Bolly&Co - Numéro 14

Page 1

Abhay Deol

« T H A N K YO U F O R B E I N G YO U . . . » NE PEU T Ê TRE V E N D U

PHOTOGRAPHIE ÉDIT ÉE PAR BOLLY&CO


P HOTOG RAP HIE DU COMPTE INSTAGRAM D’AB HAY DEOL ( @ABH AYDEO L)


édito C ’ E S T L’A U T O M N E E T L E R E T O U R D E B O L LY & C O ! Nous revenons effectivement en ce mois d’octobre avec une nouvelle parution pleine de surprises, à laquelle nous nous sommes attelées ces trois derniers mois. Les cinémas indiens ont d’ailleurs été témoins de nombreux événements marquants. A Bollywood, Ranbir Kapoor est venu à la reconquête de son public avec le biopic Sanju tandis que la jeune Janhvi Kapoor faisait ses débuts au cinéma dans le drame phénomène Dhadak, seulement 5 mois après la tragique disparition de sa mère Sridevi. Dans le sud du pays s’est tenue la cérémonie des South Filmfare Award qui sacrait Vijay Sethupathi et R. Madhavan pour Vikram Vedha mais aussi Sai Pallavi pour Fidaa et Vijay Devarakonda pour Arjun Reddy, véritable OVNI du cinéma télougou.

Vous retrouverez aussi nos rubriques incontournables, de nos critiques des sorties Bollywood de ces derniers mois à notre section consacrée aux industries du sud du pays, en passant par les actualités de Fatima-Zahra et les articles mode et tendance d’Elodie. Vous pourrez également découvrir nos playlists ainsi que notre entrevue avec une jeune auteure emplie de potentiel : Ida Richer.

Nous vous remercions encore et toujours de nous manifester votre soutien. Bolly&Co ne recouvrerait aucun sens si ce n’était pas pour vous.

En parlant de singularité, notre personnalité en couverture en est la parfaite incarnation.

Nous vous devons chaque nouvelle rencontre, chaque nouveau film visionné et chaque aventure sur le terrain. Alors merci encore de nous permettre de vivre toutes ces expériences. Notre équipe est plus soudée et passionnée que jamais, tout cela pour vous servir.

Pour ce numéro, nous avons choisi un acteur qui semble avoir été oublié par nombre de fans de cinéma indien, mais qui nous apparaît comme l’un des plus saisissants de sa génération : Abhay Deol. Le but est ici de vous faire découvrir l’étendue de son parcours et le caractère unique de ses choix artistiques.

NOUS VOUS SOUHAITONS UNE EXCELLENTE LECTURE, EN ESPÉRANT Q U E VO U S S AVO U R I E Z CETTE ÉDITION INÉDITE AU MÊME TITRE QUE LES PRÉCÉDENTES. Asmae Benmansour, Rédactrice en chef


s

ap éro

m o

m

e r i a

Un peu de lecture (008) Private Talkies (010) REVUE DE PRESSE Irrfan Khan pour Man’s World (012)

p o p co rn Movie Talkies (020) À LA DÉCOUVERTE DE... Le Voisin Indien d’Ida Richer (024) BILAN Arjun Kapoor (026) DOSSIER SPÉCIAL Le Mouvement #MeToo, enfin à Bollywood (032) FILM VS LIVRE Raazi vs Calling Sehmat (038) PLAYLIST L’évolution des chansons de mariage (044)

o n t he cover ABHAY DEOL Retour sur son parcours (054) Abhay Deol ou comment être amoureuse de 4 personnes… (068) 5 chansons qui signent sa singularité… (072)

num

b o l ly &co en act i o n

ér

INTERVIEW Interview d’Ida Richer (076)

o

14

u ne t asse d e t hé FLASHBACK Socha Na Tha (082) CRITIQUES Padman (088) October (090) Daddy (094)


(096) Sairat (100) Mukkabaaz en trois visions ET SI ON COMPARAIT LES REMAKES ? (104) Ittefaq vs Ittefaq

the new face (110) Tovino Thomas, l’inattendu CRITIQUE (120) Oru Mexican Aparatha

abhay deol

un parf um du s u d (126) Les Immanquables des News Dravidiennes CRITIQUES (128) Mersal (131) Solo (136) Arjun Reddy MUSIQUE (141) Lumière sur Shaan Rehman PLAYLIST (145) Heartbreak

parlo ns mo d e (150) La transformation de Swara Bhasker CINÉMA (154) Sweety Sharma dans Sonu Ke Tity Ki Sweety TENDANCE (158) Les volants attaquent DERNIÈRE MINUTE MODE (162) Cannes Décodé

l a cer i s e s u r l e g âte a u INSTAGRAM (172) Jim Sarbh, le fou CRÉDITS

g s a e p 6 7 1



L ECTURE & P RESSE

... APÉRO


L

LECTURE

UN PEU DE

lecture M OT S PA R AS M A E BE NMANS OUR

1.

Qua nd Di mp l e ren co ntre Ri s h i D E S A N D H YA M E N O N Lorsque Dimple part dans l’université de ses rêves pour un groupe d’été, elle n’imagine pas que ses parents se sont en fait servis de cette occasion pour arranger son mariage ! En effet, sur place elle fait la rencontre de Rishi, l’heureux élu... Voilà un ouvrage frais et pétillant que nous livre Sandhya Menon. L’humour est au rendez-vous, avec ce soupçon de tendresse qui fait toute la différence. Les personnages sont incroyablement attachants, qu’il s’agisse de la tempétueuse Dimple ou du tendre Rishi. L’auteure ne nous fait pas avaler des couleuvres en évitant une certaine apologie du mariage arrangé. Elle donne le temps à ses protagonistes de se connaître et de se découvrir. On fait ce bout de chemin avec eux pour finalement souhaiter l’évidence : qu’ils finissent ensemble ! Une histoire délicieux qui se lit toute seule, et qui vient prouver que la littérature jeunesse n’est pas dépourvue de profondeur. 008

AP R ÈS L’ÉNO R ME SUCCÈS DE SO N P REMIER LIVR E, SANDH YA MENO N A SO RTI CET ÉTÉ F R O M TW INKLE, WITH LOVE ! E L LE A ÉGALEMENT ANNO NCÉ THER E’S SO METH ING ABO UT SWEETIE PO UR L’ÉTÉ 2 019 !


2.

Bye Bye B o l ly wo o d D’HÉLÈNE COUTURIER Nina embarque pour l’Inde avec sa mère et sa petite soeur Garance. Alors qu’elle s’imagine un trip en mode Devdas, la jeune adolescente va vite déchanter lorsqu’elle découvre qu’elle va passer la totalité de son séjour... dans un ashram ! Cette adolescente hyper connectée va d’abord subir ce voyage, pour ensuite l’investir comme une façon de mieux se connaître, mais surtout de retrouver la complicité perdue avec sa mère. Un roman écrit simplement, sans trop en faire, mais dont l’histoire est suffisamment sincère pour nous embarquer. De nouveau, Bye Bye Bollywood est l’illustration que la littérature jeunesse est en train de se développer et d’ouvrir ses horizons pour proposer des thèmes atypiques et surprenants. Pas tout à fait roman initiatique mais plus étayé qu’un simple chick-flick, voilà un ouvrage attachant à ne pas manquer !

3.

Pet i t d i ct i o nnai re a m o u reu x d e l’ Ind e DE JEAN-CLAUDE CARRIÈRE Vous n’avez jamais mis un pied en Inde ? Votre connaissance de ce pays se limite aux films que vous avez visionné, et encore ? Voilà un ouvrage qui vous est désormais indispensable .Le Petit dictionnaire amoureux de l’inde est une parfaite introduction à l’immense richesse du souscontinent, entre éléments historiques et culturels. Pour les néophytes, c’est l’idéal. Mais pour ceux qui ont déjà des connaissances, ce livre a également son utilité puisqu’il constitue une synthèse assez complète de tout ce qu’il faut savoir sur l’Inde. Incontournable ! 009


N NEWS

private talkies M OT S PA R FAT I M A-Z A H RA E L AHMAR

Arbaaz Khan, bientôt marié ? Un an après son divorce avec Malaika Arora Khan, Arbaaz Khan fait parler de lui à nouveau. Non pour ses projets professionnels, mais surtout parce qu’il ne rate aucune occasion de s’afficher avec sa petite-amie, Giorgia Andriani. Si les rumeurs sont vraies, le frère de Salman Khan préparerait même son futur mariage ! Tout ce qui bloquait le couple pour avancer dans leur relation, c’était les bénédictions de leurs familles. Ce qui ne semble plus poser de problème dorénavant, car Arbaaz et Giorgia ont manifestement eu le feu vert de leurs proches pour célébrer leur union. Ce qui est d’autant plus intéressant, c’est que la jeune femme s’entend bien avec Malaika, ainsi qu’avec sa sœur Amrita Arora. Elles ont passé du temps ensemble durant les festivités de Ganesh Chaturthi dans la maison d’Arpita Khan. Suite à l’événement, le couple a accompagné les familles de l’un et l’autre pour un déjeuner pour que tout le monde apprenne à se connaître. 010

PH OTO GRAPH IE DE @GIO R GIA.ANDR IANI2 2 (INSTAGRAM)

Arbaaz Khan et Giorgia Andriani se marieraient l’an prochain à l’occasion d’une cérémonie intimiste. En attendant, le producteur commence à travailler sur Dabangg 3, le temps que son frère Salman Khan finisse le tournage du métrage Bharat et de la saison 12 de l’émission Bigg Boss.

Yash et Radhika Pandit célèbrent leur « babymoon » aux Maldives Après avoir célébré leur lune de miel à Hawaii en 2016, le couple de Sandalwood s’envole pour une autre destination de rêve. Les Maldives, cette fois-ci pour fêter leur « babymoon ». A six mois de grossesse, Radhika Pandit et son mari Yash ont choisi de passer quelques jours dans ces îles paradisiaques. Le photoshoot officiel de cette grossesse a également été pris là-bas. Les futurs parents attendent leur premier enfant pour le mois de décembre.


Prabhas annoncera-t-il son mariage le jour de son anniversaire ? Bien qu’actif dans le cinéma télougou depuis quelques années, le nom de Prabhas n’a atteint son apogée qu’avec le succès phénoménal de la franchise Baahubali. Depuis, l’acteur est devenu l’un des célibataires les plus prisés de l’Inde et les rumeurs sur sa vie privée ne font que se multiplier. Notamment les rumeurs de son supposé couple avec l’actrice Anushka Shetty. Une information que les intéressés ont vivement démenti.

Aux dernières nouvelles, la star de cinéma s’apprêterait même à faire une annonce sur le sujet, le jour de son anniversaire. Le 23 octobre, Prabhas soufflera sa 39ème bougie, et ses fans attendent de recevoir de bonnes nouvelles. La famille de l’acteur reste tout de même muette sur le sujet. Par ailleurs, il y a également de fortes chances que le premier aperçu du métrage Saaho soit dévoilé le même jour.

Un petit garçon vient de débarquer dans la vie de Rambha et Indran Pathmanathan ! L’ancienne actrice du cinéma indien, qui a partagé l’affiche de Judwaa avec Salman Khan, a accueilli en septembre dernier son troisième enfant. Une joyeuse addition à une fratrie constituée de Laanya (née en 2011) et Sasha (né en 2015). La maman a annoncé la bonne nouvelle sur son compte Instagram, sans pour autant préciser le nom du nouveau né. Félicitations à toute la famille !

Kapil Sharma se mariera, peutêtre, en décembre de cette année Avec le retour prochain de son émission télévisée, Kapil Sharma est aux anges. Selon les sources, Kapil est en pleins préparatifs de son mariage avec sa petite-amie Ginni Chatrath. La cérémonie se déroulera à Amritsar et s’étalera sur quatre jours, avant qu’un cocktail ne soit organisé à Mumbai.

Les deux acteurs de la série télé Chandrakanta, Vishal Aditya Singh et Madhurima Tuli, se séparent Information confirmée par le duo, les deux acteurs de la série surnaturelle d’Ekta Kapoor ne sont plus en couple. Les deux anciens amoureux se sont rencontrés sur le plateau de tournage. Les raisons n’ont pas été dévoilées par l’un ou l’autre, et ils préfèrent garder le silence sur le reste de leur histoire.

Neil Nitin Mukesh, l’heureux papa Marié depuis 2017 à Rukmini Sahay, l’acteur est aujourd’hui papa d’une petite fille. Neil en avait fait l’annonce en avril dernier via son compte Instagram officiel, en disant qu’ils seraient bientôt trois. Sa femme a accouché le 21 Septembre 2018.

Qui sera le designer de Priyanka Chopra pour son mariage ? Une question qui a peut-être déjà sa réponse. Il est fort probable qu’il s’agisse du duo Abu Jani-Sandeep Khosla, car l’actrice les a récemment rencontré. Comme toutes les futures mariées, la star de Bollywood garde les détails intimistes de son mariage avec Nick Jonas pour ses proches. La cérémonie aura lieu en novembre de cette année. 011


R

REVUE DE PRESSE

T EX T E DE A R N ES H G H O SE T RAD U IT PA R FAT I M A-Z A HRA E L AHMAR P H OTOG RA PH E : R O H A N SHRESTHA D IR ECT E U R A RT I ST I Q U E : AMIT NAIK ST Y LIST E : K U S H A L PA R M ANAND ST Y LIST E J U N I O R : N E E LANG ANA VASUDE VA M AQ U ILL AG E E T CO I F F U RE : NAQ I MOHAMMAD E T V IJAY S H I KA R E


Irrfan Khan : la superstar silencieuse. Quelques semaines avant sa révélation troublante sur son état de santé, Irrfan Khan a passé une demi-journée avec MW, dans un restaurant vide de Mumbai pour cette cover story. Il avait l’air en très bonne santé et de bonne humeur. Cette interview et les photographies qui l’accompagnent datent de ce rendez-vous. Cette édition de Man’s World fût commandée en impression bien avant qu’il ne formule ce tweet sur sa maladie. Nous lui souhaitons le meilleur dans son nouveau challenge. – Rédacteur en chef de Man’s World.

J’ai vu tous les films d’Irrfan Khan mais, quand je pense à lui, c’est toujours l’entrée de son personnage, Roohdar, dans Haider qui me vient à l’esprit. Ce personnage, la manifestation ambiguë de l’esprit du père de Haider, est une représentation de sa présence dans l’industrie cinématographique également. Vous ne le voyez pas souvent, mais il est toujours là – avec une présence imposante, une filmographie à envier et des performances qui méritent la vénération. Même quand il participe aux vidéos de AIB pour la promotion de ses métrages, ses performances ont toujours une touche d’honnêteté qui donne un résultat crédible et acceptable. Bien qu’il ait commencé sa carrière en 1988 dans Salaam Bombay!, ce n’est qu’après Haasil et Maqbool, sortis tous deux en 2003, que Irrfan a été remarqué. Après une série de films du même genre (clairement oubliables), il a eu une année 2007 plutôt bipolaire, entre les bêtises de

Monty dans Life In a… Metro et le sombre Ashok dans Un nom pour un autre. Life in a… Metro était une véritable surprise pour l’audience, car personne n’aurait pu imaginer que Irrfan apporterait le souffle comique à un film. Jusque-là, tous ses choix étaient sombres, complexes et rugueux. Dans Life in a… Metro, il était frais et drôle, humain et attachant. Depuis ses débuts, Irrfan a toujours joué des personnages marginaux, vivant uniquement dans l’ombre. Même s’ils étaient excitants, - Haasil, Maqbool et The Warrior seront toujours l’incarnation du bon jeu d’acteur - c’est en 2007 que Irrfan a acquis la qualité dont rêvent tous les acteurs : la sympathie. Il est facile de comprendre pourquoi Irrfan Khan a eu affaire à ce genre de rôles par le passé. Les règles à Bollywood ont toujours été claires quand il s’agissait du rapport rôle/apparence physique. Les plus beaux ont les personnages positives, et les moins attirants jouent les méchants, les policiers, les gangsters et les voyous – à moins que le personnage masculin principal en soit un. Les années 2000 étaient teintées de narcissisme et d’usage excessif de > 013


Photoshop, et les acteurs avec une apparence normale, comme Irrfan, avaient des difficultés à atteindre leur moment de gloire dans cette industrie accablée de connexions familiales et de cette obsession pour une certaine forme de beauté.

amoureux dans un film conventionnel, l’homme assez âgé qui a une superbe alchimie avec Deepika Padukone. Il est vrai que le métrage en lui-même n’était pas des plus conventionnels, il était un signe que les temps changeaient.

Soyons francs : Irrfan Khan n’est pas un homme particulièrement beau, du moins selon les critères qu’entend la société moderne.

Après cela, l’acteur est apparu dans des rôles puissants pour Talvar, Jazba et Madaari en 2016, avant de changer complètement de chemin avec l’hilarant Hindi Medium et Qarib Qarib Singlle en 2017.

Il est difficile pour des personnes ordinaires de mettre un pied dans cette industrie. Très honnêtement, les acteurs suprêmement talentueux dont l’apparence physique est ordinaire sont toujours une exception. Comme Nawazuddin Siddiqui. Nous acceptons aujourd’hui Rajkummar Rao et Ayushmann Khurrana comme des acteurs principaux, mais même dans leur cas, ils sont les représentants du cinéma « débordant de vie », ou « orienté vers du contenu » - le monde populaire reste réservé aux dieux grecs.

2007 A CHANGÉ LA PERCEPTION D ’ I R R FA N K H A N . Après quelques performances spectaculaires dans Slumdog Millionaire, Mumbai Meri Jaan, Billu, New York et Saat Khoon Maaf, il a sorti un coup de maître avec Paan Singh Tomar en 2012, ainsi que la sensation mondiale The Lunchbox en 2013. En 2015, il a présenté à son public deux films complètement opposés, Qissa et Piku – l’effroyable Umber Singh dans l’un, et le coquin Rana Chaudhary dans l’autre. Irrfan était parfait en tant que Rana dans Piku. La troisième partie confuse dans un triangle obsédé par l’intestin. D’autant plus que Piku était la première sortie d’Irrfan Khan en tant qu’acteur principal et 014

Jusqu’à Life in a… Metro, Irrfan a accepté d’être catalogué. Il était ce diplômé de l’école dramatique – intense, puissant et théâtral. Il gravitait autour de personnages marginaux parce que les films populaires des années 2000 étaient oubliables. Même dans ses films conventionnels, il préférait les rôles sombres parce qu’ils étaient les seuls à lui permettre de montrer son jeu d’acteur. C’est surprenant que dans Life in a… metro, Irrfan soit le plus joyeux et le plus drôle. C’est comme s’il voulait prouver qu’il en était capable. Je crois personnellement que sa décision de faire ce film l’a empêché de devenir un Nana Patekar – un acteur défini par son intensité et ses rôles dramatiques, tandis que sa versatilité demeure ignorée.

Avec Un nom pour un autre, Irrfan Khan a montré qu’il était capable d’être doux, triste, faible et humain. Nous n’avons jamais vu l’acteur aussi vulnérable avant ce métrage – un homme normal, assailli par des problèmes de tous les jours. Ses yeux, jusqu’ici utilisés pour irradier la menace et le danger, brillaient à cause


des petites joies de la vie, du mariage, de la romance secrète, et plus tard de la solitude et de la peine. Sa scène la plus mémorable dans Un nom pour un autre reste l’appel téléphonique entre Ashok et Ashima, quelques instants avant sa mort. Cette douce sensibilité est revenue dans The Lunchbox, un film dont je ne suis pas particulièrement fan, mais qui montre brillamment la capacité de l’acteur à comprendre parfaitement ses personnages et leurs désirs.

Il a exploré la comédie une nouvelle fois avec Piku, Hindi Medium et Qarib Qarib Singlle. Un genre dans lequel il n’a pas beaucoup travaillé, mais qu’il maitrise très bien. Je vous en parlerais davantage par la suite. Choisir consciencieusement des projets qui explorent les diverses facettes de sa personnalité est ce qui rend Irrfan Khan particulier, différent de ses pairs qui, pour la plupart, ne quittent plus leur zone de confort. J’ai rencontré et interviewé bon nombre d’entre eux, ce qui m’a mené à la conclusion suivante : en plus d’être un acteur formidable, Irrfan est un homme extrêmement intelligent. Il sélectionne ses scripts astucieusement, fait toujours attention à son rôle peu importe sa longueur. Il se focalise sur l’impact de son personnage avant tout. Au fil des années, je l’ai vu construire cette impression d’être accessible alors qu’en réalité, il est très réservé lorsqu’il s’agit de sa vie privée. Vous pouvez le voir partout, allant des publicités Syska LED jusqu’aux sketches avec AIB en passant par les memes.

Cependant, savez-vous vraiment quelque chose sur lui ? Je me retourne le cerveau en essayant de comprendre certaines des décisions de cet

cet homme. Depuis Maqbool, il a fait partie de plusieurs projets qui n’étaient en rien intéressants. Aan, Charas, Chocolate, Rog et Chehraa ont fait un bide entre 2003 et 2007. Après Un nom pour un autre, Irrfan a repris des films comme Sunday, Krazzy4, Dil Kabaddi, Acid Factory, Right Ya Wrong et Hisss, jusqu’à ce que Paan Singh Tomar ne sorte en 2012. Ce n’est qu’après ce dernier métrage que les choix de l’acteur ne se sont plus portés sur aucun autre mauvais film. >


Tous n’étaient pas particulièrement des succès, mais ils étaient bons. Ils ont été sélectionnés par un homme qui n’a pas arrêté de tourner dans des projets internationaux depuis 2001.

L’argument qui revient toujours, c’est que tout le monde a des factures à payer. Qu’est-ce qui peut expliquer de telles décisions, autrement ? Je ne le saurai jamais. En parlant de long-métrages internationaux, la star a commencé avec The Warrior d’Asif Kapadia en 2001. Après ce film qui a gagné un BAFTA Award, il n’a pas eu de rôles importants, excepté Un nom pour un autre. Il était facilement oublié dans Shadows Of Time, A Mighty Heart, ainsi que The Darjeeling Limited et Slumdog Millionaire (quoique, ce dernier avait un casting énorme. Difficile de se souvenir correctement de qui que ce soit). Hisss était un désastre, et ni The Amazing Spiderman ni L’odyssée de Pi ne lui ont offert de quoi se démarquer. Le problème est qu’Irrfan est résolument « desi ». Son hindi est beaucoup plus fluide que son anglais, d’autant plus qu’il a toujours l’air d’être ennuyé par ses rôles dans cette langue. S’il a pu récupérer la chandelle du type brun dans les films de Hollywood après Om Puri et Anupam Kher, comme eux, l’acteur se retrouve coincé dans des personnages définis par la couleur de leur peau, leurs noms et leur côté exotique.

Ce n’est pas comme si Hollywood ou la GrandeBretagne avaient davantage accepté les plus jeunes.


Dev Patel continue d’être le génie informatique ou l’immigré poursuivi par son passé de pauvre. Aziz Ansari… et bien, nous ne devrions pas parler de lui étant donné qu’il n’a peut-être plus de carrière dont on puisse encore discuter. S’attendre à ce que les pays anglophones imaginent des rôles plus importants pour des acteurs de couleur est sans espoir (Priyanka Chopra étant une glorieuse exception). Cela étant dit, dans Inferno, l’acteur a su insuffler à son personnage sa propre marque d’humour, que tout le monde au pays adore chez lui. Ses films comiques ont montré qu’Irrfan avait un sens de l’humour qui ne ressemble à aucun autre dans l’industrie. J’ai du mal à le décrire, mais si je devais le faire, je dirais qu’il « punjabi-motherly » (typique des mamans punjabi). Son humour tape entre le calme, le sarcasme, le direct et le sec, ainsi que l’agitation physique comique.

Cet homme peut vous faire rire avec un sourire sournois, une répartie croquante, ou un roulement des yeux (parfois, même son air ennuyé a un timing parfait), ses expressions teintées d’une certaine arrogance. Son expérience joue en sa faveur, il peut même rendre un regard vers le bas divertissant. De l’autre côté du spectre il y a ce côté « motherly », qu’il a utilisé dans Piku et Life in a… Metro. Le talentueux acteur délivre une combinaison amusante de frustration et de désarroi. C’est naturel car il n’essaie pas de vous faire rire, mais ses réactions sont reconnaissables, et en deviennent de fait drôles. Quand il se confronte à Bhashkor Banerjee, interprété par Amitabh Bachchan, il s’impose.

Dans Hindi Medium, il ajoute à sa prestation une dose de confusion (Irrfan est également soutenu dans cela par Deepak Dobriyal). Dans Qarib Qarib Singlle, l’acteur remet au goût du jour l’impression du crétin sûr de lui qu’il avait dans Life in a … Metro, faisant de Yogi quelqu’un d’arrogant mais de sensible, de caustique mais d’amusant, de mordant sans jamais devenir blessant. Dans Inferno, il propose sa meilleure prestation dans le pince-sans-rire, et probablement sa plus mémorable apparition internationale.

LA QUESTION LA PLUS INTÉRESSANTE À SE POSER MAINTENANT EST : Q U E VA -T- I L A D V E N I R D ’ I R R FA N K H A N ? Il a déjà prouvé qu’il était probablement le meilleur acteur de la génération actuelle.

Va-t-il réaliser ou produire ? Veut-il devenir une mégastar globale, comme les autres Khan, Shahrukh et Aamir, deux hommes qui ont exactement le même âge que lui ? Ou estil assez satisfait de lui pour préférer se focaliser sur d’autres jalons dans sa carrière, comme un BAFTA ou un Oscar ? Il faut patienter pour le savoir. D’ici là, le regarder sur nos grands écrans sera toujours un plaisir.

017


LA C R I T I Q U E D E V I K RAM VE DHA, D IS P O N I BL E S U R FA N TASTIK INDIA !

fan tas tiki ndi a P R E M I E R P O R TA I L W E B F R A N C O P H O N E SUR LE CINÉMA INDIEN Fantastikindia est une association portée par la passion de ses membres, dont l'objectif est la promotion du cinéma indien sous toutes ses formes et dans toute sa variété du Nord au Sud.

www.fantastikindia.fr


NE WS & C IN É MA

... POP CORN


N NEWS

movie talkies M OT S PA R FAT I M A-Z A H RA E L AHMAR

Ayushmann Khurrana dans Bala ? Plutôt du genre discret depuis le lancement de sa carrière à Bollywood, Ayushmann Khurrana ne manque tout de même pas de propositions intéressantes aujourd’hui. Et si tout se déroule correctement, l’acteur pourrait tenir le rôle principal du prochain métrage de Dinesh Vijan. Le réalisateur qui profite du succès de son dernier film, Stree, ne perd pas de temps car il prépare déjà son projet suivant. Intitulé Bala, le film n’a pas encore d’actrice principale.

De son côté, le talentueux Ayushmann sera à l’affiche de Badhaai Ho, accompagné de Neena Gupta et Sanya Malhotra pour une sortie prévue pour le 21 Octobre. Il a déjà offert à ses fans Andhadhun cette année, nouvelle réalisation de Sriram Raghavan aux côtés de Tabu et Radhika Apte. 020

Abhishek Bachchan marque son retour à Bollywood Après une pause de deux années, le Bachchan Junior a retrouvé sa passion pour les films en signant le dernier métrage d’Anurag Kashyap Manmarziyaan. Le film a montré l’acteur sous un nouvel angle selon les critiques. Il semblerait qu’Abhishek ne compte pas s’arrêter là. L’acteur aurait d’ailleurs déjà choisi son prochain projet. Il s’agirait d’une comédie horrifique du nom de Tantrik, que l’on devra à Pawan Kripalani, réalisateur de Ragini MMS. Les travaux sur ce film débuteront en 2019. En parallèle, Abhishek retrouvera sa femme Aishwarya Rai Bachchan pour la première fois depuis 2010 dans Gulab Jamun, du réalisateur Sarvesh Mewara.

La collaboration d’Imtiaz Ali et Kartik Aaryan Enchaînant les petits succès depuis ses débuts il y a quelques années, le jeune homme semble poser son pied dans le registre des comédies romantiques. Et il semblerait qu’Imtiaz Ali commence à s’intéresser à lui.

Selon la rumeur, le réalisateur est à un stade avancé de discussion avec Kartik. Mais est-ce le rôle principal qu’il lui propose ou un rôle secondaire, cela reste à savoir. Quoiqu’il en soit, l’acteur ne perd pas son temps. Après avoir récemment finalisé le tournage de Luka Chuppi de Dinesh Vijan, il débutera très bientôt ses scènes pour le remake de Kirik Party, dans lequel il partagera l’affiche avec Jacqueline Fernandez.


Le casting de Manikarnika change ! Le métrage a subi récemment des changements dans son casting. Alors que l’actrice vient de lancer le teaser, tout ne s’est pas déroulé comme prévu. En effet, l’une des majeures problématiques que le réalisateur a dû surmonter, c’est le changement de casting.

Sonu Sood était le premier acteur à quitter le projet, citant pour cause un conflit dans ses dates. S’en suit alors le départ de Swat Semwal, l’actrice censée jouer le rôle de l’épouse de Sonu dans le métrage. Les deux sont aujourd’hui remplacés par Zeeshan Ayub et Radha Bhatt respectivement. Le premier ayant déjà collaboré avec Kangana Ranaut dans Tanu Weds Manu Returns. Une addition supplémentaire au casting a été faite par la suite, en la personne d’Edward Sonnenblick. Ce dernier a déjà tenu des rôles en Inde, notamment dans Firangi avec Kapil Sharma et Rangoon avec Shahid Kapoor.

Dans Manikarnika, il retrouvera donc Kangana et sera son principal antagoniste.

IL EST INTÉRESSANT DE S AV O I R Q U ’À C A U S E D E TOUS CES CHANGEMENTS, QUELQUES PORTIONS DU FILM ONT DÛ ÊTRE TOURNÉES UNE DEUXIÈME FOIS. C’est d’ailleurs l’actrice principale qui les a dirigées. En effet, à cause de ses autres projets, le réalisateur Radha Krishna Jagarlamudi n’avait pas de temps de cadrer ces ‘reshoots’. Manikarnika – The Queen of Jhansi est prévu pour le 25 janvier 2019. > 021


Sushant Singh Rajput dans le remake hindi de Bangalore Days Rien n’est encore confirmé pour l’heure, mais il se pourrait bien que Sushant Singh Rajput joue dans le remake hindi du film Bangalore Days, avec Dulquer Salmaan. En effet, un article sur le site DNA révèle que la maison de production de l’acteur commence à travailler sur le sujet. Selon cette même source, Sushant a beaucoup aimé le film original, son concept et son message. Il serait actuellement en pleine discussion avec le producteur Vivek Rangachari, détenteur des droits pour produire le remake. Le métrage malayalam sorti en 2014 tourne autour de trois cousins, proches les uns des autres

depuis leur tendre enfance. La vie les mène à Bangalore où ils essaient de trouver leur propre identité. Avec Dulquer Salmaan, Fahadh Faasil, Nivin Pauly, Nazriya Nazim, Parvathy Menon, Isha Talwar et Nithya Menen à l’affiche, Bangalore Days a fait un tabac lors de sa sortie. Pour l’instant, Sushant Singh Rajput tourne l’adaptation bollywoodienne du film (et ouvrage du même nom) Nos étoiles contraires. Il sera aussi à l’affiche du remake de Drive, avec Jacqueline Fernandez, de Kedarnath avec Sara Ali Khan et de Son Chiriya avec Bhumi Pednekar. Dernièrement, il a également publié l’aperçu du film Chhichhore avec Shraddha Kapoor !


Fatima Sana Shaikh remplace Taapsee Pannu Plus de dix ans après le succès inattendu de Life In A Metro, Anurag Basu est enfin prêt à continuer cette franchise. Si le réalisateur souhaite reprendre le même style, il ne gardera pas le même casting, ni les mêmes personnages. Life In A Metro était un mélange de quatre histoires se focalisant sur la vie de plusieurs individus qui ont des liens les uns avec les autres. Cette suite commence déjà à établir son casting, notamment avec les noms de Rajkummar Rao, Parineeti Chopra et Taapsee Pannu. Cependant, il semblerait que cette dernière ne fasse plus partie de l’aventure. En cause, la jeune femme avance un problème de disponibilité. L’actrice va donc être remplacée par Fatima Sana Shaikh.

Quoiqu’il en soit, ce film qui n’a pas encore de titre devrait avoir une histoire différente de son prédécesseur. Pour ceux qui ne l’ont pas vu, Life In A Metro mettait en lumière différents couples dans un contexte urbanisé. Cette fois-ci, le thème principal n’est pas encore dévoilé, mais d’autres noms comme ceux de Saif Ali Khan, Abhishek Bachchan, Sonakshi Sinha et Ishaan Khattar sont évoqués.

Deepika Padukone devient productrice L’industrie cinématographique indienne redécouvre son amour pour les histoires basées sur des faits réels. Le prochain film avec Deepika Padukone à son casting ne sera pas une exception. L’actrice a déjà donné son accord pour jouer le rôle principal du métrage de Meghna Gulzar, inspiré de la vie de Laxmi Agarwal. Et ce n’est pas tout.

Deepika a également décidé de financer le projet en en devenant la productrice. Laxmi Agarwal a survécu à une attaque d’acide quand elle avait 15 ans. C’est en refusant les avances d’un homme âgé de 32 ans à l’époque que ce dernier décide de la punir en lui balançant de l’acide sur le visage, et ce en pleine rue à Delhi. Depuis, elle a dédié sa vie à la cause des femmes ayant subi le même sort.

Les premiers pas d’Ahan Shetty au cinéma Quelques années après l’arrivée de sa sœur sur la scène bollywoodienne, Ahan Shetty se prépare à son tour à suivre les pas de son père. Il paraît que le fils de Suniel Shetty a déjà trouvé son premier rôle. Information confirmée officiellement par le compte Twitter officiel de la bannière de production Nadiadwala Grandson : « C’est avec

beaucoup d’amour et un énorme câlin que tu es accueilli dans la famille #NGEFamily, et maintenant tu commences une aventure excitante ! Un grand début pour #AhanShetty. ».

Il s’agirait du remake hindi du film Telugu RX 100, avec Kartikeya Gummakonda et Payal Rajput. Même si aucun réalisateur n’a été finalisé pour mener le navire, la sortie du métrage est quand même prévue pour le mois de mai 2019.

023


D

DÉCOUVERTE

à la découverte de...

LE VOISIN INDIEN D’IDA RICHER M OT S PA R AS M A E BE N MANS OUR

L’Inde ne se résume pas à Bollywood... Tel est notre leitmotiv depuis le lancement du e-magazine Bolly&Co, en 2010. C’est ainsi que nous y parlons également de littérature, de mode tout en mettant en avant les cinémas dravidiens à travers notre Rubrique Sud. Mais l’Inde est si riche, si complexe que nous passons tout de même à coté de nombre d’acteurs, de chanteurs, de métrages et d’autres oeuvres qui ne relèvent ni Bollywood, ni des cinémas du sud du pays. En ce sens, nous vous proposons d’habitude de partir à la découverte de ces artisans indiens quelque peu différents, et ce qu’il s’agisse de cinéma, de musique, de danse ou de télévision. Mais pour ce numéro, nous ferons une petite entorse à la règle.

C A R L’ O U V R A G E D O N T NOUS NOUS APPRÊTONS À VOUS PARLER EST ÉCRIT PAR UNE FRANÇAISE. Alors, pourquoi y consacrer les pages de notre magazine ? Parce qu’Ida Richer est une passionnée de la culture indienne, dont elle s’inspire largement dans ce premier roman, intitulé Le voisin indien... 024

Le voisin indien, de quoi s’agit-il ? Pourquoi vous y intéresser ? Voici 4 bonnes raisons de devenir complètement fan du bouquin ! 1 . Du ro m ant i sm e en veu x- t u , en vo i l à ! Il faut le dire : le roman d’Ida Richer est délicieusement fleur bleue ! C’est d’ailleurs ce qui fait le sel de ce livre romantique dont je me suis personnellement délectée. L’histoire d’amour entre Arjun et Mina a tout d’une tragédie bollywoodienne : ils s’aiment alors que tout les sépare. Mais Ida y insuffle un charme très parisien qui donne une véritable identité à son histoire. Ça ressemble à beaucoup de films ou de livres du genre et en même temps, c’est assez original dans l’écriture des protagonistes et dans le décor planté pour que Le voisin indien se distingue aux yeux du lecteur.

2 . L a fo rce d e ses p rot ag o ni stes. Les personnages sont écrits de telle sorte qu’il est clairement impossible de ne pas s’y attacher. Mina est cette mère courage qui travaille sur elle pour retrouver goût à la vie, pour elle et pour ses trois enfants. Arjun, c’est l’homme idéal auquel il est difficile de résister, le beau gosse au coeur d’or dont tous les lecteurs seront susceptibles de tomber sous le charme. Moi la première ! Leur histoire d’amour apparaît comme une évidence et on ne peut que leur souhaiter de voir leur idylle triompher. C’est ce qui nous porte d’un bout à l’autre de l’ouvrage.


3 . Cro i re e n u n e s e co nd e c h a n ce . Le héros de Kuch Kuch Hota Hai disait « on ne vit qu’une fois, on ne meurt qu’une fois, on ne se marie qu’une fois et on n’aime... qu’une fois. » Tout cela pour être contredit en retrouvant Anjali, sa meilleure amie et nouvel objet de son amour. Le voisin indien donne à voir une jeune veuve et mère de famille qui ne croit plus être capable d’aimer à nouveau. Un schéma bien connu mais qui fonctionne tant cette idylle nous permet de croire en un nouveau souffle dans la vie après un terrible drame.

Qui pour le casting ? Un hybride entre Hrithik Roshan et Arjun Rampal pour le rôle d’Arjun serait idéal. Pour Mina, j’imaginais bien Mélanie Bernier lui prêter ses traits durant ma lecture. Mais la magie de la lecture, c’est qu’elle laisse la part belle à votre imagination. Alors je vous invite vivement à vous procurer Le voisin indien, sorti aux éditions Fauves. Un ouvrage romantique à souhait et empli de sincérité que j’ai pris un énorme plaisir à découvrir.

L A R E L AT I O N Q U E PA R TA G E N T L E S D E U X HÉROS EST PASSIONNÉE, ENTRE AMOUR INCOMMENSURABLE ET IRRÉSISTIBLE AT T R A C T I O N . Le genre de lien déraisonné dont on est tous susceptibles de rêver, qui peut être aussi vivifiant que destructeur. Mais dans le cas de Mina et Arjun, ils s’aiment pour le meilleur et croient surtout en la sincérité de leurs sentiments pour surmonter toutes les épreuves. Et je n’ai pas lâché le livre, que je dévorais à chaque page...

4. C ’e s t fi l m e s q u e ! Clairement, Le voisin indien pourrait être adapté sur grand écran. Je le verrais davantage comme un film « crossover » que comme une production exclusivement indienne. Parce que si la trame fait inévitablement penser au cinéma hindi, le ton de l’ouvrage possède en lui quelque chose de très européen dans la psychologie des personnages.

LE VO ISIN INDIEN D’IDA R ICH ER DISPO NIBLE AUX ÉDITIO NS FAUVES, À 2 0,00€

025


B BILAN

ARJUN KAPOOR

,l hypersensible MOTS PAR AS MAE B ENMANSO UR IL LUSTRATION PAR E LOD IE H AMIDOVIC

026


On pourrait produire un film sur la vie d’Arjun Kapoor. Entre ses problèmes de poids, la nouvelle conjugalité de son père et le décès tragique de sa mère, on peut clairement dire qu’il n’a pas eu un parcours facile. En 1996, Arjun a 11 ans lorsque son père Boney Kapoor quitte le domicile familial pour épouser l’actrice Sridevi, avec laquelle il fonde une nouvelle famille. Des années durant, Arjun n’a jamais polémiqué sur son vécu et a toujours respecté le choix de vie de son père. Lorsque sa mère, Mona Shourie, décède des suites d’un cancer en 2012 (quelques jours avant la sortie du film de ses débuts, Ishaqzaade), Arjun est très pudique à ce sujet. Et quand c’est Sridevi qui disparait brutalement en début d’année, Arjun prend son rôle d’aîné à cœur plus que jamais. Il sera aux côtés de son père lors des funérailles et soutiendra ses demi-sœurs Khushi et Janhvi, dont il n’aura jamais été aussi proche. Sa relation avec sa sœur Anshula force également l’admiration, ces deux-là ne manquant jamais une occasion de valoriser le lien indestructible qui les unit. Aussi, lorsque certains internautes s’attaquent à Janhvi, Arjun est le premier à prendre sa défense. La dignité avec laquelle il a su gérer les épreuves de la vie m’ont d’autant plus amenée à m’intéresser à l’acteur qu’il était.

ARJUN EST DE CES COMÉDIENS QUI JOUENT AV E C L E U R S T R I P P E S , Q U I USENT DE LEURS DÉMONS E T D E L E U R S FA I L L E S POUR QU’ILS SERVENT LES PERSONNAGES DIFFICILES

Q U ’ I L S I N C A R N E N T. E N F I N Ç A , C ’ E S T M A I N T E N A N T. ENTRE TEMPS, IL Y A EU D U B O U LO T… La sous-branche de Yash Raj, Y-Films, doit le lancer dans Virus Diwan, une comédie dirigée par Bumpy, auquel on doit une autre production du genre : Luv Ka The End, avec Shraddha Kapoor. Mais après le tournage du teaser, le projet sera abandonné. Pour autant, Arjun ne lâche rien et continue de travailler afin de parfaire son jeu d’acteur.

Il passe une audition pour le film Ishaqzaade et ne divulguera pas au directeur de casting le nom de son père. Il faut dire que le jeune homme est méconnaissable après sa perte de poids. C’est gagné puisqu’il est choisi pour le rôle, dans lequel il fera face à la jeune Parineeti Chopra. Dans cette réalisation d’Habib Faisal, il incarne Parma, un jeune hindou sanguin prêt à tout pour détruire la famille de Zoya, une musulmane dont le père se lance en politique.

« Mais c’est qui, ce beau gosse ? Par ici, viens voir Maman ! #filetdebave » Clairement, Arjun Kapoor est un beau gosse ! D’où sortait ce type ? Pour moi, il constituait l’indéniable révélation masculine de 2012, loin devant Varun Dhawan, Sidharth Malhotra et Ayushmann Khurrana (tous lancés cette même année). Dès son premier film, je cerne chez Arjun une sensibilité à fleur de peau, qu’il mue en énergie et en rage dans ce rôle de bad boy au cœur tendre. Je le sens, Arjun a des choses à extérioriser. > 027


C’est sans doute plus facile pour lui de se cacher derrière des personnages âpres et sévères, qui ne laissent que peu de place à sa vulnérabilité foncière. Dans ses diverses interviews, Arjun marque pourtant par son humour et sa simplicité, bien moins fanfaron que ses amis Ranveer Singh et Varun Dhawan, pour ne citer qu’eux. Il ne cherche pas à se faire remarquer. Sur ce point, il me fait fortement penser à sa belle-mère, qui laissait ses films parler pour elle. Arjun fonctionne de la même manière. S’il se livre volontiers à l’exercice de l’interview et de la promotion de ses métrages, il ne cherche jamais à détourner l’attention des médias sur sa personne. Il se met pleinement et sincèrement au service des œuvres qu’il porte.

Thriller d’action dans lequel l’acteur incarne un double-rôle, il s’agit probablement de l’une des prestations les plus sous-valorisées de sa carrière à ce jour. En effet, Arjun y est franchement remarquable dans la peau de ces jumeaux à l’histoire trouble. Pourtant, le métrage fait un flop, pas assez singulier et plutôt brouillon dans sa construction.

En 2013, Arjun signe son deuxième projet, Aurangzeb.

« N’en déplaise à certaines, je suis #TeamBala à 100% ! »

Et puis, Arjun semble se mesurer. Moins complexe que son rôle dans Ishaqzaade, il n’exploite pas l’entièreté de son potentiel. Il se cache. Avec Gunday, il consolide son image de jeune homme en colère face à son ami Ranveer Singh. Dans la veine de son rôle dans Ishaqzaade, Arjun incarne un Bala volcanique des plus marquants. De quoi me faire TRES plaisir.

ARJUN KAPOOR DANS LE FILM AURANGZEB


J’ai eu quelques #IshaqzaadeFeels en le voyant dans la peau de cet homme bourru mais blessé. Et c’est une bonne chose, rassurez-vous. Pour autant, je ne peux pas me l’expliquer, mais ce sentiment d’inachevé ne me quitte pas. Allez savoir, je veux voir Arjun dans un autre registre. Mais lequel ? Je l’ignore encore, à l’époque. Mais je sais ce jeune homme capable d’aller plus loin. Et de m’éblouir, tout bonnement.

J’ai un léger espoir avec son film suivant, une comédie romantique qui le fait sortir de sa zone de confort. Hélas, 2 States me déçoit. Arjun y est plat et désincarné. Son personnage est niais au possible et ne possède absolument aucun relief. Je ne retrouve pas la verve qui l’animait dans ses films antérieurs, coincé dans un rôle étriqué de jeune premier complètement rasoir.

« Mais il est sous sédatif, ou quoi ? C’est quoi, ce regard de bœuf ?! Cher Sidharth Malhotra, tu veux bien être gentil et sortir du corps d’Arjun, s’il te plaît ? #inexpressivitébonjour » Avec Finding Fanny, il change radicalement d’univers cinématographique. Loin du côté clinquant et imposant de ses précédents projets (produits par de grosses bannières), ce film constitue pour Arjun un sacré challenge. En effet, il doit faire face à certains des meilleurs acteurs du pays, de Naseeruddin Shah à Pankaj Kapur, en passant par Dimple Kapadia. Là où il aurait pu sombrer, le jeune homme signe l’une de ses prestations les plus fines en amoureux transi dans ce road movie enlevé et pétillant.

« Mais c’est qu’il est plein de surprises, ce garçon ! C’est quoi, la suite ? Un drame larmoyant ? » Oui, car au fond, c’est ce que j’espère. Je veux le voir en écorché vif. Car contrairement à ses collègues, Arjun fait tout pour jouer des personnages qui ne lui ressemblent pas. Les rôles de composition, ça le connaît ! Mais désormais, j’attends de lui qu’il ose ouvrir sa boite de Pandore. Qu’il s’autorise à exploiter les fêlures de son existence pour les transmettre à ses protagonistes à venir. Voilà ce que j’attends de lui. Oui, je sais. Je suis chiante, un peu.

Cependant, ce ne sera pas pour tout de suite puisqu’en 2015, Arjun est à l’affiche de Tevar. Remake du film télougou Okkadu avec Mahesh Babu, mon cher Baba (oui, c’est comme ça que je le surnomme, et alors ?) incarne le joyeux benêt qui vient à la rescousse d’une donzelle en détresse qui ne sait manifestement pas se défendre toute seule (féminisme, au revoir…). La foudre semble me frapper tant je ne comprends pas ce qui a poussé Arjun à faire un tel choix… Bon, il faut avouer qu’il est chou comme tout, le p’tit. Mais ça ne suffit pas ! Ca ne me suffit plus ! Oui, je deviens exigeante. D’ailleurs, je ne m’y tromperai pas puisque Tevar fera un bide retentissant au box-office. Et vlan !

« Arjun, pourquoi t’as fait ça ?! En plus avec Sonakshi Sinha, l’impératrice des plantes vertes ? Pourquoi tu veux pas que je sois heureuse ? #jenfaisunpeutrop » > 029


JE CROIS VOIR LA LUMIÈRE AU BOUT DU TUNNEL AV E C K I A N D K A , S O R T I E N SALLES EN 2016. Dans ce film, Arjun Kapoor me fait l’effet d’un gros nounours qu’on a envie de câliner. Oui, rien que ça ! Si je n’avais pas besoin de ce métrage pour connaître son potentiel, Ki and Ka m’a permis de le découvrir dans un rôle plus tendre et attachant, moins rugueux que ceux auxquels il a été habitué. Je suis contente, mais pas encore comblée. Qu’à cela ne tienne, le métrage me fait un peu plus craquer pour Arjun. Comme si j’étais pas déjà assez cramée comme ça...

« Non mais je veux le même ! Baba, épouse-moi ! #iminlove » L’an dernier sort Half Girlfriend. Le film ne me tente pas. Mais alors, pas du tout ! Pourtant, j’ose aller le découvrir au cinéma. Et la lumière fut ! Si le métrage en lui-même est une déception, la performance d’Arjun m’éblouit. Car avec ce film, il livre enfin ce que j’attends de lui depuis tout ce temps ! On le voit se consumer et se détruire dans l’amour que son personnage Madhav porte à la belle Riya. J’ai pleuré comme une ado pré-pubère lors d’un concert des One Direction, mais je m’en fous ! Arjun a enfin baissé sa garde pour nous montrer quel interprète fascinant il est. Et je suis aux anges !

« Arjun, je t’aime. Oui, je sais. Nous venons de deux mondes différents mais notre amour sera plus fort que tout. Alors je te le demande solennellement : veuxtu m’épouser ? » Attendez, il m’arrive quoi, là ? Je crois que je suis amoureuse, les gars. D’un acteur 030

d’exception dont je pense que nous n’avons entrevu que le centième des capacités. Alors même si son film suivant, Mubarakan, est bon à jeter à la poubelle (quoique, attendez, je vais quand même le garder pour l’admirer niaisement…), je sais désormais pour sûr qu’Arjun Kapoor est un talent rare à surveiller de près. J’ai du pif, les gars (et un sérieux béguin, mais passons…) !

J’ose espérer que sa carrière prendra une trajectoire qui lui sera favorable. Ses prochains films, Namaste England et Sandeep aur Pinky Faraar, lui donneront l’occasion de retrouver Parineeti Chopra. De quoi me mettre en joie tant j’avais adoré leur duo dans Ishaqzaade. Il sera également dirigé par Raj Kumar Gupta (Aamir, No One Killed Jessica) dans India’s Most Wanted. Mais le projet que j’attends avec autant d’impatience que d’appréhension, c’est Panipat. Ce drame historique, c’est l’occasion pour lui de se révéler à l’audience, et de faire montre de sa polyvalence ! Mais d’un autre côté, le réalisateur Ashutosh Gowariker a essuyé de multiples échecs avec ses derniers métrages, ce qui m’inquiète quant au résultat final.

M A I S J ’A I C O N F I A N C E EN ARJUN. CAR MÊME EN JOUANT DANS UN FILM MÉDIOCRE, IL EST PARVENU À TIRER SON ÉPINGLE DU JEU. Et c’est selon moi le signe d’un grand acteur, capable d’exister et de marquer les esprits même dans des navets innommables. Bref, je lui ai donné mon cœur, j’espère qu’il n’en fera pas de la purée en signant n’importe quoi. Kapoor, je compte sur toi, mon chou !


ARJUN KAPOOR ET PARINEETI CHOPRA SUR LE TOURNAGE DE SANDEEP AUR P I N K Y FA R A A R

031


A

ACTUALITÉ

#

metoo

LE MOUVEMENT ENFIN ENCLENCHÉ À BOLLYWOOD MOTS PAR FATIMA-ZAHRA EL AH MAR

Le 5 octobre dernier, le monde célébrait un anniversaire particulier. La première année du mouvement #MeToo, enclenché à Hollywood. Impossible d’être passé à côté. Fan ou non du cinéma ou de son milieu, c’est un mouvement qui a eu plusieurs variantes selon le pays. En France, c’est le hashtag #BalanceTonPorc qui circulait, avec le même but : dénoncer les cas de harcèlements sexuels subis par les femmes, notamment dans le milieu professionnel.

Tout a commencé avec un article publié dans le New York Times, sur l’un des producteurs hollywoodiens les plus puissants de tous les temps. Au fil des décennies, Harvey Weinstein a usé de sa position pour harceler ou violer des femmes entre les murs de ses chambres d’hôtel puis il a utilisé ensuite son argent pour acheter leur silence. Une mascarade qui s’est 032

répétée à plusieurs reprises, avec diverses dames. Actrices célèbres ou rêvant de l’être, simples employées, ses assistantes du moment ou des femmes participant de près ou de loin à ses grosses productions. Aucune n’était épargnée par ses comportements déplacés et par son usage de force. L’article détaillé a enclenché un débat global sur le harcèlement sexuel presque omniprésent dans le quotidien des femmes du monde entier. C’était l’exposition de ce que beaucoup de gens savaient déjà, sans preuve concrète : la promotion canapé est une routine. A Hollywood, dans le monde politique, et si l’on y réfléchit bien, dans plusieurs domaines professionnels.

La discussion a fracturé la toile et le monde en trois camps. D’un côté, les défenseurs manifestes du message porté. D’un second côté, les gens qui refusent d’y croire, malgré les faits et les preuves. Enfin, d’un troisième côté, les individus agacés qui jugent que c’est l’hôpital qui se fout de la charité. L’argument principal de ces derniers : « si elle était aussi


digne qu’elle ne le prétend, pourquoi a-t-elle accepté l’argent pour vendre son honneur ? ». Mais l’affaire Weinstein

n’est ni le début, ni la fin de la bataille. Cette histoire était précédée par l’affaire Bill Cosby, qui a été suivie de plusieurs autres plaintes du genre. Des personnalités populaires masculines voyaient leur carrière et leur réputation réduites à néant, même si pour l’heure, aucun d’entre eux n’a été jugé. Mais au moins, les choses commençaient à changer. Au-delà des cas de fausses accusations, au-delà des cas de règlements de comptes, les choses avançaient vers une acceptation commune de l’évidence : les personnes de pouvoir n’hésitent pas à en abuser, pour arriver à leurs fins.

Dans ce chaos médiatique sans précédent, l’Inde semblait moins touchée.

Pourtant, les rumeurs de ce genre, ce n’est pas ce qui manque. Ce fut même un thème récurrent dans plusieurs films : comme le producteur qui glisse des remarques salaces à la jeune fille qui rêve d’être une star. Mais ce n’est que maintenant que Bollywood (et l’Inde en général) démarre enfin son propre mouvement #MeToo. Si les accusations d’harcèlement sexuel ne sont pas un fait nouveau, leur impact sur le public prend de plus en plus d’ampleur aujourd’hui. Les allégations de l’actrice Tanushree Dutta contre Nana Patekar datent de plusieurs années. En 2008, l’ex-candidate pour le titre de Miss Univers avait raconté que son partenaire dans la comédie Horn Ok Pleassss agissait de manière très déplacée à son égard. A cette époque, elle n’a pas déposé de plainte officielle et rien n’a été fait contre Nana. >

RAKH I SAWANT A R EMPLACÉ TANUSH R EE DUTTA AU PIED LEVÉ PO UR L’ITEM SO NG DU F ILM H O R N ‘ O K’ PLEASSSS.

033


Aujourd’hui, vu l’ampleur phénoménale de #MeToo, Tanushree a vu une occasion de revenir sur cette histoire. Son but étant de prouver que les hommes les plus respectés avaient tout autant de possibilités de se montrer violents. Cette fois-ci, avec le soutien des uns et le mépris des autres, l’ancienne comédienne a déposé sa plainte. Ce qu’elle raconte, c’est que durant le tournage du métrage précité, Nana Patekar se permettait de l’attoucher, en utilisant le prétexte de vouloir lui apprendre à danser. Il est même allé jusqu’à demander au réalisateur de l’inclure dans une chanson, alors qu’il n’était pas censé en faire partie au départ. La police a affirmé qu’une enquête aura lieu pour desceller le vrai du faux. La liste des accusés inclut également le chorégraphe Ganesh Acharya, le réalisateur Rakesh Sarang et le producteur Samee Siddiqui, pour avoir encouragé les actions obscènes de l’acteur. Avec plusieurs célébrités qui ont montré leur soutien à Tanushree, cela a encouragé des affaires du même genre à resurgir, ou à être dévoilées pour la première fois. L’une des personnalités concernées par certaines de ces accusations compromettantes est Vikas Bahl, réalisateur du succès Queen mais également partenaire d’Anurag Kashyap et Vikramaditya Motwane au sein de la maison de production Phantom.

Résultat : Phantom a été dissocié, et Anurag a annoncé officiellement ne plus vouloir travailler avec Vikas. Le réalisateur de renommée en a également profité pour réitérer son soutien à la victime. L’impact de l’affaire commence d’ores et déjà 034

à se sentir sur la carrière de Vikas, qui sera exclu également du projet de Kabir Khan avec Ranveer Singh à l’affiche.

Dans le cas du réalisateur, les choses s’annoncent particulièrement délicates. Selon les sources, plusieurs personnalités étaient au courant de ses agissements. Dans une interview pour The Indian Express, Imran Khan a affirmé que trois différentes actrices lui ont déjà parlé du comportement de Vikas Bahl. Pourtant, l’acteur a préféré garder l’identité des trois victimes pour lui. Au moment où j’écris ces mots, quatre femmes ont déjà accusé le réalisateur. Le bilan risque d’être de plus en plus lourd.

Arjun Kapoor a rejoint Imran, en assurant à son tour que les attitudes inappropriées de Bahl ne sont pas un secret. En effet, à Bollywood, d’autres personnalités le savent depuis un moment. « C’est

comme quand tu te fais cambrioler. Ton voisin ne peut pas porter plainte à ta place. », a-t-il expliqué. Le jeune acteur reste néanmoins positif quant à l’effet que le #MeToo aura sur l’industrie, en ajoutant : « Les personnes impliquées dans des

cas pareils ne pourront plus faire ce que bon leur semble. L’environnement sera différent, maintenant. Nous devons arrêter de parler et écouter. Se trouver des excuses, c’est stupide. Nous devons faire une introspection de l’industrie et de la profession. Nous devons trouver des solutions pour assurer davantage la sécurité des femmes, » a encouragé Arjun dans une entrevue avec NDTV. >


KANGANA RANAUT ET VIKAS BAH L LO R S DE LA PR O MOTIO N DU F ILM QUEEN EN 2 014

035


Alok Nath est un autre acteur accusé de viol et de harcèlement. Connu le plus souvent pour ses rôles de père affectif dans des séries télévisées et productions indiennes, il serait, selon les dires, un alcoolique qui ne montre aucun respect pour les autres. Il fait actuellement face à plusieurs plaintes, mais la plus accablante vient de Vinta Nanda. Scénariste et réalisatrice, elle dit qu’Alok Nath l’a violée il y a de cela 20 ans, alors qu’ils collaboraient ensemble sur la série Tara. L’acteur fera bientôt face à la justice pour cette affaire.

Et tout ne s’arrête pas là. Car même les stars les moins connus commettent ces délits. Utsav Chakraborty, ancien comédien de la bande AIB! en est un exemple. Il a, lui aussi, harcelé sexuellement une jeune femme. Le groupe a décidé de réagir immédiatement en soutien à la victime. Dans un extrait de leur message officiel sur le sujet, « Nous sommes désolés si

nous avons contribué de près ou de loin à de tels comportements. Si ces accusations se transforment en une investigation, l’équipe AIB coopérera entièrement dans le processus. En attendant, nous allons retirer toutes les vidéos dans lesquelles Utsav apparaît. ». Utsav a également utilisé

son compte Twitter pour aborder le sujet. «

Pour être honnête, j’ai agi comme une pourriture. Je n’ai pas d’excuse, » a-t-il

dit.

Avec ce mouvement, de plus en plus de femmes trouvent enfin le courage de dénoncer ce qu’elles ont vécu. Les personnalités bollywoodiennes semblent enfin prêtes à admettre l’existence de 036

ALO K NATH DANS LE F ILM VIVAH

ce côté sombre de l’industrie. Beaucoup d’ailleurs essayent d’agir dans un sens positif, pour protéger la gente féminine. Aamir Khan et son épouse Kiran Rao viennent d’annoncer qu’ils se retiraient de la production d’un métrage qui devait être réalisé par Subhash Kapoor, un autre réalisateur accusé d’harcèlement sexuel. L’acteur Emraan Hashmi, qui a récemment lancé sa propre maison de production, a décidé d’inclure des clauses contre le harcèlement sexuel dans ses futurs contrats. « Le harcèlement

sexuel ne peut pas, et ne doit plus être toléré. Il faut mettre en place les grandes lignes. A EHF (Emraan Hashmi Films, ndlr), nous avons décidé d’inclure des clauses dans nos contrats, où tout comportement de ce genre sera considéré comme une violation juridique. Ce n’est qu’un petit pas, mais nous devons bien commencer quelque part. », a-t-il dit via son compte Twitter officiel.


La mobilisation des célébrités indiennes et le soutien qu’elles apportent aux victimes sont à saluer. Si la situation doit s’améliorer, c’est grâce à la solidarité de tous. Dans les faits récents, Akshay Kumar a rejoint le rang des défenseurs en quittant le film Housefull 4. « Je ne travaillerai

avec aucun agresseur, et tous ceux qui ont subi un harcèlement doivent être écoutés pour que justice leur soit rendue, » peut-on lire dans son annonce.

Via son blog personnel, le mannequin Saloni Chopra a détaillé tout ce que Sajid Khan lui a fait subir. Selon ses propos, tout s’est déroulé durant les quelques mois où elle a travaillé comme assistante du réalisateur. Entre autres, ce dernier se permettait de l’appeler à des heures tardives pour lui poser des questions sur sa tenue. Bouleversée, Saloni s’étale sur les détails de plusieurs mois de torture émotionnelle et psychologique. Elle n’est d’ailleurs pas la seule femme à l’accuser. L’actrice Rachel White qui a failli apparaître dans Humshakals est un autre exemple. Le réalisateur lui aurait demandé de lui faire un strip-tease, et n’accepterait de lui accorder le rôle que si elle arrivait à le séduire. En attendant que les enquêtes suivent leur cours pour démontrer la vérité, Farah Khan n’a pas hésité à s’exprimer sur le sujet via son compte Twitter. « C’est un

moment douloureux pour ma famille. Nous devons résoudre des problèmes très difficiles. Si mon frère a vraiment agi de cette manière, il a beaucoup de torts à réparer. Je n’encourage absolument pas ce comportement et j’affirme ma solidarité avec les femmes qu’il a blessées, » a-t-elle dit.

De son côté, Sajid Khan a annoncé officiellement son retrait de Housefull 4. « Au

vu des allégations faites contre moi et de la pression subie par ma famille, mon producteur et les acteurs de mon

film Housefull 4, je me retire de mon poste de réalisateur. Je demande à mes amis dans les médias de n’émettre aucun jugement avant que la vérité ne soit prouvée. »

Un an après l’enclenchement du mouvement #MeToo, Bollywood a encore du temps avant que ce phénomène n’atteigne ses sommets. La liste des noms s’agrandit de jour en jour, et inclue graduellement toute une sphère : chanteurs, réalisateurs, producteurs et acteurs. Rajat Kapoor, Kailash Kher, Anu Malik, Abhijeet Bhattacharya, Varun Grover, pour n’en citer que quelques-uns. Il faut un début à tout et les affaires ne feront que se multiplier à l’avenir, grâce aux médias. Mais surtout, grâce aux témoignages encourageants de celles qui ont su montrer l’exemple. Reste à voir la conclusion finale, et ce que le monde du travail en général retiendra de toutes ces révélations.

L’important avant tout est d’apprendre à mieux s’écouter. De ne pas dénigrer la potentielle victime en la traitant de tous les noms. De toujours donner du crédit à celles et ceux qui dénoncent et leur ouvrir la voie pour que la parole se libère enfin. Quand les échos sont plus bruyants que la voix en elle-même, impossible d’avoir un jugement constructif de la situation.

037


F

FILM VS LIVRE

Cal l i ng S ehm at

CALLING SEHMAT VS RAAZI M OT S PA R E LO D I E H A M IDOVIC

Les films racontent une histoire, tout comme les livres. Cela n’a rien de nouveau, que ce soit en Inde ou dans n’importe quelle autre industrie cinématographique, beaucoup de scripts sont basés sur des récits déjà écrits par des auteurs littéraires. Mais que se passe-t-il quand ces histoires se transforment visuellement ? Comment l’adaptation se faitelle ? Où les cinéastes ont-ils échoué ou, au contraire, réussi leur pari ?

B O L LY & C O A D É C I D É D E SE PENCHER SUR CES PROJETS OFFICIELLEMENT INSPIRÉS D’OUVRAGES... 038

Ecrit par Harinder S. Sikka en 2008. En 1971, alors que ses études sont sur le point de se terminer à Delhi, Sehmat est appelée d’urgence à rentrer chez elle, au Cachemire. Sa mère lui annonce alors que son père a un cancer et qu’il souhaite qu’elle le remplace dans le cadre de son travail d’espionnage au Pakistan. Le but : ne pas perdre tout ce qu’il avait déjà accompli. La jeune fille doit alors tout abandonner (sa mère, ses études et son grand amour) pour servir son pays…

Raaz i Réalisé par Meghna Gulzar en 2018. En 1971, Hidayat Khan (Rajit Kapur), espion indien implanté de longue date entre le Cachemire et le Pakistan, se découvre un cancer incurable. Sentant que le pays ennemi prépare un grand projet contre l’Inde, il tente de convaincre sa fille Sehmat (Alia Bhatt) de reprendre son travail et de devenir une espionne, en la mariant à Iqbal Syed (Vicky Kaushal), fils d’un important militaire pakistanais…

AT T E N T I O N ! C E T E C R I T CONTIENT DES SPOILERS !


L’ hi s to i re gé n é ra l e . La ligne conductrice des deux œuvres est la même. Une jeune fille, douce et appréciée, étudiante et rêveuse, se retrouve (de son plein gré) dans un pays ennemi avec lequel la guerre ne saurait tarder. Elle se sacrifie entièrement au nom de sa terre natale, faisant bien plus qu’aucun homme n’aurait pu accomplir à sa place. Cette espionne a bien existé puisque l’auteur Harinder Sikka a rencontré sa fille. Il s’est inspiré de faits réels pour raconter une histoire qui devait, selon lui, être entendue. Car Sehmat, en plus d’avoir tout donné, a contribué à la protection de l’Inde sans jamais demander quoi que ce soit en retour.

En toute honnêteté, j’ai un peu de mal à comprendre les raisons pour lesquelles les critiques ont encensé Raazi. En dehors de certaines scènes, parfaitement menées par la jeune Alia Bhatt ou par un Vicky Kaushal très sincère, l’histoire dans le métrage part dans tous les sens. Meghna Gulzar est tombée dans le mélodrame en restant hélas focalisée sur son personnage principal et en négligeant le contexte de son évolution. En plus d’une réalisation qui part au quart de tour dès les premières minutes, Raazi perd en profondeur et en compréhension au fur et à mesure que le temps passe. C’est dommage, car tout ce qu’on ressent, c’est que la réalisatrice est allée vite dans la construction du film, voulant absolument proposer un métrage « womancentric » innovant.

Et c’est vrai que jusqu’ici, dans les films patriotiques indiens sur l’espionnage, il n’y avait jamais eu de femme travaillant seule.

Et je précise bien « seule », car si elle a un mentor, elle est vraiment livrée à elle-même. En soi, oui, Raazi apporte quelque chose de nouveau sur la table et son succès permettra sans doute à d’autres producteurs d’investir dans des films portés par les femmes.

Finalement, nous avons l’impression que Meghna Gulzar et Bhavani Iyer ont trouvé le livre, en ont détruit la moitié pour en réécrire les blancs à la va-vite. On se retrouve alors devant un film qui manque de consistance et qui, parfois, manque de crédibilité. Surtout, Raazi manque de rythme. Dans le livre, il y a trois parties clairement évidentes. La première, centrée sur Sehmat, sa famille et sa vie étudiante. La deuxième lorsque Sehmat se retrouve mariée et qu’elle démarre sa nouvelle vie au Pakistan. La troisième lors de son retour en Inde… Pour Raazi, la première partie est rétrécie à une demi-heure pour mieux se focaliser sur la deuxième qui ne se déroule que sur quelques mois alors qu’en réalité, Sehmat passe plus de deux ans de sa vie au Pakistan ! Quant à la troisième, elle ne dure pas plus de quelques minutes…

F O R C É M E N T, E N L I S A N T L E L I V R E , J ’A I F I N A L E M E N T C O M P R I S C E Q U I M ’AVA I T LE PLUS ENNUYÉ DANS RAAZI : IL MANQUE DES CHOSES. Ce « je ne sais quoi » qui aurait pu me faire entrer dans l’histoire complètement se trouvait (évidemment) dans le livre… > 039


Les pe r s o nn a g e s . 1.Sehmat J’ai découvert deux Sehmat différentes. Deux identités qui s’opposaient parfois. Même physiquement. Je comprends très bien le choix d’Alia Bhatt qui colle parfaitement à la vision de la réalisatrice. Parce que la Sehmat de Raazi est innocente avant tout. Elle ne dégage que gentillesse et naïveté. Elle se montre prête à s’engager, sans vraiment réaliser l’ampleur de sa décision. Et Sehmat pleure beaucoup ! Et parfois, on se demande pourquoi sans avoir de réponse concrète.Elle n’était clairement pas à sa place et, au bout du compte, on en vient à vraiment questionner ses motivations et ses capacités. En fait, ce qui manquait à Raazi était justement de mieux définir Sehmat dès le départ, ses passions et ses convictions. Ce n’est pas en trois scènes qu’on peut la comprendre ou l’apprécier, même avec la bouille adorable d’Alia Bhatt. Ce n’est pas si simple. Dans Calling Sehmat, on découvre une étudiante très appréciée, un peu jalousée par sa copine de chambre. Elle a grandi avec un père musulman et une mère hindoue, ayant toujours vue une tolérance parfaite entre les deux religions. Ils ne lui ont jamais rien imposée et elle a dû apprendre par elle-même. Et la religion est un sujet très important dans le livre ! Surtout, Sehmat est une danseuse dédiée, qui lorsqu’elle se blesse sur scène, continue sa prestation sans jamais s’arrêter. Quand elle veut quelque chose, elle fait ce qu’il faut pour l’obtenir. Aussi, à l’université, elle rencontre Abhinav. Fou amoureux d’elle depuis des années, il lui écrit des poèmes tendres et elle se laisse aller à un premier amour véritable qu’elle espère être aussi beau que celui de ses parents. Un premier amour qu’elle doit, 040

finalement, abandonner pour aller au Pakistan. Enfin, Sehmat comprend le travail de son père. Elle comprend son amour pour l’Inde et le rôle qu’il joue. C’est bien pour ça qu’elle accepte, qu’elle se lance la tête la première dans cette nouvelle vie et qu’elle y excelle ! Sehmat est manipulatrice, très intelligente et parvient toujours à trouver des ruses pour obtenir les informations dont elle a besoin. Elle est tellement forte que c’est à nous en glacer le sang ! Sous ses sourires bien placés et sa beauté impériale, Sehmat est l’espionne parfaite.

Car oui, Sehmat est décrite comme une beauté forte du Cachemire. Peau blanche, cheveux noirs et yeux bleus. Clairement pas Alia Bhatt, dont la Sehmat se découvre à travers ses missions, parfois hésitante, parfois confuse dans ce qu’elle doit accomplir. Une prise de risque qui aurait été beaucoup plus intéressante si elle avait été mieux racontée.

2.Iqbal Syed et sa famille Tout d’abord, il faut noter que Vicky Kaushal est divin même dans un rôle limité. Cependant, comme il n’y avait pas Abhi dans le film, c’est lui qui devient l’intérêt amoureux de Sehmat. Pourquoi pas ! Iqbal est décrit comme respectueux et absolument dépendant de Sehmat. Il a été séduit et l’aime sincèrement au point, à la fin du livre, d’être tellement déboussolé lorsqu’il découvre la vérité, qu’il en vient à vouloir l’aider plutôt qu’à vouloir l’arrêter… Et si vous avez vu Raazi, vous avez sans doute remarqué qu’à la fin, c’est plutôt l’inverse qui se passe.


Sachez aussi que la famille dans laquelle Sehmat se retrouve est une famille très respectée et très ouverte ! Les femmes de la famille sont libres de donner leur avis, de prendre les choses en main. Ce n’est pas ce qui a été repris dans le film… Plus encore, le père de Sehmat et le père d’Iqbal sont allés à l’école ensemble. Ce mariage, c’était aussi un moyen pour celui-ci de récupérer l’entreprise d’Hidayat désormais gérée par Sehmat (et oui, il fallait bien qu’il y gagne quelque chose) ! Sehmat travaille donc. D’une part, elle gère le business de liqueur de son père, mais elle trouve aussi une place d’enseignante de musique. Elle est indépendante !

Et surtout, elle contribue à aider son beaupère, son beau-frère et son mari à monter en grade pour être au plus proche des informations ! Un génie. Elle se fait une place centrale dans cette famille qu’elle apprécie sincèrement. Ce qui rend forcément la tâche plus compliquée lorsqu’elle doit être extrême pour ne pas se faire attraper… Car Sehmat n’hésite pas.

3. Les autres Les personnages secondaires comme Khalid Mir (Jaideep Ahlawat), le mentor de Sehmat ou encore le père de celle-ci à savoir Hidayat Khan (Rajit Kapur), sont très bons dans leurs rôles et sont assez bien représentés dans le film par rapport au livre. Mir devient le second > 041


père de l’héroïne et ira jusqu’à la rejoindre au Pakistan par crainte de la perdre.

La mère de Sehmat, cependant, a été effacée dans Raazi, là où elle jouait un rôle important dans le travail de son mari et dans celui de sa fille dans l’ouvrage. Enfin, Abhinav n’existe pas dans Raazi et pourtant, il aurait mérité d’y figurer. Ce sont ses poèmes qui remontent le moral à Sehmat le soir. C’est son souvenir qui lui donne de l’espoir. Il est aussi celui qui la retrouvera à son retour, qui prendra même en charge le fils que Sehmat refusera de voir pendant des années, qui attendra et qui jamais ne remettra en question ses actes. Il l’aime de ce grand amour qui dépasse tous les conflits.

L’am bi ance g l o b a l e C A L L I N G S E H M AT E S T U LT R A P R É C I S . L’auteur, un ancien militaire, n’a pas hésité à donner tout ce qu’il pouvait quitte à rendre certains chapitres très lourds ! Je vous avoue que parfois, il m’a perdue, mais je trouvais très intéressant de savoir comment chaque information récoltée par Sehmat a eu de l’impact en Inde. Raazi s’est concentré sur le côté « compte à rebours » afin d’insuffler un certain suspense à son histoire. Sehmat n’avait que quelques mois pour découvrir ce qu’il se passait, d’où ses erreurs de débutante. En soit, la deuxième partie du film est très proche de celle du bouquin dans ses actions, ce qui captive le spectateur. Comme le personnage principal, on se rend compte de tout ce qui doit être fait pour simplement récolter une date ou une heure, et ce n’est pas facile. 042

Aussi, j’ai particulièrement été émue par la scène durant laquelle Sehmat retrouve Mir avant son retour en Inde, réalisant que c’est enfin fini, mais qu’elle a perdu beaucoup. Alia délivrait un cri du cœur. J’aurais aimé qu’ils aillent plus loin, qu’ils montrent sa dépression et la culpabilité qui la rongeaient pendant des années. Ses larmes de joie lors de son retour, la façon dont elle s’est installée dans l’ancienne village d’Abdul, sa première victime ou encore la manière dont elle est revenue à elle-même simplement en écoutant les hymnes d’un homme dans la rue…


une «femme à la maison qui fait le ménage partout»... Mais puisque c’est dans la chambre d’Abdul, qui est soupçonné d’espionnage, c’est forcément que Sehmat est la vraie espionne ! J’ai ri !

VOILÀ LE GENRE D E D É TA I L Q U I M E DONNE VRAIMENT L’ I M P R E S S I O N Q U ’A U N I V E A U D E L’ H I S T O I R E , LES SCÉNARISTES ONT V R A I M E N T FA I T Ç A À L’A R R A C H E A L O R S Q U ’ E L L E S AVA I E N T TO U T SOUS LA MAIN POUR F O U R N I R U N R É S U LT A T PLUS ÉTOFFÉ...

Pourtant, Raazi se regarde.

La n ote d’a d a pt at i on 2/5 Raazi est plat. Dans sa narration, il ne délivre pas assez pour que le spectateur soit réellement ému. Certaines prises de position sont intéressantes, mais finalement négligées.

Une fois commencé, malgré un léger ennui, la curiosité prend le dessus (mais je ne vous garantis pas que vous tiendrez jusqu’au bout ! Ça, c’est à vous de tester et de venir me contredire !). Les défauts visibles sont mis de côté pour comprendre ce qu’on essaye de nous raconter : le cheminement d’une âme pure prête à se tâcher pour la sécurité de sa patrie.

Et vous, qu’auriez vous fait à sa place ?

Le casting est très bon, mais l’histoire aurait mérité un travail plus approfondi encore.

Et vous ? Qu’avez-vous pensé de Raazi ?Donneznous votre avis sur :

Non, parce que bon, Iqbal qui trouve une perle du bracelet de cheville de Sehmat dans la chambre d’Abdul, alors que c’est

bollyandcomagazine@gmail.com

043


P

PLAYLIST

AMBIANCE WEDDING MOTS PAR FATIMA-ZA H RA EL AH MAR

Le mariage. L’occasion idéale de vous prendre pour un héros (ou une héroïne) de cinéma indien ! Vous voulez dégainer le saree ou le salwar kameez pour les épousailles de vos amis, ou même pour les vôtre ? Mais vous ne savez pas sur quelle musique vous pourriez danser ? On vous propose une rétrospective des meilleurs sons sur la thématique du mariage sur les 23 dernières années à Bollywood. De quoi vous déhancher à n’en plus finir... 044


1995

Mehndi Laga Ke Rakhna

(Dilwale Dulhania Le Jayenge)

En plus d’être l’un des films indiens les plus connus dans le monde, Dilwale Dulhania Le Jayenge a également la particularité d’avoir de belles compositions qui font vibrer les cœurs comme elles donnent l’envie de danser. «Mehndi Laga Ke Rakhna», avec les voix de Lata Mangeshkar et Udit Narayan, s’inscrit comme l’une des chansons incontournables pour animer un mariage, à l’indienne, bien sûr. La composition est signée Jatin-Lalit et Udit a d’ailleurs obtenu le Filmfare Award du Meilleur Chanteur pour ce titre.

1996

Aaye Ho Meri Zindagi Mein (Raja Hindustani)

«Aaye Ho Meri Zindagi Mein» n’est pas votre chanson de mariage classique. Pourtant, sa douce atmosphère est un ajout agréable à votre playlist. Elle existe en deux versions. La version masculine avec la voix d’Udit Narayan et la féminine avec celle d’Alka Yagnik. La chanson est composée par le duo Nadeem-Shravan.

1998

Saajanji Ghar Aaye (Kuch Kuch Hota Hai)

1997

Ghunghte Mein Chanda Hai

(Koyla)

La stupidité du clip mis à part, le côté fun de la chanson a toujours su me divertir. Avec une fois de plus la voix du magistral Udit Narayan, dans cette mélodie composée par Rajesh Roshan.

1999

Qui n’a pas eu un coup de cœur pour Salman Khan à cette époque-là ? Plus encore, qui n’a jamais écouté cette chanson au moins une fois dans sa vie ? Probablement personne. «Saajanji Ghar Aaye» est une des chansons les plus mythiques du registre « wedding mood » (ambiance de mariage en français). Consommez sans modération cette composition de Jatin-Lalit avec les voix de Kumar Sanu, Alka Yagnik et Kavita Krishnamoorthy.

Sajan Sajan Teri Dulhan

(Aarzoo)

Voix incontournable des années 1990 à Bollywood, Alka Yagnik a prêté ses talents à d’innombrables chansons. Les ballades romantiques en compagnie d’Udit Narayan ou de Sonu Nigam sont sa spécialité. «Sajan Sajan Teri Dulhan» est une très belle chanson, représentative de l’amour et du mariage, sans pour autant être l’une des plus rythmées. Elle est composée par Anu Malik.

2000

Bumbro Bumbro (Mission Kashmir)

Populaire pour sa simplicité et ses racines kashmiris, «Bumbro Bumbro» mérite d’être jouée durant votre mariage au moins une fois pour ces mêmes raisons. Les voix de Shankar Mahadevan, Jaspinder Narula et Sunidhi Chauhan font bon ménage dans cette composition de Shankar-Ehsaan-Loy. 045


2001

No. 1 Punjabi

(Chori Chori Chupke Chupke)

2002

Mere Yaar Ki Shaadi Hai (Mere Yaar Ki Shaadi Hai)

En plus d’être un son aux influences punjabi évidentes, «No. 1 Punjabi» est également une des meilleures chansons de mariage de Bollywood. Anu Malik a délivré sa magie, en compagnie des belles voix de Sonu Nigam et Jaspinder Narula.

2003

Mehndi Mehndi

(Chori Chori)

Je ne vous cache pas que le choix initial pour l’année 2003 était l’iconique «Maahi Ve» du film Kal Ho Na Ho. Pourtant, ce titre de Chori Chori vaut bien le détour. Autant pour son ambiance que pour son clip joyeux et festif. Il est composé par Sajid-Wajid et interprété par Alka Yagnik.

2005

Dhinak Dhinak Dha

(Parineeta)

Le métrage d’où provient la chanson porte bien son nom. Version plus joyeuse de Devdas, Parineeta a sa part de belles musiques, notamment «Dhinak Dhinak Dha» et son influence «mariage en famille». Rita Ganguly, qui interprète la grand-mère dans le métrage, prête également sa voix à la chanson. Une composition de Shantanu Moitra.

046

Un classique dans le registre des mariages. Autant dans le fond que dans la forme. «Mere Yaar Ki Shaadi Hai», du film qui porte le même titre, est un must have dans votre playlist parce qu’elle a tout ce qu’il faut pour représenter le mariage indien : la musique, la chorégraphie, l’esprit familial ainsi que le passage de la triste mariée qui se sépare de son enfance. Avec les voix d’Udit Narayan, Sonu Nigam et Alka Yagnik sur une composition de Jeet et Pritam.

2004

Balle Balle

(Coup de Foudre à Bollywood) D’accord. Nous savons tous que Coup de Foudre à Bollywood n’est pas un film indien à proprement parler. Mais «Balle Balle» est une représentation parfaite des festivités des fiançailles comme du mariage. Chanté par Sonu Nigam et Gayatri Iyer, le titre musical porte également la signature d’Anu Malik.

2006

Tenu Leke

(Salaam-E-Ishq) Les histoires présentées dans le film Salaam-E-Ishq ont un point en commun. Celui de représenter les relations entre hommes et femmes. Mariés depuis longtemps, sur le point de se marier ou qui viennent de se rencontrer. «Tenu Leke» est un bel exemple à retenir pour votre playlist sur le thème du mariage. Une composition du trio Shankar-Ehsaan-Loy, avec les voix de Sonu Nigam et Mahalaxmi Iyer.


SAIF AL I K HAN E T RITA GANGULY DANS L E FIL M PA R INEETA

047


RANB IR K AP OO R DANS BAC HNA AE H ASEENO

048


2007

Mast Kalandar

(Heyy Babyy)

2008

Jogi Mahi

(Bachna Ae Haseeno) L’expression «Mast Kalandar» est très souvent utilisée dans les dialogues des films et les paroles des chansons indiennes. Ce sont deux termes associés au divertissement et à l’amusement immense, chose que semble représenter le titre musical de Heyy Babyy. Il a tout : l’ambiance déjantée, le bon rythme et un superbe passage pour l’entrée du marié. C’est signé Shankar-Ehsaan-Loy, avec les voix de Shankar Mahadevan, Master Saleem et Rehan Khan.

2009

Om Mangalam

(Kambakkht Ishq)

Vous voulez surprendre tout le monde en introduisant une chanson qui représente l’inverse même du message romantique de l’union ? «Om Mangalam» de Kambakkht Ishq est faite pour ça. Nul besoin de vous en dire plus car si vous ne la connaissez pas déjà, allez tout de suite la découvrir. La musique de cette chanson est composée et chantée par le groupe punjabi RDB en compagnie de Nindy Kaur.

2011

Meri Ada Bhi (Ready)

Si vous avez comme idée de créer votre propre chorégraphie de couple, «Meri Ada Bhi» peut être un bon choix. Laissez votre imagination parler pour vous, avec ce titre musical de Pritam. D’ailleurs, la voix de Rahat Fateh Ali Khan qui ne s’aventure pas souvent dans ce registre, colle à merveille à celle de Tulsi Kumar !

Parce que durant un mariage, c’est toute la famille qui doit y mettre du sien et enflammer la piste de danse, «Jogi Mahi» est un ajout primordial à votre playlist. Certes, la petite connotation triste n’est pas à manquer, mais elle n’entache en rien le rendu final du titre. Chantée par Sukhwinder Singh, Shekhar Ravjiani et Himani Kapoor, la chanson est une composition magistrale de Vishal-Shekhar.

2010

Dulha Mil Gaya (Dulha Mil Gaya)

Initialement prévu pour le début des années 2000, Dulha Mil Gaya est sorti avec beaucoup de retard. Son album vaut tout de même le détour, y compris sa chanson titre. «Dulha Mil Gaya» mettra du rythme dans votre playlist spéciale mariage à l’indienne. La chanson s’appuie sur la voix de l’indétrônable Daler Mehndi, et est composée par Lalit Pandit du duo Jatin-Lalit.

2012

Navrai Majhi (English Vinglish)

En 2012, le compositeur Amit Tridevi a enchaîné les succès musicaux. De son travail sur la bande-son de English Vinglish, je retiens particulièrement «Navrai Majhi». Non seulement parce que c’est la seule séquence durant laquelle on peut admirer la merveilleuse Sridevi en train de danser, mais également pour la simplicité féminine du titre. C’est une célébration joviale, avec la belle voix de Sunidhi Chauhan, accompagnée également par Swanand Kirkire. 049


2013

Tooh

(Gori Teri Pyaar Mein) Si vous n’avez toujours pas trouvé le point commun des chansons de cette playlist, laissez «Tooh» de Gori Teri Pyaar Mein vous le dire : l’ambiance punjabi par excellence. Non seulement idéale pour vos exercices de zumba, la chanson ne manquera pas de faire régner une atmosphère de fête et de danse. Mika Singh et Mamta Sharma interprètent en duo cette composition de Vishal-Shekhar.

2015

Ishq Da Panga

(Wedding Pullav)

Avec un tel titre de film, impossible de ne pas avoir une chanson spéciale mariage dans la bande-son. Si le métrage en luimême est oubliable, «Ishq Da Panga» reste tout de même en tête un bon moment. Une autre chanson rythmée pour votre playlist de mariage. Une musique de Salim-Sulaiman, chantée par Shalmali Kholgade et Vipul Mehta.

2014

Tauba Main Vyaah Karke Pachhtaya (Shaadi Ke Side/Effects)

Le mélange comique avec le thème du mariage est ce qui fait de «Tauba Main Vyaah Karke Pacchtaya» un incontournable dans votre playlist. Les jeunes couples s’opposeront peut-être au message de la chanson, mais il est certain que les plus âgés sauront apprécier l’humour des paroles. Shahid Mallya nous délivre une chanson déjantée, en compagnie de Poorvi Koutish pour la voix féminine. La mélodie est composée par Pritam.

2016

Gabru Ready To Mingle Hai (Happy Bhag Jayegi)

Si l’héroïne de Happy Bhag Jayegi n’est pas prête à se marier, nous sommes prêts à nous ambiancer durant un mariage sur le rythme de «Gabru Ready To Mingle Hai». Avec son punch habituel, Mika Singh ne manque pas une nouvelle occasion de prêter sa voix à une chanson qui donne envie de bouger, en compagnie de Neeti Mohan. La composition est signée Sohail Sen.

2017

Whats Up

(Phillauri) Aujourd’hui, nous sommes loin des chansons de mariage ou de fiançailles qui durent 7 minutes. Pourtant, la musique indienne de ce registre garde toujours sa capacité à faire tapoter les pieds de ceux qui l’écoutent. «Whats Up» de Phillauri, avec les voix de Mika Singh et Jasleen Royal vient conclure cette playlist. Avec toujours une influence punjabi et un beat signé Shashwat Sachdev et Jasleen Royal.

050


K ARE E NA K AP OO R KH AN DANS G ORI TE RE PYAAR MEIN

051


T H U G S O F H I N D O STA N, AU C INÉ MA L E 8 NOV E MBR E . U N E S ORTIE AANNA FIL MS .

B O L LY C I N É FRANCE BOLLYCINÉ est une association nationale dont la mission depuis 2012 est de promouvoir, démocratiser et développer la diffusion des films indiens et plus spécifiquement Bollywood dans nos cinémas français par tous les moyens à sa disposition. Bollyciné, c'est 25 films soutenus sur le terrain, 35 équipes à travers la France et 30 cinémas partenaires. Depuis 2 ans, l'association est suivie par l'acteur indien Salman Khan et ses proches.

www.bollycine.fr


AB HAY DEOL

... ON THE COVER


A

ABHAY DEOL

Abhay, thank you for being you M OT S PA R AS M A E BE N MANS OUR P H OTO G RA P H I E : A BH AY DURANT L ES FICC I F RAM E 20 1 4 , É D I T É PA R B OL LY&CO

« Merci d’être toi. » Voilà la phrase complètement incongrue que j’ai sortie à Abhay Deol lorsque je me suis retrouvée en face de lui lors des IIFA Awards 2016, à Madrid. Véritable fan de l’acteur depuis 2010, j’étais soufflée de le voir en vrai, à tel point que j’en ai perdu mes mots et mon bagout habituel. Pendant longtemps, je me suis demandée pourquoi j’avais dit ça. Je ne suis pourtant pas du genre à me laisser démonter. En effet, le même soir, je tchatchais avec Ranveer Singh comme si nous avions élevé les cochons ensemble, je lançais des baisers lointains à Karan Singh Grover devant sa femme et je souhaitais un bon anniversaire dynamique à Aftab Shivdasani. Mais voilà, j’ai eu le souffle coupé face à Abhay, au point de baragouiner n’importe quoi. Et de susciter l’hilarité de l’un de mes acteurs favoris. Oui, car il a éclaté de rire. La honte totale. 054

Deux ans plus tard, me voilà face à ma feuille blanche. Abhay sera en Une de ce numéro. L’occasion pour la fan que je suis de revenir sur son parcours. Et la première chose qui m’interpelle, c’est l’anormalité des choix du comédien. Loin de se conformer au profil de l’indian lover ou à celui du héros omnipotent de masala, Abhay se distingue. « J’aspire à faire des films innovants. »

Mais j’ai aussi une revanche personnelle à prendre. Car non, Abhay. Je ne suis pas une groupie écervelée. J’ai suivi ton parcours avec beaucoup d’attention pendant toutes ces années. Mais lors des IIFA Awards, l’émotion a pris le dessus. Ce numéro, c’est l’occasion de vous faire comprendre ce que je lui trouve. D’accord, il a des fossettes adorables, un sourire à croquer et un regard magnétique. Je sais ! Mais mon admiration pour lui va bien au-delà de son apparence avantageuse.

Cela étant dit, n’allons pas trop vite… >



Ay e s h a Ta k i a e t A b h a y D e o l DANS L E FIL M SOC HA N A TH A (2 005)

056


Il fa u t d ’a bo rd p o s e r l e s base s . D’o ù v i e nt A b h ay Deol ? C o mm e nt e s t- i l deve nu ac te u r ? Abhay voit le jour le 15 mars 1976 à Mumbaï. Il grandit sous le même toit que ses cousins. Son oncle Dharmendra est sa figure paternelle de référence, tandis qu’il appelle son propre père «Tonton». A la maison, tout le monde l’appelle Dimpy. Il est encore loin de l’acteur militant qu’on connaît aujourd’hui. Abhay est le petit dernier, celui que Bobby martyrisait (parce que c’était plus facile de s’en prendre à lui) et que Sunny protégeait comme le grand frère qu’il était. Dans son discours, Abhay est très attaché à sa famille. On oublie presque qu’il s’agit d’une dynastie du cinéma. Les valeurs des Deol sont très simples, typiques des familles punjabi. Abhay grandit dans cet environnement empli de simplicité, qui influencera sans nul doute l’adulte comme l’interprète qu’il deviendra par la suite. Son père, Ajit Singh Deol, a joué dans quelques films punjabi sans réellement s’imposer. Son oncle Dharmendra, sa tante par alliance Hema Malini et ses cousins Sunny, Bobby et Esha Deol sont tous acteurs, certains avec plus de succès que d’autres.

MAIS LE CHOIX P R O F E S S I O N N E L D ’A B H AY NE S’EST PAS IMPOSÉ COMME UNE SUITE LOGIQUE. Il a au contraire découlé d’une longue réflexion. « Je ne suis pas devenu acteur

à cause de mes cousins. A l’école déjà, je faisais du théâtre. La comédie a toujours été une option que je gardais

dans un coin de ma tête, mais pas une vocation dont j’étais certain. A 18 ans, j’ai décidé de sauter le pas. Cela m’a pris 10 ans puisque je ne voulais pas abandonner mes études pour faire des films. Ce qui implique que je devais finir mon cursus, faire du théâtre, construire ma confiance en moi et comprendre le septième art avant même de tourner dans un film. » C’est le cadet de la fratrie, celui qui peut se permettre de briser les règles de cette famille quelque peu conservatrice à laquelle il appartient. Sunny Deol, son cousin, déclarera d’ailleurs que son statut de benjamin l’aidera à prendre son envol et à oser faire des choix que lui-même n’aurait pas envisagés au même âge. Abhay va donc étudier à l’étranger, chose alors impensable. Il finit par convaincre ses parents et part pour trois ans hors de l’Inde. Abhay fréquentera d’ailleurs une américaine pendant 5 ans avec laquelle il vivra en concubinage.

Tout dans sa vie annonce l’artiste qu’il s’apprête à devenir : anticonformiste et caractériel. Comme tous les enfants de star, Abhay peut compter sur son tonton Dharmendra pour payer son premier film. Oui, Dharamji est le producteur de Socha Na Tha, comédie romantique dans laquelle Abhay donne la réplique à la jeune Ayesha Takia. Et c’est avec ce métrage d’Imtiaz Ali qu’Abhay fera ses débuts devant la caméra. Je sais ce que vous vous dites : encore un ? Je pensais la même chose. Mais à l’époque déjà, Abhay cherche à exister par lui-même. A ne pas suivre le même sillage que sa famille, habituée aux films d’action bourrins. « J’ai dû me battre.

Quand j’ai commencé, les gens me demandaient ‘‘Pourquoi as-tu joué dans une romance ? Tu devrais >

057


plutôt faire un film d’action.’’ J’ai dû écrire mes propres rôles et réclamer les projets qui m’intéressaient. » Finalement, Socha Na Tha ne sortira pas comme prévu. Tourné en 2004, le projet ne sera proposé au public que plus d’un an après, avec pour conséquence de ne pas créer l’impact escompté pour lancer le jeune premier. Pourtant, avec ce film, Abhay se différencie déjà de ses cousins Bobby et Sunny. Il s’illustre en protagoniste imparfait, perdu et dépassé par ses sentiments. La photographie comme la mise en scène sont tout ce qu’il y a de minimaliste, sans fioriture ni excès.

Abhay donne alors le ton du reste de sa carrière avec cette romcom modeste et sincère. Et déjà, son jeu séduit. Avec Ahista Ahista, il est le héros d’une relecture intéressante des Nuits Blanches de Dostoïevski. Ce projet lui permet de retrouver Imtiaz Ali, qui signe le scénario et l’histoire de cette production. Abhay prend d’ailleurs beaucoup de plaisir à travailler avec Soha Ali Khan, une actrice avec laquelle il a deux points communs : une ascendance prestigieuse et un goût prononcé pour les œuvres indépendantes. Dans Ahista Ahista, Abhay est l’anti-Devdas. L’amoureux éprouvé qui refuse néanmoins de se consumer dans cet amour inassouvi. On le découvre dans un rôle plus ambigu, moins immature que celui qu’il tenait dans Socha Na Tha. En à peine deux films, la progression de son jeu d’acteur est admirable. L’occasion pour lui de faire comprendre à l’industrie que non, il ne se servira pas de son nom de famille pour faire carrière. « Pour mon premier

film, utiliser mon nom de famille était compréhensible mais avec le temps, les gens ont intégré qui j’étais. En

058

fait, ils appréciaient même mon individualité. Mais l’industrie ne pouvait pas utiliser cela pour se faire de l’argent. Elle peut investir sur une franchise, à savoir mon nom de famille. Mais à mesure que le temps passait, je m’éloignais de ce que ce nom de famille représentait. Je n’avais donc pas de valeur lucrative pour les producteurs. » Avec ses projets suivants, Abhay se montre en homme ordinaire, dans lequel tout un chacun est susceptible de se retrouver. « J’ai besoin de m’identifier aux

personnages que je joue. Donc, quand ils sont plus grands que nature, comme certains des héros de notre industrie, je perds tout lien avec eux. Parce que je sais que des gens comme eux n’existent pas. » Il ajoute cependant : « Si je dois incarner un personnage plus grand que nature, faites-moi porter de l’élasthanne et une cape et je jouerai un super-héros ! » Il ne croit pas si bien dire puisqu’on le retrouve en 2007 dans Honeymoon Travels Pvt. Ltd, une comédie dans laquelle Abhay incarne Aspi, un homme parfait à tous les niveaux. Ce protagoniste vient volontairement se moquer des héros impeccables et surpuissants de Bollywood, puisqu’Aspi est également un super-héros en plus d’être le gendre idéal. Loufoque et improbable, cette prestation de l’acteur vient, une fois de plus, confirmer son identité artistique incomparable. La même année, il est le héros de Ek Chalis Ki Last Local, face à Neha Dhupia. Une histoire simple servie par des acteurs impliqués, tout cela au travers de personnages humbles et communs. Ek Chalis Ki Last Local vient donner du cachet à Abhay Deol. Son profil se dessine de plus en plus nettement à Bollywood. Le jeune homme conclut l’année sur le thriller Manorama Six >


Minissha Lamba et Abhay Deol DANS L E FIL M HONE YMOON TRAVELS PVT. LTD (2 007)

059


Abhay Deol DANS L E FIL M DE V D. (2 009)

060


Feet Under, dans lequel il est un détective amateur et gauche au cœur d’un village du Rajasthan. L’Indo-American Arts Council lui remettra d’ailleurs le prix du Meilleur Acteur pour ce film. En 2008, il est à l’affiche de la comédie Oye Lucky Lucky Oye, réalisée par Dibakar Banerjee. Abhay y incarne Lucky, un jeune homme issu d’une famille pauvre qui sévit en tant que voleur chez les élites de Delhi. L’acteur est terriblement charismatique dans cette comédie lumineuse qui vient prouver que le genre est pourvu d’un profond génie à Bollywood lorsqu’il est mis entre les mains des bons artisans.

On le retrouve ensuite dans l’une de ses meilleures prestations avec Dev.D. Le film sort en 2009 et est dirigé par le génial Anurag Kashyap. Mais l’acteur aurait pu passer à côté de cette opportunité s’il n’avait pas été audacieux. « Anurag

me disait pendant le tournage qu’il n’aurait jamais pensé à moi pour le rôle si l’idée n’était pas venue de moi. » C’est d’ailleurs lui qui pense le

premier à s’approprier le classique Devdas. Une suggestion qu’il fait à Anurag Kashyap, qui s’en saisira évidemment. La suite de l’histoire, vous la connaissez… « J’ai grandi

à Bombay où j’ai vu beaucoup de gens aux prises à des addictions. J’ai moimême essayé certaines drogues et j’ai été un amant possessif. Le résultat, c’est que je me suis détruit. » Une

performance saisissante et une véritable prise de risque née de son propre passif.

Dev.D représente clairement un tournant dans le cheminement artistique d’Abhay.

Mais il est boudé par les cérémonies de récompense. Le franc-parler de l’acteur comme sa volonté de ne pas participer aux grandes messes de Bollywood, entre soirées de gala et cérémonies de prix à tire-larigot, lui coûtent la reconnaissance qu’il mérite. Aussi, Abhay ne tire pas profit du succès surprise de Dev.D, devenu culte. « J’aurais

pu en profiter pour me promouvoir et pour parler davantage du film. Je ne l’ai pas fait. Est-ce que je le regrette ? Non. Parce que ça m’a permis de garder les pieds sur terre. Peut-être que je n’en ai pas profité et que c’est pour ça je ne suis pas devenu une star, en ne signant pas de contrat qui aurait pu solidifier ma place dans l’industrie. » De son propre aveu, l’acteur prend la fuite et fait tout pour éviter d’être surexposé aux médias. Presque sur un coup de tête, il s’envole pour New-York. C’est l’occasion pour lui de réfléchir à la manière dont il peut faire bouger les choses à Bollywood. C’est ainsi qu’il ouvre, toujours en 2009, sa bannière de production Forbidden Films (traduisible par « films interdits »). Une façon nette et précise d’ouvrir la voie à des métrages dans lesquels peu de gens croient. On lui doit ainsi le film muet Asha Jaoar Majhe (avec l’acteur bengali Ritwick Chakraborty), le court-métrage métrage Leeches (avec Sayani Gupta) et le documentaire Kaagaz Ki Kashti.

EN 2010, C’EST L’A N N É E D U R A N T LAQUELLE JE DEVIENS IRRÉMÉDIABLEMENT FOLLE D E L’A C T E U R . Et un film en est responsable : Aisha, adaptation moderne du classique de la littérature anglaise Emma. > 061


Dans ce métrage moderne jusqu’au bout des ongles de Rajshree Ojha, Abhay incarne Arjun Burman, version indienne contemporaine de l’inénarrable Mr Knightley. Si vous avez déjà lu plusieurs de mes écrits, vous savez que je suis une fan inconditionnelle de la femme de lettre Jane Austen. Ainsi, je suis particulièrement exigeante quand il s’agit de reprendre à l’écran des héros de son univers. Mais Abhay a su faire la différence. Il possédait en lui le flegme inhérent aux acteurs britanniques que j’aime tant, avec cette animation caractéristique des comédiens de l’Inde. Un gentleman version Bollywood, me direzvous ? C’est tout à fait ça. Un film et j’étais amoureuse. Mais Abhay n’est pas satisfait du résultat final, et il ne manque pas de le faire savoir ! « Pendant le tournage, j’ai réalisé

que le film accordait davantage de crédit aux looks des acteurs qu’à leur jeu. […] J’aimerais pouvoir dire aujourd’hui que je ne ferai plus jamais de film comme Aisha dans ma carrière. » La pilule ne passe pas, aussi

bien auprès de sa partenaire à l’écran Sonam Kapoor que du père de celle-ci, Anil Kapoor.

Abhay Deol s’impose comme la grande gueule de Bollywood, celui qui n’hésite pas froisser certaines susceptibilités pour rester fidèle à sa pensée. Plus tôt cette année-là, il était au casting de Road Movie, métrage qui reprend le concept des contes des 1001 nuits où Vishnu (campé par l’acteur) doit montrer de bons 062

films à des policiers qui menacent de le tuer. La qualité de ces métrages déterminera s’il doit vivre ou non. Un nouveau projet ‘offbeat’ qui colle merveilleusement à l’aura si singulière de l’acteur.

Avec Zindagi Na Milegi Dobara, il prouve qu’on peut prendre part à un projet ‘mainstream’ tout en restant attentif au contenu. Abhay est un acteur de substance. Il a besoin que les œuvres qu’il défend soient riches et intelligibles. Sorti en 2011, le métrage de Zoya Akhtar donne l’occasion à Abhay d’être dans la lumière aux côtés du très bankable (et impeccable) Hrithik Roshan. Surtout, Zindagi Na Milegi Dobara vaut à Abhay son unique nomination aux Filmfare Awards, dans la catégorie du Meilleur Second Rôle Masculin. Il signe dans la foulée Rock The Shaadi, une comédie d’épouvante face à la délicieuse Genelia D’Souza. Produit par Ekta Kapoor, le métrage voit son tournage bouleversé par un budget largement dépassé. Aussi, un assistant et un scénariste en viennent aux mains sur le plateau. Enfin, des locaux perturbent à leur tour le rythme des prises. Le réalisateur Navdeep Singh (qui dirigera plus tard l’encensé NH10) comme les acteurs doivent se rendre à l’évidence : Rock The Shaadi ne verra jamais le jour. Qu’à cela ne tienne, on retrouve Abhay au cinéma dès l’année suivante. En effet, il incarne en 2012 un politicien malhonnête dans Shanghai, thriller saisissant dans lequel il retrouve l’actrice Kalki Koechlin pour leur troisième collaboration (après Dev.D et Zindagi Na Milegi Dobara) et le cinéaste Dibakar Banerjee pour leur second projet commun. Ce film lui donne aussi l’occasion de travailler pour la première fois avec Emraan Hashmi. Force est de constater >


Hrithik Roshan, Abhay Deol et Farhan Akhtar DANS L E FIL M ZINDAG I NA MI LEGI DO BARA (2 011)

063


Abhay Deol DANS L E FIL M HAP PY B HAG JAYEGI (2 016)

064


que les deux comédiens partagent une très bonne dynamique, leurs scènes communes constituant l’un des atouts majeurs de Shanghai. Plus tard dans l’année, il campe dans Chakravyuh un agent infiltré au sein du mouvement naxalite, pour en devenir ensuite l’un des leaders. L’année suivante, il fait un long cameo dans l’encensé Raanjhanaa, pour lequel il retrouve Sonam Kapoor. Les deux acteurs partagent une tendre complicité qui ne laisse jamais paraître leurs griefs passés. Il doit également être à l’affiche de La prophétie de l’anneau, ambitieux projet de Roland Joffé (qui dirigeait le film culte La cité de la joie), avec Josh Hartnett et Bipasha Basu. Mais le projet traine en longueur. Si le tournage est bouclé dans les délais, la sortie du film attendra 2015, dans l’indifférence générale. Le métrage qui devait propulser Abhay sur la scène internationale tombe ainsi dans l’oubli.

En 2014, il enfile la casquette de producteur avec One by Two, qui doit relancer la carrière sa petite-amie de l’époque Preeti Desai (ancienne Miss GrandeBretagne). Loupé, car le film fera un flop retentissant au box-office. Pourtant, l’idée de départ de deux êtres qui ont le sentiment que leur vie n’a pas de sens est intéressante. On comprend, en découvrant le métrage, le potentiel qu’Abhay y voyait. Mais la réalisation foireuse de Devika Bhagat donne un résultat final assez médiocre. Suite à cet échec, Abhay s’absente pendant deux ans. Dans l’intervalle, Preeti et lui se séparent. L’acteur prend alors du recul. Il disparaît du paysage médiatique, laissant croire à la mort de sa carrière d’acteur. Moimême, je me suis inquiétée pour son devenir.

Bollywood allait-il se passer d’un acteur du calibre d’Abhay Deol, tout simplement parce qu’il n’était pas rentable ? Mais Abhay sait parfaitement ce qu’il fait. « J’ai voyagé. Lire des scénarii,

c’était la dernière chose que j’avais à l’esprit. J’ai de la famille en Amérique chez laquelle j’ai résidé quelques temps. J’ai régulièrement besoin de me dissocier de ce que je fais professionnellement. Ça aide vraiment l’acteur qui est en moi. Tous les artistes se réfèrent à ce qu’ils ont vécu et à leurs expériences pour comprendre les choses sous un nouvel angle et mettre tout cela au service de leur travail. Quand vous enchaînez les tournages, vous ne laissez plus aucune place à la vie et à ces expériences. » En 2016, il revient avec Happy Bhag Jayegi, une comédie dans laquelle il donne la réplique à Diana Penty, Ali Fazal et Jimmy Shergill. L’acteur a déjà travaillé avec Aanand L. Rai, qui produit le métrage. C’est en effet sur le tournage de Raanjhanaa qu’Aanand décide qu’il fera de nouveau appel au comédien. Happy Bhag Jayegi constitue une comédie sans prétention. Alors, pourquoi Abhay Deol, si attaché aux films étranges et rugueux, a-t-il accepté d’y prendre part ? Son but premier était de créer un pond entre deux peuples : l’Inde et le Pakistan. «

J’espère que ce film prouvera que les artistes devraient pouvoir collaborer qu’importe la situation entre les pays d’où ils viennent. » Quelques mois plus

tard, le gouvernement indien prohibe toute collaboration avec le peuple pakistanais, y compris ses acteurs. Le message porté par Abhay gagne donc en pertinence, d’autant qu’Happy Bhag Jayegi résultera en succès populaire et critique. >

065


A B H AY A U N R A P P O R T AU CINÉMA EMPLI DE SINCÉRITÉ. Loin de lui l’idée de s’enrôler dans un projet uniquement pour assurer sa place au soleil. C’est d’ailleurs pour cela qu’il ne signera pas la suite d’Happy Bhag Jayegi, avec Sonakshi Sinha à sa tête. Parce qu’au fond, quel intérêt ?

L’acteur est en quête perpétuelle de nouveaux défis. Il se cherche à chaque métrage pour mieux explorer des facettes inédites de son potentiel dramatique. Certains de ses films sont complètement délirants, d’autres plus sages et convenus. Mais à chaque fois, on sent Abhay investi d’une mission : celle de donner au personnage qu’il campe tout ce qu’il a en lui. Car l’acteur ne cherche pas non plus à provoquer délibérément. Ca n’a jamais été un moyen pour lui de se faire de la pub. Lorsqu’on lui demande si ses prises de risque étaient calculées, sa réponse en dit long sur sa nature d’artiste. « Je ne dirais pas que

je prends des risques. Je dirais juste que je me lance tête baissée dans les choses que je veux vraiment. »

Cette année, il revient après deux nouvelles années d’absence avec Nanu Ki Jaanu, une comédie avec Patralekha. « La comédie

horrifique n’est pas un mélange de genres auquel on est habitué et c’est en ce sens très difficile à faire. »

Abhay prend ce projet comme un nouveau challenge, se frottant à un style qui lui est inédit. S’il s’y était essayé brièvement avec le projet avorté Rock The Shaadi, c’est la première fois qu’il proposera au public cette nouvelle facette de son talent. 066

On le retrouvera prochainement dans son premier film tamoul, Idhu Vedhalam Sollum Kadhai, qu’il a coproduit. Pour ce métrage, Abhay a perdu dix kilos et appris les bases de la langue tamoule pour camper un énigmatique souverain répondant au nom de Vikramadityan. Une nouvelle illustration de la trajectoire unique qu’il donne à sa mission d’acteur. « Je suis fier de ce projet et des gens qui y ont contribué. » Il sera également au casting de Zero, prochain film de son ami Aanand L. Rai avec Shahrukh Khan, Anushka Sharma et Katrina Kaif. On attend aussi la sortie de The Field, film de crime dans lequel Abhay tient le rôle d’un inspecteur enquêtant sur une famille de mafieux. Enfin, il produira un court-métrage avec l’acteur britannique TJ Ramini, un de ses amis de longue date.

Clairement, Abhay Deol ne court pas après la célébrité. C’est un acteur, pas une vedette. Ce qui explique ses choix artistiques souvent singuliers et la distance qu’il prend avec les plateaux de tournage quand il en ressent le besoin. « La notoriété est un effet

collatéral de ce que je fais. Ce n’est pas mon but. » V O I L À . M A I N T E N A N T, J E SAIS. JE SAIS POURQUOI J ’A I D I T C E S M OT S P O U R TA N T S O R T I S AV E C U N E S P O N TA N É I T É P R E S Q U E E N FA N T I N E . P A R C E Q U ’A B H AY E S T UNIQUE EN SON GENRE.


Parce qu’en appartenant à une famille d’acteurs, il a su se distinguer pour signer des projets inattendus et engagés, loin de toute flamboyance. Parce qu’Abhay est fidèle à ses principes, n’hésitant pas à se mettre à dos une bonne partie de la liste A de Bollywood pour dénoncer la promotion de crèmes blanchissantes, allant au passage jusqu’à tacler l’intouchable Shahrukh Khan. C’est aussi lui qui a osé dévoiler les méfaits de maisons de disque, en arrivant à une cérémonie de récompenses avec un œil au beurre noir.

Abhay Deol ne recule devant rien. C’est d’ailleurs probablement pour ça que Bollywood fait si peu appel à lui. Et que les cérémonies de prix pensent rarement à lui malgré la finesse de ses métrages. A BH AY D EO L DA N S L E FIL M THE FIE L D.

M A I S A B H AY N ’ E N A C U R E . I L A D U TA L E N T E T D E L’A U D A C E . C’est sûrement ce que je voulais lui faire comprendre en 2016. Que sa singularité et son entièreté m’ont bouleversée. Et qu’en tant que spectatrice avide de cinéma hindi populaire, son authenticité m’avait fait du bien.

Alors oui Abhay, je le répète désormais sciemment et sans hésiter : merci d’être toi. Et seulement toi, sans jamais chercher à te fondre dans le moule souvent réducteur des starlettes masculines de Bollywood. Tu vaux mieux que ça, et tu le sais.


A

ABHAY DEOL

Abhay Deol ou comment être amoureuse de 4 personnes… M OT S PA R AS M A E BE N MANS OUR

Et comme le dirait notre Gad Elmaleh national, « ça fait souffriiiiiiiir » ! D’autant que les 4 personnes en question constituent des héros fictifs. Aucune chance pour moi donc de tomber sur l’un d’entre eux en faisant mon shopping Rue de Béthune au centre de Lille !

Je peux toujours continuer de rêver à l’un de ces princes charmants imaginaires en les regardant en plein exercice dans les films qu’ils servent. Et pour la peine, je vous emmène avec moi… 068

#1

Viren Oberoi dans Socha Na Tha Déjà, j’aime les types aux cheveux longs. Et les fossettes. Comment vous dire que je suis déjà foutue ? Viren Oberoi a pourtant tout de l’abruti fini, immature et indécis. Il décide qu’il ne veut pas épouser Aditi (Ayesha Takia) parce qu’il a déjà une copine, Karen (Apoorva Jha). Jusqu’ici, pourquoi pas. C’est même plutôt honnête de sa part. Sauf qu’il développe rapidement des sentiments pour la première, décidant ainsi de revenir sur sa décision… Oui, j’aurais pu détester Viren. Sauf qu’Abhay apporte à ce personnage potentiellement tête-à-claques une certaine humanité. Oui, Viren a fait des erreurs. Il manque parfois de courage ou de cohérence. Mais il est sincère. Et en plus, il a de jolis cheveux !


#2

Vishnu dans Road, Movie On sort du registre romantique avec ce film, qui m’a juste donné envie de me lancer dans un road-trip avec Vishnu, un jeune homme en quête identitaire qui traverse pour tenter de comprendre ce qu’il veut. Et plus encore, qui il est. Attachant, avec un look décontracté et une barbe de trois jours qui me fait un effet bœuf, j’avoue que j’ai adoré Vishnu. Son regard d’oisillon déboussolé comme sa verve quand il s’agit de sauver sa peau de manière plutôt fantaisiste. Et puis, ce sourire… 069


#3

Arjun Burman dans Aisha Lui, c’est le pompon, je vous le dis. Abhay, je l’aime déjà quand il est lui-même. Mais alors quand il prête sa dégaine de beau gosse à un héros de Jane Austen, j’ai envie de crier au génie ! Qui est le directeur de casting de ce film, que je l’embrasse ?! Et il va sans dire que le rôle d’Arjun, ami aussi bienveillant que moralisateur d’Aisha lui va comme un gant. Arjun porte des costumes, un look qui pourrait le faire passer pour un comptable démodé s’il n’était pas aussi canon ! De surcroît et pour mon plus grand bonheur, Abhay exécute quelques pas de danse sur la musique aux sonorités latines « Behke Behke »… Tu me réserves la prochaine danse, chéri ? 070


#4

Bilal Ahmed dans Happy Bhag Jayegi Politicien dont le cricket est la véritable vocation, Bilal est un vrai gentil. Serviable, honnête et fidèle en amitié. L’archétype du gentil garçon que les pimbêches ne remarquent pas. Parce qu’elles préfèrent les ‘bad boys’, ces écervelées ! Mais moi, je te remarque, doudou ! Autant vous dire que le film du comeback d’Abhay a été un plaisir monumental. Une comédie efficace dans laquelle je n’ai eu d’yeux que pour le personnage de Bilal. 071


AB HAY DEOL DA N S L E F I L M Z IN DAGI N A MI L EGI DO BA RA ( 2 01 1 )

A

ABHAY DEOL

A B H AY D E O L

5 chansons qui signent sa singularité… M OT S PA R AS M A E BE N MANS OUR

Loin de rentrer dans quelque archétype que ce soit, Abhay a toujours marqué par l’originalité de ses projets. Dans ses films mais aussi dans les mélodies qui les accompagnent, tout ce qui concerne l’acteur est marqué par une propension profonde à se distinguer. Aussi, aucun de ses films ne se ressemble. Abhay est le contraire d’un acteur de genre.

En 5 morceaux choisis, je vais ainsi mettre en exergue la polyvalence de l’artiste méconnu qu’est Abhay Deol… 072

#1

« Pyaar Ki Yeh Kahani »

DE HONEYMOON TRAVELS PVT. LTD. (2007) Ici, Abhay incarne Aspi, un petit-ami qui s’applique à être parfait. Son personnage est loufoque et atypique dans sa volonté d’être lisse et irréprochable. Dans cette séquence musicale, Abhay et sa partenaire Minissha Lamba exécutent un tango impressionnant, qui tire sur leur allure de couple idéal, allant jusqu’à conclure la chorégraphie sur un porté improbable. L’occasion de découvrir qu’en plus d’être un interprète d’exception, Abhay est aussi un très bon danseur.


#2

« Emosonal Attyarchar » DE DEV D. (2009)

A l’opposé d’Aspi, Dev est un alcoolique chronique qui noie son chagrin dans la boisson. Dev vomit, jure et se flingue physiquement et émotionnellement pour Paro, qu’il considère comme son grand amour. Abhay bluffe dans cette relecture moderne du classique Devdas en anti-héro névrosé, démontrant ainsi qu’il est capable de tout interpréter. La scène dansée « Emosonal Attyachar » ne vient pas magnifier sa douleur en la rendant presque ridicule. Dev est pathétique, se bousillant de l’intérieur là où sa dulcinée célèbre allégrement ses épousailles avec un autre sur ce son aussi scabreux qu’efficient.

#3

« Señorita »

DE ZINDAGI NA MILEGI DOBARA. (2011) Registre plus populaire pour l’acteur, qui s’entoure de Hrithik Roshan et Farhan Akhtar pour ce film de potes bouleversant contextualisé en Espagne. En fiancé qui doute terriblement de ses sentiments, Abhay donne littéralement vie à Kabir et aux tourments qui l’habitent. La chanson « Señorita » est l’instant du lâcher-prise, où Kabir oublie ses problèmes pour investir ses amis. Et en plus de danser comme un petit fou, Abhay chante sur ce morceau avec ses partenaires masculins. De quoi ajouter une nouvelle corde à son arc !

#4

« Dua »

DE SHANGHAI. (2012) Il signe avec ce métrage un nouveau virage à 180° en politicien véreux et sans scrupule. Abhay prouve que les rôles négatifs lui réussissent dans ce drame de Dibakar Banerjee. Ce morceau bouleversant vient mettre en évidence les conséquences des méfaits de ce personnage qui le fait clairement sortir son image de gendre idéal véhiculée par ses prestations dans des films comme Socha Na Tha (2005) ou encore Aisha (2010).

#5

« Zara Si Dosti »

DE HAPPY BHAG JAYEGI. (2016) S’il revient au registre de la comédie avec ce métrage, Abhay surprend en incarnant un politicien pakistanais indécis qui croise la route de la déjantée Happy, campée par Diana Penty. Happy Bhag Jayegi s’attache justement à la relation d’amitié qui se tisse entre les deux protagonistes, merveilleusement portée par cette chanson en particulier. Le titre est de plus sublimé par la voix magnifique d’Arijit Singh qu’on ne présente plus. 073



IDA RIC HE R

... BOLLY &CO EN ACTION


I

INTERVIEW

I D A R I CHER MOTS PAR AS MAE B E N MANSO UR PH OTOG RAP HIES PAR ROB IN C HAUMETTE, STUDIO AR CPH OTO

Ida Richer nous a fait l’honneur de partager avec nous son premier roman : Le voisin indien (dont on vous parle d’ailleurs dans notre rubrique ‘A la découverte de...’).

Mais comment ce projet est-il né ? Comment cette mère de famille française a-t-elle eu envie de raconter cette idylle ‘made in Bollywood’ ? Impossible pour nous de laisser ces questions sans réponse. Ida se livre à cœur ouvert sur sa sensibilité d’écrivain, sur ce roman qu’elle chérit tant ainsi que sur ses influences et son rapport à la culture indienne...

076


Comment vous est venue l’idée de cet ouvrage ? Gamine, j’écrivais des poèmes. Puis la trentaine bien sonnée, maman de 2 enfants, je me suis mise à écrire des chansons, pour occuper mes minutes de temps libre – vous savez, entre le moment où, après une grosse journée de boulot, les enfants sont enfin couchés et celui où vous sombrez de fatigue à votre tour, soit environ 30 minutes quotidiennes ! – sans autre ambition que de me distraire. En découvrant mes textes, des compositeurs ont souhaité travailler avec moi et on s’est retrouvés en studio. Le résultat m’a bluffée, problème : j’ai trop le trac pour la scène. Alors j’ai gardé mes petites chansons dans un tiroir. Mais cette expérience m’aura permis de prendre confiance en mon travail et de découvrir ma capacité à transcrire les émotions par les mots. C’est dans cet état d’esprit que je me suis lancée dans le format au-dessus : un roman. Toujours pour le plaisir, pour laisser dériver mon esprit dans une période difficile de ma vie de mère où j’enchainais, depuis 2 ans déjà, les rendezvous médicaux aboutissant à la découverte des troubles auditifs puis de l’autisme de mon fils. L’écriture n’était alors qu’une soupape, une source d’évasion.

C’est votre premier roman. Pourquoi aviez-vous envie de raconter cette histoire plutôt qu’une autre ? Fruit d’un métissage Nord-Sud, picardoréunionnais, rien que ça ! Je suis très fière des quelques pourcents de sang indien hérités de mes ancêtres paternels réunionnais, mais aussi de mes origines ch’ti maternelles attention pas de jaloux entre papa et maman - et je suis une grande amoureuse de l’Inde. Je me suis donc inspirée de ce mélange de culture qui est le mien, pour noircir un

énorme carnet d’une belle histoire d’amour impossible, contemporaine et exotique en m’inspirant largement des codes du cinéma bollywoodien, que j’affectionne pour sa fraicheur, ses couleurs et son rythme euphorisant. J’y ai ajouté la « glamour touch » parisienne et la sensualité incendiaire du tango pour faire naître cette belle romance légère, qui vous entraîne jusqu’à Mumbai et vous recharge en émotions positives. Un vrai remède anti-déprime !

Mais, il aura fallu un beau coup du destin pour me pousser à faire sortir cette petite histoire de mon tiroir. Vous savez, celui où se trouvent encore mes chansons. En effet, en dépit de mes lointaines origines indiennes et d’une passion affirmée et extrêmement documentée pour ce pays (livres, documentaires, rencontres, cours de danse et d’hindi, etc), je n’y avais jamais mis les pieds. Je ne me sentais donc pas légitime de proposer au public une romance s’y déroulant pour moitié. Et puis, soyons honnêtes, j’avais vraiment la trouille ! C’est assez angoissant de soumettre son travail à l’appréciation des autres. Mais le destin en a décidé autrement quand j’ai gagné mon premier voyage en Inde à la radio ! À mon retour, je n’ai pas changé une ligne mais j’ai enfin osé le glisser dans une grosse enveloppe kraft et filer à la poste.

En lisant Le voisin indien, on se rend très vite compte que son auteure est particulièrement connaisseuse en matière de cinéma indien. Comment votre rencontre avec Bollywood s’estelle faite ? > 077


ALORS, SI JE ME SOUVIENS BIEN, CETTE PREMIÈRE RENCONTRE REMONTE À M O N E N FA N C E LO R S Q U E J ’A I D É C O U V E R T K A B I R BEDI DANS SANDOKAN. Bon ce n’était pas vraiment une série indienne et donc pas bollywoodienne, mais c’est comme ça que cela a commencé, tout comme mon attirance pour les bruns aux yeux verts, mais c’est un autre sujet ! Bref, des années après, une collègue m’a prêtée son DVD de Jodhaa Akbar d’Ashutosh Gowariker et là, le coup de foudre a été total ! Interprétation magistrale d’Aishwarya Rai Bachchan, de Hrithik Roshan ainsi que de tous les autres acteurs du casting, décors et costumes somptueux, réalisation impeccable… Un pur bonheur ! Puis, j’ai découvert dans la foulée les œuvres de Sanjay Leela Bhansali dont je suis une vraie admiratrice. Il donne l’impression de concevoir chaque image de ses films, chaque plan, comme une œuvre d’art, car tout y est maitrisé et d’un esthétisme à couper le souffle. Quant au choix des thèmes et des univers, ils sont toujours originaux et bouleversants.

J’aime aussi les films de Karan Johar, Zoya Akhtar, Farhan Akhtar, Vidhu Vinod Chopra, Rakesh Roshan, Siddharth Anand, etc… Chaque œuvre m’offre un vrai moment d’évasion, de dépaysement, mais aussi des tranches de vie et de culture indienne dont je me délecte, souvent en famille, car mes deux enfants adorent regarder ces films avec moi. Surtout ma fille, avec qui j’apprends souvent les chansons et quelques pas des chorégraphies ! 078

Vous êtes-vous imaginée ce que donnerait le casting de votre livre s’il était adapté au cinéma ? Alors Asmae, vous qui l’avez lu, à qui Arjun vous a-t-il fait penser ? Bon, je l’avoue, même si mon mari sera un peu jaloux, j’ai prêté à Arjun les traits d’un dieu grec aux yeux verts, le Fred Astaire de Mumbai… Hrithik of course ! Mais c’est le seul personnage pour lequel je me suis inspirée de la réalité. Sinon, en y réfléchissant, dans le rôle de Mina je verrais bien des femmes qui inspirent la douceur et la fragilité, comme Audrey Tautou ou Bérénice Bejo. Alia Bhatt serait parfaite pour le rôle de Sonali et des grandes dames comme Rekha, Kirron Kher ou Madhuri Dixit seraient sûrement de troublantes et piquantes Madame Chatterjee. Et si vous vous demandez si j’aimerais que Le Voisin Indien soit adapté au cinéma, la réponse est oui, bien sûr ! D’abord car ce roman est déjà conçu comme un film, avec ses dialogues, ses décors et ses couleurs, ensuite parce que ce serait le meilleur moyen de partager avec le plus grand nombre, toute l’émotion et le plaisir qu’il m’a apportés en l’écrivant.

Avez-vous déjà un autre livre en projet ? Si oui, toujours en lien avec l’Inde ? Oui, j’ai deux autres romans en gestation, dont l’écriture est déjà bien avancée et un projet d’ouvrage plus personnel sur l’autisme qui pourrait aider d’autres parents. Et oui, l’Inde est toujours présente dans mes deux prochains romans. De façon subtile dans l’un et beaucoup plus clairement dans l’autre. Il y aura aussi de la romance car je suis une incurable romantique, mais leurs styles seront radicalement différents. L’un est une fiction post-apocalyptique et l’autre vous plongera dans l’univers sombre des Rakshasas et autres démons et êtres divins.


Enfin, en quelques mots, qu’estce qui peut encourager les fans français de cinéma indien à découvrir Le voisin indien ? - Primo : Les amoureux de l’Inde ne seront pas déçus car c’est l’escapade Paris/Mumbai la moins chère du marché ! Si, si, je suis formelle ! - Deusio : C’est une « love story » pleine de fraicheur, un vrai « feel good », léger et épicé qui initiera les néophytes à la magie de l’Inde, à sa culture si mystérieuse et vivante et qui ravivera les souvenirs colorés de ceux qui la connaissent et l’aiment déjà. - Tercio : « mon p’tit Voisin » saura vous tenir en haleine de la première à la dernière ligne car il contient tous les « bolly-ingrédients » nécessaires : coup de foudre, amour

impossible, choc des cultures et des traditions, danse, luttes, drame, rebondissements, larmes et happy end… ou pas, à vous de le découvrir. - Mais encore : imaginez, 297 pages sans sous-titrage à la limite du surréaliste, car tout est en VF ! - Ah oui, je suis bête, j’oubliais, l’atout majeur du Bollywood en VF : « le french kiss » et plus si affinités !

Et bien voilà, à présent j’espère que vous n’avez plus qu’une idée en tête : filer chez votre libraire ventre à terre et décoller pour Mumbai. N ’H ÉSITEZ PAS À ENVOYER VO S AVIS À IDA SUR SA PAGE AUTEUR : FACEBO O K.CO M@IDA.R ICH ER VO US PO UR R EZ ÉGALEMENT ALLER À SA RENCO NTR E LO R S DU SALO N « L’INDE DES LIVR ES » LE DIMANCH E 18 NOVEMBR E D E 16H À 18H À LA MAIR IE DU 2 0ÈME A R R O NDISSEMENT DE PAR IS.



C RITIQUES DE FIL MS

... UNE TA S S E DE THÉ


F

FLASHBACK

Socha Na Tha M OT S PA R AS M A E BE N MANSOUR

Il y a des films que vous adorez mais que peu de fans ont vu. Plus enthousiaste que jamais, vous en parlez comme de la huitième merveille du monde autour de vous, tout ça pour récolter les regards circonspects de vos interlocuteurs. C’est exactement ce qui s’est passé lorsque j’ai parlé de Socha Na Tha. Vous le savez désormais (en tout cas, si vous avez parcouru ce numéro, vous en avez la certitude !), je suis une fan absolue d’Abhay Deol. J’ai craqué en 2010 en le découvrant dans Aisha. Dans la foulée, je me suis jetée sur nombre de ses métrages, de Dev.D à Oye Lucky Lucky Oye, en passant par Ahista Ahista et Ek Chalis Ki Last Local. A l’époque, j’avais beaucoup apprécié Socha Na Tha. Mais j’avais regretté son final trop sage et pas assez ‘fleur bleue’.

Que voulez-vous ? Je suis une indécrottable romantique ! Et puis, je l’ai revu. Avec quelques années de plus au compteur. La maturité doit sans doute jouer, ou peut082

être un rapport aux relations humaines plus juste qu’à mes 19 ans... En tout cas, la conclusion de Socha Na Tha ne m’a non seulement plus du tout gênée, mais elle m’a en plus enchantée ! J’étais ravie de me dire qu’en 2005, Imtiaz Ali avait osé proposer une histoire d’amour simple, sincère et réaliste.

Alors, pour ce numéro consacré à mon cher Abhay Deol, je souhaitais mettre l’accent sur ce métrage peu connu, notamment des fans français de cinéma indien. J’ai donc proposé à nombre de nos fidèles lecteurs, comme dans nos précédentes parutions, de découvrir ce métrage et de me donner leur avis sur l’expérience qu’ils en ont faite.

C ’ É TA I T U N D É F I P O U R MOI. J’IGNORAIS SI LES G E N S A L L A I E N T AU TA N T APPRÉCIER LE FILM QUE MOI. LES RETOURS A L L A I E N T- I L S Ê T R E POSITIFS, AU MOINS ?


Je devais ainsi accepter qu’on puisse potentiellement «dire du mal» (oui, je suis peu emphatique, j’avoue...) d’un film que j’adore. Mais c’est aussi le but de cette rubrique : faire la part belle à nos lecteurs et leur offrir un espace d’expression libre et sans restriction. Alors, peut-être que l’aventure Socha Na Tha allait faire un flop. C’était un risque intéressant à prendre.

d’autres façons de raconter des histoires sur grand écran. Qu’il s’agisse du format, de la narration, du montage ou de la photographie.

Le public français fan de cinéma indien était-il prêt pour Socha Na Tha ?

Le métrage se trouve à la jonction entre ces deux univers cinématographiques que tout oppose. Et c’est ce qui le rend si spécial à mes yeux.

J’ai la conviction que ce film ne s’adresse pas à l’intelligentsia de la bollysphère française. Je n’en ai d’ailleurs jamais fait partie. J’aime les films commerciaux et fédérateurs. Je suis ce qu’on appelle dans le jargon une bonne cliente. Mais j’ai appris, avec le temps et l’expérience, à étayer davantage mon rapport au cinéma pour ouvrir mes horizons à

Ces dernières semaines, j’ai donc récolté les avis de certains de nos lecteurs assidus. Certains connaissaient le métrage avant, d’autres le voyaient pour la première fois dans le cadre de cet article. Dans tous les cas, j’ai été émue par l’envie de ces personnes de découvrir ce film et de lui donner sa chance... >

SOCHA NA THA N’EST NI UN FILM GRAND PUBLIC, NI UNE OEUVRE E X P É R I M E N TA L E .


Re gi na

S anaa

Cette première réalisation de Imtiaz Ali est un film plutôt moderne pour son époque. Le sujet de base (un mariage arrangé) donne l’occasion de présenter une histoire romantique, moins stéréotypée que les coups de foudre vus et revus dans les films de Bollywood des années 2000. En effet, au départ les rôles interprétés par Abhay Deol et Ayesha Takia doivent se marier selon la volonté de leurs parents. Seulement voilà, ils ne l’entendent pas de cette oreille. Chacun a ses propres projets et j’ai trouvé ça assez bien pensé d’intégrer une autre histoire d’amour impossible, sur fond de religions différentes.

Ce film raconte l’histoire de Viren et Aditi qui ont été présentés l’un à l’autre par leurs familles respectives en vu d’un mariage arrangé qui, finalement, se transforme en amitié. Détrompez-vous, pas d’amour au premier regard ! Trop cliché. D’ailleurs, les violons en background, les ralentis et tout autre cliché lié à la thématique de l’amour ont sûrement été volontairement supprimés, pour laisser place à une histoire qui colle à notre réalité.

On s’attache aux personnages, Abhay en tête, plutôt charismatique pour un premier rôle même s’il s’est amélioré depuis. Ayesha est toute mignonne avec sa petite bouille joufflue, qu’on ne revoit malheureusement plus... L’histoire évolue progressivement tout comme les sentiments des personnages principaux l’un pour l’autre. C’est un film simple et efficace, avec son lot de chansons romantiques, séquences sensuelles mais aussi de clips un peu plus kitch. Le seul minuscule bémol de ce film, c’est sa fin. Le happy end est là mais on aurait quand même apprécié quelque chose de moins rapide et «facile». On garde quand même le smile quand le générique défile et c’est le principal ! Je conseillerais donc ce film à ceux qui souhaitent se lancer et aussi à ceux qui n’étaient pas trop partants pour le voir. Merci à Asmae de m’avoir donné la chance de m’exprimer sur ce film ! 084

Ce film n’est pas une simple comédie romantique. C’est bien plus que ça. C’est la découverte de l’amour innocent, l’amour au-delà de toute superficialité. J’ai pris beaucoup de plaisir à regarder ce film car c’est un de ces films qui me donne matière à réfléchir sur l’amour qui n’est pas perçu de la même façon par tous. On nous dit souvent à nous célibataires «Patiente, ça finira par te tomber dessus et tu ne t’en rendras même pas compte». En effet, pour s’en rendre compte, il faut ouvrir son cœur et c’est ce que ce film m’a appris.


B rice Fuis-moi, je te suis. Suis-moi, je te fuis. C’est en quelque sorte la philosophie que nous propose justement Imtiaz Ali dans son premier film mais aussi l’une de ses œuvres les plus fines en termes d’humanisme. Il a toujours eu cette force à nous attacher à ses protagonistes. A les faire grandir sous nos yeux. Comme sur la lame d’un rasoir, nous apprenons d’eux et de leurs choix, toujours avec de l’attention. Dans Socha Na Tha, nous suivons les aventures de Viren (Abhay Deol) et d’Aditi (Ayesha Takia) dans une romance moderne qui suit les chemins traditionnels des œuvres hindi. C’est innovant mais tellement classique à la fois.

L’histoire, si on la regarde sans attention, n’est rien de plus qu’un jeu de cache-cache entre adolescents indécis. Les familles de Viren et d’Aditi souhaitent faire une alliance en mariant les deux jeunes gens. Seulement, Viren est en couple depuis plus de 3 ans avec une certaine Karen (Apoorva Jha).

Eve lys e Dès la première scène qui nous présente les deux protagonistes, le ton est donné : cette scène colorée et dynamique représente la liberté de la jeunesse indienne du début des années 2000. C’est l’histoire d’un jeune homme fraîchement rentré des États-Unis : Viren. Fils d’un grand industriel un brin autoritaire et à cheval

Il va donc sans dire que le jeune homme refuse ce mariage qu’il n’a pas choisi. Ils se retrouvent à Goa et durant ce voyage, Viren se rend finalement compte qu’il aime Aditi... Mais elle est sur le point de se marier avec un certain Mahesh. Le film qui a 13 ans maintenant semble avoir mal vieilli, puisque son image est devenue plus sombre avec ces couleurs, que les musiques du film pourtant excellentes n’ont pas eu un grand impact sur les gens, mais aussi que malheureusement les deux acteurs principaux n’ont pas pu devenir des pointures (alors qu’ils sont merveilleux, quand l’industrie les regardera t-elle avec l’attention dont ils sont dignes ?). S’il ne tient pas la place d’un classique en mon coeur, ce film reste pourtant des plus sympathiques à voir, dans la mesure où il donne de l’espoir sur les choix rectifiables que nous pouvons tous faire. Moins culte qu’un Jab We Met, moins prenant aux tripes qu’un Highway, encore moins clinquant que des Tamasha ou autres Love Aaj Kal, cette œuvre de l’artisan des films précités brille parce qu’elle est autant singulière qu’inestimable.

A voir si vous voulez passer un excellent dimanche tranquillement sous un plaid. sur les traditions, il se caractérise par sa fumisterie. Viren se positionne contre son père en entretenant une relation secrète avec une catholique nommée Karen alors que sa famille est hindoue. Les parents agacés par l’immaturité de leur fils décident d’organiser une rencontre avec une fille de leur choix. Viren se résout à rencontrer la belle Aditi. Celle-ci a tout pour plaire : jolie, intelligente, drôle. > 085


Mais les deux protagonistes se mettent d’accord sur un point : il n’y aura pas de mariage dans ce cadre-là. En effet, cette rencontre imposée par la famille n’est pour les deux personnages pas idéale. Ils se sentent étouffés par toutes ces traditions et coutumes. D’ailleurs, j’ai aimé la façon dont le film montre combien tous ces rites et coutumes sont encore plus pesants pour une jeune fille. Aditi dans la scène de la rencontre, est obligée de donner le change, de sourire, de revêtir sa plus belle tenue, de faire la discussion, de servir le thé... C’est le début d’une belle histoire d’amitié entre les deux jeunes gens. Finalement, après de multiples rebondissements et accessoirement la demande en mariage par Viren à Karen, celui-ci se rend compte qu’il ressent davantage que de l’amitié à l’égard d’Aditi. L’atout majeur de ce premier métrage d’Imtiaz Ali est l’aspect réaliste. Le réalisme du film se retrouve à la fois dans la cinématographie et dans l’histoire.

Contrairement à plusieurs de ses contemporains, Imtiaz Ali évite les incohérences scénaristiques grotesques ! On y croit ! On croit d’abord à leur rencontre qui est le mode de rencontre traditionnel à l’origine du «mariage arrangé». On croit aussi à tous les stratagèmes mis en place pour tromper leur entourage. Premièrement, on croit au subterfuge trouvé pour que tous les jeunes se retrouvent en vacances à Goa. D’ailleurs, les images de Goa sont sublimes, cette partie du film est la plus réussie ! Ce sont les plus belles images qui m’aient été donnée de voir de jeunes fêtards à Goa ! Puis on croit à l’histoire d’amour entre Aditi et Viren puisque leurs sentiments respectifs 086

se développent au fil du film et au fil de leurs rencontres qui bien qu’incongrues sont crédibles. La dernière partie du film est si crédible qu’elle en devient presque insupportable à regarder. Le «héros» masculin a des DOUTES.

C’est si rare, les doutes dans les romances bollywoodiennes. Et pourtant si HUMAIN. Viren est effectivement très indécis, il ne veut pas décevoir les siens mais ne peut pas renoncer à son amour pour Aditi. On est loin de l’amour fou au premier regard que l’on retrouve dans des films du même genre comme un certain Vivah sorti l’année suivante qui a connu un plus grand succès que Socha Na Tha. La grande force du film réside également dans le traitement égal des deux personnages. Aditi et Viren sont en proie tous les deux à des doutes et sont tous les deux tiraillés entre la nécessité de rendre fiers leur entourage et leur amour. Aditi se sent redevable parce qu’elle vit sous le toit de son oncle et sa tante. Imtiaz nous a également habitués aux jeunes femmes fortes comme Geet dans Jab We Met ou encore Tara dans Tamasha. Socha Na Tha n’est pas une exception, car c’est Aditi qui lâche tout pour retrouver Viren et s’enfuir avec lui.

Les personnages secondaires ne sont pas omniprésents mais sont loin d’être inintéressants. Karen, la petite copine qui apparait au début assez creuse se montre finalement plus fine et est la première à sentir évoluer les sentiments d’Aditi et Viren. De même, la belle-soeur de Viren accepte de jouer le rôle de confidente tout comme elle n’hésite pas à s’agacer du comportement immature de Viren. Il s’agit du premier film d’Abhay Deol et d’Ayesha Takia. Les deux sont plutôt justes


dans leur interprétation. Je constate qu’Abhay Deol a nettement progressé et qu’il s’est bonifié avec le temps ! La bande-originale signée Sandesh Sandilya n’est pas constituée de hits mais colle parfaitement aux différentes scènes du film et survient au bon moment. Même la musique participe au réalisme du film ! Ma petite préférée reste « Abhi Abhi Mere Dil Mein » (celle qui a pour décor les plages de Goa).

L E FA N TA S T I Q U E I M T I A Z ALI PARVIENT À RENDRE ORIGINALE UNE HISTOIRE SUR LE SUJET ÉCULÉ DU MARIAGE ARRANGÉ.UN FILM MODERNE, RÉALISTE QUI CASSE TOUS LE CODES D E L’A M O U R À L A S A U C E B O L LY W O O D I E N N E .

Rani Re e na Avant de regarder Socha Na Tha, je voyais en lui un film romantique assez cliché. Mais j’avais tort. Au fur et à mesure, l’intrigue de ce film avec plein de rebondissements de qualité m’a tenue en haleine tout du long. Et surtout, je me suis retrouvée face à un film plutôt divertissant et au bout du compte, c’est ce qu’on attend d’un film : du divertissement mais de qualité.

Socha Na Tha relate une histoire d’amour, il n’y a donc pas besoin d’analyser le film en profondeur, mais la manière dont le scénario a été tourné demeure singulière. Avec la construction d’une relation amicale basée sur une situation plutôt atypique, avec la découverte du premier vrai amour,

une relation pleine de péripéties, comme une manière naïve mais romanesque de voir les choses. Les angles des prises de vue n’étaient pas très élevés et les chansons non plus, mais le script était lui plutôt bon et assez comique. On reconnaît là le travail de Imtiaz Ali dont la qualité de réalisation n’est plus à prouver aujourd’hui.

On découvre Abhay Deol, sa petite coupe de cheveux mi-long et sa petite fossette, un visage plein de jeunesse et Ayesha Takia, pleine de fraîcheur avec son magnifique sourire, elle est d’une beauté innocente et resplendissante, des caractéristiques physiques des deux côtés plaisantes à regarder pour ne rien gâcher. Le jeu d’acteur était vraiment bon pour les deux comédiens, bien qu’il n’y ait pas eu de scènes vraiment dramatiques, ils ont tous les deux été très convaincants dans leurs rôles et surtout, pour ne pas me déplaire, aucune excentricité que nous pouvons voir dans la plupart des films bollywoodiens (sans faire de généralité, bien sûr). Un film bien, net et bien réalisé, tout ce que j’apprécie. Un grand charme dans l’innocence de ce jeune couple que je découvre à l’écran plus de dix ans après sa sortie, merci Asmae ;) . Bien que je les connaissais déjà séparément dans un grand nombre de films, avec ce film j’ai fait un bond dans le temps. Un moment très plaisant, tout en simplicité. Comme quoi, les films des années 2000 ont vraiment quelque chose de plus pour moi, une manière pudique de voir le romantisme.

087


C

CRITIQUE

Pad m a n M OT S PA R FAT I M A-Z A H RA E L AHMAR

Si la carrière d’Akshay Kumar semble exemplaire, il a fallu à l’acteur plusieurs années et son lot de films douteux pour arriver à son statut actuel. En effet, quand son nom s’associe à un projet, c’est une garantie de bon contenu et de bons revenus. La formule gagnant-gagnant pour l’audience et les producteurs.

Sa première sortie de cette année, Pad Man, ne semble pas s’éloigner de cette nouvelle habitude. Mais qu’en est-il vraiment ? 088

Lakshmikant Chauhan, dit Lakshmi (Akshay Kumar) est un homme comme il y en a peu ;

aimable et adorable, amoureux de sa femme au point de se soucier continuellement de son hygiène menstruelle. A une époque où avoir la visite de dame nature était associée à une indignité sans nom (ça l’est encore aujourd’hui dans certaines régions du monde, mais passons…), l’époux essaye de braver coutumes et traditions pour inventer la serviette hygiénique idéale.


Le titre du dernier bébé de R Balki est suffisamment indicateur : il est porteur d’un message social criant. Même si les événements se déroulent en Inde il y a quelques dizaines d’années, le problème reste réel et présent dans le quotidien de plusieurs personnes de nos jours. Le métrage met le focus sur cette honte que la société indienne (et pas que, la société de plusieurs pays, à vrai dire) impose aux femmes durant leur période de menstruation.

Il nous parle de ces femmes mises à l’extérieur de leurs foyers durant les jours de leurs règles. De ces jeunes adolescentes qui refusent de se montrer aux autres pour ne pas être embarrassées par leur condition. Même avec l’exagération comique d’un divertissement populaire, la réalité reste très frappante durant ces scènes où Lakshmi se « mêle des problèmes des femmes ». Le personnage de Lakshmi s’inspire des faits réels d’Arunachalam Muruganantham. Appelé « l’homme menstruel indien », cet homme a travaillé pendant longtemps pour rendre les serviettes hygiéniques accessibles à toutes les femmes, surtout les plus pauvres d’entre elles. A cause de leur incapacité à payer le prix trop élevé des serviettes à l’époque, elles étaient obligées d’utiliser de vieux bouts de tissus, du sable et de la terre, ainsi que des feuilles d’arbre pour éviter de se salir.

C E P E N D A N T, M A LG R É TOUTE LA BONNE VOLONTÉ DU MONDE, PAD MAN EST LOIN D’ÊTRE PA R FA I T, O U D ’ Ê T R E L E

MEILLEUR FILM DE R B A L K I ( PA A , J E T ’A I M E ) . Et cela pour deux raisons principales. La première étant de maintenir un équilibre cohérent entre tous les éléments scénaristiques proposés et le rythme emprunté pour narrer l’histoire. Les biopics sont souvent monotones, exagérés pour obtenir un effet dramatique, et cette œuvre ne fait pas exception. Mais ce qui m’a le plus dérouté, c’est que l’alternance entre le comique, le triste, le dramatique et le sensible ne se faisait pas naturellement. La seconde raison est l’amour inutile de Pari (Sonam Kapoor) à l’égard de Lakshmi. Je suis allergique aux amourettes superflues, ce n’est un secret pour personne. Et je le suis davantage quand cela n’a aucun impact réel sur les péripéties.

Le personnage d’Akki est suffisamment adorable pour justifier que l’on s’attache à lui. J’aurais plus apprécié une forme fraternelle d’affection entre ces deux personnages, qu’un amour à sens unique. Mais ce n’est peut-être que moi. C’est sans grande surprise qu’Akshay Kumar arrive à porter le film sur ses épaules. Accompagné de Radhika Apte prêtant ses traits à sa jeune épouse traditionnelle, qu’elle interprète à la perfection, et de Sonam Kapoor dans un rôle qui ne s’éloigne pas de ce qu’elle fait généralement. La performance de l’acteur ainsi que la simplicité de la réalisation de R. Balki font de Pad Man un film à découvrir. Au moins, on en ressort en retenant un message de sensibilisation vis-àvis du vécu quotidien de plusieurs femmes à travers le monde.

089


C

CRITIQUE

Où est Dan ? CRITIQUE DU FILM OCTOBER MOTS PAR E LODIE H AMIDOVIC

J ’AVA I S V I S I O N N É D E U X FILMS DE SHOOJIT SIRCAR AVA N T D E M E L A N C E R DANS OCTOBER. D’abord Vicky Donor, qui était aussi surprenant qu’attachant, puis Piku qui m’était malheureusement restée au travers de la gorge. Je ne saurais dire où placer October entre ces deux métrages. J’y ai simplement retrouvé l’honnêteté et le réalisme qui caractérisent les œuvres du réalisateur.

Mais en toute franchise, il faut s’accrocher et se montrer aussi patient que le personnage Dan... 090

LE RÉSUMÉ Dans un hôtel 5 étoiles de Delhi, Dan (Varun Dhawan) suit une formation de management. Le soir du Nouvel An, l’une des apprentis, Shiuli (Banita Sandhu) tombe par accident du troisième étage et se retrouve plongée dans le coma. Ses derniers mots : « Où est Dan ? » pousseront celui-ci à rester à ses côtés, quitte à mettre en péril sa formation pour aller la voir à l’hôpital…

VARUN DHAWAN Véritable héros du film, Dan apparaît d’abord comme un garçon mignon, un peu idiot et parfois irritant. Souvent de mauvaise


humeur et maladroit, il est loin d’être celui qui charme son entourage comme Varun le fait si aisément d’habitude.

Mais l’acteur interprète Dan dans sa totalité, embrassant ses défauts sans le moindre complexe, mettant au passage de côté son aura de superstar bollywoodienne. Il ne bouge pas dans tous les sens et joue subtilement avec les émotions de son protagoniste pour nous offrir une très belle interprétation. Si je dis qu’il est le héros du film, c’est parce que malgré une première impression déplorable, il parvient à devenir un pilier fondamental dans le combat que mènent Shiuli et sa famille. Il est déterminé, empli d’espoir et surtout, il suit son cœur. October se regarde pour Varun Dhawan et sa sensibilité.

UN DRAME DU DÉBUT À LA FIN

Oubliez tout ce que vous imaginez au sujet d’October, car le film va vous surprendre. Dan n’a jamais regardé Shiuli avec des étoiles dans les yeux, de même qu’elle ne l’a probablement jamais considéré comme plus qu’un simple collègue. La relation «d’amour» se tisse durant tous les longs mois qu’ils passent ensemble aux urgences. Si vous avez pensé à Avant Toi en voyant la bandeannonce, sachez que vous êtes bien loin d’une telle romance ! En réalité, l’amour dans ce film est dépeint de bien des façons et, surtout, n’est pas visible directement. Il prend forme en second plan sans jamais prendre la

première place dans la narration. Non, le sujet numéro 1 d’October, c’est le travail fait avec le patient dans le coma, ici la jeune Shiuli qui avait tout pour terminer sa formation et trouver un travail des plus corrects. Elle était jolie, à l’avenir plein de possibilités, mais un simple accident va tout changer.

Alors, comment ramener une personne inconsciente à un état de conscience ? Et dans le coma, peut-on entendre les autres ? Shiuli entend-t-elle Dan ? > 091


Les recherches, les différentes étapes, le jargon médical... Tout y est.

C’est presque comme visionner un documentaire sur le sujet tant le film est précis. Et pour le coup, c’est même un peu dur à regarder. Banita Sandhu, dans le rôle de Shiuli, passe 80% du film allongé dans un lit d’hôpital. Autant vous dire qu’elle a été très juste et qu’elle parvient à nous convaincre sans mal de l’état dans lequel son personnage se trouve. On a très vite de la peine pour elle, pour sa famille et naturellement, pour Dan. 092

UNE HISTOIRE DE D É TA I L S Si October peut vous donner l’impression de n’aller nulle part et d’être un peu long (il n’y a aucune musique et la répétition du thème principal peut devenir un peu fatigante malgré le fait qu’il s’agisse d’une très belle mélodie), la beauté se trouve dans les petites scènes.

Oui, vous allez vous dire : «bon, et ensuite ?» mais il y a des gestes, des regards, des sourires, des phrases qui vont capturer votre attention.


L’authenticité rend le métrage des plus plaisants, mais ce n’est pas forcément suffisant pour tout le monde. Dans d’autres circonstances, j’aurais très bien pu m’arrêter à l’intermission (qui à mes yeux, faisait vraiment tâche puisqu’il n’y a pas de première ou deuxième partie ici, le métrage reste fidèle à lui-même tout le long) et ne pas finir le film, mais je suis assez contente d’être allée jusqu’au bout.

LE RYTHME NE JONGLE PA S AV E C L E S É M OT I O N S COMME LE FERAIT D’HABITUDE UN FILM DE CE GENRE, MAIS C E R TA I N E S S C È N E S VOUS ARRACHERONT DES LARMES. C’est triste, oui. Mais c’est aussi normal vu ce qu’il se passe. La caméra du réalisateur donne la sensation de ne pas vouloir gêner, comme si le spectateur était sur les lieux et qu’il observait le tout à une certaine distance. Cette proximité nous donne une raison de questionner chaque chose, mais aussi de comprendre ce par quoi passe chaque personnage.

Les images sont très belles et clairement, l’oeuvre a été travaillée de A à Z pour ne rien laisser au hasard. On ne prend jamais le temps de nous donner des explications sur tel ou tel comportement, parce que dans la vie de tous les jours, on se connecte les uns aux autres sans chercher plus loin.

EN CONCLUSION

October est un film particulier. Il bouscule à sa manière, sans pour autant laisser une trace forte directement. Je ne saurais vraiment l’expliquer. Je n’étais pas choquée ou déstabilisée par ce que je voyais. En revanche, j’essayais de comprendre, d’accepter et de réfléchir à la manière dont j’aurais réagi à la place de Dan ou de la mère de Shiuli. C’est un film qui pousse à la réflexion et qui n’expose pas de réponse directe. C’est à nous d’analyser. Je pense donc que chacun aura compris à sa manière ce que le métrage souhaitait témoigner. Pour ma part, j’ai la sensation d’avoir appris quelque chose, d’avoir un regard différent, sans pouvoir mettre le doigt dessus.

U N E C H O S E E S T C E R TA I N E , ON NE SAURA JAMAIS À QUEL POINT DAN ET S H I U L I S ’A I M A I E N T, E T Ç A N ’A F I N A L E M E N T A U C U N E I M P O R TA N C E . J ’A I T R O U V É OCTOBER PROFOND, SINCÈRE ET SURTOUT RÉUSSI. 093


C

CRITIQUE

Daddy

M OT S PA R FAT I M A-Z A H RA E L AHMAR

Le gangster puis politicien Arun Gulab Gawli est l’une des figures proéminentes du crime en Inde. Principalement à cause de son opposition permanente avec Dawood Ibrahim, et les séquelles engendrées par cette guerre sur toute une communauté. Même si le nombre des biopics en Inde ne fait qu’augmenter, il n’est jamais simple d’interpréter un personnage ayant existé. Au-delà des potentiels problèmes de sensibilité, ces films, leurs acteurs et toutes les performances sont jugées et dépistées sans pitié. Autant par l’audience que par les personnes proches des individus illustrés à l’écran.

Pour le coup, je trouve qu’Arjun Rampal et Ashim Ahluwalia s’en tirent avec beaucoup de justesse. A quelques détails près. Comme nombre d’œuvres du genre, le métrage semble suffisamment poli de l’extérieur. Daddy est un voyou, sans être un vrai méchant. Dans un monde peuplé de personnes sans scrupule, il est loin d’être le pire. Et face à des circonstances similaires aux siennes, il ne pouvait en être autrement pour lui. C’est la conclusion qui se trace, une fois arrivé à la fin de son parcours. Et pourtant, la prestation d’Arjun Rampal de ce personnage aseptisé en dit long. 094

Ecrit communément par le réalisateur et l’acteur principal, le métrage prend une trajectoire particulière. Tout démarre sur un meurtre sordide, dont Arun Gawli est le principal suspect. L’a-t-il fait ou non n’est pas l’intérêt principal de l’inspecteur qui prend en charge l’affaire. Son but est plutôt de le prouver, de n’importe quelle manière. Ainsi donc, il fouille dans le passé de cette personne polémique. Il s’entoure de gens qui ont croisé le chemin de ce gangster. Il essaie de les convaincre de témoigner contre lui. C’est comme ça que l’histoire se construit. Chacun d’entre eux raconte ce qu’il a vu de ses propres yeux, sans manquer de donner sa propre vision de cet homme emblématique.


L A F O R C E D E D A D DY, E N PLUS DE SON APPROCHE SCÉNARISTIQUE PARTICULIÈRE POUR UN FILM INDIEN, RÉSIDE DANS SON CASTING. Porté naturellement par un Arjun qui brille comme jamais, tous les acteurs ont su donner vie à leurs personnages. Aishwarya Rajesh apporte la douceur et le soutien à un homme beaucoup trop tourmenté. Nishikant Kamat incarne la haine viscérale d’une vengeance inaccomplie. Rajesh Shringarpure est de son côté l’amitié sans limite, aussi malsain soit-il. Shruti Bapna insuffle la touche d’insolence et d’impudeur de ce monde. Et tous apportent une certaine authenticité au résultat final. Y compris Farhan Akhtar qui prête ses traits à une version revisitée de Dawood Ibrahim. Pour des raisons évidentes, ce personnage s’appelle Maqsood. Et pour des raisons toutes aussi évidentes, l’équipe de l’œuvre s’entête à dire qu’il ne s’agit pas de Dawood.

Mais auquel on n’a pas laissé sa chance d’y arriver. J’admets que pour un film de crime dramatique, ils ne pouvaient pas trouver une meilleure formule.

Cependant, les Robin des Bois fusent partout, et avoir un antagoniste en guise de héros aurait été un agréable changement. D’autant plus que ses réelles motivations, autant pour sa carrière de criminel que pour son changement, n’étaient que vaguement explorées. Cela dit, je leur pardonne car dans son intégralité, Daddy est une réussite. Les détails des années 1970 et 1980 donnent une touche supplémentaire sur laquelle l’équipe du film a dû passer énormément de temps. Si les chansons sont assez oubliables, leur utilisation reste néanmoins correcte dans la narration. Aucune d’elle ne tire en longueur ou ne consomme du temps qui aurait pu être dédié à d’autres éléments de la trame.

Pourtant, tout y est : l’animosité avec Daddy, l’histoire et la façon dont tout se termine entre les deux.

AV E C D A D DY, A R J U N RAMPAL PROUVE UNE FOIS ENCORE SA CAPACITÉ À ÉMOUVOIR.

Dans son apparition spéciale, Farhan marque les esprits. Il n’a pas la carrure physique d’un dangereux gangster, par contre son aura, ses regards noircis et ses expressions ont tout ce qu’il y a de plus redoutable chez un ‘don’. Si Daddy ne se cache pas de ses tendances criminelles au début et ne cherche aucunement à justifier ses crimes, tout change au fur et à mesure que les témoignages se font.

Le rôle en soit n’a rien de simple, mais l’acteur n’a aucun mal à y plonger de tout son être. En plus de sa transformation physique pour adopter les traits d’Arun Gawli, c’est surtout son jeu qui détient toute la magie. Il y a beaucoup de choses à apprécier de ce métrage. D’autres choses qui peuvent troubler les plus sensibles. Mais une chose demeure unanime : vous ne verrez plus Arjun Rampal du même œil après ce rôle.

L’histoire d’Arun Gawli est présentée comme celle d’un homme qui a essayé de changer. 095


C

CRITIQUE

Sai r at MOTS PAR AS MAE B E N MANSO UR

Je suis soufflée. Cela faisait quelques mois que je traînais le visionnage de Sairat en longueur. Pas par manque d’envie, mais par manque de temps. Il faut dire que la bobine de Sairat s’étale sur près de 3 heures. Et la vie suivant son cours, j’avais presque oublié ce film... Jusqu’à l’annonce de son remake, Dhadak, sorti en juillet dernier avec Ishaan Khatter et Janhvi Kapoor. Il fallait donc absolument que je vois Sairat avant !

D’autant que c’était l’occasion pour moi de découvrir une industrie indienne que je connais peu : celle du cinéma marathi. Car dans le Nord du pays, il n’y a pas que les films hindi ou punjabi ! Sairat constitue donc le métrage initiatique qui doit déterminer (ou pas) mon intérêt à venir pour cette industrie. Le thème de l’amour impossible est bien connu, surtout en Inde. Des films qui abordent les relations inter-castes, interreligieuses ou tout simplement ceux où deux amants s’aiment contre de l’avis de leurs familles, c’est bien connu. Je raffole de ce genre de métrages. Alors autant vous dire que j’ai vu un nombre incalculable d’œuvres du genre. Avec le temps, mes goûts se sont étoffés et je suis devenue une spectatrice assez exigeante. Oui, je voulais être émue, mais pas pour rien ! 096

En décidant de parler de ce film pour cette édition du magazine, je savais que je ne devais pas trop en dire pour, d’abord, ne pas gâcher le plaisir de ceux qui voudraient voir le l’original. Ensuite, pour ne pas sous-entendre que le remake était à proscrire. Déjà, parce que ce n’est pas du tout le cas. Foncez voir Dhadak si vous en avez l’occasion. Pour une fois qu’un remake n’est pas un massacre de l’oeuvre originelle, on ne va pas se gêner !

Sairat a représenté un travail de longue haleine pour son réalisateur, qui en a également écrit l’histoire. Nagraj Manjule livre un premier jet de cette idylle dramatique entre deux amants issus de castes différentes en 2009. Pas convaincu par le résultat, il lâche l’affaire. 4 ans plus tard, il donne une seconde chance à sa trame, cette fois sur grand écran en réalisant Fandry (aujourd’hui disponible sur Netflix). Le métrage sera encensé par la critique et vaudra à Nagraj le National Award du Meilleur Réalisateur Débutant. Mais le cinéaste a envie d’aller plus loin. Sur le sujet, il a des choses à dire. Il reprend le scénario de Fandry qu’il décide de parfaire, en se donnant davantage de moyens techniques.

C’est ainsi que Sairat voit le jour, pour sortir en salles en 2016.


Autant dire que ce métrage a demandé à son créateur beaucoup de temps et d’énergie.

Le schéma est pourtant assez basique. Prashant (Akash Thosar) est amoureux d’Archana (Rinku Rajguru). Il est le fils d’un poissonnier, elle est la fille d’un politicien. Plusieurs rangs du système de caste les séparent. Nous sommes en 2016 et pour la famille d’Archana, cette union est impensable. C’est bête mais c’est hélas une réalité bien vivace en Inde. Prashant et Archana vont donc fuir pour être capable de vivre leur amour.

MAIS CE COUPLE A R R I V E R A -T- I L À A L L E R J U S Q U ’A U B O U T ?

Impossible de s’ennuyer ! Les séquences s’enchaînent avec un rythme cadencé, les seuls instants de respiration, presque suspendus, résidant dans les scènes musicales. Le ton est léger mais suggère rapidement une certaine amertume. Dès le départ, on sent effectivement que les choses vont mal tourner.

Le casting constitue l’une des grandes forces de ce film poignant. Akash Thosar est absolument magistral en jeune homme de basse caste qui ose croire que l’amour qu’il éprouve pour sa belle est plus fort que tout. Son jeu feutré amène toute la nuance indispensable à un tel personnage. Jamais il ne se prend pour un héros. > 097


Il fait des erreurs et s’en repend. Ce qui marque chez Prashant (et donc dans la prestation d’Akash), c’est sa profonde honnêteté.

Rinku Rajguru nous emporte par sa drôlerie rêche, presque râpeuse. Rendez-vous compte que la jeune comédienne n’avait que 15 ans lors de la sortie de Sairat. J’ai été époustouflée par la maturité de son interprétation, jamais excessive. Elle incarne avec éclat Archana, cette fille de bonne famille qui affirme fermement son intention d’aimer et d’épouser Prashant malgré leur différence de caste. Elle ne se laisse jamais enfermer dans le stéréotype de la jeune fille vulnérable et spectatrice de sa situation. Elle agit, hurle et pointe le pistolet pour défendre sa cause. Moins flingueuse que la Zoya d’Ishaqzaade, Archana n’en demeure pas moins un

personnage à la féminité féroce, vif et mordant. Sairat ne tient pourtant qu’à un fil, celui sur lequel le cinéaste Nagraj Manjule s’avance, en équilibre entre sa formidable maîtrise technique (chaque plan a du sens, chaque angle est filmé avec une maîtrise du cadre qui donne encore plus de personnalité à la trame) et le caractère intuitif des sensations qu’il procure. Sairat laisse parler sa pellicule, son image et la vulnérabilité que respirent ses protagonistes sans s’encombrer d’un autre langage, évitant ainsi toute redondance entre le visuel et la parole.

Sairat sort complètement de la romance pour nous montrer comment deux êtres issus de castes différentes sont susceptibles de survivre dans la société dans laquelle ils vivent.


On dépasse largement le stade du «ils se marièrent et vécurent heureux» puisque le métrage s’attache à l’après. Le couple s’aime et décide d’assumer les lourdes conséquences de cet amour.

Q U ’ E S T- C E Q U E Ç A V E U T DIRE, AIMER QUELQU’UN D’UNE AUTRE CASTE DANS L’ I N D E C O N T E M P O R A I N E ? On pourrait croire que cette hiérarchisation de la société soit tombée en désuétude. Mais dans les faits, il n’en est rien. Le système occupe toujours une place majeure dans l’Inde moderne. Les crimes d’honneur aussi.

Cela dit, ne vous méprenez pas. Sairat n’est ni un documentaire, ni une oeuvre sociale. C’est une fiction captivante où tous les aspects sont au point. De la distribution à la photographie, en passant par la musique.

La bande-originale est un joyau à l’état brut. Les 4 mélodies qui font l’album du film sont enivrantes au possible, en parfaite harmonie avec le métrage. Il existe un mariage impeccable entre les images et les sons qui les accompagnent. Aucune chanson n’est superflue, aucune ne tombe au mauvais moment dans la narration. Chaque scène musicale a une place pertinente dans l’évolution des protagonistes.

Sur CD, le résultat est tout aussi appréciable. Car les mélodies de Sairat arrivent à exister et à rester en mémoire même

indépendamment du métrage qu’elles servent. De la puissante «Sairat Zaala Ji» à la légère «Yad Lagla» en passant par la pétillante «Aatch Baya Baavarla», le duo Ajay-Atul a fait un travail de composition tout bonnement admirable.

Et comment faire l’impasse sur l’inoubliable «Zingaat», qu’il est impossible de se tirer de la tête après le visionnage ? Si la version hindi de ce son est très efficace, j’ai une préférence pour l’original en marathi. Peut-être pour l’authenticité de sa mise en scène, moins propre que celle de Dhadak.

En co ncl u si o n, Que puis-je dire ? Vous avez vu Dhadak, sorti cet été ? Découvrez l’original dont le souffle est assez différent pour vous éviter un vrai sentiment de répétition. Vous n’avez pas vu Dhadak ? Foncez voir Sairat pour sa sincérité et sa beauté brute avant de vous attaquer à sa version Bollywood plus aseptisée (mais tout de même réussie).

J E N ’AVA I S PA S É T É SI TROUBLÉE PAR UN MÉTRAGE (EN TOUT CAS PAR SON ÉPILOGUE) DEPUIS DÉESSES INDIENNES EN COLÈRE. C’EST DIRE À QUEL P O I N T S A I R AT E S T IMMANQUABLE.

099


C

CRITIQUE

MUKKABAAZ TRIPLE CRITIQUE

#1

Un faux film de sport. M OT S PA R AS M A E BE NMANSOUR

Je ne voulais pas spécialement voir Mukkabaaz. Du moins, pas dans l’immédiat. Je sais, c’est étrange quand on sait qu’Anurag Kashyap est mon réalisateur indien favori. Mais en voyant la bande-annonce, je pensais savoir à quoi j’aurais affaire. Un film de sport ? Encore ? Un film sur la boxe, qui plus est ? J’avais déjà donné avec Mary Kom et Irudhi Suttru. J’étais donc résolue à laisser ce métrage de côté quelques temps pour privilégier des œuvres qui me tentaient beaucoup plus. 100

Et puis, Elodie m’a saoulée. Elodie, aussi adorable puisse-t-elle être, a ce don de vous rabâcher le nom d’un film si elle estime que vous vous devez de le voir. Et je dois avouer qu’à chaque fois, elle a raison. Elle me connaît bien et sait quel genre de métrages sera susceptible de m’émouvoir. Pourtant, je repousse l’échéance. J’ai une liste de films aussi longue que le bras à visionner, et Mukkabaaz n’est pas en tête ! Elodie dégaine donc l’artillerie lourde mais en arborant la mignonnerie qui la caractérise : « Et si on

parlait de Mukkabaaz dans le prochain numéro ? Et dans le cadre de la triple critique ? » Je suis coincée. Mukkabaaz fera donc partie de mes prochains visionnages, que je le veuille ou non.


Sauf qu’à la fin du métrage, j’étais enchantée. Et agacée. Oui, parce que dans ma tête, il y a la voix d’Elodie qui raisonne et qui n’a de cesse de répéter frénétiquement « Je te

l’avais dit ! Je te l’avais dit ! Je te l’avais dit ! ». Effectivement. Ma première surprise, et pas des moindres, c’est le genre du film.

Car contrairement à ce que je pensais, Mukkabaaz ne relève pas du film de sport. Amen ! Certes, la boxe y est très présente. Mais ce n’est pas le sujet de fond du métrage, qui constitue un véritable récit de vie sur ce jeune homme qui, au-delà de rêver de gloire et de médailles, rêve d’épouser son grand amour. Oui, Mukkabaaz est une œuvre romantique… à la sauce Kashyap ! Il y a des coups de sang, de la corruption, de l’injustice sociale… Car Anurag Kashyap n’est pas un réalisateur qui se laisse aller à la facilité. Entre l’histoire d’amour et l’enjeu sportif, le cinéaste truffe son histoire de véritables questionnements quant au fonctionnement des fédérations sportives mais aussi sur la situation des couples inter-castes. Pour autant, rien n’est intellectualisé. Kashyap n’est pas là pas pour faire un film social. Ce qui prime, ce sont les émotions des protagonistes.

Un casting remarquable. J’avais un vague souvenir de Vineet Kumar Singh dans Gangs of Wasseypur, sans qu’il m’ait plus marqué que ça. Il faut dire qu’il s’était clairement fait voler la vedette par le formidable Nawazuddin Siddiqui, dont le rôle était, au demeurant, bien plus important. Avec Mukkabaaz, il hérite enfin du personnage principal qui peut le révéler.

Pari gagné puisque l’acteur est tout bonnement saisissant dans la peau de Shravan, archétype du bon à rien qui s’accroche à son rêve. Vineet donne à Shravan son dynamisme et son charisme. Jimmy Shergill, que j’adore, est détestable dans le rôle de Bhagwan, cet homme intéressé et impitoyable. Il prouve ainsi qu’il est à la fois capable de nous toucher par sa tendresse (cf Mohabbatein, Dil Hai Tumharaa) tout en nous bousculant dans des rôles plus rudes.

Mais la révélation du film s’appelle Zoya Hussain, qui prête son image au personnage de Sunaina, jeune fille muette dont s’éprend éperdument Shravan. La jeune femme a appris le langage des signes pour ce rôle qu’elle fait vivre avec un incroyable panache. Si Sunaina est muette, elle est loin d’être passive. Effrontée et vaillante, elle cueille par sa rage de vaincre et sa ténacité.

Coup de cœur. C’est clairement l’un des films plus intéressants de cette première moitié de l’an 2018. Il constitue pour ma part une très belle surprise et une confirmation de mon admiration sans limite pour Anurag Kashyap.

LE FILM VOUS ÉTONNE, VOUS PREND AU DÉPOURVU ET VOUS MÈNE LÀ OÙ VOUS NE PENSIEZ PA S AT T E R R I R . Un plaisir monumental pour tout spectateur éveillé. Alors foncez ! > 101


#2

Sur le papier, Mukkabaaz est un autre film de sport. M OT S PA R FAT I M A-Z A H RA E L AHMAR

Basé sur la boxe dans la trame classique du jeune homme qui cherche à braver ses malheurs. Qui cherche à devenir quelqu’un de meilleur. Dans sa réalité, Mukkabaaz est beaucoup de choses à la fois : une histoire d’amour, une histoire d’espoir, une histoire politique et une histoire d’ego… Anurag Kashyap tente de manier tous ces différents fils, et le résultat n’est pas pour autant satisfaisant.

Le point le plus fort du film est son casting. Dirigé par le brillant Jimmy Shergill, les nouveaux Vineet Kumar Singh et Zoya Hussain ne manquent pas de le suivre et délivrent leurs performances avec justesse. Ils étaient tous les deux une véritable surprise. Même si l’acteur s’est déjà affiché sur les grands écrans, avec le rôle de Shravan, il a une véritable occasion de briller. Il s’en saisit sans cligner des yeux et représente à la perfection ce bon à rien qui ose rêver plus que de raison. Zoya est discrète, douce, attachante sous les traits de Sunaina, cette jeune femme muette et innocente. Sa fraîcheur se fait sentir, ainsi que son jeu naturel.

JIMMY ME RAPPELLE ENCORE UNE FOIS P O U R Q U O I J E L’A I M E , E T POURQUOI IL MÉRITE PLUS 102

DE RECONNAISSANCE À B O L LY W O O D . Caméléon qui se glisse dans la peau de tous ses personnages, au point de me donner envie de baffer Mishra quand il apparaît. Puis d’avoir envie de le revoir quand le métrage passe à une scène sans lui.

Je n’irai pas jusqu’à dire que c’est le meilleur qu’Anurag Kashyap a à offrir, mais dans son genre, Mukkabaaz n’est pas mal du tout. Je ne suis pas aussi éblouie qu’Asmae et Elodie par le contenu. J’avais souvent l’impression de voir beaucoup trop d’éléments mixés : un cocktail qui fonctionne pour certaines scènes, et qui manque de consistance dans d’autres. Or, cela ne devrait pas vous empêcher d’apprécier le film, pour sa rudesse et sa brutalité. Style iconique d’Anurag. Maquiller un fond plus social et politique par un faux déguisement sportif est une idée bien pensée.Encore faudrait-il que les personnes qui craignent les films sur la boxe osent tenter l’expérience.

#3

Un film sur le sport, encore ? MOTS PAR ELO DIE H AMIDOVIC

Et non ! Anurag Kashyap risque de vous mettre K.O avec Mukkabaaz qui est très loin des métrages sportifs habituels à Bollywood. Ici, la passion de Sharvan Singh est aussi importante que ses sentiments pour Sunaina. L’un ne va pas sans l’autre. Oui, c’est un film romantique, mais pas que ! C’est aussi un film sur l’espoir. Un film qui essaye de vous dire simplement qu’il faut agir pour obtenir


ce que l’on souhaite et que, si jamais ça ne se passe pas comme prévu, qu’il ne faut pas baisser les bras et continuer à avancer. Il y a de la sensibilité ici. Il y a aussi du drame, de la manigance, des scènes sur le ring, mais à aucun moment tout ça n’est survendu pour mettre en avant que la boxe est le sujet central de l’histoire, comme l’avait fait Karan Malhotra avec Brothers ou encore Omung Kumar avec Mary Kom. Une histoire peut très bien envelopper plusieurs genres au fil de sa narration.

Et il était évident qu’avec Anurag Kashyap, cela ne pouvait pas être qu’une simple romance ou qu’un film uniquement sportif. Le réalisateur aime englober plusieurs messages, ce qui explique la longueur du film (2h35). Pour ma part, je n’ai pas vu le temps passer, emportée par certaines scènes et par les dialogues pointus, mais certains pourraient trouver le temps long. Les personnages de Mukkabaaz sont déterminés, ils foncent, ils osent. Ils se battent pour atteindre leurs rêves.

I L N ’ Y A PA S D E FA U X SEMBLANT DANS LA TRAME. Les scènes s’enchaînent dans une logique réfléchie, captivant le regard du spectateur. D’ailleurs, il est presque impossible de voir les acteurs derrière les interprétations tant ils sont tous impeccables. Vineet Kumar Singh (qui a participé à l’écriture du film) est impressionnant, tant par son physique (il a vendu ses affaires et s’est entraîné pendant plus de deux ans au Punjab pour apprendre la boxe !) que par sa sensibilité. L’acteur aurait très bien pu porter le film tout seul si le reste

du casting n’avait pas été aussi excellent. Par chance, il est parfaitement entouré !

Si Jimmy Sheirgill et Ravi Kishan font plaisir à voir, Zoya Hussain se démarque dans le rôle de Sunaina. C’est qu’elle est féroce, Sunaina ! Muette, oui, mais pas silencieuse pour autant ! Elle est même, peut-être, plus têtue encore que celui qu’elle aime et qui serait prêt à donner sa vie pour la boxe. D’une certaine façon, j’ai eu la sensation que l’équipe du film, en plus d’avoir fait un excellent travail, voulait se moquer de ces drames sportifs qui se multiplient dans l’industrie. Mukkabaaz se rapproche plus d’un Kai Po Che ! (l’œuvre de Abhishek Kapoor dans lequel le cricket est un élément central de l’histoire) que d’un Bhaag Milkha Bhaag (l’excellent drame biographique et sportif de Rakeysh Omprakash Mehra).


R REMAKE

104

S IDHARTH MALH OTRA ET SO NAKSH I SINH A DANS LE F ILM ITTEFAQ (2 017)


L’Inde a pour habitude de miser sur les remakes, qu’ils soient régionaux ou internationaux. En effet, réadapter une œuvre aux coutumes nationales voire régionales fait office de véritable tendance dans les industries indiennes, à Bollywood comme dans les capitales dravidiennes.

I T T E FA Q

VS

I T T E FA Q

MOTS PAR AS MAE B E N MANSO UR

En 2017 sort en Inde le suspense Ittefaq, une production conjointe de Karan Johar et Shahrukh Khan. Le métrage rencontrera un franc succès à sa sortie pour son écriture et son atmosphère atypique pour un métrage hindi populaire. Pourtant, Ittefaq n’est pas un film original. En effet, il s’agit du remake officiel du métrage hindi du même nom, sorti en 1969 avec Rajesh Khanna et Nanda.

L’Ittefaq de l’an dernier constitue-t-il une adaptation ratée ? Quels sont les atouts de cette version ‘made in Dharma’ ? ITTEFAQ Réalisé par : Yash Chopra Industrie : Bollywood Année : 1969 Distribution : Rajesh Khanna, Nanda, Bindu et Iftekhar Musique : Salil Chowdhury

ITTEFAQ Réalisé par : Abhay Chopra Industrie : Bollywood Année : 2017 Distribution : Sidharth Malhotra, Sonakshi Sinha, Akshaye Khanna et Pavail Gulati Musique : Tanishk Bagchi

Dilip Roy/Vikram Sethi (Rajesh Khanna/Sidharth Malhotra) est accusé du meurtre de sa femme Sushma/Katherine (Alka/Kimberly Louisa McBeath). Alors qu’il tente d’échapper à la police, il se réfugie chez Rekha Jagmohan/Maya Sinha (Nanda/Sonakshi Sinha). Mais sur place, une autre victime est à déplorer ce soir-là : Jagmohan/Shekhar Sinha, l’époux de Rekha/Maya... >

105


Ittefaq 1969 en 3 points... 1. DÉJÀ-VU. Car si Ittefaq est en lui-même un film clairement captivant, le mérite ne revient pas vraiment à G.R. Kamath qui a écrit l’histoire. Puisque la trame d’Ittefaq est directement pompée sur celle de Signpost to Murder, un film américain sorti 4 ans plus tôt avec Joanne Woodward et Stuart Whtman.

Ittefaq 2017 en 3 points...

Dommage quand on sait que l’histoire était l’atout principal d’Ittefaq…

1 . L A R É A L I S AT I O N D ’A B H AY C H O P R A .

2. NANDA ÉPOUSTOUFLANTE.

Il ose s’attaquer à l’un des classiques réalisés par son grand-oncle. Pourtant, l’Ittefaq d’Abhay se distingue par l’atmosphère qui y est instaurée par son cinéaste. Les couleurs sombres dominantes, l’environnement crasseux et délétère qui entoure les protagonistes. Tout est fait pour nous rendre Ittefaq non seulement crédible mais clairement saisissant. Le spectateur ne peut que s’engager dans ce suspense aux multiples rebondissements.

Elle fait partie de ces actrices de l’époque qui, malgré leur indéniable succès, ne se sont pas autant imposées qu’elles l’auraient mérité. Pourtant, Nanda prouve avec ce métrage à quel point elle est exceptionnelle, supplantant la superstar Rajesh Khanna, au jeu plus grossier malgré son indéniable charisme. La jeune femme est tantôt apeurée, tantôt aguicheuse, tantôt manipulatrice puis désespérée. Dans chacune de ses phases, on voit en elle une âme innocente et on lui donnerait le bon dieu sans confession ! Au service de ce film singulier, la comédienne se révèle et s’impose dans la mémoire du spectateur.

106

Ittefaq de faire l’objet d’un plébiscite presque inespéré, aussi bien commercial que critique. Le métrage reste l’un des plus intéressants de son époque par sa relative simplicité. On est loin du Yash Chopra qu’on a connu dans les deux dernières décennies de sa carrière, car ici, il se départit de toute grandiloquence pour laisser toute la place à la trame et à ses interprètes. Et c’est jouissif !

2 . L E M O N TA G E D E NITIN BAID.

3. AUDACIEUX POUR L’ É P O Q U E .

Il utilise un procédé narratif bien connu : l’effet Rashomon, faisant référence au film japonais du même nom sorti en 1950.

Un thriller sans scène dansée ni musique qui dure moins de deux hures et semble se conformer à un format plus occidental… Ce film n’avait rien pour rencontrer le succès, si ce n’est la présence à sa distribution du très populaire Rajesh Khanna. Car en 1969, on ne faisait pas du cinéma de cette façon, à Bollywood. Ce qui n’empêchera pas

Car dans Ittefaq, deux versions viennent se confronter pour mieux s’opposer : celle de Vikram et celle de Maya. C’est probablement ce qui donne à ce remake tout son caractère en nous plongeant dans l’action dès les premières secondes. Moins linéaire que le film d’origine, l’effet de surprise est au rendez-vous.


Le montage astucieux est assurément le héros d’Ittefaq version 2017.

3. SIDHARTH MALHOTRA Y EST PRESQUE. Oui, ce n’est pas une erreur de frappe. Sidharth Malhotra est bon. Presque. Car sur les 107 minutes de la bobine, il fait un travail assez remarquable. On entre presque automatiquement en empathie avec son personnage, en opposition avec le rôle de Maya, campé plus mécaniquement par une Sonakshi Sinha décevante. Cela dit, il gâche tout dans la scène conclusive, où son jeu robotique refait surface. C’est bien ce que je disais. Il y était presque.

En co nc l us i o n Si l’Ittefaq de 1969 a marqué son époque, sa version moderne se distingue par sa narration captivante. Dans les deux cas, les acteurs incarnant les officiers chargés de l’enquête sont absolument formidables. D’un côté, il y a l’incontournable Iftekhar, véritable incarnation du flic au cinéma hindi qui ne déçoit jamais. De l’autre, il y a le remarquable Akshaye Khanna qui prouve avec ce métrage qu’il a terriblement manqué au Bollywood contemporain.

RAJESH KH ANNA ET NANDA DANS LE F ILM ITTEFAQ (1969)



TOVINO THOMAS

... THE NEW FACE


T

TOVINO THOMAS

the new face

Tovino Thomas, l’inattendu M OT S PA R E LO D I E H A M IDOVIC

C’est vraiment en un temps record que cet acteur malayalam s’est imposé sur grand écran. Impossible aujourd’hui de passer à côté de ce géant au visage qui se transforme, tantôt vilain à moustache, tantôt gangster naïf, tantôt héros barbu… Tovino aime définitivement changer de costume. A tous les coups, un jour, vous vous êtes dit : «Mais où est-ce que je l’ai déjà vu, celui-là ?», à moins que l’industrie de Mollywood reste encore un mystère pour vous. Avant qu’il ne rafle tous les prix et qu’il devienne la mégastar qu’on est persuadées de le voir devenir, il faut qu’on vous présente ce nouveau visage du sud.

IL VIT LE RÊVE, TOVINO, E T Ç A VA Ê T R E T R È S D I F F I C I L E D E L’A R R Ê T E R ! 110


Trois ans pour démarrer L’ I N G É N I E U R I N FO R M AT I Q U E D E V E N U ACTEUR DE CINÉMA. Comme beaucoup, Tovino a rêvé de cinéma, mais n’a pas tenté sa chance tout de suite. « Je n’ai jamais dit à ma famille ou à

mes amis que je voulais être acteur, ils m’auraient envoyé dans un asile (rires). En plus, je n’ai jamais montré mes talents à l’école ou à l’université et les rares fois où je l’ai fait, c’était un désastre. » Il a donc d’abord poursuivi ses études en électronique à l’Université d’Ingénierie du Tamil Nadu pour ensuite trouver un job qui pourra subvenir à ses besoins. Jusqu’à ce que la réalité le rattrape. « Lorsque j’ai trouvé mon premier

emploi en tant qu’informaticien, j’ai vite compris que quelque chose me manquait dans la vie. » Il décide alors de

tout lâcher pour réaliser son rêve et pendant longtemps, Tovino essuie de multiples refus.

LES AUDITIONS SE CONCLUENT TOUTES DE LA M Ê M E FA Ç O N : L’A C T E U R N ’A U R A I T, A P PA R E M M E N T, PAS LES ÉPAULES POUR LE C I N É M A M A L AYA L A M . Il galère complètement, inquiétant ses parents et ses amis, dans une profession qui n’apporte pas toujours de sécurité financière. Heureusement, ils ne lui tournent pas le dos. « Lorsque mon premier court-métrage

est sorti, c’était comme un rayon d’espoir, un soulagement pour eux. Quand vous êtes entouré de personnes qui croient en vos rêves, alors l’échec n’est pas possible. » >

111


Un premier rôle secondaire négatif qui va lui Et puisqu’il n’est pas un fils ouvrir les portes d’une carrière intéressante... de, il entre au cinéma par les coulisses en devenant l’assistant réalisateur de Roopesh Peethambaran sur le tournage de Trois ans pour trouver une place LES RÔLES Theevram en 2011. Cette expérience lui donne un aperçu des rouages du cinéma malayalam et l’aidera à se décider quant à la façon dont il souhaite aborder sa carrière. « Le cinéma est un

art, pas un business. Une fois qu’un film est projeté à l’écran, il devient une part de l’histoire. » En parallèle et

puisqu’il n’est franchement pas désagréable à regarder, il fait quelques jobs pour des publicités et admet que c’est ce travail-là qui a contribué à son entrée dans l’industrie. C’est d’ailleurs un cheminement par lequel de nombreuses stars sont passées avant lui, mon actrice préférée en tête : Preity Zinta (elle a été remarquée en plein tournage d’une publicité avant d’être lancée dans Dil Se). Si son tout premier rôle dans Prabhuvinte Makkal en 2012, drame sur la religion dans une famille mixte, passe inaperçu au cinéma, il faudra attendre que le métrage soit disponible sur Youtube pour qu’il soit jugé par l’audience et le retour est correct. « Je n’étais pas déçu à l’époque,

puisque j’espérais tourner dans d’autres films après. D’ailleurs, ce film a été une sacrée expérience pour moi. »

Avec ABCD (American Born $Confused Desi) en 2013, il se démarque en politicien véreux et réussit à se faire une place malgré la présence d’une autre star du cinéma : Dulquer Salmaan. 112

SECONDAIRES QUI C H A N G E N T TO U T. Tovino Thomas s’incruste dans les métrages qui cartonnent, campant des rôles importants mais secondaires, laissant volontiers d’autres acteurs être sous les feux des projecteurs. Il n’est jamais vraiment en tête d’affiche, mais prend la place nécessaire et illumine la caméra à chacune de ses scènes. Surtout, il ne se répète pas ! « Je ne compte pas

tomber dans les stéréotypes durant ma carrière. C’est ma passion d’explorer mon potentiel et de m’améliorer à travers ma profession. Je ne veux pas rester dans ma zone de confort. »

En 2014, il est l’affiche de deux films : le polar 7th Day aux côtés de Prithviraj et Koothara avec le grand Mohanlal. « Mohanlal m’a donné plein de conseils durant le tournage de Koothara et Prithviraj m’a aidé à améliorer la scène finale de 7th Day. J’apprends quelque chose de nouveau avec chacune de mes co-stars. » Tovino, c’est le genre d’acteur qui a besoin de se sentir lui-même quel que soit le tournage sur lequel il se trouve. Il fait aussi bien attention au réalisateur et à sa vision des choses, qu’aux techniciens et aux autres comédiens. Il aime dire qu’il se fait de nouveaux amis à chaque fois, ce qui l’encourage à se donner à 100% quel que soit le travail qu’on lui demande. >


KOOTHARA ( 2014) 113


E NNU NINTE MOIDEEN (2 015) 114


En 2015, il remporte ses premiers prix, dont le Filmfare Award South du Meilleur Acteur Secondaire pour le personnage de Perumpparambil Appu dans le très beau Ennu Ninte Moideen, dans lequel il retrouve Prithviraj et fait face à la belle Parvathy. Sensible et marquant, il est loin des rôles négatifs qu’il portait dans ABCD ou 7th Day. « Je n’ai jamais reçu autant d’appels

de ma vie ! C’est à ce moment-là que j’ai compris que j’avais une place au cinéma. » La même année, il retrouve

le réalisateur qui lui a donné sa première opportunité et fait une apparition spéciale dans le film Charlie. Mais il excelle aussi en professeur de gym maladroit qui donne des conseils à tout bout de champ, véritable élément comique de You Too Brutus, démontrant ainsi qu’il peut aussi nous faire hurler de rire !

En 2016, il participe à 4 projets différents. Il s’essaye de nouveau au rôle du vilain à travers son premier masala, Style, puis il enchaîne deux apparitions spéciales dans Monsoon Mangoes et 2 Penkuttikal. Surtout, il est au casting de Guppy, dans lequel il incarne de nouveau l’ennemi du héros en ingénieur décidé et des plus sérieux. Mais cette fois, ce héros est un enfant rebelle et le duo que Tovino forme avec le jeune Chethan Jayalal est tout simplement formidable.

Si le métrage fait un flop, la critique ne manquera pas de féliciter l’équipe.

Loin d’incarner un personnage facile, il remportera également des prix et sera de nouveau nommé pour le Filmfare Award South du Meilleur Acteur Secondaire. « Dernièrement, certains médias m’ont

suggéré d’éviter de jouer des rôles secondaires, mais ça n’a aucun sens. Cela me rend heureux de contribuer à un film, même un peu, en faisant une scène ou deux .»

Trois ans pour conquérir le monde LES SUCCÈS QUI NE CESSENT PLUS DE FA I R E PA R L E R D E LU I . En dehors d’Ezra (avec Prithviraj, de nouveau), Tovino Thomas est la tête d’affiche (pour la première fois) de tous ses autres projets de l’année dont la première production malayalam de l’acteur Dhanush. Tous cartonnent, propulsant alors l’acteur comme l’une des révélations du cinéma malayalam d’aujourd’hui. Aucun de ses films ne se ressemble et chacun met en valeur les différents visages que l’acteur est capable d’interpréter.

« J’ai entendu dire que certains acteurs se préparaient physiquement pendant des mois avant le tournage d’un film mais honnêtement, je ne le fais pas. J’étudie simplement le personnage avant de passer devant la caméra. C’est ce qu’il y a de plus important. » Pour être honnête, je n’avais

jamais vu un combo aussi parfait en si peu de temps. C’est un peu une recette secrète : comment cartonner en 4 films et devenir la prochaine superstar de toute une industrie, par Tovino Thomas. > 115


Mar s 2 017 Oru Mexican Aparatha, la satire politique.

Il joue qui ? Il est d’abord le révolutionnaire Sakhavu en 1975, le temps de l’introduction de l’histoire principale où il interprète l’étudiant Paul. Et ça parle de quoi ? De la guerre entre deux partis politiques, dans une université ! Ou comment Paul incarne la réincarnation de Sakhavu, alors qu’à la base, il n’en a rien à cirer de tout ça...

Mai 2 017 Godha, le film sportif

Il joue qui ? Das, qui veut faire du cricket, mais que son père envoie au Punjab pour étudier et faire quelque chose de sa vie. Et ça parle de quoi ? De la lutte, de sa signification quelles que soient les générations ou la région ! Entre le père de Das, véritable légende et la jeune Aditi, la même passion les unit...

Se pte mbre 2 0 17 Tharangam, la comédie noire.

Il joue qui ? Le drôle de policier Pappan, qui est chargé de suivre la femme d’un businessman. Un job comme un autre, pensait-il... Et ça parle de quoi ? Des situations complètement barges dans lesquelles des flics peuvent se retrouver durant une enquête qui, au départ, semblait basique. Petit à petit, c’est le chaos...

Déce mbre 20 17 Mayaanadhi, la comédie romantique. 116

Il joue qui ? Maathan, un gangster en fuite, perdu, avec une bouille innocente et une naïveté enfantine. Et puis surtout, amoureux. Et ça parle de quoi ? Des retrouvailles de Maathan avec la belle Appu, qui n’est pas forcément ravie de voir débarquer son ex dans le coin. Et puis des flics qui cherchent Maathan...

En 2018, Tovino ne se contredit pas : s’il peut jouer dans un film et y contribuer à sa manière, il le fait. Il participe ainsi au biopic Aami, dans le rôle de la conscience (sous la forme de Lord Krishna) de l’auteure Kamala Das. Enfin, il fait ses débuts à Kollywood avec Abhiyude Kadha Anuvinteyum (Abhiyum Anuvum pour Mollywood, le film ayant été tourné dans les deux langues). Dans ce drame romantique, Tovino surprend encore dans la peau d’un personnage spontané, qui tombe amoureux via une conversation sur Facebook et qui décide de se marier sur un coup de tête ! Abhiyude Kadha Anuvinteyum met en avant un réel questionnement sur la jeunesse d’aujourd’hui et la complexité d’une relation via les interdits, mais sa réalisation et son écriture ne vont pas au bout du sujet et laissent indifférent.

A CÔTÉ, IL SORT DEUX AUTRES FILMS À M O L LY W O O D , E N L’ O C C U R R E N C E M A R A D O N A E T T H E E VA N D I . Dans le premier, il est dépeint en sociopathe qui doit déménager suite aux problèmes qu’il a apportés à sa famille. La critique applaudira la manière dont est narrée l’histoire ainsi que la caméra, vivante et rafraîchissante. Dans le second, il est Bineesh, dont la vie tourne autour d’un simple élément : la cigarette. >


MARADONA ( 2018) 117


Toute l’histoire retrace son existence, son évolution et met en avant une addiction réelle et omniprésente dans la communauté. Aussi, ce métrage en profite pour parler de la politique dans les villages et pointe du doigt les dysfonctionnements de la société actuelle. En novembre, il sera à l’affiche du thriller Oru Kuprasidha Payyan du réalisateur Madhupal, dans lequel il se retrouve confronté à un meurtre non résolu. Enfin, Chengezhi Nambiar, annoncé en 2016, devrait normalement sortir en cette fin d’année. Ce métrage de Sidhil Subramanian est un drame historique dans lequel l’acteur s’est métamorphosé. Il a également terminé le tournage de Luca de Arun Bose, dans lequel il jouerait les artistes. Mais aucune information quant à l’histoire n’a encore été déclarée et seul un aperçu a été partagé en ligne, début 2018.

En 2 01 9 , la l i s te e s t déjà trè s lo n g u e ! Clairement, Tovino n’a pas à s’inquiéter quant à sa carrière, qui décolle indéniablement ! Il le dit lui-même : il a bien une dizaine de projets en cours, rien que ça. Les tournages s’enchaînent et il ne cesse d’annoncer de nouveaux objectifs à chaque mois. D’ailleurs, s’il y a un truc qu’il n’aime pas dans le cinéma, ou plutôt qui l’embête, c’est de refuser de jouer dans un film. « Je n’aime pas

dire non à des réalisateurs qui sont motivés. Je sais l’effort qu’ils mettent dans le script et je trouve ça terrible de refuser, mais je dois aussi faire attention à ma carrière. »

Surtout, lorsqu’il participe à une histoire, il ne souhaite qu’une chose : que le film n’ait pas de perte. Après tout, il se sent responsable d’un flop ou d’un succès, surtout lorsqu’il est le personnage principal du métrage en question. 118

Ce q u i arri ve b i entôt : And The Oscar Goes To de Salim Ahamed, dans lequel Tovino est un réalisateur qui galère au cinéma. Lucifer, la première réalisation de son ami Prithviraj avec Mohanlal, Manju Warrier, Indrajith et Vivek Oberoi entre autres. Il se transformera de nouveau en policier dans Kalki, un superproduction du cinéaste Praveen Prabharam et quand on lui demande s’il n’a pas peur de se montrer répétitif, il précise : « Je ne crois pas avoir joué deux fois

le même personnage. Même si, par exemple, j’ai déjà été un policier deux fois, les deux protagonistes restent très différents. »

Il retournera également à Kollywood avec deux projets très intéressants ! D’abord, le prochain film de Gautham Menon intitulé Ondraga. Selon le réalisateur, l’histoire tourne autour du Karthik (du film Vinnaithaandi Varuvayaa) et la série d’événements qui se produit après qu’il retrouve trois de ses amis lors d’un mariage. Le comédien Simbhu ayant refusé de reprendre son rôle, c’est Madhavan qui le remplacera.

Enfin, il partagera l’écran avec Dhanush dans Maari 2 dans lequel il retrouvera les traits de l’antagoniste, un choix audacieux pour un acteur dont la popularité ne cesse d’augmenter ! Il a aussi annoncé un nouveau film à Mollywood, dans lequel il tiendra le rôle principal, avec le réalisateur Swapnesh K Nair, dont ce sera le premier long-métrage.


OR U KU PRAS I D H A PAYYAN ( 2018)

En co nc l us i o n . . . La presse indienne le surnomme l’Aamir Khan du Sud (mais aussi le dieu grec du Kerala, mais ça, j’ai pas besoin d’expliquer pourquoi...), puisqu’il n’a jamais la même tête et qu’il se dévoue corps et âme pour ses personnages. Quand on lui demande ce qu’il a appris de sa carrière jusqu’ici, il répond avec modestie : «J’ai appris à jouer ! A travers

les années, je n’ai jamais cessé d’apprendre et de grandir en tant qu’acteur. J’ai souvent l’impression

de n’être qu’un étudiant de cinéma qui doit encore progresser ! » P O U R TA N T, T O V I N O THOMAS EST TOUJOURS IRRÉPROCHABLE, MÊME DANS SES RÔLES LES PLUS LIMITÉS, ET PARVIENT À TRANSMETTRE CE QU’IL FA U T À S E S P E R S O N N A G E S P O U R Q U ’ O N Y C R O I T. J’ai du mal à voir ce qu’il va apprendre de plus tant j’ai l’impression qu’il sait déjà tout faire. 119


T

TOVINO THOMAS

critique du film

ORU MEXICAN APARATHA M OTS PAR E LODIE HAMIDOVIC

Il y a des métrages, que j’aime ou non l’acteur, que je ne regarderai pas. C’est simple, il y a des genres de métrages qui ne m’attirent pas plus que ça. Comme l’horreur, par exemple, puisque je suis une froussarde de première. Oru Mexican Aparatha fait partie de ces œuvres que je n’aurais jamais tenté. Pourtant, à sa sortie, le film fait un carton au point de propulser Tovino Thomas au top de la sphère cinématographique. Désormais, quand on parle de l’acteur, on fait souvent référence à sa classe mexicaine, oui oui. Mais alors, pourquoi ? Je voulais donc me faire ma propre idée, me lançant dans une recherche acharnée pour trouver la réalisation de Tom Emmatty.

120


Ça parl e de q u o i , O ru mac hi n ch o u et te ? Oui, machin chouette, parce que comme vous, je suis pas une experte et je suis encore incapable de prononcer un titre dans son entièreté sans un accent français prononcé. Oru Mexican Aparatha, c’est l’histoire de jeunes étudiants qui essayent de renverser le parti politique (géré par d’autres étudiants)

qui gouverne leur université. Et là, vous vous dites, mais non !

ELLE A VRAIMENT REGARDÉ 2H30 DE BLABLA POLITIQUE DANS LES ÉCOLES DU KERALA ? Dans le mille. Mais Oru Mexican Aparatha, c’est en fait un peu plus que ça... > 121


SFY vs K S Q Effectivement, ça parle des différents partis politiques (deux plus précisément) qui se battent dans la région depuis l’état d’urgence de mars 1975 durant lequel pendant deux ans, l’état démocratique a été suspendu. Dans le métrage, on découvre qu’à la même période, inspiré par Che Guevara, le jeune Sakhavu (Tovino Thomas) a créé le mouvement SFY dans son université et a inspiré toute une communauté à prendre les choses en main. Malheureusement, il est trahi par un ami et tué par la police. Retour dans les années 2000, sans précision de date exacte, les KSQ dominent l’école en question sans laisser aucune place à d’autres partis politiques, les SFY ayant disparu. Mais alors, qu’est-ce que ça veut dire, ces initiales ? Je ne sais pas. Aucun des partis n’est vraiment expliqué, on devine simplement (même pour ceux qui n’y connaissent pas grand chose) que les KSQ sont des démocrates tyranniques et les SFY des communistes qui se battent pour la liberté.

Ré a li té de l a v i e étud i a nte . Ce n’est pas la première fois que je regarde un film sur les universités dans le sud. Pas beaucoup de filles, presque que des garçons, des conditions très loin de nos résidences et salles de classe... Bref, ça peut vraiment perturber ! L’ampleur de la politique dans l’école efface largement la raison pour laquelle les jeunes sont là.

J’ai trouvé ça ahurissant de voir un corps enseignant ne détenant aucun pouvoir quelconque ! Mais surtout, la manière dont les «anciens» (du KSQ) exercent leur pouvoir sur les 122

nouveaux, c’est encore plus choquant. Ils décident de votre coupe de cheveux, de votre style vestimentaire, de ce que vous faites, de ce que vous mangez... Un bizutage extrême. Pour le coup, la première partie dévoile parfaitement les raisons qui vont pousser au grand retour du SFY.

Rép ét i t i o n d e l’ hi sto i re. L’une des bases du film, c’est la manière dont les choses se répètent dans l’histoire. Ainsi, dans les années 2000, Paul (Tovino Thomas) est la réincarnation de Sakhavu.

Et comme beaucoup de jeunes, il n’en a rien à faire de la politique. Non, lui, ce qu’il veut, c’est tomber amoureux, finir ses études et faire sa petite vie. Ce n’est vraiment pas difficile de se reconnaître en lui. Et puis, le cœur brisé, la volonté au plus bas, il se fait embarquer par son meilleur pote Subhash (Neeraj Madhav), qui veut changer les choses. Petit à petit, on nous indique qu’il y a des chances que Subhash trahisse Paul, voulant faire de lui un martyr comme Sakhavu l’était avant lui... Mais que va-t-il réellement se passer ?

U n fi l m d e m ec. Je ne vous dis pas le nombre de fois où j’ai soupiré en me disant : mais quelle bande de crétins ! Mais ça, c’est la preuve que le film a réussi à trouver un équilibre parfait entre authenticité et imaginaire. Les coups bas, les blagues, les bagarres qui prennent des proportions gigantesques pour rien... Tout y est. Je crois que c’est ce qui m’a fait tenir, en fait. On jongle entre scènes sérieuses, scènes comiques et scènes d’action mais de manière assez bien réfléchie pour qu’aucun genre


ne prenne vraiment le dessus sur les autres. En revanche, ce que j’ai vu excessivement dans ce film, ce sont les marches au ralenti des acteurs ! Avec la bonne petite musique en fond... Ils ont tous trop de classe (c’est de l’ironie).

Tov i no , i mp e cc a b l e . L’évolution de son personnage est absolument géniale. Comme je le disais, il n’est d’abord qu’un étudiant lambda qui passe inaperçu. Non, lui, il est amoureux d’Anu (Gayathri Suresh) et c’est tout.

Mais, quand il se rend compte de ce qu’il se passe autour de lui et surtout, quand il voit l’implication douteuse de ses propres amis, il se lance et décide de réagir. On découvre alors quelqu’un de loyal et d’honnête. Quelqu’un prêt à faire les sacrifices nécessaires pour faire entendre sa voix. J’ai trouvé ça très encourageant même pour moi, qui ne fait que rarement attention à ce qu’il se passe (je vis dans ma bulle, donc...). Jusqu’à la fin, il nous transporte. Vraiment, je peux totalement valider l’énorme réputation qui tourne autour de cet acteur suite à ce film.

En co nc l us i o n . Bon, les gars, si vraiment vous voulez vous faire toute la filmographie de Tovino Thomas, allez-y. Je n’ai pas passé deux heures désagréables, mais je me suis beaucoup questionnée.

Evidemment, n’étant pas du Kerala, je suis persuadée d’être passée à côté de messages qui ont

sans doute touché l’audience làbas plus que moi, dans ma petite chambre parisienne. Le casting est vraiment chouette dans sa totalité, même Gayathri Suresh qui joue l’unique personnage féminin du métrage (c’est la belle plante, je vous apprends rien).

L’ I M A G E E S T U N P E U TROP «MASALA» POUR MOI, MAIS TOUS LES INGRÉDIENTS SONT LÀ POUR QUE ÇA FONCTIONNE : MUSIQUE, AMBIANCE, JEU DE C O U L E U R S , D É TA I L S D A N S LA DÉCO... On ne peut pas dire qu’Oru Mexican Aparatha soit un film pourri, ô non ! On peut dire, par contre, qu’il n’est pas vraiment adapté à l’audience étrangère et que, pour le coup, ça peut en être ennuyant...


EO Y Ent erta inm ent LE PREMIER MÉDIA À PRÉSENTER L'A V I S D U PUBLIC EN FRANCE POUR LES FILMS INDIENS. EOY, un partenaire média officiel de tous les distributeurs de cinéma indien en France. Découvrez nos promotions, les critiques et les avis du public.

EOYENTERTAINMENT.COM


NE WS & C IN É MA

... UN PA R F U M DU SUD


N

Les Immanquables des News Dravidiennes

NEWS

MOTS PAR ASMAE BENMANSO UR

1.

R. MADHAVAN FAC E À A N U S H K A S H E T T Y. Les deux acteurs se donneraient effectivement la réplique dans le prochain film du réalisateur Hemant Madhurkar, auquel on doit le film d’horreur hindi A Flat et le masala télougou Vastadu Naa Raju. Il s’agira d’un thriller muet intitulé Silent écrit par le producteur Kona Venkat.

2.

NAKUL ET SUNAINA RÉUNIS. Les acteurs avaient déjà joué ensemble dans les succès Kadhalil Vizhunthen et Maasilamani se retrouveront prochainement dans un nouveau métrage dirigé par Sachin Dev. Intitulé Eriyum Kannadi, le projet comptera également les grandes dames Revathi et Manisha Koirala à sa distribution.

126

ANUSH KA SH ETTY DANS SO N DER NIER F ILM BH AAGAMATH IE, SO RTI EN 2 018


3.

A I S H WA RYA LEKSHMI LANCÉE À

4.

K O L LY W O O D . Récemment lauréate du South Filmfare Award du Meilleur Espoir Féminin pour le film de ses débuts Njandukalude Nattil Oridavela, Aishwarya a été très investie dans le cinéma malayalam en tournant ensuite dans les succès Mayaanadhi et Varathan. Elle a signé son premier film tamoul, dirigé par Sundar C et avec Vishal en tête d’affiche. Le tournage de ce thriller romantique est prévu pour janvier 2019.

N I T H YA M E N O N DANS UN BIOPIC. La pétillante comédienne sera effectivement l’héroïne du film biographique portant sur l’actrice et politicienne tamoule Jayalalithaa.

5.

Intitulé The Iron Lady, le tournage de ce film débutera en février prochain et sera dirigé par A. Priyadarshini. N A Z R I YA N A Z I M FAC E À S O N É P O U X . Après s’être absentée des écrans pendant 4 ans, l’actrice Nazriya Nazim faisait son grand retour à Mollywood avec le très attendu Koode, dirigé par son amie Anjali Menon. Et elle vient de signer un nouveau projet ! En effet, elle jouera face à son mari Fahadh Faasil dans Trance, prochaine réalisation d’Anwar Rasheed auquel on doit l’encensé Ustad Hotel. Le métrage sortira en mars 2019.

NAZR IYA NAZIM DANS LE F ILM KO O DE, SO RTI EN 2 018.

127


C

CRITIQUE

Mersal MOTS PAR AS MAE B ENMANSO UR

Un médecin est accusé de meurtre et doit prouver son innocence. Son (pas vraiment) jumeau (pas vraiment) maléfique est le véritable responsable de cet assassinat. Vous suivez ? Moi non plus. On m’a vendue Mersal comme l’un des Détrompez-vous, j’adore les meilleurs rôles de Vijay. Mais je connais masala ! suffisamment sa fanbase pour savoir qu’elle peut parfois être dans l’emphase (et c’est légitime, je le suis moi-même quand je parle de mes acteurs préférés). Dans les faits, ma relation avec Vijay est en dents de scie. Je me souviens l’avoir adoré en héros romantique dans Khushi, face à Jyothika, l’une de mes actrices préférées dans le sud du pays. Puis j’ai vu Sura, Villu, Kuruvi, Thalaivaa, Jilla… Avec le souvenir de m’être ennuyée ferme à chaque fois ! 128

C’est divertissant, musical, coloré et régulièrement, ça ne se prend pas vraiment au sérieux. Sauf que Vijay joue le premier degré à fond. Et ses fans avec ! Le fait est qu’il s’est enfermé dans cette case de « héros du peuple » depuis plus d’une décennie. On attend de lui qu’il casse quelques nez, qu’il danse un dappankuthu et qu’il séduise une donzelle en détresse à la vacuité effarante.


Et puis, en 2011, j’ai vu Kaavalan. Remake du succès malayalam Bodyguard (qui sera aussi produit sous le même nom en hindi, avec Salman Khan et Kareena Kapoor), Kaavalan m’a enchantée. Vijay se montre de nouveau en véritable héros romantique, un exercice qui lui va comme un gant. Quelques temps plus tard, je l’ai beaucoup aimé dans un film plus ancien : Sachein, avec Genelia D’Souza, au service duquel il déploie une nouvelle fois son âme de lover.

M A I S L E FA I T E S T Q U E LES RÉCENTES SORTIES D E V I J AY R E S S E M B L E N T D AVA N TA G E À S U R A Q U ’À K A AVA L A N ! Je pense donc ne jamais voir Mersal. Sauf que mon amie Sakina (merveilleuse rédactrice de la BollyTeam) a eu la brillante idée d’en faire une critique. Qui plus est très élogieuse ! L’occasion pour moi de revoir mon opinion sur Vijay à la hausse ? Je l’espérais sincèrement. Non, je ne prends aucun plaisir sadique à laminer un métrage. Et je n’aime pas non plus perdre mon temps face à un film calamiteux. Je voulais vraiment apprécier Mersal.

Parl o ns d ’a b ord du hé ro s : Vi j ay. Il délivre une prestation mitigée. S’il est plus intéressant dans la peau du Dr Maaran que dans celle du ‘masala boy’ Vetri (dans laquelle il se singe, ni plus ni moins), j’ai trouvé Vijay réellement touchant dans la longue séquence de flash-back du métrage, dans laquelle il campe le père des héros, Vetrimaaran. Cette partie du film lui permet d’exploiter sa palette de jeu, de montrer sa sensibilité plutôt que ses biceps ! Vijay montre qu’il est effectivement bon acteur lorsqu’on lui donne de la matière et que

son rôle l’autorise à sortir du carcan très réducteur du héros de masala.

D ans sa m ajo ri té, l e c a st i ng fém i ni n est d éso l ant . Aucune place à tenir, 10 répliques sur l’intégralité de la bobine à tout casser et une utilité purement décorative… Kajal Aggarwal dégage autant de présence qu’un gratin de courgettes. Samantha sourit bêtement en attendant de toucher son chèque. La seule qui se donne réellement, c’est Nithya Menon. Clairement, c’est elle qui m’a donnée envie de donner sa chance à Mersal. Il faut dire que je raffole de cette comédienne, toujours juste qu’importe le projet ! Et puis, soyons honnêtes deux secondes, elle hérite de l’unique personnage féminin intéressant. Nithya incarne Aishwarya, l’épouse de Vetrimaan tout droit venue du Pendjab. L’actrice est vivante, animée et absolument envoûtante ! Tantôt légère et pétillante, tantôt fière et combative, Nithya insuffle à Aishwarya ce qu’il faut de spontanéité et de nuance pour que l’on s’y attache irrémédiablement. Lauréate du South Filmfare Award du Meilleur Second Rôle Féminin pour ce film, Nithya prouve ainsi que ses choix artistiques sont toujours orientés par le contenu, même au cœur d’un blockbuster oubliable.

Le p ro b l èm e d e Mersal , c’est q u ’ i l s’ép arp i l l e. On s’applique à nous montrer un Vijay omnipotent et toujours filmé sur son bon profil. Rien n’est naturel. Mersal est une machine à sous, c’est certain. Une œuvre artistique, beaucoup moins. > 129


J’étais d’autant plus déçue que j’avais littéralement adoré la direction d’Atlee pour le film Raja Rani, sorti en 2013. L’image était soignée tout en restant vraie, les personnages étaient étoffés et l’histoire qui nous était narrée possédait une profonde sincérité. Hélas, on retrouve ici le cinéaste dans l’exercice du blockbuster commercial, qui ne laisse que peu de place à une véritable trame. Il faut caser les séquences dansées de Vijay (car il faut se l’avouer, ce type est excellent danseur !), les scènes de flirt avec ses différentes partenaires féminines (oui, le héros de masala est aussi un bourreau des cœurs/polygame…) et les multiples bourre-pifs lancés aux méchants voleurs/ agresseurs/médecins corrompus (oui, vous avez bien lu).

Du coup, je me demande si Raja Rani n’était pas un leurre. Puisque c’est déjà la seconde fois qu’Atlee dirige un masala de l’acteur Vijay. Et, ô joie, ils vont collaborer pour un troisième métrage prévu pour 2019 ! Soit c’est là, sa sensibilité profonde et je me suis vraiment faite avoir, soit Atlee a répondu à l’appel de la monnaie, ce qui n’en demeure pas moins navrant. Dans les deux cas, je chérirais Raja Rani comme l’unique joyau de ce cinéaste, dont la réalisation ne brille pas dans Mersal. Atlee vient répondre à un schéma bien connu, à des codes établis par le genre qu’il faut absolument respecter, et qui ne laissent, de fait, que peu d’espace à la créativité. Ce n’est pas impossible, le duo Pushkar-Gayathri s’était brillamment approprié l’univers du masala pour le mettre au service d’une histoire captivante avec Vikram Vedha, sorti quelques mois avant Mersal. Preuve qu’on peut faire un cinéma populaire, qui ne déstabilisera pas les spectateurs tout en y apportant de la nouveauté. Ce n’est pas le cas de Mersal, malheureusement. 130

Le récit tombe rapidement dans la billevesée. Impossible de croire en une telle histoire, ou plutôt en cette multitudes de trames qu’on tend à nous raconter. Ou qu’on tente de nous raconter. Le scénario d’Atlee, K.V. Vijayendra Prasad et S. Ramana Girivasan est décousu comme c’est pas permis, complètement disloqué demeurant donc pochade décevante.

D écept i o n m u si cal e é gal em ent . Pourtant, c’est ici le (pas vraiment) grand A.R. Rahman qui est à la direction de la bandeannonce. Sur les 4 titres qui composent le maigre album de Mersal, un seul est parvenu à me cueillir : le dappankuthu «Aalaporaan Thamizhan» contextualisé à la fin des années 1970. Pour le reste, c’est efficace dans l’instant, mais ça s’oublie vite.

Pas v rai m ent concl u ant . Voilà que ce que je pourrai dire de Mersal. On n’est pas dans le navet intégral, mais pour une grosse production, le métrage ne répond pas à mes attentes. Le héros dans lequel je dois croire m’est antipathique au possible (à savoir le bad boy Vetri), ses partenaires ne me donnent pas du tout envie d’être une femme dans un film de Vijay (j’insiste cela dit sur l’exception que constitue la lumineuse Nithya Menon) et ni l’image ni les chansons ne sont venues rattraper le coup. Je ne me suis pas totalement ennuyée mais je ne suis pas non plus rentrée à corps perdu dans Mersal. Devriez-vous le voir ? Si vous aimez Vijay uniquement, à mon humble avis.


C

CRITIQUE

Solo M OT S PA R AS M A E BE NMANS OUR

Ce n’est un secret pour personne, Dulquer Salmaan fait partie des acteurs malayalam dont je suis fan. Depuis ses débuts, je suis avec une grande attention chacun de ses projets, qu’il soit en malayalam, en tamoul ou en hindi. Car oui, le beau Dulquer a bel et bien fait ses débuts à Bollywood cette année avec le métrage Karwaan, face à Irrfan Khan et Mithila Palkar. Mais ce n’est pas de ce film dont je m’apprête à vous parler. Je vais effectivement faire un bond d’une année en arrière, en octobre 2017, mois durant lequel j’étais en effervescence dans le cadre du Festival du Film d’Asie du Sud. A quelques jours près, j’ai manqué la sortie en France d’un métrage qui me tentait énormément : Solo, justement avec ce cher Dulquer Salmaan.

Au-delà de sa présence au casting, ce qui m’intéresse avec ce métrage, c’est le fait que Bejoy Nambiar soit à la réalisation. Même si je n’ai pas aimé tous ses projets, j’ai toujours trouvé ce cinéaste fascinant dans la façon dont il aborde ses histoires. J’ai surtout un excellent souvenir de David, métrage sorti en tamoul et en hindi dans lequel il racontait trois histoires distinctes en insufflant un fil conducteur entre eux, au demeurant très subtil. Avec Solo, j’ai donc l’impression d’être en terrain connu puisqu’il s’agit d’un métrage à sketchs, avec 4 courts-métrages dont Dulquer Salmaan est systématiquement le héros. J’attendrai près d’un an avant de le voir. Mais me voici désormais, face à mon téléviseur, pressant allègrement sur le bouton PLAY, sur le point de me laisser emporter par Dulquer Salmaan… > 131


Minute, papillon ! Je ne peux pas écrite cette critique comme les précédentes… Vous voyez, mon plan habituel ? Introduction, synopsis puis analyse. Non parce que chaque courtmétrage a ses atouts et ses faiblesses. Il me faut donc scinder cet écrit en 4 parties pour que mon propos soit le plus clair possible.

AVA N T TO U T E C H O S E , I L FA U T S AV O I R Q U E L E S 4 HISTOIRES DE SOLO INCARNENT CHACUNE UN É L É M E N T. L E F E U , L’ E A U , L’A I R E T L A T E R R E . C’est parfois criant, parfois beaucoup plus fin. Mais ça donne un certain sens à ce qui nous est raconté.

Le mo nde d e S h e kh a r. Shekhar (Dulquer Salmaan) fait la rencontre de la belle Radhika (Sai Dhansika) à l’université. Il est bègue, elle est aveugle. Mais ces difficultés que la vie leur a imposées ne les empêchent pas de rêver à un avenir tous les deux. Leurs familles sont d’abord très frileuses, en particulier celle de Shekhar qui voit le handicap de Radhika comme une charge. Des années durant, ils vont tout faire pour que leur amour triomphe de tout…

Autant se le dire de suite, c’est l’histoire que j’ai préférée ! En 40 minutes, Bejoy Nambiar parvient à nous faire partager une vraie tranche de la vie de ses deux protagonistes, nous les rendant ainsi particulièrement attachants. On sait comment tout a commencé, ce par quoi ils sont passés pour avoir sincèrement envie qu’ils aient droit à leur fin heureuse. Dulquer Salmaan est formidable en rebelle déboussolé, son bégaiement venant mettre en relief sa profonde vulnérabilité. 132

Il partage avec Dhansika une superbe alchimie, l’actrice se révélant clairement au travers de ce métrage. Je l’avais déjà trouvé incroyable dans Paradesi ou encore Kabali. Le fait qu’elle excelle de nouveau dans Solo n’était donc pas une surprise. Mais j’étais clairement ravie que Bejoy Nambiar et son équipe de casting aient pensé à elle tant elle complète merveilleusement son partenaire à l’écran. L’élément représenté est l’eau, de façon assez évidente. Dans la séquence introductive, Radhika danse sous la pluie. Dans l’une des scènes suivantes, Radhika nage dans une piscine au moment où Shekhar lui avoue ses sentiments pour elle. La scène conclusive est également contextualisée sur une plage. Car les personnages se jettent à l’eau, dans une vie qui risque d’être rythmée par de nombreux tumultes. Et c’est ce qui nous cueille : l’honnêteté et l’engagement dont ils font preuve dans chacun de leur pas, seul ou à deux.

Le m o nd e d e Tri l o k. Ayesha (Arthi Venkatesh) est violemment fauchée par un véhicule lors d’une balade à vélo. Les propriétaires de la voiture, Thomas (Renji Panicker) et Justin (Anson Paul) ne viennent pas à son secours, estimant que cet accident pourrait nuire à leurs carrières respectives. 4 ans plus tard, Justin rencontre à son tour un accident de la route. Il est sauvé in extremis par un vétérinaire serviable, Trilok (Dulquer Salmaan)…

L’histoire de Trilok est probablement la plus prévisible. Pour autant, son exécution comme sa mise en image ne la rendent pas inintéressante. Une fois de plus, la performance d’acteur de Dulquer Salmaan fait la différence tant le personnage de Trilok fascine par le mystère qui l’entoure.


Le m o nd e d e Shi va. Shiva (Dulquer Salmaan) et Siddhu (Rohan Manoj) vivent avec leur père à la manière de ce dernier : dans le crime. Shiva est devenu mafieux tandis que Siddhu aspire à la même destinée. Les deux hommes ont grandi sans leur mère, qui a fui le domicile familial après avoir découvert les activités délictueuses de son époux…

Avec le monde de Shiva, on plonge dans l’univers du film de crime avec son lot de gangsters et de politiciens corrompus.

Cette partie du métrage suit le schéma assez convenu du thriller de vengeance. Le héros établit un plan machiavélique pour punir ceux qui ont supprimé les siens. Sur le papier, rien d’exaltant. Et si les ficelles utilisées restent grosses à l’écran, le monde de Trilok a pour lui l’immense poésie de son visuel. En effet, Bejoy Nambiar laisse sa patte dans le genre, marquée par une image inspirée et enveloppante. C’est sombre, mais jamais noir. C’est énigmatique mais avec une profonde beauté. L’élément de l’air est ici suggéré avec parcimonie. On voit bien le vent qui fait virevolter les cheveux des héros. Mais c’est davantage l’air que l’on respire, celui qui donne à vivre, qui est évoqué ici. L’air qui manque à ceux qui quittent ce monde. L’air que l’on peut également leur arracher, par égoïsme ou par vengeance.

C’est un genre cinématographique qui n’est pas inconnu au cinéaste, qui l’a déjà exploré avec le sublime David, sorti en 2013. Cependant, il doit cette fois relever le défi de nous embarquer dans son univers en seulement 38 minutes. Clairement, le cinéaste va droit au but. Pas le temps de s’éparpiller, on comprend dès le départ que la mère est le personnage clé de ce courtmétrage. Le résultat est peut-être un peu facile et attendu. Mais pas raté pour autant.

Encore une fois, si le réalisateur ne marque pas par la malice de son écriture, il peut s’appuyer sur sa mise en scène saisissante et sur sa distribution qui, de nouveau, fournit un travail exemplaire. Encore une fois, Dulquer Salmaan est impeccable dans le rôle du jeune homme acrimonieux et belliqueux qui n’est pas sans rappeler ses prestations dans Bangalore Days et Kali. Face à lui, on regrette que la talentueuse Sruthi Hariharan (véritable coqueluche du cinéma kannada) ne soit pas plus présente à l’écran tant elle possède > 133


une présence absolument magnétique. L’élément du feu y est représenté de façon criante. L’image est teintée de rouge et de jaune pour marteler la symbolique au spectateur. L’atmosphère est sombre et brûlante, avec cette urgence et cette incertitude inhérentes au monde du crime. Le travail visuel de Bejoy Nambiar et de son équipe est impressionnant. L’image est d’ailleurs le véritable héros du monde de Shiva.

Car ils veulent n’importe quel garçon sauf Rudra, qu’ils considèrent comme une personne peu fréquentable. Pourtant, Akshara jure qu’elle n’aimera que Rudra. Les années passent, et la jeune femme ne donne plus de nouvelle. Motivé par ses amis, Rudra part la retrouver et lui demander des explications sur son mystérieux silence…

Le mo nde d e Ru d ra .

L’histoire du monde de Rudra est plus tortueuse, Bejoy Nambiar s’étant aventuré sur un terrain vague franchement sinueux dont je ne vous révèlerai pas la nature. Et oui car ici, c’est la politique « no spoiler » qui est appliquée !

Rudra (Dulquer Salmaan) est un officier de l’armée assez sanguin. Surtout quand il s’agit de sa petite-amie Akshara (Neha Sharma), que ses parents tentent de marier à tout prix.

Une histoire d’amour contrariée ? Vous n’y êtes pas.

Dulquer Salmaan reste dans le registre du jeune homme en colère qui lui sied si bien.

L’A C T E U R D É L I V R E U N E PERFORMANCE EMPLIE DE SINCÉRITÉ ET ARRIVE À APPORTER BEAUCOUP DE NUANCE À CE RÔLE DE BRUTE ÉPAISSE QUI AURAIT CLAIREMENT PU DEVENIR TÊTE-ÀCLAQUES. Face à lui, la pétillante Neha Sharma est juste sans pour autant disposer d’un réel espace pour vraiment surprendre. La terre est l’élément illustré dans cet ultime courtmétrage. La terre qui renvoie aux origines, à la naissance et aux racines. La terre dans laquelle plonge Rudra durant ses missions militaires. Et celle qu’il défend par la carrière qu’il a choisie. La terre est ici présente à de multiples niveaux, notamment dans l’image aux couleurs chaudes qui renvoie à la thématique tellurique de ce film de 40 minutes.


Maintenant, je sais ce que vous vous dites. Quel est donc le fil conducteur entre ces 4 métrages ? De façon claire, il n’en réside aucun. Point d’histoire de réincarnation ou de descendance. Les courts-métrages de Solo sont indépendants les uns des autres. Pourtant, à y regarder de plus près, le cinéaste a ponctué ses 4 histoires d’un point commun plus ou moins évident : la grossesse. Chaque histoire est marquée par une grossesse impactante pour le reste de la trame. Aussi bien dans le présent, dans le passé que dans le futur. A vous de me dire si vous l’avez également remarqué.

Au fi nal, l e t rava i l d e B e j oy Na mb i a r e s t a u s s i mal a d ro i t q u e b i e n pe ns é . Le réalisateur s’est attaché à certains détails avec beaucoup de minutie, au point d’en négliger d’autres. Cela dit, le résultat est vraiment intéressant. Je vous invite par ailleurs à ne pas regarder les 4 métrages d’un coup. Il faut justement pouvoir les apprécier tels qu’ils sont sans chercher à émettre de lien direct les uns entre les autres.

PARCE QUE C’EST LÀ QU’ON PEUT ÊTRE DÉSAPPOINTÉ. En somme, les 4 court-métrages de Solo sont réussis. Mais le film à sketchs qu’ils constituent, l’assemblage de ces 4 œuvres, est un peu décevant. Donc voyez les mondes de Shekhar, Trilok, Shiva et Rudra sans avoir à comprendre ce qu’est Solo en tant qu’œuvre entière et unique.

Et surtout, allez-y pour la performance ambiguë et multidimensionnelle de Dulquer Salmaan, de plus en plus démentiel à mesure que le temps passe... 135


C

CRITIQUE

Arjun Reddy MOTS PAR AS MAE B ENMANSO UR

Un étudiant en dernière année de médecine (Vijay Deverakonda) tombe amoureux d’une jeune étudiante en première année de caste supérieure (Shalini Pandey). Lorsqu’elle en épouse un autre sous l’impulsion de son père, tout s’écroule.

Arjun Reddy est un bon film. Très bon même, à bien des égards. Imparfait, certes, mais clairement saisissant. Le premier point sur lequel je dois être claire est déterminant puisqu’il va largement orienter la façon dont je vais aborder cette critique. Dois-je parler d’Arjun Reddy en tant que film télougou ? Ou bien le traiter comme un métrage, indépendamment de l’industrie dont il provient ? Car effectivement, les œuvres télougoues populaires sont relativement répétitives. Si l’on omet le diptyque Baahubali, les métrages de Tollywood fédérateurs suivent relativement le même schéma. Soit celui de la comédie romantique, soit celui du masala, soit celui du film familial. Bien au-delà du genre, la fabrication d’un film télougou commercial est très codée. Et ces codes sont très étriqués, ne laissant pas réellement de place à l’audace. 136

Je vous explique. A Bollywood, et quoiqu’on puisse en dire, il y a de la place pour tous types de métrages. On peut raconter la même histoire 15 fois, elle sera toujours traitée différemment puisque l’univers des réalisateurs y tient une vraie place. Bhansali ne narrera pas Roméo et Juliette comme le ferait Vishal Bhardwaj, Karan Johar ou Anurag Kashyap. Et c’est précisément ce qui manque à Tollywood. S’il existe bel et bien un cinéma télougou plus expérimental, les médias et l’industrie telle qu’elle est faite ne mettent jamais le focus sur ces œuvres. A tel point qu’en tant que spectatrice, j’ai de plus en plus de mal à adhérer au cinéma de Tollywood tant j’ai l’impression que plus aucune originalité n’y réside. C’est simple, j’ai le sentiment que tous les films télougous (qui fonctionnent au box-office) se ressemblent !

Arjun Reddy est en ce sens une véritable bouffée d’air frais. Il a des défauts indéniables que j’aborderai effectivement dans cet écrit. Mais laissez-moi d’abord vous dire une chose : Arjun Reddy a probablement permis à un autre cinéma télougou d’émerger. Un cinéma qui laisse respirer sa trame et ses protagonistes. Qui se départ de ses codes étroits pour donner l’espace à la création d’un véritable univers


cinématographique. Qui lui soit propre et qui lui appartienne. Dans son premier métrage en tant que réalisateur, Sandeep Vanga craque vigoureusement les codes de la romance dramatique pour y imposer sa patte douceamère.

P A S L O I N D E L’ O E U V R E DÉMIURGIQUE, ARJUN R E D DY FA I T P É T E R L E PLAFOND DE VERRE D’UN CINÉMA TÉLOUGOU REPLIÉ SUR SES HABITUDES.

Vijay Deverakonda est impérial. Presque sorti de nulle part, cet acteur avait déjà signé un beau succès avec la comédie romantique Pelli Choopulu, sortie en 2016. Mais c’est Arjun Reddy qui révèle réellement son potentiel dramatique. Ce métrage a fourni à l’acteur la matière d’un portrait plus fou que nature : celui d’un homme déconstruit. Vijay domine le film par son énergie pétaradante. Sa partenaire Shalini Pandey signe ses débuts au cinéma avec ce métrage. Avec son visage poupon et son regard doux, , la jeune femme dégage > 137


une innocence qui contraste avec l’intensité de son partenaire. De cette opposition naît une alchimie ardente et ignescente.

Arjun Reddy est un récit sur l’addiction. La relation destructrice entre un homme et une femme. Puis celle, meurtrière, entre un homme et la boisson. La première partie d’Arjun Reddy est particulièrement engageante. On y découvre la naissance de la relation entre Arjun et Preethi, non sans enthousiasme. Emportée par un souffle lumineux, cette moitié du métrage suit un schéma aussi convenu que rassurant. Deux amants se rencontrent sur les bancs de la fac et vivent une passion dévorante. A l’entracte, le père de Preethi s’oppose à la demande en mariage d’Arjun qui, malgré son doctorat en médecine, reste à ses yeux un jeune homme de caste inférieure. On passe alors de la romance enlevée au drame sombre.

Dans la seconde partie, on assiste effectivement à la déchéance d’Arjun après la perte de sa bien-aimée. Sandeep Vanga nous livre ainsi une relecture du classique Devdas. Pour autant, il réussit à s’approprier le roman culte de Sarat Chandra Chatterjee tout en en conservant la substantifique moelle. Le cinéaste va même plus loin en s’attachant exclusivement aux phases descendantes d’Arjun, qui les mènent à développer ses addictions à la boisson et à la drogue. L’Arjun Reddy de Sandeep Vanga aurait facilement pu être un anti-héros signé Anurag Kashyap. Pour son incroyable charisme. Mais encore plus pour les démons intérieurs qui le consument petit à petit. 138

DEVDAS QUI RENCONTRE K A S H YA P, Ç A N E V O U S DIT RIEN ? En effet, le cinéaste précité s’était également essayé à l’exercice en dirigeant Dev.D, dans lequel Abhay Deol incarnait un Devdas des temps modernes bousillé et balafré. Dans son esprit et son atmosphère, Arjun Reddy est assez proche de Dev.D, en moins psychédélique cependant. Le film télougou est moins abstrait que son homologue hindi. Car il ne faut pas déstabiliser à outrance une audience télougoue habituée aux grosses ficelles. De la subtilité, certes. Mais point d’élitisme. Avec le film de ses débuts, Sandeep Vanga s’intéresse à ce héros en marge, rongé par l’alcool et misanthrope désabusé.


Arjun ne se bat pas spécialement contre son addiction. Il vit dans une certaine autosatisfaction du fait de son statut professionnel privilégié, admettant son penchant pour la bouteille sans intention d’y remédier. Même, il la légitime en l’incombant à la perte de Preethi. Facile, vous dites ? Absolument.

Arjun passe de la tête brûlée au lâche pitoyable. Sandeep Vanga déconstruit l’idéal du Devdas à l’addiction dévastatrice, symbole d’un amour jusqu’auboutiste et inassouvi. Ici, Arjun est dépeint avec beaucoup plus de dureté. Le cinéaste ne le valorise pas. On voit ses défauts, ses fêlures et ses erreurs de manière criante. On le voit surtout en proie à un indéniable vertige existentiel. Point d’apologie de l’amour entier et sacrificiel. Sa famille comme ses amis signifient à Arjun ses excès. Car c’est ainsi que ça se passerait dans la vraie vie.

Mais dans son épilogue, Arjun Reddy se perd. Comme si l’équipe du film était allée trop vite. D’ailleurs, je vous préviens, ce paragraphe contient des spoilers alors si vous n’avez pas vu le métrage, passez au paragraphe suivant ! Sans entrer dans les détails, la conclusion du film est trop expéditive. Le réalisateur avait pris le temps de nous montrer la descente aux enfers d’Arjun. Rien n’était laissé au hasard. Alors, voir le héros se remettre en question et miraculeusement se défaire de son addiction sans véritablement qu’on nous explique les différentes phases par lesquelles il passe pour remonter la pente, c’est un peu déstabilisant. C’est même carrément dommage puisque ça donne l’impression d’un travail bâclé. Je vous rassure, la fin du film est très appréciable. Vraiment. Mais elle est probablement arrivée trop précipitamment à mon goût.

Pour la bande-originale, le réalisateur fait de nouveau dans la singularité. Il s’est effectivement tourné vers un jeune compositeur tamoul peu connu du grand public, Radhan, qui a travaillé sur quelques métrages auparavant sans toutefois bénéficier d’un véritable écho médiatique. Arjun Reddy est le film qui le propulsera. Car la bande-son est d’une intelligence folle ! Chaque titre vient incarner une phase par laquelle passe le héros. Le coup de foudre, l’attraction fusionnelle, le chagrin d’amour, la dépression... Toutes les mélodies donnent plus de relief à l’histoire d’Arjun. Un résultat précis et empli de caractère, qui n’a rien à envier aux compositions du magistral Amit Trivedi. Un régal !

Le plébiscite d’Arjun Reddy est tel que plusieurs remakes régionaux sont en projets. Varma, la version tamoule, sera dirigée par le maître Bala, véritable OVNI de l’industrie de Kollywood. En hindi, Sandeep Vanga dirigera lui-même Shahid Kapoor dans le rôle principal. J’ignore si ces remakes seront concluants, en particulier le pendant Bollywood. J’ai davantage confiance en Bala, qui possède pour lui un univers assez atypique pour donner à son film une saveur différente. Par contre, j’ai beau être une fan inconditionnelle de Shahid Kapoor, j’ai plus de doutes pour l’Arjun Reddy du nord.

Est-ce que cette version hindi sera en capacité de recréer l’univers si unique d’Arjun Reddy ? En quoi une version hindi constituera-t-elle une valeur ajoutée ? L’original ne se suffit-il pas à lui-même ? > 139


Réponse l’année prochaine. D’autant que je risque fortement d’écrire un article là-dessus.

aimé autant s’il avait été un film tamoul, hindi ou malayalam.

Au final, qu’importe que je prenne en considération le fait qu’Arjun Reddy soit un film télougou. C’est une oeuvre de qualité.

SI VOUS NE CONNAISSEZ PAS LE CINÉMA TÉLOUGOU, VOILÀ UN FILM QUI PEUT VOUS PERMETTRE DE DÉCOUVRIR CETTE INDUSTRIE.

C’est encore plus remarquable étant donné l’industrie dont elle provient. Mais en définitive, ce n’est pas le facteur qui détermine mon regard dessus. J’ai vraiment aimé Arjun Reddy. Et je l’aurais au moins

Preuve que Tollywood possède son lot de cinéastes en quête d’idées fortes et de belles émotions.


L

LUMIÈRE SUR

La musique indienne occupe une place primordiale dans le cinéma indien et constitue une composante essentielle du succès d’un film. La musique a évolué, au même titre que le cinéma lui-même, et incarne à elle seule le syncrétisme culturel dû à la globalisation. Cependant, l’Inde reste l’un des rares pays à avoir su sauvegarder son folklore, phénomène remarquable à travers la musique notamment. Par le biais de cette rubrique musicale, vous découvrirez les grands artisans de la musique indienne d’hier et d’aujourd’hui. Chanteurs, paroliers et compositeurs, les classiques comme les jeunes révélations...

LUMIERE SUR...

SHAAN RAHMAN MOTS PAR AS MAE BENMANSO UR

Chanteur et compositeur, Shaan Rahman est aujourd’hui l’un des artistes les plus productifs du cinéma de Mollywood. Ses chansons figurent parmi les plus populaires du Kerala. On lui doit d’ailleurs le tube « Jimikki Kammal » qui a fait le buzz en 2017. Mais au-delà de ce succès, le travail de Shaan Rahman marque par sa créativité et le style qu’il est parvenu à imposer en seulement 9 années de carrière. En 2009, il compose sa première bande-originale pour le métrage Ee Pattanathil Bhootham, avec nul autre que le grand Mammootty en tête d’affiche. Avec ce projet, il fait surtout une rencontre artistique qui va changer sa vie : Vineeth Sreenivasan. Il faut dire que les deux hommes se connaissent bien, puisqu’ils ont déjà travaillé communément sur l’album musical Coffee at MG Road, sorti en 2008.

Ici, Vineeth interprète l’un des morceaux de la bande-son de Ee Pattanathil Bhootham. Et ce n’est pas la dernière fois que ces deux-là collaboreront... En 2010, ils se retrouvent pour la première réalisation de Vineeth : Malarvaadi Arts Club. Mais Shaan doit attendre 2012 pour se révéler en composant la bande-originale du film Thattathin Marayathu, également dirigé par Vineeth Sreenivasan. C’est clairement son travail sur la musique de cette romance qui donne un coup de boost majeur à sa carrière.

LE JEUNE HOMME DEVIENDRA PAR L A S U I T E L’ U N D E S DIRECTEURS MUSICAUX LES PLUS CONVOITÉS DE M O L LY W O O D . > 141


Pour sa contribution à l’album de Thattathin Marayathu, Shaan Rahman sera pressenti pour le South Filmfare Award de la Meilleure Bande-Originale malayalam, prix qu’il remportera dans la même catégorie lors de la cérémonie des SIIMA Awards. Deux ans plus tard, c’est la bande-son de la comédie sentimentale Ohm Shanthi Oshaana qui fait l’unanimité, lui valant au passage sa seconde nomination pour le trophée de la Meilleure Bande-Originale en malayalam aux South Filmfare Awards. En 2016, c’est en retrouvant son ami Vineeth Sreenivasan pour la réalisation Jacobinte Swargarajyam que le musicien est de nouveau nommé pour la récompense de la Meilleure Bande-Originale, toujours aux South Filmfare Awards. L’année suivante, c’est pour les mélodies du film Godha qu’il sera pressenti à l’occasion de cette même cérémonie.

La musique de Shaan Rahman est empreinte de poésie et de douceur.

142

PARCE QU’ON N’EST PAS À B O L LY W O O D , L E S A M I S ! L E C I N É M A M A L AYA L A M E S T AVA N T TO U T E N QUÊTE DE SINCÉRITÉ ET DE VRAISEMBLANCE. Ainsi, on rêve lors d’une célébration de la fête de Onam, sur les bancs du lycée, dans la rue en pleine mousson ou dans un bus de ville. Shaan Rahman s’imprègne de ses racines keralaises pour nourrir son œuvre. Le tabla et l’harmonium sont effectivement très présents dans ses compositions, loin des beats qui font le sel des tubes hindi ou télougous. Ce qui interpelle dans l’identité artistique de Shaan Rahman, c’est son immense authenticité.

Il y a chez lui cette facilité à créer des musiques envolées, presque oniriques, souvent pour narrer la pureté du sentiment amoureux.

Elle possède en elle-même un caractère suranné et aérien, loin des sons plus tonitruants et accrocheurs de Bollywood, par exemple. Shaan Rahman est à l’image de l’industrie qu’il sert : bourré de finesse et d’intelligence. Car les mélodies malayalam sont en phase avec les œuvres auxquelles elles appartiennent. Il existe un mariage saisissant entre le son et l’image. Et Shaan Rahman l’a particulièrement bien compris.

Le compositeur s’illustre à merveille dans l’exercice avec des morceaux comme « Anuraagathin Velayil » de Thattathin Marayathu (2012), « Sneham Chorum Neram » de Ohm Shanthi Oshaana (2014), « Thennal Nilavinte » de Oru Muthassi Gadha (2016), « Pulkodiyil » de Take Off (2017), « Aaro Nenjil » de Godha (2017), « Manikya Malaraya Poovi » de Oru Adaar Love (2018) et « Mizhi Mizhi » de My Story (2018).

Les chansons, indiennes jusqu’à la moelle, de Shaan Rahman prennent leur temps. Elles instaurent une atmosphère qui leur est propre pour ensuite définitivement nous transporter. Le compositeur est clairement parvenu à insuffler son identité à ses travaux, ce quelque chose en plus qui respire, qui donne envie de rêver en slow-motion, mais sans les paysages montagneux de Suisse.

Mais il sait également raconter d’autres histoires avec la délicatesse qui caractérise ses sons comme avec « Thiruvaavaniraavu » de Jacobinte Swargarajyam (2016), « Raavu Maayave » de Vettah (2016) et « Mele Arimulla » de Velipadinte Pusthakam (2017). Même sur une mélodie plus pop, le musicien apporte sa touche viscéralement éthérée. >



La preuve avec la chanson « Chayunnuvo » du film Ormayundo Ee Mukham (2014), dont son ami Vineeth Sreenivasan est le héros. Il apparaît d’ailleurs dans le clip de cette séquence musicale, dans le rôle logique du chanteur. L’artiste sait également incarner des instants intenses - « Ee Kodamanjin » de Vettah (2016) -, des séquences de liesse en danse - « Jimmiki Kammal » de Velipadinte Pusthakam (2017) -, l’allégresse des premiers émois amoureux - « Mandaarame » de Ohm Shanthi Oshaana (2014) -, le défi d’un nouveau départ - « Ennilerinju » de Jacobinte Swaragaryam (2016) - comme la perdition d’un héros dont la vie semble dépourvue de contenance - « Kaikkottum Kandittilla » de Oru Vadakkan Selfie (2015) -, et ce toujours avec la même pertinence.

Preuve que les chansons de Shaan Rahman ne sont pas toutes enlevées et positives, le compositeur nous livre des morceaux plus graves et mélancoliques, comme pour prouver qu’aucun registre ne représente un obstacle pour lui. Les titres « Theerathe Neelunne » de Thira (2013), « Ee Mazha Megham » de Ohm Shanthi Oshaana (2014) et « Doore Doore » de Ormayundo Ee Mukham (2014) le démontrent parfaitement. Et quand on lui attribue la mission délicate de composer une bande-originale qui marie les cultures malayalee et punjabi pour le métrage Godha (2017), Shaan Rahman relève non seulement le défi avec brio, mais accomplit en plus la prouesse de s’approprier les sonorités typiques du Pendjab pour qu’elles collent avec son univers musical. 144

On le ressent particulièrement sur des titres tels que « Welcome To Punjab » et « Oh Rabba » issus de cette bande-originale.

Mais en plus d’être un compositeur magistral, Shaan possède pour lui un timbre superbe. Il a poussé la chansonnette sur plusieurs de ses créations, mais a aussi donné de la voix les mélodies d’autres directeurs musicaux. C’est ainsi qu’on retrouvait son grain de miel sur des chansons telles que « Vadakku Vadakku - Friendship Remix » de Urumi (2011), « Pranaya Nilaa » de Teja Bhai & Family (2011), « Dinaanishakal » de I Love Me (2012) ou encore « Manpatha Neettunna » de Mili (2015).

Co ncrètem ent , ri en ne s em b l e arrêter S haan Rahm an. Depuis ses débuts à Mollywood en 2009, le musicien a fait sa place dans le paysage musical keralais, au même titre qu’un certain Gopi Sundar. S’il n’a aucun lien de parenté avec l’éminent A.R. Rahman, nul doute que Shaan porte formidablement le même patronyme tant il est parvenu à marquer le cinéma malayalam de son empreinte.

Compositeur de génie et chanteur prodigieux, Shaan Rahman est indubitablement un artiste à suivre avec assiduité tant il parvient à surprendre son public à chaque projet.


P

PLAYLIST

playlist HEARTBREAK

MOTS PAR AS MAE B ENMANSO UR P HOTOG RAP HIE DU FIL M MEESAYA MUR UKKU

Vous avez le moral dans les chaussettes ? Vous avez besoin de libérer toutes les émotions négatives qui sommeillent en vous ? Sauf que vous n’avez pas du tout la motivation de sortir pour faire la fête et oublier... J’ai mieux ! Enfilez votre pyjama le plus confortable (et s’il est moche, c’est encore mieux !), installez-vous au coin du feu, chopper votre pot de glace, votre plaid et votre tasse de verveine. Et laissez-vous porter par ces morceaux choisis sur le thème du cœur brisé. Oui, je sais. J’ai de drôles d’idées, parfois.

145


1 . Vaa d i P u l l a Va a d i D E M E E S AYA M U R U K K U ( TA M O U L ) , S O R T I E N 2 0 1 7 C O M P O S É PA R H I P H O P TA M I Z H A I N T E R P R É T É PA R RA JA N C H E L L I A H E T H I P H O P TA M I Z H A Ce titre du rappeur HipHop Tamizha date de 2014 mais est ici réutilisé par le film qui lance la carrière d’acteur de ce dernier. Pour cette scène musicale, on découvre que le titre est né de sa vie et de sa séparation d’avec sa petite-amie de l’époque. On sent le morceau nourri par une verve et une douleur palpable dans la manière dont l’interprète déclame sa souffrance dans cette chanson.

2. Ava Enna D E VA A R A N A M A AY I R A M ( TA M O U L ) , S O R T I E N 2 0 0 8 C O M P O S É PA R H A R R I S J AYA R A J I N T E R P R É T É PA R K A RT H I K E T PRASANNA Un dappankuthu dans cette playlist ? Non, ce n’est pas une erreur puisque dans cette séquence dansée, Surya Krishnan (Surya) noie la tragique disparition de sa bien-aimée Meghana (Sameera Reddy) dans l’alcool et la drogue. L’état lamentable dans lequel il se trouve l’amène à extérioriser sa douleur sur ce son aussi dynamique que bouleversant.

3 . Po Ne e Po D E 3 ( TA M O U L ) , S O R T I E N 2 0 1 2 CO M P O S É PA R A N I R U D H R AV I C H A N D E R I N T E R P R É T É PA R M O H I T CHAUHAN ET ANIRUDH R AV I C H A N D E R La voix de velours de Mohit Chauhan, particulièrement bon dans l’exercice de la complainte, vient servir la composition du 146

jeune Anirudh Ravichander pour ce métrage en lui-même poignant. Le titre accompagne ainsi le coeur brisé de Ram (Dhanush), dont le mal intérieur le ronge et l’éloigne de Janani (Shruti Haasan), la femme de sa vie.

4 . Do p e Track D E P YA A R P R E M A K A A D H A L ( TA M O U L ) , S O R T I E N 2 0 1 8 C O M P O S É PA R Y U VA N S H A N K A R RAJA I N T E R P R É T É PA R Y U VA N SHANKAR RAJA L’atmosphère unique de ce morceau est sublimée par le timbre de Yuvan Shankar Raja, qui est aussi à l’initiative de sa mélodie addictive. Un son efficace qui renvoie à la peine qui accompagne le sentiment amoureux non assouvi.

5 . Ee Maz ha Meg ham DE OHM SHANTHI OSHAANA ( M A L AYA L A M ) , S O R T I E N 2 0 1 4 CO M P O S É PA R S H A A N RA H M A N I N T E R P R É T É PA R R E M YA NAMBEESAN Pooja (Nazriya Nazim) apprend que l’homme de sa vie, Giri (Nivin Pauly), s’apprête à en épouser une autre. Cette nouvelle arrive sur ses épaules comme un coup de massue, elle qui n’a aimé que lui pendant plus de 8 ans. Cette chanson, toute en subtilité, met en avant les émotions tourmentées de l’héroïne dont la vie semble dépourvue de sens sans celui qu’elle a toujours aimé.

6 . Si t a K alyanam D E S O LO ( M A L AYA L A M ) S O R T I EN 2017 CO M P O S É PA R S O O RA J S . K U R U P I N T E R P R É T É PA R S O O RA J S .


KURUP ET RENUKA ARUN Rudra (Dulquer Salmaan) découvre que son amour de toujours Akshara (Neha Sharma) va se marier avec un autre homme. Il est partagé entre la douleur qui le ronge et la gêne d’avoir voulu ruiner ce moment si important dans la vie de sa belle. Cette chanson célèbre le mariage d’Akshara et accompagne le cœur confus de Rudra, le tout sur une mélodie enivrante qui reste en tête.

7. D ho o ra m D h o o ra m DE 100% LOVE (TÉLOUGOU) SORTI EN 2011 CO M P O S É PA R D E V I S R I P RASA D I N T E R P R É T É PA R T I P P U Balu (Naga Chaitanya) et Mahalakshmi (Tamannaah Bhatia) s’aiment mais ne se l’avouent pas. Ils sont donc sur le point d’épouser d’autres personnes. Cette chanson les illustre tous les deux, luttant contre leurs sentiments dans l’attente que l’autre ne se déclare. Sans tomber dans le lacrymal, ce morceau met en avant la manière dont deux amants séparés gèrent le fait de ne pas vivre cet amour.

9. My Love Is G o ne D E A R YA 2 ( T É L O U G O U ) S O R T I EN 2009 CO M P O S É PA R D E V I S R I P RASA D I N T E R P R É T É PA R RA N J I T H Loin d’être dramatique et triste, la mélodie de ce morceau invite à la danse. Une danse qui permet d’exorciser le mal-être, la peine et la désolation. Celle qu’Arya (Allu Arjun) ressent en voyant son grand amour Geetha (Kajal Aggarwal) lui échapper.

1 0. Nee Ko sam 8. D hi mu Dh i m u D E E N G E Y U M K A D H A L ( TA M O U L ) SORTI EN 2011 C O M P O S É PA R H A R R I S J AYA R A J I N T E R P R É T É PA R K A RT H I K

DE HAPPY (TÉLOUGOU) SORTI EN 2006 C O M P O S É PA R Y U VA N S H A N K A R RAJA I N T E R P R É T É PA R S H A N K A R M A H A D E VA N

La parisienne Kayalvizhi (Hansika Motwani) pleure le départ de son amour Kamal (Jayam Ravi), tandis que ce dernier réalise tout juste les sentiments qu’il éprouve à l’égard de cette dernière. Le grain de Karthik se prête parfaitement à cette chanson mélancolique très prenante.

La composition saccadée et moderne de ce titre vient mettre en exergue le mal-être de Bunny (Allu Arjun) et Madhumati (Genelia D’Souza) suite à leur séparation. Un morceau plus entraînant et moins lancinant que ce à quoi le genre de la complainte nous a habitué. 147


SA R K A R , AU CI N É MA L E 6 NOVE MB RE U N E S O RT I E N I G H T ED FIL MS

Bci nem a& U L E C I N É M A TA M O U L C O M M E V O U S L’A I M E Z ! Fondé en 2013, Bcinema&U est un groupe de jeunes passionnés du cinéma tamoul chargé de la promotion des films sortant en France, en partenariat officiel avec l’ensemble des distributeurs, cinémas et divers prestataires. Actif et accueilli massivement au sein des réseaux sociaux, la vocation principale de ce groupe reste avant tout de partager sa passion pour le cinéma.

www.bcinema.fr


TE NDANC ES & CAN N ES

... PA R L O N S MODE


F

FASHION

L A T R A N S F O R M AT I O N

DE SWARA BHASKER MOTS PAR E LODIE HAMIDOVIC P HOTOG RAP HIES : INSTAG RAM (@R EALLYSWARA)

Avant la sortie du film Veere Di Wedding, Swara Bhasker a exprimé le fait que le film avait changé sa vision de la mode. Jusqu’ici, elle n’avait jamais vraiment fait attention à ce qu’elle portait, ne considérant pas son «look» comme quelque chose qui comptait pour sa carrière. Avec sa styliste Rupa Chourasia (qui gère les apparitions de l’actrice depuis 2014), elle a longtemps arboré des 150

tenues de girl next door, enchaînant les anarkali comme Vidya enchaîne les saris. Clairement, Swara n’est pas l’icone mode de sa génération. Mais récemment, ses tenues sont devenues plus recherchées et semblent davantage convenir à son caractère.

Retour sur les trois phases mode de Swara Bhasker :


D e c at ast ro p he en cat a st ro p he, b u t w ho ca re s. Faire les bons choix, au bon moment, quand on n’y connaît rien à la mode, c’est un peu compliqué ! Swara, elle, n’avait pas de style défini outre l’envie de porter des pièces modernes et occidentales. Elle a essayé de se donner une image de femme indépendante, sûre d’elle. Mais elle a souvent dû faire face à quelques fashion faux pas qui l’ont ainsi propulsé au rang des actrices qui avaient clairement besoin d’un styliste (et d’un meilleur maquilleur au passage !). Pourtant, il y a de l’idée dans ses démarches, car Swara va vite se faire un nom, en devenant une actrice sans peur, qui ose dire ce qu’elle pense ! Alors forcément, avoir le look qui représente cet état d’esprit est plutôt compliqué. C’est finalement en 2014 qu’elle décide d’engager une amie pour l’aider lors de ses différentes apparitions. >


De s dé b u t s s afe , mai s s o u ve nt b a r b a nt s . La transition n’est pas immédiate. Forcément, il faut d’abord définir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas, ce qui peut mettre en avant l’actrice tout en appuyant son propos. La styliste Rup Chourasia tente avant tout de retrouver des pièces actuelles et sexy, pour finalement abandonner complètement cette idée ! Hors tapis rouges prestigieux, elle préfère rester simple avec Swara. En effet, l’actrice portera finalement des vêtements ethniques, jouant avec sa mise en beauté pour ajouter un côté « bold » qui lui va à ravir ! Elle est sublime et se démarque, prenant de plus en plus plaisir à l’exercice et s’écartant de l’image qu’elle avait montrée jusqu’ici. D’ailleurs, ses ensembles sont, au fil des années, plus recherchés et impeccables. Mais à être « trop propre », Swara semble tourner en rond. Il manque quelque chose à son style !


Ve r s l a d éco u verte d e s o n p ro p re st y l e. 2017, le tournage de Veere Di Wedding démarre et Swara s’affiche désormais dans un style plus jeune et détendu. Plus simple, mais pas moins sexy pour autant. Car sur le tapis rouge, Swara n’hésite pas. Si elle n’est pas parfaite et qu’elle s’accroche souvent au style qu’elle a développé ces dernières années, l’actrice arrive tout de même à surprendre de plus en plus ! Ses couleurs favorites : le noir et blanc. Il n’est plus question désormais de se donner une image précise, mais plutôt de jouer selon ses humeurs et Swara peut très bien être sérieuse, décalée ou encore douce et gentille. Elle fait désormais plus attention, misant surtout sur le confort et son attitude edgy ! C’est comme si la fashionista qui était cachée en elle s’était réveillée pour prendre les choses en main. Et ce n’est pas plus mal.


C CINÉMA

Sweety Sharma M OT S PA R E LO D I E H A M IDOVIC

O U C O M M E N T AVO I R L E LOOK DE LA BELLE-FILLE IDÉALE... Sweety Sharma n’est pas aussi parfaite qu’elle en a l’air ! Dans Sonu Ke Titu Ki Sweety, la comédie qui a cartonné au cinéma cette année, Nushrat Bharucha interprète la belle Sweety, la fille idéale pour le gentil et sensible Titu. Mais les femmes parfaites, c’est comme les princes charmants : si ça existait, ça se saurait ! Pourtant, la garderobe de Sweety est simple et presque trop parfaite. Idéale pour les femmes de tous les jours, celles qui ont une vie simple et qui ne dépensent pas une fortune en pièces de haute couture. Sweety est basique, mais pas sans personnalité.

Voici donc les 3 conseils à suivre pour camoufler la tordue que vous êtes et plaire à vos futurs beaux-parents ! 154


1.

Se la jouer traditionnelle et à fond dans vos origines, mais seulement quand c’est nécessaire Oui, parce que sinon ça fait de vous une coincée et c’est pas forcément l’image que vous avez envie de dégager, notamment auprès de votre cher et tendre. Non car l’important ici, c’est d’avoir quelques bonnes pièces issues de votre culture à sortir en cas d’événement important ou parce que vous voulez montrer que vous pouvez porter autre chose que de jolies petites robes modernes. Sweety vient d’une famille punjabi. Ainsi, elle n’hésite pas à porter son salwar kameez jaune pour faire ressortir sa joie de vivre et son côté ‘gentille fille à la maison qui ne risque pas d’aller faire la tournée des bars’ ! Essentiel pour obtenir les bonnes grâces de votre belle-mère qui verra en vous la bru disciplinée qu’elle a été elle-même à une époque. Encore mieux s’il y a Mamie dans les parages... Optez toujours pour des couleurs classiques et des tenues simples, en évitant le côté bling bling ! Faudrait pas non plus avoir l’air d’une princesse rajput tout droit sortie d’un film de Sanjay Leela Bhansali, sinon on va vous prendre pour une nana dépensière ! > 155


2.

Ne jamais porter des vêtements trop courts ou trop plongeants (sauf en tête-à-tête avec votre chéri). Logique. La dernière chose dont vous ayez besoin, c’est de vous choper une remarque par votre beau-père dont les yeux s’attarderaient sur vos jolies jambes ! L’avantage de Sweety, c’est sa petite taille. Ses jupes ne sont jamais trop courtes. Par contre, elle doit faire très attention à sa poitrine généreuse. En ce sens, le tout est de posséder les bons tops qui ne laissent rien passer. Aussi, à noter qu’une coupe de cheveux simple mais maîtrisée, avec un make-up naturel et des talons de 20 centimètres, vous aideront à mettre en avant votre côté féminin même en jean et tee-shirt.

Il faut être sur son 31, Mesdames ! Même pendant une séance de pilate à la maison ! Si vous voulez jouer les clochardes en mode détente, autant faire ça à l’hôtel, hein... D’ailleurs, qu’on ne me parle plus d’Urvashi Rautela qui se vante de pouvoir danser avec des talons dans Hate Story IV quand on voit ce que Nushrat Bharucha enfile dans Sonu Ke Titu Ki Sweety ! 156


3.

Suivre les tendances afin de montrer que vous êtes une fille actuelle ! Et oui ! Il faut avoir vos abonnements aux magazines de mode et montrer que vous êtes une femme moderne ! Sweety possède sa petite panoplie de tops aux épaules dénudées et fluides. Un peu sexy, parfait pour la saison et déclinable à l’infini. Si elle n’a rien d’une it girl new-yorkaise, c’est normal : le but, ce n’est pas de passer vos journées à réfléchir à votre prochaine tenue, mais simplement de trouver les éléments qui vont un peu pimenter votre quotidien et vous donner un style de tous les jours des plus corrects ! Et puis, si vous êtes sur le point de vous marier ou que vous l’êtes déjà, il faut penser à coller une étiquette sur votre front : celle qui indique «je suis déjà prise, mais je suis canon, t’as raté quelque chose !».

Et s’il y a des demoiselles célibataires dans votre famille, il faut absolument que vous les mettiez en avant, en belle-sœur attentive et généreuse que vous êtes... 157


DE GAUCH E À DR O ITE : JANH VI KAPO O R , PAR INEETI CH O PRA, ALIA BH ATT, MITH ILA PALKAR

T

TENDANCE

LES VOLANTS

ATTAQUENT MOTS PAR E LODIE HAMIDOVIC

C’est la tendance qui s’éternise dans le monde, mais qui commence enfin à prendre une vraie ampleur en Inde. Adieu image romantique et vieux-jeu, bonjour femme moderne et chic ! Il y a déjà 10 ans, les volants faisaient leur grand retour sur les podiums avant de s’essouffler pour revenir de plus belle aujourd’hui !

ENTRE 2017 ET 2018, C’EST LA TENDANCE DES BEAUX JOURS QUI N’EST PAS PRÊTE DE S’EN ALLER. Elle s’incruste dans toutes nos tenues, habillant avec un peu plus de style ce quotidien qui est le nôtre. Forcément, les volants sont le détail qui donne de la légèreté et de l’originalité. Une image qui a été transformée par la haute-couture, 158

qui a réussi le pari de se réapproprier un élément à la connotation pas toujours flatteuse.

Chez Bolly&Co, on a remarqué deux grands axes différents en Inde : entre les stars qui optent pour le côté «summer look», sans prise de tête et simple, et celles qui piochent chez les créateurs indiens très inspirés par cette tendance qui s’invite partout, au risque de faire un flop monumental...


PAS DE PRISE DE RISQUE, OU PRESQUE. La favorite des stars : la robe fluide, un classique de ces dernières années tant son but principal est d’abord le confort ! Et puis après, il y a des volants par ci par là, des détails qui peuvent donner de la structure et de l’originalité, mais sans jamais trop en faire. Idéal pour celles qui veulent suivre le mouvement sans être too much. C’est aussi un bon moyen d’éviter le look «top à volant + jeans», qui a déjà été trop vu dans les rues pour être efficace (la preuve avec Hansika Motwani) ! 159


TOUT OU RIEN, ET PARFOIS RIEN. Qui dit volants, dit volume. Ça s’impose, ça bouge dans tous les sens, c’est féminin... Les couturiers en Inde ont imaginé des pièces parfois extravagantes et complètement décalées, mais aussi parfois plus minimalistes et élégantes (comme avec Aditi Rao Hydari, par exemple !).

Bref, l’Inde maîtrise le sujet et a déjà tout étudié de fond en comble. Entre saris et robes, les univers de chaque créateur évoluent et proposent des pièces uniques que les stars s’arrachent ! Sauf que ce n’est pas toujours très réussi et que souvent, on a du mal à adhérer ! 160


DE GAUCH E À DR O ITE : JENNIF ER W INGET (TYAGI AISH WARYA), SO NAM KAPO O R (RAH UL MISH RA), DISH A PATANI (SH EH LAA BY SEH LA KH AN), NUSH RAT BH AR UCH A (SH IVANI JAIN), MAH IRA KH AN (MENAH EL AND MEH R EEN), KIARA ADVANI (NEETA LULLA) ET CH ITRANGADA SINGH (ALPANA NEERAJ)

L’AVANTAGE :

LE PROBLÈME :

On est face à une tendance de détail. Elle s’adapte au style de chacun et se décline en des centaines de façons différentes. Pas d’obligation ici, vous pouvez très bien trouver des ensembles qui iront parfaitement dans votre placard sans vous demander à quel moment vous aurez l’occasion de les porter ! Le volant peut vraiment être la petite touche qui change tout !

L’overdose. C’est une tendance qui s’est déjà essoufflée par le passé et qui commence déjà à manquer de nouveauté. Pensez au long terme lorsqu’un vêtement à volants vous fait envie ! Entre chemisiers, pantalons et robes, les gammes sont larges et surtout, portables même en hiver ! Et oui, évitez le too much. Mais ça, on est sûres que vous avez compris !

161


M DERNIÈRE MINUTE

CANNES

DÉCODÉ M OT S PA R E LO D I E H A M IDOVIC - P HOTOG RAP HIE © A ND R E AS R E N T Z G E TTY IMAG ES E UROP E

Comme chaque année, le Festival de Cannes accueille plusieurs égéries internationales L’Oréal, partenaire officiel de l’événement. C’est l’occasion de sortir des tenues nouvelles et de jouer les divas sur le fameux tapis rouge. Lors de cette 71ème édition, ce ne sont pas 3 mais 4 actrices présentes pour représenter leur pays. Entre autres, Mahira Khan faisait ses débuts pour le Pakistan. Mais en plus de ses ambassadrices, d’autres visages du cinéma indien étaient également à Cannes, notamment Kangana Ranaut et Huma Qureshi, invitées par la marque GreyGoose Life, spécialiste des soirées arrosées ! Plutôt que de revenir sur le meilleur et le pire du tapis rouge, nous vous expliquons pourquoi les stars ne nous ont pas impressionnées cette année… 162


LES 9 LOOKS OÙ ON S’EST D E M ANDÉES : TI E NS, E L L E S SE SO N T D ONNÉ E S L E M OT ?

La dentelle blanche

01

Huma Qureshi et Deepika Padukone ont opté pour une robe brodée, avec une cape sur les épaules (l’élément qui a fatigué les fashionistas de la planète tant les stars en ont abusé durant cette semaine !) et de la transparence. Les deux actrices sont néanmoins sublimes.


02

Sexy costume Avec une couleur quasi similaire, un beau décolleté et des cheveux plaqués en arrière, c’est à se demander si elles ne l’ont pas fait exprès. On préfère largement la version de Deepika, avec ses bijoux en or et son crayon noir.

Faut que ça brille !

03

Pour deux soirées différentes, Mahira Khan et Kangana Ranaut ont choisi des tenues à paillettes, un peu décalées. Si on ne comprend pas le bras difforme de Mahira (qui ne gâche pas sa tenue), en revanche, il est impossible d’ignorer la mini-moitié de Kangana…

Pyjama Party C’était la tendance que nous avions remarqué et dont on vous parlait dans notre précédent numéro. Mahira Khan a surpris tout le monde lorsqu’elle s’est baladée en costume coloré et satiné. Et puis à côté, il y a Huma, plus réaliste et moins chic.

04

164


05

# Te a m L O r e a l L’Oréal a imposé un petit dresscode pour ses vidéos WorthIt : un top blanc. Ce qui est marrant, c’est que 3 égéries sur 4 ont choisi un look totalement casual en combinant ce top avec un jean. Deepika, en particulier, a opté deux fois pour ce style.

165


06

All in black Cette année, elles étaient plusieurs à porter au moins une tenue sombre et noire. Un moyen comme un autre de se montrer élégante et simple. Ce qui n’a pas suffi à effacer les petits fashion faux-pas, entre les chaussures d’Aishwarya ou les cheveux de Deepika…

166


07

La robe d’été Rien de plus léger que de donner une interview dans une robe confortable, surtout avec les belles températures de la Côte d’Azur. Vous remarquerez la cape, encore présente… D’ailleurs, la robe de Deepika nous rappelle la prochaine catégorie…

Mélanges colorés

08

Dans le genre des alliages surprenants, les actrices ont réussi leur coup ! Dans l’ensemble, aucune tenue n’est vraiment mauvaise, mais elles restent tout de même un peu particulières. Par exemple, les couleurs de Noël sur Sonam.

Red & White Si vous nous avez suivi durant le festival, ces looks ne sont pas inconnus à vos yeux ! Avec ces couleurs, motifs et tissus similaires, impossible de ne pas rapprocher les deux ensembles. Même les coiffures sont comparables avec cette queue de cheval basse.

09

157


M DERNIÈRE MINUTE

C E S M OM E NTS DE D É JÀ -V U S U R L E TA PIS ROU G E .

01 Aishwarya Rai Bachchan comparée à Priyanka Chopra. A peine sur le tapis rouge et voilà que les parallèles sont lancés à travers le monde : ce bustier géométrique, une autre indienne l’a déjà fait et c’était durant les Oscars…


02

Mahira Khan qui nous rappelle Aishwarya Rai Bachchan.

Si l’actrice est très belle, cette simplicité n’était pas à la hauteur des attentes générales. D’ailleurs, ce n’était pas sans nous rappeler la « reine » du tapis rouge…

03 Sonam Kapoor qui fait du Sonam Kapoor. Ce n’était pas sa première collaboration avec ses grands amis Ralph & Russo, mais en plus, ça semble être une modeste mise à jour qui n’a pas joué en faveur de l’actrice… 169


BU TTE RF L’E YE MO VIE S Bonjour, ceci est un communiqué ayant pour objet la participation à une campagne de crowdfunding que je vais lancer ce mois-ci pour ma boîte de production nommée BUTTERFL’EYE MOVIES via Kickstarter.

En effet, étant depuis peu auteur, réalisateur et enfin producteur, l’idée est pour moi de créer un pont entre les cinémas indien et européen, d’inviter des professionnels à rejoindre un collectif et de proposer des œuvres indépendantes en phase avec ma ligne éditoriale qui est la suivante : cinéma de genre et/ ou sociétal.

Vous pouvez visiter mon site web : www.butterfleyemovies.com et avoir un aperçu de mon parcours, avec un panorama ainsi qu’une présentation détaillée de mon projet de vie. Je remercie chaleureusement mes éditrices et amies de Bolly&Co, édition spécialisée à la fois passionnée et passionnante du cinéma indien et partenaire de ce projet de mécénat qui m’ont proposé, avec beaucoup de générosité, de vous parler en avant-première. Vous aurez plus d’informations prochainement sur ce lancement via les réseaux sociaux.

Seji Belmont

FACE BO O K : S E J I STORYTE L L E R • INSTAG RAM : SEJIBELMO NT • TW ITTER : SEJIBELMO NT


INSTAG RAM & C RÉ DI TS

... LA CERISE SUR LE G AT E A U


I

INSTAGRAM

Instagram, c’est le réseau social qui permet de jeter un œil sur la vie aussi bien professionnelle que privée de nos stars favorites. Outre les démarches de promotion de leurs projets, elles en profitent aussi pour publier des photos plus personnelles qui nous permettent donc d’en savoir un peu plus sur qui elles sont hors caméra. Plongeons ainsi dans l'Instagram de...

J im S A R B H

M OTS PAR E LODIE HAMIDOVIC - P HOTO GRAPH IES © INSTAGRAM

www.instagram.com/jimsarbhforreal


Type de profil C’EST LE FOU. Jim, ou l’acteur qui n’a peur de rien et surtout pas du ridicule. Ou peut-être qu’à ses yeux, le ridicule est un moyen d’expression comme un autre. Jim, il va vous faire sourire, c’est certain, mais il va vous faire réfléchir aussi.

Ce qu’il veut Avec ses publications énigmatiques, il aime jouer avec les esprits ! Parfois, on a la sensation qu’il est arrivé là par hasard et qu’il partage surtout le regard qu’il a sur le monde, plus que sa carrière. C’est l’homme qui prend le contrôle.

Ce qu’il adore Poster des illustrations, des tableaux et des œuvres d’art qui peuvent bousculer et déranger. Il ajoute surtout une chanson à la fin de chaque publication, comme si elle représentait ses émotions au moment du partage !

173


BOLLY&CO RÉDACTRICE EN CHEF : ASMAE BENMANSOUR RÉDACTRICE EN CHEF MODE : ELODIE HAMIDOVIC RÉDACTRICE EN CHEF SUD : ASMAE BENMANSOUR RÉDACTRICE EN CHEF ACTUALITÉ, CINÉMA ET PEOPLE : FATIMA ZAHRA EL AHMAR TRADUCTRICE EN CHEF : FATIMA ZAHRA EL AHMAR (REVUE DE PRESSE) DIRECTRICE DE PUBLICATION : ELODIE HAMIDOVIC DIRECTRICE DE PUBLICATION ADJOINTE : ASMAE BENMANSOUR DIRECTRICE ARTISTIQUE : ELODIE HAMIDOVIC

A SAVOIR Un candid est une image prise par un paparazzi lors d'événements importants (cérémonies de récompenses, promotions de films, inaugurations, etc...). Il en existe des milliers sur le web. Il nous est donc impossible de retrouver les noms des photographes. Les sites qui diffusent sur le web le plus de candids sont crédités à la fin, c'est généralement là que nous piochons nos images. Si nous avons oublié de préciser votre nom ou votre site dans le magazine, contactez-nous par email

(bollyandcomagazine@ gmail.com). Nous trouvons

souvent les clichés sans le nom du photographe ou sans information supplémentaire.

174

Nous rappelons qu'il est formellement interdit de prendre les textes et images sans l'accord de leurs auteurs respectifs dans le cadre du magazine Bolly&Co. Les photographies des films qui se trouvent dans le magazine Bolly&Co sont des images libres de droit à but commercial mises à disposition par les producteurs afin de mettre en avant leurs oeuvres. Pour cette raison, la grande majorité de nos images sont des stills de métrages et ne sont pas créditées dans notre liste. Seules les photographies professionnelles et licenciées figurent dans nos crédits.


COUVERTURE : photographie d’Abhay Deol prise lors des FICCI FRAME 2017, éditée par Bolly&Co ÉDITO : Instagram de Abhay Deol (@AbhayDeol) PRIVATE TALKIES : Instagram de Giorgia Andriani (@Giorgia.andriani22 ) IRRFAN KHAN POUR MAN’S WORLD : Photographies par Rohan Shrestha, édition de Mars 2018 ARJUN KAPOOR : Illustration par Elodie Hamidovic ABHAY DEOL : photographie d’Abhay Deol prise lors des FICCI FRAME 2017, éditée par Bolly&Co. Propos recueillis par Patcy N pour rediff. com (2005), par Grithwidh Ganguly pour Times of India (2010), par Deepak Ajwani pour Forbes India (2010), par Nandini Ramnath pour Scroll.in (2016), par Divya Goyal pour NDTV (2017), par Mohar Basu pour Times of India (2017), par PTI pour Deccan Chronicle (2018), par Udita Jhunjhunwala pour FirstPost (2018), ainsi qu’un article du Friday Magazine (2 sept 2016) et et l’émission Simi Selects India’s Most Desirable présentée par Simi Garewal et diffusée en 2011 BOLLY&CO EN ACTION : Photographies par Robin Chaumette, studio Arcphoto. TOVINO THOMAS : Instagram de Tovino Thomas (@ThomasThomas )

Propos recueillis par Bilna Sandeep pour Monsoon Breeze (2015), par Neelima Menon pour Full Picture (2016), par Sanjith Sidhardhan pour Times of India (2017), par Nishad Padiyarath pour Times of India (2016), par Gautham pour Trivadrum (2016), par Anu James pour IBT (2017) et par Riya Sonny Datson pour Ritz Magazine (2017) SWARA BHASKER : Instagram de Swara Bhasker (@ReallySwara ) TENDANCE : Photographies des comptes Instagram de Parineeti Chopra (@ParineetiChopra ), Alia Bhatt (@AliaaBhatt ), Mithila Palkar (@Mipalkarofficial ), Disha Patani (@DishaPatani ), Aditi Rao Hydari (@AditiRaoHydari ). Les images restantes sont des candids. CANNES DÉCODÉ : Photographie principale de Deepika Padukone par Andreas Rentz, Getty Image Europe et photographies des comptes Instagram de Huma Qureshi (@ IamHumaQ ), Deepika Padukone (@ DeepikaPadukone ), Mahira Khan (@ MahiraHKhan ), Kangana Ranaut (@ Team_Kangana_Ranaut ), Sonam Kapoor (@SonamKapoor ) et L’oréal Inde (LorealIndia ) INSTAGRAM : Photographies du compte Instagram de Jim Sarbh (@JimSarbhForReal)

Sites de référence pour les candids pinkvilla - bollywood life - miss malini - masala - bollywood hungama santa banta - glamsham - filmigyan - desi martini - bollywood tabloid one india - indiaglitz - gettyimage - zimbio

175



Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.