Bolly&co - Numéro 12

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Numéro 12

Gratuit

BOLLY &CO VOT R E M AG A Z I N E S UR L' UN I V E R S D U CI NÉMA I NDI EN DEP UI S 2010

azal,t AlisoF au mme

SUD VIJAY SETHUPATHI, L'ACTEUR DU PEUPLE

CRITIQUE BAAHUBALI, BAREILLY KI BARF I ET BIEN D'AUTRES...

PRESSE RANVEER SINGH, À CŒUR OUVERT NE P E U T Ê T R E V E N D U FANZ INE GRAT U I T

MODE MAIS OÙ S'ENVOLE KANGANA RANAUT ?

EN ACTION RENCONTRE AVEC SHWETA TRIPATHI PHOTOGRAPHIE PAR T IZIANA FABI, ÉDIT ÉE PAR BOLLY&CO


P HOTOG RAP HIE DU COMP TE INSTAGRAM DE L'ACTEUR

@ AL IFAZAL9


édito Bolly&Co démarre 2018 en grandes pompes ! En effet, puisque nous entamons cette nouvelle année avec la sortie de notre douzième édition du e-magazine, pour laquelle nous avons travaillé d'arrache-pied ces trois derniers mois. Et le cinéma indien a vécu de multiples rebondissements, du carton plein de Rajkummar Rao avec ses prestations dans Trapped et Newton au scandale autour de la sortie de Padmavati, qui devait être disponible en salle en décembre dernier. L'année Bollywood s'est conclue sur les succès de petits films comme Chef, Fukrey Returns ou encore Secret Superstar. En France, c'est la sortie de Tiger Zinda Hai qui a créé l'événement, signant le cinquième anniversaire du Collectif Bollyciné.

DANS LE SUD DU PAYS, C'EST VIJAY QUI A SÉDUIT AVEC SON FILM MERSAL, DEVENU UN PHÉNOMÈNE DÈS SA SORTIE AU MOIS D'OCTOBRE. A ses côtés, Nithya Menon a constitué la révélation de ce métrage qui vient littéralement rebooster sa carrière. Dulquer Salmaan s'est quant à lui illustré dans l’œuvre bilingue Solo, dirigée par l'intéressant Bejoy Nambiar. Enfin, la lumineuse Nazriya Nazim a confirmé son grand retour au cinéma pour 2018, aux côtés de Prithviraj et Parvathy. Et cette année, un autre acteur s'est révélé : Ali Fazal.

En effet, il faisait ses débuts au cinéma anglais avec Confident Royal, aux côtés de l'icône Judi Dench. Mais bien avant cela, il n'a eu de cesse de surprendre avec ses choix atypiques et surprenants, confirmant son statut de nouvel espoir. C'est pourquoi nous l'avons choisi pour être en couverture de cette nouvelle parution. Vous y retrouveriez nos rubriques incontournables, de nos critiques des sorties hindi de ces derniers mois à la section consacrée aux industries dravidiennes, en passant par le dossier de Fatima-Zahra et les articles mode et tendance d'Elodie. Vous pourrez également découvrir nos playlists ainsi que nos aventures sur le terrain au travers de notre participation au Festival du Film d'Asie du Sud.

Merci encore de nous communiquer votre soutien sans faille. C'est grâce à vous que Bolly&Co continue d'exister. Et que ce projet prend encore sens. Nous sommes heureuses de vivre ces expériences. Nous avons enfin pu nous rencontrer toutes les trois cette année. Vous êtes les artisans de cette réunion que nous attendions depuis 7 ans. Et nous vous en sommes infiniment reconnaissantes.

Nous vous souhaitons une excellente lecture, en espérant que vous savouriez cette édition inédite au même titre que les précédentes.

AS M A E B E N MANSO UR, RÉ DACTRIC E E N C H E F


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e r i a

apéro Un peu de lecture (008) Le saviez-vous ? (010) Private Talkies (012) Ranveer Singh ne plaisante pas (016)

the new face on the cover Ali Fazal, retour sur son parcours (024) Les premières fois d'Ali Fazal (032) CRITIQUE Confident Royal (036)

pop corn

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Movie Talkies (044) A LA DÉCOUVERTE DE... Bang Baaja Baaraat (046) BILAN Tiger Shroff (049) DOSSIER SPÉCIAL Padmavati (056) FILM VS LIVRE Half-girlfriend vs Half-girlfriend (064) MUSIQUE Lumière sur Nirmaan (070) PLAYLIST Disco à l'indienne (076)

bolly&co en action Bilan du FFAST (082) INTERVIEW Shweta Tripathi (090)


une tasse de thé FLASHBACK (098) Rang De Basanti CRITIQUES (106) Poorna (110) Bareilly Ki Barfi (113) Mom (115) Baadshaho (118) Lahoriye ET SI ON COMPARAIT LES REMAKES ? (122) English Babu Desi Mem vs C'est arrivé à Naples

ali fazal

un parfum du sud (128) Les Immanquables des News Dravidiennes (130) Vijay Sethupathi, l'acteur du peuple CRITIQUES (137) Vikram Vedha (144) Take Off (148) Baahubali (154) Baahubali 2 PLAYLIST (164) L'art de l'item number.

parlons mode (170) Mais où s'envole Kangana Ranaut ? CINÉMA (174) Sejal dans Jab Harry met Sejal TENDANCE (178) Blooming in pink. DERNIÈRE MINUTE MODE (180) Les plus beaux ratés de l'année

la cerise sur le gâteau INSTAGRAM (186) Radhika Apte (188) The Meeting Place : septième chapitre. CRÉDITS

es g a p 6 9 1


TH AANA SE RNDH A KO OTTAM ACTUE L L E ME NT AU C INÉ MA !

Nig ht ED Fil ms LE VRAI CINÉMA INDIEN EN FRANCE ! Night ED Films, c'est aussi des articles dans de grands quotidiens français (le Monde), des interviews télévisées (France 2, Canal+, Télésud), des partenariats avec de grandes radios (OUI FM), des avant-premières avec les artistes, la venue de grandes stars en France, la promotion du cinéma indien à un autre public, par le biais des Prix Henri Langlois, à Paris, et bien d'autres surprises !

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LECTURE & PRESSE

... APÉRO


L

L ECT U RE

UN PEU DE

lecture M OT S PA R AS M A E BE NMANS OUR

1.

Le plaisir ne saurait attendre DE TISHANI DOSHI A la fin des années 1960, Babo Patel quitte sa famille conservatrice de Madras pour étudier à Londres. C'est le saut vers l'inconnu pour le jeune homme qui fera sur place la rencontre de sa vie. Sian, une belle galloise dont il tombe follement amoureux. Le couple ne se quitte plus, et la perspective du mariage arrangé qui attend Babo au pays le terrifie. Déterminé, il rentre en Inde et annonce la couleur à ses parents : ce sera Sian ou personne ! Inspiré de l'histoire d'amour de ses parents, l'auteure Tishani Doshi propose un ouvrage fort, sensuel et honnête. La trame s'étale sur plusieurs générations et voit les personnages de Babo et de Sian vieillir dans un monde en pleine mutation. Ce roman est une pépite qui nous donne tous les outils pour nous attacher à ses protagonistes. Incontournable ! 008

TISH ANI DO SH I PO UR VO GUE ITALIE


2.

Le roi du cinéma muet

»

DE INDRAJIT HAZRA Abani a 16 ans lorsque son oncle Shombu l'introduit à l'univers du cinéma. Tour à tour projectionniste, souffleur et acteur remplaçant, le jeune homme devient une star du cinéma muet, tombe amoureux de Durga Devi, sa partenaire à l'écran pour finalement tomber dans l'oubli. La plume d'Indrajit Hazra nous fait voyager dans l'Inde d'avant indépendance, au travers du parcours d'Abani qui sera le témoin privilégié d'une industrie cinématographique qui se construit pour totalement muer. Une saga brillante portée par l'écriture piquante de son auteur !

3.

Retour à Bombay DE KAVITA DASWANI Unique petite-fille du grand patron Darshan Badshah, Sohana décide de lui présenter un projet afin de prétendre à la succession de son entreprise. Contrecarrant les expectatives de ses oncles et de ses cousins qui ne voyaient pas en elle une potentielle concurrente, la jeune femme va devoir jouer des coudes pour faire sa place et atteindre son but. Ce roman de Kavita Daswani, qui avait déjà livré l'excellent Mariage à l'Indienne, se lit d'une traite et s'appuie sur une écriture simple et accessible. 009


I

I N FO S

Le saviez vous ? Avec le saviez-vous de Bolly&Co, nous vous invitons à découvrir des anecdotes liées au cinéma indien, que vous ne connaissiez peut-être pas : fun facts, anciennes rumeurs confirmées, ou simple bouts de trivia sur vos acteurs et films préférés...

MOTS PAR FATIMA ZAHRA EL AH MAR

#1 Un record particulier pour Heroine. Si le film Heroine était l’un des plus gros échecs de son année et de son réalisateur, le métrage reste connu aujourd’hui pour un record assez particulier : l’actrice Kareena Kapoor Khan y a porté pas moins de

100 robes différentes, créées spécialement pour elle par Manish Malhotra. Le designer a tenté d’accorder les choix vestimentaires de

l’actrice aux différentes émotions que son personnage traversait tout au long de l’histoire ; du rouge et des paillettes pour ses moments de succès, et du noir pour sa chute et sa dépression.

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#2

Les titres de films que vous ne connaissez peut-être pas. Pour arriver à donner le bon titre à un film, l’équipe qui se cache derrière sa création passe souvent du temps à chercher, et à changer d’une idée à une autre jusqu’à aboutir à ce qui lui convient le mieux. Que cela soit pour des raisons créatives ou simplement pour éviter des problèmes avec la censure. Certains films qui ont changé de nom à mi-chemin sont, pour n’en citer que quelques-uns, Tamasha, initialement appelé Window Seat, Chennai Express que Rohit Shetty voulait intituler Ready Steady Po, et plus récemment Jab Harry Met Sejal qui s’appelait The Ring durant la première phase de son tournage.

#3

La première collaboration entre Karan Johar et A k s h a y Ku m a r. Même s’ils se connaissent depuis plusieurs années et qu’ils font partie de l’industrie cinématographique hindi depuis des décennies, Akshay Kumar et Karan Johar n’ont jamais travaillé ensemble jusqu’à récemment. En effet, leur première collaboration à avoir vu le jour était le film Brothers, produit par Karan et dans lequel Akshay tenait l’un des rôles principaux.

#4

S h r a d d h a K a p o o r, le dernier choix. Après avoir collaboré à plusieurs reprises avec Shraddha Kapoor, le nom du réalisateur Mohit Suri se trouve souvent associé à celui de l’actrice dans des articles qui disent qu’elle est sa comédienne fétiche, vu leurs succès communs au boxoffice. Cependant, ce que certains ne savent pas, c’est que Shraddha n’a pas toujours été le premier choix de Mohit pour tous ces films-là. Pour Ek Villain, par exemple, les actrices Alia Bhatt et Esha Gupta étaient les premières sur la liste des candidates pour être à l’affiche du métrage.

#5

Saif Ali Khan ou le remplaçant modèle. Dans l’un de nos précédents numéros, notre rédactrice en chef vous a parlé de son adoration (et de la nôtre !) pour le film Hum Tum, pour sa fraîcheur ainsi que pour le duo formé par Rani Mukerji et Saif Ali Khan. Le résultat aurait pu être entièrement différent car à l’époque, avant d’opter pour Saif, l’équipe de production avait d’abord offert le rôle à Vivek Oberoi, Aamir Khan et Hrithik Roshan.

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P R I VAT E TA L KI ES

private talkies M OT S PA R AS M A E BE NMANSOUR

C'est l'amour ! Pas de mariage pour Shruti Haasan ! Du moins pas pour l'instant, elle qui file le parfait amour avec Michael Corsale. Si des rumeurs persistantes évoquaient d'imminentes épousailles, le porteparole de la comédienne a formellement démenti, déclarant que Shruti souhaitait pour l'heure se focaliser sur sa carrière. Ce qui n'empêche pas le couple de s'afficher ensemble à de multiples occasions. On a notamment pu voir Michael portant une tenue indienne traditionnelle, main dans la main avec sa belle qui était de son côté vêtue d'un magnifique saree rose. 012

SH R UTI H AASAN AVEC SO N PÈR E KAMAL H AASAN (À DR O ITE) ET MICH AEL CO R SALE (À GAUCH E).

La rumeur enfle concernant la potentielle relation amoureuse entre Sushant Singh Rajput et Kriti Sanon ! En effet, les deux acteurs qui se sont donnés la réplique en 2017 dans Raabta ont passé les dernières vacances de Noël ensemble, venant raviver les anciens ragots sur leur histoire.

Selon la rumeur, Ileana D'Cruz aurait épousé en secret son petit-ami de longue date, l'australien Andrew Kneebone. Si les intéressés n'ont rien confirmé, ils continuent de vivre leur idylle sans nuage loin des tumultes du show-business.


L'acteur tamoul Arya est en quête du grand amour ! En effet, la star a posé en novembre dernier une vidéo sur ses réseaux sociaux dans laquelle il déclare chercher sa future épouse, invitant les jeunes femmes intéressées à poser leur candidature. Alors, coup de pub ou démarche sincère ? L'acteur rappelle dans sa vidéo qu'il ne s'agit pas d'une blague, que sa démarche est sérieuse et qu'il souhaite réellement trouver la femme de sa vie. Certains s'interrogent sur la possibilité d'une émission telle que le Bachelor, qui pourrait relancer la carrière d'Arya, dernièrement en perte de vitesse.

Karisma Kapoor sur le point de se marier ? L'actrice fait l'objet de rumeurs d'épousailles depuis plusieurs mois, les médias pensant qu'elle serait sur le point de se faire passer la bague au doigt par son petit-ami Sandeep Toshniwal. Rien n'a été confirmé par les intéressés. Karisma Kapoor avait épousé en 2003 l'homme d'affaire Sanjay Kapur, avec lequel elle aura deux enfants : Samaira et Kiaan. Après plusieurs années de séparation, leur divorce est prononcé en 2016. Pour l'heure, Karisma n'a pas officialisé sa relation avec Sandeep.

Ce n'est pour l'instant qu'une rumeur, mais il semblerait que la belle Sonam Kapoor soit sur le point de se marier ! La star de Neerja fréquente depuis quelques temps déjà le gérant d'entreprise Anand Ahuja, avec lequel elle ne manque pas d'afficher sa relation sur les réseaux sociaux.

Selon la rumeur, le couple s'unirait entre mars et avril 2018 lors d'une cérémonie fastueuse à Jodhpur. Affaire à suivre !

Après son histoire tumultueuse avec l'anglaise Amy Jackson, l'acteur Prateik Babbar a de nouveau trouvé l'amour. En effet, il va se fiancer à l'auteure Sanya Sagar le 22 janvier prochain.

Ils l'ont fait ! Naga Chaitanya et Samantha Ruth Prabhu se sont enfin dits oui le 6 octobre dernier lors de festivités hindoues idylliques. Le lendemain, ils se sont unis lors d'une cérémonie chrétienne. Tous nos vœux au couple le plus mignon de Tollywood ! >

NAGA CH AITANYA ET SAMANTH A R UTH PRABH U


C'étaient les épousailles les plus attendues de l'année ! Après plusieurs jours de rumeurs persistantes, Anushka Sharma et Virat Kohli ont officialisé leur union. En effet, le couple s'est marié en Italie lors d'une cérémonie en petit comité le 12 décembre dernier. Ils ont ensuite célébré l'événement lors de deux réceptions huppées : l'une à Delhi le 21 décembre et l'autre à Mumbai le 26 décembre, qui ont vu défiler tout le gratin de Bollywood. Anushka et Virat s'étaient rencontrés sur le tournage d'un spot publicitaire en 2013. Et après une séparation médiatisée en début d'année 2016, les deux amoureux avaient redonné une chance à leur histoire. Félicitations aux tourtereaux ! 014

ANUSH KA SH AR MA ET VIRAT KO H LI

L'actrice dravidienne Bhavana a épousé le producteur Naveen le 22 décembre 2017 lors d'une cérémonie en petit comité. Ils s'étaient fiancés plus tôt dans l'année, en date du 9 mars.

L'humoriste Bharti Singh s'est mariée au scénariste Harsh Limbachiyaa à Goa le 3 décembre 2017. Le couple avait participé ensemble à la huitième saison du concours de danse télévisé Nach Baliye. Anita Hassanandani, Sayana Irani ou encore Asha Negi étaient


présentent avec leurs conjoints respectifs pour assister à l'événement. Félicitations !

La comédienne Aashka Goradia a également dit oui à son chéri américain Brent Goble ! Ils se sont d'abord unis lors d'une cérémonie chrétienne le 1er décembre pour ensuite se marier dans la tradition hindoue le 3 décembre. Ils avaient aussi participé à l'émission Nach Baliye en 2017. Abigail Pande et Mouni Roy notamment faisaient partie des invités de prestige. Tous nos vœux de bonheur ! L'actrice Amrita Puri, révélée en 2010 par le film Aisha, a épousé son petitami restaurateur Imrun Sethi lors d'un 'destination wedding' de rêve à Bangkok, en novembre dernier. Félicitations aux jeunes mariés !

L'actrice dravidienne Namitha a épousé son petit-ami de longue date Veerandra Chowdhary le 24 novembre dernier. L'acteur Vatsal Sheth a épousé la comédienne Ishita Dutta, accessoirement sœur de l'ancienne Miss Inde Tanushree Dutta. Le couple s'est uni lors d'une cérémonie intimiste le 28 novembre dernier.

L'acteur de télévision Sangram Singh a épousé sa petite-amie Gurkiran Kaur le 25 décembre dernier ! Leur union a été arrangée par leurs familles, alors que la jeune femme travaillait en Norvège. Félicitations au couple !

Elle a créé la surprise ! Le 27 décembre dernier, l'actrice Surveen Chawla a annoncé sur Twitter son mariage avec l'homme d'affaire Akshay Thakker. Mais il semble que la célébration date du 28 juillet 2015 ! La comédienne a donc gardé cette nouvelle secrète pendant plus de deux ans. Le couple s'était uni en Italie lors d'une cérémonie intimiste.

Carnet rose... La comédienne Soha Ali Khan et son époux Kunal Khemu sont devenus les heureux parents de la petite Inaaya le 29 septembre. Félicitations à eux ! Mariée à l'homme d'affaire Bharat Takhtani depuis 2012, l'actrice Esha Deol a donné naissance à son premier enfant le 20 octobre dernier. Il s'agit d'une petite fille du nom de Radhya. L'actrice Asin Thottumkal, mariée à Rahul Sharma depuis 2016, a donné naissance à une petite fille le 24 octobre dernier. La chanteuse Sunidhi Chauhan, qui a épousé le musicien Hitesh Sonik en 2012, a donné naissance à son premier enfant le 1er janvier 2018. Il s'agit d'un petit garçon.

The end. L'actrice de télévision Juhi Parmar demande le divorce ! Mariée depuis 2009 au comédien Sachin Shroff, elle devrait solliciter la garde de Samaira, leur fille de 4 ans. Il semblerait que durant toute l'année 2017, le couple se soit confronté à de nombreux différends, menant à une inévitable séparation. 015


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P RES S E

RANVEER SINGH NE PLAISANTE PAS . C’est la personnalité la plus énergique et infatigable des temps modernes à Bollywood. Ce qu’il est hors caméra est encore plus fascinant qu’à l’écran. Mais à l’approche de ce qui semble être le rôle le plus noir et le plus important de sa carrière, Ranveer Singh se découvre des émotions jusque-là inconnues à ses yeux : il est le bouffon du roi qui s’apprête à déposer son chapeau de fou pour accueillir la nuit.

PH OTO GRAPH IE PAR R . BUR MAN, H ABILLÉ PAR VIJENDRA BH AR DWAJ, ÉCR IT PAR MEGH A SH AH PO UR GQ INDIA, ÉDITIO N DE NOVEMBR E 2 017 TRADUIT PO UR BO LLY& CO PAR ELO DIE H AMIDOVIC.


IL EST 1H DU MATIN UN SOIR HUMIDE D’OCTOBRE ET RANVEER SINGH A LA TROUILLE. Il s’effondre dans l’unique sofa au milieu du salon/salle de gym de son appartement du 43ème étage où il vit en solitaire. Il porte un jogging qui laisse entrevoir un caleçon Saint Laurent et un cardigan gris, le tout avec une humeur noire. Il n’y a pas grand chose chez lui, en dehors d’une intimidante télévision qu’il utilise surtout pour jouer à la PlayStation. Il y a une ambiance de vide ici alors que dans sa tête, les idées se battent pour trouver une place. Il a fini de tourner pour la journée, mais ce n’est pas rare qu’il soit encore debout. Ni qu’il ait choisi de travailler à une heure pareille, ni que son entraineur l’attende en bas pour une routine sportive. Ranveer Singh souffre d’insomnie. Il est debout la majeure partie de la nuit, rattrapant quelques heures de sommeil durant la journée, se levant le midi et engloutissant 30 tasses de double expresso avec des glaçons. Bien qu’il n’en donne pas l’impression, son état d’esprit a changé. Il n’est donc pas rare qu’il n’ait parfois rien à dire, qu’il ne fasse pas de blague. Surtout cette année où il a en partie tourné pour Sanjay Leela Bhansali. Padmavati l’a presque détruit. « Je crois que je perds la tête, » dit-il sur un ton curieusement silencieux et bien loin de ce qu’il peut offrir habituellement. Il joue Alauddin Khilji, le puissant sultan colonisateur de Delhi qui a régné aux alentours des années 1200. Dans le film, il semble jouer un barbare psychopathe. La bande-annonce, sortie quelques jours avant notre rencontre, le montre en train de déchiqueter des animaux à mains nues,

de dévorer de la viande crue, de vivre dans des lieux sombres et d’écraser les os de ses ennemis. Alors que les historiens tiennent à dire que le sultan n’était pas si violent, le Khilji de Bhansali est monstrueux et menaçant. Un rôle que Ranveer Singh a dû incarner. Il s’est même enfermé des jours seul dans une pièce avant le début du tournage, il y a un an... « Une

fois que vous incarnez profondément un personnage, cela peut venir jouer avec votre esprit, surtout si vous n’êtes pas assez doué pour compartimenter. Je n’ai jamais réellement fait face à ce genre de sentiments auparavant. » Il demande une autre tasse de café. Ses yeux semblent petits, enfoncés. Sa moustache a été récemment rasée, laissant son visage plus jeune et plus exposé. « Les

films de Sanjay Leela Bhansali sont tellement intenses qu’il lui arrive de tourner pendant 4 à 6 jours d’affilée et ensuite il nous fait faire une pause d’une journée parce que tout le monde ressent le besoin de faire un break, et pas seulement les acteurs. Le cinéaste, le photographe... l’ensemble de l’équipe a besoin de respirer. » Il se frotte le visage, comme s’il essayait de se débarrasser des restes de la séance d’aujourd’hui. « Mais à cause

des retards, des controverses et même des attaques sur le tournage, il n’y a pas de temps pour une quelconque pause. J’ai un jour de repos deux fois par mois, soit les seuls jours où je dors 16 heures d’un coup. » Il continue. « C’est comme gravir une montagne par jour, chaque jour la montagne est plus grande que la précédente et c’est extrêmement difficile. C’est probablement la chose la plus difficile que j’ai eu à faire. » > 017


Je lui demande s’il est allé suivre une thérapie. Ce sujet semble l’inquiéter. «

Je n’ai pas la sensation de pouvoir en parler. » Il exhale, se frotte de

nouveau le visage, le déformant presque. « Je dois passer du temps avec les

gens que j’aime, et ceux sont les seules personnes auxquelles je peux vraiment parler, vous comprenez ? Ma mère, ma sœur, mon meilleur ami. C’est une forme de thérapie lorsque je suis avec eux. » Ranveer attrape une couverture en laine posée sur un autre canapé et s’enroule dedans, silencieux quelques instants, regardant l’obscurité à travers ses fenêtres à la française. Il ne fait pas froid, mais cela ne l’empêche pas de s’engouffrer un peu plus dans sa couverture. Il me regarde alors et s’excuse : « J’aurais aimé qu’on n’ait

pas à faire cette interview ici, comme ça. C’est comme si j’étais là... sans l’être. »

C’est tentant de croire que, puisque c’est Ranveer Singh, tout ceci fait partie d’une comédie et de son rôle d’acteur. Mais son découragement semble venir d’un endroit plus profond. Comme s’il avait vécu des mois difficiles. Il publie des vidéos drôles sur Instagram, des tweets excellents, des dubsmash exubérants, il porte les vêtements avec audace et a même participé à un roast (émission où Ranveer était la cible des moqueries d’autres stars, ndlr). Mais derrière cette apparence toujours lumineuse, l’acteur a déjà prouvé qu’il était capable de contraster ses compétences. 018

Il s’est glissé dans Lootera et dans une biopic comme Bajirao Mastani avec subtilité, ce qui a changé l’impression que le public avait de lui. Il a ainsi prouvé l’homme qu’il pouvait être à côté de celui qui est capable de poster une paire de lunettes énormes et roses tout en dansant avec des meubles. Même maintenant, alors qu’il se bat avec ses démons intérieurs et un tournage lourd, il tente de me faire un petit rap à l’approche du matin.

«What d’yu want to talk about, it’s midnight. And it’s all about my phys-i-yo, what’s the deal yo, It’s like in the morning I’ve to shoot this song, Ma-an, day’s been long » Cette petite improvisation est plaisante, il rappe avec la facilité des professionnels mais écrit sur papier, ça ne donne rien. Ranveer ne retranscrit jamais rien. « Je

peux rapper sur tout et rien, parce que le rythme me vient naturellement. Même quand j’étais rédacteur, j’étais désigné comme l’expert des rythmes. «Si vous avez besoin d’un rythme pour cette pub, allez voir ce type, il peut rythmer n’importe quoi.» »

Il espère pouvoir écrire luimême ses propres morceaux de rap pour son prochain film avec Zoya Akhtar, Gully Boy. Mais c’est tout ce qu’il peut nous dire sur le futur. Il n’a pas très envie de parler de la suite de sa carrière. « Je ne peux

jamais regarder une scène après l’avoir tourné, ça me fait peur. » Je lui demande donc de parler de son passé et il semble plus à l’aise avec la tournure que prend la nuit. >


« C’EST COMME GRAVIR UNE MONTAGNE PAR JOUR, CHAQUE JOUR LA MONTAGNE EST PLUS GRANDE QUE LA PRÉCÉDENTE ET C’EST EXTRÊMEMENT DIFFICILE. »


« J’étais

gros. On me surnommait Chubby. Jusqu’à ma 3ème, mes camarades se moquaient de moi et j’étais un peu timide. Jusqu’à ce que je me rende compte que mon poids me permettait d’embêter tous ces cons. Alors je l’ai fait . » Il termine sa tasse d’une traite. « J’étais mauvais.

J’étais vraiment, vraiment méchant. J’ai fait des choses pas sympa du tout. Je tourmentais les autres physiquement et mentalement. Il y avait un peu de sadisme là-dedans. Ça s’est terminé quand les autres gamins ont compris qu’ils n’avaient pas à faire tout ce que je leur disais. C’était difficile d’être comme ça, mais je me comportais bien avec les filles. Je suis ensuite parti en Amérique avec ma famille et en revenant, j’étais d’un coup plus grand et plus fin. J’ai toujours été doué pour draguer et même si dans ma tête j’étais toujours gros, je sortais avec une fille. Puis une autre et j’ai enchainé et avant même de m’en rendre compte, j’avais trois copines à 14 ans. » Il parle sans

provoquer, passant d’un souvenir à un autre. « Je

suis allé à l’université aux États-Unis, et d’un coup mon esprit était ouvert à tout. J’ai commencé à prendre des cours de comédie et c’était génial. J’étais le meilleur. On faisait du Shakespeare, des comédies d’époque, En attendant Godot, L’Homme qui vint dîner, Roméo et Juliette, Othello, des monologues du film Fight Club, des comédies musicales...

C’était évident que c’était ça, ma passion. Le vrai challenge était d’entrer à Bollywood. 020

Ça a toujours été un rêve, un rêve improbable. Ma mère et la mère de Sonam (Kapoor, ndlr) sont cousines. Mais c’est une très grande famille. Ils étaient neuf frères et sœurs, donc je n’avais pas de lien très fort pour pouvoir me faire une place dans l’industrie. » Il prend une pause, comme

s’il hésitait à parler de la suite de son histoire. « J’aurais aimé qu’on fasse cette interview dans une piscine, » ditil. « Ou à côté d’une piscine. J’étais

bon nageur, plus jeune. Je suis un enfant de l’eau. Dans l’eau, je suis le plus heureux, comblé et entier dans ce monde. » Il s’excuse une troisième fois, cette fois pour aller aux toilettes. « Je dois toujours y

aller. J’ai des toilettes juste à côté des plateaux de tournage à force d’abuser du café. » Lorsqu’il revient, il reprend. « Je suis plus à l’aise avec moi-même maintenant. Il y a moins d’incertitude. Je sais désormais ce que j’aime et ce que je n’aime pas. Je ne suis plus confus. L’espèce de validation que j’ai reçu après la sortie de Bajirao Mastani m’a permis de me sentir ainsi, d’une certaine façon. Je me fiche du fait qu’il y ait une fête à ne pas rater samedi soir. Je préfère rester et jouer. » Il hausse les épaules.

« J’ai aussi l’impression qu’il n’est plus nécessaire pour moi de cacher mon intelligence. Au début, j’ai cru que ça allait me rendre fou, mais maintenant je m’en fiche. D’un autre côté, je déteste quand les choses sont trop sérieuses, je me sens tendu. Sauf quand je suis en plein tournage.


Je suis extrêmement capricieux et je finis tout le temps par aboyer sur quiconque apparait devant moi.

Je suis toujours professionnel. Je me fiche des tabloids, mais quand ils disent que je ne suis pas professionnel, ça m’irrite. Parfois ce sont des pseudo-news balancées par des agences rivales, qui s’occupent d’autres talents. Un moyen comme un autre de dissuader une marque de me choisir. Ils vous coupent la tête sans hésitation. » IL Y A EU AUSSI ÉNORMÉMENT D’ÉCRITS SUR SA PRÉSUMÉE RELATION AVEC DEEPIKA PADUKONE ET LA FAÇON DONT ILS ONT ROMPU. C’est un autre sujet qui semble le stresser. Il me dit simplement : « Je crois qu’une

personne peut être l’âme d’une autre, » puis « Je veux être le meilleur père de famille possible. Je veux des enfants, deux si possible. Je crois que je serai un papa génial. » Il me sourit, pour la première fois de la soirée. Quand je me lève pour partir, je lui demande ce qu’il compte faire maintenant.

« J’ai besoin de deux à quatre heures avec moi-même. Je vais rester là, et complètement déconnecter. Sans avoir à divertir qui que ce soit. » 021


C RITIQUE DU FIL M P H IL L AURI DISP O NIBL E SUR FANTASTIKINDIA !

fan tas tiki ndi a P R E M I E R P O R TA I L W E B FRANCOPHONE SUR LE CINÉMA INDIEN Fantastikindia est une association portée par la passion de ses membres, dont l'objectif est la promotion du cinéma indien sous toutes ses formes et dans toute sa variété du Nord au Sud.

www.fantastikindia.fr


ALI FA Z A L

... THE NEW FACE ON THE COVER


A

ON THE COVER & THE NEW FACE

AL I FAZ AL

Ali Fazal Retour sur son parcours

MOTS PAR AS MAE B E NMA NSO UR P H OTO G RAP HIE PAR R B URMAN P OUR G Q INDIA, O CTO BR E 2 017

Pour cette nouvelle édition du e-magazine Bolly&Co, nous avons choisi de combiner notre rubrique On The Cover avec notre section The New Face. Tout cela pour mettre à l'honneur un artiste qui a fait un sacré bout de chemin, mais dont la carrière semble éclore depuis peu. Vous ne nous suivez pas ? Continuons... A une époque où il suffit de porter le bon patronyme pour exister à Bollywood, il y a certains artistes qui mettent plusieurs années à s'établir. Sans filiation ni contact dans l'industrie, ils passent entre les mailles du filet en toute discrétion, signant quelques projets sans pour autant faire partie de la 'A-list' de Bollywood. Mais leur talent et leur persévérance font le travail, à tel point qu'ils s'imposent progressivement dans davantage de productions, devenant un visage familier des spectateurs plus ou moins avertis.

A l i Fa z a l f a i t c l a i r e m e n t partie de ceux-là.

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Le public l'a identifié et probablement apprécié dans la plupart de ses métrages. Pour autant, Ali Fazal n'est pas ce qu'on appelle une figure populaire. Ce n'est pas Ranveer Singh, ni Varun Dhawan. Et c'est tant mieux !

Ali Fazal s'est fait tout seul, et il s'en satisfait. « Je

suis le premier membre de ma famille à travailler à Bollywood. Du coup, il y a une certaine excitation dans ma famille également. » Né le 15 octobre 1986 à Lucknow, Ali grandit au bord du Gange au sein d'une famille de classe moyenne. Enfant facétieux, il admet qu'il mentait beaucoup à ses parents au sujet de ses résultats scolaires. « C'était

horrible, j'avais pour habitude d'inventer des histoires. Mais aujourd'hui, je vis de cela. » Alors étudiant en ingénierie, il se rêve en champion de basketball, mais devra renoncer à cette ambition. « L'un des

tournants de ma vie est arrivé en 2004. J'étais à la Doon School de Dehradun et j'étais un avide joueur de basketball, avec l'espoir d'arriver en sélection nationale. Mais mon rêve s'est écroulé quand je me suis fracturé la main. » La même année,

ses parents divorcent. Enfant unique, c'est pourtant une décision que le jeune homme a géré avec maturité. « Je pense qu'il est

injuste qu'un couple poursuive une relation uniquement parce qu'ils ont un enfant. La compatibilité est très importante. Quand je vois chacun de mes parents heureux aujourd'hui, j'ai le sentiment qu'ils ont pris la bonne décision, et je suis soulagé de les y avoir amené. Cela m'a rendu plus 026

responsable et à la fin, nous sommes tous heureux. » Il pratique le théâtre

pendant ses études d'ingénierie, qu'il abandonne pour se tourner vers la filière économique. Ali s'applique ainsi à respecter le souhait de ses parents en menant son cursus à son terme.

ALORS QU'IL ENCHAÎNE LES EXPÉRIENCES SUR LES PLANCHES, ALI FAIT UNE RENCONTRE QUI CHANGE SA VIE. « Je

dois ma carrière d'acteur à Saeed Akhtar Mirza, l'homme derrière le cinéma d'auteur en Inde, avec des films comme Mohan Joshi Hazir Ho!, Albert Pinto Ko Gussa Kyon Ata Hai. » En effet, le cinéaste repère Ali alors qu'il est en seconde année d'études à Mumbaï, à l'université St Xavier. Il lui offre le rôle principal de sa nouvelle réalisation Ek Tho Chance, dans laquelle il donne la réplique à Amrita Arora et Purab Kohli. Si le projet n'a bénéficié d'aucune sortie nationale, il sera présenté au Festival du Film International du Kerala, en 2009. En 2008, on le voit brièvement dans la co-production indo-américaine A l'autre bout du fil, avec Shreya Saran et Jesse Metcalfe. L'année suivante, c'est avec la série US Bollywood Hero qu'il tient un rôle plus conséquent : celui de Monty Kapoor, réalisateur de films indiens qui croise le chemin de Chris Kattan, humoriste américain qui rêve de faire carrière au cinéma hindi.

Si Ek Tho Chance devait le lancer à Bollywood, c'est finalement avec un rôle plus discret qu'Ali y fera ses débuts.


ALI FAZAL DANS LE FILM FUKREY.

En effet, il joue face à Aamir Khan, R. Madhavan ou encore Kareena Kapoor dans l'un des phénomènes de l'industrie : 3 Idiots. « Je faisais du théâtre quand

on m'a remarqué et recommandé à Raju Hirani. Et Raju m'a rencontré en sachant qu'à l'époque, j'étais un garçon enrobé aux cheveux longs. Mais j'ai quand même été sélectionné pour le rôle de Joy dans 3 Idiots. »

En 2011, Shahrukh Khan produit le film dans lequel Ali tient son premier rôle principal : Always Kabhi Kabhi, une romance légère dans laquelle il joue avec trois autres jeunes comédiens. En effet, Zoa Morani, Satyajeet Dubey et la brésilienne Giselli Monteiro lui donnent la réplique dans cette inspiration libre de la pièce de Roshan Abbas Graffiti. Pour le rôle, l'acteur perd 15 kilos et s'investit dans ce projet qui doit vraiment lancer sa carrière. Mais les résultats au box-office ne suivent pas, la critique est de son côté massacrante. Seul Ali trouve par ailleurs grâce aux yeux des journalistes. Avec le recul, le comédien estime que sa décision de prendre part au métrage n'était peut-être pas la meilleure. « Always Kabhi Kabhi a été une fêlure dans ma carrière. » Les conséquences de ce bide sont telles qu'Ali ne signe rien pendant deux ans. Et il devra attendre que deux producteurs de renom aient confiance en lui pour avoir une nouvelle chance de prouver sa valeur : Ritesh Sidhwani et Farhan Akhtar.

En effet, nous sommes en 2013 lorsqu'il est au casting de Fukrey, une comédie financée par le duo précité dans laquelle Ali joue avec Pulkit Samrat, Manoj Singh, Varun Sharma, Priya Anand et Richa Chadha.

CLAIREMENT, IL NE S'AGIT PAS DE SON RÔLE LE PLUS ENCENSÉ. MAIS FUKREY LUI DONNE LA VISIBILITÉ DONT IL AVAIT BESOIN, ET PERMET À ALI DE REVENIR SUR LE DEVANT DE LA SCÈNE. Timidement. A son rythme, certes. Mais de revenir. Pour ne plus repartir. > 027


Ali Fazal et Vidya Balan dans le film Bobby Jasoos, 2014.

028


En 2014, on le retrouve dans Bobby Jasoos, comédie policière avec la grande Vidya Balan. Pourtant, l'acteur a bien failli passer à côté de ce rôle. « J'avais des réserves

concernant Bobby Jasoos. Je ne voulais pas le faire, au début. Et ma décision prenait sens, dans la mesure où l'histoire tournait autour d'une femme qui voulait devenir détective. Donc j'ai pensé, pourquoi devrais-je jouer dans ce film ? Je ne veux pas faire un film s'il ne s'agit que d'être le partenaire masculin d'une héroïne. » Finalement, la perspective d'être associé à l'excellente Vidya Balan le séduit et l'amène à signer le projet. « Quand j'ai

finalement lu le script, j'y ai vu une romance inhabituelle entre Vidya et moi. » Car il faut dire que malgré la différence d'âge (lors de la sortie du film, Vidya a 36 ans, Ali en a 28), le couple fonctionne à merveille et nous fait oublier les quelques aspérités de l'écriture de la trame.

Déjà identifié en Occident, on lui propose un rôle dans la série américaine Homeland, qu'il refuse et qui reviendra finalement à Nimrat Kaur, après réécriture. Car il est déjà pris par le tournage d'une production bollywoodienne : Khamoshiyan.

Ali signe effectivement son premier rôle principal avec ce film d'horreur produit par Vikram Bhatt, dans lequel il se révèle face à Sapna Pabbi et Gurmeet Choudhary. « C'est un métrage très différent ce que j'ai pu faire jusque-là. C'est un

film complètement romantique, avec une touche de thriller psychologique. C'est le cheminement d'un jeune homme du narcissisme à l'impuissance. »

L'an 2015, particulièrement faste, change le statut d'Ali à plusieurs niveaux. Il fait une brève apparition dans Fast and Furious 7, aux côtés de Vin Diesel et du regretté Paul Walker. « J'ai grandi en

regardant la franchise, c'était donc énorme pour moi d'y figurer. Être sur le plateau avec le réalisateur James Wan (qui a réalisé Insidious et Conjuring, ndlr), Ludacris, Kurt Russell, Paul Walker... C'était génial de juste avoir une idée de ce qu'ils sont vraiment. » Il est ensuite la star de la web-série Bang Baaja Baaraat, distribuée par Y-Films, sous-branche de Yash Raj Films. Un projet de prestige pour le comédien ! Le succès populaire comme d'estime est au rendezvous, l'acteur se saisissant de multiples plateformes pour faire l'étalage de son talent. Plus tôt en 2015, il jouait déjà dans le court-métrage Cheers, sorti à l'occasion de la fête des mères. L'année suivante, il fait partie des trois têtes d'affiche masculines de Happy Bhag Jayegi, comédie romantique avec également Diana Penty.

C'EST DÉFINITIF : IL FAUDRA COMPTER AVEC ALI FAZAL À BOLLYWOOD ! 2017 marque la star à jamais puisqu'il est le héros de Confident Royal, métrage britannique dans lequel il joue face à la légendaire Judi Dench, véritable institution >

029


du cinéma anglais. Cette expérience unique met en lumière Ali en Angleterre, où les médias s'interrogent sur l'identité de ce bellâtre du sous-continent. Sur le tournage, le comédien savoure chaque instant. Il veut surtout éviter que son interprétation de serviteur indien de la reine tombe dans la caricature. A ce titre, il sollicite le réalisateur et le casting pour que tous contribuent à la justesse du résultat final. « L'équipe était très réceptive à

toutes les suggestions. Nous avons tous travaillé ensemble et c'était un effort collégial. Je voulais essayer de maintenir autant d'authenticité que possible, avec l'intention de faire les choses comme il le fallait. »

C'est également en 2017 qu'Ali a officialisé sa relation avec la comédienne Richa Chadha, qu'il a rencontré en 2012 sur le tournage de Fukrey. Très discret, le couple s'est finalement affiché au grand jour lors de la première londonienne de Confident Royal. « C'est

notre amitié qui a grandi avec le temps. C'est facile pour n'importe qui de se lancer dans une relation et de la qualifier d'amour. L'amour, c'est quand ça dure, donc j'espère qu'on arrivera à durer, nous aussi. » S'il ne

souhaite plus cacher l'importance de la jeune femme dans sa vie, l'acteur désire tout de même que les médias le laissent vivre son histoire sans tumulte. « J'espère juste

que c'est la dernière fois que j'ai à m'ouvrir sur ma vie privée. Nous ne voulons pas compromettre le lien qui nous unit. Mais je suis heureux, très heureux. » Professionnellement, il a conclu

l'année sur le succès de Fukrey Returns, que personne n'a vu venir.

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ON ATTEND ALI FAZAL DANS NOMBRE DE MÉTRAGES. L'acteur a des projets à la pelle, de la web-série Mirzapur (avec Shweta Tripathi et Vikrant Massey) au film Tadka (avec Nana Patekar et Taapsee Pannu), en passant par un mystérieux projet international, un biopic au sujet duquel il s'est brièvement exprimé. « Il devrait être lancé en 2018. Je ne

peux pas en dire davantage puisque je n'ai pas encore signé officiellement le projet. »

Pourtant, l'acteur a pu douter de sa capacité à perdurer dans l'industrie, conscient de la précarité de sa situation. « Parfois,

j'ai le sentiment que j'aurais dû devenir acteur de genre pour durer toutes ces années. » Mais il

fait désormais partie des acteurs indiens les plus en vue de la jeune génération.

L'Occident lui fait les yeux doux tandis que Bollywood s'empare enfin du phénomène ! Malgré le succès, la lucidité du comédien est admirable, lui qui a gagné en maturité au fil de son parcours. « Vous

savez, si vous m'aviez demandé il y a deux ans si je voulais être une superstar, j'aurais répondu par l'affirmative. Mais aujourd'hui, je n'en suis plus sûr. Je me sens chanceux d'etre dans ce train en marche et en changement perpétuel, faisant le pond entre le cinéma international et la manière dont nos films et notre propos tendent à devenir meilleurs. »


MANOJ SINGH, VARUN SHARMA, PULKIT SAMRAT ET ALI FAZAL SUR LE TOURNAGE DE FUKREY RETURNS

Et s'il a fait ses premières armes au théâtre, Ali Fazal reste un acteur de terrain, qui n'a jamais mieux appris et acquis que sur le tas. « Je ne crois pas que l'on puisse

apprendre la comédie dans une salle de classe. J'apprends la grammaire de la comédie en tournage. Et j'en suis très heureux. »

A 31 ans, Ali Fazal est venu supplanter ses collègues aux célèbres noms de famille. Lui qui n'a jamais pu compter sur des contacts influents à Bollywood a fait montre de sufisamment de talent, de patience et de détermination pour exister. Mais surtout pour durer.

PRESQUE 10 ANS APRÈS SON PREMIER FILM, ALI FAZAL N'EST PAS PRÊT DE S'ARRÊTER, ET NUL DOUTE QU'IL DEVIENDRA DANS QUELQUES ANNÉES L'UNE DES VALEURS SÛRES DU SOUS-CONTINENT.

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A

AL I FAZ AL

LES PREMIÈRES FOIS

d'Ali Fazal M OT S PA R AS M A E BE NMANS OUR

A la fois jeune révélation et acteur confirmé, Ali Fazal est à mi-chemin dans sa carrière incroyable. Actif depuis près de 10 ans pour le cinéma, l'acteur a su se saisir de chaque métrage comme une chance de passer un cap dans son parcours. Sans jamais bouder les seconds rôles, Ali Fazal a désormais une position enviable dans l'industrie. Mais comment a-t-il fait ?

Bolly&Co vous propose de revenir sur ces œuvres culminantes de la filmographie de l'acteur, qui l'ont amené à devenir le comédien brillant que l'on connaît aujourd'hui... 032

1.

Sa première apparition à l'écran A L'AUTRE BOUT DU FIL (2008) Ali a 22 ans lorsqu'on le voit au cinéma pour la toute première fois. Son apparition est brève et relativement anecdotique. Dans cette production américaine, il incarne Vij, un collègue de Priya (Shreya Saran) qui, dans la scène finale, encourage l'héroïne à embrasser Granger (Jesse Metcalfe), l'homme de sa vie.


2.

Son premier film indien

3 IDIOTS (2009) C'est Rajkumar Hirani qui le remarque et le caste pour le rôle de Joy Lobo, camarade de classe de Rancho (Aamir Khan), Raju (Sharman Joshi) et Farhan (R. Madhavan). On se souvient surtout de la séquence de son suicide, où Joy passe à l'acte après avoir appris qu'il n'obtiendrait pas son diplôme. Pour Ali, ce projet représente surtout l'occasion de travailler avec des pointures de Bollywood, d'Aamir Khan à Kareena Kapoor.

3.

Son premier rôle principal ALWAYS KABHI KABHI (2011) Avec ce film pour adolescents, Ali Fazal a la chance d'être promu par l'une des plus grosses vedettes de Bollywood : Shahrukh Khan, qui finance effectivement le métrage. Le projet est présenté en grandes pompes à la presse. Ali y donne la réplique à la révélation brésilienne Giselli Monteiro (qui faisait ses débuts en 2009 dans Love Aaj Kal) ainsi qu'à la jeune Zoa Morani, fille du producteur Karim Morani. Hélas, Always Kabhi Kabhi fait un bide monumental au box-office. Ce qui n'empeche pas Ali de se faire rappeler au bon souvenir des producteurs. En effet, avec ce film, sa carrière est définitivement lancée ! 033


4.

Sa première opportunité à Hollywood FAST & FURIOUS 7 (2015) On le voit de façon expéditive dans cette machine commerciale face à Vin Diesel et au défunt Paul Walker. L'acteur ne tournera que trois scènes pour le métrage, dans lequel il campe Safar, un mécanicien qui aide la bande de héros dans leur nouvelle mission. Ali avoue avoir signé ce métrage pour l'expérience. Sans se douter que ce rôle mineur risquait de lui ouvrir de sacrées portes...

5.

Son premier grand rôle international CONFIDENT ROYAL (2017) Alors que sa carrière à Bollywood commence tout juste à décoller, l'acteur de 31 ans signe le rôle principal du nouveau film de Stephen Frears : Confident Royal, dans lequel il donne la réplique à la grande Judi Dench. Il y incarne Abdul Karim, serviteur de la reine Victoria devenu son précepteur et ami. Le comédien est fantastique dans ce rôle fort et influent. Loin de jouer les fairevaloir, c'est son personnage qui recouvre les enjeux majeurs de l'intrigue.



C

CRITIQUE

Confident Royal MOTS PAR AS MAE B ENMANSO UR

Actif depuis la fin des années 1960, le cinéaste anglais Stephen Frears nous livrait cette année sa dernière réalisation, Victoria & Abdul, sortie en France cet automne sous le titre Confident Royal. Après avoir livré des films cultes comme Prick Up Your Ears (1987), Les Liaisons Dangereuses (1988) ou encore The Queen (2006), il collabore avec l'une des grandes dames du cinéma britannique Judi Dench pour son nouveau projet.

Surtout, il fait appel à un acteur indien méconnu pour lui donner la réplique : Ali Fazal. 036


« Aliiiiiiiiiiii ! Choubidou d'amouuuuuuuuur ! #emojicoeur »

qui va déplaire à son entourage, notamment à son fils Bertie (Eddie Izzard)...

Oui, j'aime bien Ali Fazal. Ça fait un bout de temps que je suis l'ascension de cet acteur, que j'ai découvert comme beaucoup dans 3 Idiots où il tient un rôle mineur. Je vous laisse donc imaginer l'état d'excitation dans lequel j'étais lorsque je suis tombée sur la bande-annonce de Confident Royal. Pendant notre séjour à Paris dans le cadre du Festival du Film d'Asie du Sud, FatimaZahra et moi-même avons forcément cherché à le voir dès sa sortie. Et en version originale, car il était hors de question d'être trompées par un doublage qui dénature le jeu des acteurs. Surtout quand il y a Judi Dench à la distribution. Et oui, Ali Fazal. #emojiquibave

Je vais insister sur ces larmes qui ont noyé mes pommettes, car cela ne peut-être dû au hasard.

AINSI, J'AI VU CONFIDENT ROYAL. ET J'AI PLEURÉ. Jusqu'ici rien de surprenant, en particulier quand on me connaît. J'ai déjà pleuré 10 fois de suite devant le même épisode de la série Desperate Housewives, c'est dire si j'ai la larme facile ! Sauf qu'il y a un monde entre la fine larmichette d'émotions et le torrent de pleurs qui est venu inonder mon visage pendant le visionnage de Confident Royal. Je n'avais pas pleuré comme ça depuis le bouleversant Lion, avec Dev Patel. La vraie question, c'est de savoir en quoi et pourquoi ce film a eu un tel effet pour moi. C'est parti... La Reine Victoria (Judi Dench) en est à la fin de son règne. L'obséquiosité de la cour l'épuise. Lors d'un banquet qu'elle s'empresse d'écourter, elle remarque Abdul Karim (Ali Fazal), un des deux indiens dépêchés d'Inde par les autorités britanniques afin de lui présenter une pièce commémorative. Charmée par le regard du jeune indien, la reine exige de le revoir, ce

Et non, ne ce n'est pas uniquement parce que je suis une madeleine ! Confident Royal a un pouvoir émotionnel titanesque, qui m'a percutée de plein fouet. Si l'émotion était mortelle, je ne serais probablement plus là pour en parler ! C'est d'ailleurs cet aspect lacrymal qui semble avoir déçu certains spectateurs. Mais moi, je n'en attendais pas moins. Je vais au cinéma pour ça. Sinon, je visionne un documentaire. Il s'agit de m'emporter dans la psyché des personnages pour comprendre leurs conflits intérieurs et être en mesure d'entrer en projection avec eux. Que dire, si ce n'est pas que j'ai plongé tête baissée dans ce que le cinéaste est venu nous narrer avec cette réalisation poignante.

En lisant de nombreuses critiques françaises, j'ai été particulièrement outrée par la propension aux raccourcis de certains journalistes. En effet, ils ont vu en Confident Royal une apologie de l'Islam, ne retenant du métrage que la scène où la reine Victoria complimente l'élégance de la femme du Munshi, vêtue d'une burqa. J'ai personnellement été estomaquée par cette lecture non seulement réductrice mais aussi idéologiquement douteuse. Cela revientil à dire que l'Islam se limite au port de la burqa ? Et que représente la burqa, au final ? Pourquoi cette tentative de montrer une > 037


intention amicale et bienveillante à l'égard d'une personne musulmane estelle traduite aussi négativement ? C'est fatigant et ridicule. Personnellement, je ne comprends pas forcément qu'une femme puisse faire le choix de porter la burqa. Pour autant, vais-je me montrer rejetante à son égard ? Vais-je porter un jugement sur sa décision ? Vais-je l'accuser de tous les maux possibles et imaginables ? Non.

CONFIDENT ROYAL EST UN PLAIDOYER SUR LA TOLÉRANCE. Et c'est révoltant de voir que ça puisse en déranger certains. Non, tous les musulmans au cinéma n'ont pas à être les grands méchants de vos histoires. Et rien que pour ça, je remercie Stephen Frears. Merci à lui d'avoir tenté de changer la donne.

Il y a quelque chose de très insolent dans la posture de Frears. Car sous son apparence très lisse et gentillette, le métrage ose démystifier l'image de la reine en l'illustrant en vieille dame acariâtre, obèse et capricieuse. Le cinéaste se moque allègrement du protocole et des convenances qui incombent à la couronne britannique. Abdul est le spectateur aussi émerveillé que stupéfait de l'agitation de toute une cour autour de cette reine lassée par ses obligations qui joue les divas. Le film dénonce également les préjugés avec une subtilité étonnante. Tout passe par les détails. Par exemple, lors de son arrivée en Angleterre, il est demandé à Abdul de 038

« s'habiller en indien », en lui faisant porter un déguisement qui ne ressemble en rien aux vêtements de l'Inde. Confident Royal baigne dans une profonde candeur, le spectateur vivant cette aventure au travers des yeux réjouis d'Abdul.

Ce qui peut être regrettable, c'est l'absence manifeste à l'écran des enjeux politiques de cette amitié pas comme les autres. C'est en tout cas ce que j'ai retenu des différentes critiques françaises que j'ai pu lire au sujet de Confident Royal. En ce qui me concerne, je pense que le métrage se serait éparpillé si ça avait été le cas. Parce que ces éléments déterminants sont évoqués, certes en décorum, mais ils ne sont pas passés sous silence. L'intention du film n'est pas là. Le but est ici de parler du lien entre deux êtres, de la manière dont il va transcender les barrières de l'ethnie, de la religion et du rang. Les conséquences diplomatiques de cette relation ne sont que contextuelles. Confident Royal n'est pas un film historique, mais un drame humaniste et sentimental. Ce qui est bien avec ce film, c'est qu'on ne nous le vend pas comme un biopic fidèle et parfaitement documenté de la relation entre la reine Victoria et Abdul Karim. J'avais cependant lu que certains critiques avaient dénoncé la liberté prise par le cinéaste avec la réalité. Pourtant, le film s'ouvre justement par cette phrase du réalisateur : « Basé sur des faits réels... pour l'essentiel. » Car Confident Royal n'a pas vocation à restituer des faits historiques dans leur exactitude. En effet, le dualisme du film ne fait pas partie de ses atouts. D'un côté, une reine à l'ouverture d'esprit qui semble, pour


l'époque, anachronique et tout droit sortie d'un film Disney bien gnangnan. De l'autre, une cour dont les membres sont unanimement jaloux, malveillants et racistes. Pour la nuance, on repassera.

La trame de Stephen Frears prend racine dans le lien entre Victoria et Abdul mais en propose une lecture romancée dont nombre des ressorts proviennent de l'imaginaire du cinéaste. Oui, on sait qu'Abdul Karim avait une influence dans les décisions diplomatiques de Victoria. On sait aussi que la reine avait une personnalité plus complexe que celle de l'attachante senior qui est mise en avant dans Confident Royal. Mais en l'occurrence, le titre français de l’œuvre est plutôt pertinent, et en tout cas en adéquation

avec son propos. Il s'agit avant tout de dégager l'aspect avant-gardiste de la relation d'amitié entre Victoria et Abdul. Le réalisateur est honnête dans sa démarche et ne nous présente jamais son métrage comme une restitution respectueuse des faits historiques. Confident Royal est une œuvre fictive. Et en ce sens, elle génère des émotions fortes.

La reconstitution est le point fort du film. L'Angleterre victorienne respire l'authenticité tout comme le palais de Buckingham, le résultat étant à la fois époustouflant et étayé. Par sa mise en scène élégante et le choix de ses comédiens, Stephen Frears parvient à rendre sa dimension aussi épique qu'intimiste à ce récit tumultueux couvrant 14 années de la relation entre la Reine Victoria et Abdul Karim. Cet homme doit son destin exceptionnel à cette reine devenue > 039


son amie, qui voit en lui sa fontaine de jouvence et sa foi retrouvée en la vie.

Il va sans dire que Judi Dench est prodigieuse dans la peau de la reine Victoria, qu'elle avait déjà interprété en 1997 dans La Dame de Windsor. Avec sa générosité coutumière, l'actrice prend le soin de nous faire ressentir les émois de cette reine fatiguée et désabusée, qui semble s'animer au contact de ce serviteur rafraîchissant qui s'intéresse à sa personne plutôt qu'à son titre.

LE FILM RÉVÈLE ALI FAZAL, FASCINANT DANS SON PREMIER RÔLE INTERNATIONAL, QUI NE RESTERA PAS SANS LENDEMAIN. La star montante de Bollywood y affiche en effet une souplesse de jeu admirable. Serviteur au grand cœur, Stephen Frears a assurément trouvé en Ali l'interprète idéal. Le jeune acteur se fond dans le personnage avec grâce face à une Judi Dench impériale en souveraine abîmée par la vie et le temps qui passe. La distribution hétéroclite et excitante amène d'autant plus de relief au rapport singulier qui unit les deux héros. Si la réputation de l'intemporelle Madame Dench n'est plus à faire, Ali Fazal est délicat et émouvant à souhait dans la peau du gentil Abdul Karim.

L'acteur puise sa puissance dans l'expressivité de son regard. Si la critique internationale n'a pas été 040

tendre avec lui, j'ai pour ma part été happée par le comédien, saisissant d'humanité. Il n'est jamais englouti par sa partenaire de prestige et apporte à leur association un certain panache et beaucoup de charme.

En conclusion Mon ressenti est en opposition diamétrale avec les retours de nombre de médias français, qui vouent un culte (certes légitime) mais légèrement disproportionné à la fabuleuse Judi Dench. A ses côtés, aucun acteur n'est susceptible de trouver grâce à leurs yeux. Mais au risque d'en surprendre plus d'un, c'est Ali Fazal qui m'a réellement marqué.

L'interprétation généreuse et sensible du comédien m'a impressionnée, d'autant plus qu'il parvient à créer une merveilleuse complicité avec Judi Dench, qui a effectivement pour habitude de dévorer ses partenaires. Ici, les deux stars s'équilibrent et se complètent avec brio. Le film tient sur leur alchimie et sur la manière dont ils donnent vie à leur personnages respectifs sans jamais nous faire douter de leur véracité. Un bonheur pour le cœur. Je n'ai qu'une seule directive à vous donner : foncez !



Col lec tif B O L LY C I N É BOLLYCINÉ est une association nationale dont la mission depuis 2012 est de promouvoir, démocratiser et développer la diffusion des films indiens et plus spécifiquement Bollywood dans nos cinémas français par tous les moyens à sa disposition. Bollyciné, c'est 25 films soutenus sur le terrain, 35 équipes à travers la France et 30 cinémas partenaires. Depuis 2 ans, l'association est suivie par l'acteur indien Salman KHAN et ses proches.

www.bollycine.fr

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NIKHIL ADVANI GÊLE SON MÉTRAGE ?

M OT S PA R AS M A E BE NMANS OUR

Il avait pourtant annoncé qu'il financerait un thriller au casting intéressant, comptant notamment John Abraham et Manoj Bajpayee. Ce film devait être dirigé par Milan Zaveri. Mais le budget conséquent semble avoir refroidi la maison T-Series, avec laquelle Nikhil est sous contrat. Ce dernier serait donc forcé de mettre ce métrage de côté.

CASTING DE PRESTIGE POUR MANMARZIYAN !

SUDHIR MISHRA REPREND DEVDAS.

Le film devait d'abord compter à sa distribution le duo Ayushmann Khurrana/ Bhumi Pednekar. Mais après avoir changé par deux fois de réalisateur (Sameer Sharma, puis Ashwiny Iyer Tiwari), le projet a été abandonné.

Le réalisateur de Chameli et de Yeh Saali Zindagi revient derrière la caméra pour un projet des plus intrigants.

Mais il semblerait qu'il renaisse de ses cendres de la plus prometteuse des manières. En effet, le réalisateur Anurag Kashyap se serait saisi du projet et a sollicité des acteurs de calibre pour celui-ci. Si Dulquer Salmaan a refusé le rôle principal masculin, Abhishek Bachchan pourrait bien le signer. Face à lui, Taapsee Pannu et Vicky Kaushal lui donneraient la réplique.

C'EST SANYA MALHOTRA ET AYUSHMANN KHURRANA POUR BADHAAI HO ! La jeune femme révélée par le film Dangal en 2016 sera effectivement la partenaire du 044

nouveau gendre idéal de Bollywood dans cette réalisation d'Amit Sharma. Le tournage de cette comédie dramatique a démarré en janvier 2018.

Il dirigera Daasdev, une transposition originale du classique de Sarat Chandra Chatterjee, pour laquelle il a fait appel à des acteurs atypiques. Ainsi, Richa Chadha incarnera Paro, Aditi Rao Hydari campera Chandramukhi et Rahul Bhat jouera Dev. Le métrage constituera un drame politique, le cinéaste assurant par ailleurs que ses héroïnes seront des femmes fortes et indépendantes. La sortie de Daasdev est prévue pour le 16 février 2018.

KAJOL DANS LA PEAU D'UNE CHANTEUSE ? L'actrice interprèterait une chanteuse dans Ela, réalisation de Pradeep Sarkar, auquel


on doit des films comme Parineeta, Laaga Chunari Mein Daag ou encore Mardaani. Le projet serait produit par Ajay Devgan, le mari de la comédienne. Kajol tiendrait ainsi le rôle d'une femme forcée d'éduquer seule son enfant pour ensuite espérer réaliser son rêve de vivre de la musique.

ATHIYA SHETTY DANS UN BIOPIC. Révélée en 2015 dans la romance Hero, la fille de Sunil Shetty aurait signé un nouveau métrage, produit par l'acteur Gulshan Grover. Il s'agirait d'un film biographique portant sur Afshan Ashiq, une championne de football originaire du Cachemire. Ce projet pourrait bel et bien relancer la carrière d'Athiya, qui peine à exister à Bollywood depuis ses débuts.

MAHESH BHATT ET SONI RAZDAN DANS YOURS TRULY. Les parents de la célèbre Alia Bhatt se sont effectivement donnés la réplique pour la première fois dans cette réalisation de Sanjoy Nag. Ce film tournera autour du thème de l'amour et compte également à sa distribution l'excellent Pankaj Tripathi et la jeune Aahana Kumra, révélée en 2017 dans le subversif Lipstick Under My Burkha.

RADHIKA APTE FACE À DEV PATEL. L'actrice a effectivement confirmé qu'elle avait signé un projet avec l'acteur, révélé en Occident par ses rôles dans Slumdog Millionaire et Lion. Intitulé The Wedding Guest, il s'agira d'une comédie romantique dont le tournage débutera en Inde en ce début d'année 2018. Le métrage sera réalisé par l'américain Steve Carr.

KR ITI SANO N, DILJIT DO SANJH ET LE PR O DUCTEUR DINESH VIJAN

KRITI SANON DANS LE PROCHAIN VISHAL BHARDWAJ.

En effet, le succès critique et populaire de Bareilly Ki Barfi semble avoir donné des ailes à la comédienne. Elle sera en effet l'une des deux héroïnes de Churiya, un métrage sur les tumultes entre deux sœurs. Le réalisateur Vishal Bhardwaj s'essayerait donc au drame familial après le bide de la fresque romanesque Rangoon. Pour donner la réplique à Kriti, plusieurs actrices ont été sollicitées, de Vaani Kapoor à Sonakshi Sinha, en passant par Parineeti Chopra et Bhumi Pednekar. En attendant, Kriti travaille sur le projet Arjun Patiala avec Diljit Dosanjh et dans lequel elle interprétera une journaliste. 045


D D ÉCO U V ERT E

A la découverte de...

Bang Baaja Baaraat M OT S PA R AS M A E BE NMANSOUR

L'Inde ne se résume pas à Bollywood... Tel est notre leitmotiv depuis le lancement du e-magazine Bolly&Co, en 2010. C'est ainsi que nous y parlons également de littérature, de mode tout en mettant en avant les cinémas dravidiens à travers notre Rubrique Sud. Mais l'Inde est si riche, si complexe que nous passons tout de même à côté de nombre d'acteurs, de chanteurs, de métrages et d'autres œuvres qui ne relèvent ni de Bollywood ni des cinémas du sud du pays. En ce sens, nous vous proposerons désormais de partir à la découverte de ces artisans indiens quelque peu différents, et ce qu'il s'agisse de cinéma, de musique, de danse ou de télévision...

Bang Baaja Baaraat, qu'estce que c'est ? Pourquoi vous y intéresser ? Vo i c i 5 b o n n e s raisons de devenir complètement fan de ce programme ! 046

1.

Parce qu'Ali Fazal y est délicieux ! L'acteur se surpasse dans ce premier rôle hilarant. Il incarne effectivement Pawan, un jeune homme issu de l'Inde rurale souhaitant épouser sa petite-amie Shahana (Angira Dhar), venant d'une famille à la mentalité plus moderniste. Lorsque leurs parents respectifs se rencontrent en vue de l'union, c'est le carnage ! Ali Fazal est formidable dans la peau de Pawan, attendrissant comme jamais et follement amoureux de sa belle. Rien que pour lui, cette web-série de chez Y-Films (sous-branche de la maison Yash Raj Films) vaut le détour !

2.

Parce que la série brise les tabous. Sexe, remariage, différence d'âge dans le couple... Le réalisateur Anand Tiwari passe tous ces sujets à la loupe dans sa série de 5 épisodes. Shahana est consciente de sa sexualité et ne s'en cache pas, sans jamais tomber dans la vulgarité gratuite. >



Pawan est quant à lui prisonnier d'une famille aux coutumes ancestrales qui le dépassent. Les parents de Shahana sont divorcés, et sa mère Sushmita (brillante Shernaz Patel) fréquente un homme plus jeune. Au travers des deux familles, Anand Tiwari vient confronter deux Indes, entre tradition et modernité pour mieux dégager la difficulté de la jeunesse de classe moyenne à se situer. Le ton est caustique, empli d'humour et de légèreté, avec des instants de vrai romantisme. Pas de chanson dans les prés ni de grande déclaration, ces moments plus doux nous sont livrés avec beaucoup d'authenticité et de simplicité.

3.

Pour l'intégralité de la distribution. Oui, Ali Fazal est formidable. Mais ses partenaires ne sont pas en manque ! Angira Dhar, qui incarne Shahana, est impeccable dans le rôle principal féminin. Son regard en dit long sur les émotions qu'elle nous communique. Rajit Kapur est également tordant dans la peau de Ranjeet, père surprotecteur de Shahana. Mais le vrai délice, c'est Gajraj Rao, succulent en papa dépassé mais bienveillant de Pawan. La direction d'acteur est à la hauteur, de quoi prendre un vrai plaisir devant cette série !

4.

Pour la réalisation d'Anand Tiwari. Les dialogues sont incisifs, l'humour est efficace et le format est impeccable. 048

5 épisodes, qui durent chacun une vingtaine de minutes... Bang Baaja Baaraat se déguste d'une traite sans difficulté tant le programme est une réussite. Chaque personnage est étayé et tient une place conséquente dans la narration. Car Anand vient dénoncer également une certaine hypocrisie au travers de son œuvre. En effet, lorsque Ranjeet refait sa vie avec une femme plus jeune, personne ne s'apostrophe. En revanche, quand son exfemme Sushmita fréquente un homme qui a la moitié de son âge, elle fait l'objet de vives critiques. Aussi, Pawan lui-même peut entrer dans le jugement quand sa petite sœur Barkha tombe amoureuse de son meilleur ami musulman Wasim. Anand Tiwari vient illustrer l'injustice dont les femmes sont victimes quand il s'agit de leurs choix, là où ceux des hommes font l'objet d'une plus grande tolérance. Et tout cela en nous divertissant et en nous faisant franchement rire. Un tour de force, on vous dit !

5.

Parce que ce format, c'est l'avenir ! En effet, les œuvres digitales tendent à se développer de plus en plus en Inde, proposant des contenus très intéressants, qu'il s'agisse de web-séries ou de courtsmétrages. The Trip, Ladies Room, Girl In the City, Love Shots ou encore Dil Buffering... Des chaînes Youtube comme Y-Films et Bindaas proposent des programmes originaux, frais et pétillants qui viennent clairement dénoter avec les soap opera de la télévision hindi. Les sujets sont pertinents, les acteurs talentueux et l'écriture est souvent méticuleuse et soignée. Il n'y a donc pas que le cinéma indien dans la vie. Et Bang Baaja Baaraat en est la preuve.


B

Tiger Shroff

B I L AN

LE NAUFRAGE MOTS PAR AS MAE B E N MANSO UR

J'ai pris un goût certain à rédiger ces pamphlets, cris du cœur comme coups de gueule concernant des acteurs aux choix artistiques plus ou moins convaincants. Dans notre précédent numéro, j'avais changé la donne en vantant l'audace et le talent de la belle Anushka Sharma. J'étais ravie de mettre en exergue la manière dont cette jeune femme est parvenue à s'imposer au cinéma hindi grand public tout en proposant des rôles différents et rafraîchissants ! Je m'étais donc décidée à mettre un frein à mon cynisme en évoquant d'autres profils d'acteurs qui, comme Anushka, se sont imposés à Bollywood en faisant les bons choix. Je vous jure, j'étais motivée...

ET PUIS, IL Y A EU TIGER SHROFF. AH, LE CAS TIGER... QUE DIRE, SI CE N'EST QUE L'ENGOUEMENT POPULAIRE AUTOUR DU JEUNE HOMME ME DÉPASSE... > 049


Parce qu'il a beau tourner à Bollywood depuis presque 4 ans, j'ai juste l'impression que le p'tit fait strictement les mêmes films depuis ses débuts en 2014.

« Il danse, se bat et roule des pelles... Il danse, se bat et roule des pelles... Il danse, se bat et roule des pelles... Vive la prise de risque. » Je croyais qu'on pouvait faire difficilement pire après avoir écrit sur Varun Dhawan. Et bien, nous avons un gagnant ! Enfin, ça dépend de votre conception de la victoire, hein...

POURTANT, TIGER A TOUT DU GENTIL GARÇON ! Dans ses interviews, il apparaît très humble et beaucoup moins bêcheur que ce fameux Varun, pour ne citer que lui... Je me souviens de son passage dans le talk-show Koffee With Karan. Sa mère Ayesha avait raconté que Tiger lui avait fait la promesse de récupérer la maison qu'elle avait hypothéqué, et ce suite à l'échec d'un film qu'elle avait financé... Tiger est apparu comme un fils aimant, très attaché à sa famille. Et moi, je pleurais devant l'émission en ingurgitant un pot de glace entier à moi toute seule... Aussi, je me souviens avoir été attendrie par sa réserve lorsqu'Elodie et moi l'avions croisé lors des IIFA Awards 2016.

« Ô, il est trop mignon, Tiger ! Élodie, t'as vu comme il était tout timide quand il nous a salué ?! Câliiiiiiiiiiiiiiiiiiin ! » 050

Bref, à ce moment-là, j'aurais presque pu tomber sous le charme. #christophemaé Car derrière l'acteur aux décisions maladroites, je trouvais la personnalité des plus attendrissantes. Mais n'allons pas trop vite, et commençons par le commencement !

Avant toute chose, il faut savoir que Tiger Shroff a été le préparateur physique d'Aamir Khan pour le métrage d'action Dhoom 3. Pas étonnant, vu que le félin est gaulé comme un dieu grec... Ceinture noire de taekwondo, l'agilité de Tiger et sa maîtrise des arts martiaux ne font aucun doute. Pour ce qui est de son jeu d'acteur, c'est une autre histoire. Car le mioche se prépare pour ses débuts depuis plusieurs années. On parlait déjà de lui à l'époque où il avait encore le visage boutonneux de l'adolescent à peine pubère. Alors, quand on nous annonce enfin la sortie de la bande-annonce de son premier métrage Heropanti, je m'attends à tout sauf à voir un mauvais sosie de Hrithik Roshan !

« Non mais attends... Pourquoi il fait tout comme Duggu ?! Achète-toi une personnalité, mon con ! » De sa coupe de cheveux jusqu'à sa façon de danser, Tiger a tout pompé à Hrithik, dont il est fan... Il manquerait plus que Tiger épouse Suzanne prochainement. On lui explique que son idole est un acteur ?!

« Tu sais, Tiger, jouer des rôles


TIG E R SH RO FF E T KRITI SANO N DANS L E FIL M H E RO PANTI

divers, dégager des émotions, changer de style au fil des projets... Ça te dit quelque chose ?! » Non, parce que tout ce que semble avoir retenu Tiger de la carrière de Hrithik, ce sont ses abdos et ses pas de danse... Oui, on dirait une groupie.

Ceci étant dit, vous aurez compris que ce n'est pas avec Heropanti que Tiger a eu l'occasion de m'impressionner. Pourtant, il recevra de multiples prix dans la catégorie 'Meilleur Espoir' pour ce film. Seuls les Filmfare Awards semblent avoir fait montre d'un semblant de lucidité en remettant ce trophée au formidable Fawad Khan, tellement plus convaincant dans son premier métrage hindi Khoobsurat. Ni une ni deux, le réalisateur Sabbir Khan,

qui l'a dirigé pour Heropanti, a flairé le bon moyen de se faire du fric ! Il caste de nouveau Tiger pour son projet suivant : Baaghi, pour lequel il sollicite également la jeune Shraddha Kapoor. Ah, Shraddha... Je l'aime bien, cette petite. Inconsistante, souvent répétitive mais pleine de fraîcheur et de sincérité... Je me dis que ça ne peut qu'être bénéfique à Shroff Junior de travailler au contact d'une partenaire qui sait à peu près jouer la comédie... Et merde. Sabbir et Tiger ont manifestement décidé de former une belle équipe de looser, vendant et vantant la médiocrité cinématique. Et ils ont embarqué la pétillante Shraddha dans leur délire... Franchement, j'ai presque envie de dire qu'elle ne pouvait rien faire pour se sauver d'un tel nanar. Tiger met une telle énergie à être fade qu'on pourrait même dire de lui que c'est son plus grand talent ! > 051


LE PROBLÈME, C'EST QUE BAAGHI A RÉALISÉ D'EXCELLENTS SCORES AU BOX-OFFICE.

L A S C E NE FINAL E D U F ILM BAAG H I

Du coup, la #teamlooser n'a rien trouvé de mieux à faire que de collaborer de nouveau... Pour nous livrer Munna Michael. J'ai espéré que c'était une blague. D'autant qu'au casting, il y a Nawazuddin Siddiqui.

« Ils ont dû lui donner un gros chèque, à Nawaz, pour qu'il accepte de jouer dans un navet pareil... » Parce que Nawazuddin est excellent, quel que soit le métrage. Il se livre entièrement, sans réserve ni calcul. Il ne cherche jamais à se montrer sous son angle le plus avantageux, ni à avoir du style. Tout ce qui l'importe, c'est d'interpréter son rôle avec justesse et générosité. Tiens, Tiger, prends des notes ! J'ai presque cru que Nawaz parviendrait à faire prendre conscience à Tiger de la platitude de son jeu d'acteur... Parce que moi, si j'étais en face de Nawaz, j'aurais l'impression d'être aussi douée qu'une quiche réchauffée au micro-ondes.

Mais pas Tiger !

« J'ai pas de leçon à recevoir d'un mec qui a gagné un National Award, non... » Mais quel abruti ! Attention, loin de moi l'idée de juger l'homme, je me contente de poser des mots sur le présumé artiste... Tout simplement parce que je le cherche depuis 2014 ! Inutile de dire que Munna Michael est un film 052

pathétique, qui fait honte à la légende Michael Jackson plutôt que de lui rendre hommage. J'espère juste pour Nawazuddin que son cachet était conséquent...

Dans l'intervalle, Tiger voulait faire comme tonton Duggu en jouant dans un film de super-héros. Mais vu qu'il avait pas le budget de Krrish, il nous en a proposé la version Leader Price : A Fying Jatt. Alors là, c'est le pompon !


Incohérence, réalisation hasardeuse et directeur d'acteur absente... Je n'ai rien à dire à part : pourquoi ?!

« Je ne comprends pas comment on peut faire autant de bouse en ayant toutefois la conviction que ce soit qualitatif... Le mec est scatophile, je crois. » Et alors que je suis en pleine rédaction de cet article, la première affiche du douteux Student of the Year 2 a été dévoilée... Ça pique. L'équipe graphique aurait pu réaliser un tutoriel sur l'art de me brûler la rétine. Surtout, je me demande si le petit tigre n'a pas touché le fond. Car entre ce projet et la suite de Baaghi, il n'y a rien qui puisse être pire... Mais c'était encore une fois sous-estimer la capacité de Tiger à me surprendre ! En effet, il sera à l'affiche du remake indien de Rambo... Oui. Je sais.

Il n'a décidément pas compris. Le gamin s'obstine à rester dans un seul et même registre, sans jamais chercher à surprendre son public, alors que ses deux derniers films ont fait un four au box-office... Quand te résoudras-tu à te remettre en question, Tiger ? Toi qui évoque régulièrement ton admiration pour ton père, le formidable Jackie Shroff, quand est-ce que tu signeras des projets engageants et uniques, à son image ? Certes, tes acrobaties sont impressionnantes. Et tes muscles, c'est mignon tout plein. Mais ça ne fait pas un acteur. Et une jolie plastique n'a jamais construit une carrière.

Et quand je me disais que Tiger avait au moins pour lui sa douceur et sa gentillesse, je suis encore tombée des nues. Dans une récente interview concernant la distribution féminine de son film à venir Student of the Year 2, le pseudo-comédien disait la chose suivante :

« Je ne suis pas du tout concerné par le casting. Je ne me soucie pas du rembourrage autour de moi. C'est le script et mon personnage qui comptent. » Ok, donc le mec a un melon pas possible... >

L'AFFIC H E DU RE MAKE INDIE N DE RAMBO, PRÉSE NTÉ E LO RS DU 70È ME FESTIVAL DE CANNES.


Ensuite, c'est quoi cette façon de qualifier ses potentielles partenaires ? Du rembourrage ? Et puis, quoi encore ? C'est donc assez révélateur de sa perception du cinéma. Seuls comptent le script et le héros ? Les protagonistes féminins n'ont donc à ses yeux aucune valeur ? Mon chou, on est en 2017 ! On a des Rani Mukerji, des Vidya Balan, des Kangana Ranaut, des Radhika Apte, des Kalki Koechlin et j'en oublie ! Le cinéma indien doit énormément à ses actrices. Et il doit beaucoup aux femmes qui constituent son audience. Elles ont un goût sûr et de la sensibilité. Et crois bien que sans certaines d'entre elles qui paient encore pour venir voir tes films, tu ne serais rien, mon coco !

Non seulement il frôle la misogynie, mais en plus, il est égocentré comme c'est pas permis ! Non, Tiger, ton personnage n'est pas le seul à compter dans un film. Figure-toi que la seule raison qui m'a poussé à voir Munna Michael par exemple, c'était Nawazuddin Siddiqui. Oui, tu te souviens, le p'tit vieux à la peau sombre qui devait te servir de faire-valoir mais qui a fini par te voler la vedette par sa seule présence à l'écran ? Oui, le gars qui ne sait ni danser, ni se battre et qui n'a pas été à la salle de sport depuis 1984... C'est bien lui ! Car dans une œuvre artistique, aussi important que soit ton rôle, n'oublie pas que tu n'es jamais seul. Que tu dépends du travail de tes partenaires, de ton réalisateur et de ton équipe technique.

ET SI TON TALENT SE SUFFISAIT À LUI-MÊME, ÇA SE SAURAIT. Mais ce n'est pas le pire. Et là, je m'éloigne 054

hélas de l'acteur en carton pour parler de l'homme. Et j'en suis navrée par avance car ce n'est pas dans mes habitudes. Mais cette fois, il m'était impossible de rester de marbre. J'espère que vous le comprendrez. Dans une interview pour Rediff, voilà ce qu'a déclaré Tiger.

« J'épouserai une fille issue d'un village. Quand je rentre à la maison, je veux un massage pour me détendre. Elle devra rester à la maison, entretenir notre foyer et me préparer des plats faits-maison. J'aime les filles qui sont du genre 'femme au foyer'. » VOUS AVEZ UNE CORDE ?! NON, C'EST PAS POUR MOI... Il est sérieux, le chat ?! C'est quoi cette vision rétrograde de la femme ? Donc le seul but de cette femme, ce sera de te servir ? Ce sera que sa vie tourne autour de TON confort ? Et elle, elle pue ?! Ses envies, ses aspirations, son identité... C'est pas important ? Tu dois vachement t'aimer pour croire qu'une femme acceptera une telle vie juste pour avoir le « privilège » (j'ai envie de vomir) de se réveiller tous les matins à côté de toi, Monsieur Muscles...

« Le mec ne veut pas d'une épouse mais d'une bonniche, en gros... Tigrou, c'est fini, l'esclavage ! » Vu qu'on est au 36ème dessous et qu'à côté, Varun Dhawan mériterait presque un Oscar pour sa prestation dans Judwaa 2 (oui, je l'ai dit !), j'ai décidé de vous achever. Signant au passage la fin des haricots pour le cinéma hindi. En effet, Tiger Shroff a signé un nouveau projet, qui sera produit


AFFIC H E DU FIL M STUDE NT O F TH E YE AR 2, PUBL IÉ E SUR L E CO MP TE TW ITTE R DE KARAN J O H AR par la bannière Yash Raj, et dans lequel il affrontera... Hrithik Roshan ! J'ai cru au Poisson d'Avril, sur le coup... Sauf qu'on était pas en avril ! Je pleure tout de suite ou j'attends un peu ? Déjà, ça veut dire que Tiger pense avoir la carrure nécessaire pour rivaliser avec Hrithik Roshan... Il a de l'humour, le p'tit ! Mais ce qui m'attriste le plus, c'est que Duggu ait désormais besoin de tourner avec Tigrou pour s'assurer un succès commercial ! D'autant qu'au vu des résultats des derniers métrages de Tiger en termes de recettes, c'est même pas garanti...

Je ne sais comment conclure, honnêtement. Aucune note d'espoir pour ma part concernant le devenir de Tiger à Bollywood. Tant que des producteurs seront là pour financer ses nanars, le gosse aura la conviction de faire du bon boulot... Bref, que dire de plus, si ce n'est que l'effervescence autour du jeune homme risque de se tasser avec les années. Car Tiger va finir par vieillir, et s'il ne change pas son fusil d'épaule, les fans trouveront d'autres beaux gosses, plus jeunes et probablement plus inventifs, à aller voir au cinéma.

SUR LE TO U RN AG E D E BA AG HI 2

A lui de se réveiller et de comprendre que le cinéma hindi a changé depuis longtemps, donnant à voir des histoires originales et authentiques. 055


D DO S S I ER S P ÉC I AL

PA D M AVAT I Quand l'Inde s'enflamme pour une reine fictive. M OT S PA R FAT I M A ZAHRA E L AHMAR

Controverses, sujets polémiques et Bollywood sont depuis toujours des termes qui vont de pair. Des scandales sont même créés et montés de toute pièce dans un but purement promotionnel. Le procédé a plus d’une fois montré son efficacité, bien que les créateurs de films en Inde n’osent jamais admettre que leur propre équipe se cachait derrière le sujet. Toutefois, il arrive parfois qu'un buzz particulier se crée autour d’un métrage, sans que son réalisateur, ses producteurs ou

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ses acteurs ne le demandent ou n’y participent.

Est-ce du karma ou est-ce autre chose ? La question ne se pose plus vraiment, car l’audience ne fait qu’attendre que la vague se calme. L’ampleur que prennent certaines de ces controverses choque le public au point où, concerné ou non, il se retrouve à un moment ou à un autre à suivre le déroulement de l’affaire.

C’ÉTAIT BIEN MON CAS. >



Depuis l’annonce du nouveau magnum opus de Sanjay Leela Bhansali, Padmavati, j’ai filtré toute son actualité parce qu’aucune facette du projet ne m’intéressait réellement.

Adapté d’un poème de Malik Muhammad Jayasi écrit en 1540, Padmavati est un autre projet que Sanjay a voulu monter depuis au moins une dizaine d’années.

J’étais à un moment interrogative à l'idée de voir comment Shahid Kapoor et Aditi Rao Hydari allaient se tenir au milieu de tout ce décor, mais ce n’était pas suffisant pour éveiller ma curiosité. Ce n’est que récemment, quand la folie a enflammé l’Inde que je me suis renseignée sur le sujet.

LE POÈME, INTITULÉ PADMAVAT, RACONTE L’HISTOIRE D’UNE PRINCESSE DU ROYAUME CINGALAIS (LE SRI-LANKA ACTUEL).

Laissez-moi vous dire que j’ai longuement hésité avant de choisir ce thème précis pour cet article. Avant d’aller plus loin, je commencerai d’abord par citer tout ce qui est déjà connu et dévoilé sur le métrage.

L’amitié particulière de cette princesse avec Hiraman, un perroquet, n’est pas du goût de son père qui ordonne que l’oiseau soit tué. Pour fuir ce sort macabre, Hiraman s’envole et finit par devenir l’animal de compagnie de Ratansen, le roi de Chittor. Intrigué par la description que donne Hiraman de la princesse, Ratansen décide d'entreprendre un long voyage pour partir à sa rencontre. Après de tumultueuses aventures, le roi et la princesse finissent par se marier et reviennent au Chittor. C’est à ce moment qu’entre en scène Alauddin Khalji, sultan de Delhi. Après avoir entendu diverses histoires sur la beauté incomparable de la fameuse Rani Padmini, ce dernier décide d’attaquer Chittor pour s'accaparer la belle. Les péripéties s’enchaînent pour atteindre le point culminant de ce récit : Ratansen est vaincu, et les femmes du palais, guidées par Padmavati, commettent le jauhâr. Aluddin Khalji se voit ainsi refuser sa véritable victoire, et n’arrivera jamais à mettre la main sur Rani Padmini...


LE JAUHÂR EST L’UNE DES PLUS VIEILLES TRADITIONS RÂJPUT, OÙ LES VEUVES DES GUERRIERS DÉCIDENT DE SE BRÛLER VIVES POUR ÉVITER L’ESCLAVAGE, LA TORTURE OU LA MORT QUI LEUR SERONT IMPOSÉS PAR LES TROUPES DES ENVAHISSEURS. Vu que le film n’est pas encore sorti (à l’heure où j’écris ces mots), il est difficile de savoir exactement ce qui sera retenu dans cette nouvelle adaptation et ce qui sera modifié. Cependant, étant donné les sensibilités qui risquent d’être touchées par une reprise cinématographique de ce genre d’histoire, Sanjay Leela Bhansali s'est confronté à de multiples épreuves dès le premier jour de son tournage. En effet, même quand le métrage débutait à peine sa production, les plateaux ont été vandalisés et détruits à plusieurs reprises par des fanatiques qui refusaient que le film voit le jour. Si à l’époque, le réalisateur s’en était sorti avec des décors cassés, ce qu’il risque aujourd’hui est beaucoup plus grave.

Des menaces lui étant destinées remettent une nouvelle fois en question la maturité du public indien aux yeux de la presse internationale. C’est amèrement ironique de voir tout un peuple s’enflammer pour une reine qui serait semble-t-il fictive. En effet, il n’a jamais été prouvé que Rani Padmini ait existé un jour, le poème en lui-même étant considéré comme une simple légende. Si l’attaque d’Alauddin Khalji sur Chittor en 1303 est un fait historique, la légende de Padmini n’a aucune base historique réelle.

Padmavat est la première œuvre à avoir cité la reine, ce qui pousse beaucoup de gens à croire que le récit n’est que le fruit de l’imagination de son poète. S’il y a des preuves historiques sur l’existence des deux rois, il n’en est rien pour la reine. Parmi les historiens qui remettent en question la véracité des événements se trouve K. S. Lal, spécialiste de l’Inde médiévale. Dans sa dissertation « History of the Khalijis » de 1945, l’ancien historien pointe plusieurs incohérences entre les détails du poème et les faits historiques connus. L’exemple le plus concret est celui de l’époque et du temps que l’histoire prend. Ratansen est devenu roi en 1301, Alauddin l’a détrôné en 1303. Cependant, dans Padmavat, il est dit que la quête de Ratansen pour Padmavati dure pendant 12 années, et son conflit avec Alauddin s’étale sur 8 années. Lal conclut que les seuls faits historiques dans le poème résident dans l'attaque d'Alauddin à l'encontre de Chittor et dans le suicide par immolation des femmes du palais.

Dans l'un de ses articles récents pour FirstPost, Nitish Rampal souligne également que Jayasi a conclu son poème par les mots suivants : « J’ai monté cette histoire de toutes pièces et je l’ai raconté ». Au fil des années, divers historiens et analystes ont déclaré que le poète n’avait jamais prétendu qu'il s'agissait d'histoire réelle. K. S. Lal a aussi donné sens à Padmavat comme étant une simple analogie, et non une narration exacte de faits réels : Chittor représente le corps, son roi représente l’esprit, le royaume > 059


cingalais est le cœur, sa princesse est la sagesse, et finalement, Alauddin représente le désir.

Qui plus est, aucun des documents historiques qui évoquent cet événement ne parlent de Padmavati ou de Rani Padmini. D’un côté, la toute première de ces sources est le témoignage d’un des fidèles d’Alauddin. Amir Khusrau a parlé dans son écrit, Khaza’in ul-Futuh, de la conquête de Chittor et n’a jamais mentionné Padmini. D’autre part, l’un des politiciens de Delhi de l’époque d’Alauddin, Ziauddin Barani, a écrit en 1297 que le roi Alauddin a admis qu’il devait conquérir les régions de Chittor, Dhar et Ujjain avant d’espérer une conquête du monde. Cela impliquerait donc que la raison qui a motivé Alauddin à s’embarquer dans toutes ces guerres était sa soif de victoire et son ambition, sans mention quelconque d'une reine dont il aurait voulu se saisir.

CE QUI REND L’HISTOIRE DE PADMAVATI ENCORE PLUS CONFUSE, CE SONT LES DIVERSES VERSIONS QUI ONT VU LE JOUR DEPUIS. Non seulement la version de Jayasi était la première (en 1540, soit quelques centaines d’années après les faits), mais elle diffère grandement des versions qui l’ont suivi. Dans certaines de ces histoires, Padmini est la fille de Ratansen et non son épouse. Pourtant, plusieurs personnes ont idéalisé cette reine au point d’en faire une figure historique réelle. Et rapidement, Padmavati est devenue le symbole du sacrifice, la féminité râjput et l’héroïsme. 060

C’est une triste réalité mais, en Inde (et dans d’autres pays également), la liberté artistique est mise à rude épreuve. Demander de bannir des ouvrages et des films est chose commune, mais jamais aucune de ces demandes n’a pris une telle ampleur en Inde. Avant, l’audience se contentait de manifester sa colère, bannir la sortie des films dans certaines régions et boycotter des cinémas. Cette fois-ci, l’équipe de Padmavati est attaquée en plus d’être menacée de mort par plusieurs partis. En 2008, le film Jodhaa Akbar a rencontré de vives protestations dans la région du Rajasthan, qui lui reprochait de dévier de la véracité historique. A l’époque, il était dit que Jodhaa était la fille d’Udai Singh de la région du Marwar et qu'elle était mariée à Salim, le fils d’Akbar. Ashutosh Gowariker s’en était sortie parce qu’il avait le soutien de plusieurs historiens et d’une famille royale. Aujourd’hui, Sanjay Leela Bhansali semble avoir plus de mal que son collègue, même s'il a le soutien de la fraternité Bollywoodienne.

La liste des choses que les râjputs reprochent au film Padmavati est longue. Elle commence par les éléments montrés durant les promotions : une reine qui danse devant le reste d’un peuple ne ressemble en rien au protocole des monarques. Et elle se termine par les reproches actuellement infondées : une scène supposément intime entre Padmavati et Alauddin est inacceptable pour eux.


Résultat, Bhansali et ses deux acteurs principaux sont des cibles affichées. Des sommes exorbitantes d’argent seront offertes à quiconque décapitera Deepika Padukone ou la brûlera vive, à quiconque tuera Sanjay Leela Bhansali, et à quiconque cassera les jambes de Ranveer Singh. Avec toutes ces menaces incessantes, la police a affecté des agents pour surveiller et protéger l’actrice, en espérant empêcher les choses de dégénérer.

Cela ne semble pas empêcher les plus entêtés des fanatiques qui multiplient leurs posts incendiaires sur les réseaux sociaux, rédigeant des lettres ouvertes pour inciter à la violence et au meurtre. Ces divers faits, en plus des retards visà-vis de la certification du film en Inde, ont poussé les producteurs de Padmavati à repousser la sortie du métrage. Il est à noter que dans d’autres pays, comme l’Angleterre, le film de Sanjay Leela Bhansali a déjà été validé par les bureaux de censure. Malgré cela, le réalisateur et son équipe ont jugé judicieux de ne pas le sortir dans le reste du monde avant de le sortir en Inde. Pour ceux d’entre vous qui, comme moi, se trouvent complètement perdus face à un scandale de cette ampleur, voici un résumé chronologique des faits tournant autour du film, repris en grande partie du site The Indian Express :

Décembre 2016 Durant le tournage, un peintre a trouvé la mort après être tombé d’une hauteur considérable alors qu’il finalisait les détails des décors. Sanjay Leela Bhansali et Deepika Padukone ont exprimé leur tristesse.

Janvier 2017 Sanjay Leela Bhansali s’est fait attaquer par de violents opposants pendant qu’il tournait une partie du film à Jaipur. Suite à cela, le groupe d’assaillants s’en est pris à l’équipement qu’ils ont cassé et détérioré. Le tournage s’est arrêté pendant plusieurs jours. > SANJAY LEELA BHANSALI EN JANVIER 2017, PHOTOGRAPHIE DU SITE THE INDIAN EXPRESS.

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Mars 2017

Novembre 2017

Une nouvelle vague de vandalisme a frappé le tournage de Padmavati, cette fois-ci à Kolhapur. 20 à 30 personnes ont mis le feu au plateau durant la nuit, ce qui a blessé plusieurs animaux qui étaient présents sur place. Les voyous ont également détruit des costumes très coûteux.

Des dizaines de milliers de gens ont protesté au Rajasthan, le 3 novembre, contre la sortie du film. Les écoles, les marchés et les pharmacies ont été fermés pour cette raison. Ils reprochaient au film de contenir des scènes intimes entre la reine Padmavati et Alauddin Khilji.

Septembre 2017

Vu l’ampleur que prenaient les choses, plusieurs distributeurs de la région ont commencé à retirer le soutien qu’ils apportaient au film. L’un de ces distributeurs a clarifié qu’il ne souhaitait pas être impliqué dans l’histoire, jusqu’à ce que la controverse se calme.

Après la sortie de la première affiche du film avec Deepika Padukone, des opposants râjput ont mis le feu aux diverses affiches qu’ils ont pu croiser à Jaipur, tout en criant contre Bhansali. L’une des demandes de ce groupe était que Sanjay projette le métrage à un certain nombre de personnes, dont des historiens pour avoir leur approbation sur son contenu.

Octobre 2017 A Surat, un artiste qui a passé pas moins de deux jours sur un rangoli représentant Deepika Padukone dans son rôle de Padmavati, a vu ses efforts détruits quand un groupe de gens ont détruit sa peinture faite au sol. Une fois encore, l’actrice a exprimé son regret sur Twitter, en partageant une image d’avant et après l’événement. En parallèle, une pétition a été initiée pour empêcher le film de sortir en salles. PHOTOGRAPHIES PARTAGÉES PAR DEEPIKA PADUKONE SUR SON COMPTE TWITTER

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Une nouvelle pétition fut présentée au premier ministre indien et au tribunal pour empêcher la sortie nationale de Padmavati. Elle sera rejetée.


La cour suprême a clarifié que c’était au bureau de censure de prendre de telles décisions, et qu’elle n’allait pas interférer dans le processus de certification.

Les menaces deviennent alors incessantes. Abhishek Som, l'un des leaders des groupes râjput, partage son annonce contre Sanjay et Deepika « Celui qui apportera la tête

de Sanjay Leela Bhansali et Deepika Padukone aura en retour 5 crore de roupies. Rani Ma Padmavati s’est sacrifiée avec 12 000 autres femmes et Bhansali remet son courage en question, en la présentant de manière disgracieuse dans son film. ».

Attendu pour le 1er Décembre 2017, le film a longtemps été suspendu pour une durée indéterminée.

Etant donné la gravité de la situation, la controverse entourant Padmavati risque de ne pas se calmer de sitôt. En tant que simples spectateurs, il n’y a malheureusement pas grand chose que nous puissions faire, à part se poser des questions sur les motivations de chacun.

Est-ce que Sanjay Leela Bhansali est allé trop loin, cette fois-ci ? Est-ce que la partie adverse arrive à dissocier la fiction de la réalité ? Est-ce qu’un travail de fiction peut se permettre de heurter les sensibilités, sous prétexte qu'il prend des libertés créatives ? Le public indien exagère-t-il ?

A l'heure où j'écris cet article, j'apprends que Padmavati sortira finalement en salles le 25 janvier prochain, après plusieurs mois d'un imbroglio qui a autant passionné l'Inde qu'il ne l'a divisé. Le comité de censure a effectivement validé la sortie du métrage, dont le nouveau titre est désormais Padmaavat.

A mon avis, il serait judicieux de laisser le public décider par lui-même du destin du film.

SI AUCUNE COUPURE N'A ÉTÉ EXIGÉE, L'ÉQUIPE DE L'OEUVRE DEVRA ACTER 5 CHANGEMENTS DANS LE MÉTRAGE, NOTAMMENT POUR LA SÉQUENCE MUSICALE « GHOOMAR ».

Si Rani Padmini a existé, si son histoire est aussi puissante et profonde que ses ardents fanatiques le disent, en quoi un simple métrage remettrait tout cela en question ? Après tout, les films indiens ne sont pas toujours pris au sérieux, et ceux signés Sanjay Leela Bhansali sont plus appréciés pour leur esthétique que pour leur véracité.

Padmaavat sortira également en France à cette date, grâce au distributeur Aanna Films.

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F FILM VS L I V RE

HALF GIRLFRIEND MOTS PAR E LODIE H AMIDOVIC

Les films racontent une histoire, tout comme les livres. Cela n'a rien de nouveau, que ce soit en Inde ou dans n'importe quelle autre industrie cinématographique, beaucoup de scripts sont basés sur des récits déjà écrits par des auteurs littéraires. Mais que se passe-t-il quand ces histoires se transforment visuellement ? Comment l'adaptation se fait-elle ? Où les cinéastes ont-ils échoué ou, au contraire, réussi leur pari ?

Bolly&Co a décidé de se pencher sur ces projets officiellement inspirés d'ouvrages… (ATTENTION, SI VOUS N’AVEZ PAS VU LE FILM, CET ARTICLE CONTIENT DES SPOILERS.)

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Half Girlfriend, ÉCRIT PAR CHETAN BHAGAT EN 2014 Madhav Jha, un garçon modeste du Bihar, débarque à l'hôtel de l'auteur Chetan Bhagat pour lui laisser les journaux intimes de sa "demi-petiteamie" décédée. D'abord réticent, l'écrivain décide le lendemain d'appeler le jeune homme pour qu'il lui raconte son histoire, où et comment il a rencontré Riya Somani et surtout il en est tombé fou amoureux... Mais plus encore, comment leurs différences sociales ont abouti à une relation compliquée, puisque Riya était plus qu'une amie, mais pas totalement une petite-amie…

Half Girlfriend, RÉALISÉ PAR MOHIT SURI EN 2017 Lorsque Madhav Jha arrive chez Riya Somani, la jeune femme a disparu. Anéanti, il récupère certaines de ses affaires et prend un train pour New Delhi. Pendant le trajet, il repense à la jeune femme et à la manière dont ils se sont rencontrés cinq ans plus tôt, durant leurs études à la prestigieuse école de St Steven's où Madhav a dû affronter l'une de ses peurs : la langue anglaise. Commence alors le récit de leur histoire…

Dans la globalité, on nous offre la même chose : une histoire d’amour.

L' H I S T O I R E G É N É R A L E Mais si dans le film, on ne comprend pas tout de suite que Riya est morte, dans le livre c’est très explicite. Dès les premières pages Madhav est bouleversé et, justement, incapable de lire ce que Riya a écrit dans ses journaux intimes tant il a mal. Il est en deuil.

La façon dont on nous raconte l’histoire entre Madhav est Riya est donc différente entre le livre et le film. C’est la première chose qui m’a perturbé et qui, pour le coup, change radicalement la façon dont on interprète les événements qui nous sont présentés. Dans le métrage réalisé par Mohit Suri, c’est à l’intermission que nous comprenons que Riya n’est plus de ce monde. Et la deuxième partie du film est alors un peu décousue, un peu confuse.

Beaucoup d’éléments ne prennent pas sens et la fin, bien qu’heureuse, ne satisfait pas totalement. On reste sur notre faim. Il y a des questions qui n’ont pas de réponse et qui, pour le coup, ne nous permettent pas de croire en tout ce qui nous est présenté. Un des soucis : la voix off de Madhav. Comme ça, d’un coup, il raconte parfois des choses… mais à qui ? Dans le livre, il n’y a évidemment pas d'entracte, pourtant il y a bien un moment où tout bascule : quand Madhav et Chetan découvrent que Riya a menti. Tout est écrit dans ses journaux. A ce moment précis, Madhav se lance à corps perdu à la recherche de Riya, à moitié heureux, à moitié consterné par ce que la demoiselle a fait. Tout se suit, tout est logique. Le chemin qui est détaillé dans le livre est cohérent et accentue les émotions des personnages. Plus on avance dans le récit, plus on découvre des choses. > 065


LES PERSONNAGES

Madhav Jha En lisant le livre, j'avoue avoir pensé à Arjun Kapoor pour le rôle de Madhav. Il est Madhav dans son entièreté. Ses maladresses, sa naïveté, sa timidité et ses impulsivités... Il est d'abord l'étudiant qui sort de son petit Bihar pour découvrir le monde, puis l'homme qui grandit et qui gagne en maturité. Madhav n'est pas parfait, mais il n'est pas mauvais. Il apprend de ses erreurs, mais surtout de ses relations. Sa vie est grandement influencée par sa mère, ensuite par Riya et enfin par son meilleur ami.

L'INTERPRÉTATION D'ARJUN EST PARFAITE, PLEINE DE JUSTESSE ET DE SENSIBILITÉ. Dans le film, il est celui qui capte le regard et qui touche les cœurs.

Riya Somani Dès l’annonce du casting, le choix de Shraddha Kapoor a fait débat. Si dans un premier temps, il semblait être justifié par le fait que l’actrice soit capable de chanter, la sortie du film a confirmé qu’elle n’était pas faite pour le rôle. Déjà, elle ne chante pas dans le film, ce qui est franchement dommage ! Ensuite, Riya est censée être très grande (plus grande que Madhav) mais surtout très froide. 066

Dans la première partie, il nous est presque difficile de la comprendre, là où lorsque Madhav la recroise après son divorce, elle s’ouvre. C’est là qu’on s’attache à cette femme qui a affronté bien des difficultés.

SI SHRADDHA PARVIENT PARFOIS À SAISIR LA CAMÉRA, L’ÉCRITURE DE RIYA EST DIFFÉRENTE DANS LE MÉTRAGE AU POINT OÙ ON EST FACE À UNE FILLE À DEUX VISAGES DÈS LE DÉPART. Elle n’est jamais complètement froide et le côté “bubbly” de Shraddha ressort assez souvent.

Mon plus gros problème, cependant, ce sont toutes les informations données dans la première partie du film qui devaient justifier le comportement de Riya et nous la rendre appréciable. Ses parents qui se bagarrent, le fait qu’elle embrasse Madhav (alors que dans le livre, elle ne montre à aucun moment qu’elle a des sentiments pour lui, c’est même lui qui l’embrasse et non l’inverse). Mais surtout, le peu de place accordé au basketball. C’est pour Riya une passion autant que la musique.

C’est par le basket qu’elle et Madhav se lient réellement d’amitié.


S H RA D D HA K A P OO R E T A R J U N K AP O O R DANS L ES R Ô L ES DE R I YA E T M A D HAV

Shailesh Vikrant Massey est un ange ! S'il y a bien une chose que j'ai apprécié dans le film, c'est la place donnée à Shailesh. Ce personnage est un peu plus effacé dans le livre malheureusement, puisqu'il n'est pas le seul ami de Madhav. L'acteur est excellent et maîtrise parfaitement son accent de Jharkhand. Il est protecteur, comme un frère et sa relation avec Madhav est forte. Il est une constante pour le garçon. Quels que soient les moments dans sa vie, Shailesh est là pour Madhav. Il le soutient et l’encourage quand il le faut. Il est, par ailleurs, la voix de la raison du livre et du métrage. Les “demipetites-amies”, ça ne devrait pas exister. C’est une relation qui ne pourra pas rendre Madhav heureux. Et puisqu’il ne connait pas Riya et que ce qu'il aperçoit d'elle lui suffit à se forger une opinion, il est de suite contre cette relation atypique. Comme tout le monde, dans le livre et dans le film, Madhav est le seul à voir au-delà de sa carapace.

Rani Sahiba Sans doute ma plus grande déception dans le film Seema Biswas est une bonne actrice, mais

elle n'a pas le côté féroce de Rani Sahiba. La mère de Madhav est tout de suite montrée comme quelqu’un de très proche de son fils, mais aussi de très directif. Elle ne se laisse pas marcher dessus, elle s’impose. Elle gère d’une main de fer son école et son statut. C’est une très bonne politicienne et surtout, une mère lionne qui va voir Riya comme un problème. Dans le film, Rani Sahiba est complètement effacée. Elle fait plus de peine qu’autre chose. De plus, toute une partie de l’histoire de Madhav est mise de côté, et sa relation avec sa mère l'est aussi. Pourtant, c’est à son retour au Bihar auprès de sa mère que Madhav grandit et prend au sérieux son rôle de prince. C’est là qu’il devient un homme, qu’il avance sans pour autant oublier le cœur brisé qui est le sien. > 067


L'A M B I A N C E G L O B A L E Le film est un désastre. Dramatisé et focalisé sur la romance, le plus important passe à la trappe. Ce n’est pas la première fois qu’un livre de Chetan Bhagat est adapté. Parmi les plus réussis : 3 Idiots, Kai Po Che! ou encore 2 States. Pourtant, Half Girlfriend est le premier que l'auteur produit. Il faut savoir que c'est Chetan luimême qui est aussi derrière le script du métrage ce qui, pour moi, est improbable...

J’AI L’IMPRESSION QUE QUELQU’UN A PRIS LE LIVRE, A PIOCHÉ AU HASARD CERTAINS ÉVÉNEMENTS ET A MIXÉ LE TOUT AVEC DES SCÈNES DE TÉLÉFILMS. Durant tout le métrage, les différences me sont apparues pour me mettre en colère plus qu’autre chose. Il faut savoir que je n’ai pas aimé la fin du livre, qui est comme la fin du film : ils se retrouvent, couchent ensemble, petit saut dans le futur, ils sont ensembles dans le Bihar et ils ont une fille. Fin. La grosse dispute entre Madhav et Riya alors qu’ils sont étudiants est due au fait que Riya refuse de coucher avec Madhav qui, disons-le, a lourdement insisté pour passer à l'acte. Cette dispute se termine par une Riya blessée et trahie. Il faut dire que Madhav a surtout écouté ses amis qui lui ont dit qu’en tant que petite-amie, c’était le “devoir” de la jeune fille que de se donner à lui. Ridicule. La scène du film est assez bien faite et montre la manière dont les garçons conçoivent parfois une relation. C’est impardonnable et la distance qu’impose ensuite Riya est fondée. Non, elle ne se 068

marie pas avec Rohan à cause de cela. Une année entière s’écoule entre l’incident et les fiançailles. Mais surtout, Rohan semble être quelqu’un de bien ! Dans le livre, c’est un ami d’enfance qui promet à Riya qu’elle sera libre de continuer ses études et la musique. C’est quelqu’un de beau, d’intelligent et de charmant. Dans le film, il parait dès le départ odieux. Ce qui, pour ma part, discrédite Riya dans ses choix. La jeune femme est indépendante, elle ne se laisse pas influencer par ses parents. Ce mariage, c’est avant tout sa décision, pas celui de son entourage.

Les quelques (rares) scènes au Bihar, ses alentours, l’école de la mère de Madhav et son rôle de prince, expliquent pourquoi on a du mal à comprendre l’enjeu qui nous est dévoilé en seconde partie du film. Après ses études et après le départ de Riya, Madhav est rentré chez lui et a pris une place importante dans le fonctionnement de l’état. Il découvre les conditions de l’école, le manque de classes et de sanitaires, et décide de prendre les choses en main. De se rendre utile. Alors non, il y a bien des filles dans l’école ! Le film s’est focalisé dessus pour suivre les mouvements actuels en Inde. Le gros problème au Bihar, c’est qu’il y a trop d’enfants et pas suffisamment d’infrastructures, pas assez de ressources et d'enseignants. La possibilité de recevoir des fonds par la fondation de Bill Gates est un défi de taille. D’ailleurs, le film a voulu jouer sur la tendance des VFX pour nous


faire croire que le vrai Bill Gates était là… Ils auraient dû s’abstenir tant c’est mal conçu. Surtout, lorsque Riya visite l’école, la mère de Madhav l’aperçoit un peu plus différemment et se met presque à l’apprécier.

L’un des moments les plus importants pour moi, c’est aussi le moment où juste après son discours, Madhav lit la lettre de Riya. Je me souviens avoir eu les larmes aux yeux en lisant ce passage dans le bus qui m'amenait chez moi !

DANS LE FILM… BOF. Je pourrais passer des heures à continuer à vous dire tout ce qui est différent.

Entre la manière dont Madhav croise Riya à Patna (à trois heures du Bihar et parce que justement, il prenait déjà des cours d’anglais là-bas). Les moments où Riya tousse, admet ne pas se sentir bien, tous ces petits indices qui nous font croire qu’elle est sans doute vraiment morte. La façon dont il utilise son stage à New York pour la chercher désespérément. La quasi-inexistence de Anshika dans le livre, même si j'ai beaucoup apprécié la prestation de Rhea Chakraborty et que j'aurais presque préféré que Madhav finisse avec elle.

Bref. Vraiment, lisez le livre. La note d'adaptation 2/10. Une catastrophe qui, malgré le jeu excellent d'Arjun Kapoor, ne peut être sauvée... 069


M MUSIQUE

La musique indienne occupe une place primordiale dans le cinéma indien et constitue une composante essentielle du succès d'un film. La musique a évolué, au même titre que le cinéma lui-même, et incarne à elle seule le syncrétisme culturel dû à la globalisation. Cependant, l'Inde reste l'un des rares pays à avoir su sauvegarder son folklore, phénomène remarquable à travers la musique notamment.

Par le biais de cette rubrique musicale, vous découvrirez les grands artisans de la musique indienne d'hier et d'aujourd'hui. Chanteurs, paroliers et compositeurs, les classiques comme les jeunes révélations...

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NIRMAAN LUMIÈRE SUR...

M OT S PA R AS MAE B E NMANS OUR PH OTO G RA P HIE DU G ROUP E NIRMAAN LORS DE LA SO IR EE F FAST & F R IE NDS AU C IRQUE E L ECTRIQUE

J'ai rencontré les membres du groupe Nirmaan à l'occasion de la soirée FFAST & Friends, organisée au Cirque Electrique le samedi 7 octobre et durant laquelle les artistes se sont produits. Les organisateurs nous avaient proposé de nous entretenir avec eux et nous avions accepté avec joie. Pour autant, ce serait incorrect de dire que je connaissais leur travail. Je l'ai découvert quelques jours avant l'événement en surfant sur le net, emballée par le style atypique de ces musiciens, qui mêlent rock et sonorités indiennes ancestrales. Pourtant, leur musique n'a rien de tonitruant.

LE PREMIER POINT QUI INTERPELLE, C'EST LE TIMBRE ENIVRANT DE PARVEEN KHAN, QUI NE S'ENCOMBRE PARFOIS MÊME PAS DE LYRICS POUR NE NOUS PERNÉTRER QUE PAR LA PUISSANCE DE SA VOIX.

Il existe une harmonie envoûtante entre le grain fort et rugueux de Parveen et les musiciens qui l'accompagnent. Ils sont inter-dépendants et le travail d'interprète de Parveen semble prendre sens lorsqu'il est suivi de l'instrumental de ses collègues.

Saisissant, je vous dis ! Le groupe m'a gracieusement offert son album, que je me suis empressée d'écouter sur le chemin du retour, à la fin du festival. Il faut dire que j'avais complètement adhéré à leur prestation lors de la soirée FFAST & Friends ! Pendant les quelques 2 heures de route qui me séparaient de mon chez moi, je me suis passée en boucle les 7 titres qui composent cet album charmant et efficace. Comme si chaque chanson était connectée à la suivante. Quand nous avons décidé de consacrer notre rubrique « Lumière sur » à Nirmaan, je pensais vous évoquer uniquement mes titres favoris du groupe. Mais il m'est impossible de vous faire une sélection. Car tous les morceaux sont impeccables. Je suis même frustrée que l'album ne comporte > 071


que 7 chansons. Puisque Nirmaan est un voyage, durant lequel chaque étape est importante. Les chansons représentent chacune une part de ce périple musical dans lequel le groupe nous embarque. Certains sillages sont plus fluides que d'autres. Il y a des routes tranquilles, puis des chemins énigmatiques et sinueux. Mais la curiosité nous guide tout le long de l'écoute, et on s'embarque dans ce voyage avec un plaisir non dissimulé. Au sortir du péripérique, je me retrouve dans les embouteillages, que je n'aurais jamais vécu avec autant d'entrain et de dynamisme. Les conducteurs qui m'entouraient ont vraiment dû me prendre pour une tarée...

C'est la folie contagieuse et savoureuse qui se dégage de Nirmaan. « Megh » est une parfaite introduction de l'album, qui nous fait doucement entrer dans son univers avec un son qui gagne en puissance et en relief au fil qu'il avance. Pour ensuite déboucher sur « 6m² in Paris », appelation mystérieuse pour une chanson profonde, qui nous permet d'entrevoir le mariage musical entre le chant de Parveen et le travail multidimensionnel de ses instrumentistes de génie. Avec « Har Ek Pal », le groupe entre dans le vif du sujet et jongle entre ses différentes influences avec malice. Un délice ! La mélodie de « Intezaar » prend davantage son temps, guidée par la voix de Parveen qui semble être le chef d'orchestre de ce titre, où les instruments gagnent en force à mesure que la chanteuse se livre avec de plus en plus de générosité. « Pamultani » dure 7 minutes, s'installe pour instaurer son atmosphère. Telle un trajet en mer calme, qui devient plus agitée en fin de parcours. « Camel Steps » est clairement le titre le plus entrainant de la bande, durant lequel 072

Parveen s'amuse avec sa voix en formulant des vocalises typiques des chanteuses de musique carnatique indienne. La conclusion de l'album arrive avec « Bombay Beach », au caractère rock plus marqué qui finit le CD en apothéose.

En somme, voilà un album qui s'écoute d'une traite et qui se vie comme un savoureux trajet liant la Bretagne et le Rajasthan. Un coup de cœur inattendu qui nous amène à garder un œil attentif sur les travaux à venir de ce groupe unique, plein de générosité et de charme.

NIRMAAN, LA RENCONTRE...

BOLLY&CO : Comment votre groupe est-il né, puisqu'il s'agit tout de même d'un alliage artistique assez particulier ? ANTOINE LAHAY : C'est un voyage en Inde qu'on a effectué avec Etienne qui est clarinettiste et moi-même, guitariste. On est partis en Inde en 2012 dans un centre culturel qui s'appelle le Kawa Cultural Center. C'est le père de Parveen qui a monté ce centre où plein de musiciens du monde entier viennent apprendre la musique indienne. Et là-bas, on a fait la rencontre de Parveen. B&C : C'est donc là que la rencontre artistique c'est faite. AL : Voilà !


B&C : Est-ce qu'elle a adhéré de suite à l'idée de monter un groupe ? Puisque j'avais lu qu'elle vivait à Jaipur. Votre travail est exclusivement destiné au public français, ou est-ce que vous avez eu l'opportunité de vous produire sur des scènes internationales, peut-être en Inde ? AL : On a fait une tournée en Inde en 2014. On a joué à Bombay, à Delhi, à Jaipur... Maintenant, on essaye de tourner aussi ailleurs. On s'est pas mal produits en France, notamment dans le sud. B&C : Avant de vous rencontrer, j'ai écouté certains de vos sons, notamment « Har Ek Pal » et « Camel Steps ». On sent effectivement ce mélange entre des sonorités très rock et la voix de Parveen qui porte en elle une identité très rajasthani.

Cela m'a fait penser à une chanteuse du Rajasthan, justement, qui s'appelle Bhanwari Devi. Qu'est-ce qui vous a amené à penser que ce mariage artistique pouvait fonctionner ? JEAN-MARIE DIVAIGNE : Je crois qu'on aime tous les mélanges. Pour la plupart, on vient de Bretagne avec cette sensibilité pour la musique bretonne. D'ailleurs, on en joue aussi. On a tous un parcours de musiciens voyageurs. J'avais beaucoup travaillé les tablas, par exemple. On a donc cette affinité avec la musique traditionnelle venant d'ailleurs. Ca nous motive de faire des mélanges et des fusions. B&C : Est-ce que vous avez des influences particulières ? Ou bien estimez-vous que vous possédez votre propre identité artistique > 073


JMD : Individuellement, on a tous des influences artistiques différentes.

Pour ce qui concerne le groupe, on imagine avoir une identité un peu singulière. Déjà dans le son parce que, dans un même groupe, c'est assez rare d'avoir une clarinette basse, un violon et une batterie qui est faite d'instruments aux origines multiples. Et une voix indienne, surtout celle de Parveen qui vient du Rajasthan et qui n'a donc rien à voir avec celles qu'on entend à Madras ou à Bombay. J'imagine donc que ça fait de nous un groupe singulier et unique. B&C : En effet, souvent, les chanteuses indiennes ont des voix très cristallines, très haut perché. Et Parveen a quant à elle une couleur vocale qui est beaucoup plus posée et chaleureuse. J'ai trouvé justement très 074

intéressant de faire appel à elle plutôt que de vous laisser aller au cliché de la musique indienne. Mais de votre côté, est-ce qu'il y a des artistes indiens avec lesquels vous aimeriez travailler ? JMD : Il y en a plein, mais je pense que ça ne collerait pas avec la musique que l'on fait. On fait une musique quand même populaire. Même si Parveen chante parfois des thèmes qui proviennent de morceaux classiques. Il y a des gens qui m'influencent, avec lesquels je sais qu'on ne travaillera jamais. Je vais parler pour moi mais quelqu'un comme Zakir Hussain parce que je suis tabliste et percutionniste. Ceux sont des gens qui ont cette magie du virtuose et en même temps cette capacité à transmettre quelque chose d'humain, de généreux et de joyeux. Personnellement, je trouve ça super ! Il y en a plein d'autres, comme par exemple Sabir Khan qui est le cousin de Parveen.


B&C : En fait, il y a des tas de grandes figures de la musique indienne. C'est donc délicat de choisir d'autant qu'il y a des univers très différents, de la musique rajasthani à la musique qawwali. Vous, vous êtes davantage sensibilisés aux sons du Rajasthan. PIERRE DROUAL : Oui, parce que Parveen a grandi à Jaipur. Elle a une culture de musique classique rajasthani mais aussi une culture de musique folk qui vient aussi des gitans. Elle a déjà ce mélange-là de par son métissage. Parveen, c'est déjà un mélange. Elle a une mère bretonne. B&C : J'avais lu cette information, effectivement. Du coup, je présume que c'était une évidence de travailler avec elle. JMD : C'est devenu une évidence. (rires) En fait, à la base, c'était une proposition de deux festivals de fusionner le groupe Dièse3 (composé de Pierre, Etienne et Antoine, ndlr) avec l'artiste de leur choix. Et ils ont choisi Parveen parce qu'ils revenaient d'Inde.

Ca devait être une création éphémère. Ils m'ont invité parce qu'il s'agit d'une aventure humaine et de relations qui se créent. Il se trouve que comme ça a très bien fonctionné entre nous tous, c'est devenu un groupe. B&C : Qu'est-ce que le nom Nirmaan signifie ? JMN : Création. AL : C'est toi qui l'a trouvé, Etienne. ETIENNE CABARET : Oui, c'était justement le nom qu'on donnait à cette création éphémère pour ces festivals qui nous ont

sollicités. Ca veut dire « création » en hindi. Ca sonnait bien. Puis de la manière dont les choses se sont enchaînées, on est devenus un groupe, et ça s'est donc imposé comme le nom de ce groupe. B&C : Vous avez le projet d'introduire d'autres instruments de l'Inde comme le sitar par exemple ? JMD : Sur le morceau « Camel Steps », il y a déjà un invité au sitar qui s'appelle Rajib Karmakar. Il habite loin, il vient de Californie. C'était une rencontre éphémère pour le coup. Mais oui, il y a cette intention d'inviter des gens. On a déjà invité Sylvain Barou à la flûte. Ca fait partie de nos envies de rencontres, tout simplement. B&C : Qu'est-ce qu'on peut vous souhaiter pour l'avenir ? JMD : On vient d'enregistrer trois titres, et le but est de tourner les trois clips qui vont avec. Et sinon, notre envie ultime, c'est d'aller à la rencontre d'autres publics, de bouger, de voyager, de rencontrer d'autres musiciens. Des rencontres toutes simples, dans des villages du Rajasthan ou ailleurs.

AFIN DE CONNAÎTRE TOUTES LEUR ACTUALITÉ AINSI QUE LES SCÈNES SUR LESQUELLES ILS SE PRODUISENT, NOUS VOUS INVITONS À SUIVRE NIRMAAN SUR LEUR PAGE FACEBOOK : ► > www.facebook.com/Nirmaanmusic

POUR ÉCOUTER NIRMAAN : > soundcloud.com/nirmaan

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P

P L AY L I ST

playlist DISCO À L'INDIENNE Pour commencer 2018 du bon pied !

MOTS PAR E LODIE HAMIDOVIC P HOTOG RAP HIE : RIS HI K AP OOR DURANT LA SÉQUENCE MUSICAL E "OM SHANTI OM" D U F ILM KAR Z (1980)

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1. Hungama Ho Gaya DE ANH ONEE ( 1 973) COM P O SÉ PAR LAXM IKANT- PYAR E L AL I NT ERP RETÉ PAR AS HA B HO S L E

Comment résister à l'influence disco derrière ce tube repris pour le film Queen en 2014 ? Avec la sublime voix d'Asha Bhosle, Leena Chandavarkar se déchaîne ivre toute la nuit et sans retenue...

2. Bachna Ae Haseeno DE HUM KISISE KUM NAHE E N (1 9 7 7 ) COM P O SÉ PAR RAH U L DE V B U R M AN I NT ERP RÉTÉ PAR KIS HO R E KU M AR

Véritable hit des années 70, la bandeson du film est ouvertement inspirée du groupe ABBA, à l'époque au sommet de sa carrière. En 2008, Ranbir Kapoor remplacera son père Rishi en reprenant ce tube incontournable.

3 . Ye h M e r a D i l DE DON ( 1 978) COM P O SÉ PAR CH ANDRA BARTO I NT ERP RÉTÉ PAR AS HA B HO S L E

Qui de mieux qu'Helen pour séduire un Amitabh Bachchan des plus froids ? L'actrice est prête à tout pour piéger le Don original. Kareena Kapoor fera face à Shahrukh Khan dans le remake sorti en 2006 lors de la reprise de cette chanson.

4. Om Shanti Om DE KAR Z ( 1 980) COM P O SÉ PAR LAXM IKANT- PYAR E L AL

IN T E R P RÉ T É PA R K I S H O R E K U M A R

Avec un Rishi Kapoor au top de sa forme, cette chanson aura marqué les esprits tout en prouvant définitivement que le disco avait sa place dans le cinéma indien. Le duo de compositeurs recevra d'ailleurs le prix de la meilleure bande-son pour Karz.

5. Jawani Janeman DE N A M A K H A LA L ( 19 8 2 ) CO MP O S É PA R P RA K AS H M E H RA IN T E RP R É T É PA R AS H A B H O S LE

Impossible de passer à côté de cet item song avec la sublime Parveen Babi. Envoûtant et coloré, "Jawani Janeman" reste en tête facilement, jonglant entre la douceur de sa composition et l'ambiance disco qui la complète.

6. Disco Dancer DE D I S CO DA N C E R ( 19 8 2 ) CO MP O S É PA R BA P P I LA H I R I IN T E R P RÉ T É PA R V I JAY B E N E D I CT

Véritable classique du genre, ce morceau des années 80 aura eu droit à plusieurs reprises au fil des années. L'une des plus drôles ? Ranbir Kapoor et son striptease dans le métrage Anjaana Anjaani, immanquable.

7. I t ' s T h e T i m e to Disco DE K A L H O N A A H O ( 2 0 0 3 ) CO MP O S É PA R S H A N K A R - E H SA A N - LOY IN T E R P RÉ T É PA R VAS U N D H A RA DAS , K K , S H A A N & LOY M E N D O N SA

Le disco est toujours synonyme de > 077


liberté et de fête. L'occasion parfaite pour Preity Zinta de prouver qu'elle n'est pas coincée et qu'elle a le rythme dans la peau ! Le mélange est addictif et inoubliable.

8. Aaj Ki Raat DE DON - TH E CH AS E B EGINS AGAIN (200 6) COM P O SÉ PAR SH ANKAR - E HSAAN- LOY I NT ERP RÉTÉ PAR A L IS HA C HINOY, MA H ALAKSH MI IYE R ET S O NU NIGAM

11. Zindagi Meri Dance Dance DE DA D DY ( 2 0 17 ) CO MP O S É PA R BA P P I LA H I R I IN T E R P RÉ T É PA R A LI S H A C H I N A I E T V IJAY B E N E D I CT

Cette musique de séductrice met en avant deux femmes qui se battent pour prouver leur valeur au célèbre Don. "Aaj Ki Raat" joue avec les fondamentaux du disco pour lui apporter une touche de sensualité.

Pour retrouver la magie du disco indien des années 80, l'équipe de Daddy a récupéré une des chansons du métrage Dance Dance (1987) qui n'a jamais été incluse à l'album final. Une perle rétro remise à l'honneur pour notre plus grand plaisir !

9. Aaja Abhi Ja

12. Disco Disco

DE EMI (2008) COM P O SÉ PAR CH IRANTAN B HAT T I NT ERP RÉTÉ PAR SHAAN, S U Z AN ET RIS HI

DE A G E N T LE M A N ( 2 0 17 ) CO MP O S É PA R SAC H I N - J I G A R IN T E R P RÉ T É PA R B E N N Y DAYA L E T S H I R LE Y S E T I A

La chanson est même accompagnée d'une chorégraphie disco parfaite pour des soirées endiablées à mi-chemin entre Bollywood et la fièvre du samedi soir. Et si vous trouvez le sosie d'Arjun Rampal pour une petite danse, c'est encore mieux !

Quoi de mieux pour terminer un film que de mettre l'ambiance avec un bon vieux disco ? Première contribution à une bandeoriginale pour Shirley Setia, "Disco Disco" ne manquera pas de vous faire bouger ! Les influences sont évidentes et parfaitement équilibrées avec des sample plus modernes.

10. The Disco Song DE STUD E NT OF THE Y E AR (2 01 3 ) COM P O SÉ PAR VISH AL & S HE KHAR I NT ERP RÉTÉ PAR BE NNY DAYAL , S U NIDHI CHAUH AN ET NAZI A HAS SAN

Inspirée de la chanson culte de l'interprète pakistanaise Nazia Hassan, comment ne pas bouger sur cette version plus moderne mais

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tout aussi entraînante du titre ? Le morceau idéal pour une session de danse.

PH OTO GRAPH IE DE SIDH ARTH MALH OTRA ET JACQUELINE F ER NANDEZ DURANT LA CH ANSO N " DISCO DISCO " DU F ILM A GENTLEMAN




F FA S T & RENCONTRE

... BOLLY &CO EN ACTION


F F FAST

le bilan FFAST 2017

M OT S PA R AS M A E BENMANS OUR

Cela fait 7 ans que je travaille avec Elodie et Fatima-Zahra. 7 ans que j'écris à leurs côtés dans le cadre du projet Bolly&Co. Personnellement, j'ai toujours pensé que notre relation se limiterait à ces échanges sur Internet. Allez savoir, je n'imaginais pas qu'il serait possible de les rencontrer un jour. Rappelons que j'habite dans le Nord de la France, Elodie dans le Sud et Fatima-Zahra au Maroc. Lorsque nous osions évoquer la perspective, même lointaine, de nous voir enfin, je pensais que cette idée resterait à l'état de rêverie sans réelle chance de concrétisation. Bref, j'étais fort optimiste, comme vous le voyez !

Sauf qu'en 2016, les IIFA Awards ont clairement changé la donne. Car Elodie et moi nous sommes enfin vues dans ce contexte absolument exceptionnel. 082

AF F ICH E DE LA 5ÈME ÉDITIO N DU F ESTIVAL DU F ILM D'ASIE DU SUD QUI S' EST DÉR O ULÉE A PAR IS DU 3 AU 10 O CTO BR E 2 017

Et je me suis rendue compte que c'était possible. Que l'idée de nous rencontrer toutes les trois en un seul et même lieu n'avait finalement rien de fantasque. Au contraire, ces filles en savent bien plus sur moi que certains membres de ma famille.


Ainsi, lorsque l'équipe du Festival du Film d'Asie du Sud anciennement Transgressif (FFAST) nous a sollicitées en tant que partenaire pour la seconde année consécutive, nous nous en sommes saisies pour organiser cette rencontre que nous attendions tant. Les organisateurs ont d'ailleurs été formidables, nous prévenant plusieurs mois à l'avance des dates du festival. Elodie et moi avons donc pu poser nos congés sans encombre. Quant à Fatima-Zahra, nous apprenions qu'elle avait effectué sa demande de visa durant cette période. Une fois ces démarches administratives bouclées, c'était officiel : j'allais vivre cette cinquième édition du FFAST avec Elodie ET Fatima-Zahra ! Quelle excitation !

Fatima-Zahra fait partie des premières personnes avec lesquelles je me suis liée d'amitié dans ma découverte de Bollywood, en 2008. Autant dire que notre lien est largement antérieur à l'aventure Bolly&Co. Elodie et elle se connaissent depuis encore plus lontemps et ont écrit sur des RPG ensemble pendant des années... Cette rencontre est donc forte en symbole pour nous toutes ! Lorsque nous nous sommes lancées dans le projet Bolly&Co il y a de cela plus de 7 ans, vous n'êtes peut-être pas sans savoir que notre équipe rédactionnelle était bien plus conséquente. Après quelques parutions, nous poursuivions l'aventure à 4 : Elodie, Fatima-Zahra, Juliette et moi-même. Nous formions un quatuor de choc, notre groupe fonctionnait grâce à ces deux binomes. Elodie et Fatima-Zahra ainsi que Juliette et moi. Puis Juliette est partie, sans que nous en sachions davantage.

Son départ nous a clairement destabilisées. Pour ma part, je me suis même interrogée sur le sens de poursuivre. Non pas que je n'éprouvais plus l'envie d'écrire. Mais l'équilibre que nous avions trouvé à 4 était désormais compromis. Elodie comme Fatima-Zahra sont toutefois parvenues à me remettre en confiance. Ainsi, nous avons continué notre route à 3. Et la suite, vous la connaissez...

De fait, j'admets avoir ressenti une certaine appréhension. Car en plus de nous réunir toutes les 3 pour la première fois, nous allions cohabiter pendant plusieurs jours dans une petite chambre d'étudiant. L'amitié qui lie Elodie à Fatima-Zahra est forte et pérenne depuis leur adolescence. Je suis pour ma part arrivée bien plus tard. Allais-je trouver ma place ? J'avais peur d'être de trop. Car elles avaient beaucoup de choses à partager qui ne me concernaient pas. Et si je les gênais ? Le samedi 30 septembre, Elodie et moi nous dirigeons donc vers l'aéroport d'Orly afin d'accueillir Fatima-Zahra. La pression est à son comble : et si tout ne se passait pas comme prévu ? Mais l'impatience prendra rapidement le dessus sur l'appréhension. Nous étions effectivement à deux doigts de rencontrer enfin notre chère Fatou, après 7 années à débattre avec elle sur nos perceptions respectives d'un bon film.

PARCE QUE FATIMA-ZAHRA ET MOI N'AVONS JAMAIS ÉTÉ D'ACCORD SUR RIEN, NOS GOÛTS ET NOS SENSIBILITÉS EN MATIÈRE DE CINÉMA ÉTANT DIAMÉTRALEMENT OPPOSÉS. > 083


Elodie est à la jonction de nos visions respectives. Pour autant, je me suis toujours merveilleusement entendue avec Fatima-Zahra ! Admirant sa culture et ses connaissances, j'ai toujours trouvé sa plûme vive et fascinante. Fatima-Zahra aime littéralement le cinéma hindi comme personne. Elle l'aime torturé, écorché vif et percutant. Loin des romances mielleuses dont je suis personnellement friande, Fatima-Zahra m'a frappée par le regard atypique qu'elle porte sur les films indiens. Et c'est ce qui la rend si passionnante à mes yeux. Et même si je sais qu'on ne tombera (presque) jamais d'accord, j'adore débattre avec elle. Car j'apprends toujours beaucoup à son contact. Et surtout, nos échanges sont perpétuellement pétris d'amour et de bienveillance. Elle a beau être ma cadette, j'ai une admiration sans limite pour FatimaZahra, et ce depuis que je l'ai connue sur le réseau Skyblog.

A l'aéroport donc, notre Fati se fait attendre ! Elodie et moi trépignons d'impatience ! Lorsqu'elle arrive enfin, c'est l'émotion ! Chaleureuses embrassades et cris de joie sont au rendez-vous. Nous espérions ce moment depuis 7 ans. Nous sommes fin prêtes à vivre cette cinquième édition du FFAST toutes les trois, avec une excitation sans limite. Nous allons vivre ensemble pendant ce festival, tassées dans une modeste chambre étudiante, car il faut bien se débrouiller avec de petits moyens. J'ai évidemment envisagé que cette cohabitation puisse mal se passer. Parce qu'il faut pouvoir se supporter les unes les autres dans un espace aussi restreint, composer avec les personnalités et habitudes de chacune. En particulier quand c'est la première fois. Mais de nouveau, la réalité aura raison de mon pessimisme. 084

Et c'est tant mieux ! Car dans cette chambre étudiante régnera une atmosphère de colonie de vacances. Karaokés improvisés, sessions de débat, réunions décontractées autour d'un copieux petit-déjeuner et blagues aussi faciles que tordantes rythment ce séjour.

Nous avons toutes trouvé notre place, aussi bien dans ce studio que dans la relation qui nous lie. De quoi augurer le meilleur pour le festival. Et pour le coup, je ne m'y tromperai pas car notre seconde participation à l'événement sera au moins aussi mémorable que la première. Sauf que cette fois, je n'étais pas seule. Comme l'an dernier, la cérémonie d'ouverture sera synonyme d'une appréhension certaine. Je dois effectivement interviewer Alankrita Shrivastava, réalisatrice de Lipstick Under My Burkha. Je suis si stressée qu'au démarrage de l'entrevue, j'oublie de déclencher mon dictaphone ! Il faut dire que je suis particulièrement impressionnée par cette cinéaste, qui a mené un vif combat pour que son film puisse sortir en salles. Finalement, l'échange se déroule bien et je ressors ravie de cette première soirée. De projections en rencontres artistiques, le FFAST édition 2017 aura été riche en émotions fortes. Le vendredi, j'ai l'honneur de discuter avec la belle Shweta Tripathi, venue présenter le métrage Haraamkhor. L'actrice est solaire, ravie de venir présenter cette œuvre au public français. Nous avons parlé ensemble comme si nous nous connaissions depuis des lustres. L'échange est fluide et décontracté, ponctué de fous rires et de cris de fans délirants.


« Vous allez travailler avec Ali Fazal ?! Ali ?! Aaaaaah mais je l'adooooooore ! » « Vikrant... Vikrant Massey ?! Aaaaah mais je suis amouuuureuuuuuse de ce mec ! » Vous voyez le genre... Mais c'est justement assez révélateur. Je me sentais suffisamment à l'aise avec elle pour être sincèrement APRÈS LA P R OJ ECT I O N D U F I L M L IP STIC K UNDE R M Y BU R K H A , L A R É A LISATRIC E ALANK RITA S H R I VASTAVA R É POND AUX Q UEST ION S D ES S PECTAT E U R S .

moi-même. Et c'est rare... Par la suite, nous avons découvert quelques pépites du cinéma indien, de Kaaka Muttai à Hotel Salvation.

LE WEEK-END A QUANT À LUI ÉTÉ SYNONYME DE FILMS POPULAIRES. Nous nous sommes d'abord amusées comme des folles durant la projection de Daawat-E-Ishq, chantonnant les musiques du film avec entrain. Le dimanche, nous avons eu droit à un après-midi consacré à l'acteur R. Madhavan avec la diffusion de deux de ses derniers métrages : Irudhi Suttru et Vikram Vedha. Ah, Maddy... #despetitscoeursdanslesyeux J'adore cet artiste depuis des années et j'étais plus que ravie qu'il soit ainsi mis à l'honneur.

Aussi, nous avons pris part à la soirée FFAST & Friends au Cirque Electrique, un moment de détente rythmé par la prestation magistrale du groupe Nirmaan, dont nous vous parlons d'ailleurs dans ce numéro. De la musique, à boire et de bons potes... Tous les ingrédients qui assurent une soirée réussie ! Le festival a également donné lieu à des expériences culinaires inédites, grâce aux multiples fooding portés par le chef Dev, de Paris Curry. Il nous disait justement que pour lui, « la cuisine indienne ne se résume pas au butter chicken ». Un restaurateur original et créatif que nous vous invitons à suivre... > 085


L' ÉQUIPE DU F FAST LO R S DE LA CÉR ÉMO NIE DE CLOTUR E.

TOUT COMME L'AN DERNIER, LE FFAST A REPRÉSENTÉ L'OCCASION DE DÉCOUVRIR DES FILMS D'AUTRES PAYS DU SUD DE L'ASIE, COMME LE MÉTRAGE SRILANKAIS BURNING BIRDS, LA PRODUCTION NÉPALAISE SETO SURYA ET LE CONTROVERSÉ DOOB, RÉALISATION BANGLADAISE DU CÉLÈBRE MOSTOFA SARWAR FAROOKI. Les rencontres artistiques ont été riches, tout comme les belles découvertes cinématographiques. Mais bien plus encore, le FFAST a été le théâtre de superbes rencontres humaines. Nous avons ainsi eu le plaisir de faire la connaissance de la délicieuse Donia Tanzi, animatrice radio et danseuse très connue de la #Bollysphère. Avec elle, nous nous sommes liées d'amitié avec le formidable Lyes, danseur de talent 086

venu à Paris pour changer de vie. Son énergie, sa passion pour la culture indienne et sa personnalité détonnante nous ont séduites ! Indéniablement, nous savons que nous le reverrons bien après ce festival.

Enfin, nous avons pu faire la rencontre de Sejiane, membre de l'association Fantastikindia, l'un de nos partenaires. Babillant sur notre fascination pour le cinéma tamoul, ce cinéphile généreux nous a de suite fait partager sa joie de vivre ainsi que son talent indéniable pour organiser des événements d'envergure sur le pouce ! On vous en parle plus amplement dans notre article consacré à Vijay Sethupathi... #clindoeil Difficile pour moi de conclure ces 10 jours, si ce n'est en disant qu'ils resteront gravés en moi à jamais. #tropdelove


Oui, je suis niaise, et alors ? Imaginez que j'ai non seulement pu rencontrer ma bande de copines, avec lesquelles nous portons un magazine sur le cinéma indien depuis 7 ans, tout cela en regardant des films indiens et en rencontrant des acteurs et réalisateurs du sous-continent ! Que demander de plus ? C'était le contexte idéal pour enfin nous réunir, et nous savons désormais qu'il y en aura d'autres ! J'ai désormais la conviction que nous nous retrouverons, et très vite !

C'est pour moi l'occasion de verbaliser quelques remerciements. Alors merci à Jean-François, Floriane, Iva et Lucia d'avoir cru en nous pour cette cinquième édition. Merci à Steven de nous avoir sollicité et d'avoir fait le lien avec nous. Merci à Cindy d'avoir été présente sur place pour nous guider et échanger avec nous sur nos travaux. Merci à Sejiane d'avoir rendu cette expérience encore plus saisissante qu'elle ne l'est déjà. Et j'en oublie sûrement...

Merci aux artistes qui ont accepté de donner de leur temps pour nous rencontrer. Mais surtout, je remercie mes deux acolytes, Elodie et Fatima-Zahra pour leur humanité, leur positivité, leur humour et leur panache. Vous me supportez depuis 7 ans, et sans jamais vous plaindre ! Je n'ai pas le souvenir que nous nous soyons un jour disputées. Et cela ne m'étonne guère. Vous êtes des êtres extraordinaires, et je me sens bénie de vous avoir à mes côtés pour cette magnifique aventure qu'est Bolly&Co. Merci de m'avoir permis d'y prendre part. Merci de me faire encore confiance aujourd'hui. J'espère ne jamais vous décevoir.

MERCI À TOUS NOS PARTENAIRES QUI ONT ÉGALEMENT CONTRIBUÉ À NOUS FAIRE CONNAÎTRE, ET QUI PERMETTENT À DES ÉVÉNEMENTS TELS QUE LE FFAST DE PENSER À NOUS. Et enfin, merci à tous nos fidèles lecteurs, sans lesquels nous n'aurions probablement jamais pu vivre de telles expériences. Vous êtes la raison majeure pour laquelle Bolly&Co continue d'exister. Si ce n'était pas pour vous, nous aurions certainement quitté le navire depuis longtemps, prises par nos emplois respectifs et nos dispositions personnelles. Mais Bolly&Co fait désormais partie intégrante de nos vies. Grâce à vous, nous pouvons désormais aller sur le terrain et nous sortir quelque peu de nos quotidiens millimétrés.

Le temps d'un festival, nous vivons dans la peau de véritables journalistes, entre critiques de films et interviews d'artistes. Vous le savez pourtant très bien, ce n'est pas notre métier. Nous sommes autodidactes. Nous avons également d'autres enjeux à mener dans nos vies. Travail, famille, formation... Mais Bolly&Co est maintenant l'un d'eux. Nous voulons voir cette plateforme grandir et gagner en pertinence. Parce que plus que tout, nous voulons vous représenter. Vous, les fans français de cinéma indien qui nous suivez depuis 2010. Vous, qui aimez parler de l'Inde sans nécessairement en être originaire. Vous, qui tentez de communiquer sur votre passion sans toutefois bénéficier de l'écho que vous escomptiez. Car n'oubliez jamais, nous sommes des fans avant tout, comme vous. > 087


LEUR REGARD SUR CETTE AVENTURE ?

Elodie L'année dernière, j'ai été présente pendant trois jours lors de la 4ème édition du FFAST. Deux nuits dans le train, trois jours de cinéma et une ambiance qui me donnait presque envie d'appeler mon patron et de lui dire que j'avais raté mon train ou que j'étais malade pour rester plus longtemps. Impossible donc ne pas venir durant tout le festival cette année, surtout que c'était aussi l'occasion pour Fatima-Zahra (que je connais depuis plus de dix ans) de venir sur le sol français ! Plus encore, c'était l'occasion pour nous de nous voir en chair et en os, comme je l'avais fait avec Asmae lors des IIFA Awards 2016 à Madrid. Autant vous le dire tout de suite, c'étaient deux semaines de pure folie ! Entre notre organisation bien rythmée pour nous partager le travail, les soirées à rire de tout et de rien, les restaurants où nous avons traîné plus qu'il ne le fallait... Il s’agissait des retrouvailles de trois sœurs à mes yeux. Et le FFAST était l’événement idéal pour ça.

Non seulement nous avons pu parler de beaucoup concernant le magazine, mais nous avons aussi vécu un festival riche en découvertes et en belles rencontres. Je pense que l'un des gros atouts du FFAST, c'est la richesse des projections. Les différents projets dévoilés ont chacun un univers, et les invités sont là pour défendre leurs œuvres et échanger sur celles-ci. Je me souviens avoir engagé la conversation avec Shweta Tripathi comme si c'était une 088

amie de longue date, à papoter pour le coup du Festival de Busan en Corée, auquel elle se rendrait quelques jours plus tard pour présenter son film Zoo. Ce sont des choses qui ne s'oublient pas, mais surtout le fait d'être avec Fatima-Zahra et Asmae m'a rappelé à quel point Bolly&Co a fait du chemin depuis mon message d'appel à projet sur Skyblog... L'aventure n'est pas prête de se terminer !

ET JE NE PEUX QUE REMERCIER DES ÉVÉNEMENTS COMME LE FFAST D'OUVRIR LES ESPRITS SUR LE CINÉMA INDIEN.

Fa t i m a - Z a h r a Quand le hasard veut bien faire les choses, il le fait parfois. Depuis des années, l’idée de nous rencontrer toutes les trois en chair et en os, Asmae, Elodie et moi, nous trotte à l’esprit. Il aura fallu attendre 7 ans pour que mon séjour en France coïncide avec le FFAST, et que notre projet d’y assister ensemble se concrétise !

J’ai tellement de choses à dire sur cette première aventure sur le terrain avec les filles, et beaucoup de souvenirs à garder en mémoire. Nos longues soirées de fous rires qui rendaient le réveil à l’heure le lendemain difficile, mais qui en valaient la peine. Notre petit déjeuner « officiel » à Paul un matin. Le déhanché à la Varun Dhawan qu’Asmae a promis de nous faire avant de partir, mais il n'en fut rien (Asmae, je retiens pour la prochaine fois). Un soir de week-end fort mouvementé en découvertes, notamment celle du groupe Nirmaan...


AU-DELÀ DE CES INSTANTS À TITRE PERSONNEL AVEC LES FILLES, LE FFAST ÉTAIT ÉGALEMENT DES SOIRÉES DE BELLES DÉCOUVERTES ARTISTIQUES, AUTANT AVEC DES PERSONNES INOUBLIABLES QUE J’AI PU CONNAÎTRE DANS LE CADRE DU FESTIVAL, QU’AVEC UNE SÉLECTION DE FILMS RICHE ET VARIÉE EN TOUT GENRE, ET POUR TOUS LES GOÛTS. Même si j’en ai raté quelquesuns (qui selon Elodie étaient les meilleurs en plus, merci !), cela n’enlève rien à la magie de tous les moments que j’ai passés au cinéma, à échanger avec les autres amoureux du cinéma indien, à rester béate devant l’adorable Shweta Tripathi, ou à sourire devant Arjun Radhakrishnan.

Merci au FFAST d’avoir rendu cette aventure de quelques soirs possible ! Et merci également de me confirmer ce que j’ai toujours pensé des filles : Bolly&Co, c’est pour toute la vie... 089


I

IN TE RVI E W

SHWETA TRIPATHI

l ’entrevue MOTS PAR AS MAE B ENMANSO UR

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LE 7 OCTOBRE 2017, NOUS AVONS EU LE PRIVILÈGE DE NOUS ENTRETENIR AVEC LA BRILLANTE SHWETA TRIPATHI, ÉTOILE MONTANTE DU CINÉMA INDÉPENDANT INDIEN. Invitée lors de la cinquième édition du Festival du Film d’Asie du Sud à Paris, l’actrice était venue présenter le film Haraamkhor, sorti en début d’année 2017, après plusieurs années à batailler avec le comité de censure indien. Elle nous a fait l’honneur de nous accorder une interview, partageant au passage sa bonne humeur communicative. Le ton était d’abord posé, très studieux. Puis l’entrevue s’est transformée en échange. Avec le sentiment que nous étions en train de discuter avec une nouvelle amie en perspective. Shweta Tripathi sera bientôt à l’affiche de Zoo, prochaine réalisation de Shlok Sharma.

Rencontre avec un petit bout de femme à la vivacité désarmante. Bolly&Co : Vous expliquiez avoir été le premier choix du réalisateur Shlok Sharma pour Haraamkhor. Vous aviez déjà travaillé avec lui sur un court-métrage, Sujata. Mais qu’est-ce qui vous a amené à signer le projet Haraamkhor ? Qu’est-ce qui vous a convaincu d’y prendre part ? Shweta Tripathi : Je pense que dans chaque projet, l’instinct est important. Les personnes qui sont liées au film le sont également. En ce qui me concerne, je pourrais travailler aveuglément avec un réalisateur comme Shlok. Parce qu’il a cru en moi quand je n’étais rien. Je n’avais signé aucun projet, je n’avais pas de membre de ma famille ou de connaissance influente de l’industrie pour me soutenir. Lorsque j’ai lu le script, j’ai trouvé cela excitant que le personnage n’ait rien de commun avec moi. En tant qu’artiste, c’est fantastique de tenir des rôles qui sont très éloignés de ce que vous êtes. Je ne me suis donc jamais

posée la question de ne pas faire partie du projet. Dès le départ, j’y étais investie.

B&C : C’était évident pour vous. ST : Oui, en effet. B&C : Vous incarnez une fille de 14 ans dans Haraamkhor. Dans Masaan, vous teniez également le rôle d’une très jeune femme. En tant que femme mûre, comment faitesvous pour incarner ces rôles avec tant de justesse ? ST : Je pense qu’il est plus difficile pour moi de jouer le rôle de quelqu’un de mon âge, en réalité. C’est intéressant car lorsqu’on est jeune, les notions de logique et de pragmatisme ne sont pas vécues de la même manière. A cet âge, quand vous tombez amoureux, vous aimez juste avec tout votre cœur. Vous ne pensez pas au fait qu’il soit plus âgé, qu’il soit déjà marié, à la possibilité que ça puisse ne pas fonctionner... Il n’y a pas de sens logique ! Il n’y a que des sentiments, et ils sont très purs. Pour ce qui concerne mon personnage dans le film (Sandhya, ndlr), si elle doit se donner physiquement à un homme pour > 091


ressentir ce réconfort émotionnel, elle est prête à le faire. C’était difficile pour moi de le comprendre parce que je cherchais à théoriser ses comportements. Pourquoi ferait-elle cela ? Je veux dire, c’est tellement bête, pourquoi se fait-elle autant de mal ? Mais après, j’ai compris.

Il fallait arrêter de penser autant. Parce que lorsque cela vous arrive, vous ne vous posez pas de telles questions. C’est compliqué mais finalement, une fois que je me suis imprégnée du rôle, les choses ont coulé de source pour un résultat magnifique. Il y a eu beaucoup d’échanges et de débats, mais dans la mesure où ils restent sains et constructifs, on arrive à amener le spectateur à voir le film tel qu’il est, à l’état brut. B&C : Vous faites des films sensibles et pointilleux, loin du cinéma hindi mainstream. Mais vous avez commencé votre carrière d’actrice dans une série pour Disney Channel intitulée Kya Mast Hai Life. De quelle manière avez-vous mûri en tant qu’artiste pour en arriver à signer des métrages tels que Masaan et Haraamkhor ? ST : Vous savez, en grandissant, je ne savais même pas ce que le cinéma parallèle pouvait bien être. Je connaissais Salman Khan et Aamir Khan. J’ai grandi en les regardant. Pas en regardant du Satyajit Ray. J’adorais jouer la comédie. Et donc, quand je pensais à une carrière au cinéma, je me rêvais en héroïne Yash Raj, avec des cheveux magnifiques virevoltant ainsi qu’avec un dupatta coloré au vent. Mais je remercie celle que j’étais à l’époque de Kya Mast Hai Life. Un jour, nous conduisions jusqu’au plateau de tournage et nous avons croisé un bus. Sur ce bus, il y avait une 092

publicité pour un film hindi très populaire. Et mon chauffeur ne m’a pas du tout mise mal à l’aise. Il m’a dit : « Regarde ces femmes en train de poser en bikini ». Et j’ai réalisé que je ne voudrais jamais faire ça. Je n’ai aucun problème à l’idée de camper quelque personnage que ce soit. Je ne me pose aucune limite en termes d’image, je peux incarner des gens de toutes les classes sociales. Mais je me refuse à me livrer aux item number, par exemple. J’ai un problème avec le fait de s’exhiber quand cela n’a aucun lien avec le personnage ou les enjeux du film. Quand il s’agit uniquement de vendre des places sur la base du corps d’une femme, ça me pose un problème. En grandissant, j’ai toujours essayé de faire des choix consciencieux. Je voulais aussi faire la fierté de mes parents et de mon pays. Quand Masaan rencontre le succès, par exemple. J’en suis fière.

J’aimerais faire des films commerciaux pour étendre mon public. Mais je veux pouvoir dormir la conscience tranquille. Donc je pense que je ne serais jamais capable de jouer les potiches. B&C : Vous avez également joué dans une web-série, The Trip, avec Lisa Haydon et Mallika Dua, notamment. Envisagez-vous le théâtre, par exemple ? Vous limitez-vous quant au format de vos projets ? ST : Vous savez, en tant qu’artiste, je suis très gourmande. Je n’ai donc pas envie de me restreindre à une plate-forme en particulier. J’ai fait du doublage, j’ai produit des pièces et je vais passer à la production de films. Un ami à moi me demandait pourquoi je n’écrivais pas, afin d’obtenir les rôles que j’espérais. Mais je ne suis pas en capacité de le faire. Je suis consciente de


mes compétences comme de mes limites. Mais j’avais envie de m’impliquer autrement sur un projet. J’ai envie d’essayer. Je n’ai aucun problème avec l’idée que cela puisse échouer. Je ne veux pas me dire que je n’ai pas expérimenté. Que je n’ai pas tenté. B&C : En effet. Au moins, vous essayez et vous ne pourrez pas nourrir de regret. ST : Oui. B&C : J’ai lu plusieurs articles au sujet d’une web-série que vous auriez signé avec Ali Fazal, produite par Farhan Akhtar et Ritesh Sidhwani. ST : Oui ! B&C : Est-ce vrai ?! ST : Oui ! Je tournais justement pour ce projet avant de venir à Paris. Ali est un

B&C : Ô mon Dieu, je suis amoureuse de lui ! Quel casting formidable ! ST : (Rires) Oui, c’est un superbe casting. C’est aussi ce qui me rend très heureuse au sujet de cette série. C’est important car cela donne encore plus de valeur au projet.

Je regarde toujours le nom de mes partenaires mais aussi de celui ou celle qui est à la photographie, à la musique... Ça compte pour moi. Et Ali comme Vikrant sont d’excellents acteurs. B&C : En effet ! Shweta, je vous propose de conclure cette interview avec un ‘Rapid Fire Round’. Je vous préviens, cela va être très rapide et très cruel aussi ! >

amour !

B&C : J’ai vu son film Confident Royal hier soir, j’ai tellement pleuré ! ST : Ô mon Dieu ! B&C : Il était formidable ! Et vous savez, c’est la raison pour laquelle nous étions si excitées dans l’équipe à la perspective de ce projet. On se disait que l’association de talents tels que vous deux allait forcément être grandiose. De quoi parlera donc cette web-série ? ST : Ce sera un projet pour Amazon. Ce sera un drame politique très fort. Il y aura des tas de morts, ça va être assez dingue. B&C : Un peu comme Gangs of Wasseypur ? ST : Oui ! Et Ali est merveilleux, il y aura aussi Vikrant (Massey, ndlr), qui jouait dans Lipstick Under My Burkha...

Retrouvez la suite de l’interview avec le Rapid Fire Round en vidéo sur notre page facebook !

093


La première question est vraiment difficile. Qui est votre acteur ou votre actrice préférés ? Quelqu’un qui vous inspire, en tant qu’actrice aujourd’hui. ST : C’est vraiment une réponse cliché, mais je pense à Meryl Streep. Ainsi que Hilary Swank, pour ses choix artistiques. Il y a Million Dollar Baby puis PS I Love You, Boys Don’t Cry... Je l’adore pour ça ! Et Meryl Streep, elle est juste au sommet... B&C : C’est une reine. ST : C’est vraiment une reine, pour nous tous. Mais j’admire aussi beaucoup d’Hilary Swank. Et puis, il y a DiCaprio. B&C : Qui ne l’aime pas ? ST : Oui ! Qui ne l’aime pas ?! Je pense que pour ce genre de questions, il faudrait demander... « En dehors de ces acteurs, qui aimez-vous ? » Et si je devais choisir en Inde, je penserais à Konkona (Sen Sharma, ndlr). C’est juste que... Elle est tellement adorable, humainement. Pour un acteur, je dirais Nawazuddin Siddiqui. Parce que j’ai tellement appris de lui. Il sera toujours mon favori. B&C : Il est formidable, je suis d’accord. Vous avez bon goût ! Est-ce qu’il y a un film dans lequel vous auriez aimé jouer ? Un film que vous auriez vu et qui vous a amené à vous dire : « Ô, j’adore ! J’aurais aimé en faire partie ! »

ST : J’envie toujours les rôles d’hommes. Je ne suis jamais intéressée par les rôles féminins.

Mes yeux se posent toujours sur ceux des hommes. Comme Ranbir Kapoor dans Rockstar ! J’aurais aimé jouer son rôle. Je l’adore, je crois en tout ce qu’il me raconte. Je pense que c’est l’un des plus justes de sa génération. B&C : Tout le monde est fou de Ranbir Kapoor ! D’ailleurs, peut-être que la réponse à ma prochaine question sera justement Ranbir Kapoor. Est-ce qu’il y a un acteur avec lequel vous aimeriez travailler ? ST : Ranbir Kapoor. B&C : C’était évident ! Vous avez un film préféré ? Un classique ? ST : Mon film préféré, c’est Fight Club. En vérité, ce film me fait peur. Et j’adore les films qui jouent avec votre esprit. Les films d’horreur vous font vraiment peur, dans l’instant. Mais dans Fight Club, c’était puissant. Ou alors, des films comme Shutter Island... Vous savez, vous vous dites... « Mais qu’est-ce qu'il se passe ?! » Il faut vraiment le finir pour le comprendre. Et d’un autre côté, j’aime des films comme PS I Love You et N’oublie Jamais. Donc j’ai un côté... B&C : Complètement romantique.

ST : Gangs of Wasseypur. B&C : C’est super. Quel rôle ? ST : Faizal Khan, le rôle de Nawazuddin Siddiqui. B&C : Cela aurait été génial ! 094

ST : Exactement ! Donc il y a ces films-là, que j’aime absolument. Mais mon préféré reste... Fight Club. B&C : Votre partenaire préféré à l’écran ? (Silence) Vous avez un nom ? (Silence) Je sais, c’est difficile !


ST : C’est vraiment, vraiment dur, parce que j’adore vraiment... Je ne peux pas ! Je ne peux pas choisir. B&C : Je vous ai adoré avec Vicky (Kaushal, ndlr). Vous étiez tellement mignons ! Vos partenaires sont d’ailleurs tous extraordinaires. ST : C’est ça, le problème. Si ce n’était que des acteurs, ce serait différent. Mais ils sont tellement différents en tant que personne. Et ils n’ont pas le même âge. Nawaz bhai est bien plus âgé. Et ce n’est parce que Vicky a mon âge que cela veut dire qu’il a plus de chance d’être mon favori.

A ce sujet, je pense que je suis vraiment chanceuse. Parce que j’ai joué avec Nawaz bhai, puis Vicky et maintenant Shashank (Arora, ndlr) dans Zoo. Bientôt Vikrant et Ali dans Mirzapur. Je me sens vraiment chanceuse d’avoir joué à leurs côtés. Et j’espère que ça va continuer ainsi ! B&C : Je l’espère vraiment pour vous ! Parce que j’attends avec impatience vos prochains projets. Vous êtes vraiment formidable.

► L O R S DE LA PR OJECTIO N DU F ILM H ARAAMKH O R .

ST : Il y a ce truc dans les parcs d’attraction qui va de haut en bas... B&C : Les montagnes russes ? ST : C’est ça ! B&C : Manoj Bajpayee nous a donné la même réponse l’an dernier. Et c’est une bonne description.

ST : Merci. B&C : Ma dernière question. Auriez-vous un mot pour décrire votre parcours ? ST : Mon parcours ? B&C : C’était dur, il y a eu des soucis avec la censure, et maintenant les choses changent, vous êtes ici pour présenter ce film qui a mis du temps à sortir...

ST : Ce qui veut dire que ça ne va pas s’arrêter, tout ne va pas être facile. Ce sont des montagnes russes. Et je veux que ce soit ainsi. Je ne veux pas jouer la carte de la facilité. B&C : C’est ça qui rend les choses excitantes. ST : Oui. 095



CRITIQUES DE FILMS

... UNE TA S S E DE THÉ


F

F L AS H BAC K

Rang De Basanti MOTS PAR AS MAE B ENMANSO UR

RANG DE BASANTI EST UN FILM ABSOLUMENT INCONTOURNABLE DE LA FILMOGRAPHIE D'AAMIR KHAN. Pourtant, en préparant cet article, j'ai été surprise de constater de nombres de fans de cinéma indien de la première heure ne l'avaient pas vu. Comment cela est-il possible, en particulier dans la mesure où Aamir est l'un des acteurs les plus appréciés de l'industrie hindi ? La stupeur passée, j'ai trouvé une potentielle réponse à ce phénomène.

En effet, Rang De Basanti est sorti la même année qu'un autre film incontournable de la carrière d'Aamir : Fanaa. Et dans l'inconscient collectif, c'est ce métrage-là qui a marqué les fans en 2006, d'autant plus qu'il marquait le grand retour de la populaire Kajol après 5 années d'absence. Du coup, Rang De Basanti est un peu passé à la trappe aux yeux des fans français. Ce qui n'enlève rien à sa qualité ainsi qu'à sa dimension incontournable en Inde. Rang De Basanti fait d'ailleurs partie des rares films à avoir été nommés aux BAFTA Awards dans la catégorie du Meilleur Film Etranger. Pour ma part, Rang De Basanti est parmi les premiers films indiens que j'ai 098

visionné, en pleine découverte du cinéma indien en 2008. J'avais alors 17 ans. Je n'avais pas les mêmes attentes ni le même regard sur Bollywood.

En ce sens, Rang De Basanti m'a bouleversé. En effet, je pensais naïvement que tous les films hindi étaient doux et romantiques. Il faut dire que précédemment, j'avais regardé Dilwale Dulhania Le Jayenge, Kuch Kuch Hota Hai, Kal Ho Naa Ho, La Famille Indienne, Devdas ou encore Dil To Pagal Hai. Rang De Basanti a été une gifle, et m'a surtout permis de prendre conscience de la richesse de l'industrie bollywoodienne. C'est grâce à ce film que je me suis ouverte à d'autres univers cinématographiques, du film social au thriller.

DANS LE CADRE DE CET ARTICLE, J'AI DONC SOLLICITÉ VOTRE REGARD SUR CE MÉTRAGE. Pour certains, il faisait office de classique immanquable. Pour d'autres, cette expérience a constitué un plongeon dans l'inconnu, avec à la clé une agréable découverte. Voici donc ce que vous, chers lecteurs de Bolly&Co, avez retenu de Rang De Basanti...


Brice Grand fan de l'acteur Aamir Khan depuis toujours, ce que j'aime avant tout chez lui, c'est qu'il nous offre en continu des films riches, qui sont faits pour le peuple et par le peuple, qui pointent du doigt les mauvaises choses du quotidien toutes mises sous silence, qui donnent aussi des conclusions avec intelligence, sang-froid et patience. Entre corruption et partis politiques qui n'aident en rien les plus pauvres et les jeunes hommes qui feront l'histoire de demain, Rang De Basanti s'inscrit comme une œuvre riche en espoir, riche en nationalisme mine de rien, puisqu'elle pousse indirectement ceux qui ne croient pas en les bienfaits de la nation à donner un certain investissement, tellement loin de ces films sans engagement qui nous vendent une Inde pleine de paillettes, où tout le monde est beau, tout le monde est gentil... Il suffit de voir un tel film pour prendre une claque, pour voir un ensemble imparfait certes mais sans mensonge,

Rang De Basanti est tout simplement un cri de la nation, un combat, une révolte poignante contre la corruption, et nul besoin d'être originaire de l'Inde pour sentir les sentiments de hargne des personnages principaux.

SUBTIL ET EFFICACE, UN FILM À VOIR ABSOLUMENT.

Deep Rang De Basanti est un film qui m'a beaucoup touché. Je me retrouve facilement dans les personnages de ce film, jeunes et fous mais toutefois aussi avec > 099


cette pensée de changer les choses dans mon pays de naissance.

A travers ce film, on retrace l'histoire d'un homme que j'admire depuis tout petit : le martyr de la cause indépendantiste Shaheed Bhagat Singh. Il représente la jeunesse qui se bat. A l'âge de 21 ans, il sera pendu avec ses compagnons par le gouvernement colonial britannique. Si je dois parler du film, audelà de l'histoire, on retrouve un message pour cette jeunesse qui se perd à notre ère moderne. Ce message se résume parfaitement à cette citation du métrage : « un pays n'est jamais parfait mais on doit le rendre meilleur. »

Maya Rang De Basanti est à mon avis un film culte, surtout de par le casting des acteurs qui est tout simplement parfait. Leur jeu est touchant, on en oublie presque qu'ils jouent la comédie tellement l'histoire du film qui nous ramène à une époque douloureuse que l'humanité a connue, la colonisation, reste une mémoire vive. La bande d'amis portée par Aamir Khan est une juste illustration de la "bromance" à la sauce Bollywood où l'amitié, comme dans beaucoup de films, tient une part importante dans le scenario. En effet, les potes qui passaient leur temps à boire et à s'amuser évoluent tout au long du film jusqu'à la fin tragique, au travers de laquelle ils se prouvent les uns les autres combien ils sont liés et solidaires. L'amitié mise en parallèle avec les martyrs de l'indépendance de l'Inde, tient presque 100

quelque chose de mystique. Ce film m'a marqué. Il fait partie de mes films préférés, il n' a aucune fausse note, vraiment. J'ai rarement vu un film aussi bien réalisé, les acteurs vivent leurs rôles, les chansons et la musique du talentueux A.R Rahman illustrent d'une façon très juste les images, le suspense nous tient jusqu'au bout. Rakeysh Omprakash Mehra nous conte un chapitre de la résistance durant la colonisation d'une manière moderne. Le réalisateur a réussi à mettre dans un même film tout ce que j'aime dans le cinéma indien.

Rang De Basanti est une sorte de "cocktail" d'émotions où se mélangent amitié, amour, tragédie, patriotisme et histoire de l'Inde. Un MUST WATCH !


Ikrame Pour moi Rang De Basanti est une œuvre marquante dans le bon sens du terme, dans la mesure où il est adressé au peuple indien, mais aussi au reste du monde entier. C'est un film clairement engagé. Et ce choix d'avoir voulu superposer l'histoire des grands révolutionnaires tels que Bhagat Singh, à celle d'un groupe d'étudiants montre que le combat est toujours présent dans le pays. Cette volonté de se battre pour améliorer les conditions, notamment politiques, du pays est ancrée dans chaque génération.

Rang De Basanti m'a marqué dans la mesure où il retrace et met en scène l'avancée de différents jeunes dans leur lutte commune contre la corruption, le profit et les vices des hauts placés. Ces jeunes qui semblent être désintéressés et sans espoir concernant leur avenir en Inde et ignorants concernant l'histoire de l'indépendance de leur pays, se voient du jour au lendemain suivre les traces des révolutionnaires. La manière dont le réalisateur montre le changement du groupe est intéressante. Comme quoi, nous pouvons tous être poussés à nous révolter. Malgré le fait que j'ai trouvé quelques passages du film assez extrêmes, je l'ai interprété comme une leçon de vie. Il reste d'actualité et à mon avis il le restera pour toujours, quelle que soit l'époque dans laquelle on vit. Il y aura toujours quelque part ce monopole du gouvernement et ce dialogue compliqué entre le peuple et l’État.

Bref, ce film est, selon moi, à voir au moins une fois, ne serait-ce que pour prendre conscience que nous sommes tous concernés dans la construction d'un pays et ce quel que soit notre statut, comme le montre le personnage de Sue, étrangère qui a participé à ce tournant de l'histoire de l'Inde.

Hassnaa L’histoire de révolutionnaires qui crient au système corrompu et criminel par la résistance allant même jusqu’à accepter pacifiquement la mort. Leur courage et cette détermination ne m’a pas uniquement fascinée, mais également redonnée espoir en un monde où le cœur des hommes n’est pas mort. Un « throwback » qui se répète aujourd’hui, grâce à ces exemples de l’humanité... La déclaration de Daljeet Singh quelques temps avant son exécution : « Il y a seulement deux façons de

vivre votre vie : accepter les choses telles qu’elles sont... ou prendre la responsabilité de les changer. » Cette phrase me restera gravée...

Cette œuvre est complète, on y retrouve de la tolérance, beaucoup d’amour, de l’amitié pure, de la solidarité, de la joie, de la gentillesse mais aussi de l’amertume, de la soif de vengeance et un courage saupoudré de folie... Quand à Sue McKinley, Sonia ou sa bellemère qui ne sont autres que mère, épouse ou petite-amie de martyrs, elles sont à mes yeux des exemples de femmes fortes. Pour moi, ce film est une perfection dans les moindres détails, voulant éveiller les consciences sur des problèmes existentiels de ce monde et ce depuis que l’homme a expérimenté son orgueil. > 101


Karima J'ai regardé Rang De Basanti et j'ai tout simplement adoré les leçons que contenait ce film. L'amitié, la détermination, l'amour de la patrie et le respect... D'abord, le casting est juste fou ! Ensuite, l'intrigue se pose bien : des jeunes qui se fichent de tout jusqu'à ce qu'on leur rappelle que d'autres jeunes ont donné leur vie pour leur liberté à tous. Ils se contentent de cette liberté jusqu'à ce qu'ils se rendent compte dans leur proche entourage que finalement, la liberté est empreinte de vices et n'est réellement qu'une liberté de façade.

Le message est beau car il montre qu'il faut toujours être ambitieux et ne pas se contenter de ce qu'on décide de nous donner. C'est un film patriotique qui éveille les consciences. On aime ce genre de films qui font réfléchir au vrai sens de la vie. Surtout lorsque la fiction est tirée de faits réels. Enfin je trouve que le hindi de Sue est meilleur que celui de Katrina Kaif !

Elodie Je vais être honnête, je ne me souviens plus de grand chose concernant Rang De Basanti. Et si j'ai hésité à revoir le film pour vous écrire quelques mots à ce sujet, j'ai finalement décidé de m'abstenir. J'ai mis énormément de temps avant de regarder Rang De Basanti la première fois, encensé de toutes parts (ce qui a le don de me rebuter). Pourtant, une fois visionné, j'ai été saisie et emportée par ce qu'on me racontait. Surtout, j'ai pleuré, ri, pleuré... Et je ressens toujours à l'heure d'aujourd'hui 102

(soit un peu moins de 10 ans après avoir vu le métrage) la trace laissée par l'aventure de cette bande de potes. D'après mes souvenirs, c'est une oeuvre honnête, interprétée par un panel d'acteurs inoubliables avec un message fort qui dépasse les frontières.

C’EST LE GENRE DE FILMS QUE JE N’OSE PAS REVOIR, PARCE QUE JE SAIS QUE JE VAIS DE NOUVEAU ÊTRE BOUSCULÉE PAR LES ÉMOTIONS QUI DÉFILENT TOUT AU LONG DE L’HISTOIRE. Je sais que je vais encore y penser pendant des jours. D'ailleurs, malgré les années, l’oeuvre n’a rien perdu de sa véracité. Un vrai bijou du cinéma indien tant dans son interprétation, dans son récit, dans sa réalisation et dans sa musique. Un film qu’il faut au moins avoir vu une fois dans sa vie, quelque part.

Sakina L'équipe Bolly&Co a de quoi être fière. Car je fais partie de ces personnes qui n'avaient pas vu Rang De Basanti. Il aura fallu attendre 2017 pour que je saute le pas et que je me rende compte que je passais à côté d'un bijou cinématographique. Dans le numéro 11, j'avais vraiment aimé vous énumerer les 5 raisons pour lesquelles Cheeni Kum était un film à voir au moins une fois dans sa vie. Je vais donc réiterer l'expérience et vous en proposer cette fois 3. Si j'ai un conseil à vous refiler, c'est de regarder avant The Legend Of Bhagat Singh afin de vous immerger totalement et de disposer d'une meilleure compréhension de Rang De Basanti. Voici les trois solides raisons pour lesquelles Rang De Basanti est un film à voir absolument.


1. SON ORIGINALITÉ. Rang De Basanti s'inscrit dans ces films qui te crient à l'oreille : "Non, je ne suis pas comme les autres, regarde et tu verras". Pendant près de la moitié de la pellicule, je n'étais pas réellement conquise, assise sur mon canapé regardant un groupe de jeunes amis se fendant la poire à outrance. Cependant, lorsqu'un évènement tragique frappe ces étudiants, la narration prend un tournant. Je ne dis pas que l'histoire est originale, mais elle a le mérite d'être narrée avec inventivité. En parallèle sont insérées des séquences dans lesquelles nos personnages incarnaient eux-mêmes Bhagat Singh et de ses acolytes.

J'irai même jusqu'à dire que pour un métrage sorti en 2006, Rang De Basanti s'est annoncé audacieux et presque avantgardiste de par sa force de caractère. Vous l'avez compris, cette oeuvre sort du lot car elle a la bravoure de choquer et de réveiller ses spectateurs.

2. UNE DISTRIBUTION ÉCRASANTE. J'aurais pu vous parler seulement de Mister Tornade (c'est le surnom que j'ai donné > 103


à Aamir Khan) pour que cela suffise car il a incarné le personnage de DJ avec une souplesse que je ne retrouverai chez personne.

Aamir y est émouvant mais pas que. Le quadragénaire ne s'avoue pas vaincu par son âge et (r)allume la flamme de la jeunesse à travers Daljit, ce jeune indien rigolo, foufou et sensible. Néanmoins, je ne peux me limiter à lui quand ses co-acteurs ont tous fourni un travail démentiel. Parlons tout d'abord de Siddharth que je vois à l'écran pour la première fois. C'est le fumeur du groupe, toujours très silencieux. Ses yeux parlent plus que ses paroles, on a vraiment l'impression qu'il est la cinquième roue du 104

carosse mais il portera ses amis vers une bravoure déconcertante. Soha Ali Khan y est quant à elle aussi lumineuse que persuasive. Au début j'imaginais que c'était la touche féminine de ce groupe masculin. En réalité, elle est bien plus que ça. Son personnage est aussi important que les autres.

UN DE MES COUPS DE COEUR DU GROUPE EST KUNAL KAPOOR. Il campe Aslam, jeune musulman et pour une fois, c'est le garçon le plus tendre et le plus affectueux de ce cercle d'amis. Pour une fois le muslim boy n'est pas celui qui a le regard tranchant et la haine dans le coeur... Je pourrais tous les citer mais cet écrit deviendrait interminable alors je finirais par accorder une mention spéciale aux parents de ces jeunes, car on peut


retrouver la grande Waheeda Rehman, la somptueuse Kirron Kher, le regretté Om Puri ainsi que le très éclectique Anupam Kher.

Pour résumer, Rang De Basanti dispose d'un casting des plus costauds, du jamais vu pour ma part en presque 15 ans d'amour pour le cinéma indien. 3. DU DIVERTISSEMENT OUI, MAIS ENRICHISSANT. Comme je vous l'ai dit, l'histoire de l'indépendance de l'Inde détient un impact énorme sur le récit de Rang De Basanti.

L'époque de l'occupation anglaise en Inde et le mouvement anti-violence de Gandhi sont des faits qui ont fait le tour du monde. Mais qu'en est-il des révolutionnaires aussi déterminés que Bhagat Singh ? Qu'en est-il de la jeunesse indienne actuelle ? Se rend-elle compte des sacrifices de leurs ancestres ? Est-elle avertie de la résistance qu'ils ont vécu ? Ont-ils la même vivacité d'esprit vis-à-vis de la société dans laquelle ils vivent aujourd'hui ? Rang De Basanti m'a appris avant de me faire réfléchir. Rang De Basanti m'a réveillé de ma nonchalence chronique.

RANG DE BASANTI M'A REMUÉ LE COEUR ET M'A PERMIS DE SORTIR PLUS ÉCLAIRÉE, PLUS INSTRUITE.

Si c'est l'une des particularités d'un film social, il faut dire que cette fois-ci, il m'a divertie par la même occasion.

Au final, je vous conseille vraiment de le (re)voir car ce métrage sort du lot sous toutes les dimensions qu'il amène. Rang De Basanti prouve qu'on peut être un film engagé tout en divertissant la foule. Hats Off !


C

CRITIQUE

Poorna M OT S PA R AS M A E BE NMANS OUR

Lorsque j’ai vu le film français L’Ascension en janvier 2017, j’ai été cueillie. Cette comédie sur un jeune des cités qui décide de gravir l’Everest par amour m’a emportée, notamment grâce à la prestation solaire du monumental Ahmed Sylla. Alors, quand je tombe sur la bande-annonce de la production indienne Poorna quelques semaines plus tard, je m’emballe ! D’autant que le métrage prend racine du récit véritable de Purna Malavath, qui est devenue la plus jeune fille à atteindre le plus haut sommet du monde, à l’âge de 13 ans et 10 mois.

J’ai beaucoup attendu Poorna, et pas uniquement parce que j’ai apprécié L’Ascension. Il se trouve que lorsqu’on me vend un métrage avec l’excellent Rahul Bose à la réalisation, j’estime être en droit d’attendre une œuvre de qualité. L’histoire vraie de Poorna possédait en elle un potentiel dramatique des plus prometteurs qui n’a hélas pas été exploité justement, selon moi. Le résultat final souffre d’un rythme longuet et la psychologie des personnages manque cruellement d’étayage. L’écriture tend à tomber dans un certain misérabilisme qui dessert le propos du métrage et ne rend 106

finalement pas justice à l’incroyable périple de Poorna. La narration suit un sillage plutôt attendu et ne laisse que peu d’espace aux tourments et enjeux intérieurs de l’héroïne. Car on ne sait pas ce qu’elle éprouve lorsque l’intégralité de son monde s’écroule sous ses yeux. Elle est aussi spectatrice que nous des événements qui l’acculent et la réalisation ne nous permet pas d’appréhender Poorna en tant que personne, mais ne s’attache qu’à son parcours menant au sommet de l’Everest.


CECI DIT, LE CASTING N’EST PAS À BLÂMER. J’ai notamment trouvé Rahul Bose très convaincant en soutien infaillible de Poorna, qui vient par ailleurs soulever le manque de moyens alloués aux jeunes défavorisés du pays. Son personnage reste cependant relativement en retrait et toute la place est donnée à Poorna.

Incarnée par la jeune Aditi Inamdar, la jeune fille est une révélation. Car lorsque la trame l’entraîne dans des situations lacrymales à l’excès, la comédienne ne cède jamais à la facilité en faisant montre d’un jeu subtil et nuancé. Son interprétation ne déçoit pas, c’est d’ailleurs elle qui m’a tenu d’un bout à l’autre de la bobine. Sélectionnée parmi 109 candidates, Aditi a appris l’alpinisme auprès de la véritable Purna Malavath, ce qui se ressent dans les séquences où on la voit se battre contre cette montagne pour la surmonter. C’est dans le fait de l’avoir sélectionné pour le rôle que je reconnais la finesse et la sensibilité de Rahul Bose. Aussi, j’ai eu le sentiment qu’il avait dirigé son casting plutôt que l’œuvre dans son entièreté. Rahul Bose est un réalisateur avec des faiblesses mais prouve surtout qu’il est un formidable directeur d’acteurs. La distribution du film est effectivement irréprochable et constitue l’élément fort de Poorna. Il convient donc de souligner également le jeu de la jeune S. Mariya, très bonne surprise du métrage. La comédienne bouleverse dans la peau de Priya, cousine de Poorna qui la pousse à dépasser ses limites. L’amitié qui unit Poorna à Priya est l’une des forces vives du métrage.

Car Priya stimule Poorna et lui permet de donner du sens à sa quête. Au-delà de gravir le plus haut sommet du monde, le périple de l’adolescente illustre avant tout sa résilience et la détermination avec laquelle elle parvient à se sortir de sa condition sociale précaire. Et si le sort semble s’acharner sur elle, Poorna ne perd ni son optimisme, ni son humilité.

Poorna parle de l’acte au lieu de l’être qui l’accomplit. Sauf que Poorna n’est pas un documentaire, mais une œuvre fictive. Et malheureusement, il manque également à ce film le relief qui caractérise un bon divertissement. Poorna est plat, semblant vouloir singer la caméra brute des drames néo-réalistes tamouls. Et pourtant, l’impact sur le spectateur n’est pas le même. Pourquoi ? C’est vrai que j’ai pour habitude de pleurer comme une fontaine face à des films comme Mynaa, Rummy ou encore Paruthiveeran. Et là, rien, si ce n’est une timide larmichette conclusive... Comment ça se fait ? Ça ne me ressemble pas ! Est-ce que le problème vient de moi ? En l’occurrence, j’en doute car j’ai une réputation de madeleine.

Malgré l’intense maturité d’Aditi Inamdar, le film tient à distance, enfermé dans une cérébralité qu’il voudrait pourtant briser. Le résultat est sagement filmé mais manque d’ambition émotionnelle. Ceci étant, peut-être que la démarche de Rahul Bose n’était pas de me faire pleurer. > 107


Le choix du mélodrame humaniste et dénonciateur aurait probablement été celui de la facilité. Le résultat aurait en effet été plus efficace sur moi, qui suis particulièrement réceptive à ce type d’ambiance. Mais au final, Poorna est aussi nourri par sa simplicité, qui constitue sa faiblesse comme son atout majeur. On n’est pas face à une grande saga larmoyante. Poorna est au contraire le portrait modeste d’une jeune fille qui prend son destin en main en en devenant l’actrice principale.

ET SI LA CAMÉRA DE RAHUL BOSE RESTE TRÈS EN RETRAIT ET MET BEAUCOUP DE DISTANCE AVEC LES ÉMOIS DES PROTAGONISTES, ELLE A LE MÉRITE D’EMPRUNTER UN CHEMIN NARRATIF FIN ET ORIGINAL. L’histoire de l’opprimé à la glorieuse destinée est vue et revue au cinéma, en Inde comme ailleurs. Mais Poorna se démarque par le ton employé, moins criard et sirupeux que celui d’un Slumdog Millionaire, par exemple. La vraisemblance de l’œuvre est ainsi plutôt appréciable.

L’histoire écrite par Prashant Pandey et Shreya Dev Verma reste consciencieusement fidèle aux faits culminants du parcours de Poorna, leur méticulosité allant jusqu’à l’introduction de dialogues en langue télougoue, l’action se déroulant au Telangana. Et c’est peut-être ce qui dessert finalement l’œuvre : l’approche assez scolaire et trop linéaire de son propos. 108

J’avoue donc que je reste partagée entre ma relative déception et le sentiment de m’être tout de même retrouvée face à une œuvre authentique dont la simplicité n’est que trop rare à Bollywood...

Alors oui, je n’ai pas pleuré comme je l’attendais. Oui, j’ai parfois trouvé le temps long. Et en même temps, plusieurs semaines après l’avoir visionné, je n’ai pas oublié Poorna. Au contraire, l’empreinte que ce film m’a laissée est probablement bien plus marquée que je ne le croyais. On est loin du navet soporifique ou du divertissement vide de sens. Mais la cadence tranquille de Poorna peut effectivement déconcerter, voire décourager le spectateur impatient. L’approche sage risque également de laisser coi. Et pourtant, difficile de parler d’un mauvais film ou d’une œuvre décevante. Poorna se savoure différemment, et probablement qu’il requiert plusieurs visionnages et un regard plus ouvert pour être compris en toute justesse.

Sur le plan musical réside également la circonspection. Car si la bande-originale du duo Salim-Suleiman est sympathique, elle n’est pas suffisamment mise à profit pour générer l’émotion. Pourtant, le titre « Kuch Parbat Hilaayein », interprété par l’incontournable Arijit Singh, avait la possibilité de faire craquer la grande sensible que je suis. Sur CD, le morceau reste en mémoire par sa puissance. Au montage, il passe relativement inaperçu, ce qui est assez regrettable.


En conclusion Poorna s’apprécie tel qu’il est, même si ses défauts restent difficiles à occulter. Timide mise en scène d’un scénario assez paresseux, Poorna reste tout de même un film estimable malgré ses maladresses. Mais je n’ai pas envie de vous faire passer à côté du travail honnête de Rahul Bose sur la simple base de mon ressenti. Aussi, il me semble que Bollywood manque cruellement de films aussi investis et en même temps aussi modestes, qui ne cherchent pas le sensationnalisme ni l’efficacité.

RAHUL BOSE VOULAIT RENDRE JUSTICE AU PARCOURS DE PURNA MALAVATH, SANS TIRER À L’EXCÈS SUR LA CORDE SENSIBLE. Il y est parvenu. Sans en faire trop, même si c’est peut-être ce que j’espérais. Rien que pour cette raison, je vous invite à faire l’expérience de Poorna. Et si, au passage, ça peut donner des idées à d’autres cinéastes hindi, qui comprendraient enfin que rien ne vaut une histoire racontée avec simplicité, alors Poorna aura fait son boulot.

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C

CRITIQUE

Bareilly Ki Barfi MOTS PAR E LODIE HAMIDOVIC

Parmi les films de l’année que je voulais absolument voir, il y avait Bareilly Ki Barfi. Cette comédie romantique réalisée par Ashwiny Iyer Tiwari (à qui on doit le très juste Chanda, une mère indienne) possède un casting des plus intrigants : Ayushmann Khurranna, Rajkummar Rao et Kriti Sanon. A la sortie de la bande-annonce, le métrage promet d'être léger, drôle et surtout travaillé. Rien ne révèle complètement l’histoire, tout en nous annonçant une trame de base plutôt classique. Et pour une fois, je dois dire que malgré mes attentes, je n’ai pas été déçue.

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Bitti (Kriti Sanon) est une jeune femme moderne, indépendante et quelque peu décalée. Si ses parents l’adorent et la comprennent, sa mère essaye tout de même de lui trouver un mari correct… ce qui n’est pas facile ! La jeune femme enchaîne les refus tant aucun homme n’est vraiment prêt à l’accepter telle qu’elle est. Après une énième déception, Bitti décide de fuguer. C’est alors qu’en attendant son train, elle tombe sur le livre “Bareilly Ki Barfi” et le dévore. Elle s’identifie tout de suite au personnage féminin et se met en tête de rencontrer l’auteur, un certain Pritam Vidrohi (Rajkummar Rao). C’est alors qu’elle tombe sur l’imprimeur Chirag Dubey (Ayushmann Khurana) qui est en réalité l’auteur de l’ouvrage…

Bareilly Ki Barfi ne se prend pas la tête. Le film nous raconte une petite histoire sans en faire trop, avec un douceur similaire aux sucreries qu’on aperçoit sur nos écrans. Inutile d’en faire des caisses, car on cherche à nous présenter des personnages avant tout réalistes. Des gens qui peuvent très bien être nos voisins même si on vit dans un autre pays. C’est sans doute l’un des points les plus positifs du film : la vraie recherche autour des protagonistes. Même les personnages secondaires ont une place de choix, un espace dans lequel s’épanouir. Personne n’est décoratif, chacun a sa raison d’être. Le plus impressionnant reste l’évolution de Pritam Vidrohi, avec un Rajkummar Rao au top de sa forme qui jongle parfaitement entre sensibilité et comédie.

A ses côtés, Ayushmann Khurranna est comme souvent irréprochable et très naturel.

J’ai particulièrement aimé le personnage de Chirag qui est d’abord un amant au coeur brisé pour ensuite se transformer en amant désespéré. Il est la représentation même de ce sentiment qui peut évoluer en bien comme en mal, qui peut pousser à des actions aussi positives que négatives. Mais surtout, il complète parfaitement Bitti. Les deux personnages s’équilibrent, s’acceptent, se soutiennent. Leurs défauts deviennent soudain des qualités.

Kriti Sanon tient ici ce qui aurait dû être son tout premier rôle.Bitti est un vrai rôle fort et l’actrice se montre tout à fait à la hauteur. Si elle est loin d’avoir le panache et la force d’Ayushmann et de Rajkummar, elle arrive tout de même à se faire une petite place entre les deux et ce n’est pas désagréable du tout. Clairement, Ashwiny Iyer Tiwari savait ce qu’elle faisait en proposant ce rôle à Kriti et le résultat est plutôt satisfaisant !

Cette nouvelle réalisation est franche et sans artifice. Le travail autour de la décoration, de la ville, l’authenticité des espaces, des styles, tout est parfaitement encadré pour nous plonger dans Bareilly en Uttar Pradesh. Si je devais chercher un défaut, ce serait les cheveux impeccables de Kriti. C’est vraiment un détail et malgré sa garde-robe ‘made in Bareilly’, l’actrice a ce corps de mannequin à qui tout va bien. > 111


MAINTENANT, COMMENT FAIRE ORIGINAL AVEC QUELQUE CHOSE QUI A DÉJÀ ÉTÉ EXPLOITÉ DES MILLIERS DE FOIS À L’ÉCRAN ? Ce qui marche ici, c’est que malgré un scénario des plus simples, on arrive quand même à nous surprendre avec des scènes hilarantes et attachantes. Je dois avouer avoir pensé à Mujhse Dosti Karoge dans la première partie du métrage, tout en me disant que c’était une version 100 fois plus honnête.

Les trois héros sont hyper attendrissants et la narration est en tout point réfléchie. On entre clairement dans leurs vies sans pour autant ignorer leurs hauts et leurs bas. Les relations sont mises à nu, dévoilées avec subtilité sans tomber dans des clichés répétitifs. J’ai adoré les passages avec les parents de Bitti, Pankaj Tripathi et Seema Bhargava qui sont fantastiques. 112

Évidemment, la musique possède ici une place particulière. Entre introduction de personnages, dream sequence, ballade triste et grosse fête. Tous les ingrédients d’un Bollywood comme un autre. Au fond, voilà peut-être le secret de la réussite de Bareilly Ki Barfi. C’est un petit film jamais prétentieux au parfum familier qui laisse un arrière goût de bonne humeur. J’ai passé un très bon moment devant le film et c’est bien le genre de comédie romantique qui ne laisse pas indifférent.


C

CRITIQUE

Mom MOTS PAR FATIMA ZAH RA EL AH MAR

Avec l’ouverture que connait le cinéma indien depuis quelques années sur le reste du monde, les créateurs de films indiens osent de plus en plus aborder des sujets sensibles dans leur pays.

SI LE THÈME SOCIAL DES AGRESSIONS CONTRE LES FEMMES N’EST PAS NOUVEAU, NOUS OBTENONS AVEC LE TEMPS DES MÉTRAGES DE MEILLEURE QUALITÉ QUE CE QUI ÉTAIT PROPOSÉ AU PUBLIC PAR LE PASSÉ. Ces deux dernières années ont connu la sortie de quelques réalisations du genre, et Mom s’y inscrit bien qu’il eut été initialement étiqueté comme un thriller. Devki (Sridevi) est une mère de famille qui voit son monde partir en vrille quand sa belle-fille Arya (Sajal Ali) est violée par un de ses camarades de classe accompagné de sa bande d'amis avant d’être abandonnée au bord d’une route. Comme la majorité des affaires de ce genre dans la ville de New Delhi, les coupables s'en sortent. Devki décide alors de se faire justice elle-même et de se venger de chacun de ces hommes. Elle a dans ce sens le soutien de DK (Nawazuddin Siddiqui), un détective privé, et comme obstacle principal Mathew Francis (Akshaye Khanna), un inspecteur de police. >

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Beaucoup de personnes sont passées à côté, mais dans les grandes lignes l’histoire de Mom est très similaire à celle de Maatr, sorti en avril 2017 avec Raveena Tandon à l’affiche. Ce qui fait la force de l’un et la faiblesse de l’autre, c'est inévitablement le casting. Si dans le second Raveena devait porter l’entièreté du résultat sur les épaules, Sridevi a pu compter sur la présence d’autres acteurs de calibre pour rendre Mom encore plus consistant. Dans le 300ème film de sa carrière, l’actrice prouve une nouvelle fois qu'elle est l'une des plus talentueuses de l’Inde. Bien qu’au tout début de sa carrière, il lui soit arrivé d’opter pour des choix très commerciaux (naturellement, comme toutes les autres actrices), elle n’en a désormais plus besoin. Maintenant que sa réputation est faite, elle peut facilement sortir de sa zone de confort afin d'épater son public.

LE SEUL DÉTAIL SUR LEQUEL QUELQUES-UNS PEUVENT CHIPOTER, C'EST SON ACCENT. Rien d’inhabituel et ni de problématique au final, car ses yeux émettent plus d’expression et d'émotion que n’importe quel mot. Inutile de dire à quel point Nawazuddin Siddiqui est doué, parce qu’en effet, il l’est. Il ne déçoit jamais, et ce métrage ne constitue pas d'exception à cela. A mes yeux, il arrive même à surpasser Sridevi dans plusieurs de leurs scènes communes, ce qui est un bel exploit.

Ce que je retiens cependant de ce casting recommandable, c’est bel et bien Akshaye Khanna. 114

Le fait qu'il ne soit pas plus présent dans l’industrie me dépasse ! Ravie de le voir de nouveau, et j’espère que Mom ne sera pas la fin de son parcours. Adnan Siddiqui et Sajal Ali, qui font ici leurs débuts à Bollywood, sont corrects.

MON AVIS SUR CE PREMIER BÉBÉ DE RAVI UDYAWAR EST GÉNÉRALEMENT POSITIF. On en sort avec des émotions chamboulées grâce à la finesse des performances et la touchante vulnérabilité de son histoire. Le message social est frappant sans avoir à tomber dans la vulgarité. Cependant, ce qui me dérange peut-être dans cette oeuvre, c’est la monotonie qui y règne ! Le fait est que Mom n’a rien d’un thriller. Le suspens n’est pas présent et la trame est prévisible. C’est un autre film social, dans le registre de No Killed Jessica, Pink et d’autres, prouvant au passage que le système judiciaire indien est à revoir. Quand il s’agit de s’en prendre à une femme, qui plus est de classe moyenne ou pauvre, tout le monde se tourne les pouces sans rien faire. L’aspect de vengeance ne le rend pas pour autant suffisamment prenant pour être qualifié de thriller. Il n’y a pas d’intrigue, pas de surprise qui vous pousse à réfléchir. Si vous le regardez, ôtez-vous cette idée de l’esprit car elle risque de vous perturber plus qu’autre chose.

En conclusion Pour une fois, heureusement, la mauvaise classification d’un film dans un registre auquel il n’appartient pas ne nuit pas à sa qualité. Mom reste une très bonne œuvre, surtout pour un réalisateur débutant. A voir pour les amoureux de Sridevi, Nawaz et Akshaye ainsi que pour les amateurs des drames sociaux, avec une pincée de vengeance.


C

CRITIQUE

Baadshaho MOTS PAR FATIMA ZAHRA EL AH MAR

LE RÉALISATEUR MILAN LUTHRIA MARQUE SON RETOUR À BOLLYWOOD AVEC BAADSHAHO APRÈS QUATRE ANNÉES D’ABSENCE. Sur la base de sa bande-annonce et de ses images promotionnelles, le métrage semble finement tourné en utilisant les bons éléments qui caractérisent le style si particulier de Milan. C’est donc avec un certain intérêt que j’ai suivi l’évolution du projet qui mettait en scène une nouvelle fois l’un de mes duos préférés, à savoir Ajay Devgan et Emraan Hashmi. Baadshaho promettait effectivement d’être un thriller haut en couleur. Si l’idée de base (et sur laquelle tenait toute la promotion du film) est captivante, Baadshaho n’arrive malheureusement pas à répondre à toutes les attentes.

1975. Indira Gandhi déclare un état d’urgence dans tout le pays. Au Rajasthan, un politicien influent du nom de Sanjeev (Priyanshu Chatterjee) profite de l’occasion et du chaos engendré pour se venger de Gitanjali (Ileana D’Cruz), princesse d’une des familles royales de la région qui a refusé ses avances deux ans plus tôt. Pour ce faire, Sanjeev donne l’ordre au colonel Rudra (Denzil Smith) de s’emparer du trésor de Gitanjali afin de pouvoir le remettre au gouvernement et surtout écrouer cette dernière derrière les barreaux. En compagnie de Dalia (Emraan Hashmi), Sanjana (Esha Gupta) et Guruji (Sanjay), Bhawani (Ajay Devgn) s’embarque dans une mission pour récupérer l’or, et libérer la princesse avec laquelle il entretenait par ailleurs une relation amoureuse.... > 115


LE PREMIER ÉLÉMENT GÂCHÉ, C’EST L’ÉTAT D’URGENCE. Rares sont les films qui s’aventurent sur ce territoire extrêmement sensible, et je m’attendais à ce que Baadshaho le fasse. Ce n’était pas le cas au final, car Milan a choisi d’utiliser cela comme un détail de sa trame de fond. Cela n’avait aucune importance ni aucun impact sur le fil des événements, au point où ils auraient pu inventer une émeute fictive, des faits qui n’ont aucun lien avec la réalité. Car le résultat aurait été le même. L’histoire est classique pour un film du genre et n’apporte aucune innovation. Pour avoir fait et refait des films « d’époque », le réalisateur ne sort malheureusement pas de sa zone de confort cette fois-ci.

Le résultat de ses efforts est un mélange condensé des choses qui peuvent faire d’un masala pareil un succès commercial : des longues séquences d’action, des scènes de bagarre extravagantes, des explosions en tout genre, une musique de fond qui colle à l’ensemble, un item number avec Sunny Leone et des scènes « hot » avec Emraan Hashmi. Si cette formule a fait du métrage un succès décent au box-office indien en septembre dernier, elle ne garantit pas la profondeur du produit final. Baadshaho est le genre de film qui repose entièrement sur son style, car il n’a rien d’autre à offrir. Et heureusement qu’il en a, du style. Comme à son habitude, Milan Luthria arrive à captiver l’essence des années 1970 et offre à son audience un visuel captivant. 116

Peut-être est-ce dû à l’amour du réalisateur pour le Rajasthan, mais la cinématographie est soignée quand il ne s’agit pas d’une scène d’action. Si l’expérience proposée par ce film n’est pas entièrement positive (elle est parfois même ennuyeuse), il faut tout de même admettre qu’au milieu de tout cela, il y a du bon. A commencer par les dialogues. Le scénario déçoit sans le moindre doute, mais les discours tenus par certains personnages donnent à Baadshaho un certain punch cynique et donc franchement sympathique.


Rajat Arora arrive donc à placer les bons mots dans les bonnes bouches, ce qui donne parfois une substance à exploiter pour les personnages. Dans le lot, il y en a deux qui se tiennent particulièrement bien : Tikla, le sage alcoolique, interprété par le formidable Sanjay Mishra, et Dalia, l’adorable fripon, joué par Emraan Hashmi.

Par leur simple présence, ils rendent toutes les scènes dans lesquelles ils apparaissent acceptables, voire même appréciables. J’aurais aimé dire la même chose pour le reste du casting, mais ce n’est malheureusement pas le cas. Vidyut Jamwal n’est utilisé que pour montrer son corps et ses capacités acrobatiques. Les deux demoiselles ne servent pas à grand chose, même si leurs rôles sont plus intéressants que dans d’autres films

du genre. Ajay Devgan est correct mais facilement oubliable.

En conclusion Dans son ensemble, Baadshaho n’est pas un film mémorable parce qu’il est mal écrit et mal construit. Malgré cela, j’en suis tout de même sortie avec quelques belles chansons, quelques scènes agréables (le cynisme et l’humour noir sont bien à mon goût, après tout) et une mention spéciale pour Sanjay Mishra et Emraan Hashmi, et ce même si le métrage est loin d’être le meilleur de leurs filmographies respectives.

AU FINAL, COMME TOUT CE QUE BOLLYWOOD A À OFFRIR, TOUT NE PEUT PAS ÊTRE AU GOÛT DE TOUT LE MONDE. 117


C

CRITIQUE

Lahoriye MOTS PAR AS MAE B ENMANSO UR

Lahoriye est l’un des grands succès du cinéma punjabi de l’année 2017. Réalisé par le scénariste Amberdeep Singh, il s’agit de son premier métrage en tant que cinéaste. Le projet signe également la troisième collaboration entre les acteurs Amrinder Gill et Sargun Mehta, qui s’étaient précédemment donnés la réplique dans Angrej et Love Punjab. Avec Lahoriye, ils s’illustrent dans une histoire d’amour contrariée au schéma vu et revu : un sikh indien s’éprend d’une musulmane d’origine pakistanaise. Rien d’original en soi quand on sait que les idylles inter-culturelles font le sel du cinéma indien depuis des décennies. On ne citera que les classiques Henna et Veer-Zaara ou les plus modernes Ishaqzaade et Thattathin Marayathu en exemple.

Alors, en quoi Lahoriye se distingue-t-il ? Le jeune indien Kikkar (Amrinder Gill) cultive une terre qui se trouve tout juste à la frontière avec le Pakistan. De l’autre côté de cette frontière, il aperçoit la superbe Amira (Sargun Mehta), qui aide à traiter la terre de ses parents au même endroit. En un regard, Kikkar est sûr de lui : il aime cette femme et veut l’épouser. Mais leur amour parviendra-t-il à franchir la barrière de la nationalité ?

La trajectoire narrative employée ici dénote de celles auxquelles le cinéma indien populaire nous a habitué. 118

En effet, dans Lahoriye, les deux amants ne se heurtent pas à la sempiternelle opposition inflexible de leurs familles respectives. Alors évidemment, ça reste un film et il faut bien des enjeux dramatiques pour intéresser le spectateur. Mais l’approche du réalisateur m’a marqué tant elle met en exergue la tolérance des deux communautés. Ni les sikhs, ni les musulmans ne réagissent violemment à la potentielle union des deux êtres.


Certes, leurs discours sont pétris de réserve et d’inquiétude, mais ils ne tombent jamais dans le rejet gratuit. Lahoriye ne divise pas le monde en bons et méchants. Le talent du cinéaste est de ne jamais se poser en donneur de leçons qui se draperait dans les habits inconfortables du juge, du procureur ou de l’avocat.

Il n’existe pas d’antagoniste parmi la galerie de personnages de l’œuvre. Chaque protagoniste a quelque de bon comme de mauvais à apporter à l’histoire, sans pour autant être diabolisé. Chaque membre des deux familles vient nourrir cette romance très pudique à bien des égards, tant les héros n’échangent que des regards tendres. Pas de vives étreintes, encore moins de baisers langoureux, Kikkar et Amira ne s’effleurent pas et puisent la force de leur amour dans le respect profond qu’ils ont l’un pour l’autre. Mais le spectateur peut aussi avoir le sentiment que leur idylle n’avance pas et qu’elle demeure très

linéaire. Pour autant, c’est ce qui fait à mes yeux le charme de Lahoriye, qui vient par ailleurs démontrer que l’amour peut être dépourvu de luxure et qu’il est avant tout une affaire de sentiments. Le film met aussi en lumière la manière dont les punjabi de la troisième génération affrontent leur identité. Car le Punjab a particulièrement souffert de la partition, scindé en deux entre Inde et Pakistan. Et Lahoriye dégage davantage ce qui unit cette communauté plutôt que de n’en retenir que les divergences. Puisque Kikkar se sent chez lui au Pakistan. Il n’a pas le sentiment d’être un étranger, et tout de l’autre côté de la frontière lui rappelle son Inde natale. Le cinéaste utilise au final l’histoire d’amour pour évoquer la difficulté de ces aïeux à se construire après avoir vu leur terre coupée en deux, et la manière dont leurs enfants se représentent en tant que punjabi.

C’EST D’AILLEURS CE PAN DE LA TRAME QUE J’AI PRÉFÉRÉ. >


demeure tout à fait convaincante dans la peau de la douce Amira. #machouchoute Face à elle, le chanteur Amrinder Gill s’en sort avec les honneurs. Ceci étant, il manque au comédien la consistance et la subtilité qui fait les grands interprètes. Sa prestation est bourrée d’intention et de vivacité. Cependant, il faudra sûrement attendre quelques projets encore pour voir son jeu gagner en maturité.

Lahoriye ne commence effectivement pas avec la rencontre entre Kikkar et Amira, mais débute par la séparation d’un garçonnet avec sa maison, en 1947. Cependant, je n’en dirai pas plus pour éviter de vous gâcher le plaisir.

Le rythme de Lahoriye alterne tantôt des séquences cruciales percutantes, tantôt des scènes plus tranquilles aux enjeux plus mineurs. On a le sentiment que le film est alimenté en courant alternatif, frôlant la panne à bien des moments. D’où une relative stagnation narrative au cœur de ce métrage pourtant animé par des personnages vrais et proches de nous.

Sargun Mehta se tire de ce surplace dommageable avec la grâce qui la caractérise depuis ses débuts à la télévision hindi. Pourtant, elle écope d’un rôle plus discret que celui de son partenaire masculin, mais 120

Du côté de la distribution secondaire, Yuvraj Hans est impeccable dans la peau de Naseem, cousin bienfaiteur d’Amira qui apporte son aide aux deux amants. La chanteuse Nimrat Khaira fait quant à elle des débuts remarqués au cinéma avec ce film en incarnant Harleen, la cousine de Kikkar. L’histoire naissante entre Naseem et Harleen permet aussi de dégager l’hypocrisie de certains hommes. En effet, lorsque Kikkar décide d’épouser une pakistanaise, sa famille se montre ouverte et accueille la nouvelle venue avec bienveillance. En revanche, quand sa cousine Harleen envisage de s’unir à un pakistanais, l’accueil est beaucoup plus froid, notamment de la part de Kikkar luimême. C’est là que le script d’Amberdeep Singh est brillant car il montre que les femmes se soutiennent dans l’adversité, menant Amira à aider Harleen en mettant en péril son mariage avec Kikkar.

Amira dénonce l’hypocrisie de celui qu’elle aime et lui prouve au passage qu’elle ne compte pas acquiescer à tout ce qu’il dira au seul prétexte qu’elle veuille l’épouser.


HARJIT KAINTH ET SURESH PANDIT, QUI CAMPENT RESPECTIVEMENT LES GRANDS-PÈRES DE KIKKAR ET D’AMIRA, SONT BOULEVERSANTS. Ils sont responsables des larmes que j’ai versées à la fin du film par le message de paix et d’amour qu’ils délivrent, d’autant qu’ils contribuent grandement à la réussite du mariage entre Kikkar et Amira. La musique de Jatinder Shah est une pure merveille, s’imprégnant des sonorités indiennes comme pakistanaises, et en évitant l’écueil de céder à la musique bhangra. Amrinder Gill pose sa voix sur une bonne partie de l’album, et sublime les compositions déjà qualitatives de Jatinder Shah. Parmi les titres forts de la bande-son, il y a la géniale « Akhar », dont la version féminine interprétée par Nimrat Khaira est à ne pas manquer. Neha Bhasin participe brillamment au morceau « Paani Ravi Da », qui signe la rencontre effective entre les deux amoureux. Mais mon coup de cœur reste la poignante « Jeeondean Ch », dont l’instrumental est juste magistral.

En conclusion Ce premier film d’Amberdeep Singh est une agréable surprise par sa finesse et l’angle unique avec lequel il aborde sa trame, dépassant largement la simple romance inter-communautaire. Sargun Mehta est le soleil du métrage, le reste du casting étant également à la hauteur. La bande-originale de Jatinder Shah est une raison supplémentaire de se jeter sur cette œuvre. Malgré quelques temps morts, Lahoriye est une belle réussite et augure surtout le meilleur pour l’industrie cinématographique punjabi, en pleine mutation depuis quelques années avec des productions plus exigeantes et soignées que jamais. 121


IMAGES DU FILM "C'EST ARRIVÉ À NAPLES" AVEC SOPHIA LOREN ET CLARK GABLE.


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C'est arrivé à Naples English Babu Desi Mem MOTS PAR AS MAE BENMANSO UR

L'Inde a pour habitude de miser sur les remakes, qu'ils soient régionaux ou internationaux. En effet, réadapter une œuvre aux coutumes nationales voire régionales fait office de véritable tendance dans les industries indiennes, à Bollywood comme dans les capitales dravidiennes. En 1996, Shahrukh Khan et Sonali Bendre sont à l'affiche de English Babu Desi Mem, une romance dirigée par Praveen Nischol. Le métrage a fait un bide commercial lors de sa sortie en salles, mais est depuis devenu une œuvre incontournable de la filmographie du King Khan auprès de ses fans. Pourtant, English Babu Desi Mem n'est pas un film original. En effet, il s'agit du remake non officiel du métrage américain C'est arrivé à Naples, avec Sophia Loren et Clark Gable.

English Babu Desi Mem constitue-t-il une adaptation ratée ? Quels sont les atouts de cette version 'made in India' ? C 'EST A R R IV É À N A P L ES Réalisé par : Melville Shavelson Industrie : Hollywood Année : 1960 Distribution : Clark Gable, Sophia Loren, Marietto Musique : Alessandro Cicognini & Carlo Savina

E NG L ISH BABU DESI ME M Réalisé par : Praveen Nischol Industrie : Bollywood Année : 1996 Distribution : Shahrukh Khan, Sonali Bendre, Sunny Nijar Musique : Nikhil-Vinay

Michael Hamilton/Vikram Mathur (Clark Gable/Shahrukh Khan) arrive à Naples/ Mumbai pour régler la succession de son défunt frère Joseph/Hari. Sur place, il découvre que son frère a laissé derrière lui un fils du nom de Nando/Nandu (Marietto/Sunny Nijar), élevé par sa tante maternelle Lucia/Bijuriya (Sophia Loren/ Sonali Bendre), une danseuse de bar. Michael/Vikram va tout faire pour récupérer la garde du garçonnet, dont il estime qu'il ne bénéficie pas de l'éducation dont il a besoin auprès de sa tante. Mais il va se heurter à l'opposition de la jeune femme, qui va défendre son neveu telle une louve voulant protéger son petit... >

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C'est arrivé à Naples en 3 points...

English Babu Desi Mem en 3 points...

1. Sophia Loren, impériale

1. La révélation Sonali Bendre

2. Un cadre idyllique

2. La bande-originale de qualité

En effet, l'actrice italienne est absolument magnifique, tenant fièrement tête au monument Clark Gable en impétueuse chanteuse de cabaret. Telle une lionne, elle dégage une aura incroyable dans ce drame romantique qui lui sied à merveille. Elle est le soleil du métrage, jouant habilement avec son accent italien charmant pour agrémenter son personnage.

Le film de Melville Shavelson a été tourné en Italie et tire profit de la beauté des lieux. Entre Rome, Capri et Naples bien sûr, le métrage puise aussi sa justesse dans son image. Car la pellicule datant de 1960 n'a presque pas pris une ride. La direction artistique du film lui vaudra par ailleurs une nomination aux Oscars de l'époque.

3. “Tu Vuò Fà L'Americano”

Sophia Loren pose sa voix sur ce titre incontournable de Renato Carosone, qui vient symboliser le propos de l’œuvre. Le morceau parle effectivement de l'américanisation survenue après la seconde Guerre Mondiale, là où le sud de l'Italie était encore ancré dans un mode de vie rural et traditionnel. Dans le contexte de C'est arrivé à Naples, la chanson vient dénoncer l'intention de Michael de transformer le petit Nando en parfait américain en éradiquant toute trace de son identité italienne. Et la belle Lucia fait donc bien plus que chanter, elle revendique ! 124

L'actrice est l'une des plus belles stars du cinéma hindi des années 1990. Mais elle n'a que rarement bénéficié de rôles suffisamment consistants pour faire ses preuves en tant qu'interprète. Avec English Babu Desi Mem, elle incarne Bijuriya avec vigueur et sincérité. La comédienne est formidable en tante aimante prête à tous les sacrifices pour maintenir son neveu heureux.

Les titres de l'album sont l'une des réussites de English Babu Desi Mem. Parmi eux, il y a l'incontournable « O Bijuriya Sun », dans lequel Sonali Bendre se déhanche dans un bar malfamé afin de subvenir aux besoins de Nandu. L'actrice est ensuite plus sensuelle que jamais dans la séquence musicale « Love Me Honey Honey », durant laquelle elle tente de séduire le rustre Vikram. La lancinante « Kaise Mukhde Se » est magistralement interprétée par l'inénarrable Asha Bhosle.

3. Shahrukh Khan décevant

Là où le Baadshah a toujours eu pour habitude de déverser son charme partout où il passe, même dans ses pires navets, force est de constater que son jeu est ici particulièrement irritant. La faute également à l'écriture trop binaire et de fait peu congruente de son personnage, qui passe trop allègrement de la haine à l'amour pour tenir le spectateur. Shahrukh Khan est gâché par le cinéaste mais ne semble pas non plus habité par son rôle.


En conclusion Si C'est arrivé à Naples est un joli métrage américain des sixties, English Babu Desi Mem n'en demeure pas moins une agréable surprise. L’œuvre d'origine trouve sa force dans la prestation de son actrice principale au même titre que son remake, porté par la grâce de Sonali Bendre. Mais la version indienne a également un atout de taille : le jeune Sunny Nijar, véritable héros du film à l'expressivité communicative !

IMAGES DU FILM "ENGLISH BABU DESI MEM" AVEC SONALI BENDRE ET SHAHRUKH KHAN.

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NEWS & CINÉMA

... UN PA R F U M DU SUD


N N EWS

Les Immanquables des News Dravidiennes MOTS PAR ASMAE BENMANSO UR

SAI PA L L AV I DANS L E F IL M M CA - M ID D L E CL AS S A B BAY I

1.

Ram Pothineni produit par Dil Raju. En effet, celui que ses fans surnomment 'Energetic Star' sera prochainement dirigé par Trinadha Rao Nakkina, auquel on doit le métrage à succès Nenu Local. Le célèbre producteur télougou Dil Raju financera le métrage. Le tournage devrait commencer en février prochain.

2. 128

Sudeep à Hollywood ? La star de cinéma kannada sera effectivement à l'affiche de Risen, production américaine dirigée par Eddie Arya. L'acteur y campera un officier de police pour ce thriller dont le tournage doit démarrer en février 2018.

3.

Sai Pallavi aux cotés de Surya. Alors qu'elle s'était faite attendre après la sortie de Premam en 2015, la belle Sai Pallavi est désormais sur tous les fronts. Fraîchement diplômée en médecine, la jeune femme signe de multiples projets au cinéma. Le dernier en date est le prochain métrage de l'acteur tamoul Surya, dont elle sera la vedette féminine. Le film sera dirigé par Selvaraghavan, qui n'est autre que le frère aîné de l'acteur Dhanush.


A P E R ÇU D U F IL M N A A N U VVE AVEC N A N DA M U R I K A LYA N RA M

4.

Tamannaah face à Udhayanidhi Stalin. La comédienne de 29 ans sera effectivement la partenaire de l'acteur dans le métrage à venir de Seenu Ramasamy, avec lequel elle avait déjà collaboré en 2016 pour Dharma Durai. Il faudra cependant attendre que la belle termine le tournage du remake dravidien de Queen pour enchainer ce nouveau projet.

R I T I K A S IN G H DA N S L E F IL M A A N DAVA N K AT TA L A I

5.

Ritika Singh de nouveau sollicitée ! L'ancienne boxeuse devenue actrice est partout ! Le cinéma dravidien se l'arrache, et ce n'est pas prêt de s'arrêter. Effectivement, la belle sera l'une des héroïnes du prochain film du producteur Kona Venkat, aux côtés d'Aadhi Pinisetty et de Taapsee Pannu. Tourné en télougou, le projet devrait également voir le jour dans une version hindi, bien que l'équipe soit à la recherche d'un autre réalisateur pour le pendant bollywoodien. Gopi Sundar sera par ailleurs aux commandes de la bande-originale. Le tournage a déjà commencé depuis fin décembre.

129


V V I JAY SE T H U PAT H I

VIJAY SETHUPATHI

l'acteur du peuple MOTS PAR AS MAE B ENMANSO UR P HOTOG RAP HIE DU FIL M SO O DH U KAVVUM

Rien ne le prédestinait à une grande carrière d'acteur. Ancien comptable, Vijay Sethupathi n'avait semble-t-il pas les arguments d'un Surya ou d'un Vikram pour devenir une star. Et pourtant... A aujourd'hui 40 ans, ce ''monsieur Tout-le-monde'' est désormais l'un des acteurs tamouls les plus convoités de Kollywood. A chacun de ses passages, il provoque l'hystérie des fans. Vijay Sethupathi est d'ailleurs surnommé ''Makkal Selvan'', traduisible par « l'acteur du peuple ». Il faut dire qu'il est devenu en quelques années un phénomène inattendu, entre cinéma indé et films populaires. Car s'il est aujourd'hui apprécié par le grand public, Vijay est avant tout un acteur de contenu, attaché à la pertinence des films qu'il défend.

130


16 janvier 1978. Naissance de Vijay à Rajapalayam, dans le sud du Tamil Nadu. Son père ingénieur l'encourage dès sa petite enfance à investir ses études. Vijay se construit donc avec une idée bien rangée de ce que doit être sa vie. En grandissant, sa vision est très terre-à-terre, loin des rêves de gloire et de notoriété. « Je voulais seulement payer

mes frais, me marier et construire une maison qui serait la mienne. Une carrière au cinéma m'est arrivée de la plus étrange des manières, à une époque où je me cherchais. » Il a 16 ans lorsqu'il assiste pour la première fois à un tournage. C'est aussi sa première désillusion. « On nous a emmené sur

le tournage du film Nammavar, avec Kamal Haasan. Certains de mes amis avaient été sélectionnés pour jouer les figurants. Mais pas moi, au prétexte que j'étais trop petit. »

Vijay enchaine les petits boulots et tente de soutenir sa famille. Mais son petit salaire en Inde ne l'aide pas vraiment.

amoureux. En fin d'année 2003, il décide de quitter Dubai et de la retrouver pour l'épouser. « Si vous me demandez

pourquoi et comment nous nous sommes mariés, je vais peiner à vous l'expliquer. Je ne suranalyse pas ce genre de choses. »

Peu de temps après son mariage, Vijay commence à envisager une carrière d'acteur. Il a alors 24 ans. Il travaille dans une troupe de théâtre, mais en tant que comptable. Il espère ainsi pouvoir observer les comédiens qui s'y entrainent, pour mieux apprendre. Mais les débuts sont laborieux, d'autant que l'acteur doit aussi composer avec les inquiétudes de son épouse. Dans l'intervalle, il devient papa par deux fois. Son fils Surya et sa fille Shreeja font sa fierté. C'est aussi pour eux qu'il a envie de s'accomplir. La troupe de théâtre lui donne enfin sa chance, et Vijay se produit sur scène dans une cinquantaine de villages. Cette expérience sera un tournant. « J'ai fait tomber

toutes mes barrières et j'ai pris

Il a 22 ans lorsqu'il décide confiance en moi. » donc d'aller vivre à Dubai, où il trouve un emploi de comptable 1er octobre 2004. pour lequel il reçoit une rémunération plus conséquente. Première apparition à l'écran pour l'acteur. Il se fait des amis et trouve des repères dans ce pays qui n'est à l'origine pas le sien. « Je ne pourrai jamais oublier cette

ville. Elle m'a donné des ailes pour atteindre mes rêves. Je suis d'ailleurs toujours en contact avec les amis que je m'y suis fait. » Après le travail, Vijay fait la connaissance d'une jeune fille originaire de Quilon, au Kerala. Cette fille, c'est Jessie. Et elle vit en Inde. Vijay lui parlera via Internet et en tombera

Dans un rôle mineur. Pour le film M. Kumaran S/O Mahalakshmi. Prestation oubliable qui vient pourtant lancer sa carrière. Puisque deux ans plus tard, Vijay est le héros de la série tamoule Penn, pour la chaîne Sun TV. Pour la première fois, un réalisateur lui accorde du crédit. « Les

membres de la chaîne disaient que j'étais inexpressif. Mais le réalisateur a oeuvré pour moi et m'a déclaré que j'avais un regard très expressif et que si je prenais conscience de mon > 131


potentiel, je deviendrais un jour une grande star. » Et il avait raison. PENDANT PLUSIEURS ANNÉES, IL EST FIGURANT POUR PLUSIEURS MÉTRAGES. Parmi eux, il y a Dishyum (2006, avec Jiiva), Pudhupettai (2006, avec Dhanush), Naan Mahaan Alla (2010, avec Karthi) et Bale Pandiya (2010, avec Vishnu Vishal). Peu à peu, Vijay Sethupathi semble pouvoir espérer une véritable carrière. Il signe son premier rôle d'envergure avec le film kannada Akhada, qui ne sortira pourtant jamais. C'est finalement avec le métrage tamoul Thenmerku Paruvakaatru qu'il est officiellement lancé. Il incarne un berger dans ce drame de Seenu Ramasamy qui remportera pas moins de 3 National Awards.

En 2011 L'émission Naalaya Iyakunar consiste à révéler les réalisateurs tamouls de demain. A l'occasion d'une compétition, plusieurs cinéastes amateurs présentent leurs courts-métrages. Parmi eux, il y a Karthik Subbaraj, alors inconnu au bataillon. Ce dernier a choisi Vijay pour ses films courts, une expérience qui permet à l'acteur de se faire davantage remarquer. Surtout, cette collaboration entre Karthik et Vijay ne sera pas la dernière.

2012 sera son année. S'il enchaîne les projets, c'est clairement sa seconde association avec le réalisateur Karthik Subbaraj qui lui permet de conquérir le public. Dans Pizza, il incarne un livreur qui se confronte à une expérience paranormale pendant son service. Métrage à petit budget, ce rôle permet au phénomène 132

Sethupathi de voir le jour. Entre autres distinctions, le comédien reçoit sa première nomination pour le South Filmfare Award du Meilleur Acteur Tamoul. Un an plus tard, c'est la comédie Soodhu Kaavum qui vient confirmer son statut de vedette montante. Le métrage fait un carton, et l'acteur commence à provoquer des scènes de liesse parmi les spectateurs, un traitement habituellement réservé aux grandes figures populaires du style de Joseph Vijay ou Ajith Kumar, par exemple.

En 2014, deux de ses prestations marquent les esprits. Il est d'abord bouleversant dans le drame romantique Rummy, qui l'oppose à la jeune Aishwarya Rajesh. Le contexte très 1980's de ce film de village est charmant, et vient sublimer la belle complicité qui lie Vijay à sa partenaire. Plus tard dans l'année, Pannaiyarum Padminiyum le consacre comme un acteur bankable. Orange Mittai et Naanum Rowdy Dhaan sortent notamment en 2015. Pour le premier métrage, Vijay enfile les casquettes de scripte et de producteur en plus d'acteur pivot. Et si les recettes du film n'étaient pas à la hauteur, Vijay le présente régulièrement comme l'un des rôles les plus chers à son cœur. Qu'à cela ne tienne, Naanum Rowdy Dhaan fait un carton ! Il y campe le fils d'une inspecteur de police à la frontière de la loi qui se lie d'amitié avec Kadhambari (incarnée par Nayanthara), une jeune femme malentendante. Son petit garçon Surya apparaît également dans le film, incarnant son personnage dans sa jeunesse. Le métrage en lui-même est représentatif >


Vijay Sethupathi et Vasundhara Kashyap dans le film Thenmerku Paruvakaatru, 2010.

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Nayanthara et Vijay Sethupathi dans le film Naanum Rowdy Dhaan, 2015.

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de la sensibilité artistique de Vijay, qui vient conjuguer entertainment et sujets de fond. « Je ne différencie pas un film en

le qualifiant d'indépendant ou de commercial, tout simplement parce que je ne comprends pas la différence. Par exemple, Naanum Rowdy Dhaan n'était pas écrit pour moi. Ce projet est venu à moi par chance, après que deux ou trois acteurs l'aient refusé. J'ai accepté le film parce que j'ai immensément apprécié le script. »

Le jeu de l'acteur surprend par son naturel. Dans chacun de ses projets suivants, aussi divers soient-ils, il s'illustre par sa capacité d'adaptation. Véritable caméléon, il a déployé les différentes facettes de son talent en 2016 avec le film d'action Sethupathi, la romance Kadhalum Kadandhu Pogum et le drame Dharma Durai. « Vijay Sethupathi en policier.

Vijay Sethupathi en gangster. Vijay Sethupathi en fraudeur. C'est ce que vous faites dans une scène qui vous définit, pas votre apparence. » Aussi, l'acteur se laisse rarement aller au jeu des prises à répétition. « Si je pense trop à

mon jeu, j'ai peur de finalement avoir l'air artificiel. » EN 2017, LA PRESTATION DU MAKKAL SELVAN QUI INTERPELLE L'AUDIENCE, C'EST CELLE QU'IL NOUS LIVRE DANS VIKRAM VEDHA. En malfrat au grand cœur, le comédien est démentiel face au non moins excellent R. Madhavan. Rapidement, la production devient l'un des films tamouls les plus populaires de l'an.

8 o c t o b r e 2 0 1 7. Vijay Sethupathi est alors en plein tournage de Junga, à Chambord. L'équipe du distributeur Aanna Films négocie sa venue à Paris, à l'occasion d'une séance exclusive de Vikram Vedha. On nous annonce donc que l'équipe Bolly&Co pourrait bien avoir l'opportunité de le rencontrer, voire de nous entretenir brièvement avec lui. Vijay est l'un de mes acteurs tamouls préférés. Au moment de partir pour le cinéma, je frôle la crise d'angoisse ! Et si je baffouillais ? Et si j'oubliais mes questions ? Elodie et Fatima-Zahra avaient beau tout faire pour me rassurer, rien n'y fait : je suis dans un stress total ! A l'entrée, les fans sont déjà là. Nous arrivons en avance et apprenons que Vijay viendra pendant l'entracte. La salle se remplit et à mesure que le lancement de la bobine approche, les questions se multiplient. Vijay est-il déjà arrivé ? Pourrat-on prendre des photos avec lui ? Certains fans connaissent le métrage par cœur. D'autres ont fait plusieurs heures de route dans l'espoir de voir leur bien-aimé Makkal Selvan.

Pendant l'intermission, Vijay arrive. La foule est en délire. Probablement un peu trop. Certains sautent littéralement sur l'acteur, à tel point que le modeste service de sécurité n'est pas suffisant. Elodie, Fatima-Zahra et moi-même devons également jouer les gendarmes, en sommant quelques fauteurs de trouble de bien vouloir se calmer.

Il faut aussi comprendre que c'est la première fois que Vijay Sethupathi vient à la rencontre de son public français. > 135


Sa visite est donc un véritable événement. Tous veulent pouvoir serrer la main de l'acteur ou partager un selfie avec lui. Avec la gentillesse et la simplicité qui le caractérisent, Vijay prend le temps de parler à son public, surpris par la ferveur qu'il suscite en plein Paris, loin de son Tamil Nadu natal. Puis il s'en ira. Pour ne pas revenir. Ce soir-là, l'interview que nous espérions ne se fera donc pas. L'acteur s'est certainement senti dépassé par tant d'amour. Et on comprend pourquoi ! Quand il lui est demandé comment il se situe par rapport aux autres acteurs de Kollywood, Vijay répond : « Je ne compare

pas. C'est dangereux de le faire. Je m'imagine tel un oiseau libre, errant à ma guise et savourant mon propre chemin. » Aussi, Vijay a conscience que la création d'une œuvre cinématographique implique un travail collégial, sans jamais se centrer uniquement sur son boulot d'acteur. « Je

ne m'accorderai jamais le mérite du succès d'un de mes films. Je suis le visage du métrage mais il y a de nombreux héros méconnus en coulisses. Du réalisateur, caméraman et monteur aux ingénieurs son et lumière, tout le monde sait à quel point il est difficile de satisfaire le public. »

Où se verrait-il dans 10 ou 15 ans ? Sa réponse est révélatrice de son humilité, mais aussi de son désir de savourer chaque instant comme si c'était le dernier. « Ô

pitié, c'est tellement loin, je n'en ai aucune idée ! »

Car Vijay ne s'attendait pas luimême à un tel parcours. Il a pris toute une industrie de court en devenant l'une de ses stars les plus prospères. Et s'il semble douter de sa capacité à perdurer, nous avons de notre côté la conviction que Vijay Sethupathi restera dans les mémoires. Parce qu'il a amené le cinéma tamoul populaire vers de vrais sujets, en parlant aux gens d'en bas. Il est l'acteur du peuple parce qu'il cherche à s'en rapprocher. Parce que le public est parvenu à s'identifier aux personnages qu'il incarne.

SA PROPRE HISTOIRE SUSCITE LE RESPECT ET L'INSPIRATION. IL EST CE JEUNE HOMME PARTI DE RIEN, QUI A LONGTEMPS LUTTÉ POUR ENFIN DEVENIR LA PERSONNALITÉ INCONTOURNABLE QU'IL EST AUJOURD'HUI. Humble, accessible et terriblement talentueux, il est donc inimaginable que l'industrie de Kollywood se passe de lui à l'avenir !

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C

CRITIQUE

Vikram Vedha MOTS PAR AS MAE BENMANSO UR

Quand Vikram Vedha a été annoncé au programme du cinquième Festival du Film d’Asie du Sud, je savais par avance que j’en rédigerai la critique pour le douzième numéro de Bolly&Co. Sauf que ce que j’ignorais alors, c’est que je verrais Vijay Sethupathi en chair et en os et que je m’improviserais même garde du corps pour lui. Car une séance exceptionnelle en présence de l’acteur avait été organisée sur le pouce au cinéma Publicis, sur les Champs Élysées.

Je n’avais jamais assisté à une ambiance pareille, la liesse des fans étant clairement communicative. Mais du coup, entre scènes d’euphorie et quelques bousculades pour approcher la star, ma concentration au moment de la projection a été quelque peu altérée. J’ai donc dû revoir Vikram Vedha au calme, emmitouflée dans mon plaid avec ma tasse de thé. J’ai bien fait, car ce second visionnage m’a permis de faire attention aux subtilités de l’oeuvre à côté desquelles j’étais passées la première fois. Autant vous le dire de suite : Vikram Vedha est à ne pas manquer ! > 137


Vikram (R. Madhavan) est flic. Il cherche à coincer le truand Vedha (Vijay Sethupathi), quitte à maquiller quelque peu la réalité pour en faire le coupable idéal. Sauf qu’en se confrontant à son suspect, Vikram va comprendre que la vérité est beaucoup moins binaire qu’il ne le conçoit...

AVANT TOUTE CHOSE, IL FAUT SAVOIR QUE JE SUIS FAN DE R. MADHAVAN DEPUIS DES ANNÉES. Je l’ai vu pour la première fois dans Rang De Basanti, où sa petite apparition m’avait déjà fortement marquée. J’ai ensuite eu l’opportunité d’en voir davantage sur lui à travers ses prestations dans Guru et 3 Idiots. C’est alors que je suis allée faire un tour du côté de ses œuvres en tamoul, pour finalement prendre conscience de l’étendue de son potentiel. Durant le FFAST, mon admiration pour lui n’a fait que s’accentuer en voyant Irudhi Suttru, un métrage de sport impeccable qui lui offre un de ses plus beaux rôles. Chaque film de Maddy est un bonheur en perspective.

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Hystérie ! Je sais qu’ensemble, ils seront en mesure de me faire gober la pire daube. J’ai foi en eux et en leur talent. Et ce dont je ne me doute pas à ce moment-là, c’est qu’en plus d’être brillants, ils servent un film ficelé avec justesse et incroyablement opérant.

A côté de cela, j’ai développé un intérêt inaccoutumé pour Vijay Sethupathi.

IL FAUT LE DIRE, VIKRAM VEDHA EST UN MASALA. UN VRAI DE VRAI. AU SENS PROPRE DU TERME.

Je n’avais vu que 4 films de sa filmographie mais je savais déjà que j’étais sur le point d’en devenir fan. Polyvalent, imprévisible et engagé, Vijay Sethupathi représente à mes yeux ce que le cinéma tamoul contemporain fait de mieux : des films sensibles qui n’oublient jamais de nous distraire, entre jolies chansons et enjeux dramatiques forts. Je vous laisse donc imaginer ma réaction lorsque je découvre la bande-annonce de Vikram Vedha, qui doit réunir Vijay à Maddy...

Pourtant, je ne le considérais pas en tant que tel au sortir du visionnage. C’est la phrase de notre chère Fatima-Zahra qui m’a permis d’en prendre conscience. « Pour un masala, c’est bien, franchement ! » Car en effet, il s’agit d’un grand divertissement populaire. Et ça s’est ressenti dans la salle de cinéma pleine à craquer dans laquelle nous étions, Elodie, Fatima-Zahra et moi. La foule était en délire, prononçant de nombreuses répliques à l’unisson et dansant à chaque séquence musicale.


Mais la qualité du métrage, aussi bien sur le plan technique qu’au regard de son écriture, m’a presque fait oublier qu’il se destinait au grand public. Il y a quelque chose qui sous-tend ce métrage et qui l’emporte, une intensité qui fait réellement vivre cette histoire. Effectivement, le duo de cinéastes Pushkar et Gayatri s’amuse avec notre esprit en saupoudrant sa pellicule d’indices plus ou moins limpides pour résoudre son enquête, car aucune scène, aucun échange n’est anodin. Tout a un sens et c’est la force de leur travail de réalisation. Leur caméra tourbillonne et exalte les destins de ces deux héros que tout semble opposer, pour finalement mettre astucieusement en exergue les principes qui les unissent.

Inspiré des Contes du Vampire, appartenant au folklore indien du XIème siècle, Vikram Vedha est une transposition moderne saisissante de cette histoire ancestrale. Il nous fait plonger dans cet univers captivant où flics et voyous se confondent. Vikram Vedha est un opuscule étonnant sur la sempiternelle lutte entre le bien et le mal. Mais contrairement à un masala du même genre (Vettai, sorti en 2012 et déjà avec R. Madhavan), la démarcation entre le bon et le truand est bien plus trouble, à tel point que les rôles s’inversent à de multiples reprises. Vikram Vedha s’applique davantage à nous montrer qu’il réside un héros comme un antagoniste en chacun de nous, et montre plutôt la lutte interne que mène tout un chacun pour prendre les

bonnes décisions. Ainsi, le gangster Vedha n’est jamais diabolisé tout comme le flic Vikram n’est pas idéalisé. Un inspecteur et son équipe maquillent une scène de crime avec la même décontraction que moi mangeant d’une traite les chocolats du calendrier de l’Avent tout en matant un film de Noël... Cette séquence introductive est révélatrice de la lecture que le héros se fait de la justice, légitimant des actes mensongers lorsqu’ils viennent d’officiers de police, tout en ne manquant pas d’accabler ceux qu’il considère sans ménagement comme des brigands.

C’EST DANS SA RENCONTRE AVEC VEDHA QUE VIKRAM VERRA SA VISION REMISE EN CAUSE. La séquence culminante du film est par ailleurs forte en symbolique puisque la scénographie elle-même joue avec l’opposition entre les héros. Au début, la ligne entre justice et criminalité est nettement visible, là où elle s’estompe progressivement, comme pour signifier l’évolution du point de vue de Vikram. Aussi, les chemises de Vikram et Vedha sont d’abord blanche et noire respectivement, pour ensuite tendre vers des tons plus nuancés, à l’image de leurs opinions l’un visà-vis de l’autre. Le soin apporté aux détails est particulièrement appréciable, surtout quand on a affaire au genre du masala.

R. Madhavan est un acteur prodigieux qui peut quasiment tout jouer. Je sais, ce n’est pas un scoop ! Avec Vikram Vedha, il repousse ses limites une fois de plus en policier implacable. > 139


Il avait pourtant déjà donné dans ce registre avec Vettai en 2012, à la différence que son personnage dans Vikram Vedha mûrit sous nos yeux et ne s’enferme pas dans le carcan de l’intégrité qu’il semble porter au départ. Vikram a des défauts, il a tort et est aussi amené à être en situation de faiblesse. Il n’a rien du héros irréprochable auquel nous habituent les masala tamouls. Madhavan est toujours aussi fabuleux, prouvant qu’il est de plus en plus intéressant à chaque métrage.

Vijay Sethupathi est de ces acteurs à alterner œuvres intimistes et gros blockbusters. Oui, je l’aime, vous avez compris. Je fais accessoirement partie des groupies qui ont hurlé en le voyant apparaître à l’écran dans sa séquence d’introduction pour Vikram Vedha... Et alors ? Cela ne vient nullement corrompre mon jugement, si c’est ce qui vous inquiète ! Car Vijay est vraiment un acteur d’exception. Au travers de Vikram Vedha, il trouve le bon équilibre entre ses deux univers de prédilection et a l’occasion de se régaler en termes de jeu. Il est d’ailleurs impossible de ne pas aimer Vedha, à la fois doux et taquin. Parmi le duo, c’est lui qui bénéficie de l’écriture la plus approfondie, là où Vikram représente plutôt la vision naïve et quelque peu réductrice de la distinction entre le bien et le mal.

CEPENDANT, LES DEUX PROTAGONISTES SE COMPLÈTENT MERVEILLEUSEMENT, PORTÉS PAR LES PRESTATIONS RESPECTIVES DE VIJAY SETHUPATHI ET DE R. MADHAVAN. 140

Jamais l’un ne prend l’ascendant sur l’autre et les joutes verbales des deux héros sont un véritable délice pour le spectateur.

Le duo Madhavan-Sethupathi apporte de l’intensité à cet affrontement autour du bien et du mal. Un face-à-face de haut niveau pour deux personnages habilement dessinés. Et le casting féminin n’est pas en reste ! Varalaxmi Sarathkumar incarne avec panache Chandra, la belle-sœur de Vedha. Mais celle qui marque les esprits, c’est Shraddha Srinath.


La photographie de P.S. Vinod accompagne avec pertinence la narration haletante de Vikram Vedha. On sent qu’il a eu l’opportunité de se faire la main sur d’autres films de gangster par le passé, de Striker à Rakta Charitra, en passant par David et Panjaa.

Ici, le résultat est propre tout en étant recherché, beaucoup moins mécanique qu’un masala plus convenu. Sur le plan musical, c’est Sam C.S. qui compose la bande-originale de Vikram Vedha avec brio. Il tire le meilleur de ses chanteurs qui livrent des morceaux entraînants et mélodieux.

Pour son premier projet en langue tamoule, la jeune femme campe Priya, épouse de Vikram et avocate de Vedha, qui vient aussi contribuer à la remise en question de son mari. L’actrice ne joue jamais les faire-valoir et s’illustre dans un rôle consistant et décisif dans l’avancement de l’intrigue. Et si Shraddha a déjà séduit le cinéma kannada avec sa prestation dans le thriller psychologique U Turn, il ne fait aucun doute que Vikram Vedha la rendra désormais indispensable dans toutes les industries dravidiennes.

Parmi les titres phare de l’album, il y a « Yaanji », interprété par Anirudh Ravichander et Shakthisree Gopalan, une ballade qui revient sur la relation entre Vikram et Priya. Comme dans tout bon masala tamoul, on a aussi droit à un dappankuthu, un genre musical que j’affectionne tout particulièrement. Avec « Tasakku Tasakku », je n’ai pas été déçue tant on nous propose ici un dappa qui ne s’emballe pas, qui prend son temps sans jamais manquer de rythme. On est loin des cadences effrénées de chansons comme « Local Boys » de Ethir Neechal ou « Maari Thara Local » de Maari, par exemple. Et c’est tant mieux car il est ainsi d’autant plus facile de se lever de son siège pour danser avec Vedha sur « Tasakku Tasakku ».

Enfin, comment passer à côté du score « Karuppu Vellai », qui couvre chacun des affrontements entre les protagonistes ? > 141


En conclusion VIKRAM VEDHA VIENT DÉCONSTRUIRE L’IMPÉRISSABLE DUALISME DE LA SOCIÉTÉ, NOTAMMENT INCARNÉ PAR LE CINÉMA COMMERCIAL. Et j’ai franchement pris mon pied face à ce thriller d’action extrêmement bien mené et magnifiquement interprété. Les codes du masala sont exploités avec soin, à tel point que je me suis retrouvée à trépigner à chaque apparition des héros, à taper des mains sur chaque séquence musicale et à hurler à chaque réplique qui faisait mouche. Pushkar et Gayatri prouvent ainsi qu’un film peut tout à fait remplir sa fonction divertissante sans pour autant que son écriture ne soit négligée.

Alors que dire de plus, si ce n’est vous encourager à voir Vikram Vedha ? 142


Bci nem a LE CINÉMA INDIEN C O M M E V O U S L'A I M E Z ! Fondé en 2013, Bcinema est un groupe de jeunes passionnés du cinéma indien chargé de la promotion des films indiens sortant en France, en partenariat officiel avec l'ensemble des distributeurs, cinémas et divers prestataires. Actif et accueilli massivement au sein des réseaux sociaux, la vocation principale de ce groupe reste avant tout de partager sa passion pour le cinéma indien.

www.bcinema.fr


C

CRITIQUE

Take Off MOTS PAR AS MAE BENMANSO UR

Parvathy fait partie des actrices les plus en vue du cinéma malayalam contemporain. Si le public hindi a pu la découvrir en 2017 dans la comédie romantique Qarib Qarib Singlle (face à Irrfan Khan), la comédienne démarrait l’année avec un rôle radicalement différent de celui de la solaire Jaya. Car Take Off est un film noir et bouleversant. Et Parvathy y est plus naturelle et sincère que jamais. Point de makeup sophistiqué ou de jolis salwar kameez. Parvathy a les cheveux en bataille et le front dégoulinant de sueur. Et elle est absolument magnifique.

RETOUR SUR L’UN DE MES COUPS DE CŒUR CINÉMATOGRAPHIQUES AU KERALA... 144

Sameera (Parvathy) est divorcée et mère d’un petit garçon, Ibrahim (Eric). Elle travaille beaucoup en tant qu’infirmière dans l’espoir de payer les dettes de ses parents. Sur son lieu de travail, son collègue Shaheed (Kunchacko Boban) lui demande de l’épouser. D’abord réticente à l’idée d’envisager de nouveau une vie conjugale, elle finit par accepter, séduite par la douceur du jeune homme. Ensemble, ils décident de travailler en Iraq, où le salaire des infirmiers est largement supérieur à celui qui leur est versé en Inde. Sameera attend par ailleurs un heureux événement. Mais cette vie nouvelle sera loin d’être de tout repos, et Sameera va se retrouver au cœur d’une situation qui va chambouler toutes ses certitudes... A l’échelle du cinéma indien populaire où le thriller est traité le plus souvent avec


une grandiloquence immature, Take Off vient perturber les choses par sa douceur organique et sa formidable dimension psychanalytique.

La justesse de Take Off est d’autant plus remarquable que le film s’inspire de faits réels. Et si les personnages sont fictifs, les événements et leurs enjeux sont quant à eux fidèles à la réalité. Le cinéaste est parvenu à tirer le meilleur de ces incidents en nous proposant une fiction haletante et magnifiquement portée par son casting.

LA NARRATION DE TAKE OFF EST SCINDÉE EN DEUX TEMPS. En ce sens qu’il possède en son sein deux ambiances pour raconter son histoire. Il m’a ainsi fait penser à un autre métrage de Mollywood : Kali, avec Dulquer Salmaan et Sai Pallavi, qui adoptait un fonctionnement narratif semblable. Car dans sa première partie, Take Off met d’abord l’accent sur le passif de Sameera et des individus qui gravitent autour d’elle. Après l’entracte, le pitch prend une nouvelle tournure et plonge dans le thriller pur et dur. Il s’agit de nous permettre de mieux connaître les protagonistes, d’entrevoir leurs fêlures et les enjeux de leur existence, pour mettre davantage en exergue comment un incident tragique peut venir les remettre en question. On le voit notamment dans la relation compliquée entre Ibrahim et son beau-père Shaheed. Cette différence de ton donne du corps à chacune des parties et a d’autant plus de pertinence aux yeux du spectateur. Le résultat est engageant et impactant, le spectateur s’implique dans le visionnage et est en mesure d’entrer en projection avec les protagonistes, des situations qu’ils vivent

aux sentiments qu’ils éprouvent.

L’écriture du personnage féminin est l’un des atouts de Take Off. Sameera est divorcée. Et alors ? Elle ne court pas après le grand amour, même quand le sympathique Shaheed lui ouvre son cœur. Elle est très investie dans son métier d’infirmière. C’est aussi elle qui paie les factures. Sameera ne faiblit pas pour rien au simple prétexte qu’elle est une femme. Car hélas, le cinéma indien populaire peut avoir cette fâcheuse tendance à une certaine misogynie en proposant des personnages féminins diminués sur la seule base de leur nature de femme... Et les princesses, ça pète des paillettes et ça fait pas caca... Assez !

Terrassante de force et de fragilité dans la peau de Sameera, Parvathy joue avec une majesté incroyable. L’actrice vient confirmer ses excellentes prestations de Poo, Maryan, Bangalore Days, Charlie ou encore Ennu Ninte Moideen. Et oui, rien que ça ! Avec elle, on a probablement affaire à l’une des interprètes les plus talentueuses du pays. Il ne fait donc aucun doute que son travail pour Take Off lui vaudra de nombreuses distinctions. J’ai d’ailleurs trouvé pertinente la manière dont la situation de Sameera est abordée par le cinéaste, et ce antérieurement aux événements exceptionnels qu’elle traverse. Car jamais un jugement n’est porté sur son divorce, sur sa volonté de travailler ou sur le fait d’avoir cédé la garde de son fils à son ex-mari. Là où la société tend à réduire les femmes à leur statut d’épouse et de mère, Sameera vient démontrer qu’il est > 145


possible de s’accomplir autrement. Et si cela relève de l’évidence, le cinéma indien ne le met en lumière que trop rarement au travers de ses héroïnes, souvent réductrices.

à en instaurer l’atmosphère. Pourtant, le réalisateur ne se laisse pas aller aux prises de vue clinquantes ni aux effets spéciaux prétentieux.

Kunchacko Boban fait partie des valeurs sûres du cinéma malayalam des années 2000.

LES IMAGES SONT AU CONTRAIRE TRÈS MINIMALISTES ET TROUVENT LEUR PUISSANCE DANS LEUR AUTHENTICITÉ.

Pourtant, c’est le premier film dans lequel il figure que je voyais. Dans Take Off, il tient un rôle secondaire attendrissant en incarnant le mari aimant et soutenant de Sameera. Loin de se positionner en héros libérateur, il apporte l’amour et l’écoute à son épouse et tente de trouver sa place dans la vie de cette mère de famille divorcée. Surtout, il incarne l’espoir de Sameera durant l’épreuve terrible qu’elle traverse, car c’est dans la perspective de le retrouver que la jeune femme puise sa détermination et sa rage de vaincre. Fahadh Faasil est également étonnant dans la peau de l’ambassadeur de l’Inde en Irak. L’acteur apparaît massivement dans la seconde partie du métrage et affiche un jeu fort et assuré.

TAKE OFF SIGNE LES DÉBUTS DU DIRECTEUR PHOTO MAHESH NARAYANAN À LA RÉALISATION. Il est donc plus que cohérent de constater que l’œuvre marque par la véracité de son image, qui nous cueille par sa sagacité. Comme dans nombre d’œuvres en langue malayalam, la lumière est l’atout majeur du travail visuel de Take Off. Mais à la différence d’un Thattathin Marayathu ou d’un Premam, c’est l’usage des teintes sombres qui donne du cachet au propos que l’image porte. L’esthétisme du métrage est un personnage à part entière de la trame tant il contribue 146

Des plans à couper le souffle par leur crudité émaillent ce drame de facture classique, d’autant plus pertinent qu’il résonne avec notre époque.

Aussi, la direction artistique n’a rien à envier à celle d’un autre film du genre : la machine bollywoodienne Airlift. Pourtant, il va sans dire que leurs budgets respectifs n’ont rien de comparable. C’est donc d’autant plus louable de la part de Take Off de parvenir à égaler son homologue hindi sans disposer des mêmes moyens. La musique composée conjointement par Gopi Sunder et Shaan Rahman est en totale harmonie avec le ton de l’œuvre. Comme si le réalisateur avait su tirer profit de la puissance des trois morceaux proposés par ses directeurs musicaux pour qu’ils viennent servir son sujet.

Les mélodies ne plombent pas le récit et s’accordent aux émotions et tourments des protagonistes. Le titre « Mohabathin » est une sublime parenthèse qui vient accompagner l’idylle naissante entre Sameera et Shaheed.


En conclusion

merveilleusement en lumière la vulnérabilité intense de son héroïne.

TAKE OFF OSCILLE INTELLIGEMMENT ENTRE THRILLER D’ACTION ET DRAME SENSIBLE.

Mahesh Narayanan n’aurait pas pu faire de meilleur choix en sélectionnant Parvathy, parfaite dans un rôle risqué.

Car il ne privilégie jamais les rebondissements au détriment des émotions. Il sait a contrario allier ces deux composantes essentielles pour nous livrer un métrage fin et équilibré, mettant

Je me répète, mais cette femme est déjà une grande. Et le cinéma indien n’a pas intérêt à passer à côté d’elle. Moi, je continuerai à la suivre avec ferveur. 147


C

CRITIQUE

Baahubali M OTS PA R AS M A E BENMANSOUR

On ne présente plus le phénomène Baahubali. J’en parlais déjà dans ma critique de Magadheera, qui figurait dans notre onzième parution de Bolly&Co, sortie en septembre 2017. En ce qui me concerne, j’ai longtemps ignoré le phénomène. Non, je ne suis pas une snobinarde. Mais lorsqu’un film est grandement encensé, j’ai toujours peur d’être déçue face au produit fini. D’autant plus quand d’une seule voix, tous les fans s’accordent à présenter le métrage comme l’œuvre du siècle... Calmons-nous !

J’AI DONC PSYCHOLOGIQUEMENT BESOIN DE PRENDRE DE LA DISTANCE AVEC L’EFFET BOULE DE NEIGE QUI SUIT UN GRAND SUCCÈS POPULAIRE, BESOIN D’OUBLIER PRESQUE L’ENGOUEMENT QUI L’ENTOURAIT POUR NE M’ATTACHER QU’AU FILM EN LUI-MÊME, SANS NOURRIR DE TROP GRANDES ESPÉRANCES QUI POURRAIENT NUIRE À L’EXPÉRIENCE QUE J’EN FERAI. 148

« Baahubali, c’est trop une tuerie ! Genre, je kiffe trop les films télougous, même si c’est le seul que j’ai vu... Ah mais t’as pas vu Baahubali ? Et genre, toi t’es fan de films du sud ? » Du brin, je regarde des films télougous depuis 2010 ! J’ai épluché les carrières de Prabhas, Rana Daggubati, Ramya Krishnan encore Nassar et j’ai pas attendu qu’une groupie en carton débarque en ayant regardé UN film télougou pour me donner l’impression que je ne connais rien ! Oui, ma cocotte, j’ai connaissance du projet Baahubali depuis 2011. J’ai délibérément évité le métrage à sa sortie pour éviter d’être influencée par les réactions complètement exagérées d’admiratrices de la dernière heure qui ont davantage apprécié la plastique de Prabhas que son jeu d’acteur. Voilà ! Ça fait du bien ! Je peux revenir à ma critique. Calmement.


Donc je me retrouve face à Baahubali après en avoir entendu tout le bien du monde. Heureusement pour moi, la fièvre qui entourait le métrage s’est quelque peu tassée, me permettant de savourer l’œuvre telle qu’elle est, sans que mes expectatives soient démesurées. Je pense ainsi pouvoir restituer mon regard sur ce film sans attacher de réelle importance aux conséquences de sa sortie sur le boxoffice. Je ne ferai pas partie des groupies qui baveront devant Prabhas, parce que j’ai déjà vu plusieurs films de sa filmographie et que je n’ai pas fait de découverte avec Baahubali. Je connais le casting et le réalisateur. Bon, pas personnellement, mais je suis coutumière de leurs travaux respectifs. Donc Baahubali sera jugé en tant qu’œuvre unique, indépendamment de la Prabhas mania déclenchée par le film.

« - Prabhas, c’est trop mon acteur préféré, t’as vu... - Oui, et t’as vu quels films avec lui ? - Bah Baahubali, voyons ! - Et ? - Ah, il a fait d’autres films ? Mais je savais pas ! Non parce que moi, je l’aime à mort parce que je le trouve trop beau ! » Vous avez de l’arsenic ?! Je vais avaler ça... Le film démarre. La reine mère Sivagami (Ramya Krishnan) tente de sauver son petit-fils du redoutable Bhallaladeva (Rana Daggubati). Emportée par les flots, elle parvient à sauvegarder la vie de l’enfant, qui sera recueilli. Bien des années plus tard, Shivudu (Prabhas) a une force herculéenne.

Il vit avec sa mère adoptive Sanga (Rohini) au pied d’une montagne qu’il espère un jour franchir pour en découvrir les mystères. Envoûté par l’image de la belle Avanthika (Tamannaah), il parvient enfin à grimper le gigantesque rocher pour embrasser la mission de sa bien-aimée : renverser le régime de Bhallaladeva et libérer la princesse Devasena (Anushka Shetty), retenue captive par l’impitoyable roi...

SORTI EN 2015, BAAHUBALI DEVIENT ALORS LE FILM INDIEN LE PLUS ONÉREUX DE L’HISTOIRE AVEC UN BUDGET AVOISINANT LES 17 MILLIONS D’EUROS. On est donc loin des sommes pharamineuses des grosses productions américaines. Il est donc tout à fait logique que les effets visuels de Baahubali ne soient pas comparables à ceux des productions Marvel, par exemple. Néanmoins, les VFX constituent une agréable surprise tant ils contribuent à établir l’univers du métrage. Les prises de vue et les cascades amènent la magie qui fait de Baahubali une expérience atypique tout à fait séduisante. C’est d’autant plus remarquable que Rajamouli a fait appel à une équipe uniquement indienne pour ses effets spéciaux, principalement basée à Hyderabad. L’esthétisme du film sert son propos sans jamais l’engloutir. Surtout, le travail visuel de Baahubali n’est pas le seul qui soit abouti. S.S. Rajamouli a effectivement mis autant d’attention et de cœur dans son écriture et dans l’étayage de ses personnages. S’il y a bien un lead, incarné par Prabhas, le film tient sur ses deux jambes grâce à l’entièreté de ses protagonistes, sans lesquels le héros Baahubali n’a pas de > 149


raison d’être. Petit conseil absolument essentiel pour apprécier les multiples dimensions de Baahubali : voir le film dans sa langue d’origine. Car vous n’êtes probablement pas sans savoir que le plébiscite populaire du métrage a été tel que des versions doublées en hindi ou encore en malayalam ont été distribuées. Et certains fans font l’erreur de choisir ces versions, qui dénaturent le jeu des acteurs et font perdre l’impact des répliques, travesties par une traduction plutôt hasardeuse.

calme pour moi. J’ai d’ailleurs cru que je décrocherai progressivement de l’œuvre jusqu’à sa conclusion... Et là, je me suis prise une claque !

CAR DÈS LORS QUE LE PERSONNAGE DE SHIVUDU DÉCOUVRE SON HISTOIRE, BAAHUBALI PREND UN TOURNANT ET NOUS EMBARQUE. Personnellement, j’ai adoré Baahubali plus

Pour ma part, j’ai vu Baahubali d’une heure après son démarrage, pour ne plus m’en détacher. en télougou, qui constitue l’idiome d’origine du métrage. « Wouah, il se passe quoi ?! Je l’avais pas vu venir, c’est ouf, Le projet a été simultanément tourné en tamoul, il a d’ailleurs été distribué en France j’adoooooore ! » dans cette langue ainsi que dans sa version doublée en hindi. Mes chers amis, fuyez le doublage ! Les voix de Prabhas, Sathyaraj ou encore Rana Daggubati donnent vie aux personnages qu’ils incarnent, alors ne passez pas à côté !

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Très honnêtement, je me suis ennuyée pendant la première heure du film.

Oui, car le contraste entre la première partie de l’œuvre et la seconde est vraiment démesuré, l’un manque de souffle quand l’autre est une tempête de couleurs, de relief et de rebondissements. Il est donc nécessaire de ne pas se décourager face au début de Baahubali, qui prend trop de temps à s’installer. Car une fois lancée, l’intrigue ne nous lâche plus tant elle est formidablement rodée.

Mais vraiment. Tout au long de cette heure, je me suis demandée ce que tous ces gens avaient bien pu voir de si fantastique dans ce métrage. Alors oui, tout est très joli à regarder, la musique est fort sympathique... Certes. Mais l’enclenchement de la trame fonctionne au ralenti, et c’est d’un ennui mortel ! J’aurais trouvé moins rasoir de regarder les cheveux d’Eric Judor pousser ! J’entends bien qu’il faille planter le décor et instaurer l’atmosphère singulière de Baahubali, créer des repères auxquels le spectateur pourra se référer par la suite... Mais hélas, le lancement du film est trop

La distribution est absolument incroyable et ne déçoit pas. Rana Daggubati est un antagoniste fin et charismatique, qui évite tous les clichés du méchant pas beau et pas subtil. Au contraire, il dégage une présence unique qui le rend totalement envoûtant dans le rôle de Bhallaladeva. La psychologie de ce personnage est sans doute la plus étoffée, l’aspirant roi avançant ses pions avec stratégie et intelligence sans jamais éveiller les soupçons. Aussi, le jeune homme est grandement influencé par son père, conditionné dès l’enfance à devenir roi


par ce dernier. Car c’est en quelque sorte Bijaladeva qui souhaite accéder au trône au travers de son fils. Bhallaladeva est le produit du ressentiment de son père. Il est né pour accomplir son vœu et devenir le roi que Bijjaladeva n’a jamais pu être. Par ailleurs, Nassar est impeccable dans ce rôle d’homme diminué qui compense son handicap physique par une colère infinie.

Car contrairement à son fils, Bijjaladeva vocifère, s’agite et crapahute là où sa progéniture s’applique à agir en silence. Prabhas est impeccable dans les rôles de Shivudu et Baahubali. Cependant, il porte encore le costume du héros omnipotent au cœur pur, auquel il était déjà habitué dans les masala qui ont fait sa gloire.

Et clairement, si l’acteur s’impose sans difficulté au sein du casting démentiel de cette grosse production, ce n’est pas lui qui se distingue. La prouesse de Prabhas est avant tout d’être parvenu à ne pas s’effacer aux côtés des monuments que sont Ramya Krishnan, Nassar et Sathyaraj. Jamais il ne se fait dépasser et vient au contraire incarner le guerrier grandiose Baahubali avec vigueur.

Justement, la grande dame du cinéma dravidien Ramya Krishnan est magnétique en reine mère vibrante et habitée par les enjeux de son titre. Elle est le personnage féminin mémorable de ce premier volet, le seul qui ait > 151


bénéficié d’une écriture vraiment appuyée, là où celui de Devasena (incarnée par Anushka Shetty) n’est qu’esquissé pour annoncer la seconde partie du diptyque.

J’ai en revanche été déçue par le personnage d’Avanthika, dont j’attendais qu’il soit davantage impliqué dans le déroulement des événements. Car au départ, on a affaire à une vraie ‘badass’ ! Et Tamannaah étant l’une de mes actrices favorites, j’étais donc ravie de la retrouver dans un tel registre et surtout dans la peau d’une héroïne forte et valeureuse. Hélas, elle n’échappe pas à la tendance « pot de fleurs » et devient vite l’insipide donzelle qui vient servir l’intention (ainsi que la vie affective) du protagoniste masculin. Avanthika est pourtant présentée comme une guerrière pleine de verve et d’engagement, prête à tout pour mener à bien sa mission. Mais il suffit que Shivudu lui fasse brièvement la cour pour qu’elle se détourne de son objectif initial.

AUSSI, J’AI ÉTÉ QUELQUE PEU CHIFFONNÉE PAR LA SCÈNE DURANT LAQUELLE SHIVUDU « RELOOKE » AVANTHIKA, FAISANT AINSI EN SORTE QU’ELLE CORRESPONDE AUX CODES DE BEAUTÉ ATTENDUS AU CINÉMA : TEINT CLAIR, CORPS DÉCOUVERT ET MAQUILLAGE SUGGESTIF... AFFLIGEANT ! Ce qui me dérange profondément, c’est qu’Avanthika ne se sent belle que lorsqu’elle cède à ces règles. Le message est douteux, d’autant plus qu’il est ici 152

« Ok, t’avais des convictions et des envies. Sauf que moi, en tant que mâle, je vais te montrer quel est ton vrai rôle. Sois belle et tais-toi. C’est moi, le mec. C’est moi qui gère. » imposé par l’homme.

Youpi. Je vous laisse imaginer mon aberration face à ces images. Tamannaah a reçu une nomination aux South Filmfare Awards pour le trophée de la Meilleure Actrice. Pourquoi ? Je me le demande encore. Car Avanthika apparaît en tout et pour tout 30 minutes sur l’intégralité de la bobine. Elle est l’élément déclencheur des événements et incarne la muse de Shivudu, mais elle reste hélas trop en retrait d’une lutte qui était au départ la sienne.


Au final, le personnage qui suscite le plus de curiosité est celui de Kattappa. Esclave dévoué à la famille royale de Mahishmati, il touche par sa tendresse, sa bienveillance et son humilité. Kattappa est en quelque sorte un héros qui s’ignore, et c’est ce qui le rend si attachant. Sathyaraj est la très bonne surprise de Baahubali, et pas uniquement à cause de l’épilogue au centre duquel son personnage réside.

LA BANDE-SON EST COMPOSÉE PAR M.M. KEERAVANI. INDISSOCIABLE DE LA RÉALISATION DE RAJAMOULI, LA MUSIQUE EST SUBLIMÉE PAR LES IMAGES QUI L’ACCOMPAGNENT. En ce sens, le morceau « Dheevara » m’a réellement saisie aussi bien grâce au travail de direction musicale qu’aux tableaux absolument magnifiques qui en font le sel. Tamannaah est absolument angélique dans cette séquence musicale, qui sonne comme un rêve. J’ai également adoré l’incontournable item number « Manohari », avec trois danseuses de charme pour séduire Prabhas : Scarlett Mellish Wilson, Nora Fatehi et Sneha Upadhay. La voix de Mohana Bhogaraju sublime ce titre exotique et enivrant.

En conclusion Baahubali est une fresque fantastique audacieuse mais inégale. Le culte du héros divin y est porté à son paroxysme, bellâtre lumineux et sans défaut. La relative misogynie de certaines séquences m’a froissée, mais n’a pas occulté les atouts de ce métrage ambitieux. Baahubali est surtout annonciateur d’une suite époustouflante et s’appuie sur un cliffhanger de folie. Et rien que pour ça, c’est une œuvre à voir. 153


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TRIPLE CRITIQUE

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Baahubali 2 M OT S PA R AS M A E BE NMANS OUR

Baahubali par ci, Baahubali par là... Plus on me parle d'un film, moins j'ai envie de le voir. Et si l'équipe Bolly&Co n'avait pas décidé de traiter du métrage dans cette nouvelle édition du magazine, j'aurais probablement évité Baahubali 2 encore longtemps. Mais voilà, j'ai vu les deux métrages sur deux jours. Après le premier volet que j'avais beaucoup apprécié (et dont la critique est disponible dans ce numéro), je n'avais pas envie d'attendre pour découvrir la suite des aventures de Baahubali, Bhallaladeva et Kattappa.

ALORS, LE RÉSULTAT EST-IL À LA HAUTEUR ? 154


Tout d'abord, je n'évoquerai pas la trame de Baahubali 2, au risque de spoiler l'épilogue du premier métrage, au cas où vous ne l'auriez pas encore vu. Autant maintenir

le suspense.

DISONS-LE DE SUITE : BAAHUBALI 2 EST EMPLI DE SCÈNES WTF QUI VOUS FERONT BONDIR DE VOTRE SIÈGE.

et les décors sont encore plus fastueux que dans la première partie. La principale impression qui se dégage de cette réalisation aussi improbable qu'efficace est celle d'une énergie imaginative exubérante et débridée au service de ce delirium fantastique animé et vibrant. Face à cet heroic fantasy explosif et bariolé, impossible de rester de marbre.

C'est à se demander ce que consomme Monsieur Rajamouli. Car clairement, il plane à 15 000 ! Aussi, les effets spéciaux possèdent encore des faiblesses, mais c'est aussi la faute à un budget ridicule à côté de ce que connaissent les américains.

Soit on plonge la tête la première dans l'univers improbable imaginé par Rajamouli, soit on s'esclaffe face à l'inventivité insolente du cinéaste.

Et pourtant, Baahubali 2 parvient tout de même à estomper les aspérités majeures du premier volet en nous faisant directement entrer dans le vif du sujet. Dès le générique introductif, il est rappelé au spectateur les éléments majeurs du métrage antérieur, avec l'incroyable cliffhanger conclusif, le tout sur le titre tonitruant « Oka Praanam ».

En ce qui me concerne, je fais clairement partie de la première catégorie. Baahubali 2 est encore plus fracassant que le film qui le précède, plus vif et étoffé également. Mais le plus remarquable, c'est la précision avec laquelle Rajamouli a constitué son univers, ne lésinant sur aucun détail pour nous le rendre aussi compréhensible que prenant.

Le ton est donc donné : Baahubali 2 sera encore plus incisif et spectaculaire que son prédécesseur ! Baahubali 2 adapte librement le Mahabharata et constitue une réussite à la hauteur de l'immense ambition de S.S. Rajamouli. Les plans sont d'une richesse et d'une inventivité folle, et pourtant à mille lieux des blockbusters hollywoodiens formatés. Rajamouli va au bout de son rêve avec cette odyssée fantastique ébouriffante aux séquences de combat absolument dantesques. Les paysages sont aussi captivants que totalement surnaturels

JAMAIS UNE ŒUVRE CINÉMATOGRAPHIQUE INDIENNE NE M'AVAIT FAIT CET EFFET, EN M'EMBARQUANT DANS UN MACROCOSME AUSSI ÉLOIGNÉ DE LA RÉALITÉ. De coutume, je suis très pragmatique et très attachée à la vraisemblance. Je suis plutôt du genre à exprimer un rire relativement moqueur face à une réplique cheesy ou à une scène de bagarre excessive. Mais là, j'étais à fond ! Rajamouli aurait pu me faire avaler n'importe quoi tant sa direction artistique est vendeuse. Il est très bon commerçant dans le sens où il sait amener > 155


au spectateur les ingrédients qui lui feront apprécier son produit. C'est imposant, généreux et rythmé. Je n'ai pas pu résister, et il y a des chances que ce soit également votre cas lorsque vous serez face à Baahubali 2.

La distribution est une fois de plus impériale. Prabhas s'illustre dans un double-rôle convaincant, entre le fidèle Amarendra et son fils Mahendra/Shivudu, prêt à tout pour le venger. Mais comme dans la première partie, ce n'est pas vraiment lui qui m'a marqué. En effet, Kattappa m'a une fois de plus clouée à mon siège. D'ailleurs, il était déjà mon personnage favori du premier Baahubali. J'ai trouvé sa personnalité bouleversante, entre profonde fidélité, sentiment d'infériorité et besoin de reconnaissance. Kattappa est le

plus humain des personnages de Baahubali. Il en est également le plus

accessible. Difficile à la fois de ne pas s'identifier à lui et encore moins de ne pas s'y attacher ! Pour ma part, je persiste et signe lorsque j'encense le travail de Sathyaraj, prodigieux dans la peau de ce papy de 80 ans qui n'a pourtant rien à envier aux jeunes Prabhas et Rana Daggubati.

DANS CE SECOND VOLET, LE PERSONNAGE DE BHALLALADEVA GAGNE ENCORE PLUS EN PROFONDEUR, LÀ OÙ IL CONSTITUAIT DÉJÀ LE RÔLE LE MIEUX ÉCRIT DE LA PREMIÈRE PARTIE. Dans le commencement, il n'est que l'instrument de son père pour accéder au 156

pouvoir. Mais dans la conclusion, Bhallaladeva devient le seul maître à bord et manipule à souhait ceux qui l'entourent pour parvenir à ses fins. On le découvre plus machiavélique et calculateur que jamais. Rana Daggubati donne une dimension jouissive à ce personnage négatif. Car tout au long du diptyque, Bhallaladeva se contient. Il est dans le contrôle de chacun de ses mots et de ses gestes. D'où le plaisir incroyable que l'on éprouve en le voyant exploser durant les séquences de confrontation décisives avec le héros. Aussi, Rana est tellement charismatique qu'il vient exacerber le côté séducteur de Bhallaladeva, absolument indéniable. Et oui, accessoirement, il est beau à tomber ! #Asmaequibave

Bhallaladeva est le résultat du conflit entre ses parents. Surinvesti par son père et délaissé par sa mère qui le place au même rang que son cousin orphelin Amarendra, il nourrit avec le temps une rancœur de plus en plus profonde à son égard au travers d'Amarendra. Il profite ensuite d'elle en jouant sur leur filiation et en se présentant à elle comme le fils légitime et uniquement fiable.

Les personnages féminins ont ici une vraie place à tenir et recouvrent de véritables enjeux dramatiques. Anushka Shetty confirme son talent en princesse qui en impose et qui s'impose. Devasena n'est pas une frêle princesse baissant le regard en signe d'approbation. Elle tient tête aux hommes et n'hésite pas à manifester son désaccord face à l'imposante reine mère Sivagami. >



L'EXQUISE ANUSHKA SHETTY FAIT VIVRE LA SUBLIME DEVASENA AVEC UNE ÉLÉGANCE FOLLE.

à l'écran Anushka Shetty. Mais la chanson que j'ai préféré reste « Dandaalayyaa », grâce à laquelle j'ai découvert le superbe timbre de Kaala Bhairava.

Si elle est une habituée du registre épique avec des films tels que Nagavalli et Rudhramadevi, l'actrice de 36 ans sait se démarquer au cœur d'une distribution puissante qui aurait pu la mettre en difficulté. Mais bien entendu, il n'en est rien.

En conclusion

De son côté, l'extraordinaire Ramya Krishnan est encore plus investie par le cinéaste dans cette préquelle fascinante et onirique. L'actrice vole la vedette à ses partenaires, qu'elle affronte avec un aplomb désarmant. Tantôt souveraine rugissante, tantôt mère blessée, l'actrice pousse son personnage dans ses retranchements et nous permet d'entrevoir de nouvelles facettes de Sivagami. Seul regret, et il est de taille : le personnage d'Avanthika, qui tombe carrément aux oubliettes dans cette seconde partie. On voit la ravissante Tamannaah à peine quelques minutes, nettement oubliables. Si son personnage avait totalement disparu, cela n'aurait fait aucune différence dans l'avancement du film. Bref, un beau gâchis. #frustration L'album du film, composé par M.M. Keeravani est truffé de pépites musicales. En commençant par « Kanna Nidurinchara », ballade aérienne portée par la voix cristalline de T. Sreenidhi. Le morceau « Hamsa Naava » est magnifiquement mis en scène et donne surtout à voir la superbe complicité qui lie Prabhas à sa partenaire 158

Baahubali 2 est une saga flamboyante et virevoltante. La critique, aussi bien indienne qu'internationale, est quasi unanime et malgré quelques voix discordantes, les médias s'accordent à exprimer leur enthousiasme sur le film. On est face à une production grandiloquente et extravagante, entre mélodrame et grand spectacle. Il y a tout de même un arrière-goût du fameux Roi Lion, mais la réalisation de Rajamouli est suffisamment inspirée pour trouver sa propre voie et nous faire oublier un scénario à l'issue attendue. Cette suite vient nous apporter les réponses qu'on attendait tout en élevant la barre sur les plans technique et narratif.

Il est presque dommage que Rajamouli ait bouclé son histoire aussi vite, car j'en redemande ! Pourquoi l'univers de Baahubali n'inspirerait pas des œuvres parallèles, comme c'est le cas en Occident pour Harry Potter, Star Wars ou encore Le Seigneur des Anneaux ? Car le cinéaste tient quelque chose de fort avec ce diptyque.

ALORS, EST-CE VRAIMENT LA FIN POUR BAAHUBALI ? JE NE L'ESPÈRE PAS ET J'EN VEUX ENCORE.


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TRIPLE CRITIQUE

2

Baahubali 2 MOTS PAR E LODIE HAMIDOVIC

J’AI MIS DU TEMPS AVANT DE REGARDER BAAHUBALI : LE COMMENCEMENT. J’étais loin d’être attirée par le métrage malgré les retombées plutôt positives autour de moi. Le plus drôle, c'est qu'il y a parmi les acteurs du film des noms qui me sont familiers malgré ma culture du sud plutôt limitée.

Ce qui me faisait peur, c'étaient les effets spéciaux. Je suis une amoureuse

de la science-fiction. Mon regard capte rapidement le moindre faux-pas en matière d'image de synthèse. Je craignais donc de trop m’attarder sur les défauts et de ne pouvoir apprécier l’histoire en elle-même. Je m’étais trompée.

Malgré des instants sans aucun réalisme, j’ai accroché à ce conte moderne et fantastique. Je n’ai pas attendu aussi longtemps pour me plonger dans la suite surtout après la fin du premier volet.

Là encore, je n’ai pas été déçue. La première partie du film, si ce n’est plus, se concentre sur le passé d’Amarendra Baahubali. Je ne vais pas en dire plus. Maintenant que nous connaissons le contexte et les personnages, l’histoire en devient plus fluide. Rapidement, on entre dans l’action. On s’attache à Amarendra, à son histoire avec la princesse Devasena, on continue à détester Bhallaladeva et à admirer Kattappa. Tous les personnages sont là, prenant davantage vie au fil des > 159


minutes. On en sait un peu plus sur chacun d’eux et on avance sur le présent et la situation actuelle, particulièrement tendue. Nos questions trouvent des réponses et la suite, bien que prévisible, nous enchante complètement.

Je trouve cette conclusion bien meilleure que le commencement pour la simple et bonne raison que tout prend plus de sens et de profondeur. Ce qu’on nous raconte a une importance sur ce qu'il se passe aujourd’hui. J’avais parfois l’impression, dans le premier film, qu’il y avait quelques détails inutiles et pas forcément significatifs alors que là, c’est l’inverse. C’est presque si je n’en demanderais pas plus, plus de scènes sur ce passé si grandiose et plein d’aventures, plus sur ce qu'il va se passer après la fameuse conclusion.

S. S. RAJAMOULI A RÉUSSI À CAPTIVER SON AUDIENCE, À LA TENIR JUSQU'À LA FIN ET IL EST PRESQUE DIFFICILE DE SORTIR DE L'HISTOIRE SANS Y REPENSER. Pour ce genre de film (fantastique, épique, mais avec cet aspect traditionnel inhérent au cinéma indien), c'est quand même un vrai exploit. Dans le sens où jusqu’ici, je n’avais rien vu de véritablement similaire. Un mélange d’épopée historique avec un semblant de 'fantasy' et de magie. Il y a des choses complétement démentes, un peu irréalistes, mais il faut regarder Baahubali comme une narration de conte où parfois les informations sont embellies et exagérées. C’est drôle, car s’il y a bien une chose que je ne supporte pas d'habitude, 160

c’est l’exagération. Dans les comédies, les films d'action, c’est bien une chose qui me rebute. Mais dans ce contexte, et parce que c'est finalement assez bien dosé, tout fonctionne.

Une des choses que j’ai le plus appréciées, outre le fait qu’on nous offre une histoire inédite et pleine de surprises, c’est le casting. Impeccable. Comme je le disais plus tôt, j’avais la chance de connaître la plupart des acteurs et d’avoir vu certains de leurs projets. Parmi eux, Anushka Shetty. C'est avec elle que j'ai commencé à regarder certains films du sud et elle ne m'a jamais déçue jusqu’ici. Je lui trouve une force et une présence uniques. J'admets que ses petites apparitions dans le premier film m'ont laissée sur ma faim. Mais cette fois, quand on la retrouve dans le passé d'Amarendra Baahubali, j'ai été comblée.


Devasena n'est pas une jolie plante. Dès sa première scène, c'est totalement explicite. J'ai adoré ce personnage féminin, mais malgré mon admiration pour l'actrice, mon coup de cœur des deux métrages reste la splendide Ramya Krishnan, qui campe la Reine Mère Sivagami. C'est bien elle qui, en un regard, m'a captivé dès le premier film. La retrouver dans cette suite n'a fait qu'augmenter le respect que n’importe qui éprouverait pour une reine pareille. Je l’ai trouvé fantastique, très expressive !

Je pourrais ainsi vous raconter en quoi chacun des acteurs a su interpréter son personnage avec justesse, du beau Prabhas à l'excellent Rana Daggubati, en passant par le non moins formidable Sathyaraj. Même les rôles secondaires ont une place conséquente. Je n’ai absolument rien à reprocher à ces acteurs.

UNE HISTOIRE PAREILLE DEVAIT ÊTRE SOUTENUE PAR UNE MUSIQUE À SA HAUTEUR. Là encore, c’est un sans faute. L’ambiance est élevée par ses musiques grandioses et fortes. Elles alimentent les scènes et nous transmettent des émotions. Une combinaison parfaite avec les visuels très propres ! J’en ai certes vu, des défauts dans l’image (et ce n’est clairement pas un film à regarder en mauvaise qualité), mais beaucoup moins que dans le premier volet. Et vraiment, on n'y fait pas attention tant le résultat est léger.

Je ne vais pas vous mentir, j’ai juste passé un très bon moment devant le film. J’étais accrochée à mon canapé du début à la fin, ne manquant aucune scène tant elles sont chacune cruciales à la compréhension de cette grande fresque indienne.

SI J'AI UN CONSEIL À VOUS DONNER, C'EST DE REGARDER LE MÉTRAGE DANS SA LANGUE D'ORIGINE ET EN HAUTE DÉFINITION. De vous poser au calme et de vous faire une petite soirée Baahubali pour bien suivre cette histoire du début à la fin. Sachez que pour écrire cette critique, c'est exactement ce que j'ai fait avec la crainte de finalement m'ennuyer.

En conclusion Je crois que c'est là toute la magie du film. Il vous attrape, vous enveloppe, vous fait voyager dans un autre univers et lorsque vous revenez, après quelques jours, vous reviendrez à votre réalité. Certains passages vous restent en tête, mais vous garderez surtout une sensation : celle d'avoir passé un excellent moment. Et dans un an ou deux, vous serez capable de le revoir sans gâcher sa magie, car le film n'aura pas eu d'impact sur votre vie de tous les jours. Il n'a pas pour but de vous bousculer dans votre façon de voir les choses. Ce n’est

pas un thriller psychologique, mais un divertissement pur et dur. Et c'est plaisant.

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TRIPLE CRITIQUE

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Baahubali 2 M OTS PA R FAT I M A ZAHRA E L AHMAR

LES FILMS DE LA FRANCHISE BAAHUBALI FONT PARTIE DE LA LISTE DES JALONS ACCOMPLIS PAR LE CINÉMA INDIEN. Ils sont considérés comme un pas en avant pour les autres industries cinématographiques indiennes. En effet, le diptyque est une première victoire menant à mettre sur le même pied d’égalité les productions régionales et celles de Bollywood. Aussi, certains pensent que Baahubali vient concurrencer les gros succès hollywoodiens. Que cela soit pour les effets spéciaux très coûteux, le casting d’acteurs populaires et variés, ou le mélange entre la mythologie et les effets visuels. Deux ans après la sortie du premier volet, les fans attendaient avec une grande impatience la conclusion de l’histoire sur grand écran, et avec cette impatience venait une "immense responsabilité".

Est-ce que les événements auront une conclusion digne de ce nom ? Est-ce que cet interminable teasing cache d’énormes surprises ? 162

A vouloir survendre une oeuvre de la sorte, il faut s’attendre à ce que le résultat soit plus décevant que satisfaisant. Je m’excuse d’avance pour les adorateurs du métrage de S. S. Rajamouli, mais Baahubali 2 n’avait absolument rien à m’offrir.

Attention, SPOILERS… Je ne vais pas vous le cacher, il n’y avait que très peu de chances que le film puisse me convaincre. J’ai regardé le premier par simple curiosité, sans être tout à convaincue, et j’ai tenté le second pour ces mêmes raisons. Le résultat à l'issue des deux visionnages était le même : je n’oserai pas recommander Baahubali ou Baahubali 2 à quiconque, en le présentant comme le métrage le plus épique du cinéma indien. L’effort dans l’esthétique est à saluer, mais c’est tout ce à quoi le film se résume à mon avis.

Le premier film s’arrête sur un cliffhanger et laisse son public patienter pour en connaître la raison.


Pourquoi est-ce que Kattappa a tué Baahubali ? Le chemin pour y arriver était long et parfois éprouvant. C’est le souci avec beaucoup des films du genre, autant en Inde qu’ailleurs. A vouloir tellement en faire pour assurer le statut héroïque du personnage masculin, l’équipe derrière le projet en oublie toute logique. Le fait que l’histoire soit inspirée de la mythologie, ou que les faits ne soient pas liés à la réalité, n’excuse pas entièrement l’excès d'effets spéciaux et de scènes d'action poussives, qui en deviennent ridicules et 'WTFesques'. Je ne suis pas une experte en la matière, mais pour ce genre de métrage, les scènes de guerre sont l’un des points majeurs qu’il faut réussir. Si la bataille entre Baahubali et Kalakeya était l’un des atouts du premier volet (bien que modérément réussie à mon sens), Baahubali 2 - La Conclusion manque cruellement d'epicness et de sensationnalisme efficace pour marquer les esprits.

Je dois tout de même avouer que l’un des plus agréables points de Baahubali 2 était Anushka Shetty. Le rôle de la princesse Devasena lui va comme un gant. C’est une femme à fort caractère qui n’est pas là pour faire joli, et qui a sa propre contribution à apporter au mélange. Allant même jusqu’à se tenir sur le même pied d'égalité que Prabhas. Ce dernier est également excellent et avec sa maîtrise, son jeu d’acteur arrive à apporter une touche appréciable au personnage de Baahubali. Après tout, il était l’âme du premier volet, et cela aurait été dommage qu’il perde de sa magie ici. Malheureusement, tout ce que j’ai de positif à dire sur le produit final s’arrête là.

Etant la dernière de l’équipe Bolly&Co à avoir fait la critique du métrage, et étant la seule à en avoir une vision très négative, je préfère ne pas m’étaler sur tout ce qui m’a dérangé dans Baahubali 2. Pour ne gâcher l’expérience personnelle d’aucun d’entre vous, je vais me contenter de n’en citer que quelques-uns. Mon principal souci était avec certains personnages. Je sais que pour les films épiques, le mieux est de ne chercher aucune logique pour mieux apprécier les scènes, mais les contradictions entre ce que certains personnages sont censés être, et ce qu’ils sont réellement a rendu mon expérience du film déconcertante. A commencer par Ramya Krishnan, ou la « Queen Mother ». Est-ce le rôle ou est-ce l’actrice ? Car toutes ses scènes étaient mélodramatiques à l'excès, et me rappelaient le feeling que j'avais face aux séries télévisées d’Ekta Kapoor. Il y a des chances que ce ne soit que mon interprétation, mais j’ai eu des difficultés à assimiler les motivations de Kattappa également. Censé être tout puissant, le résultat était pour moi celui d'un homme assez émotionnel et très peu sûr de lui.

La conclusion, de cette critique, c’est que dans sa globalité, j’ai senti que Baahubali 2 n’était pas encore prêt à voir le jour.

Les dernières minutes me semblaient entassées, et cela me donnait l’impression que le réalisateur voulait simplement en finir. Était-ce la forte anticipation qui l’a poussé à conclure son projet le plus rapidement possible ? Ou était-il réellement satisfait de ce qu’il présentait à son public ?

Je ne le saurai jamais. Mais quoi qu’il en soit, Baahubali 2 tout comme son prédécesseur, ne sont pas pour moi. 163


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P L AY L I ST

playlist L'ART DE L'ITEM NUMBER MOTS PAR AS MAE B ENMANSO UR P HOTOG RAP HIE : TAMANN AAH ET JR NTR DANS L E FIL M JAI LAVA KUSA 164


1. Swing Zara DE JAI LAVA KUSA (TÉLOU G OU ) SORTI EN 2017 COM P O SÉ PAR D EV I S R I PRASAD I NT ERP RÉTÉ PAR N E HA B HAS IN E T DE V I S RI PRASAD

Cet item song aux sonorités tribales est porté par le timbre de voix rugueux et suave de Neha Bhasin, ainsi que par la présence de Tamannaah, qui s'est révélée au fil des années comme l'une des meilleures danseuses des industries dravidiennes.

2. Jingunamani DE J ILLA ( TAMO UL) SORTI EN 2014 COM P O SÉ PAR D. IM M AN I NT ERP RÉTÉ PAR SU NIDHI C HAU HAN ET RA NJITH

Ce morceau reste en tête grâce à la composition rythmée de D. Imman, qui fait appel à l'une des voix les plus appropriées à l'exercice de l'item number : Sunidhi Chauhan. Pour sublimer cette séquence, le réalisateur a fait appel à deux danseuses d'exception : Scarlett Mellish Wilson (qui survole le numéro par son excellence) ainsi que Hazel Crowney.

3. Manohari DE BAAH UBALI (TÉ LOU G OU ) SORTI EN 2015 COM P O SÉ PAR M.M . KE E RAVANI I NT ERP RÉTÉ PAR M O HANA B HO GARAJ U ET LV R E VANTH

Avec trois danseuses de charme pour le défendre, le titre « Manohari » s'appuie d'abord sur son instrumental enivrant et sur le timbre délicat de sa chanteuse Mohana Bhogaraju. Scarlett Mellish Wilson, Sneha

Upadhay et Nora Fatehi livrent quant à elles des prestations magnifiques, empreintes de sensualité et de finesse.

4. Labbar Bomma DE A LLU D U S E E N U ( T É LO UG O U) SO RT I E N 2 0 1 4 CO MP O S É PA R D E V I S R I P RASA D IN T E RP R É T É PA R RA N I N A R E D DY E T S O O RA J SA N T H O S H

Ce qui fonctionne dans cet item number, c'est d'abord la contribution vocale de Ranina Reddy, révélation de ce titre qu'elle porte largement. Mais c'est aussi l'énergie communicative de Tamannaah, qui se déchaîne sur ce son survitaminé.

5. Boochade Boochade DE RAC E G U R RA M ( T É LO UG O U) S ORT I E N 2 0 1 4 CO MP O S É PA R S . S . T H A M A N IN T E R P RÉ T É PA R S H R E YA G H O S H A L, RAH U L N A M B I A R E T N AV E E N M A D H AV

Les influences orientales sont palpables sur ce son efficace de Thaman, qui utilise avec malice la voix très douce de Shreya Ghoshal sur cet item song catchy et sexy. La belle Kyra Dutt partage cette séquence dansée avec Allu Arjun, héros du métrage.

6. Ratthalu DE K H A I D I N O. 1 5 0 ( T É LO UG O U) SO RT I E N 2 0 17 CO MP O S É PA R D E V I S R I P RASA D IN T E RP R É T É PA R N A K AS H A ZI Z E T JASM I N E SA N D LAS

Si le métrage signe le grand retour de la légende Chiranjeevi après 10 ans > 165


d'absence, ce numéro musical prouve qu'à 62 ans, la star n'a rien perdu de son énergie et de son aisance en danse. Le morceau aux accents de dappankuthu reste en tête grâce à l'association des grains de voix de Nakash Aziz, tonitruant, et de Jasmine Sandlas, plus en retenue.

7. R i n g a R i n g a DE A RYA 2 SORTI EN 2009 COM P O SÉ PAR D EVI S R I PRASAD I NT ERP RÉTÉ PAR P R IYA HIM ES H

Erina Andriana est l'énergique danseuse au cœur de cette chanson devenue culte à Tollywood. En effet, « Ringa Ringa » fait partie des item songs d'anthologie de l'industrie télougoue, notamment grâce à la voix unique de Priya Himesh, qui recevra par ailleurs le South Filmfare Award de la Meilleure Chanteuse pour sa contribution à ce titre.

8. Blockbuster DE SAR RAINOD U ( TÉ LOU G OU ) SORTI EN 2016 COM P O SÉ PAR S.S. THAM AN I NT ERP RÉTÉ PAR SH R E YA GHO S HAL, NA KASH AZIZ, SIMHA, S R I KR IS HNA ET DEEPU

Ce dappa sexy et dynamique tire sa force dans le charisme d'Anjali, qui surprend en item girl qui n'en fait jamais trop. Shreya Ghoshal travaille de nouveau avec Thaman dans ce registre qui lui va à ravir. La preuve que la chanteuse n'excelle pas uniquement dans le registre de la ballade romantique et de la complainte dramatique.

9. Sirippu En DE A NJAAN ( TAMO UL ) 166

S ORT I E N 2 0 1 4 CO MP O S É PA R Y U VA N S H A N K A R RA JA IN T E R P RÉ T É PA R M . M . M A N AS I

Ce son voluptueux repose sur la couleur vocale de M.M. Manasi, qui reste dans des tons graves pour ajouter une dimension langoureuse à son interprétation. Elle prête sa voix à Chitrangada Singh, véritable bombe atomique dans cette scène dansée qui mise davantage sur sa plastique que sur ses talents.

1 0 . Ta u b a Ta u b a DE SA R DA A R G A B BA R S I N G H ( T É LO UG O U) S ORT I E N 2 0 1 6 CO MP O S É PA R D E V I S R I P RASA D IN T E R P RÉ T É PA R M . M . M A N AS I E T N A K AS H AZ I Z

Avec cet item number rétro, Raai Laxmi est l'atout charme de cette séquence dansée qu'elle partage avec la star Pawan Kalyan dans cette suite de Gabbar Singh, qui n'est autre que le remake 'made in Tollywood' de Dabangg. P HOTO GRAPH IE : RAAI LAXMI ET PAWAN KALYAN DANS LE F ILM SAR DAAR GABBAR SINGH


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FAS H I O N RE V I E W

MAIS OÙ S’ENVOLE

Kangana... Les aéroports devenus lieux d’inspiration incontestés des stars ? M OT S PA R E LO D I E H A M IDOVIC

Pourquoi aujourd’hui ? Les actrices misent beaucoup sur leurs apparitions à l’aéroport. Comme l’a souligné Anushka Sharma lors d’une interview avec Filmfare, c’est un moyen de dévoiler leurs propres goûts en matière de mode et cela sans le contrôle de leurs stylistes habituels. Les actrices sont alors ‘naturelles’ et en profitent pour rappeler qu’en dehors de leur travail, ceux sont des femmes comme les autres.

Pourquoi c’est intéressant pour nous ? Car même si on ne prend pas l’avion toutes les deux semaines, voyager reste l’une de nos activités favorites. Et qui de mieux que les stars peuvent nous guider pour des looks à mi-chemin entre confort et style ? 170


La reine du mouvement ? Grande habituée des aéroports, Kangana Ranaut a vite compris qu’elle pouvait profiter des paparazzi présents pour démontrer son sens impeccable de la mode, mais pas seulement ! Entre quelques looks rock-n-roll, vintage ou traditionnels (oui, Madame voyage en sari, ça lui arrive), il y a un style qu’elle utilise plus que les autres : celui de la working girl.

En 2017, Kangana s’est imposée et tout ça entre deux vols en première classe.

EN E F F ET, CET T E A N N ÉE, L’ACTRICE A EN CHA Î N É LES ENSE M BLES D E FEMM E D ’AF FA I R E SA N S LE MOI ND RE CO M P LEXE. CA R QUI D IT VOYAGE , D I T SO U VENT VACA NCES OU BUS INES S -TRI P E T P O U R KA NGANA, C’ EST LA SECOND E OP T I ON.


On a alors l’impression que l’actrice est loin d’être comme les autres. Qu’elle s’envole à droite et à gauche, gérant une entreprise qui génère sans doute des millions de bénéfices. Talons hauts, sac de grande marque (parmi ses favoris entre Dior, Gucci et Burberry), vêtements de haute-couture… Mais surtout, un détail qui fait toute la différence : des lunettes. Et oui !

L’actrice transforme complètement son image à chaque nouvelle apparition à l’aéroport et profite de cette visibilité pour nous raconter que c’est une femme intelligente et élégante. Sûre d’elle, Kangana sait se servir de son image. Bien qu’on ne sache que rarement où elle s’envole, elle tient souvent à dire que le confort peut aussi être synonyme de style et elle tente de le prouver dès que possible. Ainsi, il n’est pas rare de la voir porter un sari des plus délicats ou un robe légère entre deux apparitions en tailleurs classiques. Un moyen, quelque part, de rappeler qu’elle aussi, elle est capable de simplicité.

TOUT EST PARFAITEMENT ÉQUILIBRÉ, KANGANA SACHANT TOUJOURS CE QU’ELLE FAIT : ELLE TRANSFORME LES AÉROPORTS EN PODIUMS QU’ELLE S’APPROPRIE COMME UNE REINE. 172


Ce qu’il faut retenir :

1

2

3

SORTEZ VOS PLUS BEAUX TALONS

OPTEZ POUR DE LONGUES VESTES

LE MOTIF PHARE DE KANGANA : LES CARREAUX

Il vont tout de suite ajouter un peu de glamour à vos tenues et de toute façon, une fois assise, vous pourrez vous reposer.

qui en imposeront durant vos longues marches et que vous pourrez convertir en couverture une fois dans l’avion.

qui lui donnent un aspect de fille sage et qui renvoient une certaine classe à l’anglaise. Un gentleman au féminin. 173


C C I NÉ M A

Sejal DAN S JAB H ARRY M E T S E JA L MOTS PAR E LODIE HAMIDOVIC

Dans un film, le rôle des stylistes est de trouver l’univers vestimentaire adapté aux personnages. Les vêtements qui vont apparaître sur nos écrans doivent refléter la personnalité du protagoniste, tout cela dans un but précis : nous convaincre que ce que nous voyons est réel. Dans les précédents numéros, je vous ai dévoilé comment les looks de Kaira (Dear Zindagi) et Shyra (Befikre) nous ont aidé à croire en ces personnages et en leurs tourments.

Mais avec Sejal, c’est l’inverse qui se produit... 174

C’est son troisième film avec Anushka Sharma, son quatrième avec Imtiaz Ali et pourtant le styliste Aki Narula a échoué en préparant la garderobe de Sejal, une héritière du Gujarat en vacances avec sa famille en Europe. Sous les directives du réalisateur, le styliste devait garder un esprit très simple dans ses choix pour maintenir un semblant d'authenticité dans l’aventure de Sejal. Mais qu’est-ce qui a bien pu échouer ?


1 LA FAUSSE HÉRITIÈRE Dès les premières minutes du film, Sejal apparaît sortant d’un aéroport, valise et sac à la main, prête à tout pour retrouver la bague qu’elle a perdue.

Son look est désordonné. Un sac rose, une valise zébrée, un teeshirt rayé noir et blanc, une veste rouge, un foulard rouge et blanc, des baskets imprimées avec du bleu... Sejal ressemble à une personne tout à fait normale, à ceci prêt qu’elle a le look et la façon de parler d’une petite fille perdue et sans défense (avec de jolies barrettes en cœur et étoile à paillettes dans ses cheveux). Mais alors, comment croire une seule seconde que nous avons sous les yeux une fille riche, dont le père gère une bonne fortune (soyons honnêtes, un voyage en Europe pour toute une famille, c’est pas donné) ?

Alors comment croire que Sejal fasse partie d’une famille aisée si elle porte des vêtements de la boutique d’à côté ? Ou si elle porte le top de son pyjama en journée ? Rappelons que Sejal avait une valise avec elle et qu’il lui reste sans doute de quoi se changer pour une journée... 175


2 LA SÉDUCTRICE... Sejal se retrouve seule et semble d’un coup vouloir profiter de sa quête pour s’amuser un petit peu et peut-être conquérir Harry...

Qui dit séduction, dit soirée, dit sexy... mais pas avec Sejal. Quelque part, ce n’est pas plus mal de jouer sur son innocence avec des tenues trop sages malgré les paillettes et les couleurs. Mais avec des nouveaux looks, voilà Sejal portant une nouvelle robe, un nouveau sac, des nouveaux bracelets, des nouvelles bottes... C’est évident : elle a fait du shopping (mais quand ? Bonne question). Pour le bel Harry, la jeune femme veut faire un effort. Le pire look : pendant la chanson «Beech Beech Mein», Sejal arbore une robe en dentelle jaune, avec des leggings en cuir et des bottes...

La plupart des tenues de Sejal ont des combinaisons étranges, comme une version ratée et limitée de la garderobe de Mili (Sonam Kapoor dans Khoobsurat). Mais là encore, Sejal est supposée être un poil plus sophistiquée malgré une âme d’enfant et surtout, elle a les moyens pour s’offrir des vêtements plus qualitatifs et étoffés...


3 LA PAUMÉE (DANS TOUS LES SENS DU TERME)

Sejal se lâche et semble vouloir se fondre dans la masse... Le temps passe, mais paie-t-elle toujours Harry pour ses recherches ou...

Les voyages apportent des looks légers et festifs. C’est sans doute ce qui a été tenté avec Sejal. D’une certaine façon, j’ai pensé à Tara (Deepika Padukone dans Tamasha) qui s’est retrouvée seule en Corse pour des vacances et ses looks étaient très simples. Une fois de retour en Inde, on découvre une garde-robe glamour de fille indépendante et ambitieuse. Mais même lorsque Tara est en Corse, on entrevoit son goût pour la finesse. Ce n’est pas le cas avec Sejal. Ses choix varient d’une destination à l’autre sans aucune cohérence. A aucun moment on nous montre que justement, Sejal s’en fiche et qu’elle n’y réfléchit pas. On est paumé autant qu’elle. J’ai cru à un moment d’exception : la robe en velours bordeaux avec un ‘trench coat’. Jusqu’à ce qu’on remarque sa paire de baskets et son sac. Avec tout ce qu’elle avait acheté entre temps, sans doute avait-elle de meilleures options...

Pour ce rôle, Anushka a travaillé son accent gujarati. Les tenues traditionnelles ont d’ailleurs échoué à rappeler les racines de Sejal tant elles étaient plus liées aux racines punjabi de Harry. Ainsi, rien (visuellement parlant) ne permettait de croire qu’il y avait plus en Sejal que le peu qui nous était présenté. Il était donc difficile de croire en cette fille et de s’y attacher un minimum. 177


A L I A B H AT T

T

T E NDANC E

B LO O M I N G I N

PINK M OT S PA R E LO D I E H A MIDOVIC

Depuis quelques mois, certaines actrices ont opté pour une nouvelle couleur. Et quand je parle de rose, je ne parle pas du doux et sensible rose poudré. Je parle de celui qui envoie un message fort, celui qui se démarque par sa férocité : le rose fushia.

Quelque soit le style, en accessoire ou dans un total look, le rose ne semble pas décevoir tant qu’il reste dosé et maîtrisé. On va être honnête, vous pourriez faire une bêtise en optant pour cette couleur, mais ce n’est pas forcément cela qui vous fera défaut. Faites attention aux tenues que vous choisissez et à la manière dont vous combinez ce ton fushia à d’autres. 178

ADITI RAO HYDARI

BIPASHA BASU

Souvent boudé par les femmes pour cet aspect trop voyant, c’est finalement devenu une petite arme qui est loin de déplaire.

KRITI SANON


A titre d’exemple, voici trois tenues portées par Shraddha Kapoor, trois années différentes (2014, 2016 et 2017). Si elle surprend avec une combinaison décalée en 2014 (elle joue entre l’image de fille sage qui lui colle à la peau et celle de la working girl), elle est plus discrète en 2016 dans une robe à bustier simple. Mais c’est surtout en 2017 qu’elle échoue lors de la première promotion du film Haseena Parkar et je pense que vous comprendrez pourquoi.

NEHA DHUPIA

P R I YA N K A C H O P R A

Il faut le dire, ce rose a toujours été présent dans les placards des actrices, mais il n’est jamais parvenu à trouver une véritable place. C’est surtout dernièrement qu’il a fait un come-back en force, apparaissant surtout pour moderniser et ajouter du peps aux tenues les plus traditionnelles. D’ailleurs, c’est une couleur qui reflète un état d’esprit particulier :

si vous portez cette couleur, c’est que vous êtes heureuse, confiante et surtout prête à croquer le monde. 179


D

D E RNI È R E MINUTE

Les plus beaux ratés de l'année ! M OT S PA R E LO D I E HAMIDOVIC

JANVIER

Après des mois riches en couleurs, en surprises et en élégance, votre rédactrice mode a décidé de vous livrer son récapitulatif des plus beaux échecs vestimentaires de l’année. Et ce n’est pas forcément pour le plaisir des yeux, au contraire !

L'année commence à peine et voilà Kalki Koechlin, qui semble avoir oublié qu'Halloween, c'était il y a trois mois...

Préparez-vous, car il n’y a rien à dire, à part qu’il faudrait arrêter de mettre la faute sur les stylistes surtout quand on manque d’un peu de bon sens... 180

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MODE

Ce qui ne va pas : Son make-up fantomatique avec cette robe du siècle dernier... Kalki nous a habitué à beaucoup de fantaisie, mais ça...


MARS

MAI

AOUT

Heureusement pour nous, ce n'était pas un tapis rouge ou un événement trop important pour Kriti Sanon, car c'est une image qui marque, et pas pour les bonnes raisons...

On sait que Malaika Arora Khan adore jouer avec sa silhouette très sexy. Mais cette fois, il y a un problème de taille...

Si on pouvait couper Swara Bhaskar en deux, on aurait un bas plutôt chic et un haut assez 'what the f*ck'...

Ce qui ne va pas :

Ce qui ne va pas :

Pourquoi cette robe avec ces chaussures ? Pourquoi cette robe tout court, sachant qu'elle se rendait à un concert...

Cette chemise, complètement à l'ouest et sa coiffure, trop rock'n'roll. Y'a clairement eu un malentendu...

Ce qui ne va pas : Comment dire, tout ? Le jean, le top, les ballerines... Qu'est-ce qui s'est passé ? Sa styliste était malade ?

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SEPTEMBRE

OCTOBRE

NOVEMBRE

Dans la catégorie "look improbable", on demande Anushka Sharma. L'actrice nous a habitué à des tenues plus classiques et raffinées.

On ne vous a jamais dit que Kangana Ranaut était toujours parfaite lors de ses sorties à l’aéroport...

Quand il faut jouer la carte de la singularité, Priyanka Chopra sait toujours quoi choisir. Sauf peut-être cette fois-là...

Ce qui ne va pas : Il y a un peu trop d'éléments perturbateurs qui nous empêchent de comprendre qui a bien pu valider un look pareil...

Ce qui ne va pas : L'imprimé de cet ensemble, cousin éloigné des papiers cadeaux de Noël (surtout avec ce nœud papillon...).

Ce qui ne va pas : Comment est-ce qu'elle tient, cette robe ? Non parce que là, ça détruit complètement sa silhouette...


DECEMBRE Promouvoir des produits de luxe, c'est une habitude pour la belle Aishwarya Rai Bachchan. Mais parfois, c'est l'inverse qui se passe !

Ce qui ne va pas : On a du mal à ne pas regarder le bas de cette robe Gauri and Nainika, tant elle est contrastée avec sa nouvelle couleur de cheveux... (À SAVOIR : C'EST POUR LES BESOINS D'UN FILM QU'ELLE A EFFECTUÉ CE CHANGEMENT CAPILLAIRE, À L'IMAGE DE KATRINA KAIF POUR LE MÉTRAGE FITOOR.)

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Mil le et une Ind e Wafae #Sultana et Ibtissem #Tissou vous donnent rendez-vous sur la page Facebook Mille et une Inde, pour découvrir ensemble la culture qui nous réunit aujourd'hui à l'Inde au delà des frontières bollywodiennes.

facebook.com/ MilleetuneInde/


I N S TA G R A M & STORY

... LA CERISE SUR LE G AT E A U


I

IN STAGRA M

Instagram, c'est le réseau social qui permet de jeter un œil sur la vie aussi bien professionnelle que privée de nos stars favorites. Outre les démarches de promotion de leurs projets, elles en profitent aussi pour publier des photos plus personnelles qui nous permettent ainsi d'en savoir un peu plus sur qui elles sont hors caméra. Plongeons ainsi dans l'Instagram de...

Radhika Apte MOT S PA R E LODIE HAMIDOVIC - P HOTOG RAP HIES DE L' INSTAGRAM DE L’ACTR ICE

www.instagram.com/radhikaofficial


Type de profil :

La fille cool. Radhika Apte, c’est cette nana canon qui ne le sait pas, qui a toujours des clichés originaux et qui est avant tout ultra attachante. Elle vit en douceur et s’émerveille de tout avec délicatesse. Elle est surtout modeste et simple, prenant en photo ce qui la touche. Elle a ce côté ‘arty’ qui la démarque des autres et qui en fait une source d’inspiration pour ceux qui la suivent.

Ce qu’elle veut : Avoir un compte aussi bien public que privé. Radhika n’a pas peur de poster des images naturelles et sans filtre. Elle capture sa vie sans crainte tout en jonglant parfaitement avec des images plus travaillées. Elle a conscience de l’impact de son compte, tout en gérant parfaitement l’image qu’elle dégage. Elle veut qu’on sache qu’il y a une personne derrière la star. Une personne avec une famille, des amis, des hobbies et des délires.

Ce qu’elle adore : Les photoshoots ! Elle apprécie grandement les photographes et n’hésite pas une seconde à poster ses dernières apparitions dans les magazines et la presse. Aucune séance ne ressemble à la précédente et Radhika adore partager ces expériences. L’actrice s’éclate tout en prenant des pauses sérieuses, mais surtout elle est clairement devenue la nouvelle muse des photographes qui font ressortir à merveille sa beauté si singulière. 187


The meeting place MOT S PA R AS M A E B E NMANS OUR P H OTO G RA PH I E DE L A MARQ UE CODE BY L IFESTYLE

Bolly&Co est certes un magazine d'information sur le cinéma indien et son univers, mais nous avons également une imagination débordante. A la suite d'une conversation groupée durant laquelle nous déplorions de ne pas voir nos acteurs favoris réunis dans un seul et même projet, nous en sommes venues à l'écriture de 'The Meeting Place ', thriller d'action avec ce qu'il faut de rebondissements et de drames pour vous divertir. Alors, lorsque l'équipe rédactionnelle de Bolly&Co se la joue scénariste, ça donne ça... VIDYA BALAN ... PARINEETA/PARI SUBRAMANIAM SHAHID KAPOOR ... ARAAV SENGUPTA EMRAAN HASHMI ... RAJA SHARMA AKSHAY KUMAR ... PARESH/PAGLU TIWARI FARHAN AKHTAR ... KISHORE/KISHU TALWAR RANI MUKERJI ... AMALA SENGUPTA IMRAN KHAN ... IMRAN KAPUR SURESH OBEROI ... ANAND SUBRAMANIAM GENELIA DESHMUKH ... KALYANI/KAALI TALWAR NAZRIYA NAZIM ... REVATHI NAG 188


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Septième chapitre Amala est libre. Pour le moment. Elle s'interroge sur cette femme dont elle ne sait rien, mais à laquelle elle doit sa libération. « Qui êtes-vous ? » Ce à quoi Revathi lui répond, « Ce n'est pas important. Du moins, pour ce qui vous concerne. En revanche, je vais avoir besoin de tout savoir sur votre histoire, afin de vous défendre. Vous n'êtes qu'en liberté conditionnelle, le temps que l'enquête suive son cours. » Mais Amala avait appris à ne plus faire confiance. Comment pouvait-elle savoir que Revathi lui voulait du bien ? Et si elle était liée à Araav ? Plus que jamais, elle savait qu'il lui fallait se méfier des apparences. « Et comment je peux être certaine que vous n'êtes pas en train de me mentir ? - Peut-être parce que je viens de vous faire sortir de prison. » Mais Amala ne parvenait pas à se rassurer. Entourée d'usurpateurs, elle n'avait elle-même eu de cesse de mentir et de feindre. Revathi s'en aperçut. « Écoutez, Amala. Je sais où est votre sœur. Et je vous garantis qu'elle est en sécurité. Et si vous doutez encore de ma bonne foi, sachez juste une chose. C'est Paresh qui m'envoie. » De leur côté, Paresh et Pari réfléchissaient au moyen d'attirer Kaali à eux sans éveiller l'attention de la police. « C'est bien sympa, ton idée de kidnapping, comme si t'avais pas assez de charges contre toi sur le dos... Mais on fait comment pour la faire venir jusque Bangalore, la mioche ? Elle a passé l'âge qu'on la monnaye avec des bonbons, tu crois pas ? » Le ton sarcastique de Paresh en disait long sur sa circonspection. 190

Mais Pari était sûre d'elle. Elle était convaincue de pouvoir mener son plan à son terme en utilisant Kaali. Maintenant, la mise en œuvre effective de cette stratégie allait assurément être délicate. « Il nous faut un moyen de l'atteindre. Quelqu'un dont elle est proche et qui serait susceptible de savoir où elle se trouve. Une tante ? Une meilleure copine ? Un petitami ? Un cousin ? » La question de Paresh avait ravivé la mémoire de Pari. « Kishore m'a parlé du petit-copain journaliste de sa sœur, duquel il se méfiait, par ailleurs. Il avait brièvement écrit pour le New Indian Express, d'après ce qu'il m'a dit, avant de devenir indépendant. - Ça va être compliqué. T'as un nom ? Ou bien tu l'as déjà croisé ? » Mais il n'en était rien. Pari n'avait jamais rencontré cet homme et ne savait pas comment il s'appelait. Cependant, elle ignorait que de son côté, le petit-ami de Kaali savait tout d'elle, enfin presque...

CAR C'EST CE QUE JE PENSAIS. JE CROYAIS SINCÈREMENT TOUT SAVOIR DE LA SULFUREUSE PARINEETA SUBRAMANIAM. Mais je me suis fait avoir. Puisqu'à ce moment-là, j'ignorais tout du danger que courait Kaali, la femme dont j'étais malgré moi tombé amoureux. Et sans le vouloir, j'allais précipiter sa chute. En effet, j'étais celui qui la mènerait tout droit à Parineeta, sans savoir que cette dernière ne lui voudrait aucun bien.


Kaali m'avait invectivé son intention irrémédiable de trouver Pari. Je souhaitais donc l'aider et la soutenir dans cette démarche, avec l'espoir que cela l'amènerait à réaliser la sincérité de mes sentiments à son égard. Ceci étant, ce n'était pas la priorité. Nous sommes ainsi arrivés au domicile de Pari, que nous avons passé au peigne fin. Pour finalement tomber sur un cliché de deux fillettes, avec l'inscription suivante à son dos : Parineeta et Amala, 1992. Et c'est à ce moment-là que tout m'est apparu clairement. En effet, cela ne peut être dû au hasard que l'épouse de l'inspecteur en charge de l'affaire de Pari porte le même nom que cette petite fille qui l'accompagne sur la photographie précitée. Amala Sengupta avait un lien avec Parineeta Subramaniam. Quant à Kaali, elle tomba sur un calendrier, sur lequel étaient inscrites les lettres PT tous les deuxièmes et quatrièmes vendredis de chaque mois. J'ai de suite pensé à Paresh Tiwari, cet handicapé mental auquel elle rendait visite régulièrement au Manashasthra Hospital de Chennai. C'était donc notre prochaine destination, qui allait rapidement nous mener à Pari, à nos risques et périls... Raja sortait tout juste d'hospitalisation. Il était rentré auprès des siens, des gens simples et sans histoire. Mais il s'ennuyait. Pourtant, dans son quartier calme, tout le monde l'apprécie. Garçon serviable et bienveillant, il est toujours prêt à aider financièrement sa mère, à faire quelques travaux chez son voisin malade Vikram ou à porter les courses de sa tante esseulée Sandhya. Raja a perdu son père très jeune. Il est rapidement devenu l'homme de la maison. Mais sa vie ne semblait pas prendre sens à ses yeux. Il se souvint alors du jour où, à l'âge de 13 ans, il découvrit le film Zanjeer sur le vieux poste de télévision familial. C'était la révélation.

Il voulait incarner la justice avec autant de force et de charisme que le cultissime Vijay Khanna. Il souhaitait lutter contre la corruption, les bandits et autres malfrats, mais aussi représenter ces petites gens auxquelles personne ne pense d'habitude. Donc forcément, lorsque son supérieur lui a fait sentir qu'il n'était pas à la hauteur, Raja l'a mal vécu. C'était difficile pour lui d'être relégué au second plan. De ne pas pouvoir agir à sa guise et de ne pas être libre de toute initiative. Il avait le sentiment de ne pas être apprécié. Justement parce qu'il faisait partie des gens d'en bas. Il espérait qu'Araav allait l'aider à devenir un meilleur inspecteur. En vain. Il n'avait pas son mot à dire, et était fatigué d'être spectateur de l'affaire Subramaniam, qui le passionnait tant. Il n'avait pas été informé du fait qu'Araav connaissait la planque de Parineeta. S'il l'avait su, cela lui aurait probablement évité de risquer sa vie pour rien. S'il avait fauté, il n'était clairement pas le seul responsable. Il sentait qu'il ne pourrait pas progresser s'il restait sous la houlette d'Araav. En arrivant chez lui, sa mère l'avait accueilli avec une prière de bienvenue. En la regardant, il prit conscience qu'il était temps pour lui de prendre son envol, et de s'émanciper de l'inspecteur Sengupta. S'il voulait réellement investir cette affaire, il devrait le faire seul. Araav était quant à lui seul chez lui. Face à l'absence d'Amala. Face à sa solitude et aux démons qui le rongent. Il n'y a que la colère qui le guide. Il a désormais conscience d'avoir largement dépassé sa posture professionnelle. C'est l'homme blessé qui agit. L'agent de police droit et intègre n'est plus. Dans son salon, il fixe avec ardeur le cliché de son union. Étonnamment, il s'attarde sur son visage, alors radieux. Il a le sentiment que cet Araav-là, naïf et > 191


sincèrement comblé, est mort. Il a été tué par la trahison d'Amala. Ou par le chagrin qui s'en est suivi. Désormais, c'est le ressentiment qui le gagnait, tout comme le désir de vengeance. Araav avait profondément changé. Cette tromperie l'avait transformé. Il ne restait plus de lui que la rage qui l'habitait. Sa décision était prise : il allait détruire Amala, lui faire payer sa manipulation. Araav était un homme fier et se vantait d'être particulièrement avisé. Il ne supportait pas d'avoir été berné de la sorte par sa propre épouse. Alors qu'il restait immobile face à sa photographie de mariage, la sonnerie de son téléphone portable se mit à retentir. Il décrocha. « Où tu es ? » lui demanda son interlocuteur. « Ne vous en faites pas, j'arrive. Vous savez aussi bien que moi que j'ai tout intérêt à ne pas vous faire faux bond. Je serai là d'une minute 192

à l'autre. Je vous rejoins immédiatement au Taj Club House. » Araav raccrocha le combiné et le posa sur la grande table de la pièce. Puis, dans un accès mêlant verve et colère, il renversa le cadre, signifiant la mort définitive de son mariage. Pour ensuite affirmer : « Ne vous inquiétez pas, Kishore. Vous pouvez désormais compter sur moi pour faire sombrer cette traînée de Parineeta Subramaniam. Et sa sœur avec elle. »

Retrouvez les précédents chapitres sur notre site www.bollyandco.fr P HOTO GRAPH IE DU F ILM B OMBAY TALKIES


ÉQUIPE & CRÉDITS

... THE END


BOLLY&CO RÉDACTRICE EN CHEF : ASMAE BENMANSOUR RÉDACTRICE EN CHEF MODE : ELODIE HAMIDOVIC RÉDACTRICE EN CHEF SUD : ASMAE BENMANSOUR RÉDACTRICE EN CHEF ACTUALITÉ, CINÉMA ET PEOPLE : FATIMA ZAHRA EL AHMAR TRADUCTRICE EN CHEF : ELODIE HAMIDOVIC (REVUE DE PRESSE) DIRECTRICE DE PUBLICATION : ELODIE HAMIDOVIC DIRECTRICE DE PUBLICATION ADJOINTE : ASMAE BENMANSOUR DIRECTRICE ARTISTIQUE : ELODIE HAMIDOVIC

A S AV O I R Un candid est une image prise par un paparazzi lors d'événements importants (cérémonies de récompenses, promotions de films, inaugurations, etc...). Il en existe des milliers sur le web. Il nous est donc impossible de retrouver les noms des photographes. Les sites qui diffusent sur le web le plus de candids sont crédités à la fin, c'est généralement là que nous piochons nos images. Si nous avons oublié de préciser votre nom ou votre site dans le magazine, contactez-nous par email (bollyandcomagazine@gmail. com ). Nous trouvons souvent les photos sans le nom du photographe ou sans information supplémentaire.

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N OUS RAPP E LO NS QU'IL EST FO RME L L E ME NT INTE RDIT D E PRE NDRE L ES TE XTES E T IMAG ES SANS L'ACCO RD DE L E URS AUTE URS RESPECTIFS DANS L E CADRE DU MAG AZ INE B O L LY&CO. Les photographies des films qui se trouvent dans le magazine Bolly&Co sont des images libres de droit à but commercial mises à disposition par les producteurs afin de mettre en avant leurs oeuvres. Pour cette raison, la grande majorité de nos images sont des stills de métrages et ne sont pas créditées dans notre liste. Seules les photographies professionnelles et licenciées figurent dans nos crédits.


COUVERTURE : Photographie d'Ali Fazal par Tiziana Fabi, éditée par Bolly&Co EDITO : Instagram d'Ali Fazal (@alifazal9) UN PEU DE LECTURE : Photographie de Tishani Doshi, pour Vogue Italie PRIVATE TALKIES : Photographie de Shruti Haasan, Kamal Haasan et Michael Corsale du site IBTimes India. Les photographies des mariages de Naga Chaitanya et Samantha Ruth Prabhu ainsi qu'Anushka Sharma et Virat Kohli ont été trouvées sur les réseaux sociaux. RANVEER SINGH : Photographies par R. Burman pour le magazine GQ India, novembre 2017. ALI FAZAL : Première photographie par R. Burman pour le magazine GQ India, octobre 2017. Les photographies de l'équipe de Fukrey 2 lors du tournage ont été trouvées sur le compte instagram d'Ali Fazal (@alifazal9)

MOVIE TALKIES : Photographie de Kriti Sanon, Diljit Dosanjh et Dinesh Vijan issue du compte instagram de Kriti Sanon (@ kritisanon) TIGER SHROFF : Illustration par Elodie Hamidovic PADMAVATI : Photographies du site Indian Express NIRMAAN : Photographies par Fatima Zahra El Ahmar lors du FFAST. FFAST ET SHWETA TRIPATHI : Photographies par Elodie Hamidovic lors du FFAST. PARLONS MODE : Les différentes photographies proviennent des sites de référence en candids, voir ci-dessous. RADHIKA APTE : Instagram de Radhika Apte (@radhikaofficial) THE MEETING PLACE : Photographie de Farhan Akhtar pour la marque Code By Lifestyle

Sites de référence pour les candids pinkvilla - bollywood life - miss malini - masala - bollywood hungama santa banta - glamsham - filmigyan - desi martini - bollywood tabloid one india - indiaglitz - gettyimage - zimbio

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