Siddiqui dans l’un des rôles principaux, le métrage vaudra à Geetu deux National Awards ainsi que des critiques dithyrambiques lors de sa tournée des festivals. En un seul métrage, elle s’annonce alors comme l’une des cinéastes à suivre avec attention !

DE FAIT, LORSQU’ELLE ANNONCE SON SECOND PROJET, MOOTHON, JE SUIS TRÈS ATTENTIVE. Le tournage est long, la réalisatrice ayant à coeur de prendre son temps et de livrer une


oeuvre qui soit fidèle à sa vision. Pour le rôle principal, elle caste mon acteur préféré précité ainsi qu’une flopée de comédiens immensément talentueux : Sobhita Dhulipala, Shashank Arora et Roshan Mathew.

J’AI DONC AUSSI LE PRIVILÈGE D’INTERVIEWER GEETU AVEC NIVIN, DANS LES FAMEUSES LOGES DU GRAND REX. La cinéaste se prête à l’exercice avec panache et nous gratifie par ailleurs de quelques anecdotes, disponibles dans l’entrevue postée sur notre site. Après la projection, je tiens à congratuler Geetu pour la beauté sensible de son métrage. Cette femme a un grand avenir devant elle et risque bien de bouleverser encore un peu plus la manière de faire du cinéma en Inde...

Aam i s, l a d éco u verte cho c. Tous les ans, Elodie et moi attendons de découvrir la programmation du FFAST avec une certaine impatience. Parce qu’après cela, c’est le jeu des chaises musicales ! À qui se positionnera en premier sur ce qui a l’air d’être le meilleur film de la sélection !

ET À CE JEU, JE ME SUIS SOUVENT FAITE AVOIR, DEVANT ÉCRIRE SUR LA BIZARRERIE DE L’ÉDITION. De Kothanodi à Ralang Road, je sais que j’ai la poisse ! Après m’être positionnée sur Moothon (en même temps, qui d’autre que moi pour déclamer mon amour pour Nivin Pauly ?), je cède les visionnages de Cat Sticks > 39


et Bulbul à Elodie, préférant écrire sur Aamis. Sans trop en savoir, j’avais vu que ce métrage assamais figurait sur de nombreuses listes des meilleures sorties indiennes de l’année 2019. Il ne m’en fallait pas plus pour attirer ma curiosité. Néanmoins, juste avant la projection, c’est le drame : j’apprends que le film est dirigé par Bhaskar Hazarika, qui avait précédemment réalisé... Kothanodi. Soit l’une de mes expériences cinématographiques les plus incompréhensibles ! Je n’ai pas aimé le film et pourtant, prêts de 4 ans plus tard, je ne l’ai pas oublié ! Vous pensez bien que je ne peux pas me souvenir de tous les métrages que j’ai pu visionner durant les multiples festivals auxquels j’ai eu la chance de prendre part. Et pourtant, Kothanodi reste un souvenir mémorable. Parce que c’était complètement délirant.

ET SURTOUT PARCE QUE J’ÉTAIS ENTOURÉE DE MES AMIS, AUSSI STUPÉFAITS QUE MOI. Certes, nous n’avons pas aimé le métrage, mais il a été générateur de multiples fous rires. Elodie me lance donc un ironique « Bon courage ! » lorsque les lumières s’éteignent et que la bobine est lancée. Je pensais au mieux m’ennuyer, au pire être affligée. Il n’en sera rien. Certes, Aamis est totalement barge et en même temps, il possède une poésie et une délicatesse qui nous cueillent. C’est un film sulfureux et osé, mais qui aborde son sensible sujet avec une finesse assez exceptionnelle. D’ailleurs, je l’avoue volontiers : je ne reconnais pas du tout le réalisateur de Kothanodi tant Aamis est différent de son précédent métrage !


Aamis glisse doucement de l’histoire d’amour interdite vers la passion addictive. Et même si la tournure des évènements nous choque, impossible de lâcher le film en cours de route.

BREF, AAMIS REPRÉSENTE PARFAITEMENT CE QU’UN FESTIVAL DE CINÉMA DOIT PORTER : L’OCCASION POUR UN SPECTATEUR LAMBDA DE DÉCOUVRIR DES OVNI DE LA SORTE. ET QUELLE DÉCOUVERTE !

Swa s ti ma et Bi n od , j oyaux du Né p a l . Soyons clairs : je n’y connais rien au cinéma népalais. Je connais le cinéma indien sur le bout des doigts, j’ai des notions de cinéma pakistanais et j’ai vu quelques films du Bangladesh, du Bhoutan ou encore du Sri-Lanka. Mais alors, le cinéma népalais... Que dalle ! J’arrivais donc dépourvue de tout bagage à la projection de Bulbul, film népalais très apprécié dans son pays et qui a d’ailleurs valu à son actrice principale un National Award local. Notre interview avec le réalisateur, Binod Paudel, et la vedette féminine, Swastima Khadka est alors prévue le samedi 1er février, juste avant la diffusion du métrage. Hélas, les artistes se heurtent à des problèmes administratifs qui repoussent leur arrivée en France. L’interview est annulée, en tout cas momentanément. Qu’à cela ne tienne, Elodie voit cela comme une aubaine et profite de l’occasion pour aller voir Sholay, projeté au moment où nous aurions dû nous entretenir avec Binod et Swastima. Je vois de mon côté cet incident technique comme une occasion d’aborder plus

intelligemment cette rencontre. Voir le film en amont sera effectivement très aidant et me permettra de comprendre l’univers du cinéaste. Aussi, j’ai pris le temps de faire des recherches pour me rendre compte que la jeune Swastima est en fait une superstar dans son pays.

L’INDE A ALIA BHATT, LE NÉPAL A SWASTIMA KHADKA ! L’interview est finalement organisée le lendemain, dans un petit appartement du quartier. Binod et Swastima nous gratifient de leur plus beau sourire. L’entrevue peut commencer ! Si nous avions évalué la durée de cet échange à une dizaine de minutes, il en durera finalement près de 40 ! Car on quitte rapidement les simples questions-réponses pour se livrer à une véritable discussion, entre artistes éclairés et cinéphiles curieux. Binod, c’est le visionnaire, celui qui rêve d’un cinéma qui soit à la hauteur du potentiel de son pays. Swastima, c’est l’espoir de l’avenir, celle qui veut utiliser sa notoriété pour servir des films engagés et différents.

À LA FIN DE L’ENTREVUE, BINOD ME TEND UN LIVRE MAGNIFIQUE SUR LES PLUS BEAUX ENDROITS DU NÉPAL À CAPTURER. Cette interaction l’a touché et il tient à nous témoigner sa gratitude par ce joli présent. Ce livre, que Swastima et lui ont eu la gentillesse de me dédicacer, tient une place privilégiée dans mon bureau. Plus que le cadeau en lui-même, c’est ce qui y est inscrit qui m’a particulièrement touchée... «

Merci beaucoup, Asmae. Tu es vraiment adorable, ne changes pas ! En espérant te revoir très vite... Binod Paudel et Swastima Khadka. » >

41


En France , o n s a i t aus s i y fa i re ! Lors de la dernière journée du FFAST, j’ai eu le plaisir de découvrir deux courts-métrages : Little Jaffna et The Loyal Man, tous deux dirigés par le jeune Lawrence Valin, acteur et cinéaste franco-tamoul. Lorsque j’ai su qu’il s’agissait d’un film français, j’admets avoir eu quelques appréhensions. J’imaginais (à tort !) me retrouver face à une oeuvre plutôt artisanale et très marquée par le cinéma tamoul. J’avais cela dit adoré le courtmétrage de Logan Boubady, The Doomed Generations, qui m’avait marquée par sa puissance et son esthétique impeccable. Il était la preuve qu’au sein de la communauté franco-tamoule, il existait de jeunes espoirs qui avaient de réelles histoires à raconter, sans jamais chercher à singer Shankar ou Mani Ratnam.

LAWRENCE VALIN EST INDUBITABLEMENT DE CEUXLÀ. SON IDENTITÉ TAMOULE EST INDÉNIABLE, IL LA REVENDIQUE ET EN FAIT UNE VÉRITABLE FORCE DANS SES RÉCITS. Mais il y a surtout chez lui une volonté de nous narrer des récits inédits, d’aborder des questions qui n’ont jamais été soulevées, aussi bien en France qu’en Inde. La communauté franco-tamoule vit des choses aussi belles que difficiles, mais leur parcours de vie n’est jamais porté à l’écran de manière pertinente. Jusqu’ici, seul Jacques Audiard a réussi le tour de force de raconter le parcours d’un tamoul en France avec son joyau Dheepan.

SINON, RIEN. 42

Il fallait donc avoir du courage pour s’aventurer sur ce terrain vague si peu exploré. Lawrence le fait avec brio et surtout avec un immense panache. Ce jeune homme déborde d’énergie et de volonté, il a de l’ambition et quand on voit ses deux métrages, on ne peut que croire en lui. J’ai eu la chance de l’interviewer juste après la projection de Little Jaffna et The Loyal Man, une rencontre qui m’a permis de comprendre davantage ses aspirations.

LAWRENCE Y EXPLIQUE NON SEULEMENT SA VISION, MAIS PLUS QUE TOUT SES AMBITIONS. S’il le faut, il sera porteur de changement au sein du cinéma français. On n’a donc qu’une seule chose à dire : on attend son premier long-métrage avec une vive impatience !


Le mot d e l a f i n . QUELQUES REMERCIEMENTS S’IMPOSENT. De nouveau, merci à l’équipe du Festival du Film d’Asie du Sud de faire appel à nous pour la quatrième année consécutive. Merci de leur confiance et des belles opportunités qu’ils nous offrent à chaque édition. D’ailleurs, j’avoue que c’est toujours avec émotion que je vois notre logo figurer sur chacune de leurs affiches. C’est une belle marque de reconnaissance qui nous émeut énormément !

MERCI ÉGALEMENT À TOUS LES ARTISTES INVITÉS QUI ONT ACCEPTÉ DE NOUS RENCONTRER ET DE DISCUTER AVEC NOUS.

Chaque échange a été unique, et nous nous sommes senties bénies et chanceuses de pouvoir interagir avec eux tous. Chaque interview a mué en belle rencontre humaine et rien que pour cela, ce festival valait le coup d’être vécu.

MERCI À DEEP, NOTRE SAUVEUR, QUI A RÉPONDU PRÉSENT À L’OCCASION DE LA CÉRÉMONIE D’OUVERTURE POUR NOUS LIVRER DE TRÈS BELLES IMAGES DE NOTRE RENCONTRE AVEC NIVIN PAULY. Et enfin, merci à Elodie d’être toujours là, à mes côtés, pour que nous vivions ensemble et avec la même exaltation chaque festival. Sans toi, cette aventure n’aurait eu aucun sens. 43


EN ACTION I N T E R V I E W

RÉFLEXIONS ET ÉCLATS DE RIRES, AVEC NIVIN PAULY... MOTS PA R AS M A E B E NMA N SO UR

VOUS SAVEZ CE QUE ÇA FAIT DE SE RETROUVER FACE À SON ACTEUR PRÉFÉRÉ ? Pas uniquement de l’apercevoir au loin sur une scène ou sur un tapis rouge, prisonnier de la foule… Mais de le voir comme il vous voit, qu’il y ait entre vous des regards, des sourires et même quelques mots… Bref, un vrai moment d’échange ! J’y ai eu droit, en version immensément plus exaltante. Car oui, grâce au Festival du Film d’Asie du Sud, j’ai pu m’entretenir avec mon acteur malayalam préféré : Nivin Pauly. 44

ME SUIS-JE ÉVANOUIE ? NON. AI-JE PLEURÉ ? NON. AI-JE HURLÉ COMME UNE GROUPIE PRÉPUBÈRE DEVANT SON BOYS BAND FAVORI ? JE ME SUIS ABSTENUE. Pourtant, je vous jure qu’en moi, c’était le 14 juillet ! Nivin Pauly me voit ! Nivin Pauly m’écoute ! Nivin Pauly répond à mes questions ! Nivin Pauly connaît mon existence ! Sur quelle dimension je me trouve, au juste ? Est-ce au moins réel ?


BOLLY&CO : BONSOIR NIVIN, JE VOUS REMERCIE TOUT D’ABORD DE NOUS ACCORDER UN PEU DE VOTRE TEMPS. C’EST VRAIMENT UN HONNEUR POUR NOUS D’ÊTRE EN VOTRE COMPAGNIE. Nivin Pauly : Ô merci beaucoup !

B&C : VOUS ÉTIEZ INGÉNIEUR EN INFORMATIQUE AVANT DE CHANGER DE VOIE. POURQUOI AVEZ-VOUS EU ENVIE DE DEVENIR ACTEUR. ET COMMENT AVEZ-VOUS CHEMINÉ POUR TENDRE VERS CETTE VOIE ?

Eh oui, j’étais bien là, au Grand Rex accompagnée de Deep et d’une Elodie essoufflée (qui avait fui son travail telle une sprinteuse pour assister à cette interview), le tout afin de discuter avec l’un des acteurs indiens les plus prodigieux de sa génération.

COMMENT AI-JE FAIT POUR TENIR SUR MES JAMBES ? JE L’IGNORE. Mais je vous laisse découvrir le contenu de cette rencontre dont je risque de chérir le souvenir pour très longtemps...

N.P. : J’ai été recruté dans une grande entreprise d’ingénierie en Inde alors que j’étais tout juste étudiant. À l’époque, j’étais tout excité d’avoir trouvé un travail. Quand on étudie encore, c’est vraiment quelque chose d’énorme, surtout en Inde. Mais quand j’ai commencé à exercer, je me suis rendu compte que ce n’était pas ce que je voulais faire. Certes, le fait de percevoir un salaire me motivait, mais mon intuition me disait que je n’étais pas à ma place. Que quelque chose d’autre m’attendait. Et je ne savais pas quoi exactement. J’ai travaillé dans cette entreprise pendant deux ans, j’ai donc passé beaucoup de temps avec moi-même. J’ai travaillé sur moi pour comprendre ce que je voulais vraiment dans la vie.

C’est là que ma rencontre avec le cinéma s’est faite.

> 45


B&C : VOUS AVEZ DÉBUTÉ VOTRE CARRIÈRE D’ACTEUR EN 2010 AVEC MALARVAADI ARTS CLUB, DE VINEETH SREENIVASAN SANS AVOIR AUCUN LIEN AVEC LE MONDE DU CINÉMA PAR VOTRE FAMILLE. COMMENT AVEZVOUS OBTENU CE RÔLE ? N.P. : Il y avait une audition lancée par le réalisateur sur son blog. Je lui ai donc envoyé mes photos. Pourtant, je n’ai pas été sélectionné. Il ont réussi à trouver quatre acteurs sur les cinq qu’ils recherchaient. Ils ont donc organisé une nouvelle sélection, pour laquelle j’ai de nouveau envoyé mes photos. Cette fois, j’ai été appelé pour le casting et on m’a choisi.

B&C : EN 2012, VOUS RETROUVEZ VINEETH POUR LE FILM QUI M’A PERSONNELLEMENT PERMIS DE TOMBER AMOUREUSE DU CINÉMA MALAYALAM : THATTATHIN MARAYATHU. (RIRES) DANS QUEL MESURE A-T-IL CHANGÉ VOTRE VIE ? N.P. : Je ne sais pas comment il a changé ma vie mais il a sans doute changé la vision que le public avait de moi. Dans mes précédents films, j’avais un look plus rustre, j’avais notamment de la barbe… Avec Thattathin Marayathu, j’étais complètement différent. Les gens ont réalisé que je pouvais jouer ces deux types de rôles : le bad boy et le gentil garçon. Je crois qu’ils ont aussi aimé la façon dont le film était conçu. Et puis, dès qu’un de vos films rencontre un gros succès, vous avez davantage d’appels et de propositions. 46

Et il suffit d’un échec pour que cela cesse. Je crois que Thattathin Marayathu a aidé à la naissance de mes projets suivants.

B&C : VOUS AVIEZ SIGNÉ CE FILM POUR RETRAVAILLER AVEC VINEETH ? N.P. : Absolument ! Je lui fais entièrement confiance, je sais qu’il donne toute son énergie pour livrer des films de qualité. De plus, nous partageons un très bon rapport. Nous sommes de la même génération. De facto, nous avons une compréhension du cinéma qui est assez similaire. Et puis, il fait en sorte que tout le monde se sente bien sur un tournage. Même quand il est contrarié, il est toujours poli et bienveillant. Il est la raison principale pour laquelle j’ai joué dans ce film.

B&C : VOUS AVEZ AUSSI FAIT UN TROISIÈME FILM AVEC LUI, JACOBINTE SWARGARAJYAM... N.P. : On en a fait quatre, à vrai dire. Il a aussi écrit Oru Vadakkan Selfie dans lequel je tenais un rôle.

B&C : C’ÉTAIT AVEC AJU VARGHESE, N’EST-CE PAS ? N.P. : Oui, en effet !

B&C : EN 2015, VOUS ÊTES LE HÉROS D’UN DES MEILLEURS FILMS INDIENS DE CES DERNIÈRES ANNÉES : PREMAM. QU’EST-CE QUI VOUS A SÉDUIT DANS CE RÔLE EN PARTICULIER ? N.P. : J’avais totalement confiance en Alphonse (Putharen, le réalisateur, ndlr). >



Il recherche l’excellence en permanence et c’est l’un des meilleurs techniciens que j’ai jamais rencontré. Il n’aurait jamais fait quoi que ce soit de médiocre. Pourtant, sur le papier, on pourrait se dire que c’est un film assez basique. Parce qu’en vrai, c’est juste l’histoire d’un gars qui tombe amoureux de trois filles ! C’est d’ailleurs la description qu’il m’en avait faite lorsqu’on a discuté du métrage pour la première fois. (rires) Et pourtant, je savais qu’il en ferait quelque chose de bon.

B&C : DEPUIS, VOUS ÊTES DEVENUS L’UN DES ACTEURS LES PLUS POLYVALENTS DU PAYS, PASSANT DU FILS DÉVOUÉ DANS JACOBINTE SWARGARAJYAM AU FLIC ENGAGÉ DANS ACTION HERO BIJU, EN PASSANT PAR LE MAFIEUX DANS RICHIE ET PAR L’EXERCICE DU DOUBLE RÔLE DANS SAKHAVU. ALORS, QU’EST-CE QUI VOUS POUSSE EN PREMIER LIEU À CHOISIR UN FILM PLUTÔT QU’UN AUTRE ? N.P. : C’est d’abord mon intuition qui me pousse ou non à accepter un rôle. Je crois profondément en mon intuition.

Lorsque je lis un scénario, je vais aller vers l’inconnu, vers quelque chose que je n’ai jamais fait ou que je n’ai 48

jamais abordé sous cet angle. Par exemple, j’aime les rôles comiques, mais je cherche avant tout à ce qu’ils soient drôles de manière unique. Même pour mes rôles plus graves, j’ai toujours essayé d’aller vers des personnages un peu singuliers, plutôt que de m’enfermer dans des prestations romantiques qui seraient devenues répétitives. Le tout, c’est que ça me soit bénéfique à titre individuel, mais que ça le soit encore plus pour le spectateur, qu’il sorte de la salle de cinéma avec la satisfaction d’avoir vu quelque chose de nouveau et de frais.

B&C : DEPUIS QUELQUES ANNÉES, LE CINÉMA MALAYALAM A UNE PLUS GRANDE VISIBILITÉ À ÉCHELLE INTERNATIONALE, QUI EST ARRIVÉE AVEC L’ÉMERGENCE D’UNE NOUVELLE GÉNÉRATION D’ACTEURS. VOUS APPARTENEZ À CETTE GÉNÉRATION AVEC NOTAMMENT PARVATHY, DULQUER SALMAAN OU ENCORE NAZRIYA NAZIM. AVEZ-VOUS LE SENTIMENT DE PORTER UNE RESPONSABILITÉ DANS LA MANIÈRE DONT VOUS REPRÉSENTEZ VOTRE CINÉMA SUR LE PLAN MONDIAL ? N.P. : Je suis content de voir l’impact international de notre cinéma. Vous savez, on fait d’abord des films pour le public du Kerala, c’est la manière dont fonctionne le cinéma en Inde. Il s’adresse à une audience locale,


régionale. Mais aujourd’hui, on fait de plus en plus de films qui seront susceptibles de toucher un plus large public, et je crois qu’il y a cette prise de conscience qui nous permet d’exporter notre travail.

B&C : ON VOUS A RETROUVÉ À L’AFFICHE DE PLUSIEURS FILMS AVEC L’ACTEUR AJU VARGHESE. PARTAGEZ-VOUS UN LIEN SPÉCIAL AVEC LUI ? N.P. : On a été à l’école ensemble ! Et puis, on s’est retrouvés sur le tournage de Malarvaadi Arts Club, qui a changé notre vie. Et depuis, lui comme moi avons fait du chemin. Mais je crois qu’on a toujours été à l’aise l’un avec l’autre. On se soutient beaucoup. Si j’oublie mes répliques, il va m’aider et inversement. Je pense qu’on se complète plutôt bien, ce qui explique qu’à l’écran, le public le ressente et que ça fonctionne.

B&C : DEPUIS VOS DÉBUTS, VOUS AVEZ TOUCHÉ À UNE MULTITUDE DE GENRES ET DE THÉMATIQUES. AUJOURD’HUI, DE QUOI AVEZVOUS ENVIE ? Y A-T-IL UN REGISTRE OU UN RÔLE QUI VOUS FASSE RÊVER ? N.P. : J’adorerais jouer un méchant !

B&C : VOUS AVEZ UN EXEMPLE EN TÊTE ? UN RÔLE DE MÉCHANT QUE VOUS AURIEZ AIMÉ TENIR ? N.P. : Le Joker ! (rires) Ça n’existe pas encore en Inde mais si un projet intéressant arrive avec un tel rôle, j’aimerais beaucoup le faire.

Et puis, il ne faut pas qu’on reste dans le cliché du méchant. Il faut que ce soit bien écrit, et que ça sorte des cases. Je n’attends que ça !

B&C : ENFIN, AURIEZ-VOUS UN MOT POUR RÉSUMER VOTRE PARCOURS ? N.P. : La gratitude. Ça fait 10 ans que je fais ce métier, je suis juste heureux et reconnaissant envers les gens qui m’ont soutenu et qui me permettent de le pratiquer avec autant de passion.

Je me sens aussi béni d’avoir pu travailler avec de si grands réalisateurs, et d’avoir reçu de si bons films dans ma carrière.

S’en est suivie une session plus enlevée de questions-réponses : le this or that. Un jeu des dilemmes qui a beaucoup amusé notre interlocuteur... Et nous avec !

VOTRE PERSONNAGE PRÉFÉRÉ Vinod de Thattathin Marayathu ou George de Premam ? N.P. : (rires) C’est vraiment difficile, vous savez ! Vinod m’est très cher à titre personnel, c’est la première fois que je jouais un rôle romantique. Et George, c’est le rôle qui m’a donné de la visibilité au-delà de l’industrie malayalam. Du coup, je ne peux pas choisir ! (rires) > 49



Kuttan de Bangalore Days ou Giri de Ohm Shanthi Oshaana ? N.P. : Kuttan de Bangalore Days. J’adore ce film.

VOTRE RÉALISATEUR PRÉFÉRÉ Vineeth Sreenivasan ou Alphonse Putharen ?

N.P. : Vous avez d’autres options ? (rires) Dulquer Salmaan ou Prithviraj ? N.P. : Je suis plus proche de Dulquer.

VOTRE SUPERSTAR PRÉFÉRÉE Mohanlal ou Mammootty ?

N.P. : (rires) C’est le même problème que pour la première question ! Vineeth est celui qui m’a donné ma chance. Alphonse m’a quant à lui toujours encouragé. L’un a été mon mentor tandis que l’autre a été mon ami fidèle. Comment choisir ? (rires)

N.P. : J’étais un grand fan de Mammootty quand j’étais à l’école. Mais j’ai eu la chance de tourner avec Mohanlal. Ce sont deux légendes, mais chacune à leur manière. J’ai adoré travailler avec Mohanlal et j’attends avec impatience l’opportunité de collaborer avec Mammootty.

Geetu Mohandas ou Anjali Menon ?

VOTRE DÉBUT PRÉFÉRÉ

N.P. : (rires) Travailler avec Geetu a été une expérience mémorable pour moi. J’ai aussi beaucoup aimé tourner avec Anjali, mais Moothon reste un projet spécial dans ma carrière. Rajesh Pillai ou Aashiq Abu ? N.P. : Rajesh Pillai, parce qu’on partageait quelque chose de très spécial. Il n’est plus avec nous désormais (Rajesh est décédé en 2016, ndlr) mais c’était l’un des meilleurs réalisateurs de notre pays.

VOTRE PARTENAIRE PRÉFÉRÉ À L’ÉCRAN ? Vous avez quelqu’un en tête ou vous préférez que je lance les dilemmes ?

Malarvaadi Arts Club (votre premier film) or Neram (votre premier projet en langue tamoule) ? N.P. : Je choisis Malarvaadi Arts Club. Ce film, c’est le début de tout.

VOTRE DAPPANKUTHU PRÉFÉRÉ “Pistah” de Neram ou “Rockankutthu” de Premam ? N.P. : “Pistah” ! (rires) C’est juste “Pistah” ! Évidemment !

VOTRE CHANSON ROMANTIQUE PRÉFÉRÉE “Anuraagathin Velayil” de Thattathin Marayathu ou “Malare” de Premam ?

N.P. : Je choisis les dilemmes ! (rires)

N.P. : “Malare” de Premam, sans hésitation.

Nazriya Nazim ou Isha Talwar ?

ET ENFIN, VOTRE RÔLE LE PLUS COMPLEXE

N.P. : C’est dur de choisir. Surtout entre mes partenaires féminines. Je ne voudrais pas les offenser ! (rires) B&C : Elles ne le sauront jamais, on va traduire tout ça en français, voyons ! (rires)

Biju Paulose de Action Hero Biju ou Akbar Bhai de Moothon ? N.P. : Akbar de Moothon. 51


E N A C T I O N L ’ A V E N T U R E B O L LY & C O # 4

La première interview MOTS PAR ASM AE BENM ANSOUR

JE NE SUIS PAS JOURNALISTE. MON PARCOURS POST-BAC N’A D’AILLEURS RIEN À VOIR AVEC CET UNIVERS. DU MOINS SUR LE PAPIER. C’est pourquoi j’ai toujours investi Bolly&Co comme un hobby assez confidentiel. J’en parle alors peu autour de moi, sauf à ceux de mon entourage dont je sais qu’ils seront ouverts et intéressés. Et pour être honnête, à l’époque, ils n’étaient pas nombreux. Bolly&Co a été nourri pendant 6 ans sur le net. Pas de rencontre physique, quelques coups de téléphone timides, rien de plus. Le projet est né et a pris forme sur Skyblog et Facebook exclusivement. Et ça m’allait très bien ! C’était confortable, en un sens. J’étais investie, bien entendu ! Écrire entre 15 et 20 articles par numéro, c’est du boulot ! Et encore, je n’ai jamais eu à me charger de l’aspect visuel, qui représente un effort dantesque. En cela, Elodie est vraiment une héroïne pour moi.

Car fortes de notre première expérience de terrain à l’occasion des IIFA Awards de Madrid, Elodie, Fatima-Zahra et moi-même avions convenues qu’il était grand temps de nous inscrire davantage sur le terrain. Et ça tombait bien, puisque le Festival du Film d’Asie du Sud de Paris nous sollicitait en tant que partenaire média à l’occasion de sa quatrième édition ! Le deal ? Parler du festival à nos lecteurs, communiquer un maximum autour de l’évènement et des films projetés pour leur donner une plus grande visibilité. Et en échange, on assiste aux séances gratuitement, et on a même la possibilité de nous entretenir avec les personnalités invitées... Quand on nous annonce ça, les filles et moi sommes surexcitées !

D’AUTANT QUE NOUS APPRENONS TRÈS VITE QUE MAIS BOLLY&CO NE SE FAISAIT L’INVITÉ D’HONNEUR DE PAS VRAIMENT REMARQUER CETTE QUATRIÈME ÉDITION DANS MA QUOTIDIENNETÉ. SERA NUL AUTRE QUE MANOJ IL SE CACHAIT DANS MON BAJPAYEE... ORDINATEUR. JUSQU’À CETTE Ah, Manoj Bajpayee ! Satya, Shool, Swami, FAMEUSE ANNÉE 2016. 52


Zubeidaa, Veer Zaara et même le film télougou Happy ! J’ai toujours beaucoup aimé cet acteur, qui est pour moi de la même trempe que Irrfan Khan, Pankaj Kapur ou encore Naseeruddin Shah.

J’ENVISAGE DONC LA PERSPECTIVE DE LE RENCONTRER AVEC ÉNORMÉMENT D’ENTRAIN ! Elodie vivait encore dans le sud de la France, et Fatima-Zahra était domiciliée au Maroc. Nous l’avions donc décidé en équipe : je couvrirai seule la majeure partie de ce premier festival de terrain. Elodie viendrait quant à elle me prêter main forte à l’occasion d’un aller-retour express de deux jours, entre deux trains de sept heures... Pourtant, si l’équipe du festival nous a parlé de la possibilité d’une interview, celle-ci ne nous a été confirmée que le matin même de la cérémonie d’ouverture ! Je prépare en urgence une série de questions, bien que je n’aie jamais eu l’occasion de tester mon niveau d’anglais en situation.

J’ESSAIE ALORS DE MASQUER UNE CHOSE ÉVIDENTE : JE SUIS MORTE DE TROUILLE ! Plus l’heure de la rencontre approche, plus j’angoisse. Et si je bégayais ? Et si je ne comprenais rien à ses réponses ? Et si je mettais en échec cette opportunité unique ? J’avais effectivement le sentiment de porter sur mes épaules un enjeu conséquent : celui de donner une légitimité à notre magazine. Et cette fois, il ne s’agissait pas de se comporter en fan éclairée, mais en véritable journaliste. Poser des questions pertinentes, rebondir sur les réponses de la personne interviewée, rendre le tout intéressant pour le lecteur... Bref, j’étais convaincue de ne pas savoir faire ça !

Après une brève crise de panique, je me rends au cinéma L’Arlequin pour la cérémonie d’ouverture. À l’occasion du cocktail qui précède la projection, il y a du monde. Et lorsque Manoj Bajpayee fait son entrée, tous se pressent pour lui serrer la main, lui adresser quelques mots ou prendre un selfie avec lui. Je les laisse faire, consciente que j’aurai le privilège de m’entretenir avec lui dans quelques minutes. Lorsque le public entre dans la grande salle de cinéma pour découvrir le film d’ouverture, Aligarh, l’équipe du cinéma vient me chercher pour m’avertir que Manoj est prêt pour son interview... Je prends une profonde respiration et m’approche du lieu de l’entrevue. Manoj est là, chaleureux et souriant. Je sors spontanément : « Je suis désolée, je suis très impressionnée ! ». Il me met à l’aise et l’interview commence. Pas de bug, ni d’oubli. Je m’autorise même à approfondir les questions initialement écrites. Manoj me livre quelques anecdotes, et j’ai aussi l’occasion de comprendre un peu plus sa sensibilité d’acteur... Pour la cinéphile que je suis, c’est un bonheur !

DEPUIS CE JOUR, J’AI MULTIPLIÉ LES EXPÉRIENCES DU GENRE, ENTRE ADIL HUSSAIN ET SID SRIRAM, EN PASSANT PAR KALKI KOECHLIN ET SHWETA TRIPATHI... Bref, que de rêves concrétisés depuis cette fois où je me suis jetée dans le grand bain, pleine de doutes mais portée par mon irrépressible passion. Et c’est ce que cette interview m’aura appris avant tout : à prendre des risques !

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NOUVEL ESPOIR SHANE NIGAM


NOUVEL ES P O I R

SHANE NIGAM, L’ENFANT TERRIBLE. M OTS PA R AS M A E B E NMAN SO UR P H OTO G RA P H I E D U FI LM ULLASAM

SI VOUS NE VOUS INTÉRESSEZ QU’À BOLLYWOOD, IL Y A DE FORTES CHANCES QUE SHANE NIGAM NE VOUS DISE ABSOLUMENT RIEN ! En revanche, si votre appétence pour le cinéma indien se porte également sur les industries dravidiennes, il se peut que vous ayez lu beaucoup de choses le concernant. Car Shane est effectivement l’une des stars montantes de l’industrie malayalam. Il nous était donc impossible de passer à côté du phénomène !

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U n pi ed aprè s l’a u t re .

Fils du comédien et imitateur Kalabhavan Abi, Shane voit le jour le 21 décembre 1995 à Cochin, dans le sud du Kerala. Le jeune garçon est encore écolier lorsqu’il fait ses premiers pas à la télévision. D’abord avec des petites apparitions dans des séries malayalam en 2005 et une participation à un concours de danse télévisé, Super Dancer Junior, deux ans plus tard. De 2008 à 2010, il tient un rôle important dans la série pour enfants Hello Kuttichathan.

SHANE FAIT ENSUITE DE LA FIGURATION DANS DEUX FILMS EN 2010, ALORS QU’IL A SEULEMENT 15 ANS : THANTHONNI ET ANWAR, TOUS DEUX FACE À LA STAR LOCALE PRITHVIRAJ. Il est âgé de 17 ans lorsqu’il étoffe ses compétences en travaillant sur trois courts-métrages, qu’il dirige et édite en plus d’y jouer : Matinee, Kadalum Phonum Teenegerum et Chiri.

Peti ts p a s c hez l e s g ra n d s .

En 2013, Shane est d’abord à l’affiche de Neelakasham Pachakadal Chuvanna Bhoomi, un road movie de Sameer Thahir inspiré du film argentin Carnets de Voyage, et ce pour un personnage relativement anecdotique. Shane trace ainsi son sillage doucement mais sûrement. Chaque expérience est bonne à prendre et lui

permet surtout d’étoffer son carnet d’adresse en plus de son jeu d’acteur.

C’EST D’AILLEURS SON RÔLE SECONDAIRE DANS LE DRAME ROMANTIQUE ANNAYUM RASOOLUM, SORTI LA MÊME ANNÉE, QUI LUI PERMET DE SE FAIRE REMARQUER. Il y incarne effectivement Kunjumon, le frère cadet d’Anna, personnage principal tenu par Andrea Jeremiah. Ce projet lui donne d’ailleurs des idées, allant jusqu’à questionner sa vocation d’acteur. « Je voulais être

directeur de la photographie comme mon mentor Rajeev Ravi, qui m’a lancé. » Car effectivement, c’est Rajeev (réalisateur de l’oeuvre mais aussi chef opérateur reconnu à Mollywood) qui lui donne réellement sa chance avec ce métrage.

UN AN PLUS TARD, IL EST AU CASTING DE BALYAKALASAKHI, UN DRAME ROMANTIQUE DANS LEQUEL FIGURE ÉGALEMENT LE GRAND MAMMOOTTY. Il faut ensuite attendre 2016 pour retrouver Shane dans Kammatipaadam, cette foisci face au fils de Mammootty : Dulquer Salmaan. Ce projet lui donne toutefois une place majeure dans la narration et lui permet de faire montre d’un potentiel alors inexploité. Le film signe également sa seconde collaboration avec Rajeev Ravi. Cependant, Shane n’est pas obsédé par la place qu’il tient sur la pellicule et a d’autres préoccupations. « Sincèrement, je choisis mes films sur la

base de leur script. Pour moi, l’histoire est plus importante que l’héroïsme ou les éléments commerciaux >

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comme les chansons, les danses et les bagarres. » Plus tard, c’est avec Kismath,

également sorti en 2016, qu’il signe son premier rôle principal pour cette romance contrariée inspirée de faits réels. Produite par Rajeev Ravi, elle donne l’occasion à Shane de prendre conscience du chemin parcouru. « Chacune de mes expériences était

nouvelle pour moi. Pour Annayum Rasoolum, je ne me suis pas du tout préparé pour le rôle. Pour Kammatipaadam, Rajeev m’a juste appelé pour me parler du personnage et me demander si je voulais le jouer. C’était très informel. Les rôles que j’ai tenu jusque-là étaient tous très variés. Irfan dans Kismath est lui aussi très différent. »

CETTE PRESTATION LUI VAUT AU PASSAGE SES PREMIÈRES DISTINCTIONS, EN L’OCCURRENCE L’ASIAVISION AWARD DE LA SENSATION MASCULINE ET LE SIIMA AWARD DU MEILLEUR ESPOIR MASCULIN. Cela dit, Shane garde les pieds sur terre et poursuit ses études d’ingénieur à Cochin. Son souhait initial de devenir chef opérateur reste au demeurant dans un coin de sa tête. Pour Parava, il est dirigé par un certain Soubin Shaheer et incarne une vedette du cricket avec une incroyable aisance. Nous sommes en 2017, et Shane tape clairement dans l’oeil du public comme de la critique, recevant deux nouveaux trophées pour sa performance : le Yuva Award de la Star Montante ainsi que son second SIIMA Award, cette fois dans la catégorie du Meilleur Second Rôle Masculin. 58

La même année, il a le privilège de collaborer avec deux des grandes dames du cinéma dravidien avec la production C/O Saira Banu : Amala Akkineni et Manju Warrier. Hélas, l’année 2017 se termine tragiquement pour Shane, puisqu’il fait face à la mort de son père Abi, décédé des suites d’un cancer qu’il combattait depuis plusieurs mois. Un deuil que le jeune homme a dû entamer tout en gérant sa carrière ascendante. « Il me

manque chaque jour. J’ai le sentiment qu’il est avec moi à chaque instant, même en ce moment. » Hélas, Abi ne verra jamais la carrière de son fils exploser...

À p as d e g éant s.

L’ANNÉE SUIVANTE, SHANE NE LIVRE QU’UNE SEULE SORTIE, MAIS PAS DES MOINDRES ! En effet, il campe dans Eeda l’incarnation moderne et réaliste de l’amant Roméo, prêt à toutes les folies pour vivre auprès de sa Juliette. D’ailleurs, ce qui marque dans le film, c’est la maturité des héros, qui ne sont jamais centrés sur eux-mêmes, conscients des conséquences de leur relation sur leur entourage. En plus de mettre toute l’industrie d’accord sur son jeu sans faille, Shane recevra l’Asianet Award du Meilleur Duo, saluant la touchante complicité qui l’unit à sa partenaire à l’écran Nimisha Sajayan.

À L’AFFICHE DE QUATRE PROJETS EN 2019, L’ACTEUR DÉBUTE L’ANNÉE AVEC UN RÔLE FORT QUI NOUS


NOUS SURPREND AU SERVICE DE ISHQ, UN FILM QUI VIENT INCARNER LA NOTION DE MÂLE DOMINANT POUR MIEUX LA DÉCONSTRUIRE. Et alors que la saison des cérémonies de récompenses débute à peine, Shane est déjà sacré Meilleur Acteur lors des Behindwoods Gold Medals. Ce rôle lui tient à coeur parce qu’il lui permet de porter un film sur ses épaules. Mais surtout, il lui offre un récit des plus complexes à défendre. « C’est une

histoire d’amour, d’ego, d’échec et de rédemption. C’est comme ça que je la vois. Ce n’est pas une romance classique car le traitement de la relation entre les deux héros est très particulier. »

Avec Kumbalangi Nights, il repousse ses limites en incarnant un jeune homme désabusé, qui intériorise la souffrance d’avoir perdu ses deux figures parentales. Tout est en mesure et en subtilité dans sa performance. Ce projet lui donne aussi l’opportunité de retrouver Soubin Shaheer, cette fois face à la caméra puisque ce dernier y incarne son frère ainé. Il avoue surtout que ce métrage lui a donné une nouvelle visibilité. « Après le succès

du film, de plus en plus de gens ont commencé à me reconnaître. »

POURTANT, SHANE SE SENT MAL. Il est si investi dans l’appropriation de ses personnages qu’il se perd et admet avoir >

A NN A B E N E T S H A N E N I G A M DAN S LE FI LM K U M BA L A N G I N I G H T S (2019 ) 59


traversé une crise identitaire pesante. « Je ne

PHOTOGRAPHIE DU FILM VALIYAPERUNNAL ( 201 9)

savais plus qui j’étais. [...] Peut-être que c’était ma période noire, une période de six mois durant laquelle Dieu ne m’a pas montré la lumière dont j’avais besoin. C’était difficile. Je pense qu’on peut parler de dépression. »

ON LE RETROUVE ENSUITE DANS LE FILM FANTASTIQUE OOLU, UN PROJET AUDACIEUX QUI NE TROUVERA MALHEUREUSEMENT PAS SON PUBLIC. Ce métrage représente toutefois une chance pour lui de travailler avec l’un des cinéastes les plus fascinants de Mollywood : Shaji N. Karun, lauréat d’une mention spéciale au Festival de Cannes en 1989 pour son métrage Pirava. Il conclut l’année avec le délirant Valiyaperunnal, dans lequel il campe un personnage rétro en quête d’argent au coeur d’une ville portuaire. Et si le résultat n’est pas aussi appliqué que Kumbalangi Nights, on ressent chez l’acteur une volonté de sortir des clichés narratifs pour nous livrer des personnages authentiques, auxquels le spectateur va viscéralement s’attacher.

Mise à pi e d ?

APRÈS UNE ANNÉE 2019 TRIOMPHALE QUI LUI A CLAIREMENT PERMIS DE S’IMPOSER COMME L’UNE DES VEDETTES LES PLUS PROMETTEUSES DU CINÉMA 60

MALAYALAM, SHANE NIGAM FAIT FACE À UN SCANDALE. Il est effectivement accusé par plusieurs producteurs de ne pas avoir rempli ses engagements. La source du problème ? Une coupe de cheveux ! Alors qu’il enchaîne deux tournages, l’acteur aurait pris la liberté de changer de coiffure sans avoir consulté les cinéastes des métrages concernés. Pour eux, c’est la catastrophe puisqu’avec cette fantaisie capillaire, Shane compromet la suite des tournages ! Le comédien se défend en affirmant qu’aucune mention n’était faite de l’obligation de maintenir une certaine coupe de cheveux dans son contrat. Plus tard, il accuse les producteurs d’avoir menacé de mort sa mère.


MAIS L’INCIDENT PREND DES PROPORTIONS DANTESQUES LORSQUE SHANE INSULTE LES RÉALISATEURS. « Ce sont des malades mentaux ! » Dès lors, l’Association des Producteurs de Films du Kerala (Kerala Film Producers Association en anglais) se saisit du dossier et gèle trois de ses projets : Veyil, Ullasam et Qurbaani. Lorsque la décision tombe, c’est la stupeur pour le comédien. « Je me suis rendu

à l’association pour leur expliquer la situation. Ils m’ont dit depuis plusieurs jours de ne pas répondre aux médias et de supprimer mon compte Instagram. [...] Ils m’ont surtout rassuré, me disant de ne pas m’en faire et qu’ils n’avaient aucune intention de me bannir. Je ne sais donc pas quoi faire ni à qui m’adresser face à cette décision soudaine . » L’association assure s’être prononcée en connaissance de cause, dénonçant le comportement présumé non professionnel de Shane. « Pour le

tournage de Veyil, il n’est arrivé à l’heure que deux ou trois fois. Les autres jours, soit il disparaissait complètement, soit il refusait de sortir de son van, se disputant avec l’équipe et perturbant ainsi le bon déroulement du tournage. »

FINALEMENT, FACE AU DÉFERLEMENT DE HAINE DONT IL FAIT L’OBJET, LE JEUNE HOMME CAPITULE ET PRÉSENTE DES EXCUSES PUBLIQUES EN FIN D’ANNÉE 2019. « Je tiens à m’excuser si mes mots ont blessé qui que ce soit . » L’effet est immédiat car début janvier 2020, le projet Ullasam est

remis en marche, pour lequel Shane doit démarrer le travail de post-production. Pour autant, l’acteur refuse de remplir ses obligations, affirmant qu’il n’a pas été payé. Ce qui n’empêche pas la sortie du projet d’être confirmée pour le mois de mars 2020. La superstar locale Mohanlal dévoile par ailleurs l’affiche de Ullasam sur ses réseaux sociaux. De plus, Jeevan Jojo, le réalisateur du film, affirme n’avoir rencontré aucune difficulté avec Shane sur son métrage. “C’est un acteur exceptionnel. Après

qu’il ait terminé le doublage du film, tout le monde était ravi. ” À quelques

semaines de la sortie de l’oeuvre, le cinéaste ne tarit pas d’éloges sur le jeune homme. “Il

arrive sur le tournage totalement prêt et connaît le script sur le bout des doigts. Il travaille à sa manière. Si la première prise est bonne, il est tout de même ouvert à l’idée d’en faire une deuxième. C’est un performeur inimitable. ”

L’AVENIR DE SHANE EST DONC INCERTAIN. On n’en sait effectivement pas plus sur la suite donnée aux films Veyil et Qurbaani, toujours mis en suspens suite à l’affaire. Aussi, il devait tourner avec le réalisateur Khalid Rahman mais au regard des récents incidents, le projet a été annulé. Cela dit, Shane a le potentiel de signer de nouveaux métrages tant, en seulement une année, il est parvenu à se mettre le grand public et la critique cinématographique dans la poche. D’ailleurs, le comédien ose verbaliser ses collaborations idylliques. « Je rêve de

travailler avec Imtiaz Ali, Mani Ratnam, Selvaraghavan et S. Shankar. »

C’EST TOUT LE MAL QU’ON LUI SOUHAITE... 61


eeda NOUVEL ES P O I R

eeda MOTS PA R ASMA E BEN M ANSOUR

Anand (Shane Nigam) et Aishwarya (Nimisha Sajayan) viennent de deux familles rivales en politique. Pourtant, les jeunes gens tombent amoureux, ce qui leur cause rapidement des problèmes...

L’HISTOIRE D’AMOUR CONTRARIÉE, RELECTURE INDIENNE DE ROMÉO ET JULIETTE, OEUVRE INTEMPORELLE DE SHAKESPEARE... ON CONNAÎT ! Je cite quoi ? Ishaqzaade ? Goliyon Ki Raasleela - Ram Leela ? Issaq ? Qayamat Se Qayamat Tak ? Le cinéma indien a déployé la pièce britannique à toutes les sauces, de la fresque intense à l’appropriation rustique, en passant par la version mielleuse. En gros, je n’attends plus rien d’une relecture locale de ce grand classique...

SAUF QUAND IL S’AGIT DE CINÉMA MALAYALAM. Parce que l’industrie kéralaise a cette faculté 62

à instaurer des ambiances singulières et à donner un souffle unique à des histoires sur le papier vues et revues. Des films comme Thattathin Marayathu (2012), Mayaanadhi (2017) ou encore Koode (2018) en sont les parfaites illustrations. Et puis, le casting est des plus prometteurs. Il y a le jeune Shane Nigam, qui brillait dans les plus récentes sorties Kumbalangi Nights (dont je vous laisse le plaisir de découvrir la critique dans cette édition de Bolly&Co) et Ishq (dont l’avis d’Elodie est disponible dans notre précédente parution). Face à lui, il y a la fantastique Nimisha Sajayan, qui m’avait particulièrement marquée dans Thondimuthalum Driksakshiyum en 2017, aux côtés du démentiel Fahadh Faasil.

DEUX ACTEURS DE TALENT ASSOCIÉS DANS UN DRAME ROMANTIQUE MALAYALAM ? VOUS AVEZ TROUVÉ LA RECETTE DE MON BONHEUR, À CE QUE JE VOIS ! Cela dit, Eeda s’est révélé différent de ce que j’en attendais. Et peut-être que ce n’est pas une mauvaise chose...


LE FILM A CETTE VOLONTÉ DE NE PAS NOUS ENCLAVER DANS L’HISTOIRE D’AMOUR ENTRE ANAND ET AISHWARYA. On sait qu’ils s’aiment et que leur relation est compromise par l’opposition entre leurs familles. Mais la narration ne se limite pas à l’exploration de cette romance. Eeda a une approche contextuelle de son histoire et illustre les conséquences de cet amour interdit sur l’environnement des deux héros. C’est déroutant, un peu étrange au début, mais cruellement percutant. Et c’est surtout porté par deux comédiens formidables. Les concernant, j’étais sûre d’être conquise, et je ne m’y suis pas trompée !

Il faut d’abord que l’on parle de Shane Nigam, qui fait l’objet de notre rubrique Nouvel Espoir, et à très juste titre ! Dans cet essai périlleux, le jeune comédien m’a d’autant plus surprise qu’il s’éloigne radicalement de ses prestations déjà très riches dans Kumbalangi Nights et Ishq. Ici, il y a quelque chose dans son jeu qui me fait beaucoup penser à Vicky Kaushal, en l’occurrence dans ses rôles pour Masaan et The Mumbai Murders, deux performances pourtant très différentes. Chez l’un, j’ai retrouvé la tendresse, la sincérité et la foi en l’amour véritable. Chez l’autre, j’ai vu la hargne et une profonde noirceur, notamment inhérente au contexte dramatique dans lequel le héros se trouve. >



DE SON CÔTÉ, NIMISHA SAJAYAN JOUE BEAUCOUP AVEC SON REGARD. L’actrice d’à peine 22 ans alors déploie la complexité de son jeu en Juliette des temps modernes, à la fois indépendante et torturée. Elle m’a surtout frappée dans la maturité de son interprétation, entre grande vulnérabilité et véritable élan. Nimisha capte le regard du spectateur à chacune de ses apparitions, sans avoir même besoin de prononcer le moindre mot.

CHEZ ELLE, LE JEU PASSE AUSSI PAR LE LANGAGE NONVERBAL... À CE NIVEAULÀ DE PERTINENCE, C’EST DU GÉNIE ! Eeda est techniquement captivant, le réalisateur débutant B. Ajithkumar (qui n’a rien à voir avec la star tamoule du - presque - même nom) instaure une atmosphère très pesante à son film. Au même titre qu’Anand et Aishwarya, on ressent le cloisonnement, la peur et l’angoisse de cet environnement sociétal qui ne donne aucune chance à leur amour. On sent le cinéaste à l’aise avec les images à la manière dont il joue avec pour mieux torturer notre psyché. Monteur reconnu au Kerala, il assemble les plans de Eeda avec une telle dextérité qu’on oublie presque qu’on est devant un film. La barrière que représente

l’écran de télévision s’évanouit et on a l’impression d’être nous aussi à Kannur, au nord de la région de Malabar.

L’ANGLE ADOPTÉ PAR B. AJITHKUMAR EST TRÈS SINGULIER. En effet, ici, Roméo et Juliette ne sont pas dans leur bulle. Ils voient bien plus loin que leurs sentiments et sont pleinement conscients des conséquences de leur amour sur leur entourage. Ils ne font pas fi du contexte mais y réagissent en priorité, faisant presque passer ce qu’ils éprouvent au second plan. Eeda nous cueille par sa sincérité autant que par sa sagacité. Il nous saisit aussi par ses multiples facettes dans l’appropriation qui y est faite de Roméo et Juliette car finalement, il n’en reste que la colonne vertébrale. Le reste est profondément lié au travail créatif du cinéaste et de son équipe. Ce niveau d’adaptation intelligente, je ne l’ai jusque-là vu (en Inde) que chez Vishal Bhardwaj.

En co ncl u si o n Eeda est une expérience cinématique qu’il faut vivre plutôt que de la penser. Parce qu’au final, même si les adaptations de Shakespeare existent probablement par centaines, ce métrage est parvenu à y apporter de l’identité et de l’âme. Et en plus, Shane et Nimisha y sont de vrais prodiges, alors pourquoi se priver ?

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C RIT I Q U E : LAM H E

fan tas tiki ndi a P R E M I E R P O R TA I L W E B F R A N C O P H O N E SUR LE CINÉMA INDIEN Fantastikindia est une association portée par la passion de ses membres, dont l'objectif est la promotion du cinéma indien sous toutes ses formes et dans toute sa variété du Nord au Sud.

WWW.FANTASTIKINDIA.FR 66


CINÉMA DU NORD AU SUD


CINÉMA DERRIÈRE LA CAMÉRA

LE SAVIEZ-VOUS ? L’Inde et l’Italie sont les deux pays à utiliser le doublage en masse, non seulement pour rendre accessibles les films étrangers, mais aussi dans le cadre de leurs propres réalisations. Pour ce numéro spécial, en plus de s’intéresser au métier de doubleur, nous allons également vous expliquer ce phénomène ultra répandu et surexploité dans toutes les industries cinématographiques indiennes, de Bollywood à Mollywood...

Le doublage, indispensable. M OT S PAR ELO DI E HA MI DOV I C

KANGANA RANAUT DANS LE RÔLE D’UNE DOUBLEUSE DANS LE FILM JUDGEM ENTALL HAI KYA SORT I EN 201 9.


LE D OU B LAG E , E N QUE LQ U ES MOT S . . . Le doublage, c’est un procédé technique de post-production utilisé lors de la finalisation d’une vidéo pour reprendre la voix d’une personne, mais dans une autre langue. Cette technique est très utilisée sur les films étrangers (ou séries) pour toucher un public plus large. Toute une équipe travaille alors à reconstituer des dialogues qui collent aux expressions des personnages et au sens du texte original. Tout réalisateur (en tout cas celui qui en a les moyens) va forcément investir sur le doublage de son film pour faire connaitre son travail à un maximum de personnes.

SI DE NOS JOURS, LE DÉBAT VF (VERSION FRANÇAISE) OU VOSTFR (VERSION ORIGINALE SOUS-TITRÉE EN FRANÇAIS) EST TOUJOURS SOURCE DE CONFLITS CHEZ LES CINÉPHILES (POUR DES RAISONS ARTISTIQUES OU TECHNIQUES), LE DOUBLAGE RESTE TRÈS EN VOGUE, VOIRE PARFOIS NÉCESSAIRE. Même les plateformes digitales proposent des versions doublées en plus des versions sous-titrées afin de faire plaisir à tout le monde.

POU R DOU B L E R , I L FAU T U N DO U BL E U R . C’est un professionnel, un comédien qui va poser sa voix sur les projets qui lui seront attribués. Généralement, ce sont des personnes capables de transformer leur voix

et de travailler les mots sur différents tons. Le doubleur est éloquent, agréable, il correspond à la vision du réalisateur, et est en capacité de transmettre des émotions.

C’EST UN VÉRITABLE MÉTIER D’INTERPRÉTATION QUI DEMANDE BEAUCOUP DE TRAVAIL, DE RÉPÉTITION ET D’ÉNERGIE ! Puisqu’il doit incarner ses personnages, il est un comédien à part entière. Cependant, quand un doubleur se charge de plusieurs personnages (qui ne s’est pas déjà retrouvé à se dire : tiens, je connais cette voix...), cela peut s’avérer déstabilisant, mais les doubleurs professionnels sauront modifier leur façon de parler et s’adapter à chaque rôle selon les besoins.

LÀ OÙ LE DOUBLEUR SE FERA LE PLUS PLAISIR, C’EST SURTOUT DANS LE DOMAINE DE L’ANIMATION OU DU JEU VIDÉO. C’est beaucoup plus libre que le doublage d’un film avec des personnes réels dont la voix doit surtout coller à ce que l’acteur à l’écran dégage. Aussi, il n’est pas rare que des célébrités soient sollicitées pour faire les voix de personnages animés, et ce dans le but d’atteindre une fanbase plus importante. C’est ce qu’on appelle dans le milieu le « star talent » (prononcez en anglais). Et hélas, ce n’est pas toujours une réussite ! Le métier de doubleur ne consiste pas uniquement à répéter des dialogues devant un écran ! Encore une fois, c’est un vrai travail d’interprétation et d’intonation. En Inde par exemple, pour Le Roi Lion, c’est Shahrukh Khan et son fils Aryan qui ont prêté leur voix à Simba et son père. Le métrage a rencontré un franc succès, bien plus même > 69


que dans d’autres pays (comme en France par exemple, où c’est Rayane Bensetti qui a été sollicité pour Simba). On pense aussi à Aishwarya Rai Bachchan qui prête son timbre à Angelina Jolie dans Maléfique ou encore à Priyanka Chopra Jonas et sa cousine Parineeti Chopra pour la version hindi de La Reine des Neiges 2. Preuve que l’Inde a vraiment une relation particulière avec le doublage, et c’est ce que nous allons essayer de vous expliquer plus en détails...

L’ IN D E E T SO N A MO U R POU R LE DO U BL AG E Vous l’avez compris, l’Inde filme puis enregistre le son ultérieurement. Les dialogues, les chansons et même l’ambiance, tout est refait dans un studio.

LE POINT DE DÉPART DU DOUBLAGE ? PEUT-ÊTRE BIEN LA MUSIQUE ! Car au tout début, un acteur devait jouer, danser, chanter et le doublage n’existait pas encore complètement. Cette polyvalence est devenue de plus en plus difficile à trouver. Avec l’âge d’or, les réalisateurs ont fait appel à des chanteurs comme les légendaires Lata Mangeshkar, Asha Bhosle, Mohammed Rafi ou encore Kishore Kumar. Ces voix-là ont d’ailleurs plus de succès que celles des acteurs. La musique prend de nouvelles proportions et bien avant notre génération (qui associe Sonu Nigam à Salman Khan et Udit Narayan à Shahrukh Khan), Kishore Kumar était lié à Dev Anand et Mohammed Rafi à Dilip Kumar. Évidemment, le doublage est allé plus loin avec le temps, dépassant le domaine musical pour s’appliquer aux dialogues. Depuis très longtemps, les acteurs doivent ré-enregistrer leurs textes pour une meilleure qualité 70

auditive et en faisant attention à ce que cela corresponde aux mouvements de leurs lèvres. C’est ce qu’on appelle aussi la postsynchronisation. Pour ceux qui passaient d’une industrie à une autre, ils devaient alors apprendre la langue obligatoirement et à un niveau plus que correct. Ainsi Savithri, Padmini, Vyjayanthimala ou encore Sridevi ont su charmer les différents publics indiens grâce à leur maîtrise parfaite des langues régionales.

DANS LES ANNÉES 1980 ET 1990, IL Y A COMME UN CHANGEMENT MAJEUR ET LES VOIX SE TRANSFORMENT. Des acteurs et actrices se font doubler par d’autres, la pratique se répand même dans tout le pays. À l’heure actuelle, on peut trouver ça extrêmement particulier et presque insultant pour les acteurs. Il faudra attendre le début des années 2000 pour que certains métrages à gros budgets s’essayent à des tournages dont l’audio est enregistré sur place. Impossible alors de ne pas trouver le jeu des acteurs beaucoup plus agréable et naturel. Par exemple, Kal Ho Naa Ho est l’un des premiers films coûteux à s’essayer à la prise de son directe.

POURTANT, 20 ANS PLUS TARD, LE DOUBLAGE N’A PAS PERDU SA PLACE EN INDE. MAIS QU’EST-CE QUI EXPLIQUE CETTE PRATIQUE TOUJOURS D’ACTUALITÉ ET PLUS SOPHISTIQUÉE QUE JAMAIS ?


L ES D I F F É R E N T ES RAIS ONS D E CE T T E P RATIQ UE Le coût. Pendant de nombreuses années, les réalisateurs ne filmaient qu’avec une seule caméra et il faudra attendre la fin des années 1990 pour avoir des assistants qui capturent différents angles pour une seule et même scène. Le calcul est donc vite fait : il faut mettre plus d’argent dans l’image et réduire le coût sur l’audio. Aussi, le matériel nécessaire n’est pas investi car à l’extérieur, il n’existe pas de conditions parfaites pour un son impeccable. Les maisons de production voient également le doublage comme un gage de qualité. On peut travailler avec les voix, avec les scènes et offrir une expérience très propre et d’une certaine manière esthétique.

Le temps. Avec une industrie aussi active, les réalisateurs sont capables d’enchaîner les projets les uns après les autres, et ce avec des périodes de tournage très courtes. Il n’y a pas vraiment de surprise quand on découvre qu’un acteur peut être à l’affiche de 6 films la même année ! Le doublage permet clairement d’aller plus vite dans la mesure où si le son n’est pas bon, cela sera de toute manière repris en studio d’enregistrement. Sur place, c’est beaucoup plus compliqué et pour de multiples raisons : une météo capricieuse, les reprises des acteurs, une voiture qui passe au mauvais moment, quelqu’un qui rit au loin... La possibilité de corriger des erreurs ou de tout refaire,

donne de la marge et plus de facilité pour aller au bout d’une réalisation sans trop de complication.

Des stars actives dans plusieurs régions. Un autre aspect spécifique à l’Inde, c’est que le doublage peut aussi permettre à des acteurs et actrices de jongler d’une région à l’autre sans devoir apprendre la langue parfaitement. C’est également un avantage majeur pour un réalisateur qui veut une célébrité à son casting afin d’atteindre un public plus large. Pour éviter les accents et erreurs d’expression, l’équipe d’un film fera donc appel à un doubleur professionnel, ou a minima à une star de la région habituée à ce procédé. Il y a eu un vrai boom de cette pratique au début des années 2000 avec l’essor d’actrices de certaines régions (par exemple du Nord) qui ont conquis les coeurs d’autres localités dont elles ne parlaient absolument pas la langue !

GENELIA D’SOUZA, KAJAL AGGARWAL OU ENCORE KRITI KHARBANDA EN SONT DE PARFAITS EXEMPLES.

La bonne voix au bon personnage. Quand une star n’a pas le temps de doubler ses propres répliques ou que le réalisateur préfère utiliser >

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L ES D I F F É R E N T ES RAIS ONS D E CE T T E P RATIQ UE une autre voix (oui, oui), celui-ci peut faire appel à un doubleur professionnel ! La preuve avec le métrage Ghulam (dont nous vous proposons un triple avis dans ce numéro), pour lequel Mona Ghosh Shetty a prêté sa voix à Rani Mukherjee. L’actrice a expliqué que selon Vikram Bhatt, son timbre ne collait pas au personnage de Alisha. Perturbant, non ?

MAIS TRÈS COMMUN EN INDE ET PARFOIS POUR DES RAISONS DE COMPRÉHENSION ! Le tamoul, par exemple, est une langue qui nécessite une justesse dans la prononciation et même des actrices qui viennent du Tamil Nadu se retrouvent doublées par d’autres voix, plus précises. Trisha Krishnan, Shruti Hassan, Tamannaah Bhatia, Taapsee Pannu... Elles sont toutes passées par là.

A D ITI RAO H YDA R I E N REG I STRAN T SA VOI X PO U R L E F I L M TÉLO UG O U SA MMO H A N A M (2 0 18 ).

Un public national. L’un des plus aspects les plus répandus, c’est le doublage d’une langue à l’autre pour des sorties en salles simultanées dans toute l’Inde. Cela concerne essentiellement l’hindi, le tamoul et le télougou, même s’il n’est pas improbable de tomber sur des films doublés en malayalam ou en kannada, bien que ce soit beaucoup moins fréquent. Depuis quelques années d’ailleurs, il est aussi possible de découvrir des films américains doublés en punjabi, en bengali ou encore en bhojpuri. Il faut savoir que les versions doublées des films fonctionnent parfois bien plus que les versions originales ! Alors les réalisateurs foncent, et cela malgré des remakes de plus en plus présents dans toutes les industries...


L’AUT RE FACE T T E D U DO U B LAGE . . . Au début des années 2010, le regard de l’Inde vis-à-vis du doublage a quelque peu évolué. Si la pratique est, selon moi, devenue véritablement culturelle (l’Inde s’est vraiment approprié le doublage à sa sauce), certaines régions dont l’industrie du cinéma est plus petite, veulent éviter les films doublés.

SANDALWOOD, PAR EXEMPLE, SE BAT POUR ÉVITER DE PERDRE SON PUBLIC FACE À DES GROSSES MACHINES VENUES D’AILLEURS. Depuis 1962, il y avait un bannissement non officiel du procédé de doublage, avant qu’en 2015 cela ne soit officiellement révoqué ! Il y avait également cette problématique dans d’autres régions comme le Bengale, qui avait été très perturbé par la diffusion en simultanée d’une version hindi de Gunday et d’une autre, doublée en bengali ! À leurs yeux, il s’agissait clairement d’une concurrence déloyale qui pouvait mettre en péril leurs oeuvres originales.

3 ART IST ES D E DO U B LAGE À CON NAIT R E ! Vous vous en êtes sûrement rendus compte, ce sont surtout les actrices dont les voix changent régulièrement ! Il y a également beaucoup moins d’informations concernant les acteurs et peut-être bien qu’avec le public indien qui vénère ses héros, c’est plus compliqué pour un réalisateur de doubler un acteur très (trop ?) apprécié. C’est sans doute une question à soulever pour une prochaine fois, mais en attendant, voici trois doubleuses que vous devez connaître !

PHOTOGRAPHIE PAR C INESTAAN.COM

Mona Ghosh Shetty LANGUES PARLÉES : HINDI, BENGALI, ANGLAIS ET MARATHI. DOUBLEUSE DEPUIS 1983. Mona a longtemps été inspirée par sa mère Leela Roy Ghosh, qui était déjà une doubleuse de grande renommée dans le nord de l’Inde. Elle commence très jeune et maîtrise très vite les rouages du métier. Sa mère et elle fondent en 1992 Sound & Vision, qui sera chargé de doubler les films étrangers en hindi et dont Mona est aujourd’hui la présidente. Ce studio est le premier en 1993 à apporter Jurassic Park par exemple ou encore à doubler Die Hard - Une belle journée pour mourir en punjabi. > 73


P HOTOGRAPHIE PAR SILVERSC REEN.IN

De nos jours, Mona répond surtout présente pour remplacer les actrices qui manquent de temps pour compléter leur doublage, comme avec Alia Bhatt dans Student of the Year (2012) ou Kriti Sanon dans Arjun Patiala (2019).

CERTAINES ACTRICES QU’ELLE A DOUBLÉ : Nargis Fakhri (Rockstar, Banjo), Jacqueline Fernandez (Aladin, Race 2, Housefull 2, Murder 2), Katrina Kaif (De Dana Dan, Partner, Maine Pyaar Kyun Kiya, Humko Deewana Kar Gaye, Sarkar) mais aussi Deepika Padukone (Om Shanti Om, Kochadaiiyaan) et bien d’autres.

Savitha Reddy LANGUES PARLÉES : TAMOUL ET TÉLOUGOU. DOUBLEUSE DEPUIS 1992. Véritablement star du doublage dans le sud, Savitha a déjà remporté plusieurs fois le Tamil Nadu State Film Award de la Meilleure 74

Doubleuse ainsi que le Nandi Award de la Meilleure Doubleuse.

SA POPULARITÉ VIENT SURTOUT DE L’UN DE SES PREMIERS TRAVAUX : SA VOIX QU’ELLE PRÊTE À AISHWARYA RAI DANS LE FILM JEANS. Et comme elle a souvent été la voix des débuts de nombreuses actrices, Savitha a une liste impressionnante dans sa filmographie ! Depuis 2005, elle est à la tête d’Inlingua Bangalore, une sous-branche indienne de Bern Switzerland, afin de faciliter l’apprentissage des langues à la fois du pays et du monde entier...

LES CÉLÉBRITÉS À QUI ON L’ASSOCIE SOUVENT : Simran Bagga (27 films), Jyothika (24 films), Trisha Krishnan (20 films), Shriya Saran (16 films), Genelia D’Souza Deshmukh (15 films), Hansika Motwani (15 films) ou encore Nayantara (12 films).


Chinmayi LANGUES PARLÉES : TAMOUL, HINDI ET TÉLOUGOU. DOUBLEUSE DEPUIS 2006. Quand on parle de Chinmayi, on pense tout de suite à la chanteuse et c’est normal !

INCROYABLE INTERPRÈTE, ELLE EST L’UNE DES PLUS BELLES VOIX DU SOUSCONTINENT. Ce qui a marqué dans sa carrière, c’est le doublage qu’elle a effectué du film Vinnaithaandi Varuvaaya et de ses versions télougoue (Ye Maaya Chesave) et hindi (Ek Deewana Tha) ! Trois fois le même personnage qui lui vaudra un prix de reconnaissance. Mais Chinmayi va plus loin. Elle fait de la télévision et de la radio et a même créé Blue Elephant, un service de traduction qu’elle fonde en 2005 !

L’ACTRICE QUE CHINMAYI DOUBLE LE PLUS : Samantha Akkineni (14 films), mais elle a aussi travaillé pour Kajal Aggarwal (Modhi Vilayaadu, Dhada, Maattrraan), Tamannaah Bhatia (Kandein Kadhalai, Sura), Trisha Krishnan (Vinnaithaandi Varuvaayaa, Manmadha Baanam, 96) ou encore Taapsee Pannu (Vanthaan Vendraan).

CON C LU S IO N LE DOUBLAGE N’EST PAS UNE PRATIQUE QUI VA S’ARRÊTER DE SITÔT ! Même en 2020, on peut tomber sur un film avec une actrice qu’on adore, mais dont la

PHOTOGRAPHIE PUBLIÉE SUR T WIT T ER ( @ C HINM AYI)

la voix ne lui appartient pas. Récemment, c’est arrivé avec Aditi Rao Hydari, doublée par Savitha Reddy dans Psycho de Mysskin (un massacre auditif, selon moi). Ce qui est franchement dommage quand on sait que l’actrice s’est doublée elle-même en télougoue dans Sammohanam en 2018, qui traite justement du sujet des actrices qui se font doubler par d’autres et à quel point cela peut être parfois ridicule. Néanmoins, en 2017, elle avait été doublée par Krithika Nelson dans le film tamoul Kaatru Veliyidai, car Mani Ratnam trouvait que l’actrice avait un léger accent. Cette fois, les efforts de Krithika ont été largement appréciés tant elle a travaillé pour être non seulement proche de la voix originale d’Aditi, mais pour aussi donner de la force à chacun de ses dialogues. Même moi, je n’y ai vu que du feu !

LE DOUBLAGE, QUAND C’EST BIEN FAIT, PEUT EFFECTIVEMENT PASSER COMME UNE LETTRE À LA POSTE. 75


CINÉMA BILAN

MITHUN CHAKRABORTY E S T- I L M O R T ? MOTS PA R ASMA E BENM ANSOUR I LLUSTRATI O N PA R ELO DIE HAM IDOVIC 76


CET ARTICLE VA ESSENTIELLEMENT SE FOCALISER SUR LES ANNÉES 1990 DE MITHUN CHAKRABORTY ET N’EST EN AUCUN CAS REPRÉSENTATIF DE SA RICHE FILMOGRAPHIE. TOUTEFOIS, IL A MALGRÉ LUI MARQUÉ CETTE DÉCENNIE EN FAISANT DES CHOIX ARTISTIQUES QU’ON POURRAIT AISÉMENT QUALIFIER D’HASARDEUX. « Devait-il refaire le parquet de son

living room ? Avait-il un crédit auto à rembourser ? La pègre de Mumbaï l’a-telle fait chanter ? » Nombre de questions qui me tourmentent lorsque j’essaye de comprendre ce qui a bien pu pousser un acteur du calibre de Mithun à signer des films aussi... miteux ! Pourtant, tout avait si bien commencé pour lui ! En effet, il signe son tout premier rôle au cinéma en 1976 dans Mrigayaa, du maître bengali Mrinal Sen. Il a tout juste 26 ans lorsqu’il remporte donc le National Award du Meilleur Acteur pour ce métrage.

LE PHÉNOMÈNE EST ALORS LANCÉ ! « Boom ! Premier film et je démonte déjà

la concurrence ? Amitabh qui, vous dites ? #thuglife »

Mais c’est en 1982 qu’il explose auprès du grand public avec le cultissime Disco Dancer, qui fera de lui une star en Inde mais aussi autour du monde, notamment au sein de l’ancienne unique soviétique. Même en Algérie, on me le cite régulièrement comme un classique, entre Aa Gale Lag Jaa, Bobby et Mera Naam Joker. « Donc il passe du film d’art et d’essai

au divertissement musical ? J’adoooooore ! »

Bref, rien ne semble arrêter l’acteur, qui

multiplie les oeuvres à succès dans les années 1980. Et pourtant, il donne déjà le ton de ce que seront ses années 1990. Films d’action testostéronés, souvent ultra-violents et ne laissant aucune place aux personnages féminins...

MITHUN DEVIENT L’INCARNATION DU MÂLE DOMINANT, HYPRA-AGRESSIF FACE À SES OPPOSANTS MAIS DOUX COMME UN AGNEAU QUAND IL S’AGIT DE SA FAMILLE. Et comme il est plutôt bon danseur, les trames de ses films lui donnent constamment l’occasion de se déhancher entre deux prises de karaté sous anabolisants ! « Ah, la jouissance ultime ! L’écriture

expéditive associée à la technique bâclée, le tout sur fond de violence banalisée et de misogynie ordinaire... Pour un dimanche en famille, c’est délicieux. #pffffff »

OUI, CAR MITHUN EST MULTITÂCHES ! Non seulement, il pète la gueule du méchant de l’histoire avec panache mais en plus, il se prend pour un croisement entre George Michael et Vincent Lagaf à l’écoute de la moindre mélodie ! Surtout s’il y a > 77


une jolie donzelle dans les parages... Dans l’exercice du héros versatile tantôt danseuse de majorettes, tantôt frère caché de Steven Seagal, on peut déjà nommer à l’époque les films Wardat (1981), Kasam Paida Karne Wale Ki (1984), Dance Dance (1987) ou encore Commando (1988). Il s’essaye toutefois à un rôle romantique puissant dans Pyar Jhukta Nahin, sorti en 1985. Ce sera un blockbuster.

DE QUOI L’AMENER À SIGNER DES RÔLES PLUS INTÉRESSANTS, À L’AVENIR ? « Tu parles ! » Dès 1990, l’acteur glisse doucement vers son univers de prédilection, s’imposant comme LE héros de masala écrits avec le charme d’une fosse septique ! Il faut dire que Mithun a gagné beaucoup d’argent et qu’aujourd’hui, il souhaite investir. Il ouvre un hôtel à Ooty, The Monarch, et cristallise l’essentiel de ses tournages sur la localité. Il ne cherche pas spécialement à surprendre, mais avant tout à gagner de l’argent. D’autant que Mithun est en pleine quarantaine et n’a plus le physique ou le charme juvénile de Disco Dancer. Et puis, avec cette décennie émerge toute une génération de nouveaux espoirs du cinéma hindi, de Shahrukh Khan à Aamir Khan, en passant par Salman Khan. De fait, le comédien se créé une niche qui consiste à jouer dans des films effectivement peu inspirés mais qui ne coûtent pas chers. Et grâce à son indéniable popularité, il est en mesure de générer du profit en enchainant les tournages tout en les conciliant avec ses nouvelles activités. « En bref, l’appel de la monnaie, bébé ! » Pas de prise de tête ni d’ambition quelconque, le but est avant tout de gagner des sous. Mais malgré lui, Mithun Chakraborty fait de ces productions 78

de bas étage des métrages culte de par leur caractère ridicule.

ET SANS LE PRÉVOIR, IL S’IMPOSE COMME LE ROI DU NAVET ATTENDRISSANT À L’INDIENNE ! Il enchaîne donc les films totalement nuls mais dont on savoure les aspérités avec plaisir, de Pyar Ka Devta (1991) à Phool Aur Angaar (1993), en passant par Ravan Raaj - A True Story (1995) ou encore Shapath (1997). Mais ce sont clairement ses collaborations avec le réalisateur Kanti Shah qui font sa légende. Ils travaillent effectivement ensemble par deux fois pour les métrages foireux Rangbaaz (1996) et Loha (1997).

TOUTEFOIS, C’EST LEUR TROISIÈME OEUVRE COMMUNE GUNDA (1998) QUI S’INSCRIT DANS LA MÉMOIRE COLLECTIVE. « Ah, Gunda... Que dire de ce bijou du

septième art, entre répliques en rimes nazes et plans rapprochés sur des décolletés féminins, sans parler de la présence au casting d’un singe, qui doit clairement se demander ce qu’il est venu foutre dans cette galère ?! » Contre toute attente et au regard de ses innombrables atouts, le film fait un bide retentissant lors de sa sortie, tout comme la plupart des métrages précités de l’acteur durant cette décennie. « Et dois-je mentionner le jeu de Mukesh

Rishi, qui marque chacune de ses fins de phrase par une intonation qui lui donne l’impression de faire un début de crise d’asthme ? #gênaaaant » >


DISCO DANC ER ( 1 982)

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Le métrage provoque surtout un regain C’EST PRÈS DE 10 ANS PLUS d’intérêt de la part du public pour Mithun luiTARD (PLUS PRÉCISÉMENT même, cherchant à se procurer ses films les À PARTIR DE 2005) QUE LE plus absurdes, comme Hitler (1998), Diya Aur MÉTRAGE SUSCITE UN REGAIN Toofan (1995) ou encore Cheetah (1994)... D’INTÉRÊT, SE VENDANT CAR IL FAUT SE RENDRE COMME DES PETITS PAINS EN À L’ÉVIDENCE : IL EXISTE DVD ! AUJOURD’HUI UN PUBLIC Pire, le film provoque un culte auprès des POUR CE TYPE D’OEUVRES. amateurs de cinéma atypique, qui en parlent comme du meilleur nanar du sous-continent !

ET JE COMPRENDS POURQUOI ! Car très clairement, je n’avais pas autant ri depuis longtemps quand je me suis lancée dans le visionnage de Gunda. Certes, je n’avais pas trouvé de sous-titres. Mais peu importe ! Car le film est tellement absurde que même sans sous-titrage, il est facile de s’en moquer. Et puis, il y a des instants de magie, qui transcendent la barrière du langage... Par exemple ? Ibu Hatela, l’un des personnages du film, qui invite régulièrement ses interlocuteurs à « manger sa banane »... « Qui a un anti-vomitif à me dépanner ? »

Un marché qui s’appuie sur des cinéphiles d’un autre genre, en quête du film tellement mauvais qu’il en devient particulièrement savoureux. En Inde, si d’autres métrages comme Prem Aggan (1998) ou Rudraksh (2004) ont atteint un statut incontournable grâce à leurs défauts hilarants,

MITHUN CHAKRABORTY EST DEVENU LE VISAGE DU NANAR BOLLYWOODIEN. D’ailleurs, l’acteur Deepak Shirke, qui était au casting de Gunda, avouera que le film a été tourné sans script. Ce qui est tout à fait logique quand on constate son écriture totalement scabreuse ! Sans doute que Mithun n’avait pas le temps (ni l’envie) d’investir son temps dans un projet dont la production aurait été minutieuse et, de fait, chronophage. Il tournait à l’arrache, récupérait son chèque et focalisait son énergie sur ses activités parallèles. Il fera d’ailleurs de The Monarch une chaîne hôtelière relativement lucrative. « Oui, donc je disais... Money money

money ! (lire sur l’air d’ABBA, bien entendu...) »

AG N EEPATH (19 9 0)

Dans mon article sur le métrage Hume Tumse Pyaar Kitna (disponible dans notre précédent numéro de Bolly&Co), je disais qu’il s’agissait de « l’exemple type du film


d’exploitation, produit avec les fonds de tiroir d’une maison de production pour se faire un peu d’argent en en vendant les droits à la télévision .» À mon sens, Gunda appartient à la même catégorie.

C’EST INDUBITABLEMENT UN MÉTRAGE RÉALISÉ SUR LE POUCE SANS AUCUNE AMBITION, ET QUI N’A POUR OBJECTIF QUE DE FINIR SES JOURS DANS LA GRILLE DE PROGRAMME TARDIVE D’UNE CHAÎNE DE TÉLÉVISION... Vous savez, le film un peu nul sur lequel vous tombez à 3 heures du matin sur 6ter ou RTL9 ? Gunda est de ceux-là. Pour autant, il aura cette autre carrière dès 2005, devenant un joyau du nanar auprès de l’audience ! Car contrairement à Hume Tumse Pyaar Kitna, Gunda est drôle. Involontairement, certes. Mais on peut l’apprécier tant il a cette capacité à nous divertir, là où le navet (catégorie dans laquelle Hume Tumse Pyaar Kitna se range) nous afflige plus que tout.

POUR AUTANT, CELA REVIENDRAIT DONC À DIRE QUE LA CARRIÈRE PLUS SÉRIEUSE DE MITHUN S’EST ÉTEINTE DURANT CETTE DÉCENNIE ? « Eh bien pas du tout, figurez-vous ! » Parce que Mithun n’a jamais été aussi reconnu qu’à cette époque-là ! Dès 1990, il est lauréat du Filmfare Award du Meilleur Second Rôle pour l’excellent Agneepath, dans lequel il donne notamment la réplique à Amitabh Bachchan. Deux ans plus tard, il excelle en militant pour l’indépendance

dans le métrage bengali Tahader Katha, pour lequel il remporte son second National Award du Meilleur Acteur.

EN 1995, LE COMÉDIEN SURPREND EN ANTAGONISTE DANS JALLAAD, POUR LEQUEL IL EST RÉCIPIENDAIRE DU FILMFARE AWARD DU MEILLEUR ACTEUR DANS UN RÔLE NÉGATIF. Enfin, il conclut la décennie avec une autre prestation remarquée dans Swami Vivekananda, qui lui permet de rafler son troisième National Award en 1998, cette fois dans la catégorie du Meilleur Second Rôle Masculin.

EN SOMME, MITHUN N’A PLUS GRAND-CHOSE À PROUVER. Car même s’il n’a depuis pas beaucoup surpris la critique, l’acteur n’a jamais cessé de tourner. Sa filmographie compte effectivement plus de 350 métrages, aussi bien en hindi, en bengali, en tamoul ou encore en bhojpuri. Surtout, ce sont ses films plus risibles qui ont forgé sa popularité. En 2008, une bande-dessinée inspirée de son image de héros loufoque et omnipotent voit le jour, intitulée Jimmy Zhingchak. En conclusion, et pour répondre à l’interrogation mentionnée en titre de cet article... « Non. Le mythe(un)* ne mourra jamais. » *VOTRE RÉDACTRICE A ÉTÉ CONDAMNÉE POUR CRIME CONTRE L’HUMANITÉ SUITE À CE JEU DE MOTS EFFROYABLE.

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C I N É M A U N F I L M , U N V O YA G E

L’INDE, NOUS NE LA CONNAISSONS POUR LA PLUPART QU’À TRAVERS SES ŒUVRES CINÉMATOGRAPHIQUES. Nous voyageons d’histoire en histoire, explorant villes et villages, parcourant des kilomètres en une fraction de seconde. Du nord au sud, le pays change par la langue, les religions et les traditions. Parfois même, un quartier peut complètement transformer notre regard et son histoire nous émerveiller autant que nous troubler.

C’est d’autant plus magique quand un espace fait entièrement partie du récit qui nous est raconté, comme le quartier des bidonvilles de Mumbai, si élégamment filmé par Zoya Akhtar dans le très bon Gully Boy, sorti l’an dernier. Nul doute, cependant, que les cinéastes du sud de l’Inde possèdent une manière magique de filmer leurs propres alentours.

CETTE FOIS, BOLLY&CO VOUS EMMÈNE DANS UNE VILLE AUX MULTIPLES FACETTES, À...

BANGALORE M OTS PA R ELO DI E HA MI DOV I C ET ASM AE BENM ANSOUR I CO N E DE BA N G A LO RE CR ÉÉE PAR PRAM OD KV

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La v i l le . Bangalore est la capitale du cinéma kannada, appelé Sandalwood. Son premier studio d’enregistrement a été créé en 1963 par l’acteur Balakrishna. Si les débuts n’ont pas été faciles, cet espace a permis à cette industrie cinématographique d’entrer dans son âge d’or. Des films culte ont ainsi marqué l’ensemble du cinéma indien, qu’ils s’agissent de métrages populaires ou d’oeuvres plus expérimentales. Depuis, il y a plus d’une centaine d’espaces dédiés à la réalisation à travers la ville.

LA PARTICULARITÉ DE BANGALORE RÉSIDE AUSSI DANS SA MULTICULTURE. Si le kannada est la langue principale de la cité, il est facile de trouver des quartiers où les habitants s’expriment en tamoul, en télougou, en malayalam, en gujarati ou encore en hindi ! Une personne vivant à Bangalore peut facilement gérer 5 langues différentes sans le moindre problème. Les cinémas locaux diffusent donc les films de toutes les industries confondues et pour respecter la demande, tout est mis en place pour l’ouverture de grands complexes cinématographiques, aussi impressionnants qu’à la pointe de la technologique. La ville possède d’ailleurs un immense multiplexe, doté de 11 écrans. Il y a également une salle de cinéma dans chaque quartier, parfois même plusieurs. Sur le plan technique, la première école de cinéma de Bangalore a été fondée en 1941. La ville possède même son propre festival, le Bangalore International Film Festival, inauguré en 1996. Depuis de nombreuses années, certains films incontournables ont été tournés à Bangalore, de Sholay (1975) à Coolie (1983), en passant par 3 Idiots (2009).

Bang al o re, au co eu r d e ces fi l m s. . . GORI TERE PYAAR MEIN (2013) Réalisé par Punit Malhotra

Bangalore et ses lieux culte. Le personnage principal de cette comédie romantique, c’est Sriram Venkat (Imran Khan). Sa famille et lui vivent à Bangalore et, à travers plusieurs scènes et chansons, nous avons l’occasion d’observer certains espaces sympathiques de la ville. Notamment durant la période où Sriram est en couple avec Dia (Kareena Kapoor Khan). Nous sommes donc face à un Bangalore romantique, propice à la vie commune et surtout, à la rencontre ! Il y a plusieurs endroits à prendre en considération : déjà, dans la chanson introductive du célibataire Sriram « Dhat Teri Ki », nous nous retrouvons par exemple au Hard Rock Cafe ou encore au superbe Skyye Lounge à UB City, des bars modernes et dynamiques pour la jeunesse de Bangalore. Mais c’est surtout dans « Dil Duffer », mélodie dévoilant la relation entre Sriram et Dia, que plusieurs lieux sont mis à l’honneur. Du bâtiment historique Town Hall au Freedom Park où les amoureux se posent, ou bien le Seshadri Iyer Memorial Library, véritable espace culturel de la localité. Pas moins de 15 lieux culminants sont utilisés dans le métrage, offrant une véritable vue d’ensemble sur Bangalore ! C’est d’ailleurs agréable de voir la communauté hindi représentée dans cette ville située au sud du sous-continent, quand on sait que la majorité des histoires se déroulent plutôt à Delhi ou à Mumbai. Gori Tere Pyaar Mein permet aux fans de Bollywood d’avoir ainsi une nouvelle destination à ajouter à leur visite en Inde. > 83


BANGALORE DAYS (2014) Réalisé par Anjali Menon

Bangalore, la ville qui fait rêver.

LA POPULARITÉ DE CE FILM MALAYALAM N’EST PLUS À PROUVER. Fort de son succès à travers le pays (et le monde aussi !), il a su conquérir les cœurs à travers le récit de trois cousins dont la vie est bouleversée par leur arrivée à Bangalore. Chacun se confronte à une situation différente. Kuttan (Nivin Pauly) est en manque de son village, Aju (Dulquer Salmaan) n’en fait qu’à sa tête et a rejoint un groupe de motards de la ville. Quant à Kunju (Nazriya Nazim), qui espérait aller à Bangalore pour y poursuivre ses études, elle se retrouve mariée avec un taciturne businessman (Fahadh Faasil).

POUR LES KÉRALAIS, BANGALORE, C’EST UN PEU NEW-YORK OU PARIS ! C’EST L’ENDROIT OÙ TOUT PEUT CHANGER. 84

Ce que le métrage d’Anjali Menon dépeint, c’est la façon dont les rêves et les aspirations peuvent se faire une place malgré un changement complet d’environnement. Bangalore incarne ce changement et pas uniquement parce que nous passons d’un village à une grande ville, ou juste parce que les protagonistes le souhaitent. L’adaptation est également liée à l’entourage, au travail, à la cuisine... Et tout ne se passe pas forcément comme prévu. Parmi les lieux qu’il est possible de reconnaître à l’image : le lac de Sankey dans le quartier de Sadashivnagar, une partie de la chanson « Ethu Kari Ravilum » se déroule au restaurant Opus ou encore au Rasta Cafe. Pour les motards, impossible de passer à côté de Tusker Harley Davidson, et pour ceux qui auraient aimé se rendre au Cafe Thulp, celui-ci a malheureusement fermé depuis !

BANGALORE DAYS EST UNE BELLE IMMERSION, TANT DANS LE CINÉMA MALAYALAM QUE DANS LE SUD DE L’INDE, ENTRE LE KERALA ET LE KARNATAKA.


U TURN (2016)

KARWAAN (2018)

Réalisé par Pawan Kumar

Réalisé par Akarsh Khurana

Troisième film du cinéaste kannada Pawan Kumar, ce thriller donne à voir un Bangalore essentiellement nocturne, où les enjeux de la narration et les tournants des mésaventures de Rachana (incarnée impeccablement par la jeune Shraddha Srinath) se passent en pleine nuit.

C’est le premier film hindi de Dulquer Salmaan et pourtant, il ne se déroule pas dans le nord de l’Inde ! Pour être cohérent, il n’interprète pas un punjabi mais un jeune ingénieur en dépression qui subit sa vie à Bangalore sans parvenir à faire ce qui le passionne vraiment : la photographie. Bangalore n’est alors plus la ville du rêve (comme avec Bangalore Days), mais celle d’un quotidien morne et sans saveur. Une ville comme une autre, en réalité.

Bangalore, un monde noir.

CAR LA VILLE A SOUDAINEMENT UN AUTRE CARACTÈRE, PLUS MYSTÉRIEUX ET OBSCUR. C’est au coeur de ce Bangalore que l’héroïne se trouve prise au piège d’une affaire énigmatique, où plusieurs personnes décèdent après avoir fait demi-tour sur un pont à sens unique... Quel rapport avec leur mort soudaine ? C’est ce que la stagiaire en journaliste cherche à découvrir.

LE FILM NOUS PLONGE DANS CETTE QUÊTE DE VÉRITÉ, TOUJOURS AVEC CETTE LUMINOSITÉ TRÈS BASSE QUI VIENT RAPPELER L’ATMOSPHÈRE GRAVE D’UNE VILLE OÙ DES CHOSES TERRIBLES ARRIVENT. La réalisation de Pawan Kumar happe l’ambiance de cette grande localité, de ses routes à grande vitesse et des dangers qu’elles recouvrent. On ne s’intéresse pas au Bangalore plein de vie et de ressources mais à celui qui, une fois le soleil couché, est loin d’être des plus rassurants. Une nouvelle facette de ce lieu qui fascine autant qu’elle ne choque.

Bangalore et ses alentours.

CE QUE LE FILM APPORTE SURTOUT, C’EST UNE HISTOIRE D’AMITIÉ À TRAVERS UN ROAD-TRIP IMPROBABLE DANS LE SUD DE L’INDE. Le réalisateur voulait casser cette habitude de conduire ses protagonistes vers des destinations plus habituelles comme Goa ou Manali. En vrai fan du Kerala, il tenait à utiliser une route qu’il a lui-même souvent emprunté dans le cadre de son travail, en faisant ainsi passer le trio de personnages par des villes comme Ooty dans le Tamil Nadu ou encore Cochin. Dans la chanson « Chota Sa Fasana », il est possible de reconnaître certains lieux de la région du Kerala, avec le pont de la rivière Bhavani, le lac Irinjalakuda ou encore l’autoroute SH 11. Au-delà de s’intéresser aux villes elles-mêmes, c’est ce qu’il y a entre elles qui fascine. Ces espaces naturels, ces petits lieux qu’il font le charme du pays et qui permettent de prendre du recul sur la vie de tous les jours, de se dépayser tout en demeurant au sein même de sa région. Il ne faut pas s’enfermer dans un espace, il faut plutôt s’ouvrir et observer ce qui l’entoure dès que possible ! 85


CINÉMA POURQUOI

kuch kuch hota hai

OU QUAND QUELQUE CHOSE NE PASSE PAS... MOTS PA R ASMA E BENM ANSOUR

POURQUOI ? MAIS QUOI DONC ? UNE QUESTION OUVERTE QUI VIENT SIGNIFIER MON INCOMPRÉHENSION DE SPECTATRICE. Ouverte à tous les films, à toutes les interrogations. Des questionnements qui peuvent aller dans le bon sens comme dans le mauvais. Pour cette nouvelle édition, j’ai décidé de parler d’un film aimé de tous qui ne peut faire que l’unanimité : Kuch Kuch Hota Hai. Sans doute l’occasion pour moi d’enfin dire du bien d’un métrage dans le cadre de cet article ? Non.

ATTENTION ! ALERTE « JE M’APPRÊTE À DÉMONTER SUR PLACE UN FILM CULTE » ! Kuch Kuch Hota Hai sera toujours une oeuvre chère à mon cœur. Parce que si je vous parle aujourd’hui de cinéma indien avec tant de passion, c’est effectivement grâce à ce film. À l’occasion d’un samedi pluvieux en 2008, dans la chambre de ma cousine, qui tenait absolument à me montrer ce « film hindou »... J’étais tombée dedans, la tête la première ! 86

« Qui était ce type au nez aquilin et aux

adorables fossettes ? Qui était cette femme au monosourcil et aux yeux d’un vert perçant ? Et qui était le génie qui avait eu l’idée folle de les réunir ? » Depuis, le cinéma indien m’a accompagnée dans chaque jour de ma vie, de l’obtention de mon baccalauréat à mon premier poste d’assistante sociale, jusqu’à mon récent changement de carrière... Ce film a clairement changé ma destinée, ma vision du monde, mon rapport aux autres et aux émotions. « Alors, quel être abominable

s’apprêterait à mettre en pièces un film aussi important dans son parcours de vie ? »

JE VOUS EXPLIQUE. J’AIMERAI TOUJOURS KUCH KUCH HOTA HAI. Et je le verrai toujours avec un plaisir immense et une grande nostalgie. Parce qu’à chaque fois que je le revois, les émotions de mon premier visionnage et de ce choc culturel me reviennent...


POUR AUTANT, JE PENSE NE PAS FAIRE PREUVE DE CRUAUTÉ SI J’AFFIRME QU’À BIEN DES NIVEAUX, CE MÉTRAGE EST GRANDEMENT PROBLÉMATIQUE ! Alors certes, l’histoire d’amour entre Rahul et Anjali est bouleversante, mais elle ne communique pas que de bons messages.

« Quoi ? Pourquoi je t’aime pas, Anjali ? Bah parce que j’aime Tina. - D’accord... Et pourquoi t’aimes Tina ?

- Euh, bah... euh... Elle est belle, déjà. Et c’est TRÈÈÈÈS important ! Et puis, elle connait « Om Jai Jagadish » par coeur. Si ça, c’est pas une raison valable de tomber amoureux, qu’est-ce que c’est ? » C’est là qu’Anjali aurait pu faire le choix d’aller se bourrer la gueule avec ses copines, de noyer son chagrin dans son pot de Nutella maxi format ou dans un aprèsmidi de shopping compulsif... Un chagrin de quelques mois, comme on en a toutes traversé, et c’est reparti pour un tour ! C’est pas comme si cet abruti était l’homme de sa vie, hein... Si ? Mais genre, vraiment ?! Bon. Bah d’accord. > 87


OUI, CAR N’EN DÉPLAISENT AUX PURITAINS QUI DÉIFIENT PRESQUE CE MÉTRAGE, KUCH KUCH HOTA HAI EST BOURRÉ DE DÉFAUTS. Le problème, c’est que Kuch Kuch Hota Hai a tellement marqué son époque que sa ligne narrative a inspiré (de façon plus ou moins grossière) une flopée d’autres œuvres indiennes qui verront le jour par la suite... Ce qui n’est pas des plus rassurants ! Parce que Kuch Kuch Hota Hai donne une lecture bien à lui de la féminité. « Une vraie femme porte des sari et a les cheveux longs. Point final. » Effectivement, une vraie femme, selon la définition suprêmement réductrice que nous en fait le métrage, incarne une certaine tradition. Par exemple, Tina (campée magistralement par la toute jeune Rani Mukerji) n’est digne d’être aimée de Rahul que lorsqu’elle chante une mélodie dévotionnelle hindoue. Anjali n’est désirable que lorsqu’elle troque son look sportswear et ses cheveux courts pour un style plus conservateur... Bref, une femme n’est digne d’être aimée que lorsqu’elle rentre dans les codes et la définition de la beauté que l’homme lui impose. La femme idéale personnifiée par un certain traditionnalisme, on la retrouvera plus tard dans le personnage de Meera dans Cocktail (2012), dans celui de Payal dans Ishq Vishk (2003), dans celui de Sanjana dans Main Hoon Na (2004) ou encore dans celui de Pooja dans Mujhse Dosti Karoge (2002).

BREF, QUE DE MODÈLES RAGOÛTANTS POUR TOUTES LES PETITES FILLES DU MONDE ! 88

« Beurk. » La femme que le héros rêve d’avoir, c’est celle qu’il présentera volontiers à ses parents hyper stricts et à la mentalité super étriquée. Celle qui ne se fait pas trop remarquer, celle qui baisse le regard en signe d’approbation. Et ce par opposition à la femme « moderne », qui s’habille trop court ou de manière trop masculine, celle qui a une vie sexuelle et que l’on présente comme instable (au mieux) ou dépravée (au pire). Longtemps personnifiée dans le cliché narratif de la vamp (une femme séductrice qui a forcément de mauvaises intentions), la représentation se veut depuis plus nuancée, avec notamment le rôle de Veronica dans le film Cocktail (2012), que l’on ne nous vend pas (le ciel soit loué !) comme une antagoniste. « Cela dit, le héros lui préfère Meera,

qui a davantage le potentiel d’une fille bonne à marier... Je répète, qui a un sac à vomi ?! »


Pour sa décharge, Karan Johar admet avoir voulu devenir cinéaste en découvrant le film Hum Aapke Hain Koun de Sooraj Barjatya, un drame familial qui pue le traditionnalisme, sorti en 1994. Et bien que ce film soit un peu mon plaisir coupable, ce n’est pas le meilleur endroit où trouver des personnages féminins inspirants et originaux.

Je pense qu’à l’époque, la raison pour laquelle il m’avait tellement touchée, c’est parce que je me voyais en Anjali. Pas la version en sari, mais celle avec ses survêtements larges et sa voix stridente. Parce qu’en même temps, elle incarnait un rapport aux valeurs traditionnelles qui faisait écho à mon histoire.

La place qui y est faite aux femmes est soit proche du néant, soit terriblement réductrice.

Ce n’était pas une « filles à mecs ». Moi non plus. Ce n’était pas la jolie nana du campus, mais celle que les garçons aimaient bien parce qu’elle était comme eux. C’était aussi mon cas. Et finalement, Anjali avait droit à son happy ending avec son prince charmant. Et secrètement, j’espérais que ce serait mon cas également.

« Une femme tombe amoureuse, se marie,

cuisine et enfante. Regardez la superbe Madhuri Dixit dans le film précité... Que fait-elle d’autre, à part ce que je viens de décrire ? Absolument rien. » Alors en effet, elle est sublime à regarder, y’a rien à dire là-dessus ! Mais elle subit la narration du début à la fin. Rien donc qui n’aurait pu augurer le meilleur pour Anjali et Tina, les personnages créés par Karan Johar pour son Kuch Kuch Hota Hai.

CE QUI ME GÊNE AUJOURD’HUI AVEC CE FILM, C’EST LA MANIÈRE DONT IL ME FAIT ÉCHO.

Je viens d’une famille très conservatrice. Quand j’étais adolescente, je sortais très peu. C’était le signe d’une fille bien. D’une fille respectable. Les jeunes filles de mon âge qui allaient en boite de nuit, portaient des shorts et du brillant à lèvres étaient considérées comme de mauvais exemples. Desquels je devais absolument m’éloigner. Et je l’ai intégré en tant que tel. J’étais convaincue que ma valeur venait de mon conservatisme, du fait que je passais mes journées entre les quatre murs de ma chambre à regarder des chick-flick tout en mangeant les faux Kinder Country de chez Aldi.

ET DONC, LA LEÇON QUE J’AI TIRÉ À L’ÉPOQUE DE KUCH KUCH HOTA HAI, C’EST QUE LES FILLES COMME MOI, CELLES QUI NE S’HABILLENT PAS DE FAÇON SUGGESTIVE ET QUI N’ATTIRENT PAS PLUS QUE ÇA L’ATTENTION DES HOMMES, SONT CELLES QUI SERONT RÉCOMPENSÉES PAR LE DESTIN. > 89


BREF, VOUS L’AVEZ COMPRIS : J’ÉTAIS UNE IDIOTE DE PREMIÈRE CATÉGORIE ! Depuis, j’ai pris quelques années dans la gueule, j’ai questionné beaucoup de choses dans mon éducation, mon environnement et ma culture familiale. J’ai fait le tri entre ce qui me correspondait et ce qui était loin de celle que je voulais devenir. Et puis, entre deux crises existentielles, j’ai revu Kuch Kuch Hota Hai. Et c’est là que ça m’a frappée ! Rahul est un abruti superficiel, Anjali est une sombre idiote, la gamine est agaçante au possible, Tina méritait mieux que le destin qui lui a été réservé et Aman est le seul héros de l’histoire. « Un mec gentil, qui t’aime comme tu es

alors que tu te comportes avec lui avec la chaleur humaine d’une chambre froide... Rahul, sors ! Aman, épouse-moi ! #TeamAman » Mais alors, pourquoi (et plus que tout, comment) me suis-je à l’époque tant retrouvée dans un personnage aussi vide que celui d’Anjali ? 90

J’ÉTAIS SANS DOUTE VIDE, MOI AUSSI. C’est la seule réponse qui me vienne à l’esprit, pour être honnête. Parce qu’aujourd’hui, je vois Tina comme une femme superbe, bienveillante et solaire, avec du panache et un style d’enfer ! D’ailleurs, la tenue de la belle que je préfère, c’est sa robe métallisée dans la séquence dansée « Koi Mil Gaya »... Elle déchire !

« Anjali ? C’est qui, elle ? » À part faire du bruit et geindre pour rien, je n’ai pas retenu grand-chose, la concernant. Parce qu’au final, on ne sait rien d’elle, de son histoire familiale ou de sa personnalité. Anjali est une coquille vide, un cliché géant sur lequel est écrit « vilain petit canard » en gras


et en lettres capitales... Vous savez, le cliché de la moche (ou de la fille perdue) qui mue en bombe atomique pour attirer (délibérément ou pas) le faible héros dans ses filets ?

LE CINÉMA AMÉRICAIN REGORGE D’EXEMPLES DU GENRE, DE MY FAIR LADY À ELLE EST TROP BIEN, EN PASSANT PAR PRETTY WOMAN. Pour être aimée et respectée, une femme doit devenir un objet de désir. Elle doit être séduisante et rentrer dans un moule : celui de la meuf bonne. Et c’est exactement ce qui se passe dans Kuch Kuch Hota Hai. Pour ce qui me concerne, j’ai toujours eu un rapport lamentable à mon image. Parce que c’est aussi comme ça que je me suis construite, avec la conviction que si je me mettais en valeur, j’allais faire partie de ces filles qui ne sont pas dignes d’être aimées. J’ai donc eu à coeur de bien travailler à l’école, parce que ce qui allait me définir, c’est ce que j’avais dans la tête. « Le coeur ? On s’en fiche, voyons ! » Ce qui compte, c’est ce que tu renvois, pas ce que tu es. Oui, car le savoir, c’est aussi superficiel qu’une paire de fesses, si vous voulez mon avis ! On peut tous donner l’impression d’être cultivé. Il suffit d’un vocabulaire qui en jette et d’une certaine aisance à l’oral, ce qui n’a jamais été un problème pour moi... Et peu importe ce que vous valez vraiment.

PARCE QU’AU FOND, QU’ESTCE QUI M’INDIQUE QU’ANJALI ÉTAIT FONCIÈREMENT UNE FILLE BIEN ? CE N’EST PAS

ELLE QUI JUGEAIT ALLÈGREMENT LES CONQUÊTES DE RAHUL ? ELLE QUI S’EST SERVIE D’AMAN COMME D’UN PALLIATIF ? À part son sari chatoyant et sa prière devant tous les dieux sur la mélodie de « Raghupati Raghav », absolument rien ne va dans ce sens ! Vous êtes sans doute en train de vous dire que je suis dure. Que l’expérience que j’ai pu faire de Kuch Kuch Hota Hai n’est pas objective. Et c’est vrai. Elle est viscéralement liée à mon vécu et à la femme que je suis devenue. Et peut-être que si j’avais eu un rapport plus détaché à ce film, je ne l’aurais pas dézingué avec autant de véhémence qu’aujourd’hui.

MAIS JE CROIS QUE LA PERSONNE À LAQUELLE J’EN VEUX LE PLUS, CE N’EST NI ANJALI, NI RAHUL. Ni même au réalisateur Karan Johar (auquel j’ai de toute façon déjà refait le portrait dans notre précédent numéro...). Celle qui me met vraiment en pétard, c’est celle que j’étais à l’époque. Celle qui croyait qu’Anjali était le bon exemple à suivre sur la seule base de son look. Celle qui jugeait Tina parce que, justement, elle avait le courage et l’audace de s’habiller comme elle l’entendait. Un courage que je n’avais pas moi-même. C’est facile de juger. On a tous cette faculté à nous fendre de notre petite opinion personnelle. De critiquer les gens sur leur physique, sur leur allure, sur leurs choix et sur leurs pensées... Mais au final, c’est sur notre propre nature que ça en dit long.

KUCH KUCH HOTA HAI A ÉTÉ UNE LEÇON DE VIE. > 91


Il est venu questionner mes valeurs d’alors pour les faire évoluer et tendre vers celles que je défends aujourd’hui. Il est clairement imparfait, mais il a été source d’une profonde réflexion et en ce sens, il est foncièrement intelligible. On n’est pas face à une comédie creuse, mais à une romance qui fait passer des messages que l’on pourrait qualifier de douteux.

PLUS DE 20 ANS APRÈS SA SORTIE, KARAN JOHAR AVOUERA LUI-MÊME QUE LE FILM EST DANS L’ERREUR. Ce qui est rassurant, c’est que la représentation des femmes au cinéma hindi évolue. Rani dans Queen (2014) réalise qu’elle souhaite s’accomplir et trouver ce qui la rend heureuse avant de songer au mariage. Piku dans le film du même nom (2015) est une femme sexuellement active qui ne s’en excuse pas, et qui est même comprise en ce sens par son père. Tara dans Mission Mangal (2019) prouve qu’on peut à la fois rêver d’une vie de famille et s’accomplir en tant que brillante scientifique.

BREF, CELA FAIT BIEN LONGTEMPS QUE KUCH KUCH HOTA HAI NE SERT PLUS D’EXEMPLE AUX SCÉNARISTES DE BOLLYWOOD. Il a donc fallu mettre ce métrage à l’épreuve du temps pour se rendre compte de son impertinence. Mon regard sur ce film a évolué au même rythme que moi, passant de l’adolescente paumée à la femme assurée et emplie de conviction que vous connaissez à travers mes écrits. Alors rien que pour ça, merci. Merci à ce film d’avoir d’abord changé ma vie. Et ensuite, merci à lui de m’avoir fait grandir. 92

OMISSION. Le costumier du film Manish Malhotra est manifestement très tête en l’air ! En effet, pour une séquence durant laquelle Rani Mukerji devait arborer un mangalsutra (collier traditionnel, spécifiquement pour les femmes mariées), le célèbre couturier a complètement oublié d’en apporter un, frôlant la crise de panique une fois arrivé sur le tournage. Il avouera donc avoir littéralement racketté Krishna Mukherjee, la maman de Rani, pour qu’elle lui prête son propre mangalsutra. Elle répondra évidemment par l’affirmative, permettant à Manish de retrouver son souffle !


CINÉMA DÉJÀ-VU

POUR CETTE NOUVELLE RUBRIQUE DU MAGAZINE, NOUS ALLONS CREUSER DANS LES MÉANDRES DE VOTRE MÉMOIRE POUR Y RETROUVER CES ACTEURS ET ACTRICES DONT VOUS IGNOREZ LE NOM, MAIS DONT LE VISAGE VOUS EST TOUT DE MÊME FAMILIER ! Μ Car oui, lorsqu’on est fan de cinéma indien, il existe des centaines de comédien(ne)s récurrent(e)s au cinéma, mais dont l’identité nous échappe. Cet article sera l’occasion d’en découvrir un(e) à chaque parution, avec pour objectif de mettre en valeur ces artistes que l’on a tendance à oublier... > M OTS PA R AS M A E B E NMAN SO UR P H OTO G RA P H I E D U COMP TE INSTAG RA M D E N AV E E N (@N AV EEN . P O L IS HE T T Y)

U V À J É D

N E E V NA Y T T E H S I L PO


État c i vi l . Naveen Polishetty, Né le 27 décembre 1989 à Hyderabad.

A nté r i o r i té . Depuis toujours, Naveen Polishetty sait qu’il veut devenir acteur. À l’école, il n’y a que des garçons et lorsqu’il faut jouer dans les productions scolaires, Naveen n’hésite pas, même pour incarner des personnages féminins ! Ces expériences nourrissent son rêve. Pourtant, il vient d’une famille d’ingénieurs et sera poussé dans cette voie par son père. Il poursuit donc des études d’ingénierie à l’institut national de technologie Maulana Azad de Bhopal, où il continue tout de même à faire du théâtre. Il obtient son diplôme avec d’excellentes notes et trouve très vite un emploi à Pune, qu’il lâche aussitôt.

CAR NAVEEN EN EST CERTAIN, IL EST FAIT POUR JOUER FACE À LA CAMÉRA. Après de multiples auditions ratées à Mumbai, il commence au cinéma télougou dans Life is Beautiful en 2012, face à un autre débutant devenu star depuis : Vijay Deverakonda. Il tente ensuite quelque chose de différent avec le film de casse D for Dopidi, qui l’oppose à Varun Sandesh et Sundeep Kishan.

Si gne s pa r t i cu l i e r s . C’est avec la troupe All India Bakchod qu’il attire réellement l’attention, et ce au service de projets digitaux humoristiques.

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Il brille particulièrement dans la vidéo Honest Engineering Campus Placements, où il incarne un diplômé lambda tentant d’obtenir un poste d’ingénieur dans une grande firme. Ou encore dans Every Bollywood Party Song, dans laquelle il campe le manager légèrement emphatique d’Irrfan Khan. Le projet lui permet de se diversifier et en plus de nous faire rire, il montre qu’il sait émouvoir, notamment dans le rôle d’un honnête vendeur de thé pour la vidéo The Demonetization Circus. Il brille également sur les planches dans Five Point Someone, pièce tirée du bestseller de Chetan Bhagat. Puis il s’illustre dans les séries Chinese Bhasad (où il incarne un jeune homme tombé amoureux d’une fille originaire de Chine), 24 (où il s’essaye à un univers plus sombre face au grand Anil Kapoor) et What’s Your Status (une comédie diffusée sur Youtube), toutes lui permettant d’étoffer sa filmographie et de gagner en expérience.

D éjà v u d ans l a p eau d e. . . NAVEEN DANS ONE NENOKKADINE (2014)


Il incarne ici un rôle secondaire face à l’omnipotent Mahesh Babu dans ce masala d’action qui ne fait hélas pas honneur à son talent.

Rôl es à vo i r. ATHREYA DANS AGENT SAI SRINIVASA ATHREYA (2019)

La narration ne cherche d’ailleurs pas à mettre en valeur son potentiel et mise exclusivement sur l’aura de son héros, dont la fabrication des films tourne toujours autour de lui.

RUSHIK SANGHVI DANS FAIS PAS CI, FAIS PAS ÇA (2017)

Dans la peau d’un détective privé en quête de l’affaire de sa carrière, Naveen porte ce film télougou sur ses solides épaules, face à la non moins formidable Shruti Sharma.

Dans la série à succès de France 2, on retrouve Naveen dans le rôle du frère de Ravija, fiancée d’Eliott Bouley. Le projet lui donne l’occasion de travailler avec de grandes figures du cinéma français comme Guillaume De Tonquédec et Valérie Bonneton.

IL A D’AILLEURS COÉCRIT LE SCÉNARIO DE CE MÉTRAGE POLICIER PUR JUS QUI VIENT DÉNONCER UN VRAI SUJET : LA MANIÈRE DONT LA RELIGION EST DÉTOURNÉE À DES FINS MALHONNÊTES. Deux ans et demi de travail qui ont résulté en un énorme succès populaire et critique.

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Vou s vo u s s ou v i end rez d e so n n om , à p résent . On le retrouvera cette année dans une comédie prometteuse, Jathi Ratnalu. Il y fera face à l’acteur Priyadarshi, révélé l’an dernier dans le plébiscite Brochevarevarura. Les deux comédiens semblent d’ailleurs tous les deux décidés à faire évoluer le cinéma télougou avec leurs projets à venir.

AUSSI, AGENT SAI SRINIVASA ATHREYA RISQUE FORT DE FAIRE L’OBJET D’UNE SUITE, TOUJOURS AVEC NAVEEN POUR LA DÉFENDRE, BIEN ENTENDU. ACID DANS CHHICHHORE (2019) SAVIEZ-VOUS QUE NAVEEN AVAIT DÉCROCHÉ CE RÔLE SUR LA BASE D’UN QUIPROQUO ? En effet, le directeur de casting voulait contacter l’acteur malayalam Nivin Pauly et a appelé Naveen par erreur. Mais il arrivera à inverser la tendance et obtiendra le rôle d’Acid, le garçon vif et joyeux de la bande dont font également partie Sushant Singh Rajput et Shraddha Kapoor. Le métrage rencontre un beau succès et Naveen séduit la critique, qui n’a d’yeux que pour lui !

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Bref, que de projets séduisants qui portent à croire en un avenir radieux pour ce jeune homme solaire et immensément talentueux !

APPARITION. La star dravidienne Keerthy Suresh, à peine sacrée aux National Awards dans la catégorie de la Meilleure Actrice pour Mahanati, fera semble-t-il un cameo dans Jathi Ratnalu. De quoi donner encore plus de cachet à ce film déjà très alléchant !


C I N É M A M A N I R AT N A M

3 FILMS QUI DISENT TOUT DE...

MANI RATNAM M OTS PA R AS M A E B E NMAN SO UR P H OTO G RA PH I E D U SI TE W W W.G A LATTA.CO M

Le réalisateur, c’est le chef d’orchestre. Il est l’esprit qui dirige une oeuvre et assure la collaboration des différentes équipes. Il mène les techniciens et les artistes pour arriver à transmettre une vision concluante au travers de son film. Au cinéma indien, les réalisateurs se multiplient au fil des années. Leurs noms s’inscrivent dans les mémoires du public selon la portée de leur message, leur style et le résultat commercial de leurs métrages.

ET SI NOUS NOUS FOCALISIONS DAVANTAGE SUR CES GÉNIES DU CINÉMA, QUE NOUS AVONS TENDANCE À OUBLIER ? Le temps d’un article, découvrez Mani Ratnam, si vous ne le connaissez pas déjà... > 97


Mani Ratnam, en bref. C’est sans aucun doute l’un des plus grands metteurs en scène de tout le sous-continent. Avec 26 réalisations à son actif et une carrière qui s’étale sur plus de 35 ans, il s’est imposé comme l’un des cinéastes les plus convoités du cinéma indien.

C’EST SIMPLE : TOUS LES ACTEURS RÊVENT DE TRAVAILLER AVEC LUI ! Il faut dire que Mani Ratnam, c’est aussi 6 National Awards, 10 Filmfare Awards (aussi bien dans le nord que dans le sud) et de nombreuses distinctions lors de festivals internationaux.

MAIS MANI RATNAM EST SURTOUT UN VISIONNAIRE, INSUFFLANT À SES MÉTRAGES UNE ATMOSPHÈRE QUI N’APPARTIENT QU’À LUI. Un film de Mani Ratnam est difficilement descriptible, et pourtant facile à reconnaître. C’est là, sans doute, la marque de son génie. C’est avec le cinéma dravidien qu’il fait ses premières armes, s’imposant rapidement comme l’un des réalisateurs les plus en vue de son époque. Que ce soit avec Pallavi Anu Pallavi (en langue kannada et dans lequel il travaille avec le tout jeune Anil Kapoor), Mouna Ragam (en tamoul avec la grande Revathi), Geethanjali (en télougou, dans le registre plus convenu de la romance) ou Thalapathi (en tamoul et pour lequel il dirige la mégastar Rajinikanth), Mani Ratnam affirme sa patte, entre attachement pour le réalisme et plans d’un esthétisme à couper le souffle. 98

Depuis, il existe une façon de fabriquer des films « à la Mani Ratnam ». Un travail visuel saisissant, des histoires poignantes et surtout une facilité déconcertante à s’attaquer à tous les genres... Voilà ce qui caractérise ce faiseur de chefs-d’oeuvre.

Ces 3 fi l m s q u i d isent to u t d e l u i . . . Dil Se

RÉALISATEUR, PRODUCTEUR ET SCÉNARISTE - SORTI EN 1998 Pour son premier film en langue hindi, Mani Ratnam fait appel à sa muse des années 1990 : Manisha Koirala, avec laquelle il a déjà collaboré sur le film Bombay, en 1995. Face à elle, il missionne Shahrukh Khan dans un registre plus noir et poétique que ce à quoi il a alors habitué l’audience. Enfin, Dil Se propulse une toute jeune comédienne qui marquera son époque : Preity Zinta.

AVEC DIL SE, MANI RATNAM IMPOSE SON GOÛT POUR LE DRAME, POUR LES ENJEUX NARRATIFS GRAVES ET POUR LES PLANS LUXURIANTS. Alors non, pas de saree chatoyants ou de décors loin de toute réalité. Mani Ratnam nous montre la beauté de l’Inde telle qu’elle est. Les paysages du Ladakh constituent un personnage à part entière de ce film, qui a largement influencé la nouvelle vague du cinéma hindi, portée ensuite par Anurag Kashyap et Vishal Bhardwaj. Dil Se donne au cinéaste l’occasion de prouver qu’on peut faire un cinéma aussi touchant que puissant visuellement.


Kannathil Muthamittal

RÉALISATEUR, PRODUCTEUR ET SCÉNARISTE - SORTI EN 2002 Avec ce film, le réalisateur continue d’explorer les notions d’amour et de pays dans un contexte de conflit pour ce drame familial autour d’une enfant en quête de sa mère biologique. Kannathil Muthamittal met surtout en scène l’adoption et les conséquences de la guerre civile au SriLanka. Si l’on retrouve de nouveau le travail esthétique étoffé de ses précédents métrages, Mani va encore plus loin dans la direction des acteurs, qu’il amène à jouer en toute nuance. Le cadrage comme la lumière viennent sublimer les émotions de ces personnages véritables, sans fioriture, auxquels on ne peut que s’attacher.

Raavan/Raavanan RÉALISATEUR, PRODUCTEUR ET SCÉNARISTE - SORTI EN 2010

Films jumeaux réalisés en hindi et en tamoul respectivement, Raavan et Raavanan possèdent les mêmes qualités et les mêmes défauts. Le seul aspect qui les différencie, c’est le casting. Pour le reste, Mani Ratnam nous emmène à chaque fois dans un macrocosme presque mystique, avec des paysages impressionnants et un mariage habile entre la narration et la technique. Les couleurs et la musique corroborent la superbe de ce conte inspiré du Ramayana. Raavan/Raavanan créé un univers bien à lui, presque déconnecté de la réalité. On ignore si un tel lieu existe réellement tant c’est beau. Le cinéaste y étaye surtout son approche brute, sans aseptisation mais avec soin de l’histoire. Car Aishwarya est certes magnifique, mais elle a tout de même les cheveux démolis et le visage tuméfié face à ce que lui fait subir l’antagoniste de la trame.

Le m ot d e l a fi n. NE CHOISIR QUE TROIS MÉTRAGES A ÉTÉ UNE VÉRITABLE TORTURE TANT LA FILMOGRAPHIE DE MANI RATNAM EST RICHE ET COMPLEXE, MAIS ÉGALEMENT ASSEZ INÉGALE. En particulier ces dernières années, on sent l’inspiration du cinéaste perdre en souffle, comme avec Chekka Chivantha Vaanam (sorti en 2018) dans lequel son travail visuel est toujours impeccable mais où l’écriture ne tient malheureusement pas la distance. Cela dit, et ce depuis ses débuts en 1983, il incarne un paradoxe fascinant au cinéma indien. Effectivement, il présente des genres très divers (du film de guerre au drame social, en passant par la romance contrariée et l’oeuvre initiatique), mais à chaque fois avec une identité artistique très forte. Aucun film de Mani Ratnam ne ressemble au précédent et en même temps, ils ont tous quelque chose de très marquant dans leur ADN qui est inhérent au cinéaste.

EN SOMME, IMPOSSIBLE DE NE PAS S’INTÉRESSANT À CE GRAND MAÎTRE TANT IL A AMENÉ LE CINÉMA INDIEN CONTEMPORAIN À ÉVOLUER ET À DEVENIR CE QUE L’ON CONNAÎT AUJOURD’HUI...

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CINÉMA LUMIÈRE SUR...

La musique indienne occupe une place primordiale dans le cinéma indien et constitue une composante essentielle du succès d’un film. Elle a évolué, au même titre que le cinéma lui-même, et incarne à elle seule le syncrétisme culturel dû à la globalisation. Cependant, l’Inde reste l’un des rares pays à avoir su sauvegarder son folklore, phénomène notamment remarquable à travers la musique.

Par le biais de cette rubrique, vous découvrirez les grands artisans de la musique indienne d’hier et d’aujourd’hui. Chanteurs, paroliers et compositeurs, les classiques comme les jeunes révélations...

LUMIÈRE SUR... KUMAR SANU MOTS PA R ASMA E BENM ANSOUR P HOTO G RAP HI E DU SI TE B IZASIALIVE.COM


S’IL Y A UN CHANTEUR QUI REPRÉSENTE À MERVEILLE LE CINÉMA HINDI DES ANNÉES 1990, C’EST BIEN LUI ! En effet, le timbre de Kumar Sanu a ponctué la décennie, en particulier dans le registre des ballades romantiques, qu’il a contribué à rendre culte par sa voix si chaude et reconnaissable. Il chante d’abord dans des restaurants et spectacles de Calcutta à partir de 1979, qui lui permettent d’attirer l’attention de producteurs musicaux.

ET S’IL A OFFICIELLEMENT DÉMARRÉ SA CARRIÈRE DE CHANTEUR POUR LE CINÉMA EN 1983, IL LUI FAUDRA ATTENDRE 1990 AVEC LA SORTIE DE LA BANDEORIGINALE DE AASHIQUI POUR RÉELLEMENT SÉDUIRE LE GRAND PUBLIC. L’album est un chartbuster, et l’audience s’éprend de l’empreinte vocale de Kumar. Ce plébiscite lui permet surtout de signer des associations régulières avec le duo NadeemShravan, compositeurs de la bande-son. Il remportera d’ailleurs son premier Filmfare Award du Meilleur Chanteur (pour sa première nomination) grâce à la chanson « Ab Tere Bin » tirée du film précité. Cette victoire marque un tournant, et Kumar Sanu devient increvable ! Dès 1991, il rafle son deuxième trophée du Meilleur Chanteur pour « Mera Dil Bhi » de Saajan, puis persiste et signe en 1992 avec la mélodie « Sochenge Tumhe Pyaar » de Deewana, pour laquelle il est de nouveau sacré. Il remporte son quatrième prix en 1993 pour l’incontournable « Yeh Kaali Kaali Aankhen » du thriller Baazigar, qui consolidera sa popularité.

Il devient le plus grand lauréat consécutif du Filmfare Award du Meilleur Chanteur avec cinq victoires puisqu’il gagne encore cette récompense en 1994 pour « Ek Ladki Ko Dekha » de 1942 - A Love Story. Il sera par ailleurs pressenti pour cette distinction à neuf autres occasions, pour les musiques « Baazigar O Baazigar » de Baazigar (1993), « Kuch Na Kaho » de 1942 - A Love Story (1994), « Tujhe Dekha To » de Dilwale Dulhania Le Jayenge (1995), « Tu Mile Dil Khile » de Criminal (1995), « Do Dil Mil Rahe Hain » de Pardes (1997), « Ladki Badi Anjani Hai » de Kuch Kuch Hota Hai (1998), « Aankhon Ki Gusthakhiyaan » de Hum Dil De Chuke Sanam (1999), « Sanam Mere Humraaz » de Humraaz (2002) et « Kissi Se Tum Pyar Karo » de Andaaz (2003).

ET SI SA NOTORIÉTÉ EST INCONTESTABLE DURANT LA DÉCENNIE, LES CHOSES SE COMPLIQUENT. En effet, au milieu des années 2000, Kumar Sanu est de moins en moins sollicité tant sa voix est associée aux productions hindi des 1990’s, et donc considérée (à tort, selon moi) comme désuète. Il faut dire que les compositions de musique filmi évoluent, tendant davantage vers des sonorités électro ou folk, et donc assez éloignées de l’identité artistique du chanteur.

IL MET ALORS UN TERME À SA CARRIÈRE ET S’ENGAGE EN POLITIQUE, EN INTÉGRANT LE BHARATIYA JANATA PARTY EN 2004. Certes, il n’a jamais cessé de chanter mais ses contributions sont beaucoup plus oubliables. D’autant qu’il ne participe plus à aucun album dit mainstream, les compositeurs lui préférant des artistes à la voix plus fraîche 101


et moderne comme Sonu Nigam, Shaan ou encore Sukhwinder Singh. Il faut attendre 2012 pour retrouver son timbre si singulier sur la bande-son de Rowdy Rathore, masala d’action populaire avec Akshay Kumar et Sonakshi Sinha à l’affiche.

MAIS C’EST EN 2015 QU’IL FAIT DE NOUVEAU GRAND BRUIT AVEC LE FILM DUM LAGA KE HAISHA. En effet, dans cette comédie romantique signée Yash Raj Films, le héros campé par Ayushmann Khurrana voue un véritable culte à Kumar Sanu, dont il écoute les chansons en permanence. Il était donc impossible pour l’artiste de ne pas apporter sa pierre à l’édifice. C’est ainsi qu’il retrouve la chanteuse Sadhana Sargam sur « Dard Karaara », un morceau dynamique absolument typique des productions des années 1990. Sa voix renvoie à une certaine nostalgie, confirmant d’ailleurs à quel point il a marqué son ère. De nouveau, le public le voit comme l’incarnation de la musique bollywoodienne des 1990’s lorsque l’un de ses tubes, « Aankh Maarey », est repris pour la bande-originale du blockbuster Simmba, en 2018. Kumar Sanu s’est d’abord illustré dans le registre de la chanson romantique et positive, empreinte d’une certaine innocence, comme il l’a prouvé notamment avec les chansons « Baazigar O Baazigar » de Baazigar (1993), « Ek Ladki Ko Dekha » et « Kuch Na Kaho » de 1942 - A Love Story (1994), « Chand Se Parda Kijiye » de Aao Pyaar Karen (1994), « Meri Mehbooba » de Pardes (1997) ou encore « Chand Sitare » de Kaho Naa Pyaar Hai (2000). Sa voix de velours se prête également à merveille à l’exercice de la complainte 102

intense, entre déchirement, passion et sensualité. Parmi les titres les plus marquants de cette catégorie, il y a surtout « Ab Tere Bin » de Aashiqui (1990) et « Chahaton Ka Silsila » de Shabd (2005). Pour autant, il a su se frotter avec brio à des sons plus enjoués et entrainants, comme pour « Yeh Kaisi Mulaqat Hai » de Ab Ab Laut Chalen (1999), « Yeh Kaali Kaali Aankhen » de Baazigar (1993), « Aankh Maarey » de Tere Mere Sapne (1996), « Dekho Zara Dekho » de Yeh Dillagi (1994), « Ladki Badi Anjani Hai » de Kuch Kuch Hota Hai (1998) et dernièrement « Dard Karaara » de Dum Laga Ke Haisha (2015). Si d’autres vocalistes ont marqué les années 1990 de leur empreinte, de Udit Narayan à Alka Yagnik, en passant par Sadhana Sargam et Arudhana Paudwal, Kumar Sanu est le seul qui soit resté viscéralement lié à cette époque de la musique hindi. Toutefois, nous osons espérer que les années à venir lui offriront d’autres opportunités intéressantes de déployer son grain de voix chaleureux et romantique.

SCANDALE Le chanteur a aussi fait parler de lui pour sa liaison avec l’actrice Meenakshi Seshadri, et ce alors qu’il était encore marié. Si l’affaire mènera au divorce du chanteur, les deux amants finiront tout de même par se séparer. Meenakshi dirigera une école de danse aux États-Unis tandis que Kumar trouvera le bonheur dans des secondes noces.


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C I N É M A L’A L B U M D U F I L M . . . Il y a des albums culte. Des chansons qui passent l’épreuve du temps. Pour ce numéro tourné vers les années 1990, j’avais largement le choix, mais mon attention s’est portée sur Taal, l’un des travaux les plus fins du musicien légendaire A. R. Rahman. Retour sur cette pépite incontournable du cinéma indien... M OTS PA R E LO D I E H A M I DOV I C

LE PITCH DU FILM C’est une histoire d’amour entre le beau gosse riche Manav (Akshaye Khanna) et la belle plante de milieu pauvre Mansi (Aishwarya Rai Bachchan). Problème de classe oblige, cette relation sera mise à rude épreuve...

Taal hindi Sortie au cinéma le 13 août 1999 Musique composée par A.R. Rahman Paroles des chansons écrites par Anand Bakshi


L’AMBIANCE

1. Ishq Bina

SUJATHA MOHAN ET SONU NIGAM

LE RÉALISATEUR SUBHASH GHAI DOIT LE NOM DE SON FILM AU COMPOSITEUR. La musique tient effectivement une part essentielle dans son oeuvre, tant par le travail d’A.R. Rahman que par l’histoire. Car la jeune Mansi rencontrera le producteur de musique Vikrant Kapoor (Anil Kapoor) après avoir vu ses rêves de mariage avec Manav réduits à néant. Vikrant va faire d’elle et de son père des sensations. Mansi va ainsi sortir du cadre social qui l’a empêchée d’être auprès de l’être aimé...

TOUT L’ALBUM SE CONSTRUIT DONC SUR L’HISTOIRE DE LA MUSIQUE INDIENNE. Les bases vocales, les instruments classiques... Rien n’est laissé au hasard et surtout, tout est absolument (et parfaitement) rythmé. D’ailleurs, Taal peut signifier le rythme, le tempo ou encore la mesure prise en compte lors d’une chanson. Ce rythme, c’est celui de la romance. Ici, tout est profond, tout est fort. L’amour est un sentiment qui arrive pour ne jamais repartir, qui ne s’évapore pas malgré les conflits.

AUSSI, L’ALBUM MONTRE LA TRANSITION ENTRE TRADITION ET MODERNITÉ DANS LA MUSIQUE. Comment les chants classiques ont trouvé un second souffle face à la tendance techno de la fin des années 1990 et du début des années 2000. Le compositeur fait alors plusieurs remakes de ses œuvres et on entend plusieurs fois deux versions d’une même chanson.

C’EST LA CHANSON FORTE DU FILM. C’est aussi le moment où Manav s’éprend de la belle Mansi et finit par lui avouer ses sentiments à travers la musique. C’est festif tout en étant profondément intense. Les passages chantés par le compositeur donnent une vraie âme à cette ballade sur l’amour sous toutes ses formes. Aussi, l’instrumentation fait toute la magie de cette chanson intemporelle. « Ishq Bina » a le droit à une version plus triste, cette fois avec la voix de Kavita Krishnamurthy lors du moment final du film, alors que Mansi est au sommet de sa gloire et qu’elle se replonge dans ses sentiments d’alors.

2 . Ta a l S e Ta a l

ALKA YAGNIK ET UDIT NARAYAN Ce qui est très intéressant avec « Taal Se Taal », c’est l’utilisation de la pluie. L’héroïne est une passionnée et sa danse, elle l’exprime quelle que soit la situation.

ELLE EST ENTIÈRE DANS SES GESTES ET DANS SA MUSIQUE. Si Mansi s’éclate dans la boue, cela n’empêche pas « Taal Se Taal » d’avoir un côté dramatique qui prouve qu’il manque quelque chose à cette fille si pure. « Taal Se Taal » possède une version remixée et moderne, qui marque la rencontre entre Vikrant et Mansi. Il lui montre ainsi comment la musique traditionnelle peut trouver un public auprès de l’Inde actuelle. > 105


3. Nahin Samne

HARIHARAN ET SUKHWINDER SINGH

EST-CE POSSIBLE DE TOURNER LA PAGE ? Malgré une tristesse dévorante, « Nahin Samne » donne de l’espoir. Même si Mansi est loin de Manav, lui ne peut l’oublier et ignorer ce qu’il ressent pour elle. Quand Mansi monte et atteint le succès, Manav est quant à lui coincé. Pourtant, il ne sombre pas entièrement. Il continue de vivre à travers cet amour passé. Peut-être bien qu’il sombre lentement, mais il ne transforme pas son amour en haine. Il s’accroche et, plus tard, ne baissera pas les bras.

4. Kahin Aag Lage Lag Jaaye

ASHA BHOSLE, ADITYA NARAYAN ET RICHA SHARMA Le mélange entre orchestre classique, sonorités électro et éléments traditionnels comme les grelots de cheville font de cette chanson la parfaite image de ce qu’est devenue la musique de Bollywood au début des années 2000. Plus moderne, un brin excentrique, le tout avec la voix d’Asha Bhosle, absolument incroyable ! Ici, on découvre la nouvelle Mansi, celle qui a rencontré le succès à travers sa passion, menée par le génie qu’est Vikrant. Nous sommes loin de la simplicité de « Taal Se Taal », mais Mansi ne s’est pas perdue dans les paillettes. Du moins, pas encore.

5. Kariye Na

SUKHWINDER SINGH ET ALKA YAGNIK Retour aux sources avec le superbe duo formé par Sukhwinder Singh et Alka Yagnik. C’est la présentation du lien fort entre un père et sa fille, de leur musique inscrite dans un quotidien simple et aux traditions importantes, loin du bling bling que deviendra plus tard le quotidien de Mansi.

C’EST AUSSI LA PREMIÈRE CHANSON DU FILM, CELLE QUI MARQUE LE DÉPART D’UNE ÉVOLUTION IMPORTANTE DANS LE COEUR DE SON HÉROÏNE.

6.Ni Main Samajhh Gayi

RICHA SHARMA ET SUKHWINDER SINGH C’est à ce moment-là que Manav redécouvre sa Mansi. Elle est différente, tant physiquement que par sa musique. La voix même de Mansi change tout au long du film. C’est une autre femme. C’est aussi une première rencontre entre celui qui l’a aimé par le passé (et qui l’aime toujours), et celui qu’il l’aime maintenant. Pour « Ni Main Samajhh Gayi », nous pouvons entendre Richa Sharma, qui fait ici un travail formidable.

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7. R a m t a J o g i

SUKHWINDER SINGH ET ALKA YAGNIK

VIKRANT EST AMOUREUX ! Ce producteur de musique un peu déluré est fou de sa nouvelle trouvaille. La voix de Sukhwinder Singh est captivante dans ce duo avec une Alka Yagnik tentatrice. On retrouve dans « Ramta Jogi » beaucoup de clins d’oeil musicaux, des instants jazzy à la guitare portugaise, sans oublier le fameux tabla.

C’EST LA SIGNATURE D’A.R. RAHMAN, QUI S’INSPIRE DE TOUT CE QUI L’ENTOURE POUR CRÉER DES MÉLODIES UNIQUES.

8. Kya Dekh R a h e H o Tu m

VAISHALI SAMANT, SUNIDHI CHAUHAN ET SUKHWINDER SINGH Mansi s’est perdue, c’est officiel. Cette chanson fait écho à ce qu’elle était et à ce qu’elle est devenue. Il y a comme une impression de compte à rebours. Si Mansi ne fait pas attention, il sera trop tard.

LA FIN EST TOUT SIMPLEMENT MAGISTRALE ET PREND AUX TRIPES. LE CONFLIT INTÉRIEUR DE LA JEUNE FEMME EST PARFAITEMENT RETRANSCRIT DANS CETTE CHANSON COURTE, MAIS DÉCHIRANTE. 107


CINÉMA FILM VS LIVRE

Never Kiss Your Best Friend vs Never Kiss Your Best Friend MOTS PAR ELO DI E HAM IDOVIC

NEVER KISS NEVER KISS YOUR BEST FRIEND YOUR BEST FRIEND Réalisé par Arif Khan (2020)

Écrit par Sumrit Shahi (2015)

Tanie Brar (Anya Singh) croise son ancien meilleur ami Sumer Singh Dhillon (Nakuul Mehta) lors d’une soirée avec ses collègues. Ce moment va remettre en perspective tout ce qu’ils ont traversé par le passé, mais aussi bousculer leur nouvelle vie...

Suite du roman à succès Just Friends, nous y retrouvons l’impulsive Tanie Brar qui croise son meilleur ami Sumer Singh Dhillon après 5 ans sans la moindre nouvelle. Retrouver Sumer amène Tanie à repenser à ce meilleur ami de toujours, entre fous rires et grosses disputes...

ATTENTION ! CET ÉCRIT CONTIENT DES SPOILERS ! > 108


L’ hi s to i re UNE FILLE ET UN GARÇON PEUVENT-ILS ÊTRE SIMPLEMENT AMIS ? Cette question a été le sujet de nombreuses œuvres (souvent à caractère romantique), aussi bien littéraires que cinématographiques. Sumrit Shahi y avait déjà apporté une réponse avec son premier livre, Just Friends, sorti en 2010 et qui mettait en parallèle deux histoires d’amitié mises à rude épreuve par des sentiments romantiques naissants. Never Kiss Your Best Friend en est une suite, focalisée sur les personnages de Sumer et Tanie. Pas facile donc de retranscrire tout cela en 10 épisodes de 20 minutes chacun. Pour cette comparaison, j’ai décidé de faire les choses un peu différemment. En effet, j’ai visionné la série avant de lire le livre. L’auteur de l’oeuvre originelle Sumrit Shahi est également derrière l’écriture du programme. Le jeune romancier a d’ailleurs fait ses preuves avec pas moins de sept séries télévisées, en particulier Sadda Haq - My Life My Choice qui lui a permis de remporter plusieurs distinctions. Par conséquent, lorsque la plateforme ZEE5 annonce la sortie de la web-série Never Kiss Your Best Friend, je saute sur l’occasion pour regarder tous les épisodes d’une traite, en attendant sagement l’arrivée de mon livre à la maison. Never Kiss Your Best Friend reprend les ingrédients des premières web-séries indiennes qui, à l’époque, étaient diffusées sur Youtube. Aujourd’hui, l’Inde compte de nombreuses plateformes (souvent payantes) tant ce format s’est imposé avec le temps ! Globalement, ce n’est pas parfait (ce ne sont pas les mêmes moyens que pour des productions Netflix ou Amazon).

Que ce soit dans l’écriture, dans le jeu ou même techniquement, d’ailleurs. Pourtant, on suit sans problème chaque épisode jusqu’à la fin. Je me suis moi-même souvent retrouvée à enchaîner ce qui était disponible en ligne, parce que c’était un parfait entredeux. Je m’explique : Never Kiss Your Best Friend ressemble à un film de Bollywood assez classique, mais avec tout de même un côté original, actuel et innovant. C’est neuf et très frais ! Et puis, d’un autre côté, ça ressemble aussi à une production Tellywood (c’est-à-dire une série indienne familiale), mais sans la longueur poussive. À la fin de chaque épisode, nous avons droit à un petit teaser qui nous tient en haleine. Il y a même des musiques originales composées spécialement pour la série ! Bref, on peut facilement y trouver son bonheur.

À LA FIN DES 10 ÉPISODES, NEVER KISS YOUR BEST FRIEND LAISSE UN PARFUM DE PETITE COMÉDIE ROMANTIQUE TOUT À FAIT SYMPATHIQUE ET QUI NE SE PREND PAS LA TÊTE, NE RÉINVENTANT PAS LA PLUIE ET DONNANT SURTOUT LE SOURIRE. Clairement, j’ai passé un bon moment malgré deux ou trois éléments prévisibles, et des acteurs qui ont la même tête au fil des années (alors qu’il y a quand même un bond dans le temps de 5 ans !). Les imperfections, on les oublie assez facilement car les acteurs principaux Anya Singh et Nakuul Mehta sont fantastiques ! À côté, tous les autres semblent bien fades. Et c’est peut-être le seul véritable reproche que je puisse faire à la série : le fait que tous les membres du casting ne soient pas à la hauteur. Si cela n’aide pas à donner de la profondeur à la > 109


trame, c’est le seul point noir notable du show. Car dans son ensemble, le résultat fonctionne.

PUIS, J’AI LU LE LIVRE. L’ORIGINAL. Et je me suis retrouvée totalement embarquée par la plume hilarante de Sumrit Shahi. Tout est écrit du point de vue de Tanie. Et même si parfois, on a l’impression de ne pas la reconnaitre (peut-être qu’il aurait été cool que je lise le premier roman de l’auteur pour en savoir plus), il n’empêche que ça se lit terriblement bien ! Alors certes, pour la série, il y a eu d’énormes raccourcis. La moitié des personnages disparaissent, certains événements fusionnent et puis... la fin se transforme complètement. C’est comme si Sumrit, en adaptant son histoire à l’écran, avait décidé d’en proposer une version alternative. Les mêmes personnages, les mêmes obstacles de la vie, mais une fin à des années-lumière de ce qu’il avait rédigé à la base. Pourquoi pas ? Mais sur le coup, je me suis sentie franchement trahie.

Les pe r s o nn a g e s TANIE BRAR C’est une fille sans filtre et directe. Parfois, c’est une vraie tempête. Elle a aussi des principes, elle est têtue et sait clairement ce qu’elle veut dans la vie. De ses 15 à ses 25 ans, Tanie évolue et apprend de ses erreurs sans jamais perdre cette énergie folle qui la caractérise.

ANYA SINGH ENTRE SANS DIFFICULTÉ DANS LA PEAU DE TANIE, BIEN QU’ELLE SOIT DAVANTAGE DANS 110

LA RETENUE QUE LE PERSONNAGE DONT ELLE S’INSPIRE. En effet, si les deux Tanie ne sont pas tout à fait similaires, ce ne sont que des petits détails qui les différencient, ne gâchant en rien ce personnage attachant et finalement plutôt naïf. Tanie vit dans une bulle, elle a du mal à voir ce qui se trouve sous son nez, qu’il s’agisse de ses petits-amis ou encore de Sumer. Elle passe à côté de l’évidence, mais ce n’est pas grave. C’est une chouette fille et peut-être que dans la web-série, elle aurait mérité de prendre davantage de place. D’être clairement celle qui raconte son histoire, son amitié, ses bons comme ses mauvais moments, bref... Tout.


SUMER DHILLON Je dois l’admettre, j’étais très sceptique face à Nakuul Mehta. Difficile de prétendre être un ado avec un visage pareil (non pas qu’il soit moche, au contraire, mais il fait clairement ses 37 ans !). Évidemment, la série a modifié l’âge des héros pour que ce soit plus réaliste, mais quand même ! Physiquement, il n’est ni grand, ni musclé lorsqu’il est ado. En passant les années, il ne maigrit pas et il n’y a pas de changement majeur (qui est censé alerter sur son addiction).

ET POURTANT, ÇA MARCHE QUAND MÊME. POURQUOI ? PARCE QUE NAKUUL PORTE SUMER DU DÉBUT À LA FIN. Son jeu est si impeccable que même en lisant le livre (et ce malgré la première description du personnage), je n’arrivais pas à visualiser quelqu’un d’autre !

TANIE BRAR EST L’ÂME DE NEVER KISS YOUR BEST FRIEND. Ses conflits intérieurs, ses questions restées sans réponse, la manière dont elle mûrit, apprend et s’accroche à son meilleur ami. De fait, quand elle parle à la caméra et brise le quatrième mur, c’est pertinent. Cela sonne comme des confidences... Jusqu’à ce que cette même caméra donne plus d’espace à Sumer, et ce parti pris perd tout son intérêt.

AVEC CELA, LE SPECTATEUR PERD L’EFFET DE SURPRISE TANT IL N’EST PLUS EN PHASE AVEC LE REGARD DE TANIE.

Sumer, c’est le pote un peu con qui fait des blagues de cul toutes les dix secondes, qui n’a aucune gène, qui donne l’impression de ne penser qu’à ses petits plaisirs là où, en réalité, il a un grand coeur et une générosité unique. Sumer dissimule ses problèmes. Il est constamment brimé par son père, est forcé à mener des études d’ingénieur, plonge dans la drogue en s’éprenant de la mauvaise fille (sans doute pour oublier ce qu’il ressent profondément pour Tanie)... Bref, la seule différence entre le papier et l’écran, c’est son futur. Car Sumer n’a jamais arrêté de consommer de la drogue après avoir été surpris par Tanie. Il n’a pas non plus réalisé son rêve en travaillant dans le cinéma... D’ailleurs, toute cette partie dans la série (le travail dans le cinéma de Sumer) respire le cliché. > 111


LAIKA ET SON COUSIN KABIR S’ils sont physiquement « parfaits » à l’écran, leur jeu d’acteur ne suit pas forcément (notamment pour Paloma Monnappa, qui interprète une Laika archétype de la plante verte sans émotion). Cependant, le squelette des personnages du livre a été respecté. Elle, c’est l’ex de Sumer avec laquelle le garçon se remet lorsqu’il démarre ses études supérieures. Lui, c’est le beau gosse croisé lors d’une soirée d’anniversaire à laquelle Tanie ne voulait, à la base, pas se rendre.

C’EST SANS DOUTE LA PARTIE DE LA SÉRIE QUI EST LA PLUS FIDÈLE AU LIVRE. Mohit Hiranandani est parfait en Kabir, à la fois sombre, mystérieux et sexy. On peut comprendre que Sumer ne l’aime pas (et qu’il en soit jaloux !). Mais la série est tellement centrée sur Sumer et Tanie que les enjeux narratifs qui concernent Laika et Kabir ne prennent pas vraiment de place. On se fiche des sentiments de Sumer pour Laika, tout comme on sait d’avance que quelque chose va partir en cacahuète entre Tanie et Kabir. Là encore, c’est prévisible, les prestations des comédiens désintéressent et du coup, on a hâte de passer à autre chose.

LES PARENTS ET LES AMIS OUBLIÉS. Tanie et Kabir avaient tout un groupe d’amis au lycée. Dans la série, ils n’existent pas. Tout comme la colocataire de Tanie lorsqu’elle travaille à Mumbai, dix ans plus tard. Ou encore la cousine de Sumer, celle qui l’a incité en premier à consommer de la drogue...

LA LISTE EST LONGUE ! Mais ce qui est drôle, ce sont aussi les libertés prises dans la série. 112

La raison de la rupture entre Tanie et Rehaan (qui existe probablement dans le premier livre), ce qu’il se passe entre les parents de Sumer... Bref, pour laisser plus de place à cette amitié qui n’en est plus une, la série a fait le ménage ! En soi, je peux le comprendre. Mais c’est si poussé que le tout manque cruellement d’authenticité.

AVEC LE FORMAT DE LA WEB-SÉRIE, DES SACRIFICES DEVAIENT ÊTRE FAITS, MAIS AUTANT DE ÇA ? VRAIMENT ?


La n ote d’a d a pt at i on Il n’y a que Tanie et Sumer qui existent à l’écran, ce qui fait de Never Kiss Your Best Friend (la série) une histoire très en surface. Aussi, le récit des deux protagonistes qui se déroule à l’origine en Inde, a été téléporté en Angleterre sans réelle justification.

EST-CE ENCORE TROP TÔT POUR MONTRER UN COMPORTEMENT AUSSI OUVERT ET DÉCOMPLEXÉ AU PUBLIC INDIEN EN L’ATTRIBUANT À QUELQU’UN QUI VIVE AU SEIN DU SOUSCONTINENT ? Est-il même nécessaire de lier la notion de modernité à l’Occident ? Je ne le crois pas. Je trouvais le choix de la ville de Londres intéressant au démarrage de mon visionnage, mais j’ai vite remarqué que ce n’était pas exploité. En lisant que tout se passait entre Delhi et Chandigarh dans le roman, tout a pris plus de sens à mes yeux.

L’OUVRAGE EST BOURRÉ D’ANECDOTES SUR LES DEUX VILLES, ET PERMET DE VISUALISER LE CONTEXTE ET, AU PASSAGE, DE VOYAGER. Ce que j’ai surtout aimé dans Never Kiss Your Best Friend (le roman), c’est aussi le fait de suivre cette amitié fusionnelle sur le long terme, avec ses multiples rebondissements. Tanie et Sumer ont une relation qui ne trouve pas de réelle définition, que ce soit en amitié ou en amour. Là où la série conclut par l’évidence : c’est une love story, ils vont finir heureux et auront beaucoup d’enfants.

Dans le livre, ce que ressent Sumer, nous ne l’apprenons qu’à la fin. Et cette fin (et là, je peux vous la spoiler sans vous gâcher la série, puisqu’elle n’existe que dans le livre) est déchirante. On réalise qu’effectivement, il l’a toujours aimé, mais qu’il n’a jamais réussi à le lui dire. Que finalement, parce qu’il a sombré dans la drogue et découvert son cancer, il n’aurait pas apporté à Tanie le bonheur qu’il lui souhaite en lui révélant son amour. En revanche, savoir si c’était réciproque, si elle a ressenti la même chose pour lui ne serait-ce qu’une seule fois, était son dernier souhait. Car oui, Sumer meurt ! Tanie a les réponses à ses questions et finit par aller de l’avant, mais cette perte est tellement triste !

J’AURAIS AIMÉ RETROUVER CETTE RÉALITÉ POIGNANTE À L’ÉCRAN. Néanmoins, c’est une adaptation tout de même correcte que vous pouvez apprécier sans trop avoir à y réfléchir. Et si vous lisez l’anglais, je vous invite grandement à découvrir le roman de Sumrit Shahi.

3/5

LE SAVIEZ-VOUS ? Anya Singh tenait son tout premier rôle principal en 2017 dans la production Yash Raj Films Qaidi Band, face à l’enfant de la balle Aadar Jain. Suite à l’échec du métrage, elle reviendra deux ans plus tard dans le film télougou Ninu Veedani Needanu Nene, aux côtés de Sundeep Kishan.

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C I N É M A S C È N E C U LT E

Scène Culte La scène d’un film peut avoir de multiples résonances. Qu’il s’agisse de son propos, de sa mise en scène ou de sa place dans la narration, une scène peut magnifier par sa pertinence un film comme le gâcher lorsqu’elle est superflue ou dénuée de sens. Dans cette rubrique, Bolly&Co se propose d’analyser les séquences incontournables du cinéma indien pour justement dégager ce qui fait toute leur singularité... MOTS PA R ASMA E BENM ANSOUR

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«Jaa Simran Jaa»

de Dilwale Dulhania Le Jayenge Réalisé par Aditya Chopra Acteurs de la scène : Kajol (Simran Singh), Amrish Puri (Chaudhary Baldev Singh), Shahrukh Khan (Raj Malhotra), Parmeet Sethi (Kuljeet Singh), Anupam Kher (Dharamvir Malhotra), Farida Jalal (Lajwanti Singh), Satish Shah (Ajit Singh), Mandira Bedi (Preeti Singh) et Pooja Ruparel (Rajeshwari Singh).

Le set

Les co st u m es

Nous sommes à la gare ferroviaire d’Apta, au Maharashtra, là où l’action du film est censée se dérouler dans le Pendjab natal de Baldev Singh.

Raj porte une veste en cuir noir qui caractérise parfaitement son personnage. C’est sa pièce de prédilection, devenue le symbole du héros avec son chapeau trilby et sa mandoline. De son côté, Simran est en tenue de mariée beige et dorée. Car aujourd’hui devait être le jour de ses épousailles avec Kuljeet.

MAIS QU’IMPORTE CETTE MALADRESSE NARRATIVE, CAR NOTRE ATTENTION N’EST PAS RIVÉE SUR LE LIEU MAIS SUR CE QUI S’Y PASSE ! Raj vient de se battre avec Kuljeet, promis de Simran, qui n’est évidemment pas venu seul. Car oui, Raj est amoureux de la future mariée, et c’est réciproque. Le patriarche Baldev arrive à temps pour arrêter le massacre, et surtout pour inviter Raj à rentrer chez lui.

L’ATMOSPHÈRE EST PESANTE, TOUT LE MONDE EST AFFLIGÉ. SERAIT-CE LA FIN POUR NOS DEUX AMANTS ?

Tous les protagonistes présents portent des tenues locales, pour la plupart de fête. Sauf Raj et son père, qui personnifient les immigrés plus fortunés au travers de leurs vêtements estampillés occidentaux. Mais aussi parce que leur coeur n’est clairement pas à la fête. On doit par ailleurs le stylisme du film à Manish Malhotra qui, malgré ses idées novatrices (qu’il insufflera la même année dans le film Rangeela, pour sa muse Urmila Matondkar), sera vite calmé par le réalisateur Aditya Chopra, qui souhaitait avant tout maintenir une certaine simplicité dans les looks de ses protagonistes. > 115


La camé ra ELLE ALTERNE LES GROS PLANS SUR LES REGARDS INTENSES QU’ÉCHANGENT RAJ ET BALDEV, LE TRISTE PREMIER IMPLORANT L’INFLEXIBLE SECOND DE CONSENTIR À SON MARIAGE AVEC SIMRAN. La manière de filmer d’Aditya Chopra fait la part belle aux expressions des protagonistes. On voit les rides de crispation de Baldev, les larmes coulant sur le visage ensanglanté de Raj et le regard vif d’une Simran qui s’anime enfin après plus de 3 heures d’inertie. Puis, il y a ce plan au ralenti, celui de l’heureuse conclusion, de cette ultime course pour rattraper le train de la destinée pour une Simran enfin libérée du poids de la tradition.

L’en j e u Raj et Simran vont-ils finir ensemble ? Baldev va-t-il leur donner sa bénédiction ? Pour la première fois depuis le début du film, on voit Simran au premier plan. C’est Simran qui prend les devants. C’est Simran qui ose enfin s’affirmer et implorer son père de la laisser rejoindre Raj. Le héros, ici, n’a été d’aucune utilité. C’est Simran qui fait son destin et permet cette conclusion heureuse. Avec le consentement de Baldev, bien entendu ! 116


Le c arac tè re / l e to n de la s cè ne Dramatique jusqu’à l’os ! La séquence fait suite à une bagarre assez lunaire (mais toute aussi intense) entre Raj et les hommes de main de Kuljeet. Le jeune homme est effondré, toutes les personnes assistant à la scène affichent un visage fermé... Bref, on n’est pas là pour rigoler ! D’ailleurs, le héros oublie son tempérament rieur et s’effondre à la perspective de perdre l’amour de sa vie.

Amrish Puri absolument impérial. Et enfin prêt à lâcher prise. Aussi bien littéralement que métaphoriquement lorsqu’il libère le poignet de sa fille pour lui permettre de rejoindre Raj. C’est aussi le symbole d’une émancipation pour Simran qui, le jour où elle s’autorise enfin à s’affirmer, trouve chez son père compréhension et acceptation. Les coups bas et les stratégies ne servaient donc à rien, il suffisait d’être honnête et persévérant !

PAS UN MOT NE SORT DE SA BOUCHE, C’EST INUTILE. SON REGARD DIT DÉJÀ TOUT SUR LA PEINE QU’IL ÉPROUVE.

Les hé ro s Si la grande majorité du casting est présent, les personnages centraux de la scène sont Simran, Baldev et Raj. Ce dernier martèle son désarroi par ses regards appuyés et ses yeux remplis de larmes. Baldev garde quant à lui cet air dur et terrifiant. De son côté, Simran reste d’abord en retrait, comme pendant tout le reste du film. Puis ensuite, on la voit réagir. Enfin. Elle s’impose et se décide à exprimer ce qu’elle ressent. Elle a laissé Raj gérer la situation, ça a été un échec. Elle prend désormais les choses en main et redevient maîtresse de son avenir. On voit une héroïne sauver son histoire d’amour, et non la subir.

Les ré pli qu e s Le fameux « Jaa Simran jaa ! Jee le apni zindagi. » (Pars Simran, pars ! Vis ta vie.) est devenu incontournable. Le consentement clé tant attendu, véritable enjeu narratif de toute la seconde partie du métrage... Il réside en cette phrase, prononcée avec émotion par un

Po u rq u o i c’est cu l te ? Pour ce suspense insoutenable et cette course finale, qui fait un merveilleux clin d’oeil à la toute première rencontre entre Raj et Simran. Comme pour signifier au spectateur qu’avec cette fin heureuse, la boucle est bouclée. On n’en saura pas plus et c’est sans doute mieux ainsi.

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C I N É M A E T S I O N C O M PA R A Î T L E S R E M A K E S ?

7 G R A I N B O W C O M PA N Y VS MALAAL MOTS PA R ASMA E BENM ANSOUR

L’INDE A POUR HABITUDE DE MISER SUR LES REMAKES, QU’ILS SOIENT RÉGIONAUX OU INTERNATIONAUX. En effet, réadapter une oeuvre aux coutumes nationales voire régionales fait office de véritable tendance dans les industries indiennes, à Bollywood comme dans les capitales dravidiennes. En 2019 sort en Inde le métrage hindi Malaal, avec les débutants Meezaan Jaffery (fils de Javed Jaffrey) et Sharmin Segal (nièce de Sanjay Leela Bhansali) en têtes d’affiche.

Malgré une promotion intensive, l’oeuvre ne trouvera pas son public. Et pour cause, Malaal n’est pas un film original. En effet, il s’agit du remake officiel du métrage tamoul 7G Rainbow Colony, sorti en 2004 avec Ravi Krishna et Sonia Agarwal dans les rôles principaux.

ALORS, MALAAL CONSTITUE-T-IL UNE ADAPTATION RATÉE ? QUELS SONT LES ATOUTS DE CETTE VERSION ‘MADE IN BOLLYWOOD’ ?

L’h i s to i re Anitha/Aastha (Sonia Agarwal/Sharmin Segal) intègre le quartier populaire dans lequel vit notamment Kadhir/Shiva (Ravi Krishna/Meezaan Jaffery), la mauvaise tête du coin. Et s’il a pris un malin plaisir à la malmener à son arrivée, le jeune homme réalise finalement qu’il en est amoureux...

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7 G RAINBOW COLONY

Yuvan Shankar Raja, ce génie

Le travail créatif du compositeur est ici franchement admirable, puisqu’il créé une véritable ambiance avec les mélodies initiées pour le film. Il déniche d’ailleurs parmi les meilleurs vocalistes du pays, de Shreya Ghoshal à KK, en passant par Karthik. Les chansons comme les instrumentaux de 7G Rainbow Colony amènent de la tension, corroborent les enjeux narratifs et subliment parfois même des scènes qui auraient été assez plates sans eux. Mais plus que tout, l’album du film s’écoute avec plaisir en dehors de son contexte. Les sons vous emportent et vous cueillent, entre joie de l’amour naissant et profonde mélancolie. S’il y a bien un aspect de 7G Rainbow Colony qui constitue une indiscutable réussite, c’est bien celui-là !

7G RAINBOW COLONY EN 3 POINTS La patte Selvaraghavan

Le réalisateur est connu pour son univers très brutal, pour son image naturelle sans aseptisation ainsi que pour la violence certaine (qu’elle soit visuelle ou émotionnelle) de ses travaux. Avec 7G Rainbow Colony, on identifie de suite son style, qui tend à nous raconter une histoire d’amour qui soit la plus proche possible de la réalité. 7G Rainbow Colony ne nous épargne rien et n’a pas à coeur de nous faire rêver. Hélas, sur le plan esthétique, sa pellicule a pris un sacré coup de vieux dans la nuque et quand on la compare à d’autres métrages sortis à la même époque (Aaytha Ezhuthu de Mani Ratnam ou Veyil de Vasanthabalan, par exemple), on constate effectivement que le métrage a bel et bien été abimé par le temps.

Héros déconcertant

L’ACTEUR RAVI KRISHNA N’EST ABSOLUMENT PAS À LA HAUTEUR. Et c’est encore plus frappant lorsqu’il se retrouve face à Sonia Agarwal, sa partenaire à l’écran qui livre quant à elle une prestation des plus saisissantes. Alors, je sais, le film est devenu culte à sa sortie. Mais finalement, Ravi Krishna n’est jamais parvenu à réitérer le succès de son premier film. Ah oui, parce que 7G Rainbow Colony est son premier rôle... Le moins que l’on puisse dire, c’est que ça se voit ! L’acteur en fait des caisses à en devenir ridicule et ne suscite chez le spectateur aucune sympathie. Déjà que le rôle en luimême est risqué, alors si en plus, l’acteur qui l’incarne fait n’importe quoi, il ne faut pas s’étonner que le résultat final ne soit pas du tout concluant ! > 119


MALAAL EN 3 POINTS Sanjay Leela Bhansali à la musique

En effet, la bande-originale composée par Bhansali est le vrai atout du film, comme pour son homologue tamoul. C’est d’ailleurs le seul élément du métrage que l’on retient durablement après le visionnage. Car les seuls moments durant lesquels le spectateur se réveille et sort de son ennui, c’est quand l’une des chansons du métrage démarre. Pourtant, l’album nous marque différemment tant le travail du désormais célèbre SLB n’a rien à voir avec celui, déjà mémorable, de Yuvan Shankar Raja. La musique de Malaal est profondément marquée par ses influences marathi, entre titres dansants tonitruants et ballades romantiques plus enlevées.

Casting en demi-teinte

C’est un fait : le débutant Meezaan manque cruellement d’identité et de charisme. Cela dit, il se donne et semble, à certains endroits, se vivifier et s’animer. Mais c’est trop inconstant, trop parcimonieux pour marquer les esprits. Face à lui, la belle mais insipide Sharmin est une cruelle déception. Pistonnée par tonton Sanjay (également producteur de l’oeuvre en plus d’en être le directeur musical) qui lui a offert un rôle principal sur un plateau, la jeune femme n’en fait absolument rien. Si son personnage est quelqu’un d’inhibé et de discret, la jeune femme n’a pas compris le sens de son rôle. Car timide ne veut pas dire inexpressif, encore moins amorphe !

SON REGARD EST VIDE, SON VISAGE FIGÉ. ELLE NE DONNE PAS VIE À AASTHA ET NE FAIT DONC RIEN POUR QUE L’ON S’Y ATTACHE. Ce qui est particulièrement problématique quand on voit là où la narration nous mène... 120

Un film qui ne nous accroche pas

La réalisation de Mangesh Hadawale et le travail esthétique du directeur opérateur Ragul Dharuman font des propositions intéressantes, mais qui ne sont pas menées à leur terme. Il y a de l’idée avec la création de ce chawl communautaire de Mumbai. Mais c’est trop propret, trop esquissé pour que l’on ressente réellement l’agitation du quartier, les enjeux de son caractère enclavé, où les gens comme les vies s’entassent. Et où donc l’intimité et la vie privée sont des notions toutes relatives. Le cinéaste n’explore rien. Il dessine certes le patron prometteur d’une histoire au réel potentiel romantique, mais ne l’étoffe jamais.

3 POINTS DE CONVERGENCE Storyline globale

Malaal ne cherche pas à réinventer l’histoire de 7G Rainbow Colony, certaines scènes sont même copiées plan par plan de l’oeuvre d’origine. Les deux films ont en commun leur trajectoire narrative, de laquelle Malaal ne dévie jamais. On part du même point de départ et on arrive à la même conclusion.

Atmosphère

Le fait qu’il s’agisse du remake d’un film tamoul est effectivement assez évident. L’histoire, la manière dont les héros nous sont présentés et la trajectoire narrative qui est suivie sont relativement inhérentes à ce que le cinéma de Kollywood a eu l’habitude de faire, avec ce rapport au réalisme que l’on retrouve moins dans les productions hindi grand public. Et si l’on omet le fait que la trame se déroule dans un quartier marathi, on ne perçoit aucun travail d’appropriation ou d’adaptation en termes d’ambiance. Rien qui ne nous permette d’entrer dans ce chawl du Maharashtra pour en saisir l’ambiance, les saveurs et l’amertume. Rien qui donne du sens à l’initiation de ce remake, en somme.


Nouvelles têtes

Les deux films servent de tremplin à de jeunes acteurs ! 7G Rainbow Colony constitue effectivement le premier film de Ravi Krishna et vient confirmer la popularité grandissante de la jeune Sonia Agarwal, révélée un an auparavant dans Kaadhal Kondein, précédent film de Selvaraghavan avec le génial Dhanush dans le rôle principal. De son côté, Malaal lance les carrières des enfants de la balle Meezaan Jaffery et de Sharmin Segal. De manière assez peu marquante, il faut l’avouer.

3 POINTS DE DIVERGENCE La personnalité des héros

Et là, il s’agit d’un vrai problème. Car effectivement, on peut avoir une lecture divergente d’un héros. Et en soit, ce n’est pas un problème, bien au contraire. Lorsque Joe Wright s’approprie Orgueil et Préjugés, il donne au personnage de Darcy une nouvelle dimension, qui s’éloigne grandement du héros sûr de lui écrit par Jane Austen.

MALAAL

Pour autant, ça fonctionne à merveille ! Mais ici, le problème ne vient pas de l’adaptation, mais du protagoniste originel.

CAR OUI, LA PREMIÈRE QUESTION QUE JE ME SUIS POSÉE FACE À 7G RAINBOW COLONY EST : MAIS QU’EST-CE C’EST QUE CE DÉLIRE ? Car effectivement, Kadhir n’est ni plus ni moins qu’un harceleur. C’est un type toxique qui ne pense qu’à lui, qui ne se remet jamais en question en plus de pourrir la vie de son entourage. Pourtant, Selvaraghavan essaie de nous le présenter comme un tendre glandeur, un faux bad boy au coeur d’or... Pire ! Après qu’il ait mal agi, le cinéaste exploite l’angle de la pitié pour rendre les méfaits de son héros acceptables ! Et c’est d’autant plus criant lorsqu’en face, l’héroïne Anitha verbalise. Elle n’est pas timide ni spectatrice de sa destinée. Elle a du caractère et ose se défendre face aux mauvais agissements de Kadhir.>


DANS MALAAL, C’EST DIFFÉRENT. SHIVA EST CERTES ÉGOÏSTE ET DÉSAGRÉABLE, MAIS IL N’EST JAMAIS MALSAIN. C’EST UN SALE GOSSE DANS TOUTE SA SPLENDEUR, MAIS SANS JAMAIS SE COMPORTER COMME UN PERVERS NARCISSIQUE. Mangesh Hadawale a eu le bon goût de nous éviter le harcèlement de rue, le chantage au suicide et autres délices du genre... Concernant le personnage féminin, Aastha est presque l’opposée d’Anitha. Elle est inhibée à l’excès, n’ouvre la bouche que lorsque c’est vraiment nécessaire et a toujours l’air un peu perdue, comme si sa propre existence la dépassait. Bref, rien à voir avec le tourbillon d’énergie et de colère (légitime) qu’est Anitha.

La relation entre les amants

SOYONS DIRECT : ON NE COMPREND PAS CE QU’ANITHA TROUVE À KADHIR ! Le type se comporte comme un poison avec elle, il l’humilie, viole son intimité et refuse de l’écouter quand elle lui explique calmement ne pas éprouver de sentiments à son égard.

ET POURTANT, ELLE FINIT AVEC LUI... POURQUOI ? Je ne le saurai jamais. L’illustration de la relation est profondément gênante, puisque Kadhir harcèle littéralement Anitha après qu’elle lui ait signifié à plusieurs reprises qu’elle n’était pas intéressée par lui. Rien n’y fait, il est amoureux, enfin ! 122

M ALAAL


D’AILLEURS, LE FILM DÉLIVRE UN MESSAGE INQUIÉTANT QUI A SANS DOUTE GERMÉ DANS LES ESPRITS DE CERTAINS SPECTATEURS DU FILM : EN AMOUR, IL FAUT INSISTER ASSEZ FORT POUR QUE LA FILLE CÈDE... EUH... TOMBE AMOUREUSE DE VOUS ! Entre Shiva et Aastha, c’est certes assez creux, mais il y a tout de même du respect, de la bienveillance. Aastha n’est jamais rejetante vis-à-vis de Shiva, même lorsqu’il se comporte comme un idiot avec elle.

AU CONTRAIRE, ON LA SENT SOUCIEUSE DE VOULOIR COMPRENDRE CE GARÇON RÂLEUR ET VINDICATIF, COMME UN GUIDE QUI VOUDRAIT FAIRE DE SON POULAIN QUELQU’UN DE MEILLEUR. C’est d’ailleurs le rôle qu’elle tient pendant une bonne partie de la trame. Elle lui prend la main et lui montre le chemin de la vie. Il n’y a pas de rapport d’emprise entre eux, ni de lien de subordination. Shiva ne cherche jamais à s’approprier Aastha. De son côté, elle découvre en lui un vrai potentiel malgré son allure rustre et sa fierté mal placée. Bref, si leur psychologie aurait mérité d’être étayée, leur histoire d’amour n’est tout de même pas dépourvue de sens.

Le résultat

LA DIFFÉRENCE MAJEURE, C’EST QUE SI MALAAL N’EST PAS UN FILM MÉMORABLE, IL N’EST JAMAIS PROBLÉMATIQUE. S’il manque d’identité et d’âme, il reste de bonne facture et peut constituer un visionnage sympathique malgré sa nature oubliable. Vous n’en retiendrez pas grand-chose et vous serez passé outre aussitôt la pellicule épuisée.

A CONTRARIO, 7G RAINBOW COLONY RESTE EN TÊTE. MAIS PAS POUR LES BONNES RAISONS. Surtout quand on sait qu’au moment de sa sortie, il a fait un tabac auprès des masses. Il a sans doute joué un rôle (mineur, je pense, car ce genre de mentalités est ancré depuis bien plus longtemps) dans la façon dont les hommes ont abordé les relations amoureuses, muant en harceleurs potentiels puisque c’est l’unique éducation sentimentale à laquelle ils ont eu accès.

En co ncl u si o n Malaal a su retirer ce qui était profondément dérangeant dans l’œuvre originale. Et c’est pour cette raison qu’à choisir, je vous le recommande au détriment de 7G Rainbow Colony, qui est clairement tombé en désuétude.

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C I N É M A C O U R T- M É T R A G E

POUR FAIRE

COURT

KHUJLI M OTS PA R AS M A E B E NMAN SO UR

Dans cette rubrique exclusive de Bolly&Co, nous reviendrons à chaque parution sur un courtmétrage du sous-continent. Pour ce nouvel essai, voici l’histoire d’un couple qui se redécouvre…

FICHE TECHNIQUE Langue : Hindi Année de sortie : 2017 Durée : 15 minutes

ÉQUIPE TECHNIQUE Acteurs : Jackie Shroff et Neena Gupta Réalisateur : Sonam Nair

SYNOPSIS ÉCOURTÉ Girdharilal (Jackie Shroff) et Roopmati (Neena Gupta) trouvent des jeux sexuels dans la chambre de leur fils et s’interrogent sur le moyen de pimenter leur propre vie intime...

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ANALYSE RACCOURCIE Après avoir réalisé le sympathique Gippi en 2013, Sonam Nair revêt sa casquette de cinéaste avec ce court-métrage radicalement différent de son premier essai derrière la caméra. Ici, elle explore le rapport de deux aînés au plaisir sexuel et qui, malgré des années de mariage, redécouvrent la notion de désir.

RIEN N’EST GRAVELEUX OU VOYEURISTE, C’EST AVEC LA LÉGÈRETÉ QUI CARACTÉRISAIT DÉJÀ SON PRÉCÉDENT PROJET QUE LA RÉALISATRICE MET EN SCÈNE CE COUPLE AUSSI DRÔLE QU’ATTACHANT. Jackie Shroff est hilarant en patriarche qui a pris de l’âge et qui, au détour d’une conversation, redécouvre la femme qui partage sa vie sous un angle des plus surprenants. Face à lui, Neena Gupta est délicieuse en épouse curieuse, qui ose verbaliser ses frustrations et ses désirs.

Pou r fa i re cou r t , e n quoi ç a va u t l e cou p ? POUR SON TON. Khujli est bourré d’humour ! En effet, on ne cesse de rire face aux tentatives maladroites de nos héros de se surprendre et de raviver la flamme qu’ils avaient perdue. Sonam Nair ne met jamais ses spectateurs mal à l’aise et les amène au passage à

suivre Girdharilal et Roopmati dans leurs questionnements. Du génie !

POUR SON DUO DE STARS. Jackie Shroff et Neena Gupta forment un couple savoureux, pétillant et terriblement authentique. La réalisatrice fait effectivement une belle place à son binôme d’acteurs. Avec eux, elle sait qu’elle a de l’or entre les mains et qu’elle n’a donc pas besoin de capitaliser dans une mise en scène qui les écraserait.

JACKIE COMME NEENA FONT DES MERVEILLES. Leur langage corporel comme la sincérité de leur interprétation suffisent à faire de Khujli un court-métrage exquis. D’ailleurs, Jackie Shroff recevra pour cette oeuvre le prix du Meilleur Acteur dans un court-métrage lors des Filmfare Awards. Autant dire que c’était mérité !

POUR CE QU’IL COMMUNIQUE. Le film brise l’omerta du sexe dans la société indienne, et se frotte à ce sujet épineux avec sagacité et fraîcheur.

ON RIT DE BON COEUR ET EN MÊME TEMPS, ON S’ATTACHE INSTANTANÉMENT À CE COUPLE DONT ON SENT QU’ILS ÉPROUVENT L’UN POUR L’AUTRE UNE IMMENSE TENDRESSE. OÙ LE TROUVER ? Sur Youtube, plus précisément sur la chaîne Terribly Tiny Tales.

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À LA UNE KAJOL


À LA UNE KAJOL

LA KAJOL DES 1990’S M OTS PA R AS M A E B E NMA N SO UR P H OTO G RA PH I E D U SI T E EX P R ESS ARCHI V ES

KAJOL EST MON ACTRICE PRÉFÉRÉE. Mais elle a surtout été le sésame, le mot de passe qui m’a permis d’accéder à l’immensité du cinéma indien. Si vous m’avez déjà lu, vous connaissez sans doute déjà l’histoire de ma rencontre avec Bollywood, qui s’est faite avec le métrage Kuch Kuch Hota Hai (dont je parle d’ailleurs dans ce numéro de Bolly&Co). Mais ce que vous ignorez, c’est l’après. Car en effet, à l’époque, je n’avais même pas réussi à retenir le nom du film ! En rentrant donc chez moi, face à mon moteur de recherche, c’est le bug total ! Comment avoir accès à cette industrie tellement riche si je ne savais même pas par où commencer ?

UN SEUL NOM ÉTAIT SORTI DU LOT, SANS DOUTE POUR SA BRIÈVETÉ : CELUI DE KAJOL. C’est court, et j’ai pensé à une orthographe un peu fantasque du 128

verbe cajoler... Bingo ! J’ai tapé son nom dans la barre de recherche et la suite, vous la connaissez puisque vous êtes en train de me lire, presque 12 ans après. Kajol a joué un rôle majeur dans mon exploration du cinéma indien, puisque mes premiers visionnages ont été guidés par sa présence dans les films choisis. J’ai d’abord enchaîné toutes ses collaborations avec Shahrukh Khan, bien entendu. Puis j’ai persisté en visionnant ses autres métrages, de Fanaa (2006) à Hum Aapke Dil Mein Rehte Hain (1999), en passant par Hulchul (1995) et Toonpur Ka Superhero (2010). Ainsi, elle occupe une place particulière dans mon coeur. Car même si depuis, j’ai eu l’occasion de m’éprendre d’autres actrices du cinéma indien, Kajol reste le fil conducteur de ma passion pour cette industrie. Sans Kajol, il n’y aurait pas eu mon blog. Et sans mon blog, je n’aurais jamais écrit pour Bolly&Co. Alors, qu’est-ce qu’on dit ?

MERCI KAJOL !

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BEKHUDI ( 1 992)

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En qu o i éta i t- e l l e diffé re nte d e s a u t re s ? Kajol Mukherjee voit le jour en août 1974 (et non en 1975 comme je l’ai longtemps cru) à Bombay au sein d’une grande famille du cinéma. Une mère actrice, un père réalisateur et une petite soeur qui épousera également une carrière de comédienne… C’était le destin, me direz-vous ? Sans nul doute, mais nous n’en sommes pas encore là. À ce moment-là, la petite fille ne pense qu’à jouer et faire des bêtises, et son attention n’est clairement pas portée sur les professions de ses parents ! D’autant que ces derniers se séparent alors qu’elle est encore très jeune, sans pour autant qu’ils ne demandent le divorce. De quoi lui donner le tournis ? Pas du tout tant l’actrice évoque son enfance avec une joie des plus touchantes.

« J’ai eu une enfance formidable. Nous formions un vrai groupe, avec mes cousins ! Et j’étais une terreur ! » Fille de Shobhana Samarth, nièce de Nutan et fille de Tanuja (toutes devenues d’éminentes actrices), Kajol était-elle prédestinée à suivre cette voie ? Oui et non. Parce qu’effectivement, on aurait pu croire que par son ascendance, la jeune femme ne pouvait rien faire d’autre, à part du cinéma. Et en même temps, elle n’a quasiment rien à voir avec ses prestigieuses parentes.

KAJOL EST UNE HÉDONISTE DANS L’ÂME ! Elle ne cherche pas le défi ou le dépassement de soi. Le plateau de tournage est sa cour de récréation, et elle veut d’abord se lever chaque matin avec le sourire à la perspective de jouer la comédie. Et le verbe « jouer » prend ici tout son sens...

« J’ai toujours dit que je ne jouerais que des rôles qui me stimulent. » C’est ainsi qu’après des études qui l’ennuient au plus haut point, elle signe son tout premier film à seulement 18 ans : Bekhudi (1992). Sa mère figure au casting du métrage, et la jeune femme veut faire l’expérience de ce métier. Et si la production fera finalement un bide retentissant, peu lui chaut ! Kajol s’est amusée et souhaite confirmer l’essai.

« Je n’étais pas si blessée que ça par l’échec du film, parce que j’y ai pris tant de plaisir que ça restera un merveilleux souvenir pour moi. »

C’EST PROBABLEMENT LÀ QUE KAJOL FERA DE SA DESTINÉE UN TRIOMPHE INÉGALÉ.

IL FAUT DIRE QUE KAJOL NE PREND PAS GRAND-CHOSE AU SÉRIEUX !

Parce que c’est sa spontanéité, sa sincérité et son dynamisme qui la définissent, et ce quels que soient les rôles qu’on lui propose. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le public y est particulièrement réceptif, là où la critique est émerveillée par le style remarquable de la jeune femme.

Qu’il s’agisse de ses études ou de son avenir professionnel, elle est guidée par l’envie, la curiosité, mais plus que tout par l’amusement. Elle admet ne signer que les films qui lui procureront du plaisir sans établir le moindre plan de carrière.

QUI EST-ELLE ? ET COMMENT SE FAIT-IL QU’ELLE AIT AUTANT DE SUCCÈS, LÀ OÙ ELLE NE RESSEMBLE À AUCUNE > 131


GRANDE STAR FÉMININE DE L’ÉPOQUE ? C’est bien ça, le truc. C’est qu’elle ne ressemble à aucune autre. Et Kajol va entretenir cette singularité et cette identité forte durant toute sa carrière.

CE QUI A AUSSI FAIT LA GLOIRE DE KAJOL, C’EST SA BEAUTÉ ATYPIQUE. La peau de Kajol est plutôt tannée, ses traits sont marqués et elle nous gratifie même d’un monosourcil qui fera sa gloire ! Bref, elle ne rentre pas dans les critères de beauté étriqués de l’époque, incarnés par le teint laiteux de Sridevi, le visage poupon de Madhuri Dixit ou encore la silhouette sylphide d’Urmila Matondkar. Ce qui lui a valu quelques remarques désobligeantes sur son physique, qu’elle rejette d’un revers de main !

« Au final, c’est votre personnalité qui compte, et cela diffère en fonction de chacun. Mon concept de la beauté, c’est à la fois de la force et de la vulnérabilité, avec un peu de sécurité intérieure. Et je crois que j’ai ça en moi. »

D’AILLEURS, QUELLE EST SA ROUTINE BEAUTÉ ? « Aimer ce que je vois dans le miroir chaque matin, et avec le sourire. » L’actrice s’est habilement appropriée le siège de petite fiancée de l’Inde pour nous livrer des personnages moins lisses, moins ronds que ce à quoi le cinéma populaire a pu nous habituer alors. Parce que le Bollywood commercial des années 1990 avait une approche assez dichotomique de ses héroïnes de films. 132

On avait soit droit à la beauté virginale et innocente, soit à la femme fatale, sulfureuse et égarée qui mue potentiellement en vamp malintentionnée.

AU COEUR DE CE SYSTÈME PRESQUE BINAIRE, KAJOL FAIT OFFICE D’OISEAU RARE. Parce qu’elle est à la fois la parfaite incarnation de la vedette de cinéma mainstream, tout en arrivant à insuffler à chacun de ses rôles, même les plus branques, une énergie cabotine qui fait clairement la différence chez le spectateur. Certes, elle n’est pas ambassadrice d’un cinéma plus exigeant à la manière de Tabu, ni de rôles de femmes fortes pensés au millimètre comme pour Karisma Kapoor. Kajol se faufile a contrario dans des rôles plutôt cliché, de la jolie girl next door à l’infâme séductrice pour ensuite les tordre, les modeler pour qu’ils lui donnent l’espace nécessaire d’exprimer tout son magnétisme. Et non, ce n’est pas tellement son physique (pourtant ravissant) qui fait son énorme succès, à la différence d’une Sridevi ou d’une Madhuri Dixit qui, en un sourire, faisaient chavirer les coeurs. Kajol marque de son côté par sa générosité et sa capacité à livrer toute son âme dans chacune de ses performances.

ELLE NE CHERCHE PAS LE RÔLE BIEN ÉCRIT, NI LE PERSONNAGE DE COMPOSITION QUI LUI DONNERA L’OCCASION DE SE TRANSCENDER ET DE SORTIR DE SA ZONE DE CONFORT. Non, car cette zone de confort, elle y tient ! Pire, elle l’entretient sagement sur la totalité de sa carrière, usant de chaque opportunité >


BAAZIGAR ( 1 993)

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HAM ESHAA ( 1 997 )

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pour la marquer de son empreinte, de sa patte. Car nul n’est en mesure d’incarner des personnages à la manière de Kajol. Pas franchement parce qu’elle est la meilleure, mais indubitablement parce qu’elle est unique. Aussi, le succès n’est pas son objectif de vie. Ainsi, lorsqu’on l’interroge sur l’échec d’un de ses films, sa réponse est assez claire.

De son côté, Ajay est perçu comme un acteur plus grave et sérieux, qui porte régulièrement des personnages de combattants ou d’écorchés vifs. Avec cette union, deux angles du cinéma hindi contemporain s’entrechoquent. Toutefois, à la perspective de cet heureux événement, Kajol doit se heurter à l’opposition de son père, inquiet.

« Analyser cet échec est une perte de temps. Il ne sert à rien de parler des ‘si’ et des ‘mais’. C’est fini. Je ne peux pas remonter le temps. »

« Quand nous avons décidé de nous marier, nous l’avons annoncé à nos parents respectifs. Nous étions ensemble depuis 4 ans et étions prêts à passer à l’étape suivante. Ses parents étaient très soutenants, alors que mon père était davantage contrarié ! Il ne m’a pas parlé pendant 4 jours. Il souhaitait que je me concentre sur ma carrière, mais j’ai fini par le convaincre. »

Durant toute la décennie, l’actrice fait des ravages. Elle s’impose sans jamais que son héritage ne lui soit renvoyé à la figure. De fait, Kajol devient probablement l’une des meilleures contributions qui aient été faites au cinéma indien par ce phénomène que l’on appelle le népotisme. Et elle battra tous les records ! Pourtant, encore une fois, elle ne fait rien comme tout le monde.

LÀ OÙ LA MAJORITÉ DES STARS POPULAIRES FÉMININES ATTENDAIENT D’AVOIR PASSÉ LA TRENTAINE POUR SE MARIER, KAJOL SUIVRA QUANT À ELLE SON COEUR. En effet, elle a 24 ans quand elle épouse l’acteur Ajay Devgan en février 1999, une décision qui surprendra l’audience tant la jeune femme est au sommet de sa carrière. Ajay et elle feront d’ailleurs une farce aux médias en leur fournissant la mauvaise adresse de leur mariage, et ce afin de vivre cette journée en toute intimité. Le couple, qui a joué ensemble dans trois films avant de s’unir, incarne d’ailleurs un contraste criant. Elle est délurée et lumineuse, quand lui est sombre et revendicateur. Kajol est la coqueluche de l’Inde moderne, entre profond romantisme et caractère excentrique.

En q u o i a- t- el l e m arq u é cet te d écenni e ? ELLE DEVIENT DURANT CETTE PÉRIODE L’INCARNATION CONTEMPORAINE DE L’HÉROÏNE ROMANTIQUE, À LA FOIS PROCHE DE SES TRADITIONS MAIS AUSSI PROFONDÉMENT RÊVEUSE. Elle incarne une joie de vivre et une intensité qui étaient assez inédits chez les héroïnes d’alors, auxquelles on demandait principalement de marquer les esprits par leur beauté angélique. Il ne fallait effectivement pas qu’elles soient trop impactantes, qu’elles crèvent trop l’écran au risque de faire de l’ombre à la star masculine ! Kajol est ainsi la fille amoureuse jusqu’à la mort dans Hameshaa (1997), celle prête à surmonter ses peurs pour récupérer > 135


l’homme de sa vie dans Pyaar To Hona Hi Tha (1998), la soeur dévouée mettant à l’épreuve l’objet de ses désirs dans Pyaar Kiya To Darna Kya (1998) ou encore la muse déchirée dans Minsara Kanavu (sorti en 1997, qui constitue son seul essai en langue tamoule jusqu’en 2017, et dont la critique est disponible dans ce numéro de Bolly&Co). Au sujet de ce dernier, elle revient sur son expérience.

« C’était un tournage très organisé, y travailler était un véritable plaisir. J’ai partagé une séquence dansée avec Prabhu Deva, qui est un excellent chorégraphe. Danser avec lui m’a demandé 20 prises et plus d’une trentaine de répétitions ! Mais à la fin, je crois que je m’en suis bien sortie ! » Elle étoffe ce carcan en épouse bafouée particulièrement vindicative dans Hum Aapke Dil Mein Rehte Hai (1999) et en amoureuse naïve dans Ishq (1997). Elle sort cela dit du costume de vedette romantique à plusieurs reprises, aussi bien pour Dushman (1998), où elle cherche à venger l’assassinat de sa soeur jumelle ou encore dans Udhaar Ki Zindagi (1994), dans lequel elle doit prouver à son grand-père qu’elle n’a pas oublié ses racines indiennes. De plus, elle excelle en antagoniste sexy pour le thriller Gupt (1997), qu’elle porte incontestablement sur ses épaules.

POUR CE FILM, ELLE DEVIENDRA LA PREMIÈRE FEMME À REMPORTER LE FILMFARE AWARD DE LA MEILLEURE PERFORMANCE DANS UN RÔLE NÉGATIF. Et si la romance reste son terrain de jeu favori, il y a tout de même une identité très 136

moderne qu’elle construit au travers de ses choix de rôles. Dans Gundaraj (1995), où elle incarne une reporter pugnace terriblement sous-employée, avec Hulchul (1995) dans lequel elle campe une petite arnaqueuse qui n’a pas froid aux yeux ou encore au service de Hote Hote Pyar Ho Gaya (1999), où elle est l’épouse manipulatrice et teigneuse de l’histoire.

DANS CES PRESTATIONS, KAJOL UTILISE SA PRÉSENCE AFIN DE PORTER DES PROTAGONISTES RUGUEUX ET IMPARFAITS, LOIN DE JOUER LES PLANTES VERTES INSIPIDES, ET CE BIEN QUE CE SOIT PARFOIS LA PLACE QUI LUI SOIT FAITE DANS LA NARRATION. Car dans Hulchul ou Gundaraj par exemple, elle est nettement moins présente à l’écran qu’Ajay Devgan, auquel elle donne la réplique. Toutefois, à chacune de ses brèves apparitions, le regard du spectateur se pose irrémédiablement sur elle. L’exemple de Dil Kya Kare (1999) en est d’ailleurs la parfaite illustration.

CAR SI SON RÔLE EST PLUS MINCE QU’À L’ACCOUTUMÉE, IL PRENAIT SENS POUR ELLE. « La seule raison pour laquelle j’ai accepté de jouer ce personnage, c’était parce qu’elle avait des aspérités. J’aurais probablement refusé le rôle de l’épouse car j’avais le sentiment de ne rien avoir à y apporter. D’ailleurs, je dois ajouter que Mahima (Chaudhry, qui tient le rôle de l’épouse, ndlr) était absolument brillante. » >


I SHQ (1997 )

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D I LWA L E D U LHAN I A LE JAY EN G E (19 9 5)

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Dilwale Dul h a n i a Le Jaye nge , l e f i l m q u i a ch angé la d on n e . C’EST LE TOURNANT. Kajol se départit de ses personnages percutants pour se livrer à l’exercice de la Manic Pixie Dream Girl, autrement dit de la fille idéale sans pour autant qu’on en étaye plus que ça le caractère et l’identité. Simran est un cliché grandeur nature qui aurait pu ternir le jeu si caractéristique de l’actrice. Elle aurait pu s’éteindre, surtout dans la mesure où son personnage est souvent spectateur des enjeux narratifs (en particulier dans la seconde partie). Cependant, s’il y a bien un film qui a construit le mythe de Kajol, c’est bien Dilwale Dulhania Le Jayenge (1995).

PARADOXALEMENT, C’EST AVEC CE RÔLE, QUI EST L’UN DES MOINS ATYPIQUES DE SA FILMOGRAPHIE, QUE L’ACTRICE FERA SA LÉGENDE. Il s’agit par ailleurs du premier film populaire à illustrer de manière relativement intéressante la diaspora indienne, et pas uniquement dans le cliché de l’opportuniste qui revient sur ses terres en quête d’une femme à marier. Car avec Dilwale Dulhania Le Jayenge, on a droit à deux approches, deux façons d’être indien lorsqu’on vit à l’étranger. Il y a les indiens attachés à un certain conservatisme qu’ils estiment inhérent à leur culture, comme une manière de montrer leur appartenance à celle-ci. Et de l’autre, il y a ceux qui embrassent volontiers de multiples aspects de la vie occidentale, quitte à ce qu’on les illustre (de façon assez grossière, il faut le dire) comme des brebis égarées. Dans ce contexte, le retour sur la mère patrie opère comme une

prise de conscience. Comme si le personnage s’était enfin trouvé. L’oeuvre fera un tabac monumental au boxoffice, un succès qui s’est inscrit sur la durée puisqu’il est resté à l’affiche pendant près de 25 ans. Il est d’ailleurs toujours projeté dans un cinéma connu de Mumbaï : le Maratha Mandir. Et il vaudra au passage à Kajol son tout premier trophée de la Meilleure Actrice aux Filmfare Awards, à seulement 21 ans.

Le d u o Shahru kh- K ajo l d es 19 9 0’s. En effet, cette décennie est ponctuée par leurs multiples collaborations, de Baazigar (1993) à Kuch Kuch Hota Hai (1998), en passant par Karan Arjun (1995) et Dilwale Dulhania Le Jayenge (1995). Pendant cette période, ils travaillent ensemble sur 4 films, de qualité généralement bonne, bien que certains aient davantage marqué l’audience.

IL FAUT DIRE QUE LA POPULARITÉ DE KAJOL EST CLAIREMENT INDISSOCIABLE DE SON COUPLE AVEC SHAHRUKH KHAN, ET CE CONTRAIREMENT À CE DERNIER. Car qu’on aime Kajol ou pas, il est impossible de n’avoir jamais vu aucun de ses films tant elle a pris part à un nombre important de métrages devenus culte. Et presque tous avec Shahrukh Khan... Parce que la première chose que le public aime la concernant, c’est cette osmose indescriptible qui la lie à l’acteur. Entre eux, c’est à la fois magique, surréaliste et électrique. Et ils le savent pertinemment, ce qui explique qu’ils aient accepté de tourner ensemble aussi souvent ! > 139


SURTOUT POUR KAJOL, QUI A ÉVIDEMMENT CAPITALISÉ SUR CETTE ALCHIMIE POUR CONSTRUIRE L’ESSENTIEL DE SA CARRIÈRE. Mais plus que tout, elle prend un énorme plaisir à travailler avec la star, devenue l’un de ses plus fidèles amis.

« Je peux quasiment prédire la manière dont une scène se fera avec lui, et il est en mesure de faire la même chose avec moi. Nous identifions automatiquement cela l’un chez l’autre. Il m’a d’ailleurs beaucoup appris sur la vie. » Dans Baazigar, Kajol est la belle ingénue, malgré tout décidée à faire la lumière sur le mystérieux décès de sa soeur. Face à elle, Shahrukh Khan incarne un redoutable anti-héros auquel elle ne résiste pas. Et si le genre du film, en l’occurrence le thriller, n’est pas propice aux rêveries romanesques, la complicité est toutefois limpide entre une Kajol juvénile et un Shahrukh pas encore reconnu par ses pairs. Deux ans plus tard, ils se retrouvent dans Karan Arjun, un film d’action percutant. Leur romance n’est absolument pas au centre de l’intrigue et leur alchimie n’est pas exploitée autant qu’on le voudrait. Cela dit, le résultat est tout de même édifiant tant leurs séquences communes sortent du lot et rehaussent le rythme de l’oeuvre.

IL EST DONC INTÉRESSANT DE CONSTATER QU’AU DÉPART, CE DUO NE S’EST PAS FORCÉMENT ILLUSTRÉ DANS DES OEUVRES À CARACTÈRE ROMANTIQUE, POUR ENSUITE DEVENIR L’UN DES ‘JODI’ LES 140

PLUS EMBLÉMATIQUES DE BOLLYWOOD. Et si Dilwale Dulhania Le Jayenge leur a permis à tous les deux de devenir des stars, c’est Kuch Kuch Hota Hai qui scelle leur popularité en tant que duo. Car le public espérait voir leur alchimie se répéter et faire encore des merveilles. D’autant que le métrage dirigé par Karan Johar est relativement différent de ce qui se faisait dans les années 1990, en particulier dans le registre de la comédie sentimentale.

EFFECTIVEMENT, CONTRAIREMENT À DILWALE DULHANIA LE JAYENGE ET AUX AUTRES FILMS QU’IL A INSPIRÉ, KUCH KUCH HOTA HAI NE COMPTE PAS D’OPPOSANT. Ni la société, ni la famille n’empêchent les amants d’être réunis. Les références de Karan Johar s’éloignent indubitablement des films romantiques hindi et se rapprochent bien plus de ce qui faisait aux États-Unis. Il avouera par ailleurs que la série Beverly Hills - 90210 a constitué l’une de ses influences majeures. Pour ce qui la concerne, Kajol est franchement magique dans ce métrage. Car si son rôle n’est pas forcément le plus consistant du métrage, elle lui apporte une finesse et une sensibilité désarmantes. En effet, dans la première partie, elle campe une Anjali bruyante et rustre, archétype du garçon manqué, toujours en tenues sportswear et arborant une coupe carrée, là où le cinéma hindi a toujours mis en avant des héroïnes à la chevelure interminable. Après l’entracte, on retrouve une Anjali en saree, mais aussi plus mesurée et délicate. >


K A RA N A R J U N (1995)

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L A FA M I L L E I N DI EN N E (2001)

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Surtout, il y a de la magie dans ses interactions avec son partenaire, dans les contacts visuels, dans le langage non verbal (comme ce tic qu’a Anjali de ranger ses cheveux derrière ses oreilles lorsqu’elle est nerveuse) et même dans les séquences musicales. Kuch Kuch Hota Hai vient ainsi instaurer la magnificence de ce couple à l’écran, capable de nous faire avaler des couleuvres en échangeant de simples regards.

TOUTEFOIS, CELA REVIENDRAIT-IL À DIRE QUE L’ACTRICE N’A AUCUN MÉRITE À TITRE INDIVIDUEL ? NON. Car si c’est parce que son duo avec Shahrukh Khan fonctionne qu’elle est devenue une star, elle n’a jamais eu besoin de lui pour être une bonne actrice. Elle doit sans nul doute son immense notoriété au binôme qu’ils forment tous les deux, mais sûrement pas ses performances les plus intenses et surprenantes.

La Kaj o l de l’a n 2 0 0 0 . C’est la décennie du repos pour la comédienne. Après son mariage avec Ajay Devgan, elle travaille moins et quand elle le fait, c’est souvent avec les mêmes personnes, qu’il s’agisse de son mari sur Raju Chacha (2000) et U Me Aur Hum (2008) ou de Karan Johar sur La Famille Indienne (2001) et My Name Is Khan (2010). Même en pleine pause, elle se livre au jeu des apparitions spéciales pour ses amis proches, aussi bien en retrouvant Shahrukh Khan dans Kal Ho Naa Ho (2003), Om Shanti Om (2007) et Rab Ne Bana Di Jodi (2008) que Karan Johar pour Kabhi Alvida Naa Kehna (2006). Pour rendre justement service à Shahrukh, elle avait accepté de remplacer au pied levé

Aishwarya Rai dans Chalte Chalte (2003), mais devra finalement renoncer en apprenant sa grossesse. Elle donne naissance à la petite Nysa la même année. Si elle est moins productive que dans les années 1990, Kajol tourne tout de même, livrant plusieurs succès comme La Famille Indienne, Fanaa (2006) et My Name Is Khan, et ce entre deux grossesses et plusieurs pauses pluri-annuelles. Et à chaque fois en emportant un Filmfare Award de la Meilleure Actrice. Ce qui lui fait un total de cinq trophées dans cette catégorie, égalant le record de son illustre tante Nutan.

D’AILLEURS, L’EXCEPTION DE CETTE DÉCENNIE, C’EST FANAA. Il s’agit selon moi de son film le plus surprenant, certes produit par l’un de ses meilleurs amis (Aditya Chopra), mais sans aucun de ses partenaires de prédilection. D’autant qu’elle a refusé le rôle principal de Kabhi Alvida Naa Kehna (vexant momentanément son grand ami Karan Johar) pour signer Fanaa. Dans ce drame romantique puissant, elle fait effectivement face à un Aamir Khan auquel presque tout l’oppose. C’est un acteur méthodique, qui est dans l’analyse permanente. Là où elle joue très spontanément, avec ses tripes sans trop théoriser ses prestations. Sur le papier, cette association aurait pu être catastrophique. Pourtant, non seulement elle fonctionne, mais elle sert merveilleusement les personnages de Rehan et Zooni, campés respectivement par Aamir et Kajol.

ELLE EST ENSUITE DIRIGÉE PAR AJAY POUR UN PLAGIAT ÉTRANGE DE N’OUBLIE JAMAIS, > 143


À SAVOIR U ME AUR HUM. Et de nouveau, l’actrice chope la caméra et dévore son mari à chaque scène par son indéniable charisme. Elle donne au personnage de Piya toute son énergie, incarnant avec sagacité ses angoisses, son désarroi et sa perdition. C’est poignant, ce qui explique probablement la nomination pour le prix de la Meilleure Actrice que la comédienne reçoit aux Filmfare Awards pour cette performance difficile.

KAJOL AIME TOUJOURS AUTANT JOUER LA COMÉDIE, MAIS SON RÔLE DE MÈRE DEVIENT SA PRIORITÉ. Elle aime se livrer au rituel des cérémonies de récompenses et autres galas prestigieux, mais toujours à sa manière. Par exemple, alors qu’elle reçoit tout juste son prix d’interprétation féminine pour My Name Is Khan en 2011, Kajol se présente à peine maquillée, sans aucun bijou et affichant fièrement ses rondeurs de grossesse (elle vient effectivement de donner naissance à Yug, son deuxième enfant). Là où la majorité des actrices conviées se sont mises sur leur 31, Kajol demeure fidèle à elle-même et n’accorde que peu d’importance à la couleur de sa robe ou à l’allure de ses cheveux.

La Kaj o l d’a u j ou rd ’h u i . En 2015 sort probablement l’un des projets les plus attendus des fans de Kajol, et plus précisément de ceux qui chérissent son duo avec Shahrukh Khan. En effet, le couple iconique se retrouve pour la septième fois dans le film Dilwale de Rohit Shetty, avec les jeunes Varun Dhawan et Kriti Sanon pour leur donner la réplique. Le métrage est pourtant décevant, en particulier pour le grand retour 144

du couple SRKajol (comme les fans le nomme). Tout dans la réalisation est poussif et ne fait malheureusement pas honneur aux deux stars.

CELA DIT, ET MALGRÉ SA QUALITÉ TOUTE RELATIVE, DILWALE DONNE QUAND MÊME À VOIR DES PETITS INSTANTS DE GRÂCE ENTRE SHAHRUKH ET KAJOL. Plus que tout, il représente l’occasion de retrouver l’actrice dans un rôle âpre de femme de tête, qui use de ses charmes pour tromper ce pauvre SRK ! C’est donc justement qu’elle sera nommée pour le Filmfare Award de la Meilleure Actrice grâce à cette performance salvatrice pour le métrage.

ELLE FAIT AUSSI UNE SECONDE INCURSION DANS LE CINÉMA TAMOUL AVEC VIP 2, QUI L’OPPOSE À L’EXCELLENT DHANUSH. Elle y campe une businesswoman impitoyable, prête à tout pour empêcher le héros de l’histoire de réussir. Comme dans Dilwale, on a le plaisir de retrouver Kajol dans un rôle assez rogue de femme qui sait ce qu’elle veut et qui ne recule devant rien pour l’obtenir. Puis elle incarne une mère un peu trop impliquée dans le charmant Helicopter Eela (2018), pour ensuite servir de triste fairevaloir à son mari dans l’oeuvre épique Tanhaji - The Unsung Warrior (2020). Lorsqu’un journaliste lui indique qu’il l’a trouvé superbe dans la bande-annonce du film (elle est effectivement d’une beauté à couper le souffle !), elle répond avec la candeur qui la caractérise.


« Merci ! Je suis d’accord avec vous (rires) ! Je pense que cela a beaucoup à voir avec le fait que je me trouve belle aujourd’hui, là où je n’en étais pas convaincue pendant mon adolescence. »

« En ce qui me concerne, mon but est de faire du bon travail. Je choisis un rôle parce qu’il est bon, pas parce qu’on m’a offert une belle somme d’argent pour le tenir. »

On attend désormais avec une vive impatience les sorties de Devi, un courtmétrage porté par un casting exclusivement féminin (dont Shruti Haasan, Neha Dhupia ou encore Shivani Raghuvanshi), et de Tribhanga, un produit Netflix pour lequel elle est dirigée par Renuka Shahane (la célèbre soeur de Madhuri Dixit dans Hum Aapke Hain Koun).

Et si l’actrice a souffert d’une image de peste hors caméra, elle remet les pendules à l’heure, rappelant au passage qu’il n’y a rien de mal à avoir confiance en soi. Ainsi, lorsqu’on lui demande si elle manque de modestie, sa réponse est à son image : brute et authentique.

CE QUI EST SÛR, C’EST QU’À BIENTÔT 46 ANS, KAJOL S’EST DÉJÀ IMPOSÉE COMME L’UNE DES PLUS GRANDES DAMES DU CINÉMA HINDI CONTEMPORAIN. ET C’EST PROBABLEMENT SA DÉTERMINATION QUI LUI A PERMIS D’EN ARRIVER LÀ.

« Complètement ! (rires) Je crois que je connais ma propre valeur et que je sais qui je suis. Je connais mes limites mais je sais également de quoi je suis capable. » C’est pourquoi, à l’occasion de ce numéro exclusif portant sur les années 1990 du cinéma indien, nulle autre que Kajol n’aurait pu faire l’objet de notre article À la Une avec autant de pertinence, tant elle a défini cette décennie à Bollywood par son panache, son sourire et ses personnages incontournables.

SUR LE TOURNAGE DE DEVI, PHOTOGRAPHIE P UBLIÉE SUR LE COM PT E INSTAGRAM DE K AJOL ( @ KAJOL)

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À LA UNE KAJOL

KAJOL

L’HÉROINE ANTICONFORMISTE Quand on parle d’actrices polyvalentes à Bollywood, on va principalement citer Rani Mukerji, Vidya Balan ou même plus récemment Taapsee Pannu. Parce que Kajol est davantage l’incarnation de la bonne copine que celle de l’interprète transcendée ! Elle l’avoue d’ailleurs ellemême : sa zone de confort, elle y tient ! Pourtant, il serait injuste de dire de la comédienne qu’elle a toujours tenu les mêmes rôles. Au contraire, à sa manière, elle a beaucoup apporté à la représentation des femmes dans le cinéma hindi, des années 1990 à aujourd’hui.

PETIT TOUR D’HORIZON, BIEN ENTENDU PAS EXHAUSTIF, DE CES PERSONNAGES UNIQUES QUE L’ACTRICE A PORTÉ AVEC BRIO... 146

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M OTS PA R AS M A E B E NMA N SO UR

L a no n Au d rey Hep b u rn SAPNA DANS YEH DILLAGI (1994) En effet, Yeh Dillagi est le remake du film de 1954 Sabrina, dans lequel Audrey Hepburn incarne la beauté évanescente et virginale Sabrina Fairchild. Pourtant, la prestation de Kajol est plus offensive. Sapna est plus séductrice, plus pêchue et piquante que son homologue américaine. Une héroïne mémorable qui déconstruit au passage le mythe cinématique de la vierge effarouchée puisqu’ici, Sapna aime et désire sans se faire prier.


L’antago ni s te impi toya bl e ISHA DIWAN DANS GUPT - THE HIDDEN TRUTH (1997) Cette fois, on retrouve Kajol dans un rôle de femme manipulatrice et tueuse de sang froid, prête à tout pour attraper dans ses filets le jeune premier légèrement idiot campé par Bobby Deol.

L’ACTRICE QUI A EXPLOSÉ À L’ÉCRAN DEUX ANS PLUS TÔT EN PERSONNIFIANT LA GENTILLE FILLE DANS DILWALE DULHANIA LE JAYENGE OPÈRE UN VIRAGE À 180° AVEC CE PERSONNAGE NÉGATIF QUI DONNE À VOIR CHEZ ELLE UNE SACRÉE POLYVALENCE.

L a m ère ab sente NANDITA RAI DANS DIL KYA KARE (1999) Elle apparaît dans ce film presque comme un cheveu sur la soupe. Personne ne la voit venir, ni ne sait ce qu’elle fait là... Kajol joue ici une mère ayant déserté sa fonction parentale et qui, après de lourds secrets et des années de silence, revient dans la vie de son enfant. Le film soulève de multiples questionnements, répondant à certains et en laissant d’autres en suspens. Mais Kajol marque par l’humanité qu’elle insuffle à Nandita. Jamais elle n’est diabolisée, ni clouée au pilori. Au contraire, on sent une femme qui a besoin de se faire pardonner, et plus que tout de se pardonner afin de se reconstruire.

L a m ari ée so u s co nt rat MEGHA DANS HUM AAPKE DIL MEIN REHTE HAIN (1999)

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En effet, elle campe une jeune femme mariée pour une durée limitée à un fils à papa incorrigible. On attend donc d’elle qu’elle opère sur lui son inénarrable magie en transformant le vieux garçon en homme décidé à s’engager. C’est un échec. Et si on partage sincèrement la peine de Megha, c’est à partir de ce tournant que son histoire devient vraiment intéressante pour le spectateur. Oui, car la prestation de Kajol fait émerger toute la rancoeur, toute la colère et l’affliction qu’éprouve Megha face au rejet de son mari, auquel elle a pourtant tout donné. Elle est brisée, mais jamais à terre. Megha se bat et revendique. Elle n’hésite d’ailleurs pas à mettre son ex-époux à sa place lorsque l’occasion se présente. Bref, Kajol parvient encore une fois à transformer un cliché narratif en un personnage fort et mémorable. > 147


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La g rand e fol l e ANJALI SHARMA RAICHAND DANS LA FAMILLE INDIENNE (2001) D’habitude, les héroïnes des grands drames familiaux hindi sont calmes et inhibées, susurrent leurs émotions et baissent les yeux en signe d’approbation. A minima, elles doivent faire montre d’un caractère mesuré pour être digne de l’amour du valeureux héros. Mais ici, il n’en est rien ! Bien au contraire, Anjali est criarde, son énergie est communicative et elle affiche une spontanéité totalement décomplexée. Et personne ne lui signifie qu’elle est trop bruyante, au contraire ! Rahul l’aime et l’accepte comme elle est. Son panache est d’ailleurs la première chose qui le fait craquer. Et nous avec !

L a d o u ce ro m ant i q u e ZOONI ALI BEG DANS FANAA (2006) Après une pause de 5 ans et un bébé, Kajol revient au cinéma indien avec ce drame romantique coup de poing face à Aamir Khan. Elle y incarne Zooni, une jeune femme atteinte de cécité à l’âme des plus romanesques. Rien de bien spécial pour son grand retour ? Ô que si ! Car ce personnage mûrit sous les yeux du spectateur, passant de jeune fille naïve à mère de famille désillusionnée, pour finalement muer en louve redoutable dans la dernière partie de l’oeuvre.

KAJOL CRÈVE L’ÉCRAN ET DÉMONTRE QU’ELLE PEUT INSUFFLER UNE PUISSANCE DÉMENTIELLE À UN REGISTRE QU’ELLE A POURTANT DÉJÀ EXPLORÉ PAR LE PASSÉ. Preuve que, qu’importe le projet, la belle est toujours en mesure de se renouveler.

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La m è re co u ra g e

Dans ce drame humaniste signé Karan Johar, Kajol prend toute l’industrie par surprise en s’éloignant de son image de girl next door au service d’un rôle de mère de famille qui en impose. Elle est Mandira, une maman célibataire de confession hindoue installée aux États-Unis qui devient l’épouse de Rizwan Khan, un indien musulman atteint du syndrome d’Asperger. Mais un drame terrible vient bouleverser leur destinée. On découvre une Mandira anéantie, mais également prête à tout pour que justice soit faite. Elle n’attend pas les bras croisés que Rizwan gère les choses, elle agit par elle-même pour que la vérité éclate.

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MANDIRA KHAN DANS MY NAME IS KHAN (2010)

L a b ad ass su r l e rep ent i r

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MEERA DEV MALIK DANS DILWALE (2015) Le film qui signait ses retrouvailles avec Shahrukh Khan a résulté en une terrible déception. Rien ne fonctionne, de la narration à tous les aspects techniques du métrage. Oui, absolument rien ne marche... sauf Kajol.

EN EFFET, AVEC UN PERSONNAGE AUSSI CLICHÉ QU’INCOHÉRENT, LA COMÉDIENNE FAIT DES MIRACLES ET NOUS ACCROCHE, À TEL POINT QU’ON NE LÂCHE PAS LE FILM MALGRÉ SA MÉDIOCRITÉ ÉVIDENTE. Elle est la seule consolation, que dis-je, la grâce salvatrice de Dilwale. 149


À LA UNE KAJOL

ALKA YAGNIK, LA VOIX DE KAJOL M OTS PA R AS M A E B E NMAN SO UR

S’il y a bien un timbre féminin qui a marqué les années 1990 de son empreinte, c’est indubitablement celui d’Alka Yagnik. D’ailleurs, la chanteuse a régulièrement posé ses vocalises sur les mélodies des films de Kajol, aussi bien pendant cette période qu’au-delà. Alors on s’installe confortablement, on saisit ses écouteurs, on ouvre son application de musique et on se laisse porter par la magie de l’instant...

« BAAZIGAR O BAAZIGAR »

« DIL TUJHPE FIDA »

DE BAAZIGAR (1993) EN DUO AVEC KUMAR SANU COMPOSITION D’ANU MALIK

DE HAMESHAA (1997) EN DUO AVEC KUMAR SANU COMPOSITION D’ANU MALIK

Voici la complainte romantique dans la pure tradition de ce qui se faisait dans les années 1990, avec pérégrinations dans les champs et prince sur son destrier, ici masqué pour marquer le caractère mystérieux de l’antihéros campé par Shahrukh Khan !

Ce qui fait la qualité de ce morceau, c’est le mariage de la voix d’Alka avec celle de son partenaire de prédilection : Kumar Sanu. Car pour ce titre, leurs timbres se superposent, comme pour signifier que les héros sont en fusion, en harmonie totale. Ce n’est pas sa chanson la plus originale, mais c’est sans nul doute l’une de ses plus efficaces.

« JAATI HOON MAIN » DE KARAN ARJUN (1995) EN DUO AVEC KUMAR SANU COMPOSITION DE RAJESH ROSHAN

Autre séquence musicale qui allie Kajol et Shahrukh Khan, le titre s’inscrit davantage dans un style guilleret, touchant du doigt sans trop oser le désir qui anime les deux amants. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : de l’attraction dévorante entre deux êtres sur une mélodie entrainante et franchement délirante, moment de respiration au coeur du film d’action brutal de Rakesh Roshan. 150

« AAJ HAI SAGAAI » DE PYAAR TO HONA HI THA (1998) EN DUO AVEC ABHIJEET BHATTACHARYA COMPOSITION DE JATIN-LALIT

Classique des films hindi de l’époque, la chanson de mariage est un exercice périlleux puisqu’elle est souvent nourrie par une orchestration imposante. Pourtant, la mélodie est ici moins chargée et fait la part belle à Alka et à son grain de voix entrainant. Tout cela dans le but de raconter une petite partie


Kajol déclame son amour naissant pour le beau gosse Salman Khan. Pourtant, très vite, la musique s’emballe et le rythme se veut bien plus cadencé que les titres romantiques traditionnels.

UNE AUTRE ILLUSTRATION DE LA POLYVALENCE D’ALKA, NOTAMMENT LORSQU’ELLE PRÊTE SA VOIX À NOTRE COVER GIRL. S H A H R U K H K H A N ET K A JO L DA N S LE CL I P « SU RA J H UA MA DDHA M» DU FI LM L A FA M I L L E I N D I E NN E.

de l’histoire d’amour entre Sanjana (Kajol) et Shekhar (Ajay Devgan).

« YEH LADKA HAI DEEWANA » DE KUCH KUCH HOTA HAI (1998) EN DUO AVEC UDIT NARAYAN COMPOSITION DE JATIN-LALIT

Morceau rieur durant lequel les deux héros se taquinent pour mieux se témoigner leur affection, « Yeh Ladka Hai Deewana » permet à Alka de déployer son timbre enchanteresse au service d’un genre plus enlevé que les complaintes intenses auxquelles elle est habituée. Et sa voix donne vie aux facéties d’Anjali, à laquelle Kajol apporte son énergie communicative et son aura indescriptible.

« PYAAR KIYA TO DARNA KYA » DE PYAAR KIYA TO DARNA KYA (1998) EN DUO AVEC KUMAR SANU COMPOSITION D’HIMESH RESHAMMIYA

Au démarrage, pas de véritable prise de risque pour la chanteuse, qui fait des merveilles sur cette mélodie romantique où

« PYAR KE LIYE » DE DIL KYA KARE (1999) EN SOLO COMPOSITION DE JATIN-LALIT

Pour cette chanson qu’elle porte seule, c’est clairement sa voix qui fait tout le travail. La composition est effectivement très sobre, et elle semble avoir été tissée pour épouser le grain d’Alka. Avec cette musique, elle nous raconte une histoire, entre amour et nostalgie. Des émotions que Kajol transmet également grâce à ses expressions si charmantes... Bref, voilà ce qu’on appelle une équipe qui gagne !

« SURAJ HUA MADDHAM » DE LA FAMILLE INDIENNE (2001) EN DUO AVEC SONU NIGAM COMPOSITION DE SANDESH SHANDILYA

Mélodie lancinante et torride, cette chanson donne à Alka Yagnik l’occasion d’utiliser sa voix différemment, de façon plus mesurée et sensuelle qu’à l’accoutumée. Les paroles sont posées sur l’instrumental avec délicatesse, presque murmurées pour mettre en exergue leur caractère si particulier. Tout cela pour servir le clip musical du film, où Shahrukh et Kajol sont irrémédiablement attirés l’un vers l’autre. 151


Lee na Bol lyw ood Dan cer DANSEUSE, PROFESSEURE ET CHORÉGRAPHE Après avoir suivi une formation de 7 ans en bharatanatyam, danse traditionnelle sacrée d’Inde du sud, Leena pratique depuis 15 années le Bollywood.

ELLE PROPOSE DES STAGES, DES ATELIERS ET DES COURS HEBDOMADAIRES DE DANSE BOLLYWOOD, AFIN DE PARTAGER SA PASSION ET DE TRANSMETTRE SA TECHNIQUE À TOUS LES PUBLICS. Ses cours en région parisienne sont ouverts en continu toute l’année, sur demande.

Chorégraphe et danseuse dans différentes troupes, vous pouvez la contacter pour vos demandes de prestations en danse indienne, en solo ou en groupe : mariages, anniversaires, festivals, enterrements de vie de jeune fille, manifestations culturelles et évènements d’entreprise.

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ILS LUI ONT FAIT CONFIANCE : Yash Raj Films, Le Figaro, France Télévisions, Orange, Canal+, EndemolShine, Spotify, La Caravane Passe, NEJ, Coline Serreau, Gopio France Paris, Ministère des Affaires Étrangères de l’Inde...

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CRITIQUES

NORD


CRITIQUE F L AS H BAC K

DIL TO PA G A L H A I

M OTS PA R AS M A E B E NMAN SO UR

J’ÉPROUVE UNE VÉRITABLE TENDRESSE POUR DIL TO PAGAL HAI. Si je l’ai trouvé récompensé à l’excès lors de sa sortie (au détriment de métrages comme Border ou Virasat), il n’empêche que Dil To Pagal Hai est d’une efficacité incontestable. Pourtant, ce n’est ni ma prestation favorite de Madhuri, ni mon film préféré du maître Yash Chopra. C’est d’ailleurs sans doute sa réalisation la plus facile, celle qui ne réinvente absolument rien, mais qui touche par sa sincérité. C’est simple, mais c’est suffisamment bien fait pour que ça marche !

POURTANT, PLUS DE 20 ANS APRÈS SA SORTIE, LES CINÉPHILES PARLENT ENCORE DE DIL TO PAGAL HAI. Certains moquent ses évidentes aspérités tandis que d’autres l’évoquent avec une nostalgie palpable. Quoi qu’il en soit, ce métrage a indubitablement marqué toute une génération ainsi que sa décennie.

MAIS POURQUOI DONC ? LA PAROLE EST À VOUS ! 154


S anaa LE COEUR EST FOU... LE TITRE RÉSUME PARFAITEMENT LE FILM. Ce film qui nous rappelle que quelqu’un, quelque part est fait pour nous. Oui, je crois en l’amour et en l’âme soeur ! Oui, ce film me redonne de l’espoir, quand on est convaincu que tout est perdu, ce film est ma lumière au bout du tunnel. Pour résumer l’histoire, Nisha (Karisma Kapoor) est amoureuse de Rahul (Shahrukh Khan), son ami d’enfance. De son côté, Rahul est amoureux de Pooja (Madhuri Dixit), mais elle est fiancée à son ami d’enfance Ajay (Akshay Kumar). Elle rencontre Rahul et là, tout son univers est bouleversé. Déchirée entre ses sentiments pour Rahul et son engagement auprès d’Ajay, elle ne sait plus quoi penser. Nisha ne compte pas se contenter d’aimer Rahul en secret et va finir par agir. Que de rebondissements et de belles chansons dignes d’un Bollywood qu’on aime et qui nous manque en ce XXIème siècle... Tout ça pour dire : ne perdez pas espoir ! Quelqu’un vous attend quelque part.

G a ël l e J’avoue que ce film ne m’avait pas laissé de souvenirs impérissables. J’avais moyennement voire pas du tout aimé...

Asto u Je pense que de la plupart des films de Shahrukh Khan, Dil To Pagal Hai est MON FILM. Le monologue de Yash Chopra au début du film est toujours dans ma tête, > 155


un film de ce grand réalisateur, romantique comme d’habitude, tout comme ses anciens longs-métrages. Un trio d’acteurs exemplaires qui nous montre ce que le mot jouer veut dire. Un trio qui marche bien et un Shahrukh Khan qui joue avec brio, une Madhuri Dixit très attachante et naturelle, et une Karisma Kapoor au sommet de son art, brillante dans son interprétation de femme laissée pour compte.

J ul i a

Le clou du spectacle selon moi, c’était la scène durant laquelle elle exprime ses sentiments non partagés, qui nous montre ses capacités d’interprétation (d’aucuns disaient qu’elle avait mieux joué que Madhuri).

Pour moi, c’est un classique. Un film que j’ai vu et revu. J’ai tout apprécié, que ce soit l’histoire, le jeu des acteurs... Ça me manque, ce genre de films... Je le classe dans la même lignée que Kabhi Khushi Kabhie Gham, Kuch Kuch Hota Hai, Dilwale Dulhania Le Jayenge et Chalte Chalte.

Comme je les appelle, un bon Bollywood à l’ancienne ! J’avais vraiment bien aimé, les musiques sont tops. Madhuri qui danse, c’est toujours agréable à regarder et le trio d’acteurs fonctionnait à merveille.

A mel

LA MUSIQUE DE UTTAM SINGH EST AUSSI IMPECCABLE Fab i enne ET LES CHANSONS SONT JUSTE... WOW ! Super film, moi personnellement, j’ai adoré !


Mel o di e Je plaignais vraiment Karisma. La pauvre se fait remplacer en deux secondes ! J’ai beaucoup aimé les chansons mais Madhuri paraissait plus âgée que Shahrukh. Toutefois, ça reste un classique de l’acteur que j’au vu et revu.

Kari ma Je l’ai re-regardé il n’y a pas longtemps ! Les chansons sont top, surtout les chorégraphies.

Mar ya m Superbe.

Sona JUSTE MAGNIFIQUE.

B rice Un film que nous connaissons toutes et tous, qui s’est offert le rare luxe d’avoir son doublage dans la langue de Molière. Oeuvre chorale d’une maison de production qui allie depuis toujours sens du romantisme avec invitation au voyage. Au cœur d’un triangle amoureux des plus classiques, mais aussi les coulisses d’un spectacle, où les arts se mêlent aux sentiments, qu’ils soient incompris, amoureux ou simplement humains. Oeuvre musicalement forte en symboles, et n’ayant pris aucun signe de vieillesse, les chansons sont encore de grands standards inoubliables aujourd’hui.

DIL TO PAGAL HAI S’INSCRIT DANS LE REGISTRE DES FILMS

« BONBONS » QUI APPORTENT BIEN DES CONSOLATIONS. Ces films, pourtant exempts de substance, nous submergent par leur romantisme flagrant, et pour lesquels nous conservons une profonde affection. La force du film se trouve dans le fait d’avoir mis en avant une histoire portée par un quatuor de protagonistes aux traits divergents. Que nous soyons partisans de Pooja (Madhuri Dixit), la femme qui croit encore en l’amour et au prince charmant, ou de Nisha (Karisma Kapoor), plus moderne qui se terre dans la souffrance de ne pas être aimée en retour. Que nous nous sentions plus proche d’un Rahul (Shah Rukh Khan) ambitieux pour qui tout n’est que challenge, ou d’un Ajay (Akshay Kumar) qui, à force de penser aux autres, met finalement un voile sur ses propres aspirations. Dil To Pagal Hai est une fresque avec ses imperfections qui la rendent des plus attachantes. Dil To Pagal Hai est le film qui unit une famille devant ses vestiges. Dil To Pagal Hai est une base solide pour les amoureux du combo « show grandiloquent et culture de la pudeur à l’indienne ». Dil To Pagal Hai est l’œuvre de ceux qui n’osent pas croire en l’amour avec un grand A. En somme, que nous l’aimions ou pas, il est impossible de mettre cette fresque musicale dans la case des films « passables ». Soit c’est tout, soit c’est rien.

NOUS L’ADULONS OU NOUS LE HAÏSSONS. S’il s’agit encore d’une œuvre inscrite dans la mémoire collective, c’est sans aucun doute grâce au génie de l’homme qui mettra sa vie au service de ces films doucereux et romanesques dans l’âme : Yash Chopra. > 157


C ha hi naze UN FILM TRÈS LÉGER ET TRÈS MUSICAL ! J’ai aimé toutes les chansons du film, surtout « Bholi Si Surat » et « Are Re Are ».

Orn e l la Parmi les « grands » films de Shahrukh, Dil To Pagal Hai n’est clairement pas celui qui m’a le plus marquée.

UN PEU TROP KITSCH ? UN PEU TROP MAL VIEILLI ? UN SCÉNARIO UN PEU TROP BASIQUE ? Je me souviens néanmoins avoir passé un bon moment, sans pour autant être tombée de ma chaise. La question essentielle, évidemment, c’est : pourquoi, mais pourquoi avoir donné ce simple rôle de faire-valoir à Akshay Kumar ? Il mérite tellement mieux. (Akshay, on t’aime. Enfin, surtout moi.)

Lou i s e Super film avec des belles chansons, des jolies danses ainsi qu’une magnifique alchimie entre les acteurs.

An ai s MON DVD OFFRAIT LE CHOIX ENTRE VO SANS SOUS-TITRES ET VF TOUTE POURRIE ! Donc je l’ai regardé en version doublée et malgré les voix ridicules, j’ai gardé un bon souvenir de ce film : les chansons et les 158

danses en sont le gros point fort de mon point de vue, ainsi que l’alchimie entre Madhuri et Shahrukh ! Mais alors, qu’est-ce qu’il est kitsch visuellement !

C’EST VRAIMENT UN FILM DE SON ÉPOQUE, LES « NINETIES » ! Ah, et c’est ce film qui m’a traumatisée par rapport à Akshay pendant des années ! Pour l’anecdote, je sais que la version française de Shahrukh a été faite par un anthropologue français (Emmanuel Grimaud) qui étudiait le cinéma indien à l’époque et a sorti une thèse énorme sur le sujet !

IL BOSSAIT DANS L’INDUSTRIE DU CINÉMA POUR SES RECHERCHES ET N’AVAIT VISIBLEMENT AUCUN TALENT POUR LE DOUBLAGE !

S eham J’ai beaucoup aimé les chansons et les chorégraphies, j’ai toujours aimé les films de Shahrukh Khan en général, mais celui-là est à voir une fois seulement.

Nel a UN FILM INOUBLIABLE, QUATRE GRANDS ACTEURS QUI NOUS FONT RÊVER, LES DANSES DE MADHURI, LES CHANSONS ET SURTOUT L’AMOUR, LE VRAI !


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CRITIQUE N O R D

BANDIT QUEEN MOTS PAR ASMA E BEN M ANSOUR

CETTE CRITIQUE N’ÉTAIT PAS DU TOUT PRÉVUE ! Notre sommaire est effectivement établi plusieurs mois à l’avance, et le visionnage de Bandit Queen n’était alors pas inscrit à mon emploi du temps, déjà surchargé. En pleine élaboration de ce numéro, nous participons à la nouvelle édition du Festival du Film d’Asie du Sud de Paris, à l’occasion duquel est diffusé le métrage dans le cadre de sa sélection thématique sur les bandits. Lorsque je me suis retrouvée face à l’oeuvre de 1994, je me suis tournée vers

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Elodie et lui ai lancé, à peine cinq minutes après le démarrage de la pellicule : « je

suis obligée d’en faire la critique pour le prochain numéro ! ». D’autant que le film rentrait dans le thème de notre parution : les années 1990.

Réalisé par Shekhar Kapur, Bandit Queen est en fait le récit de vie de celle que l’on surnomme la reine des bandits : Phoolan Devi. Pour incarner une telle personnalité, il fallait une actrice de poigne qui n’a peur de rien. Le réalisateur fait donc appel à la comédienne assamaise Seema Biswas, dont ce n’est pourtant que le deuxième rôle au cinéma.


Ce qui n’empêche pas l’actrice d’être assez démentielle dans un métrage qui la met à rude épreuve. En effet, rien n’est épargné à Phoolan, tout comme rien n’est occulté au spectateur. Les viols répétés, la nudité, la violence et les humiliations... Shekhar Kapur cherche délibérément à choquer pour mieux attirer notre attention sur la rudesse du parcours de vie de son héroïne, qui n’a hélas rien de fictif.

SEEMA BISWAS ATTRAPE LA CAMÉRA POUR NE PLUS JAMAIS LA LÂCHER. Elle habite l’espace et s’empare de l’écran pour donner à l’histoire de Phoolan Devi la place qu’elle mérite. Son jeu est à la fois ample et précis. Il y a beaucoup de cris, de larmes et de violence. Mais il y a quelques silences, quelques regards qui suffisent. Peut-être pas assez, mais au final, le résultat rend vraiment justice à cette militante qui aura largement fait la lumière sur les conditions de vie désastreuses de la caste des intouchables. Bandit Queen n’a par ailleurs rien à voir avec le cinéma populaire qui se faisait dans les années 1990. Il s’inscrit en revanche dans la veine du cinéma parallèle hindi de cette ère, qui a également vu naître des films brillants comme Rudaali, Mammo ou encore Mrityudand. Bandit Queen ne fait donc clairement pas figure d’OVNI dans la mesure où des dizaines d’oeuvres possédant le même engagement et la même audace étaient courantes à l’époque. Toutefois, le public français y est resté relativement hermétique. Je ne parle pas des cinéphiles éclairés, qui ont d’ailleurs pu voir le métrage lors de sa modeste sortie française en 1995. Mais plutôt des amateurs de films populaires qui, durant cette décennie, sont plutôt allés chercher les Dil To Pagal Hai, Dilwale Dulhania Le Jayenge et autres Kuch Kuch Hota Hai.

Quand on demande à un fan de cinéma hindi ses films préférés des années 1990, il répondra souvent par les grands drames romantiques précités, qui sont effectivement devenus culte. Mais il ne pensera pas à Bandit Queen. Trop fort, trop brutal et pas assez grand public. Et pourtant tellement nécessaire. Bandit Queen ne ressemble pas non plus aux précédentes oeuvres du cinéaste, qui nous a précédemment livré l’intimiste Masoom et le fort sympathique (mais plus commercial) Mr India. Avec Bandit Queen, il explore de nouveaux horizons avec ce souci de véracité qui nous heurte. On est loin de la douceur de Masoom ou de l’onirisme assumé de Mr India. Bandit Queen est un film dur, qui reste longtemps en tête. Même la musique du maître Nusrat Fateh Ali Khan corrobore cette dureté. Le background score sonne comme un cri du coeur, comme une alerte au désespoir. Et mais surtout comme un prolongement de la voix de Phoolan Devi, aussi bien dans la souffrance que dans la revendication. La prestation de Seema a été totalement boudée aux Filmfare Awards, le public lui préférant Madhuri Dixit dans Hum Aapke Hain Koun. Seema n’a même pas été nommée ! Qu’à cela ne tienne, elle recevra le prestigieux National Award de la Meilleure Actrice pour son interprétation bouleversante. À si juste titre...

En co ncl u si o n Bandit Queen fait partie de ces métrages des années 1990 à voir, qu’il faut absolument visionner pour intégrer une parcelle de l’histoire sociale et sociétale du pays. C’est un film qui fait mal, mais c’est surtout un film qui mérite d’être vu. Et de ne pas être oublié.

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CRITIQUE N O R D

ARJUN P A T I A L A M OTS PA R ASM A E B E N MA N SO UR

Un scénariste se présente dans les bureaux d’un producteur vénal (Pankaj Tripathi) et lui soumet son idée pour un futur métrage...

DANS LA BANDEANNONCE, LE TON EST DONNÉ : ARJUN PATIALA VIENT OUVERTEMENT SE FOUTRE DE LA GUEULE DES MASALA D’ACTION SANS QUEUE NI TÊTE !

C’est fun et efficace. Diljit Dosanjh est parfait dans le rôle principal tant il a donné dans le registre au service de films punjabi à la qualité variable (non, je ne parle pas de Punjab 1984 ou de Sajjan Singh Rangroot, qui sont des oeuvres de qualité et les quelques exceptions de sa filmographie à Pollywood).

Et comme il n’y a pas de meilleure parodie que le premier degré poussé à l’extrême, la pellicule suit cette trajectoire en nous livrant un film qui use et abuse de tous les codes du divertissement hindi commercial. De bonnes barres de rire en perspective, donc !

L’ACTEUR S’AMUSE, POUSSE LE BOUCHON ET NOUS ARRACHE DE MULTIPLES SOURIRES EN INCARNANT CE FLIC TOTALEMENT IMPROBABLE.

D’ailleurs, la première partie est franchement jouissive. Le quatrième mur est brisé en permanence, pour rappeler sans cesse au spectateur qu’il s’agit une parodie et que non, on ne se trouve pas devant un énième film abrutissant de Rohit Shetty ! On rit de bon coeur devant le cahier des charges du masala bourrin, entre item number sans aucune cohérence, ligne narrative réchauffée et personnage féminin n’ayant pour unique raison d’exister que de guider (et d’aimer) le héros du film.. Arjun Patiala déconstruit habilement tous ces poncifs pour mieux dégager leur absurdité. 162

Face à lui, il fallait une actrice agréable à regarder, mais qui ne risque pas d’écraser le mâle dominant par sa présence. Sur le papier, Kriti Sanon était effectivement le choix idéal ! Oui, j’ai l’air méchante mais à vrai dire, il n’y a que dans le très bon Bareilly Ki Barfi que j’ai trouvé chez la jeune femme un véritable engagement. Sinon, elle est là pour faire potiche et semble d’ailleurs s’en satisfaire quand on voit la tronche de sa filmographie... Cela dit, je dois admettre que dans une scène d’Arjun Patiala, elle m’a surprise. Une scène qui, au passage, n’a rien à voir avec le ton du film. Une scène qui se prend


étonnamment au sérieux. Et qui m’a arrachée une larme.

KRITI S’Y MET À NUE, PLEINE DE VULNÉRABILITÉ. ÇA DURE QUELQUES MINUTES, QUELQUES MINUTES SUSPENDUES ET ÇA NOUS ACCROCHE. Et puis ensuite, le quatrième mur se brise de nouveau, pour nous rappeler, ô faibles spectateurs, qu’on n’est pas censés croire à ce qu’on nous raconte...

Et merde, ils m’ont eue !

ARJUN PATIALA EST DONC UNE BONNE PARODIE ? BAH NON, SINON, CE SERAIT TROP FACILE. Parce qu’effectivement, sans même qu’on ne comprenne pourquoi, la deuxième partie du film oublie totalement son caractère parodique ! Soudainement, les pitreries d’Arjun deviennent graves, et on nous pond la suite de ses aventures avec le même ton qu’un masala classique. >


OUI, JE ME SUIS CRUE FACE AU JUMEAU CACHÉ DE SIMMBA... Le problème, c’est que l’essence même du film s’appuyait sur le fait qu’il ne tenait pas la route, que rien n’avait de sens, qu’il était même absurde sciemment. Et c’est ça qui le rendait drôle !

ALORS, POURQUOI DEVRAITON Y CROIRE MAINTENANT, ALORS QU’ON NOUS A SOMMÉ DE NE PAS LE FAIRE PENDANT TOUTE LA PREMIÈRE MOITIÉ DU MÉTRAGE ? Les scènes WTF sont toujours là. La différence, c’est ce quatrième mur, qui a été manifestement bétonné comme jamais ! Le réalisateur ne le casse plus, il ne cherche plus à entrer en contact direct avec le spectateur. Comme si, juste après 164

l’intermission, ils avaient changé de cinéaste ! C’est très étrange et assez perturbant. Et du coup, j’étais franchement déçue. La bande-originale d’Arjun Patiala, qui s’applique à respecter le schéma des albums de films populaires (avec une chanson romantique, un item number ou encore une complainte...), est plutôt réussie. Ça ne s’inscrira pas dans la mémoire collective, mais il y a malgré tout de jolies mélodies, en l’occurrence « Sachiya Mohabbatan » et « Dil Todeya ». Cela dit, ça ne suffit pas à sauver le métrage.

En co ncl u si o n QUELLE CRUELLE DÉCEPTION QUE CET ARJUN PATIALA ! Tout ce que je peux vous conseiller, c’est de passer votre tour pour éviter d’être aussi désappointé que moi.


CRITIQUE N O R D

helicopter eela M OTS PA R ASM A E B E N MA N SO UR

Une ancienne gloire de la chanson (Kajol) totalement dévouée à son fils (Riddhi Sen) décide de reprendre ses études, se retrouvant de fait dans la même classe que son rejeton, qui ne vit pas très bien le fait d’avoir sa mère sur le dos...

Pourtant, j’ai eu le plus grand mal à me procurer Helicopter Eela. En effet, le film sorti à la rentrée 2018 est semble-t-il tombé aux oubliettes, absolument indisponible sur les plateformes de streaming et même (vilaine que je suis) en téléchargement illégal !

LE RETOUR SUR GRAND ÉCRAN DE KAJOL, MON ACTRICE FAVORITE ? IMPOSSIBLE DE MANQUER ÇA !

BREF, JE N’ÉTAIS PAS PRÊTE DE REVOIR MA CHÈRE KAJOL DE SITÔT... C’est là qu’Elodie, telle le messie, m’informe >

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qu’elle dispose du métrage sur son ordinateur avec des sous-titres, plus d’un an après. Ô joie ! Je vais enfin pouvoir découvrir l’actrice dans ce qui s’annonce comme, je l’espère, le rôle de la maturité ? Alors, non pas que ses personnages dans My Name Is Khan ou Fanaa (pour ne citer que ses rôles culte relativement récents) soient dépourvus de consistance et de sagesse, bien au contraire ! Cela dit, j’osais espérer un projet d’envergure qui ne s’appuie que sur elle, un exercice périlleux auquel s’étaient essayées avec brio Sridevi pour English Vinglish et Mom, ou bien Vidya Balan pour Kahaani et Tumhari Sulu.

KAJOL A DÉJÀ ÉTÉ L’UNIQUE TÊTE D’AFFICHE DE FILMS PAR LE PASSÉ, COMME DUSHMAN (EN 1998) ET KUCH KHATTI KUCH MEETHI (EN 2001), À CHAQUE FOIS AVEC UN CERTAIN SAVOIR-FAIRE. Pourtant, elle s’est rarement autorisée à être le seul maître à bord du navire du casting, s’appuyant davantage sur une complicité efficace d’avec un partenaire à l’écran, qu’il soit masculin ou féminin. 166

Avec Helicopter Eela, j’espère donc secrètement qu’elle signera ce projet qui lui fera une place centrale dans la narration. D’autant qu’à la réalisation, il y a un de mes cinéastes favoris : Pradeep Sarkar. On lui doit effectivement le sublime Parineeta (avec Vidya Balan), l’intense Laaga Chunari Mein Daag (avec Rani Mukerji) ainsi que le sousvalorisé Lafangey Parindey (avec Deepika Padukone), que j’aime personnellement beaucoup. Et ce que j’ai toujours apprécié chez ce réalisateur, c’est sa faculté à nous livrer des personnages féminins particulièrement puissants et étayés. Il le confirmera d’ailleurs avec Mardaani, qu’il dirige en 2014 et dans lequel Rani Mukerji incarne une enquêtrice déterminée. Lorsque je découvre le métrage, je suis surprise. Agréablement. Parce que le ton est plus enlevé, moins grave que je ne l’imaginais. Et aussi parce que Kajol n’est pas la seule star du film. Une mauvaise nouvelle, au regard de mes attentes ? Sur le papier, oui. Mais pas dans les faits. Car si la force d’Helicopter Eela réside partiellement dans la prestation impeccable de son actrice vedette, elle s’appuie encore plus sur sa complicité avec son partenaire Riddhi Sen. Et là, je sais ce que vous vous dites...


« Ouais, donc elle compte encore sur un

acteur pour l’aider à faire vivre son film, c’est ça ? » Il se trouve que pour une fois, elle ne fait pas face à un comédien de sa génération. Riddhi Sen, tout juste 20 ans au moment de la sortie du film, incarne ici son fils. Et si Kajol a déjà joué les mères de famille par le passé (La Famille Indienne, U Me Aur Hum, My Name Is Khan...), c’est la première fois qu’un métrage auquel elle prend part s’appuie exclusivement sur la relation entre une maman et son enfant. C’est d’ailleurs tout le ressort narratif de l’oeuvre : Eela (incarnée par Kajol) a tout donné à son fils Vivaan (Riddhi Sen). Lorsque le jeune homme cherche à s’émanciper, elle ne trouve plus de sens à sa vie. Comment Eela va-t-elle réussir à exister en dehors de son rôle de mère ? Comment va-t-elle donner une autre dimension à sa relation d’avec son fils, loin de toute dépendance émotionnelle ?

LE MÉTRAGE EXPLORE NOTAMMENT CES QUESTIONS, PAS TRÈS FINEMENT CERTES, MAIS AVEC SUFFISAMMENT DE PERTINENCE POUR QU’ON S’ACCROCHE. D’AILLEURS, AUTANT LE DIRE TOUT DE SUITE : KAJOL EST ABSOLUMENT IMPÉRIALE ! Avec ce cabotinage charmant qui la caractérise tant, mais aussi la beauté de l’âge qui donne toute leur puissance aux séquences émotion. Face à elle, le comédien bengali Riddhi Sen, tout juste auréolé du National Award du Meilleur Acteur pour Nagarkirtan, signe son premier rôle principal en hindi après avoir brillé dans La saison des femmes en 2015. Bref, malgré son jeune âge, Riddhi a déjà tout d’un grand. Et en même temps, tout l’oppose à Kajol.

Car l’actrice est la reine du cinéma populaire. Tout dans sa façon d’interpréter un personnage est en amplitude, en largeur. Riddhi est un enfant du théâtre bengali et de son cinéma, où les émotions sont intérieures, le jeu tout en mesure. Là où leur approche différente de l’acting aurait pu créer un gouffre entre eux, elle créé étonnamment un bel équilibre, qui vient par ailleurs sublimer le côté « tout les oppose » qu’on retrouve dans l’écriture des protagonistes. La réalisation n’a rien de révolutionnaire et laisse tout l’espace à ses acteurs. On ne retrouve pas la beauté visuelle de Parineeta ou la rudesse de Mardaani. C’est visuellement assez neutre et sans une distribution concluante, ça aurait probablement manqué de caractère. Grâce au ciel, on échappe à la déception ! Bien sûr, ne vous attendez pas non plus au chefd’oeuvre du siècle avec Helicopter Eela ! On a face à nous un divertissement de qualité, entre humour et émotion, porté par une Kajol au sommet de sa forme et un Riddhi Sen irréprochable. Et il faut aussi des films comme ça, sans trop de prétention mais qui remplissent sans fauter leurs humbles ambitions. Il vaut mieux un petit film réussi qu’un grand film raté, n’est-ce pas ?

En co ncl u si o n Helicopter Eela ne vaut pas un English Vinglish ou un Kahaani, et pour le grand rôle que j’espérais, on repassera ! Cela dit, j’ai tout de même été charmée par ce métrage, qui illustre une relation certes compliquée mais jamais malsaine entre une mère en quête d’identité et un fils qui cherche avant tout à voler de ses propres ailes. Tout cela sur fond de musique rétro et avec, en prime, une petite apparition d’Amitabh Bachchan...

QUE VOULEZ-VOUS DE PLUS ? 167


CRITIQUE N O R D

15 AUGUST MOTS PAR ASMA E BEN M ANSOUR

Au coeur d’un quartier populaire du Maharashtra, Raju (Rahul Pethe) et Jui (Mrunmayee Deshpande) se confrontent à l’opposition de leurs familles respectives lorsque leur idylle éclate au grand jour. À l’occasion de la fête nationale de l’indépendance indienne, les jeunes amants et leur voisinage s’animent pour cette commémoration, sans se douter qu’un incident risque de bouleverser leur journée... Voilà une histoire des plus attendrissantes dans le contexte d’un chawl du Maharastra où, au contraire de Malaal (dont nous

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vous parlons également dans cette édition de Bolly&Co), on voit nettement l’influence de la communauté sur l’histoire d’amour entre Raju et Jui. Il s’agit de la deuxième production en langue marathi de la star Madhuri Dixit et de son mari Sriram Nene. Contrairement à la précédente oeuvre financée par le couple (Bucket List, dont l’actrice était par ailleurs l’héroïne), 15 August est franchement étayé et donne à voir une galerie de personnages plus riches les uns que les autres.


IL FAUT D’ABORD PARLER DE RAHUL PETHE, VÉRITABLE RÉVÉLATION DU MÉTRAGE. Le regard du jeune homme est presque magnétique tant il nous capte. Impossible de ne pas s’attacher à lui et de ne pas comprendre ce que Jui lui trouve. De son côté, l’actrice Mrunmayee Deshpande est absolument angélique. À la manière d’une Shweta Tripathi, elle incarne une Jui dans la fleur de l’âge avec une immense justesse, et ce alors qu’elle a dépassé la trentaine. Impressionnant !

ENFIN, ADINATH KOTHARE CONSTITUE L’AUTRE BELLE SURPRISE DU FILM DANS LA PEAU D’AMIT, LE PRÉTENDANT DE JUI. Le récent lauréat d’un National Award incarne effectivement cet immigré bienveillant avec un charme indéniable.

LE RÉSULTAT EST DANS L’ENSEMBLE BOURRÉ DE CHARME ET DE PETITS INSTANTS DE TENDRESSE, AUXQUELS IL EST DIFFICILE DE RÉSISTER. Nous avons ici droit à un film sur la solidarité et l’amour de la patrie au sein de ce macrocosme qu’est le chawl. 15 August est porteur de nombreux messages, et le fait avec une profonde sagacité. Le plus important étant la notion de liberté. La liberté d’un petit garçon coincé. Celle d’une jeune femme de choisir son destin. Celle d’un garçon velléitaire de subir ou d’agir pour son bonheur. Et le fait que le film se déroule en

pleine fête nationale, venant commémorer l’indépendance prise face aux oppresseurs britanniques, n’est pas anodin. Un clin d’oeil lourd de sens dans la mesure où les deux histoires qui forment 15 August évoquent cette sacro-sainte notion de liberté (ou plutôt le fait d’en être justement privé). Aussi bien le petit garçon dont la main est prisonnière d’une bouche d’égout que les deux amants qui ne s’autorisent pas à vivre leur relation au grand jour. Ils sont tous coincés, maintenus dans leur situation, leur famille ou leur condition sociale.

IL Y A AUSSI UN TRAVAIL VISUEL INTÉRESSANT DANS LA SYMBOLIQUE. Les dessins que griffonne Raju sur le tableau noir du quartier, mais également les couleurs que Jui, Amit et lui portent dans le plan final, donnant l’impression de former ensemble le drapeau indien. J’avais le souvenir d’une certaine platitude dans Bucket List, que je n’ai heureusement pas retrouvé sur ce métrage. Certes, la réalisation n’est pas très rythmée, mais elle fait la part belle à ses personnages, auxquels elle apporte suffisamment d’attention et de corps pour nous donner envie de les suivre.

En co ncl u si o n 15 AUGUST EST UN PETIT FILM MODESTE QUI SE SAVOURE AVEC BONHEUR. Il ne révolutionnera pas votre rapport au cinéma mais aura le mérite de vous faire passer un moment empli de délicatesse.

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CRITIQUE N O R D

MARJAAVAAN MOTS PAR ELO DI E HA M IDOVIC

Marjaavaan est à mes yeux comme un flash-back qui débarque de nulle part, pour nous rappeler les erreurs du passé à ne pas commettre...

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J’y vais un peu fort ? Peut-être. Au cinéma, certains ont pleuré, d’autres ont applaudi en déclarant : « Ah oui, c’était bien ! ». Moi, je suis simplement restée assise, bouche bée, me demandant si j’avais vu le même film qu’eux. J’ai également conscience que le fait d’avoir grandi avec le cinéma indien m’a permis de voir cette industrie évoluer et proposer des histoires originales, profondément recherchées, avec des acteurs épatants et une approche unique. J’ai vu des pépites. Alors, quand Milap Zaveri dévoile Marjaavaan, j’ai l’impression que Bollywood fait marche-arrière et du coup, j’ai juste envie frapper quelqu’un !

1. LE HÉROS, CET ORPHELIN ADOPTÉ PAR UN GRAND MÉCHANT QUI LE PRÉFÈRE À SON FILS NATUREL.

IL N’Y A RIEN DE NOUVEAU DANS MARJAAVAAN.

Forcément, Raghu fait voler ses adversaires et se défend à l’aide de son petit doigt surpuissant. C’est un gangster qui casse les os sans aucun effort mais qui, au fond, possède un grand coeur (sinon c’est pas drôle, et la fille qu’il convoite n’a aucune raison de tomber amoureuse de lui !).

Ce n’est qu’un métrage destiné à amasser de l’argent et passer au prochain projet, qui aura au passage exactement le même but ! Marjaavaan ne fait même pas honneur à ces œuvres populaires des années 1980 et 1990 qui ont marqué les générations. Nous sommes ici face à un réalisateur en manque cruelle d’inspiration, qui a listé les éléments présumés obligatoires pour pondre un film alliant action, romance et drame. Vous le devinerez, sans grand succès !

Il reprend tous les codes de ces métrages pour délivrer, en 2019, ce qu’on appelle dans le monde de la critique un navet. Ce n’est pas bon, ça peut avoir un peu de goût avec des ingrédients supplémentaires, mais dans le fond, ça reste le légume qu’on laisse de côté dans son assiette. Celui que l’on préfère ne pas regarder, voire même dont on souhaite ignorer l’existence. Je vais donc faire simple en vous livrant la recette derrière Marjaavaan. Ça m’évitera d’écrire tout ce qui ne marche pas dans ce film...

Raghu (Sidharth Malhotra) a été ramassé dans la rue et voue désormais une loyauté sans faille à son chef, Anna (Nassar). La raison de cet attachement ? Et bien, Raghu est très fort, c’est presque surhumain...

2. LE HÉROS, FILS CACHÉ DE SUPERMAN.

3. L’HÉROÏNE, CETTE FILLE TROP PURE QUI FAIT BATTRE LE COEUR DU HÉROS. C’est elle, douce et innocente, qui va voir son bon côté et lui montrer qu’il peut être quelqu’un de bien - et qu’il n’est pas obligé d’être un gangster, surtout ! Tara Sutaria est faite pour ce job. Il faut croire que Milap Zaveri a vu Student of The Year 2 et que, comme moi, il s’est dit que cette fille est certes bien jolie, mais que lorsqu’elle ouvre la bouche, ce n’est pas trop ça. Alors boom ! Elle est muette et là, ça fonctionne.

4. PAS DE FILLE INTELLIGENTE. Ô non, ce serait trop incorrect ! Soit elles sont chastes comme Zoya, soit ce sont des prostituées comme Aarzoo (Rakul Preet Singh), soit ce sont des mères, mais > 171


à part ça... Rien. Ça s’arrête là, parce que la femme ne sert qu’à ça, dans la vie.

5. DES HANDICAPS POUR AJOUTER PLUS DE PITIÉ. Zoya ne parle pas donc forcément, c’est une bonne personne, une gentille fifille. Et à côté, si Vishnu (Riteish Deshmukh) est un nain, c’est pour nous faire un peu de peine. Pauvre de lui, son père préfère un homme qui fait 1m90. Jalousie, quand tu nous tiens...

6. UNE BANDE-SON HYPER ACCROCHEUSE, HYPER FORTE AUSSI. « Tum Hi Aana » est tellement utilisée dans le métrage qu’au bout d’un moment, c’est juste épuisant ! Sans parler de cette petite musique qui annonce chaque arrivée de Vishnu ! Et si l’album en entier s’écoute sans problème (impossible de résister à « Thodi Jagah »), les bruits de chaque coup de poing finissent par nous faire vraiment mal à la tête !

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ça part tellement dans tous les sens que la conversation ne ressemble plus à rien du tout ! Surtout, il y a des enchaînements incompréhensibles qui donnent l’impression que les acteurs font une compétition, à celui qui aura le plus de points (ou le meilleur combo). Vishnu gagne haut la main, il reprend tellement de chansons, de références au cinéma (hello Zero !) et de phrases qui riment qu’on s’étonne que Raghu ne l’ait pas tué plus tôt.

9. UNE MORT PLUS QUE TRAGIQUE POUR LA FILLE QUE LE HÉROS AIME. Et si c’est lui qui la tue, c’est encore mieux ! Non, ce n’est pas un spoiler, c’est dans la bande-annonce et dans les cinq premières secondes du film. Yes, Raghu tue sa bienaimée.

POURQUOI ? PARCE QUE C’EST CE QU’ON LUI DEMANDE, VOYONS !

7. UN TRIANGLE AMOUREUX AVEC UNE PROSTITUÉE.

Voilà, je vous ai épargné 2h30 de film ! Bon, en réalité, la raison s’apprend à la fin de la première partie.

Il faut croire que Raghu vit dans la chambre d’Aarzoo, et si la jeune femme l’aime, lui ne la regarde pas du tout de cette façon. Ce qui ne l’empêche pas de partager son lit, hein ! Le film ne cherche même pas à masquer son moment Devdas, avec un Raghu qui se noie dans l’alcool... Plus original, tu meurs !

LA SUITE EST TRÈS SIMPLE : VENGEANCE, MEURTRES, UNE CHANSON DE PEINE DE COEUR, ENCORE DES MEURTRES, ET ENSUITE... THE END.

8. DES PUNCHLINES ET DES DEVINETTES, EN VEUX-TU, EN VOILÀ !

En gros, il ne faut pas réfléchir et prendre le film comme il est, en profitant du peu qu’il nous offre.

Comme si, dans la vraie vie, les gens ne parlaient qu’ainsi ! Il faut dire que parfois,

C’EST-À-DIRE, PAS GRANDCHOSE...


Mon problème, c’est que je n’y arrive pas. Automatiquement, j’ai l’impression qu’on me prend pour une idiote ! Je vais quand même avouer un truc : je suis au moins contente d’avoir tenu jusqu’à la fin pour découvrir la raison pour laquelle Raghu cache des allumettes dans sa bouche.

Je te rmi ne p a r un e qu e s ti o n : Shaad Randhawa, il a signé un contrat à durée indéterminée avec Mohit Suri, T-Series et Milap Zaveri ? Non, parce qu’il a toujours un rôle secondaire dans ce genre de films, c’est le gars qui s’incruste, encore et encore, mais qui n’apporte tellement rien à l’histoire que c’est à se demander pourquoi il persiste !

UNE DE PLUS, UNE DE MOINS… Pour couronner le tout, en plus de traiter ses personnages féminins comme de la chair à saucisse, Milap Zaveri a eu le bon goût de virer au montage la séquence musicale “Peeyu Datt Ke”, dans laquelle la solaire Nushrat Bharucha servait d’item girl. Il faut dire qu’entre les scènes musicales de Rakul Preet Singh et l’apparition en chanson de la volcanique Nora Fatehi, il y en avait déjà assez !


CRITIQUE N O R D

Un film, trois visions. GHULAM

C’est devenu une constante de notre magazine : la triple critique. Et de nouveau, nous vous avons mis à contribution puisque c’est VOUS qui avez choisi le film traité dans cet article. Pour cette nouvelle édition de Bolly&Co, vos votes se sont portés vers le film Ghulam, sorti en 1998 avec Aamir Khan et Rani Mukherjee.

ALORS, QU’EN AVONS-NOUS PENSÉ ? QUELS ASPECTS DU FILM NOUS ONT MARQUÉ ? À VOUS DE LE DÉCOUVRIR... 174


1 . L’AV I S D ’ E LO D I E HAMIDOVIC Le gangster qui se découvre héros.

Ce n’est un secret pour personne, Ghulam est un remake non officiel comme il en existe des tas en Inde. Pour remplacer Marlon Brando, le réalisateur Vikram Bhatt opte pour un Aamir Khan dont la carrière décolle. Tout comme Terry Malloy (le personnage du film original), Siddharth Marathe est le frère du bras droit du grand méchant du quartier, Raunak Singh. Je m’arrête là, et pour ceux qui ont vu Sur les quais d’Elia Kazan, vous savez ce qu’il se passera (du moins le plus gros). Mais peu importe ! Car une chose est sûre, celui qui nous tient en haleine durant les 2 heures et 45 minutes de cette version hindi, c’est bien Aamir Khan.

IL EST POUR MOI LA RAISON MAJEURE QUI DOIT VOUS CONVAINCRE DE DÉCOUVRIR (OU DE REDÉCOUVRIR) GHULAM. Oui, on se souvient tous de la chanson « Aati Kya Khandala », que ce soit parce qu’elle est culte ou parce qu’elle a fait l’objet de multiples références dans des films populaires comme La Famille Indienne (avouez, c’est là que vous l’avez entendu pour la première fois !). Si Rani Mukherjee n’a qu’un rôle très secondaire, Aamir Khan interprète avec brio ce héros complexe qui se remettra en question à mesure que l’histoire avance. Dans les premières minutes, c’est un petit con (mais vraiment !). Il est insensible, ne pense qu’à sa gueule et parfois, fait dans l’illégal. Mais très vite, on se rend compte que Siddhu se pose des questions, et sa rencontre avec Hari (Akshay Anand) va mettre de nombreuses choses en perspective. Cela va surtout faire écho à son passé, et au bon garçon qu’il est en réalité...

Ici, on est face au schéma du méchant qui devient gentil, même si dans les faits, Siddhu n’a jamais été méchant. C’est surtout un pion lambda, qui parfois trempe dans l’illégalité à cause de son frère. Et si l’histoire tient la route, vous n’échapperez pas à ce qui a fait la magie des films indiens des années 1990 : des chansons d’amour qui sortent de nulle part et qui n’ont aucun rapport avec l’histoire de base, des bruits de tonnerre quand une annonce choc est dévoilée, des bruitages dignes de films d’animation lorsque des coups de poings sont lancés... Bref, la base ! Et moi, ça ne m’a pas dérangée du tout même si parfois, c’est involontairement drôle.

GHULAM PERMET VRAIMENT DE SE REPLONGER DANS UNE ÉPOQUE OÙ LE CINÉMA INDIEN N’ÉTAIT PAS PARFAIT, MAIS FÉDÉRAIT PAR DES HISTOIRES AUX MESSAGES FORTS. Il faut des valeurs, dans la vie ! Des principes. Se battre contre l’exaction, aider son prochain et sa communauté, suivre le droit chemin et aussi croire en la justice et la société. C’est chouette, non ?

2 . L’AV I S D ’A S M A E BENMANSOUR Heurts et rédemption.

J’ai vu Ghulam il y a plus de 10 ans. Et je n’en avais absolument aucun souvenir avant d’entamer cette critique ! C’est plutôt mauvais signe... Cela dit, je sais que lorsque je l’ai visionné, j’avais des expectatives très précises qui ne donnaient aucune chance au métrage. Je voulais voir de la romance mielleuse, des trucs un peu mièvres > 175


dans la veine des métrages de Shahrukh Khan et Kajol... Autant dire qu’à ce jeu-là, Ghulam est totalement à côté de la plaque !

FINALEMENT, ME VOILÀ DEVANT MON ÉCRAN, EN 2020, POUR REVOIR CE QUI CONSTITUE L’UN DES MÉTRAGES LES PLUS POPULAIRES DE SON ÈRE. En quoi est-il si spécial ? Ma sensibilité de spectatrice a largement évolué et j’ai été capable d’apprécier ce qui m’avait alors échappé. Je fais d’ailleurs un constat assez édifiant lorsque je redécouvre Ghulam : le fait que son acteur principal Aamir Khan se soit inscrit dans un style de personnages bien précis durant les années 1990. En effet, après Ishq (1997), Rangeela (1995) ou encore Raja Hindustani (1996), le comédien est de retour dans le rôle du gosse des rues malaimé ou rejeté par le système. Et il est ici particulièrement convaincant !

FACE À LUI, IL Y A DES RÔLES SECONDAIRES SAISISSANTS, CE QUI EST ASSEZ RARE DANS UN MÉTRAGE POPULAIRE DE CETTE ÈRE POUR ÊTRE SOULIGNÉ. De l’activiste Hari à l’avocate Fatima en passant par le frère ripou Jai, ils sont tous portés magistralement par les comédiens Akshay Anand, Mita Vashisht et Rajit Kapur respectivement. Et puis, il y a Rani Mukerji... qui ne sert à rien. Je n’ai effectivement retenu d’elle que sa scène d’introduction, il faut l’avouer plutôt cool. Car si son personnage ne tient de place dans la narration que pour les séquences musicales, l’actrice ne sort jamais du carcan de la belle plante. Bref, décevant pour son premier gros succès à Bollywood... 176

Ghulam a pour lui un style visuel très rugueux assez inhérent au cinéma néo-réaliste et une mise en scène plus emphatique, tout à fait typique du Bollywood des 1990’s. Il y a des messages forts, des séquences musicales incontournables et des protagonistes saisissants. C’est imparfait, avec ce qui fait la spécificité du cinéma de l’époque, entre légère désuétude et charme incontestable.

3 . L’AV I S D ’ O R N E L L A MARTIN Durant les premières minutes de Ghulam, on a un peu peur de tomber dans le cliché : un mafieux méchant, très très méchant, un Aamir version voyou, petit loubard des quartiers. D’ailleurs, on a tout compris rien qu’avec son look : bagouze à chaque doigt, grosse ceinture en chaînes, veste en cuir (parce que la veste en cuir, c’est « so evil », n’est-ce pas ?). Ajoutez à cela le cheveu soyeux, la mèche rebelle, le regard bovin et la gueule souvent ensanglantée, et vous avez un bel aperçu du personnage d’Aamir dans Ghulam.

MAIS EN FAIT, LE FILM EST UN PEU PLUS SUBTIL QUE ÇA. Déjà parce que, heureusement, l’action l’emporte vite sur la romance. Et c’était l’époque des vraies scènes d’action, où l’acteur devait vraiment mouiller la chemise, sans fond vert et sans câble. Les scènes de combat sont bien faites et ne tombent pas dans l’excès. La violence, celle des gangs et des quartiers défavorisés, est réelle. Siddharth, le voyou joué par Aamir, a eu plusieurs fois affaire à la justice. D’ailleurs, on le découvre en train de voler de l’argent dans le portefeuille de son avocate. Exécrable !


N’Y A-T-IL RIEN À SAUVER CHEZ LUI ? EH BIEN SI ! Il y a une lueur d’espoir. Une étincelle. Siddharth va faire l’expérience de l’injustice, de la corruption et de la violence. Et cette étincelle qui palpitait chez lui va devenir flamme, brasier ardent qui le pousse à la révolte avec pour mission d’exterminer le mal. Ghulam cherche à brosser le portrait d’une jeunesse désillusionnée, en recherche d’idéal, qui rêve de bâtir un monde meilleur mais qui se heurte à une société qui ne les entend pas. Face à la corruption, une seule réponse possible pour retrouver la liberté perdue : la désobéissance. Quand les autorités ne sont plus garantes de sécurité et de valeurs humanistes, il devient dès lors urgent de se révolter. C’est ainsi que naissent les démocraties. Et c’est ce que comprend Siddharth. Il y a du Bhagat Singh chez lui et déjà, les prémices du futur chef-d’oeuvre Rang De Basanti (duquel Aamir sera également l’un des héros).

GHULAM, C’EST L’ÉVEIL D’UN HOMME À L’HUMANITÉ, AUX VALEURS QUI FONDENT NOTRE SOCIÉTÉ. Alors, certes, il y a des défauts : Rani Mukherjee est d’une sensualité à toute épreuve, mais en fait des tonnes et n’a malheureusement qu’un rôle de faire-valoir. Ses cris sont insupportables, d’autant qu’elle a été doublée pour ce film (sacrilège !). Les bruitages et gros plans sont vraiment passés de mode. Mais ces dérapages ne sont pas assez importants pour éclipser les bons côtés de l’oeuvre.

POUR MOI, GHULAM RESTE DE L’ENTERTAINMENT INTELLIGENT ET DE QUALITÉ, AVEC UN AAMIR KHAN BRILLANT, QUI PORTE LE FILM SUR SES ÉPAULES ET LAISSE ENTREVOIR LE GÉNIE QUI SOMMEILLE EN LUI. 177


Bci nem a& U L E C I N É M A TA M O U L C O M M E V O U S L’A I M E Z ! Fondé en 2013, Bcinema&U est un groupe de jeunes passionnés du cinéma tamoul chargé de la promotion des films sortant en France, en partenariat officiel avec l’ensemble des distributeurs, cinémas et prestataires. Actif et accueilli massivement au sein des réseaux sociaux, la vocation principale de ce groupe reste avant tout de partager sa passion pour le cinéma.

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CRITIQUES

SUD


jodi CRITIQUE S U D

M OT S PA R ASM AE BEN MA N SO UR

ATTENTION, JE M’APPRÊTE À SALEMENT SPOILER CE FILM ! Mais vu sa piètre qualité, vous allez me remercier de vous épargner deux heures de votre vie. Sur ce, je vous laisse arpenter les chemins tortueux de la narration de Jodi... À se demander si les scénaristes n’étaient pas sérieusement alcoolisés en l’écrivant ! Kapil (Aadi Saikumar) est en train de se bourrer la gueule. Il fait nuit et on comprend vite qu’il est fâché. Oui, parce qu’il a la ride du lion sur le front et de la glycérine plein les yeux... Il parle face caméra avec le talent d’un enfant de CP dans une pièce pour la kermesse de mon village, nous expliquant que s’il est en train de faire péter son taux d’alcoolémie, c’est de la faute de son père ! On apprend que celui-ci fait des paris sportifs depuis toujours. Il s’est mis tout son entourage à dos et pourtant, rien n’y fait. Le bougre continue de perdre de l’argent et de causer la disgrâce de sa famille. Apparemment, une cure de désintoxication n’a pas été envisagée...

À L’ÂGE ADULTE, KAPIL A L’AIR D’UN GENTIL GARÇON PARCE QU’IL EST INGÉNIEUR EN INFORMATIQUE ET QU’IL PORTE DES CHEMISES. 180

Un bien maigre indicateur pour évaluer sa bonté d’âme, me direz-vous ?

MAIS ENFIN, N’OUBLIEZ PAS QUE NOUS SOMMES DANS UN FILM TÉLOUGOU, OÙ LES SCÉNARISTES ONT DÉCIDÉ DE FAIRE UN GROS DOIGT BIEN DÉGUEULASSE AU BON SENS ! Du coup, Kapil est le héros tout désigné de cette histoire après avoir fait l’acquisition de la collection printemps-été de chez Celio. Il rencontre Kanchana Mala (Shraddha Srinath). Ou plutôt, il la voit, décrète qu’il est amoureux d’elle après l’avoir maté intensément au ralenti et cheveux au vent. Ah et aussi, il la suit partout où elle va... Du harcèlement sexuel, vous dites ?

MAIS ENFIN, N’OUBLIEZ PAS QUE NOUS SOMMES DANS UN FILM TÉLOUGOU !


appellera Pépé (parce que... c’est un pépé). Sauf que Kapil assiste à toute la scène. Ni une ni deux, sur sa bécane, il part à la poursuite du chauffard et le somme d’accompagner Pépé à l’hôpital. Qu’est-ce qu’il est gentil, Kapil... Et il se trouve que Pépé n’est autre que le grand-père de Kanchana ! Du coup, forcément, la belle cruche tombe rapidement amoureuse de son cher et tendre harceleur après qu’il lui ait fait le coup de la panne. « Non mais sérieusement, ça marchait

peut-être il y a 25 ans dans Dilwale Dulhania Le Jayenge... Mais vous croyez pas que depuis, on a grillé la combine ? »

On fait tout ça sur la voix mielleuse du chanteur Yazin Nizar en insistant sur les fossettes trop mignonnes du héros amoureux, et ça passe crème ! Ce qu’en pense la demoiselle ? On s’en bat les steaks !

KAPIL EST RAIDE DINGUE DE KANCHANA, QUI IGNORE MÊME SON EXISTENCE. Il monte donc un stratagème pour assister aux cours de français dispensés par la belle. Et cela sans avoir besoin de demander de congés... On est sûrs qu’il est pas plutôt ingénieur au chômage, le Kapil ? Là où le cerveau du spectateur pourrait commencer à se questionner sur la personnalité pas très rassurante du héros, on nous montre que c’est vraiment un chic type dès la scène suivante ! Nous sommes sur une route très fréquentée, et un mec méchant dans une bagnole de luxe (oui, parce qu’il est riche, c’est forcément un connard) manque de renverser celui qu’on

Ô, j’ai oublié de vous dire ! Kanchana vit avec son oncle, que je qualifierai sans détour de tyran domestique. Je vous explique. La nana est professeure, elle gagne sa tune toute seule comme une grande. Mais chaque mois, elle doit remettre son salaire à Tonton pour... je sais pas pourquoi, peut-être parce que c’est un maniaque du contrôle ? Lorsqu’elle souhaite s’acheter un scooter pour son indépendance (et parce qu’elle fait ce qu’elle veut !), il l’envoie gentiment bouler. Parce que bon, c’est pas comme si c’était son argent à elle, hein...

BREF, REVENONS À NOTRE HÉROS, BIEN DÉCIDÉ À ÉPOUSER SA BELLE. UNE RENCONTRE EST ORGANISÉE ENTRE LE HARCELEUR ET LE TYRAN. « Et accessoirement Kanchana, mais vu

qu’elle fait pot de fleurs, inutile de le mentionner. » Sauf qu’au même moment (et au même endroit, magie de l’inventivité télougoue !), l’addict au jeu (et papa du héros) se fait >

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courser par des créanciers auxquels il doit de l’argent. Les créanciers sont colère et ont la ferme intention de lui marave sa gueule ! Le héros ne supporte pas cet affront et décide de boomer un par un les opposants. « Dont la colère était, à mon sens, plutôt légitime. M’enfin... » Le tyran assiste à la scène et, choqué, décide de partir avec Kanchana sous le bras. « Oui, comme un sac à main. » Encore une fois, on ne lui demande pas son avis... Je vous ai dit que ce film est sorti en 2019 ? (Et non, il ne se déroule pas dans les années 1950 !) Le gentil harceleur se pointe ensuite chez le tyran (parce qu’on s’invite chez les gens comme ça, maintenant...). Et là, il est en mode : « Mais sur la tête de ma mère que je suis

pas un mec violent ! J’ai juste brisé deux, trois os et envoyé quelques mecs en mort cérébrale ! »

à cause de lui que son frère (le père de la belle plante, là...) s’est suicidé. Donc en gros, le père de Kapil a entraîné celui de Kanchana dans des paris qui l’ont mené à sa chute. Du coup, le tyran domestique en est un uniquement parce qu’il s’est pris dans la gueule les dettes de son frère décédé... Ok, j’avoue, je culpabilise. Cela dit, il s’est bien gardé de l’expliquer à sa famille, qui a subi toutes ces restrictions budgétaires sans même comprendre pourquoi ! « Comment ça, on dirait le gouvernement ? » Du coup, le harceleur se sent un peu con... Le moment idéal pour qu’il mette enfin son père face à ses responsabilités ? Noooooon, enfin ! Il va quitter son poste d’ingénieur pour bosser dans le même commerce que le tyran qui n’en est pas un, histoire de l’impressionner et de lui montrer qu’il n’est pas comme son père... « Un peu tiré par les cheveux, mais

allez ! Au point où j’en suis, je suis prête à accepter n’importe quoi. »

Mais non, ce n’est pas la gestion de la colère douteuse du héros qui a fait fuir notre tyran. Non, c’est rien ça, si ce n’est l’expression de sa débordante masculinité.

ET ALORS QU’IL EST SUR LE POINT DE SIGNER UNE VENTE QUI POURRAIT BEL ET BIEN LE METTRE DANS « Mais oui, sentez-vous cette bonne odeur LES PETITS PAPIERS DE L’EXde sueur et de testostérone ! C’est lui ! Le TYRAN, RETOURNEMENT DE mâââle dominant ! On adooooooore ! » SITUATION ! La foule féminine est en délire ! Certaines pleurent d’hystérie, d’autres s’évanouissent, bref... Le fantasme absolu de toutes les femmes. « Beurk. » Non car ce qui l’a vraiment dérangé, c’est la tête du papa/addict au jeu. Le tyran le connaît bien, car c’est manifestement 182

La vente était en fait un coup monté du connard pété de tunes qui ne supporte manifestement pas qu’un petit gueux comme Kapil ait voulu lui faire la leçon !

ET LÀ, ATTENTION : BATAILLE D’EGOS ! « Qui a la plus grosse ? » >


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Ça bouffe une bonne partie de la pellicule donc je vous épargne le contenu de leurs apostrophes pas très inspirés. En gros, Kapil s’est vengé de la vengeance du connard. Et en plus, il s’est mis l’ancien tyran dans la poche.

Kandireega (ou si vous préférez de son remake hindi Main Tera Hero) pour les 15 dernières minutes du film parce qu’en vrai, la logique, c’est chiant.

« Tout va bien ? On va pouvoir conclure, maintenant ?! »

Le jour du mariage du pot de fleurs avec le connard, le harceleur ramène l’ex-petite-amie du dit connard (qui avait justement décidé de le quitter parce que c’était un connard !) pour le faire chanter.

BAH NON, VOYONS... ON EST DANS UN FILM TÉLOUGOU ! Car le connard crée de toute pièce des dettes qu’aurait contracté le défunt père de la belle plante auprès de lui. Et dont le garant n’est autre que l’addict au jeu ! « On ne sait pas comment, d’ailleurs.

Apparemment, les administrations fiscales indiennes sont pas très regardantes... »

Du coup, il propose/impose un deal à la famille pour effacer cette dette : épouser Kanchana ! Parce qu’une femme, ça s’achète, enfin ! « Je te donne la p’tite Kanchana pour

deux chèvres, trois sacs de blé et une Porsche Cayenne ! »

Suite à ces événements assez préoccupants, Kapil se décide finalement à confronter son père. Enfin, le confronter... Non. En fait, non. C’est Pépé (qui sort de nulle part, dont on ne sait même pas ce qu’il fout là ni comment il a su que l’addict au jeu se trouvait à cet endroit...) qui balance tout. Bref, Pépé est le seul à faire preuve de bon sens. C’est là qu’après un bel instant moralisateur (et libérateur pour le spectateur !), le papa addict se rend compte qu’il gâche la vie de son brave fils. Kapil décide donc de pomper la trame de 184

« Pfffffffff... »

« Tu me prends ma meuf ?! Ok, bah je prends la tienne. » Alors déjà, vous allez vous demander à très juste titre comment il a trouvé cette nana ? Et bien, ô ciel, comme la vie est bien faite, il se trouve qu’elle est l’amie d’enfance de Kapil ! Et que manifestement, elle a changé d’avis sur son cher et tendre connard. Bref, tout est bien qui finit bien, le harceleur et le connard se marient en même temps avec leurs plantes respectives. Tout le monde est heureux et Pépé se demande s’il aurait pas mieux fait de terminer dans un EHPAD...

BREF, J’AI PAS LES MOTS. Tout est mauvais, et ce qui est correct est au mieux sous-employé, au pire totalement insignifiant. J’ai surtout l’impression que Jodi est le même film télougou que je me coltine depuis 10 ans. J’ai déjà donné avec Kandireega, Solo (à ne pas confondre avec le métrage du même nom, dans lequel joue Dulquer Salmaan) ou encore Ready...

En co ncl u si o n Je retiendrai la bande-son du film, plutôt sympathique. Et j’espère de tout cœur que le chèque de Shraddha Srinath (seule raison pour laquelle j’ai voulu donner sa chance à Jodi) était généreux !


CRITIQUE S U D

KUMBALANGI NIGHTS M OT S PA R ASM A E BEN MAN SO UR

Quatre frères (Soubin Shaheer, Shane Nigam, Sreenath Bhasi et Mathew Thomas) se déchirent et essayent de trouver leur voie dans le chemin de la vie, non sans mal...

J’AI EU BEAUCOUP DE DIFFICULTÉS À POSER DES MOTS SUR MON VISIONNAGE DE KUMBALANGI NIGHTS. UN SEUL SON SORTAIT ALORS DE MA BOUCHE : WOW !

Il m’a fallu prendre du recul sur ce film, sur ce que j’avais pu éprouver en le découvrant. Prendre de la hauteur sur ce qui m’avait tant marquée pour être en mesure de l’expliquer. C’est comme voir une peinture de trop près, on a du mal à identifier ce qui fait sa beauté. Quand on s’éloigne, on a une vision plus globale et souvent plus juste de sa valeur. Kumbalangi Nights est comme une toile de grand maître. C‘est un film beau, envoûtant mais aussi difficilement descriptible. J’avais donc besoin de temps pour comprendre l’expérience >

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que j’en avais faite. Et j’ai eu du mal à m’y mettre ! Non pas que l’envie me manquait. Au contraire, j’ai crié à qui voulait bien l’entendre que Kumbalangi Nights était immanquable ! Par contre, quand il s’agissait de justifier son caractère incontournable, j’étais à court. Rien ne me venait. Ce film illustre parfaitement l’expression selon laquelle le coeur a ses raisons que la raison ne connaît point. Théoriser mon attachement pour ce film relevait donc de l’impossible.

LORSQUE JE ME METS ENFIN À LA RÉDACTION DE CETTE CRITIQUE, CELA FAIT PRÊT DE DEUX MOIS QUE J’AI VU KUMBALANGI NIGHTS. Et malgré cela, il m’est encore difficile de verbaliser mon rapport au métrage. Ce que j’ai constaté, en revanche, c’est l’impact que le film a eu sur l’audience comme sur la critique indienne. Au même titre que Super Deluxe, un autre métrage dravidien sorti en 2019, Kumbalangi Nights a marqué un tournant dans l’approche des réalisateurs indiens.

IL A SEMBLE-T-IL INITIÉ UNE NOUVELLE FAÇON DE FAIRE DU CINÉMA EN INDE. Ni cinéma expérimental, ni divertissement populaire. Et en même temps, pas du tout à la jonction entre ces deux univers que tout semble opposer. Un cinéma au-dessus de toutes les cases, de tous les codes préétablis qui fait d’abord appel aux émotions. Le cinéma malayalam a toujours eu cette faculté à me prendre par surprise. Mais avec ce film, il a passé un nouveau cap. Celui où il vise en plein coeur, où il entre en connexion si frontale avec moi que je suis obligée de l’aimer, sans même vraiment le conscientiser, ni être en mesure de comprendre pourquoi. 186

C’EST PERTURBANT POUR MOI, QUI AIE TOUJOURS EU CETTE FACILITÉ À POSER DES MOTS SUR MES RESSENTIS, EN PARTICULIER EN MATIÈRE DE CINÉMA. Alors je vais parler sans trop me poser de questions. Il n’y a que de cette façon que je vais être en mesure de libérer mes idées et, plus que tout, ce que je veux vous communiquer au travers de cette critique. Kumbalangi Nights utilise comme point de départ des frères qui stagnent, aussi bien socialement qu’émotionnellement, pour ensuite donner à voir leur évolution aux travers de rencontres qui changent leur vie.

COMMENÇONS DONC PAR UN ASPECT ÉLÉMENTAIRE : LE CASTING. ET PLUS PRÉCISÉMENT PAR L’UN DES MEILLEURS COMÉDIENS INDIENS DE LA DERNIÈRE DÉCENNIE : FAHADH FAASIL, TOUJOURS AUSSI DÉMENTIEL. Je crois qu’aujourd’hui et au sein de cette génération d’acteurs, je ne connais aucun comédien qui soit aussi doué et fascinant que lui. À la manière d’un Christian Bale ou d’un Daniel Day Lewis, il est à la fois une star fédératrice et un interprète d’exception. Avec Kumbalangi Nights, dont il est également le co-producteur, il incarne un homme obsédé par la perfection, à la personnalité des plus complexes. L’acteur n’a pas besoin de parler, il joue avec son regard et transmet par celui-ci une multitude d’émotions. Dans ses yeux, on voit Shammi de la première à la dernière minute. Et c’est fascinant.


Pour lui faire face, on retrouve une distribution grand format pour illustrer le macrocosme de l’île de Kumbalangi, où chacun va tenter de faire son sillage dans cette cellule familiale des plus tumultueuses. L’aîné de la fratrie vient questionner la notion de masculinité et nous renvoyer à nos propres représentations. Pour lui donner vie, l’excellent Soubin Shaheer, qui confirme l’essai après le triomphe de Sudani from Nigeria, sorti en 2018. Face à lui, il y a le frère nonchalant au look hippie auquel le jeune Shane Nigam prête ses traits. L’acteur de 24 ans s’impose un peu plus à chaque film comme l’un des nouveaux espoirs du cinéma malayalam. Sreenath Bhasi est le troisième membre de cette fratrie, celui auquel le destin a ôté le pouvoir de parler mais qui fait montre de la plus grande sensibilité. Il est celui qui ose, celui qui n’a peur de rien. C’est presque le bon exemple, au milieu de ses frères paumés qui n’ont rien réussi à accomplir, noyés sans même le savoir dans leur propre détresse affective. Le plus jeune, Frankie, campé avec panache par le tout jeune Mathew Thomas, incarne l’optimisme de l’avenir. Contrairement à ses frères, il cherche à s’élever socialement, il investit l’école et le sport pour se sortir de sa misère et n’adopte jamais une posture victimaire.

DU CÔTÉ DES FEMMES, IL Y A ÉGALEMENT DU LOURD. Dans cette maison où ne vivaient que des hommes, deux femmes viennent tenir une place majeure. D’abord Nylah, la petiteamie américaine de Bonny, incarnée par la lumineuse Jasmine Métivier. Avec son arrivée, deux mondes s’entrechoquent, entre conventions et aspirations, convenances et indépendance. C’est une tornade d’énergie mais aussi de revendication.

Si Bonny est muet, Nylah lui donne de la voix en plus d’énormément d’amour. Elle verbalise, s’insurge et monte au créneau quand une situation la révolte. Elle ne cherche pas à épouser le mode de vie de Bonny mais à faire coexister leurs deux univers.

DE SON CÔTÉ, SHEELA RAJKUMAR EST LA FIGURE MATERNELLE QUI A TANT MANQUÉ AU FOYER. Elle arrive, bébé dans les bras, dans cette maison où rien ne fonctionne. Il n’y a pas d’ordre, c’est juste le chaos. Sa présence apaise les âmes embrasées de cette fratrie, amenant la douceur et le réconfort qui leur faisaient tant défaut. Plus important encore, elle n’arrive pas avec un statut particulier. Elle n’est l’épouse de personne, ni même la petite-amie d’un des frères. Pour autant, cela ne l’empêche pas de tenir une place majeure dans cette cellule familiale en pleine reconstruction.

ENFIN, LA JEUNE ANNA BEN EST LA RÉVÉLATION DU FILM. Elle est le vent frais, la lumière d’espoir. Et si elle dégage une indéniable candeur, ne croyez pas qu’elle soit stupide ou malléable ! Bien au contraire, Baby (le personnage qu’elle incarne) a une tête bien faite en plus d’avoir des opinions affirmées. Lorsque son beaufrère (le fameux Shammi) se comporte de manière déplacée, elle n’hésite pas à le lui signifier, même à demi-mot. La comédienne a le potentiel d’une Sai Pallavi, avec cette fraîcheur, ce naturel mais plus que tout cette justesse dans le jeu qui caractérisaient déjà la star de Premam. Elle confirmera d’ailleurs l’essai plus tard dans l’année en tenant le rôle principal du prodigieux thriller Helen. >

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KUMBALANGI NIGHTS EST UN MERVEILLEUX RÉCIT SUR LA FAMILLE, L’AMOUR ET LE PARDON. Et les hommes n’ont pas à jouer faussement les héros. À bomber le torse et à froncer du sourcil pour ne pas faiblir. Ici, on a des hommes qui osent montrer leur vulnérabilité. Des hommes qui pleurent, des hommes qui vacillent, des hommes qui extériorisent, qui parlent d’émotions, de manque et de blessures. Et à mon sens, c’est immensément plus courageux que de vouloir à tout prix cacher sa sensibilité. Être un homme fort, c’est aussi avoir le courage de montrer ses faiblesses et ses doutes. Le contexte est parfaitement illustré avec ce petit bout de terre totalement coupé du reste du monde, presque laissé à l’abandon et dont la 188

seule ressource économique pour ses habitants est la pêche. C’est suggéré, presque en filigrane, mais suffisamment bien amené pour que le spectateur comprenne l’environnement singulier dans lequel sont placés nos héros.

En co ncl u si o n KUMBALANGI NIGHTS EST UN ESSAI POIGNANT SUR L’EXISTENCE ET LA NATURE HUMAINE. Un subtil mais vif poème sur l’abandon et la rédemption...

BREF, À VOIR SANS AUCUNE HÉSITATION !


CRITIQUE S U D

Enai Noki Paayum Thota ENCORE ET ENCORE. MOTS PA R E LO D I E H A M I DOV I C

Enai Noki Paayum Thota est la dernière réalisation de Gautham Menon (enfin, dernière... C’est une longue histoire !). Il faut savoir que c’est un peu grâce à lui que je me suis intéressée au cinéma tamoul, avec le film Vinnaithaandi Varuvaayaa que j’affectionne tout particulièrement. En 2016, j’avais même plutôt apprécié Achcham Yenbadhu Madamaiyada, malgré des défauts majeurs et un acteur principal qui vieillit d’une scène à l’autre sans grande logique (forcément, le tournage a été très laborieux !). J’avais déjà éprouvé une impression de déjàvu avec ce visionnage, sans pour autant qu’il y ait de vraies similitudes entre les deux métrages précités. Mais avec Enai Noki Paayum Thota, j’ai de nouveau le sentiment d’être en face de Achcham Yenbadhu Madamaiyada, avec un soupçon de Vinnaithaandi Varuvaayaa ! >


POURQUOI ? PARCE QUE NOUS SOMMES ENCORE DEVANT UN HÉROS QUI, AU TRAVERS DE FLASHBACKS, RACONTE COMMENT SON HISTOIRE D’AMOUR A ÉTÉ MISE EN PÉRIL À CAUSE DE L’UNIVERS CRIMINEL. Il y a le côté « cinéma » de Vinnaithaandi Varuvaayaa et l’aspect malfrat de Achcham Yenbadhu Madamaiyada. Rien d’original, en soi. Si la pellicule est parfois divine et la musique hyper agréable, l’histoire a quant à elle du mal à accrocher. Non seulement, cela nous rappelle les précédentes œuvres du réalisateur, mais aussi tout un panel de métrages déjà existants aux récits similaires.

IL N’Y A AUCUNE SURPRISE. Le héros, Raghu (qu’interprète Dhanush avec une facilité déconcertante), est un bon garçon. Calme, bien élevé, il ne fait pas dans les monologues romantiques et a l’air plutôt intelligent. Clairement, le fait de tomber dans un univers plus noir (celui de la criminalité) va conduire à un changement dans son équilibre mental. Il y a certaines scènes où on le sent fragile, brisé, complètement emporté par tout ce qu’il subit.

SAUF QUE… Raghu qui n’avait jamais frappé personne de sa vie, se retrouve à faire des prises de kungfu et des figures murales comme si c’était dans ses habitudes !

L’INCOHÉRENCE EST ÉNORME ET CRÉÉ UNE DISTANCE ENTRE LE JEU PRENANT DE DHANUSH ET LES ACTIONS 190

IMPROBABLES DE RAGHU. S’il était resté un mec simple, qui subit les coups plutôt que d’en donner, son changement de personnalité aurait été encore plus justifié. Mais non, Monsieur sait esquiver les balles et mettre KO ses adversaires même quand il est seul et qu’ils sont dix en face !

AUSSI, L’UN DES PROBLÈMES MAJEURS D’ENAI NOKI PAAYUM THOTA, C’EST QUE SON HISTOIRE D’AMOUR NE MARCHE PAS. Si ce n’est pas original, ce n’est pas grave. Parce que si les deux personnes partagent vraiment quelque chose à l’écran, moi je suis à fond ! Je tombe dans le panneau. Cette fois, j’ai eu beaucoup, beaucoup de mal. D’une part parce que Megha Akash (qui joue une actrice qui ne veut pas être actrice, allez savoir...) est inexpressive au possible. Elle ne dégage pas grand-chose et face à Dhanush, l’écart est immense ! Enfin, l’écriture de l’œuvre ne nous aide absolument pas à comprendre pourquoi Lekha aime Raghu. Et non, ce n’est pas que physique ! Sinon, nous l’aurions ressenti davantage, ce qui n’est clairement pas le cas…

BREF, ENAI NOKI PAAYUM THOTA EST UN GROS RATÉ. Je me suis clairement ennuyée, et je n’ai pas résisté à la tentation de laisser tomber mon visionnage en cours de route tant je sentais la fin bâclée. Parfois, pas la peine de perdre son temps. Alors oui, c’est un peu dur dans une critique mais vraiment, j’aurais mieux fait de regarder autre chose ce soir-là. La déception est surtout grande, pour moi. Je m’attendais à des défauts, mais pas à un tel désastre.


I l p arai t q u e c’est d iffi ci l e d e to u rner d a ns u n fi l m d e G a u t ham Meno n. Surtout qu’il est sur tous les fronts. Qu’il a tendance à commencer un nouveau projet sans en avoir fini un autre et, malheureusement, ça se ressent de plus en plus dans ses œuvres ! Raison pour laquelle l’industrie refuse de le financer davantage tant il n’a pas terminé des projets en cours depuis plusieurs années (j’avais joyeusement ignoré les articles qui en parlaient en me disant que ses oeuvres me plairaient quand même...). Si Enai Noki Paayum Thota a finalement trouvé une date de sortie, Dhruva Natchathiram est toujours en suspens. Quant à Joshua Imai Pol Kaakha (qui ressemble à une énième version de Bodyguard), il devrait sortir en février 2020. Enfin, peut-être...

DÉSORMAIS, JE VAIS Y RÉFLÉCHIR À DEUX FOIS. Quand un métrage traîne trop, tant lors du tournage que de la post-production, c’est qu’il faut se poser des questions ! 191


CRITIQUE S U D

MINSARA K A N AV U MOTS PA R ASMA E BEN M ANSOUR

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Fille d’un riche industriel (Girish Karnad), Priya (Kajol) décide d’épouser la vocation de bonne soeur. Un choix qui ne plaît pas du tout à Thomas (Arvind Swamy), tombé sous le charme de la jeune femme. Il sollicite donc le fantasque Deva (Prabhu Deva) pour faire changer d’avis l’objet de ses désirs...

Il y a certes quelque chose de fort dans le rapport qu’entretient le réalisateur entre son histoire et sa musique (point que l’on retrouve dans les deux métrages). Cela dit, son adaptation de Raison et Sentiments se veut moins emphatique et enjouée que son prédécesseur.

Premier film de Kajol en langue tamoule, qui plus est sorti en plein dans les années 1990... Il était donc hors de question que je n’évoque pas ce métrage pour cette édition exclusive de Bolly&Co ! Il s’agit par ailleurs du premier métrage du directeur opérateur Rajiv Menon en tant que cinéaste, qui dirigera par la suite l’un de mes films de Kollywood favoris : Kandukondain Kandukondain, avec Tabu et Aishwarya Rai dans les rôles principaux.

Car Minsara Kanavu est un film pétillant, mélodieux et romanesque jusqu’à la moelle. Là où Kandukondain Kandukondain est davantage marqué par une écriture précise de ses personnages. Oui, car ce premier film de Rajiv Menon se fiche pas mal de la psychologie de ses protagonistes ! C’est d’abord une expérience visuelle qui nous happe, formidablement défendue par son actrice vedette.

POURTANT, MINSARA KANAVU EST ASSEZ DIFFÉRENT DU FILM PRÉCITÉ.

En effet, Kajol est absolument merveilleuse malgré le fait qu’elle soit doublée. Son regard, ses expressions faciales et son indéniable présence servent largement >



l’histoire de Priya. Il faut aussi saluer la contribution de Revathi, qui prête son timbre à Kajol, rappelant au passage que les comédiens de doublage livrent un véritable travail d’interprétation et de jeu, qui passe exclusivement par la voix. Notre rédactrice Elodie vous en dit davantage sur cette pratique dans cette édition du magazine, à l’occasion de son article Derrière la caméra. Alors jetez-y un oeil !

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ET PUIS, QUEL DANSEUR PRODIGIEUX !

ON A AUSSI DROIT À UN PRABHU DEVA DÉLURÉ, COMME SON RÔLE LE DEMANDE .

Kajol avouera par ailleurs avoir eu le plus grand mal à le suivre durant leurs séquences musicales communes, et on la comprend ! Le troisième maillon de ce triangle amoureux, c’est Arvind Swamy, aussi charmant qu’il n’est transparent. La star du cinéma tamoul des années 1990 s’efface délibérément pour que le spectateur ne voit que Priya, son regard d’un vert perçant et le charme irrésistible qu’elle dégage. Le métrage s’appuie aussi sur un casting secondaire qui fait rêver, du grand Girish Karnad à l’excellente Arundhati Nag.

Il est peut-être légèrement excessif au regard du reste de la distribution, mais reste dans le ton de ce que son personnage exige.

Minsara Kanavu est vraiment construit à la manière d’une comédie musicale, où les morceaux composés par A.R. Rahman


tiennent une vraie place dans la narration et dans les interactions entre les différents protagonistes.

CHAQUE CHANSON DEVIENT UNE SAYNÈTE, AVEC UNE MISE EN SCÈNE CISELÉE ET DES CHORÉGRAPHIES PENSÉES AU MILLIMÈTRE. Minsara Kanavu n’a en ce sens rien à envier aux grands musicals qui ont fait la gloire du Hollywood des années 1950. La séquence nocturne « Vennilavae » m’a d’ailleurs beaucoup fait penser au film Un américain à Paris, dans lequel Gene Kelly dansait avec la belle Leslie Caron au coeur d’une ville lumière plutôt étoilée.

D’AILLEURS, MINSARA KANAVU REPREND DANS LES GRANDES LARGEURS LA TRAME D’UNE AUTRE COMÉDIE MUSICALE AMÉRICAINE DE L’ÉPOQUE : BLANCHES COLOMBES ET VILAINS MESSIEURS, SORTIE EN 1955. Cela dit, les personnages masculins (Marlon Brando en tête !) y tenaient une place majeure dans le récit. De son côté, Rajiv Menon a fait plutôt le choix de tout miser sur son hypnotique star féminine. Avec Priya, on a droit à un rôle de femme qui, durant toute sa première partie, n’est intéressée ni par les hommes, ni par le mariage.

ET LE FILM EST PORTÉ PAR KAJOL, SA GRÂCE PRESQUE MYSTIQUE ET SA TROUBLANTE AURA.

Et s’ils sont très bons dans leurs rôles respectifs, il n’empêche qu’à côté de latempétueuse actrice, ses partenaires masculins font presque tapisserie ! Moi qui suis fan de Kajol depuis toujours, j’ai toujours aimé son imparable présence à l’écran. Dans son jeu, elle a quelque chose de très frontal et d’intensément généreux qui fait clairement la différence. Toutefois, je ne l’ai presque jamais vu comme une muse. Elle dégageait une certaine sensualité dans Yeh Dillagi (en 1994, avec Akshay Kumar et Saif Ali Khan) et même dans la seconde partie de l’incontournable Kuch Kuch Hota Hai. Mais Kajol a surtout été l’incarnation de la bonne copine, de la jolie fille du coin. Avec Minsara Kanavu, le réalisateur en fait une icône, une beauté évanescente presque onirique. Priya a l’air d’un rêve, d’un mirage auquel il est impossible de résister. J’avais vu cela chez Sridevi dans toutes ses collaborations avec Yash Chopra, ou encore chez Aishwarya Rai dans le film Taal. Mais concernant Kajol, c’est la première fois. Et je peux pourtant vous dire que j’ai épluché la majeure partie de sa filmographie ! La fille de Tanuja est d’ailleurs sublimée par les tenues élégantes et modernes du créateur Manish Malhotra, qui avait déjà fait des merveilles en habillant l’actrice pour Dilwale Dulhania Le Jayenge. Et plus de 20 ans après, on a quand même bien envie de lui piquer sa garde-robe !

En co ncl u si o n Minsara Kanavu est un voyage envoûtant dans le coeur de son héroïne, déchirée entre son engagement dans sa foi et la passion dévorante qu’elle nourrit pour Deva. C’est un poil théâtral mais exécuté avec tant de poésie qu’on succombe volontiers, et en plus avec enthousiasme !

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MODE CINÉMA & TENDANCE


MODE E T C I N É M A

Simran

RETOUR SUR LES ENSEMBLES EMBLÉMATIQUES D’UNE NANA PAS COMME LES AUTRES... MOTS PA R ELO DI E HAM IDOVIC

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25 ANS APRÈS LA SORTIE DE DILWALE DULHANIA LE JAYENGE, LE STYLE DE SIMRAN N’A JAMAIS ÉTÉ AUSSI TENDANCE. Entre Londres et le Punjab, ses tenues sont toujours au top et surtout, en accord avec son environnement. Simran, c’est avant tout un mélange. Une fille qui a grandi loin du pays natal de ses parents, mais qui n’a pas perdu ses racines. Ses vêtements font ainsi un rappel : elle n’est pas qu’indienne ou anglaise, elle est parfaitement les deux. Pour s’occuper de Kajol, c’est Manish Malhotra qui a préparé la garde-robe de Simran. On retrouve d’ailleurs l’une de ses signatures mode favorites, le foulard dans les cheveux. C’est classe, intelligent et moderne.

Simra n ava nt l’ indé pe nda n ce Au début du film, Simran a deux facettes distinctes. Dans un premier temps, lorsqu’elle est chez ses parents (ou que son père est dans les parages), elle porte des vêtements simples et traditionnels punjabis. Un phulkari sur les épaules, des jhumkes (boucles d’oreilles argentées ou colorées, très significatives du nord du pays), Simran est une fille qui n’a pas oublié d’où elle vient et qui dégage une certaine douceur, un certain respect pour sa culture.

AV EC PA PA

LA FILLE MODÈLE.

SA N S PA PA

De l’autre côté, elle n’hésite pas à investir dans des jeans, des pulls et des robes tout à fait occidentaux sans jamais que ces pièces ne soient trop voyantes ou colorées. Simran est simple, mais son style est propre aux tendances de l’époque à Londres. Mom jeans, sneakers, petite robe sur tee-shirt... Simran sait se mettre en valeur, être moderne et en même temps ne jamais briser cette image de gentille fille.

ELLE SAIT CE QUI EST À LA FOIS CONVENABLE POUR SES PROCHES, POUR SON ENTOURAGE ET POUR ELLEMÊME. >


S i m ran p end ant l’ind ép end ance Qui dit indépendance, dit plus de couleurs, plus de liberté et beaucoup plus de looks !

DURANT SON VOYAGE EN EUROPE, ELLE NE SE POSE AUCUNE LIMITE ET VA AU BOUT DE SES ENVIES. ELLE SE FAIT VRAIMENT PLAISIR ET ÇA SE SENT ! Elle investit dans des tenues aussi jolies que sexy (la fameuse robe longue en soie, sublime !). Elle ose porter des ensembles qui lui donnent une allure plus femme, et non jeune fille. Il y a une émancipation dans sa garderobe qui nous permet de découvrir une Simran qui sait prendre les choses en mains. Pas étonnant que Raj tombe amoureux tant elle dégage un charme fou, donnant à voir une jeune femme mature et intelligente, indépendante et sûre d’elle. Donc très loin du côté jeune étudiante en pleine crise d’ado qui ne cherche qu’à partir à l’aventure. Ce voyage est pour Simran une opportunité qu’elle ne revivra peut-être pas, et elle en profite un maximum sans pour autant changer celle qu’elle est.


Simra n l o i n ( t rè s l oi n ) de l’ i ndé pen d a n ce Le retour à la maison signe une fin brutale dans ce que porte Simran. Après un vol et une arrivée au Punjab dans la seconde, Simran n’a plus le choix que de se plier à son environnement et de ne porter que des tenues traditionnelles.

ELLE EST ENFERMÉE DANS UN UNIVERS BIEN PRÉCIS ET CE QU’ELLE PORTE REFLÈTE LES LIMITES DE SON NOUVEAU QUOTIDIEN. Il n’y a qu’un seul but à son existence et c’est le mariage. Par conséquent, elle doit représenter la parfaite belle-fille... En dehors de ses ensembles riches de future mariée, Simran ne se prend pas la tête et disparaît dans des salwar kameez unicolores et sans motif (ou très peu). Je me suis d’ailleurs toujours demandée si le choix de sa robe de mariée n’était pas un écho au fait que Simran s’effaçait de plus en plus pour être une autre. Là où le Punjab est réputé pour ses ensembles de mariage très colorés et bling bling (orange, rose, rouge...), Simran porte un beige aux ornementations dorées. Une tenue que l’on retrouve sur Kajol dans Kuch Kuch Hota Hai. Coïncidence ? Je ne crois pas...


MODE T E N DA N C E

e l u u rs de o c s l’oc Le éan

M OTS PA R E LO D I E H A M I DOV I C

PAS VRAIMENT UNE TENDANCE, MAIS PLUTÔT UN CONSTAT VIS-À-VIS DE L’ANNÉE 2019. S’il y a bien une couleur qui s’est déclinée de mille et une façon, c’est le bleu. C’est une teinte qui va à tout le monde, il faut au moins avoir un élément de cette couleur dans son placard et, surtout, ça donne de la fraîcheur à la monotonie de tous les jours.

Votre pièce peut être pop, élégante, simple, et pourtant réussir à faire la différence. La preuve à Bollywood, où elles se sont toutes appropriée au moins une fois une déclinaison de bleu. Une fois, car si c’est une couleur qui passe partout, il ne faut pas tomber dans la répétition. Et comme souvent en Inde, on opte pour des couleurs chaudes, car choisir une teinte plus glaciale a tendance à marquer les esprits.

MAINTENANT, QUEL BLEU CHOISIR ? DÉMONSTRATION DE VOS POSSIBILITÉS ! 202



azur clair, azurin


bleu maya

bleu cĂŠleste


bleu

bleu saphir, safre


bleu Klein, bleu outremer


bleu nuit


bleu de minuit


bleu givrĂŠ, turquoise


bleu barbeau, bleu bleuet

caeruleum

bleu ciel


MODE L E S P LU S R AT É S D E L’A N N É E …

LES PLUS BEAUX RATÉS DE L’ANNÉE ! M OTS PA R E LO D I E H A M I DOV I C

Ce premier numéro de l’année n’échappera pas à notre petite tradition ! En effet, c’est l’heure de remettre sur le tapis les pires moments mode de 2019, des simples fashion faux pas aux véritables désastres de style ! Mois par mois, il est temps de sortir du placard ces tentatives aussi improbables qu’originales de nous surprendre venant de nos stars favorites... Sans grand succès, hélas !

RETOUR SUR CES LOOKS CATASTROPHE QUI ONT EU L’AVANTAGE DE BIEN NOUS FAIRE RIRE ! 212

Janv i er ALIA BHATT Si les manches ne posent pas problème, en revanche, les chaussures nous empêchent de nous concentrer !


Mars KIARA ADVANI Barbie voudrait récupérer son slim à paillettes roses, Kiara ! Le reste, tu peux le jeter à la poubelle...

Fév r i e r TABU Bien essayé, mais ça part tellement dans tous les sens que c’est un beau raté sur le tapis rouge.

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Av r i l AMYRA DASTURΜ Μ Les cyclistes, c’est non ! Encore moins quand ça ressemble à un short mal découpé.

Mai SONAKSHI SINHA Il semblerait qu’elle soit tombée dans la marmite nostalgie de la paire de jeans estampillée années 1990 ! À l’aide ! (même le photographe a joué le jeu du flash aveuglant)

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Ju i n KRITI SANONΜ C’est nous ou Kriti ressemble à un insecte en voie de disparition qui s’est perdu dans la galaxie ?


LA SAISON DE KANGANA

Jui llet

Ao û t

On ferme les yeux, vite ! Cette jambe n’a rien de sexy, c’est même plutôt gênant...

Pour une soirée costumée, s’il vous plait, ne vous inspirez pas de Kangana !

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S eptem b re DEEPIKA PADUKONE Là, c’est juste trop. Le côté faussement divin de ce look donne l’impression de venir d’un autre univers.

Oc to bre TAAPSEE PANNU On a rien contre un ensemble noir, mais l’association avec le vernis métallique, les chaussures rouges et les boucles dorées... C’est non. 216


Décem b re SONAKSHI SINHA Le sac banane et les chaussures à mi-hauteur, ça n’aide pas du tout Sonakshi, c’est sûr !

Nove mbre JACQUELINE FERNANDEZ Le problème, c’est la robe elle-même, on ne va pas se mentir. Le message passe inaperçu... 217


Pin klo tus inin dia : Promouvoir la culture de l’Inde à travers un blog.

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RÉSEAUX

SOCIAUX T W I T T E R & I N S TAG R A M


RÉSEAUX S O C I A U X

#STVALENTIN OU COMMENT L’INDUSTRIE DU CINÉMA BALANCE SON LOVE. MOTS PAR ELO DI E HAM IDOVIC

TWITTER, RÉSEAU FAVORI DE PROMOTION POUR L’INDE, A VU DE NOMBREUSES RÉALISATIONS PROFITER DE LA FÊTE DES AMOUREUX POUR DÉVOILER CHANSONS ET IMAGES ! Pour cette journée de l’amour, autant se préparer en avance à sortir les mouchoirs pendant 3heures de comédie romantique

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à la sauce indienne. Pour vous faciliter la tâche, nous avons fait le tri pour ne retenir que le meilleur du meilleur.

CEUX QUI DÉBORDENT TELLEMENT D’ÉMOTIONS ET DE SENTIMENTS MIELLEUX QUE FRANCHEMENT, VITE ! On veut voir les films (avec du chocolat, un bon thé et des mouchoirs à volonté) !


LA CHANSON FEEL GOOD

« KUTTI STORY » DE MASTER

LA CHANSON ‘FRISSON GARANTI’

« THE ORACLE » DE 99 SONGS 221


LES CHANSONS DE PUR LOVEUR

« AY PILLA » DE LOVE STORY

« CHANNA VE » DE BHOOT PART ONE: THE HAUNTED SHIP

« MAI POTHANE » DE O PITTA KATHA 222


LA ROMANCE QU’ON VEUT TOUT DE SUITE

KAATHUVAAKULA RENDU KAADHAL, RÉALISÉ PAR VIGNESH SHIVAN AVEC NAYANTHARA, VIJAY SETHUPATHI ET SAMANTHA ! 223


RÉSEAUX S O C I A U X

Instagram, c’est le réseau social qui permet d’avoir un œil sur la vie aussi bien professionnelle que privée de nos stars favorites. Outre les démarches promotionnelles de leurs projets, elles en profitent aussi pour publier des photographies plus personnelles, ce qui nous permet d’en savoir un peu plus sur qui elles sont hors caméra. Plongeons ainsi dans l’Instagram de...

SHAHRUKH KHA N

www.instagram.com/iamsrk MOTS PAR ELO DI E HAM IDOVIC P HOTO G RAP HI E PA R TA RUN KHIWAL, P UBLI ÉE SUR LE SI TE DE G Q I N DIA EN DÉC EM BRE 201 6


TYPE DE PROFIL LA MÉGA-STAR. Autant dire que le feed du King Khan n’est pas géré comme celui de Sonam Kapoor, par exemple ! Pas de ligne éditoriale définie, pas de photographie en HQ digne des plus grands magazines, juste un paquet de publications à vocation promotionnelle (que ce soit pour lui ou pour ses amis), avec un soupçon de clichés plus personnels pris à la va-vite. C’est irrégulier, pas toujours très beau, mais représentatif de l’acteur.

CE QU’IL VEUT Être présent sur Instagram, c’est pour Shahrukh Khan un moyen de conserver sa visibilité. L’acteur a créé son compte en 2013 et n’a que 20 millions d’abonnés, et ce alors qu’il est l’une des personnalités les plus populaires du pays. Beaucoup, vous dites ? Pas tellement quand on sait que Deepika Padukone et Priyanka Chopra culminent à 44 et 50 millions de fans respectivement.

CE QU’IL ADORE Les selfies ! Et Shahrukh Khan est un homme simple qui se prend en photo de temps en temps et qui ne fait pas appel à un photographe pour chacune de ses apparitions. Surtout, il utilise Instagram pour partager sa vie de famille, en papa gâteau digne de ce nom. C’est touchant, parfois un peu répétitif, mais au moins, ça a le mérite d’être sincère ! 225



FIN ÉQUIPE ET CRÉDITS


RÉDACTRICE EN CHEF : AS M AE B E NM ANSO UR RÉDACTRICE MODE : E LO DI E H AM I DOVI C R É DACT R IC E ACT UA L IT É E T C IN É M A : FATI M A Z AH RA E L AH M AR DIRECTRICE DE PUBLICATION : E LODI E H AM I DOVI C DIRECTRICE ARTISTIQUE : E LO DI E H AM I DOVI C


À SAVO I R Un candid est une image prise par un paparazzi lors d'événements importants (cérémonies de récompenses, promotions de films, inaugurations...). Il en existe des milliers sur le web. Il nous est donc impossible de retrouver les noms des photographes. Les sites qui diffusent sur le web le plus de candids sont crédités à la fin, c'est généralement là que nous nous procurons nos images. Si nous avons oublié de mentionner votre nom ou votre site dans le magazine, contactez-nous par email

(bollyandcomagazine@

gmail.com).

Nous trouvons souvent les clichés sans le nom du photographe ou sans information supplémentaire.

Nous rappelons qu'il est formellement interdit de prendre les textes et images sans l'accord de leurs auteurs respectifs dans le cadre du magazine Bolly&Co. Les photographies des films qui se trouvent dans le magazine Bolly&Co sont des images libres de droit à but commercial mises à disposition par les producteurs afin de mettre en avant leurs oeuvres.


EN COUVERTURE : Illustration par Elodie Hamidovic pour Bolly&Co ÉDITO : Photographie du film Tanhaji The Unsung Warrior. UN PEU DE LECTURE : Photographies provenant des maisons d'édition des livres Show Business, Le bureau de mariage de M. Ali et Les derniers flamants de Bombay. INVESTIGATION : Photographie du film Azhar ainsi que des images des sites postoast.com (Preity Zinta), circleofcricket.com (Anushka Sharma) et timesofindia.indiatimes.com (Shahrukh Khan). Les propos ont été recueillis sur les plateformes suivantes : India Today, Times of India, Instagram (@ anushkasharma) ainsi que pendant l’émission Koffee With Karan. À LA DÉCOUVERTE DE : Photographie publiée sur le compte Instagram d’Abish Mathew (@abishmathew).LE COUP DE COEUR DE : Photographie du film Henna. ILS ONT DIT SUR : Photographie du magazine Filmfare. NOIR ET BLANC : Photographies publiées sur Wikipédia et Uperstall. com. BOX OFFICE : Affiches des films (dans l’ordre d’apparition) Chhichhore, Kesari, Total Dhamaal, Mission Mangal, Good Newwz, Housefull 4, Bharat, Uri - The Surgical Strike, Kabir Singh et War. FFAST ÉDITION 2020 : Photographies par Elodie Hamidovic et Deep Mahi, pour Bolly&Co. INTERVIEW : Photographies par Elodie Hamidovic et Deep Mahi, pour Bolly&Co. L’AVENTURE BOLLY&CO : Illustration par Elodie Hamidovic.

NOUVEL ESPOIR : Photographies des films Ullasam, Kumbalangi Nights et Valiyaperunnal. CRITIQUE NOUVEL ESPOIR : Photographies du film Eeda. DERRIÈRE LA CAMÉRA : Photographie du film Judgementall Hai Kya et des sites : greattelangaana.com, Cinestaan.com, silverscreen.in et du compte Twitter @chinmayi. BILAN : Illustration par Elodie Hamidovic et photographies des films Disco Dancer et Agneepath. UN FILM, UN VOYAGE : Icône de Bangalore créée par Pramod KV, photographie du film Bangalore Days. POURQUOI : Photographies du film Kuch Kuch Hota Hai. DÉJÀ-VU : Photographie publiée sur le compte Instagram de Naveen Polishetty (@naveen.polishetty) ainsi que les photographies des films One Nenokkadine, Agent Sai Srinivasa Athreya et Chhichhore et de la série Fais pas ci, fais pas ça. MANI RATNAM : Photographie du site galatta.com LUMIÈRE SUR : Photographies des sites : bizasialive.com et dontcallitbollywood.com L’ALBUM DU FILM : Photographies du film Taal. FILM VS LIVRE : Captures d’écran de la série Never Kiss Your Best Friend. SCÈNE CULTE : Captures d’écran du film Dilwale Dulhania Le Jayenge.* ET SI ON COMPARAIT LES REMAKES : Photographies des films Malaal et 7G Rainbow Colony. POUR FAIRE COURT : Captures d’écran du court-métrage Khujli.


À LA UNE : Propos recueillis par Heena Khandelwal (The New Indian Express), Nosheen Iqbal (The Guardian), Suparn Verma (Rediff), Anuradha Choudhary (Filmfare) et des vidéos « Kajol 4 8 1999 » publiée par itvindia et « Birthday Special: Kajol Recalls Her Journey As An Actor » publiée par Lehren Retro. Photographie d'introduction publiée sur Express Archives et images des films Bekhudi, Baazigar, Hameshaa, Ishq, Dilwale Dulhania Le Jayenge, Karan Arjun et La Famille indienne. Également présente dans cet article : photographie publiée sur le compte Instagram de Kajol (@Kajol) KAJOL, L’HÉROINE ANTICONFORMISTE : Photographies des films Yeh Dillagi, Gupt - The Hidden Truth, La Famille Indienne, Fanaa, My Name is Khan et Dilwale. ALKA YAGNIK, LA VOIX DE KAJOL : Photographie du film La Famille Indienne. CRITIQUES NORD : Photographies des films Dil To Pagal Hai, Bandit Queen, Arjun Patiala, Helicopter Eela, 15 August, Marjaavaan et Ghulam. CRITIQUES SUD : Photographies des films Jodi, Kumbalangi Nights, Enai Noki Paayum Thota et Minsara Kanavu. MODE ET CINÉMA : Captures d’écran du film Dilwale Dulhania Le Jayenge. TENDANCE : Photographies des comptes Instagram suivants : Sonakshi Sinha (@aslisona), Richa Chadha (@therichachadha), Rakul Preet Singh (@rakulpreet), Sobhita Dhulipala (@sobhitad),

Bhumi Pednekar (@bhumipednekar), Kriti Sanon (@kritisanon), Vaani Kapoor (@_vaanikapoor_), Katrina Kaif (@katrinakaif), Kareena Kapoor Khan (@therealkareenakapoor), Delna Nallaseth (@delnanallaseth), Who Wore What When (@who_wore_what_when), Ananya Panday (@ananyapanday), Athiya Shetty (@athiyashetty), Kajal Aggarwal (@kajalaggarwalofficial), Nushrat Bharucha (@nushratbharucha), Tamannaah Bhatia (@tamannaahspeaks), A Fashionista Diaries (@afashionistadiaries), Maneka Harisinghani (@manekaharisinghani), Sukriti Grover (@sukritigrover), Mohit Rai (@mohitrai), Tanya Ghavri (@tanghavri), Sanam Ratansi (@sanamratansi) et Nidhi Jeswani (@nidhijeswani). MODE : Les photographies utilisées sont toutes des candids, sauf pour Deepika Padukone (@deepikapadukone), Kriti Sanon (@kritisanon) et Amyra Dastur (@amyradastur93). TWITTER : Captures d’écran des clips « Kutti Story » de Master et « The Oracle » de 99 Songs, ainsi que « Ay Pilla » de Love Story, « Channa Ve » de Bhoot - Part One : The Haunted Ship et « Mai Pothane » de O Pitta Katha. Également présente dans l’article : l’affiche du film Kaathuvaakula Rendu Kaadhal. INSTAGRAM : Photographies du compte Instagram de Shahrukh Khan (@iamsrk).w



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