Ce mariage éphémère • John Piper

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PIPER J O H N

Ce mariage Nous avons besoin d’appréhender, aujourd’hui, une vision du mariage plus digne, plus profonde, plus puissante et plus glorieuse que tout ce que notre culture a jamais imaginé. Rester fidèle à son conjoint, ce n’est pas, avant tout, rester amoureux l’un de l’autre. Il s’agit essentiellement de respecter l’alliance contractée.

Certes, le mariage c’est pour toute la vie, mais il n’est pas éternel. Le mariage est un excellent cadeau de Dieu, mais c’est un cadeau éphémère. Pendant nos quelques années sur la terre, apprenons à vivre cet engagement comme un reflet de l’alliance entre Dieu et l’Église.

À P R O P O S D E L’A U T E U R

John Piper est pasteur honoraire et auteur de nombreux ouvrages dont Au risque d’être heureux et Que les nations se réjouissent ! Il est marié à Noël depuis près de 50 ans. Ils ont cinq enfants et douze petits-enfants.

15,90€

ISBN 978-2-36249-395-9

publié au Canada par

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Ce mariage Ce mariage éphémère

« Le but de ce livre est d’élargir votre vision du mariage. Le mariage est plus que l’amour entre deux personnes. Beaucoup plus. La signification du mariage a une portée incommensurable. Le mariage consiste à manifester aux yeux de tous l’amour d’alliance entre le Christ et son peuple. »

J O H N P I P E R

Un reflet de l’alliance éternelle


éphémère Ce mariage



éphémère J O H N P I P E R

Ce mariage Un reflet de l’alliance éternelle


Édition originale publiée en langue anglaise sous le titre : This momentary marriage: A parabole of permanence • John Piper © 2009 • Desiring God foundation Publié par Crossway Books, un ministère de Good News Publishers 1300 Crescent Street • Wheaton, IL 60187 • USA Traduit et publié avec permission. Tous droits réservés. Édition en langue française : Ce mariage éphémère : Un reflet de l’alliance éternelle • John Piper © 2017 • BLF Éditions • www.blfeditions.com Rue de Maubeuge • 59164 Marpent • France Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés. Publié au Canada par Éditions Cruciforme • www.editionscruciforme.org Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés. Traduction : Alain Bouffartigues Couverture : Seegn Mise en page : BLF Éditions Impression n° XXXXX • IMEAF • 26160 La Bégude de Mazenc Sauf mention contraire, les citations bibliques sont tirées de la Bible version Nouvelle Bible Segond Copyright © 2002 Société biblique française. Reproduit avec aimable autorisation. Tous droits réservés. Les caractères italiques sont ajoutés par l’auteur du présent ouvrage. Les autres versions sont indiquées en toutes lettres sauf la Bible Louis Segond (LSG), la Nouvelle Bible Segond (NBS), la Traduction œcuménique de la Bible (TOB), la Traduction Parole de vie (PDV), et la Bible version Segond 21 (S21). ISBN 978-2-36249-395-9 ISBN 978-2-36249-396-6

broché numérique

e Dépôt légal 2 trimestre 2017 Index Dewey (CDD) : 306.872 Mots-clés : 1. Couple. Vie religieuse. 2. Mariage. Aspect religieux. Christianisme.


À Ruth et Bill Piper Pamela et George Henry Seule la mort mit un terme à leur mariage



matières Table des

Avant-propos

Le balancier et le portrait..............................................................................9

Introduction

Mariage et martyre.....................................................................................13

Chapitre un

Rester fidèle à son conjoint ne signifie pas avant tout rester amoureux............ l’un de l’autre.............................................................................................21

Chapitre deux

Nus sans en avoir honte..............................................................................33

Chapitre trois

La grâce de l’alliance exposée à la vue de tous.............................................47

Chapitre quatre

Pardonner et supporter...............................................................................59

Chapitre cinq

Comment ressembler au Christ au sein de l’alliance...................................73

Chapitre six

Un cœur de lion et une ressemblance à l’agneau............................................. Le mari chrétien comme la tête : Les fondements de l’autorité....................85

Chapitre sept

Un cœur de lion et une ressemblance à l’agneau............................................. Le mari chrétien comme la tête : Que signifie diriger ?................................97

Chapitre huit

La foi sublime d’une soumission dénuée de crainte...................................111

Chapitre neuf

Célibataire dans le Christ : « un nom meilleur que des fils et des filles ».....123

Chapitre dix

Le célibat, le mariage et la vertu chrétienne de l’hospitalité.......................137


Chapitre onze

La foi et la sexualité dans le mariage........................................................149

Chapitre douze

La finalité du mariage est de faire des enfants… des disciples de Jésus :.......... à quel point le devoir de procréation est-il absolu ?..................................161

Chapitre treize

La finalité du mariage est de faire des enfants… des disciples de Jésus :.......... vaincre la colère chez les pères et les enfants.............................................173

Chapitre quatorze

Que l’homme ne sépare donc pas ce que Dieu a uni : l’Évangile..................... et la nouvelle obéissance radicale.............................................................185

Chapitre quinze

Que l’homme ne sépare donc pas ce que Dieu a uni :.................................... l’Évangile et le divorce.............................................................................197

Conclusion

Ce mariage éphémère..............................................................................209 Quelques mots de remerciement.............................................................213 Index général...........................................................................................217 Index de références bibliques...................................................................223 Ressources : Desiring God.......................................................................229


Avant-propos

Le balancier et le portrait Noël Piper Je connais des couples où les conjoints pensent et ressentent les choses avec une telle osmose qu’ils sont capables de vivre ensemble, de travailler ensemble, de servir dans le ministère ensemble et d’élever leurs enfants ensemble en n’ayant quasiment jamais de conflits. Oui, de tels couples peuvent exister, mais ce n’est certainement pas notre cas. Les tests de personnalité révèlent que nous sommes pratiquement tout le contraire l’un de l’autre. Selon Ruth Bell Graham, l’épouse de Billy Graham, c’est une bonne chose. On rapporte qu’elle a déclaré que si deux personnes sont d’accord sur tout, c’est que l’une d’elles est inutile. Je dois avouer toutefois que nous ne serions pas mécontents de faire de temps à autre l’expérience de ce genre d’inutilité. Dans la vie, j’oscille entre deux extrêmes. D’un côté du balancier, je me demande parfois avec émerveillement : « Mais comment ai-je pu trouver un mari aussi extraordinaire ? Qu’est-ce que j’ai bien pu faire pour qu’il me remarque – et plus encore : qu’il me demande en 9


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mariage ? ! » Un jour, alors que j’étais en pleine période d’euphorie, nous avons fait un test d’évaluation de notre couple. D’après les résultats, je me trouvais au sommet de l’échelle de l’idéalisme, bien peu encline à reconnaître les problèmes que nous pouvions avoir dans notre couple – au point que, selon les « experts », mon score était peu fiable. J’aimerais que le balancier reste toujours là-haut, dans cette zone où rien ne vient entamer notre bonheur d’être ensemble – comme lors des vacances que nous avons passées une fois dans les montagnes Blue Ridge : En voyage Livres et rocking-chair, Ours noir et papillons, Mousse et champignons, Poésie et dessin, Chanter et se balancer, Voir les piverts s’envoler, Louer Dieu, se promener, Du temps pour discuter, Ensuite au scrabble jouer, Et puis aller s’allonger… Le silence ne pas briser. Avec toi mon bien-aimé.1 À l’inverse, il arrive parfois que l’inertie et la contestation se mettent à nous aspirer vers le bas, et je m’interroge alors : « Comment se fait-il que nous nous retrouvions dans une situation aussi calamiteuse ? Que s’est-il passé pour que nous soyons à ce point en désaccord et malheureux ? » C’est au cours d’une de ces périodes difficiles que nous avons célébré notre vingt-cinquième anniversaire de mariage.

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Adaptation libre

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Le balancier et le portrait

L’or en ligne de mire Pour un anniversaire, ainsi se préparer ! Nous ne savions même plus qui était l’offensé. Surtout donner le change, par nos sourires forcés, cette façade trop souvent par nous utilisée. « Que les vingt-cinq prochaines années soient aussi belles que les premières ! », nous ont souhaité nos invités en nous couvrant de leurs baisers. Et moi qui pensais en secret : pourquoi très loin ne pas filer, afin de tout recommencer, sous une nouvelle identité ? Évidemment j’allais rester. Comment pourrais-je abandonner l’ homme qui si bien me connaissait et qui pourtant voulait m’aimer ? C’est alors que Beryl, elle qui était unie à son Arnold chéri depuis soixante années, par ses paroles toutes simples vint mon cœur réchauffer : « Les années à venir vont être les meilleures, car les vingt-cinq premières sont toujours les plus chargées de douleur ».2 Je suis apparemment incapable de voir au-delà de mes émotions du moment. Si nous devions donc demander à un conseiller d’évaluer notre couple pendant ces passes difficiles, les résultats révéleraient probablement de grosses difficultés conjugales. Diagnostic qui serait tout aussi trompeur que l’idéalisme constaté pendant les périodes où « tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes ». Il est vrai que le balancier de notre couple oscille et même vacille parfois, mais il est suspendu par le haut, il est solidement attaché. Et, par la grâce de Dieu, il ne s’écrasera pas au sol. Cette année, nous fêtons notre quarantième anniversaire de mariage et, Dieu merci, 2

Adaptation libre

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plus nous approchons des noces d’or, plus nous avons envie de les célébrer – si toutefois Dieu nous fait la grâce de nous accorder autant d’années ensemble. Nous savons que c’est le poids de notre péché qui nous fait toucher le fond par moments. Mais voici une formidable vérité, une vérité incroyable, un « grand mystère », comme le dit Paul : « C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère pour s’attacher à sa femme, et les deux seront une seule chair. Il y a là un grand mystère ; je dis, moi, qu’il se rapporte au Christ et à l’Église » (Éphésiens 5 : 31-32). Tout mariage est une image de la relation entre le Christ et l’Église – même s’il oscille comme un balancier à cause du péché, même si le couple n’en a rien à faire de Jésus. Pour changer de métaphore, Dieu a établi le mariage afin qu’il reflète une image, qu’il soit un portrait. Ce qui m’amène à me poser la question : dans quelle mesure notre couple est-il un portrait du Christ ? Cette image est-elle claire et bien nette ? J’aime utiliser mon minuscule appareil photo numérique. Cependant, plus le sujet est gros et complexe, plus il devient difficile de le photographier en entier et avec précision. Par exemple, aucune photo ne peut représenter à elle seule toute la magnificence du Grand Canyon. Même si mes piètres compétences de photographe ne diminuent en rien la splendeur de cette merveille naturelle, certains clichés parviennent mieux que d’autres à en rendre l’aspect grandiose. C’est ce genre de photo que j’aimerais pouvoir prendre du Grand Canyon, et de la même manière, j’aimerais que notre couple soit un portrait aussi fidèle que possible de Jésus. Ma prière est que ce livre (qui a été écrit par mon prédicateur préféré) amène de nombreux couples à « refaire une mise au point » afin que le portrait du Christ et de son Épouse soit le plus net possible.

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Introduction

Mariage et martyre

Lorsque Dietrich Bonhoeffer a été pendu à l’aube du 9 avril 1945 à l’âge de 39 ans, il était fiancé à Maria von Wedemeyer. Ce jeune pasteur allemand s’était opposé au régime nazi et avait finalement été arrêté le 5 avril 1943, étant accusé de complot d’assassinat contre Adolf Hitler. Il ne s’est donc jamais marié. Il a rejoint la Réalité sans passer par l’ombre des choses à venir. Nous sommes tous appelés à rendre témoignage de la valeur du Christ de diverses manières. La vocation de Dietrich Bonhoeffer était, non pas le mariage, mais le martyre. Lorsque la mort frappe un couple marié, c’est une providence à la fois douce et amère. Douce parce qu’au bord du précipice de l’éternité, l’air est d’une pureté cristalline, et que ce qu’il y a de plus précieux chez le conjoint imparfait apparaît plus clairement que jamais. Mais c’est aussi une providence amère car la souffrance est double pour celui qui voit son conjoint mourir – et elle est même quadruplée si les deux se voient mourir. C’est pire encore s’ils ont un enfant. 13


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Une seule chair, même dans la mort Ce fut le cas de John et Betty Stam, deux missionnaires de la Mission à l’Intérieur de la Chine. Ils s’étaient rencontrés à l’Institut Biblique Moody et avaient fait le voyage en bateau pour la Chine séparément : Betty en 1931 et John un an plus tard. Reuben A. Torrey célébra leur mariage le 25 octobre 1933, à Tsinan. John avait alors 26 ans et Betty 27. La région dans laquelle ils travaillaient était déjà dangereuse à cause de la guerre civile qui opposait le Parti nationaliste au Parti communiste chinois. Le 11 septembre 1934, Betty donna naissance à Helen Priscilla. Trois mois plus tard, les deux parents furent décapités par les communistes sur une colline près de Miaosheo, tandis que leur bébé Helen se trouvait caché à l’endroit où sa mère l’avait déposé, avec dix dollars sous sa couverture. Geraldine Taylor, belle-fille de Hudson Taylor (le fondateur de la Mission à l’Intérieur de la Chine), a publié le récit du martyre des époux Stam deux ans après leur mort. Chaque fois que je lis cette histoire, je ne peux m’empêcher de pleurer, touché par la beauté et la tragédie des événements qui frappèrent ce couple ainsi que leur enfant. Jamais ce petit enfant ne fut aussi précieux qu’au moment où ils posèrent un dernier regard sur leur bébé si tendre, car le lendemain matin on vint les chercher sans ménagement pour les conduire à la mort. […] Solidement ligotés les mains derrière le dos, vêtus de leurs seuls sous-vêtements et John étant même nu-pieds (il avait laissé ses chaussettes à Betty), ils descendirent la rue où tant d’ habitants connaissaient John, encadrés par les gardes rouges qui leur lançaient des sarcasmes tout en appelant les habitants à venir assister à leur exécution. À l’ instar de leur Seigneur, ils furent conduits en haut d’une colline à l’extérieur de la ville. Là, au milieu des pins, les communistes se mirent à haranguer les habitants qui assistaient malgré eux à la scène, tous étant trop épouvantés pour exprimer la moindre protestation. En fait, non : un 14


Mariage et martyre

homme sortit du rang ! C’ était le médecin du village, qui était lui-même chrétien. Exprimant ce que beaucoup ressentaient, il tomba à genoux et plaida pour la vie de ses amis. Les gardes rouges le repoussèrent avec fureur, mais il persista, si bien qu’ ils s’emparèrent de lui et le jetèrent en prison, avant de le condamner à mort lorsqu’ ils découvrirent qu’ il était lui aussi un disciple du Christ. John s’ était tourné vers le chef des gardes pour lui demander d’avoir pitié de cet homme. Mais on lui ordonna sans ménagement de se mettre à genoux (l’expression de joie qu’on put lire après coup sur son visage témoignait de la Présence invisible de Dieu à leurs côtés au moment où son esprit fut libéré) ; à ce moment-là, Betty trembla, mais seulement le temps d’un instant. Bien que ligotée, elle tomba à genoux à côté de lui. Un ordre bref, l’ éclat d’une lame d’ épée – qu’ heureusement elle ne vit pas venir –, et ils furent réunis3 .

Rien n’est perdu C’est vrai qu’ils furent réunis, mais pas en tant que mari et femme. Car Jésus a dit : « En effet, quand on se relève d’entre les morts, on ne prend ni femme ni mari, mais on est comme des anges dans les cieux » (Marc 12 : 25). Le mariage humain n’existe pas après la mort. L’ombre de l’alliance entre le mari et sa femme fait place à la réalité de l’alliance entre le Christ et son Église glorifiée. Rien n’est perdu. Au contraire, la musique de tous les plaisirs est transposée dans une tonalité infiniment supérieure. Aujourd’hui, Dietrich Bonhoeffer et Maria, tout comme John et Betty Stam, sont plus fortement unis dans l’amour qu’ils n’auraient jamais pu l’être dans le mariage. Ils resplendissent « comme le soleil dans le royaume de leur Père » (Matthieu 13 : 43). Leur magnifique perfection témoigne de la gloire du Christ. Et, dans le monde à

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Mme Howard Taylor, The Triumph of John and Betty Stam (Philadelphie : China Inland Mission, 1936), p. 107-108. Leur petite fille qui avait été cachée fut trouvée par des chrétiens et sauvée.

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venir, leurs corps seront régénérés et toute la création se joindra aux enfants de Dieu dans la joie éternelle (Romains 8 : 21).

La couronne fait le roi, le mariage fait l’unité Au cours du mois qui a suivi son incarcération, et deux ans avant sa mort, Bonhoeffer a écrit, depuis le quartier militaire de la prison berlinoise de Tegel, un texte intitulé « Prédication de mariage depuis une cellule de prison ». Sa prédication était basée sur le verset d’Éphésiens 1 : 12 (LSG) : « […] afin que nous servions à la louange de sa gloire, nous qui d’avance avons espéré en Christ ». Le mariage est plus grand que votre amour réciproque. […] dans votre amour, vous ne voyez que le ciel de votre bonheur personnel, par le mariage vous êtes responsables au milieu du monde et de la communauté des hommes ; votre amour n’appartient qu’ à vous et personnellement, le mariage est quelque chose de supra personnel, il est un état, un ministère. Comme c’est la couronne qui fait le roi et non sa volonté de régner, ainsi c’est le mariage et non votre amour l’un pour l’autre qui fait de vous un couple devant Dieu et devant les hommes4 . Le but de ce livre est d’élargir votre vision du mariage. Comme l’a dit Bonhoeffer, le mariage est plus que l’amour entre deux personnes ; beaucoup plus. La signification du mariage a une portée incommensurable. Et je pèse mes mots. Le mariage consiste à manifester aux yeux de tous l’amour d’alliance entre le Christ et son peuple. Or, cet amour d’alliance a atteint son apogée dans la mort du Christ pour son Église, son épouse. Cette mort était l’expression absolue de la grâce, qui est l’expression absolue de la gloire de Dieu, laquelle a une valeur infinie. Par conséquent, lorsque l’apôtre Paul déclare que notre destin glorieux et suprême est de « célébrer la gloire 4

Dietrich Bonhoeffer, Résistance et soumission : lettres et notes de captivité (Genève : Labor et Fides, 2006), p. 69. Les citations de Bonhoeffer qui figurent sur la page située en regard de chaque chapitre sont tirées de : Résistance et soumission : lettres et notes de captivité, De la vie communautaire (Genève : Labor et Fides, 1998), et Vivre en disciple – Le prix de la grâce (Genève : Labor et Fides, 1985).

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Mariage et martyre

de sa grâce » (Éphésiens 1 : 6), il élève le mariage par-dessus tout, car c’est là que, d’une façon tout à fait singulière, Dieu manifeste aux yeux de tous l’apogée de la gloire de sa grâce : « […] le Christ a aimé l’Église : il s’est livré lui-même pour elle » (Éphésiens 5 : 25).

Étrange entrée en matière pour un livre sur le mariage Parler de martyre peut sembler une bien étrange entrée en matière pour un livre sur le mariage. Si nous vivions dans un autre monde, et si nous avions une Bible différente, je pourrais trouver cela étrange. Cependant, voici ce que la Bible déclare : Désormais, que ceux qui ont une femme soient comme s’ ils n’en avaient pas. 1 Cor inthiens 7 : 29

Si quelqu’un vient à moi et ne déteste pas son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères, ses sœurs et même sa propre vie, il ne peut être mon disciple. Luc 14 : 26

Amen, je vous le dis, il n’est personne qui, ayant quitté, à cause du règne de Dieu, maison, femme, frères, parents ou enfants, ne reçoive beaucoup plus dans ce temps-ci et, dans le monde qui vient, la vie éternelle. Luc 18 : 29-30

Pour moi, ces versets signifient ceci : le mariage est un excellent cadeau de Dieu, mais le monde est sous l’emprise de la chute, le péché y abonde, l’obéissance a un prix, la souffrance est prévisible et « l’homme aura pour ennemis les gens de sa maison » (cf. Matthieu 10 : 36). Il nous est parfois permis de connaître la force des sentiments, des rapports sexuels passionnés et le don précieux des enfants, mais nous ne devons pas nous y cramponner. C’est précisément le message de Dietrich Bonhoeffer. Afin que nous gardions à l’esprit sa vie et son message tout au long de ce livre, je le laisserai s’exprimer brièvement sur la page figurant en regard de chaque début de chapitre. 17


Ce mariage

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L’amour conjugal, la sexualité et les enfants ne sont que des dons de Dieu temporaires. Ils ne feront pas partie de la vie à venir – et nous n’avons même pas l’assurance d’en jouir au cours de notre vie actuelle. Ce ne sont que des éventualités sur le chemin étroit qui mène au Paradis. Le mariage nous amène à passer par des sommets à couper le souffle et par des marais nauséabonds. La vie conjugale rend bien des choses plus douces, mais elle s’accompagne aussi d’amères expériences.

On a réussi ! Le mariage est un cadeau éphémère. J’ai à peine effleuré la surface des bénédictions et blessures de la vie de couple. J’espère que vous approfondirez le sujet. Au moment de la publication de ce livre, Noël et moi passons le cap de nos quarante ans de mariage. Noël est un don de Dieu et je ne la mérite pas. Nous nous disons souvent qu’il y a un côté merveilleux dans le fait de vivre mariés jusqu’à ce que la mort nous sépare. Oh, notre vie à deux n’a pas été exempte de difficultés. Mais nous nous imaginons parfois septuagénaires ou octogénaires (à cet âge-là, le divorce est non seulement un péché mais aussi un acte socialement ridicule) ; nous serons assis l’un en face de l’autre dans notre petit restaurant habituel. Nous sourirons en voyant nos visages ridés, et le cœur rempli d’une profonde gratitude envers Dieu pour sa grâce nous nous dirons : « On a réussi ! » Pour ceux d’entre vous qui n’en sont qu’au début de leur mariage, j’aimerais simplement me joindre à Dietrich Bonhoeffer et vous dire : « Accueillez-vous l’un l’autre… pour la gloire de Dieu. » Ainsi, vous avez entendu la Parole de Dieu concernant votre mariage. Remerciez-le de cela, remerciez-le de vous avoir conduits jusqu’ ici ; priez-le de fonder, de fortifier, de sanctifier et de garder votre vie conjugale ; ainsi, dans votre mariage, vous serez « quelque chose à la louange de sa gloire ». Amen5 . 5

Résistance et soumission : lettres et notes de captivité, p. 72.

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De même que vous vous êtes d’abord donné vous-mêmes vos alliances et que vous les recevez encore une fois maintenant de la main du pasteur, de même l’amour vient de vous, le mariage d’en haut, de Dieu. Autant Dieu est élevé au-dessus des hommes, autant la sainteté, le droit et les promesses du mariage sont au-dessus de la sainteté, du droit et des promesses de l’amour. Ce n’est pas votre amour qui porte votre mariage, mais votre mariage qui porte désormais votre amour. DIETRICH BONHOEFFER Résistance et soumission : lettres et notes de captivité, 69


Chapitre un

Rester fidèle à son conjoint ne signifie pas avant tout rester amoureux l’un de l’autre Le seigneur Dieu dit : Il n’est pas bon que l’homme soit seul ; je vais lui faire une aide qui sera son vis-à-vis. Le seigneur Dieu façonna de la terre tous les animaux de la campagne et tous les oiseaux du ciel. Il les amena vers l’homme pour voir comment il les appellerait, afin que tout être vivant porte le nom dont l’homme l’appellerait. L’homme appela de leurs noms toutes les bêtes, les oiseaux du ciel et tous les animaux de la campagne ; mais, pour un homme, il ne trouva pas d’aide qui fût son vis-à-vis. Alors le seigneur Dieu fit tomber une torpeur sur l’homme, qui s’endormit ; il prit une de ses côtes et referma la chair à sa place. Le seigneur Dieu forma une femme de la côte qu’il avait prise à l’homme, et il l’amena vers l’homme. L’homme dit : Cette fois c’est l’os de mes os, la chair de ma chair. Celle-ci, on l’appellera « femme », car c’est de l’homme qu’elle a été prise. C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère et s’attachera à sa femme, et ils deviendront une seule chair. Ils étaient tous les deux nus, l’homme et sa femme, et ils n’en avaient pas honte. 21

Genèse 2 : 18-25


Ce mariage

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Au cours des siècles, aucune génération n’a jamais eu une conception suffisamment noble du mariage. Comme cela a toujours été le cas, il existe à l’heure actuelle un gouffre gigantesque entre la conception biblique du mariage et celle des hommes. À travers l’histoire, certaines cultures ont néanmoins respecté plus que d’autres l’importance et la permanence du mariage. À l’instar de la société nord-américaine, certaines cultures ont tellement peu d’estime pour le mariage qu’elles adoptent une attitude désinvolte à son sujet, de telle sorte que la conception biblique semble totalement ridicule pour la plupart des gens.

Une conception incompréhensible Certes, c’était aussi le cas à l’époque de Jésus, mais la situation est pire de nos jours. Lorsque Jésus laissa entrevoir la conception magnifique du mariage tel que Dieu le désirait pour son peuple, ses disciples lui répondirent : « Si telle est la condition de l’homme par rapport à la femme, il n’est pas avantageux de se marier » (Matthieu 19 : 10). Autrement dit, la conception que le Christ avait de la signification du mariage était tellement différente de celle des disciples que ceux-ci ne pouvaient même pas imaginer que le mariage puisse être une bonne chose. Ils étaient tout simplement incapables de voir les bienfaits d’une telle conception. Si tel était le cas à l’époque – dans la société juive relativement conservatrice au sein de laquelle ils vivaient –, rien d’étonnant à ce que la splendeur du mariage tel que Dieu l’a voulu semble inconcevable au sein de notre culture occidentale moderne. En effet, l’ego en constitue sa grande idole, l’autonomie sa doctrine préférée et le divertissement son culte fondamental ; ses trois principaux sanctuaires sont la télévision, Internet et le cinéma ; les relations sexuelles désinhibées sont sa génuflexion la plus sacrée. Pour une telle société, la glorieuse conception du mariage présentée par Jésus est quasiment incompréhensible. Après nous avoir dévoilé un tel mystère, Jésus prononcerait probablement les mêmes paroles qu’à l’époque : « Il leur répondit : Tous ne comprennent pas cette parole, 22


Rester fidèle à son conjoint

mais seulement ceux à qui cela est donné. […] Que celui qui peut comprendre comprenne ! » (Matthieu 19 : 11-12).

S’extirper du mirage social Je commence donc par ce postulat : mon propre péché, mon égoïsme et mon asservissement aux valeurs de la société m’empêchent de saisir la merveilleuse raison pour laquelle Dieu a établi le mariage. Le fait que la société dans laquelle nous vivons soit capable de défendre le droit de deux hommes ou deux femmes à avoir des relations sexuelles et – ce qui est absolument ahurissant ! – de qualifier cela de mariage montre à quel point notre culture n’est sans doute plus très loin de sombrer dans la débauche et l’anarchie. Si j’évoque cette perversion du mariage par la société, c’est dans l’espoir que cela éveille en vous un désir d’appréhender une vision du mariage plus digne, plus profonde, plus puissante et plus glorieuse que tout ce que cette culture – et peut-être vousmême – a jamais imaginé ! Sans la révélation divine et sans l’éveil et l’illumination qu’opère le Saint-Esprit, nous sommes tout simplement incapables de concevoir ou de ressentir la splendeur et la gloire du mariage. Jamais ce monde ne pourra comprendre la véritable signification du mariage si ce n’est pas Dieu qui la lui apprend. L’homme naturel est incapable de voir, de concevoir ou de ressentir les merveilles du mariage tel que Dieu l’a voulu. Ma prière est que Dieu se serve de ce livre pour vous libérer de toutes les conceptions du mariage qui sont non bibliques, étriquées, terrestres, égocentriques, qui sont contaminées par la société et polluées par l’amour romantique, qui rejettent le Christ et font la sourde oreille à Dieu. Le fondement le plus important qu’enseigne la Bible à propos du mariage est qu’il est l’œuvre de Dieu. Et le principe suprême qu’elle enseigne à propos du mariage est qu’il a pour but la gloire de Dieu. Ce sont là les deux points sur lesquels je veux insister ici. Le fondement suprême du mariage est qu’il est l’œuvre de Dieu ; et le but suprême du mariage est d’être un reflet de Dieu. 23


Ce mariage

éphémère

1. Le mariage est l’œuvre de Dieu Tout d’abord, le fondement suprême : le mariage est l’œuvre de Dieu. Cette vérité est révélée explicitement ou implicitement au moins de quatre façons en Genèse 2 : 18-25.

a. Le mariage était le dessein de Dieu dès la création Le mariage est l’œuvre de Dieu car c’était son dessein en créant l’être humain, homme et femme. Il est écrit en Genèse 1 : 27-28 : « Dieu créa les humains à son image : il les créa à l’image de Dieu ; homme et femme il les créa. Dieu les bénit ; Dieu leur dit : Soyez féconds, multipliez-vous, remplissez la terre et soumettez-la. » Mais cela apparaît aussi clairement à travers l’enchaînement des faits qui sont relatés au chapitre 2 de la Genèse. Au verset 18, c’est Dieu lui-même qui déclare qu’il n’est pas bon que l’homme soit seul, et c’est aussi lui qui entreprend de parfaire un des principaux objectifs de la création, à savoir l’union de l’homme et de la femme par le mariage : « Il n’est pas bon que l’homme soit seul. Je vais lui faire une aide qui sera son vis-à-vis » (« qui lui convienne parfaitement » – PDV). Ne passez pas à côté de cette déclaration essentielle et capitale : Dieu lui-même va créer un vis-à-vis pour l’homme, un être qui lui conviendra parfaitement – une épouse. Ensuite, il fait passer tous les animaux devant Adam pour qu’il constate qu’aucune créature n’est apte à être sa partenaire. Il fallait que cette créature soit formée spécifiquement à partir de l’homme afin qu’elle soit de la même essence : un être humain tout comme lui créé à l’image de Dieu, selon ce qui est annoncé en Genèse 1 : 27. Et c’est ainsi qu’on peut lire en Genèse 2 : 21-22 : « Alors le seigneur Dieu fit tomber une torpeur sur l’homme, qui s’endormit ; il prit une de ses côtes et referma la chair à sa place. Le seigneur Dieu forma une femme de la côte qu’il avait prise à l’homme ». Dieu a créé la femme. Ce passage se termine aux versets 24 et 25 par ces mots : « […], et ils deviendront une seule chair. Ils étaient tous les deux nus, l’homme et sa femme, et ils n’en avaient pas honte. » Autrement dit, tout cela 24


Rester fidèle à son conjoint

conduit naturellement au mariage. Et c’est la première chose que nous pouvons affirmer concernant le mariage comme œuvre de Dieu : c’était son dessein de créer l’être humain – homme et femme.

b. Dieu a donné la première femme en mariage à son époux Le mariage est aussi l’œuvre de Dieu car il a été le premier Père à donner sa fille en mariage. Genèse 2 : 22 : « Le seigneur Dieu forma une femme de la côte qu’il avait prise à l’homme, et il l’amena vers l’homme. » Il n’a pas caché la femme en demandant à Adam de partir à sa recherche. Il l’a formée ; puis il l’a amenée. Au sens strict, il avait engendré la femme. Voilà donc, alors qu’elle lui appartenait en vertu de son acte de création, Dieu l’a donnée à l’homme afin qu’ils soient unis dans une relation totalement nouvelle appelée mariage, une relation semblable à nulle autre au monde.

c. Dieu a donné naissance au mariage par sa parole Le mariage est donc l’œuvre de Dieu, non seulement parce qu’il a créé la femme dans ce but et qu’il l’a amenée à l’homme à l’image d’un père qui conduit sa fille jusqu’à son mari, mais également parce qu’il a donné naissance au mariage par sa parole. C’est en effet ce qu’il fait au verset 24 : « C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère et s’attachera à sa femme, et ils deviendront une seule chair. » Or, qui parle au verset 24 ? C’est l’auteur de la Genèse. Et de qui s’agit-il d’après Jésus ? Selon lui, c’est Moïse (Luc 24 : 44). Mais Jésus croyait aussi que Moïse était inspiré par Dieu, de telle sorte que les paroles de Moïse étaient celles de Dieu. C’est ce qui apparaît quand on examine de près le passage de Matthieu 19 : 4-5 : « [Jésus] répondit : N’avez-vous pas lu que le Créateur, dès le commencement, les fit homme et femme et qu’il dit [notez bien : Dieu dit !] : C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère et s’attachera à sa femme, et les deux seront une seule chair ». Jésus indique ici que les paroles rapportées en Genèse 2 : 24 sont bien les paroles de Dieu, même si elles ont été écrites par Moïse. 25


Ce mariage

éphémère

Par conséquent, le mariage est l’œuvre de Dieu car c’est lui qui, le premier, a exprimé que c’était son dessein pour l’être humain : « C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère et s’attachera à sa femme, et les deux seront une seule chair. »

d. Dieu les unit pour qu’ils deviennent une seule chair Le quatrième élément montrant que le mariage est l’œuvre de Dieu réside dans le fait que c’est Dieu lui-même qui accomplit l’union désignée par l’expression « devenir une seule chair ». Or, cette union est le fondement de ce que signifie le mariage. Nous avons en Genèse 2 : 24 les mots par lesquels Dieu a institué le mariage. De même que c’est Dieu qui forma la femme à partir de la côte de l’homme (Genèse 2 : 21), c’est lui qui, pour chaque couple, préside et procède à l’union désignée par l’expression une seule chair. Ce n’est pas l’homme qui crée cela, c’est Dieu. Et c’est quelque chose que l’homme n’a pas le pouvoir de détruire. C’est ce que déclare implicitement Genèse 2 : 24, mais Jésus a tenu à l’expliciter en Marc 10 : 8-9. Après avoir cité ce verset 24, Jésus ajoute un commentaire qui retentit tel un coup de tonnerre, révélant toute la gloire du mariage : « […] et les deux seront une seule chair. Ainsi ils ne sont plus deux, mais une seule chair. Que l’homme ne sépare donc pas ce que Dieu a uni ! » Quand des mariés prononcent leurs vœux, l’acteur principal n’est ni l’homme, ni la femme, ni le pasteur, ni les parents. C’est Dieu qui est l’acteur principal. Dieu unit les deux époux, qui deviennent ainsi une seule chair. C’est Dieu qui fait cela. Le monde n’en a pas conscience. Ce qui explique en partie pourquoi le mariage est pris à ce point à la légère. Pire, bien souvent, les chrétiens agissent comme s’ils ne le savaient pas. Et c’est une des raisons pour lesquelles dans l’Église même le mariage n’est pas considéré comme il le devrait, c’est-à-dire comme un acte extraordinaire et merveilleux. Le mariage est l’œuvre de Dieu car c’est lui qui accomplit cette union par laquelle les deux deviennent une seule chair. Voilà donc la vérité fondamentale qu’il faut retenir à propos du mariage : il est l’œuvre de Dieu. Pourquoi ? Parce que : 26


Rester fidèle à son conjoint

a. Le mariage était le dessein de Dieu dès la création b. Dieu a lui-même donné la première épouse en mariage c. Dieu a lui-même donné naissance au mariage par sa parole : tu quitteras tes parents, tu t’attacheras à ta femme et vous deviendrez une seule chair d. Dans chaque mariage, c’est Dieu lui-même qui unit l’homme et la femme afin qu’ils deviennent une seule chair. Quand on prend conscience de ce que la Bible explique, à savoir que Dieu lui-même est l’artisan du mariage, on commence à en percevoir la splendeur. C’est Dieu qui est l’acteur principal. Le mariage vient de lui et se fait par lui. Voilà le fondement suprême qu’il faut bien comprendre à propos du mariage. À présent, passons au but suprême du mariage. En effet, non seulement le mariage vient de lui et se fait par lui, mais il est également pour lui.

2. Le mariage est destiné à glorifier Dieu La Bible enseigne que le but suprême du mariage est la gloire de Dieu. Alors que le fondement suprême du mariage est qu’il est l’œuvre de Dieu, le but suprême du mariage est d’être un reflet de Dieu. Le mariage a en effet été prévu par Dieu pour qu’il manifeste sa gloire comme nul autre événement ou institution. Le meilleur moyen de s’en rendre compte est de faire le lien entre le verset de Genèse 2 : 24 et la façon dont il est cité en Éphésiens 5 : 31-32. Dans la Genèse, Dieu dit : « C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère et s’attachera à sa femme, et les deux seront une seule chair ». De quel type de relation s’agit-il ici ? Qu’est-ce qui unit ces deux êtres ? Peuvent-ils rompre cette relation ? Peuvent-ils aller de conjoint en conjoint ? Leur relation est-elle enracinée dans l’amour romantique ? Dans le désir sexuel ? Dans le besoin d’avoir un compagnon ou dans les convenances culturelles ? De quoi s’agit-il ? Qu’est-ce qui permet à cette relation de durer ? 27


Ce mariage

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Le mystère du mariage dévoilé Dans le passage de Genèse 2 : 24, les expressions « s’attachera à sa femme » et « ils seront une seule chair » orientent nos regards vers quelque chose de beaucoup plus profond et de plus durable que les mariages en série et les adultères occasionnels. Ces mots orientent nos regards vers le mariage comme une alliance sacrée, fondée sur des engagements contractuels pris par les deux époux et censés résister à toutes les tempêtes « jusqu’à ce que la mort les sépare ». Mais cette vérité est exprimée seulement de manière implicite dans ce passage. Elle devient tout à fait explicite lorsque le mystère du mariage est révélé de façon plus précise en Éphésiens 5 : 31-32. L’apôtre Paul cite en effet Genèse 2 : 24 au verset 31 : « C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère pour s’attacher à sa femme, et les deux seront une seule chair. » Puis il en donne cette interprétation absolument capitale au verset 32 : « Il y a là un grand mystère ; je dis, moi, qu’il se rapporte au Christ et à l’Église. » Autrement dit, le mariage est conçu sur le modèle de l’engagement contractuel du Christ envers son Église. Le Christ se considérait comme l’époux venant chercher son épouse, c’est-à-dire le véritable peuple de Dieu (Matthieu 9 : 15 ; 25 : 1 et suiv. ; Jean 3 : 29). Quant à Paul, il savait que son ministère consistait à rassembler l’épouse – à savoir, le véritable peuple de Dieu qui placerait sa confiance dans le Christ. Sa vocation consistait à fiancer l’Église à son époux, Jésus. Voici comment Paul exprime cela en 2 Corinthiens 11 : 2 : « Car j’ai une passion jalouse pour vous, la passion jalouse de Dieu lui-même, parce que je vous ai fiancés à un seul homme, pour vous présenter au Christ comme une vierge pure. » Jésus savait qu’il lui faudrait racheter son épouse avec son propre sang. Il a appelé cette relation la nouvelle alliance : « Cette coupe est l’alliance nouvelle en mon sang, qui est répandu pour vous » (Luc 22 : 20). C’est précisément ce à quoi Paul fait allusion lorsqu’il dit que le mariage est un grand mystère : « je dis, moi, qu’il se rapporte au Christ et à l’Église. » Le Christ a acquis l’Église au prix de son 28


Rester fidèle à son conjoint

sang et il a formé avec elle une nouvelle alliance, un « mariage » indestructible. Nous pouvons donc dire que le but suprême du mariage est la gloire de Dieu. Le mariage existe pour manifester, pour révéler Dieu. Et nous comprenons à présent comment cela fonctionne : le mariage est conçu sur le modèle de la relation d’alliance entre le Christ et son peuple racheté, l’Église. Par conséquent, la signification principale et le but suprême du mariage sont de refléter la relation d’alliance entre le Christ et son Église. Voilà la raison d’être du mariage. Si vous êtes marié, c’est pour cette raison que vous l’êtes ; et si vous espérez l’être un jour, c’est de cela que vous devriez rêver.

Le Christ n’abandonnera jamais son épouse De ce fait, rester fidèle à son conjoint ne signifie pas avant tout rester amoureux de lui. C’est principalement une question de respect de l’alliance contractée. « Jusqu’à ce que la mort nous sépare » ou « tant que nous vivrons » est une promesse d’alliance sacrée – de la même nature que celle que Jésus a faite à son épouse lorsqu’il est mort pour elle. Ainsi, si le divorce et le remariage sont tellement insupportables aux yeux de Dieu, ce n’est pas seulement parce qu’ils supposent la rupture de l’alliance contractée envers le conjoint, mais c’est aussi parce qu’ils dénaturent l’image du Christ et de son alliance. Jésus n’abandonnera jamais son épouse. Jamais. Certes, il peut y avoir des moments d’éloignement pénibles et d’égarement tragiques de notre part, mais le Christ garde son alliance pour toujours. Le mariage est la manifestation de cette alliance aux yeux de tous ! Et c’est la vérité suprême que nous pouvons exprimer à son sujet. Le mariage manifeste la gloire de l’amour d’alliance entre le Christ et l’Église. La conséquence principale de cette conclusion est la suivante : il est aussi important de respecter notre alliance – notre engagement – envers notre conjoint que d’exprimer la vérité au sujet de l’alliance que Dieu a établie avec nous en Jésus-Christ. Le mariage ne consiste pas avant tout à être ou à rester amoureux, mais à déclarer la vérité 29


Ce mariage

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par notre vie. Il s’agit de représenter la vérité concernant Jésus-Christ et la relation qu’il entretient avec son peuple. Il s’agit de manifester la gloire de l’Évangile dans la vie de tous les jours. Jésus est mort pour les pécheurs. Il a forgé une alliance en passant par le creuset des souffrances extrêmes subies à notre place. Il a acquis cette épouse imparfaite au prix de son propre sang et l’a couverte du vêtement de sa justice. Il a déclaré : « Je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde » ; « Je ne te délaisserai jamais, je ne t’abandonnerai jamais » (Matthieu 28 : 20 ; Hébreux 13 : 5). Le mariage a été établi par Dieu afin d’afficher aux yeux de tous cette vérité de l’Évangile dans le monde. C’est la raison pour laquelle nous sommes mariés. C’est la raison pour laquelle tous ceux qui sont mariés le sont, y compris lorsqu’ils ne connaissent pas l’Évangile ou n’y adhèrent pas.

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Sur la destinée de l’homme et de la femme plane l’ombre de la colère de Dieu, pèse un fardeau divin qu’ils doivent porter. La femme mettra au monde ses enfants dans la douleur, et l’homme récoltera beaucoup de chardons et d’épines en pourvoyant à la vie des siens, et travaillera à la sueur de son front. Ce fardeau doit amener l’homme et la femme à invoquer Dieu, et leur rappeler leur destinée éternelle dans son royaume. La communauté terrestre n’est que le début de la communion éternelle, la demeure terrestre l’image de la demeure céleste, la famille terrestre un reflet de la paternité de Dieu envers les hommes, ses enfants. DIETRICH BONHOEFFER Résistance et soumission : lettres et notes de captivité, 71-72


Chapitre deux

Nus sans en avoir honte Ils étaient tous les deux nus, l’homme et sa femme, et ils n’en avaient pas honte. Genèse 2 : 25

Le mariage est quelque chose de merveilleux – de si merveilleux que l’être humain ne peut l’imaginer. Seule la révélation spéciale de Dieu permet de le comprendre, et seule l’œuvre du Saint-Esprit permet d’apprécier à sa juste valeur et d’accueillir pleinement les merveilles qu’il contient. Et si nous avons besoin de l’aide du Saint-Esprit, c’est parce que le merveilleux mystère du mariage est intimement lié au merveilleux mystère de l’Évangile de la croix du Christ. Or, si le message de la croix n’est que folie pour l’homme naturel, il en va de même de la signification du mariage (1 Corinthiens 2 : 14). Par exemple, Richard Dawkins, un athée notoire, a déclaré en 2006 au cours d’un entretien : J’ai fourni […] des arguments convaincants contre l’existence d’un concepteur intelligent surnaturel. Cependant, cette idée me semble avoir du mérite. Elle est, certes réfutable, mais 33


Ce mariage

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assez majestueuse et ambitieuse pour être digne de respect. En revanche, pour ce qui est des dieux de l’Olympe ou d’un Jésus descendant du ciel pour mourir sur la croix, je n’y vois rien d’aussi noble. Cela m’ évoque plutôt une grande étroitesse d’esprit6 . C’est tragique, mais voilà précisément les mots de « l’homme naturel ». Ceux qui ne voient dans le Christ, son incarnation, sa mort, sa résurrection et son autorité sur tout l’univers que le produit d’une étroitesse d’esprit sont incapables de voir le merveilleux mystère de l’Évangile que recèle le mariage. En fait, Jésus est tout sauf limité ! C’est lui qui a créé l’univers (Jean 1 : 3 ; Colossiens 1 : 16) et qui le soutient par sa parole puissante (Hébreux 1 : 3). C’est pour lui qu’a été créé l’univers (Colossiens 1 : 16), et toute la réalité trouve sa raison d’être suprême dans la plus grande mise en évidence de la gloire du Dieu de tout l’univers : la gloire de sa grâce, qui a connu l’apogée de sa manifestation dans la mort du Christ pour la réconciliation des pécheurs avec Dieu (Éphésiens 1 : 6). Il faut être aveugle pour parler d’idées étriquées à propos du Christ et de son œuvre de rédemption. Et pourtant, par la grâce de Dieu, même Dawkins pourrait reconnaître la gloire du Christ dans l’Évangile ainsi que dans sa représentation qu’est le mariage. Car c’est bien un miracle que n’importe lequel d’entre nous a pu reconnaître cette gloire dans l’Évangile ! Dieu seul peut « [briller] dans notre cœur, pour que resplendisse la connaissance de la gloire de Dieu sur le visage du Christ. » (2 Corinthiens 4 : 6). Ma prière est que Dieu révèle la gloire de l’Évangile et la signification du mariage à Richard Dawkins – ainsi qu’à vous. Je suis convaincu qu’il le fera si vous êtes prêt à scruter la Parole de Dieu pour y trouver sa révélation, et à rechercher l’aide du Saint-Esprit afin qu’il vous permette de voir et de savourer la gloire du Christ et de son alliance avec l’Église, conclue au prix de son sang, alliance qui est reflétée dans le mariage. 6

« Dieu vs. Science : Entretien avec Francis Collins et Richard Dawkins », Time, 5 août 2006, http://www.time.com/time/magazine/article/0,9171,1555132-9,00.html.

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Nus sans en avoir honte

Le mariage, œuvre de Dieu à la gloire de Dieu Au chapitre précédent, nous avons vu que le fondement suprême du mariage est qu’il est l’œuvre de Dieu, et que son but suprême est d’être le reflet de Dieu. Si le mariage peut être le reflet de Dieu, c’est en raison de la nouvelle alliance qu’il a établie avec son peuple en Christ. Dans les termes de cette alliance, Dieu promet à tous ceux qui se détournent de leur péché et se tournent vers lui afin de recevoir le Christ comme Sauveur, Seigneur et Trésor suprême de leur vie, de leur pardonner, de les justifier et de les glorifier. Dès le commencement, le mariage entre un homme et une femme a été conçu pour être le reflet et la représentation de cette relation d’alliance conclue au prix du sang du Christ. C’est la raison pour laquelle Paul cite Genèse 2 : 24 : « C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère pour s’attacher à sa femme, et les deux seront une seule chair », avant d’ajouter : « Il y a là un grand mystère ; je dis, moi, qu’il se rapporte au Christ et à l’Église » (Éphésiens 5 : 31-32). Dès le commencement, cet acte qui consiste à quitter ses parents et à s’attacher à sa femme afin de ne faire plus qu’un en formant une nouvelle union, est destiné à exposer à la vue de tous cette nouvelle alliance : le Christ quittant son Père afin de prendre l’Église comme épouse, au prix de sa propre vie, et restant à jamais attaché à elle dans l’union en un seul esprit. C’est par ces mots – « un seul esprit » – que Paul désigne en 1 Corinthiens 6 : 16-17 l’état qui fait pendant à « une seule chair ». Il se trouve que, dans ce passage, il traite du problème de la prostitution et non du mariage. Son propos est de démontrer que notre union avec le Christ rend toute union avec une prostituée inconcevable. Il écrit : Ne savez-vous pas que votre corps fait partie du corps du Christ ? Prendrai-je donc des parties du corps du Christ pour en faire des parties d’un corps de prostituée ? Jamais de la vie ! Ne savez-vous pas que celui qui s’attache à la prostituée est un seul 35


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corps avec elle ? En effet, il dit : Les deux seront une seule chair. Mais celui qui s’attache au Seigneur est avec lui un seul Esprit. (1 Corinthiens 6 : 15-17) Je ne pense pas que Paul veuille dire par là qu’un homme qui a eu des rapports sexuels avec des prostituées au cours de sa vie se retrouve marié à chacune d’elles. Jésus lui-même a dit à la femme qui avait eu « cinq maris » : « Celui que tu as maintenant n’est pas ton mari » (Jean 4 : 18). En d’autres termes, les rapports sexuels ne suffisaient pas pour constituer un mariage. Comme son nom l’indique, la prostitution est une exploitation des privilèges du mariage. De ce fait, cette pratique est la corruption d’une institution profondément sacrée. Paul utilise les expressions « un seul corps » et « une seule chair » pour montrer l’ignoble trahison de ce que ces mots sont censés signifier. C’est comme s’il disait : vous profanez l’acte de l’union sexuelle, qui est la concrétisation de cette seule chair et de ce seul corps dans les liens du mariage – c’est-à-dire quelque chose de profond et de spirituel. Cependant, vous exprimez cette réalité implicitement sacrée avec une prostituée ! L’enveloppe de l’union est bien présente, mais pas le sens d’alliance ou d’engagement qu’elle doit revêtir. Ce qui ressort de ce passage, c’est principalement que Paul considère l’union contractée par deux époux comme étant conçue par Dieu pour refléter et exposer à la vue de tous l’union spirituelle entre le Christ et l’Église. D’où sa formulation : « Celui qui s’attache au Seigneur est avec lui un seul Esprit. » C’est pourquoi je soutiens que rester fidèle à son conjoint ne signifie pas avant tout rester amoureux de lui. Rester marié est d’abord une question de respect de l’alliance contractée. Si un des conjoints tombe amoureux de quelqu’un d’autre, la réaction profondément légitime de la part du conjoint meurtri et de l’Église devrait être : « Et alors ! Ce qui compte, ce n’est pas que tu sois “amoureux” de quelqu’un d’autre. Ce qui compte, c’est que tu respectes ton engagement. » 36


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Il est temps à présent d’étudier plus en détail en quoi consiste et ce que signifie le respect de l’alliance ou de son engagement.

Nus sans en avoir honte Afin d’ancrer le mariage plus solidement encore dans la Parole de Dieu, nous allons à présent nous attarder sur un verset que nous avons passé sous silence au chapitre précédent : Genèse 2 : 25. Après avoir déclaré au verset 24 : « C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère et s’attachera à sa femme, et ils deviendront une seule chair », l’auteur précise au verset 25 : « Ils étaient tous les deux nus, l’homme et sa femme, et ils n’en avaient pas honte. » Quel est le sens de ce verset ? Parmi les raisons possibles expliquant leur absence de honte, considérons les deux hypothèses suivantes. La première hypothèse tient au fait qu’ils avaient tous les deux un corps parfait. Souvenezvous que ce récit se déroule avant la chute de la création, c’est-à-dire avant qu’elle ne sombre dans le péché et la vanité. Leur corps avait été formé par Dieu lui-même. Par conséquent, leur apparence étant parfaite, ils n’avaient aucune raison de craindre que leur conjoint y trouve quoi que ce soit à redire. En d’autres termes, ils étaient dépourvus de honte parce qu’absolument rien ne justifiait qu’ils aient honte de quoi que ce soit. Mais est-ce le sens principal de ce verset ? Cet argument est certainement pertinent. Après avoir créé l’homme, Dieu déclara que tout était « très bon » (Genèse 1 : 31). L’homme et la femme étaient donc d’une beauté parfaite. Ils n’avaient ni imperfection ni défaut. Mais est-ce vraiment le sens de Genèse 2 : 25 ? J’en doute – et ce, pour trois raisons.

Pas à cause de corps parfaits Premièrement, quelle que soit la beauté de son conjoint, il suffit d’être de mauvaise humeur, égoïste ou désagréable pour faire des remarques qui le mettent mal à l’aise. Pour n’éprouver aucune honte dans une relation conjugale il ne suffit pas d’avoir un physique parfait ; il faut aussi que la personne qui pose le regard sur vous ait une droiture morale et soit bienveillante. Sans quoi elle pourra toujours trouver 37


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le moyen de vous couvrir de honte. Donc, la perfection physique ne suffit pas à elle seule à éliminer toute possibilité d’humiliation. Deuxièmement, le but de Genèse 2 : 24-25 est d’établir un fondement de sagesse sur lequel puisse s’appuyer le mariage bien après la chute de l’homme. Cela apparaît clairement dans l’usage que Jésus fait du verset 24. C’est en effet là-dessus qu’il fonde son argumentation lorsqu’il déclare : « Que l’homme ne sépare donc pas ce que Dieu a uni » (Marc 10 : 9). Autrement dit, ce que Dieu a révélé en Genèse 2 : 24-25 conserve toute sa pertinence longtemps après la chute. Par conséquent, la question ne semble pas liée principalement à la situation d’avant la chute, c’est-à-dire à la perfection des corps. Troisièmement, c’est le verset 24 (s’attacher à sa femme en ne formant qu’une seule chair) qui crée la relation au sein de laquelle le verset 25 peut devenir réalité (nus sans en avoir honte). D’ailleurs, l’accent est mis sur l’alliance conclue au verset 24 : ces deux êtres s’attachent l’un à l’autre en formant une relation nouvelle au sein de laquelle ils deviennent une seule chair, et ce n’est pas une simple expérience ! Il s’agit d’un nouveau type d’union durable ancrée dans un engagement contractuel. C’est cela, et non la beauté parfaite, qui crée les conditions d’un couple où la honte n’a pas sa place.

Grâce à « l’amour d’alliance » Considérons à présent une deuxième hypothèse. Il me semble que ce n’est pas tant l’absence d’imperfection physique qui est mise en avant, mais bien davantage la plénitude de l’amour d’alliance, l’amour qui existe au sein de l’alliance qui les unit. Autrement dit, on peut imaginer deux raisons expliquant que je sois dépourvu de tout sentiment de honte : la première (qui est concevable, mais tout à fait irréaliste) est qu’étant parfait je n’ai aucune raison d’avoir honte. La deuxième est que, bien qu’imparfait, je ne crains nullement le regard désapprobateur de mon conjoint. Ainsi, dans le premier cas, c’est la perfection qui explique l’absence de honte ; dans le deuxième, c’est la nature bienveillante de l’amour d’alliance. D’un côté il n’y a aucune honte parce que la personne est totalement dénuée de défaut ; de l’autre il n’y a aucune 38


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honte parce que l’amour d’alliance couvre une foule de défauts (cf. 1 Pierre 4 : 8 ; 1 Corinthiens 13 : 6). Je sais qu’en Genèse 2 : 25 la chute ne s’est pas encore produite. Il n’y a donc aucun péché, aucun défaut, à couvrir. Cependant, je tiens à faire remarquer que si le verset 25 semble être la suite logique du verset 24, c’est parce que la relation d’alliance qu’établit le mariage a été conçue dès le commencement pour être le principal fondement de l’absence de honte. Il paraît logique que, tant que le péché n’était pas entré dans le monde avec toute la corruption physique et morale qu’il a entraînée, Adam et Ève n’avaient nullement besoin de pratiquer leur amour d’alliance afin de couvrir les éventuels péchés ou défauts de l’autre. En revanche, Dieu avait bel et bien prévu que cet amour serait un jour pratiqué au sein du couple marié. Dès le commencement, le mariage a été conçu pour mettre en évidence la nouvelle alliance entre le Christ et son Église. C’est ce que nous avons vu en Éphésiens 5 : 31-32. L’essence même de cette nouvelle alliance est que le Christ ne tient pas compte des péchés de son épouse. Celle-ci est dépourvue de tout sentiment de honte, non pas parce qu’elle serait parfaite, mais parce qu’elle n’a aucune crainte que son bien-aimé la condamne ou la couvre de honte à cause de son péché. Voilà pourquoi la doctrine de la justification par la grâce au moyen de la foi est un des fondements indispensables pour que le mariage fonctionne tel que Dieu l’a prévu. La justification produit la paix avec Dieu (relation verticale), et ce en dépit de notre péché. Et lorsqu’elle est vécue au sein du mariage (relation horizontale), elle produit une paix totalement dépourvue de honte entre un homme imparfait et une femme imparfaite. Nous nous attarderons plus longuement sur cet aspect au chapitre trois.

Une déclaration d’indépendance Mais finissons d’abord d’étudier ce qu’enseignent les chapitres 2 et 3 de la Genèse sur la nudité et la honte. En Genèse 2 : 17, Dieu avait dit à Adam : « Tu ne mangeras pas de l’arbre de la connaissance de ce qui est bon ou mauvais, car le jour où tu en mangeras, 39


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tu mourras. » Pour moi, cette « connaissance de ce qui est bon ou mauvais » fait référence à un statut d’indépendance vis-à-vis de Dieu, en vertu duquel Adam et Ève décideraient par eux-mêmes, sans tenir compte de Dieu, ce qui est bien et ce qui est mal. Ainsi, manger du fruit de cet arbre équivaudrait à une déclaration d’indépendance par rapport à Dieu. Et c’est précisément ce qui arrive en Genèse 3 : 4-6 : Alors le serpent dit à la femme : […] Dieu le sait : le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront et vous serez comme des dieux qui connaissent ce qui est bon ou mauvais. La femme vit que l’arbre était bon pour la nourriture et plaisant pour la vue, qu’il était, cet arbre, désirable pour le discernement. Elle prit de son fruit et en mangea ; elle en donna aussi à son mari qui était avec elle, et il en mangea. Le verset 7 décrit les conséquences immédiates de cet acte de rébellion contre Dieu qui prit la forme d’une déclaration d’indépendance : « Leurs yeux à tous les deux s’ouvrirent, et ils surent qu’ils étaient nus. Ils cousirent des feuilles de figuier pour se faire des pagnes. » Qu’est-ce que cela signifie ? Tout à coup, Adam et Ève prennent conscience de leurs corps et se sentent mal à l’aise. Avant de se rebeller contre Dieu, ils n’éprouvaient pas la moindre honte ; désormais, de toute évidence, ils ont honte. Pourquoi ? Il n’y a aucune raison de penser qu’ils seraient devenus tout à coup repoussants. Le texte ne met pas du tout l’accent sur cet aspect. Ce n’est pas leur laideur qui est mise en avant ici, pas plus que le verset de Genèse 2 : 25 ne mettait en avant leur beauté. Alors, pourquoi cette honte ? Parce que le fondement de l’amour d’alliance a volé en éclats. Et, de ce fait, la douce et rassurante sécurité du mariage a disparu à jamais.

Le fondement de l’amour d’alliance Le fondement sur lequel repose l’amour d’alliance entre un homme et une femme est l’alliance intacte qui relie chacun d’eux à Dieu – alliance aux termes de laquelle Dieu les dirige pour leur propre bien, 40


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tandis qu’ils jouissent de la relation de sécurité et de confiance totales qu’ils entretiennent avec lui. Lorsqu’Adam et Ève ont mangé du fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, cette alliance a été rompue et le fondement de leur alliance l’un avec l’autre a été détruit. Cela s’est traduit immédiatement par la corruption de leur propre amour d’alliance l’un envers l’autre. Cette rupture s’est produite à deux niveaux, et nous le vivons de la même manière aujourd’hui. Dans les deux cas il s’agit du sentiment de honte. Premièrement, comme celui qui est témoin de ma nudité n’est plus entièrement digne de confiance, je crains d’être humilié. Deuxièmement, comme je ne suis plus moi-même en paix avec Dieu, et que je me sens coupable, corrompu et indigne, je mérite d’avoir honte. Examinons chacun de ces phénomènes.

Vulnérable à la honte Premier phénomène : je suis mal à l’aise avec mon corps et susceptible d’éprouver de la honte parce que je suis conscient qu’Ève a choisi l’indépendance vis-à-vis de Dieu. Elle a pris la place de Dieu au centre de toutes choses. En gros, elle est désormais quelqu’un d’égoïste. À partir de ce jour, elle pensera d’abord à elle-même. Elle ne veut plus servir l’autre. Je ne suis plus en sécurité auprès d’elle. Et je me sens vulnérable en sa présence puisque rien ne l’empêche de me rabaisser si cela lui permet de s’élever. C’est pourquoi, tout à coup, ma nudité me met en danger. Je n’ai plus l’assurance qu’elle m’aime d’un amour pur et résolu à tenir ses engagements. Voilà une première source de honte et de gêne.

La rupture de l’alliance avec Dieu La deuxième source de honte est qu’Adam lui-même, et pas seulement sa compagne, a rompu l’alliance avec Dieu. Si elle est rebelle, égoïste et donc une menace pour moi, je le suis également. Cependant, je le ressens d’une autre façon : je me sens corrompu, coupable et indigne. Et c’est en effet ce que je suis ! Avant la chute, il n’y avait aucune différence entre ce qui était et ce qui aurait dû être. Mais, désormais, il y a une différence entre ce qui est et ce qui devrait être. 41


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Ainsi, je devrais me soumettre à Dieu avec humilité et avec joie, mais je ne le fais pas. Ce fossé énorme entre ce que je suis et ce que je devrais être affecte chaque aspect de ma vie, y compris la manière dont je me sens par rapport à mon corps. Et donc, ma femme aurait beau être la personne la plus sûre au monde, le sentiment de culpabilité et d’indignité qui m’habite désormais crée en moi de la vulnérabilité. À présent, la nudité toute simple et sans détour de l’innocence semble en décalage avec l’être coupable que je suis. J’éprouve alors de la honte. La honte engendrée par la nudité a donc deux causes, et chacune d’elles découle de la destruction du fondement sur lequel reposait l’amour d’alliance qui caractérisait notre relation avec Dieu. En premier lieu, je ne peux plus faire confiance à Ève pour me chérir ; elle est devenue égoïste et je me sens vulnérable face à ses tentatives de me rabaisser pour parvenir à ses fins égoïstes. Deuxièmement, je sais déjà que je suis moi aussi coupable, et la nudité de l’innocence est en contradiction avec mon indignité, donc j’éprouve de la honte.

Ils se vêtirent Genèse 3 : 7 indique qu’Adam et Ève essayèrent de faire face à cette nouvelle situation en se fabriquant des vêtements : « Ils cousirent des feuilles de figuier pour se faire des pagnes. » Par la suite, au verset 21, Dieu se chargea de leur fabriquer de meilleurs vêtements à partir de peaux d’animaux : « Le seigneur Dieu fit à l’homme et à sa femme des habits de peau, dont il les revêtit. » Que doit-on en conclure ? Les efforts d’Adam et Ève pour se vêtir étaient en fait motivés par leur péché : ils cherchaient à dissimuler ce qui s’était vraiment passé. De plus, ils tentèrent d’échapper au regard de Dieu (Genèse 3 : 8). Ils avaient perdu leur innocence car ils s’étaient rebellés contre Dieu. Leur nudité leur semblait trop impudique et ils se sentaient désormais trop vulnérables. C’est pourquoi ils essayèrent de combler l’écart entre ce qu’ils étaient et ce qu’ils auraient dû être en dissimulant la réalité et en se présentant sous un aspect nouveau. Cette 42


Nus sans en avoir honte

attitude fut le tout premier acte d’hypocrisie, et la première tentative de tromperie – qui fut un échec total.

Puis Dieu les vêtit Comment faut-il comprendre le fait que Dieu revêtit Adam et Ève de peaux d’animaux ? Était-ce une façon de cautionner leur hypocrisie ? Était-il complice de leur stratagème, voire l’encourageait-il ? S’ils étaient nus et sans honte avant la chute, et s’ils s’étaient couverts dans le but de réduire au maximum leur honte après la chute, alors comment se fait-il que Dieu les ait vêtus encore mieux qu’ils ne l’avaient fait eux-mêmes ? Il me semble qu’il envoie par là un double message : positif et négatif. Le message négatif est le suivant : vous n’êtes plus ce que vous étiez auparavant, vous n’êtes pas non plus ce que vous devriez être, et l’abîme entre les deux est immense. La bonne réaction est effectivement de vous couvrir de vêtements – non pas pour dissimuler la réalité, mais pour la confesser. Dorénavant, vous vous vêtirez, non pas pour dissimuler le fait que vous n’êtes pas ce que vous devriez être, mais pour le confesser. Il en découle une conséquence concrète : la nudité pratiquée en public aujourd’hui n’est nullement un retour à l’innocence, mais un acte de rébellion contre la réalité de notre condition morale. Dieu prescrit les vêtements en témoignage de la gloire que nous avons perdue ; c’est un acte supplémentaire de rébellion que de les enlever7. Quant à ceux qui se rebellent dans l’autre sens en faisant des vêtements un instrument de pouvoir et de prestige destiné à attirer l’attention sur eux, la réponse biblique à leur égard est un retour non 7

En réponse à la question concernant les cultures où la nudité est normale, je dirai deux choses. D’abord, il existe un certain degré de relativisme quant à ce qui est considéré comme décent ou obscène d’une culture à l’autre. Deuxièmement, la nudité totale en tant que norme est extrêmement rare parmi les différentes cultures à travers le monde. À la lumière de ce qui est relaté en Genèse 3, je dirais que cette « normalité » qui existe dans ces rares cultures est un signe non pas d’innocence ni d’approbation divine, mais plutôt de désordre. À mesure que ces cultures seront amenées à une plus grande connaissance de Dieu et de sa Parole, ce qui leur semblait normal ne le sera plus, et je ne crois pas que cette évolution sera uniquement le résultat de pratiques imposées par l’Occident.

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Ce mariage

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pas à la nudité, mais à la simplicité (1 Timothée 2 : 9-10 ; 1 Pierre 3 : 4-5). Le but des vêtements n’est pas d’attirer l’attention sur ce qu’ils recouvrent, mais au contraire sur ce qui n’est pas recouvert : c’est-à-dire des mains miséricordieuses qui servent les autres au nom du Christ, des pieds magnifiques qui vont annoncer l’Évangile partout où il le faut, et l’éclat d’un visage qui a contemplé la gloire de Jésus.

La signification des vêtements En fait, nous sommes déjà passés à la signification plus positive des vêtements, qui était celle voulue par Dieu lorsqu’il revêtit Adam et Ève de peaux d’animaux. Ces vêtements n’étaient pas seulement censés témoigner de la gloire que nous avons perdue et confesser que nous ne sommes pas ce que nous devrions être ; ils devaient également témoigner de l’œuvre que Dieu accomplirait lui-même un jour en nous. En effet, Dieu rejeta les vêtements qu’Adam et Ève s’étaient fabriqués, puis il les vêtit lui-même. C’est sa miséricorde qu’il leur manifesta à travers ces vêtements de qualité supérieure. En plus des autres signes d’espoir présents dans ce récit (comme la défaite du serpent en Genèse 3 : 15), la miséricorde de Dieu préfigure ici le jour où il résoudra le problème de notre honte de manière décisive et définitive. Il le fera par le sang de son propre Fils (à l’image du sang qui fut sans doute versé lors de la mise à mort des animaux dont la peau fut utilisée), mais aussi en nous revêtant de la justice et de l’éclat de sa gloire (Galates 3 : 27 ; Philippiens 3 : 21). Nos vêtements sont donc à la fois le signe de nos échecs passés et présents, mais aussi de notre gloire à venir. Ils témoignent de l’abîme qui existe entre ce que nous sommes et ce que nous devrions être. Et ils sont également le témoignage du dessein miséricordieux de notre Dieu, qui est de combler ce fossé par Jésus-Christ et sa mort pour nos péchés. Dieu va résoudre le problème de la peur, de l’orgueil, de l’égoïsme et de la honte entre l’homme et la femme grâce à sa nouvelle alliance établie au prix du sang du Christ. Fait absolument incroyable, c’est précisément dans le contexte de la rupture de l’alliance entre Dieu et l’homme, et de la rupture de l’alliance entre les deux époux Adam et Ève, que Dieu dans sa 44


Nus sans en avoir honte

miséricorde annonce la rédemption que le mariage est lui-même destiné à mettre en évidence. Le but du mariage comme présentation à la vue de tous de la miséricorde de Dieu n’est pas une idée qui lui serait venue après coup. Dieu n’a pas été obligé de redéfinir le mariage à la suite de la chute. Il savait parfaitement ce qu’il avait créé en Genèse 2 : 24 et il savait aussi ce qui arriverait en Genèse 3. La création du mariage, l’effondrement du mariage et la rédemption du mariage, tout cela est destiné à nous montrer la finalité du mariage. La raison d’être du mariage est d’afficher l’amour du Christ – un amour plein de miséricorde qui s’inscrit dans une alliance – et la fidélité de son épouse. Au chapitre suivant, nous allons donc étudier comment le mari et la femme incarnent l’Évangile de la nouvelle alliance – celui de la justification par la foi seule – afin de créer un environnement sécurisé et sacré au sein duquel on peut à nouveau dire : « Ils étaient tous les deux nus, l’homme et sa femme, et ils n’en avaient pas honte. »

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La communauté des chrétiens est le fruit de la justification de l’être humain par la seule grâce de Dieu, telle qu’elle est annoncée par la Bible et les Réformateurs. C’est ce message qui fonde le besoin que les chrétiens ont les uns des autres. DIETRICH BONHOEFFER De la vie communautaire, 27-28

En un mot : vivez ensemble dans le pardon de vos péchés, sans lequel aucune communauté humaine, et le mariage moins que tout autre, ne peut subsister. DIETRICH BONHOEFFER Résistance et soumission : lettres et notes de captivité, 72


Chapitre trois

La grâce de l’alliance exposée à la vue de tous Vous qui étiez morts du fait de vos fautes et par l’incirconcision de votre chair, il vous a rendus vivants avec lui, en nous faisant grâce pour toutes nos fautes ; il a effacé l’acte rédigé contre nous en vertu des prescriptions légales, acte qui nous était contraire ; il l’a enlevé en le clouant à la croix ; il a dépouillé les principats et les autorités, et il les a publiquement livrés en spectacle, en les entraînant dans son triomphe. Ainsi donc, vous qui êtes choisis par Dieu, saints et bien-aimés, revêtez-vous d’une tendresse magnanime, de bonté, d’humilité, de douceur, de patience. Supportez-vous les uns les autres et faites-vous grâce, si quelqu’un a à se plaindre d’un autre ; comme le Seigneur vous a fait grâce, vous aussi, faites de même. Mais par-dessus tout, revêtez-vous de l’amour, qui est le lien parfait. Que la paix du Christ, à laquelle vous avez été appelés en un seul corps, règne dans votre cœur. Soyez reconnaissants ! Que la parole du Christ habite en vous avec toute sa richesse ; instruisez-vous et avertissez-vous en toute sagesse, par des cantiques, des hymnes, des chants spirituels ; dans la grâce, chantez à Dieu de tout votre cœur. Quoi que vous fassiez, en parole ou 47


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en œuvre, faites tout au nom du Seigneur Jésus, en rendant grâce par lui à Dieu, le Père. Femmes, soyez soumises à votre mari, comme il convient dans le Seigneur. Maris, aimez votre femme, et ne vous aigrissez pas contre elle. Colossiens 2 : 13-15 ; 3 : 12-19

Nous avons vu au cours des deux premiers chapitres que le fondement suprême du mariage est qu’il est l’œuvre de Dieu, et que son but suprême est d’être le reflet de Dieu. Ces deux vérités sont formulées par Moïse en Genèse 2. Toutefois, Jésus et Paul les expriment de façon encore plus explicite dans le Nouveau Testament.

Jésus : le mariage est l’œuvre de Dieu En Marc 10 : 6-9, Jésus déclare on ne peut plus clairement que le mariage est l’œuvre de Dieu : « Mais au commencement de la création, "Dieu les fit homme et femme" [Genèse 1 : 27] ; "c’est pourquoi l’ homme quittera son père et sa mère et s’attachera à sa femme, et les deux seront une seule chair" [Genèse 2 : 24]. Ainsi ils ne sont plus deux, mais une seule chair. Que l’ homme ne sépare donc pas ce que Dieu a uni ! » Ce passage est celui qui, dans toute la Bible, affirme le plus clairement que le mariage n’est pas une simple invention humaine. En effet, les mots « ce que Dieu a uni » signifient clairement que c’est l’œuvre de Dieu.

Paul : le mariage est le reflet de Dieu Quant à Paul, il déclare on ne peut plus clairement que le mariage a pour but d’être le reflet de Dieu. En Éphésiens 5 : 31-32, il cite Genèse 2 : 24, avant de nous révéler le mystère que le mariage recèle de tout temps : « C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère pour s’attacher à sa femme, et les deux seront une seule chair. Il y a là un grand mystère ; je dis, moi, qu’il se rapporte au Christ et à l’Église. » 48


La grâce de l’alliance exposée

Autrement dit, l’alliance formée entre deux êtres qui quittent leur père et leur mère et s’attachent à leur conjoint pour ne devenir qu’une seule chair est une représentation de l’alliance entre le Christ et son Église. La raison d’être suprême du mariage est bien de refléter l’amour d’alliance entre le Christ et son Église.

Un « modèle réduit » de la relation entre le Christ et l’Église J’ai demandé à Noël, mon épouse, si elle pensait que je devrais ajouter quelque chose à ce stade quand je prêche sur ce thème. Elle m’a répondu : « On n’insistera jamais assez sur le fait que le mariage est un modèle réduit de la relation entre le Christ et l’Église. » Je pense qu’elle n’a pas tort, et ce pour au moins trois raisons. D’abord, cela permet de détacher le mariage des images inconvenantes véhiculées par les sitcoms et de lui redonner la signification merveilleuse que Dieu lui a initialement conférée. Ensuite, cela ancre solidement le mariage dans la grâce, puisque c’est uniquement par la grâce que le Christ a acquis son épouse et qu’il la soutient. Enfin, cela montre que le rôle de chef du mari et la soumission de la femme sont des principes cruciaux ancrés dans la croix. Je veux dire par là que, tout en étant contenus dans la signification même du mariage en tant que représentation de la relation entre le Christ et l’Église, ils doivent, tous les deux, être définis par le sacrifice accompli par Jésus sur la croix, de manière à ce que l’orgueil et la servitude soient bannis. Nous avons consacré les deux chapitres précédents à la première de ces raisons : rappeler le fondement du mariage, qui est destiné à refléter l’amour d’alliance de Dieu. Le mariage est l’alliance entre un homme et une femme, aux termes de laquelle ils s’engagent tous les deux à demeurer fidèles l’un à l’autre en tant que mari et femme, dans une nouvelle union où ils ne font qu’une seule chair jusqu’à ce que la mort les sépare. Cette alliance, qui est scellée par des vœux solennels, est destinée à exposer à la vue de tous la grâce que Dieu offre à l’homme en vertu de son alliance. 49


Ce mariage

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Un ancrage solide dans la grâce J’ai intitulé ce chapitre « La grâce de l’alliance exposée à la vue de tous ». Nous arrivons donc à la deuxième raison pour laquelle il me semble que la réflexion de Noël était tout à fait pertinente : cela ancre solidement le mariage dans la grâce, puisque c’est uniquement par la grâce que le Christ s’est acquis son épouse et qu’il la soutient. Le point essentiel de ce chapitre est en effet le suivant : puisque la nouvelle alliance que le Christ a établie avec son Église a été créée et est maintenue en état par la grâce acquise par son sang, c’est la grâce de cette nouvelle alliance que les mariages humains doivent exposer à la vue de tous. Pour cela, le mari et la femme doivent s’appuyer sur l’expérience de la grâce de Dieu et transposer la relation verticale qu’ils vivent avec Dieu en relation horizontale avec leur conjoint. Il s’agit ainsi de vivre en s’en remettant à tout moment avec joie au pardon de Dieu, à sa justification et à sa promesse de grâce à venir, tout en transposant cela à tout moment sur son conjoint, comme une extension du pardon de Dieu, de sa justification et de l’aide qu’il promet.

Le rôle central de la grâce qui pardonne et qui justifie J’ai bien conscience que tous les chrétiens, et pas seulement ceux qui sont mariés, sont censés agir de la sorte dans toutes leurs relations. Chacun de nous, marié ou célibataire, est censé vivre à tout moment dans la grâce de Dieu qui pardonne, justifie et pourvoit à tous les besoins, et la transposer ensuite à son prochain. Jésus a dit que c’est notre vie tout entière – et pas seulement notre mariage – qui doit être un reflet de la gloire de Dieu. « Que votre lumière brille ainsi devant les gens, afin qu’ils voient vos belles œuvres et glorifient votre Père qui est dans les cieux » (Matthieu 5 : 16). Paul nous a exhortés dans le même sens : « Ainsi, soit que vous mangiez, soit que vous buviez, ou quoi que vous fassiez, faites tout pour la gloire de Dieu » (1 Corinthiens 10 : 31). Toute notre vie est censée 50


La grâce de l’alliance exposée

mettre en évidence la gloire de Dieu, y compris la gloire de sa grâce pleinement suffisante. Cependant, le mariage est conçu pour refléter d’une façon tout à fait singulière la grâce promise par Dieu car, contrairement à toutes les autres relations humaines, le mari et la femme sont liés l’un à l’autre par un engagement pour la vie dans la relation la plus intime qui puisse exister. Cette relation implique des fonctions bien précises d’autorité et de soumission, sur lesquelles nous ne nous attarderons pas dans ce chapitre. Nous y viendrons plus tard8. Pour l’instant, je souhaite considérer le mari et la femme simplement comme des chrétiens. Car avant de pouvoir vivre leurs fonctions respectives d’autorité et de soumission selon la Bible et avec miséricorde, l’homme et la femme doivent d’abord découvrir ce que signifie bâtir sa vie sur l’expérience verticale du pardon de Dieu, de sa justification et de l’aide qu’il promet, puis transposer cette expérience à leur conjoint sur le plan horizontal. Voilà ce que nous allons étudier plus longuement dans ce chapitre. On pourrait aussi dire, pour reprendre l’image utilisée au chapitre précédent : pour que le mari et la femme puissent être nus sans en avoir honte (Genèse 2 : 25) – alors qu’en fait il y a bien des choses dont ils devraient avoir honte –, ils doivent au plan vertical faire l’expérience de la grâce de Dieu qui pardonne et justifie, la transposer l’un vers l’autre au plan horizontal et l’exposer à la vue du monde.

Le mariage est-il visé par la colère de Dieu ? Voyons brièvement sur quoi se fonde cette vérité dans l’épître aux Colossiens. Commençons par ce verset : « C’est pour cela que la colère de Dieu vient » (Colossiens 3 : 6). Si vous dites : « J’ai déjà assez de problèmes de couple comme ça, alors ne me parlez pas de la colère de Dieu ! », vous êtes comparable à un pêcheur indonésien dépité qui aurait dit le 26 décembre 2004 : « Mon entreprise de pêche bat déjà de l’aile, alors ne me parlez pas de tsunami ! » 8

Voir les chapitres 6–8.

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En vérité, nombreux sont les couples qui ont justement besoin d’avoir profondément conscience de la colère de Dieu et de la craindre, car sans cela l’Évangile est réduit à de simples relations humaines et perd sa gloire biblique. À moins d’avoir une perspective biblique de la colère de Dieu, vous serez tenté de penser que votre colère contre votre conjoint est tout simplement impossible à dominer, parce que vous n’avez jamais vraiment fait l’expérience de voir la grâce l’emporter sur une colère infiniment plus grande – celle de Dieu à votre égard. Examinons donc tout d’abord la colère de Dieu et la manière dont elle a été apaisée. En Colossiens 2 : 13-14, Paul déclare quelque chose d’absolument merveilleux : Vous qui étiez morts du fait de vos fautes et par l’incirconcision de votre chair, il vous a rendus vivants avec lui [le Christ], en nous faisant grâce pour toutes nos fautes ; il a effacé l’acte rédigé contre nous en vertu des prescriptions légales, acte qui nous était contraire ; il l’a enlevé en le clouant à la croix. Ces derniers mots sont les plus importants. Cet acte rédigé contre nous – c’est-à-dire la dette qui pesait sur nous –, Dieu l’a effacé en le clouant à la croix. Quand cela s’est-il produit ? Il y a deux mille ans. Cet événement ne s’est pas produit en nous, et certainement pas grâce à nous. C’est Dieu qui l’a accompli pour nous et à l’extérieur de nous, avant même notre naissance. Voilà qui donne à notre salut un caractère totalement objectif. Ne passez surtout pas à côté de cette vérité des plus merveilleuses et stupéfiantes : Dieu a pris la liste de tous vos péchés, en vertu de laquelle vous méritiez la colère divine (car les péchés sont des offenses à Dieu qui provoquent sa colère), et au lieu de vous la brandir devant la figure et de l’invoquer comme raison pour vous envoyer en enfer, il les a inscrits sur la paume de la main de son Fils et les a cloués à la croix. Il s’agit là d’une affirmation audacieuse et imagée : il a effacé l’acte rédigé contre nous […] en le clouant à la croix (Colossiens 2 : 14). 52


La grâce de l’alliance exposée

Quels sont les péchés qui ont été cloués à la croix ? Les miens. Et ceux de mon épouse. Oui, les miens et ceux de mon épouse. Les péchés de tous ceux qui désespèrent de se sauver eux-mêmes et qui placent leur confiance en Jésus seul. Et quelles mains ont été clouées à la croix ? Celles de Jésus. C’est ce qu’on désigne par un terme magnifique : la substitution. Dieu a condamné mon péché dans la chair du Christ. « Dieu, en envoyant son propre Fils dans une condition semblable à la chair du péché, en rapport avec le péché, a condamné le péché dans la chair » (Romains 8 : 3). Il faut absolument que les gens mariés soient fermement convaincus de cette vérité, car c’est indispensable pour vivre le mariage comme Dieu l’a voulu.

La justification va au-delà du pardon Mais en approfondissant l’étude du Nouveau Testament et en faisant appel à l’éclairage que donne par exemple l’épître aux Romains à propos de la justification, nous pouvons aller plus loin. La justification va au-delà du seul pardon. Non seulement nous sommes pardonnés grâce au Christ, mais Dieu nous déclare également justes grâce au Christ. En vérité, Dieu exige deux choses nous concernant : la punition à cause de nos péchés et la perfection dans notre vie. Nos péchés doivent être punis et notre vie doit être parfaitement juste. Cependant, nous ne pouvons ni payer le prix de nos fautes (Psaume 49 : 7-8) ni nous justifier nous-mêmes. « Il n’y a pas de juste, pas même un seul » (Romains 3 : 10). C’est pourquoi, dans son amour incommensurable pour nous, Dieu a offert son propre Fils pour accomplir ces deux choses : le Christ a porté notre châtiment et il nous a justifiés. Ainsi, lorsque nous recevons le Christ (Jean 1 : 12), le châtiment qu’il a pris sur lui et la justice qu’il a acquise sont entièrement portés à notre compte (Romains 4 : 4-6 ; 5 : 1, 19 ; 8 : 1 ; 10 : 4 ; 2 Corinthiens 5 : 21 ; Philippiens 3 : 8-9).

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Transposer la justification

Voilà la réalité verticale que nous devons transposer sur le plan horizontal au bénéfice de notre conjoint si nous voulons que notre couple reflète la grâce de Dieu, grâce qui permet l’établissement et la pérennité de l’alliance. C’est ce que nous lisons en Colossiens 3 : 12-13 (S21) : Ainsi donc, en tant qu’êtres choisis par Dieu, saints et bienaimés, revêtez-vous de sentiments de compassion, de bonté, d’humilité, de douceur, de patience. Supportez-vous les uns les autres et, si l’un de vous a une raison de se plaindre d’un autre, pardonnez-vous réciproquement. Tout comme Christ vous a pardonné, pardonnez-vous aussi. « Tout comme Christ vous a pardonné, pardonnez-vous aussi », et notamment votre conjoint. Tout comme le Seigneur vous « supporte », vous devez vous aussi « supporter » votre conjoint. Tous les jours, le Seigneur nous « supporte » alors que nous échouons dans l’accomplissement de sa volonté. En effet, l’écart entre ce que le Christ attend de nous et ce que nous accomplissons est infiniment plus grand que l’écart entre ce que nous attendons de notre conjoint et ce qu’il accomplit. Le Christ pardonne et supporte toujours plus que nous. Alors, pardonnez comme il vous a pardonné. Supportez comme il vous supporte. Et cela est valable que vous soyez marié à un chrétien ou à un non-croyant. Que la grâce que Dieu vous a manifestée au travers de la croix du Christ serve de mesure à la grâce que vous manifestez à votre conjoint. Et si votre conjoint est chrétien, vous pouvez ajouter ceci : de même que le Seigneur vous considère juste en lui bien que votre comportement ne le soit pas dans les faits, considérez votre conjoint comme juste en Christ même s’il ne l’est pas dans les faits. Autrement dit, Colossiens 3 : 12-13 nous exhorte à prendre la grâce verticale du pardon et de la justification, et à la transposer à notre conjoint sur le plan horizontal. Le mariage est destiné à être un formidable modèle permettant de manifester ainsi la grâce de Dieu. Oui, tel est bien le but suprême du mariage : une exposition 54


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à la vue de tous de la grâce du Christ, la grâce de l’alliance établie par Dieu.

Une sagesse enracinée dans l’Évangile À ce stade surgissent des centaines de situations complexes qui requièrent une profonde sagesse spirituelle enracinée à la fois dans ces vérités de l’Évangile et dans de longues années d’expérience vécues dans la douleur et la fidélité. Autrement dit, il serait absolument impossible d’appliquer cette vérité aux besoins spécifiques de chacun dans un seul chapitre ou même un seul livre. Parallèlement à cette vérité biblique, nous avons besoin du Saint-Esprit. Mais aussi de la prière. Nous avons besoin de méditer la Bible pour nousmêmes. Nous avons besoin de lire les réflexions inspirées que d’autres ont écrites. Nous avons besoin des conseils pleins de sagesse d’amis qui ont connu la souffrance. Et nous avons besoin du soutien de l’Église quand tout s’écroule. Je ne me fais donc absolument aucune illusion sur ma capacité d’exposer ici tout ce qu’il faudrait pour vous venir en aide.

Une relation verticale à transposer ensuite horizontalement Il me semble qu’il ne serait pas inutile de terminer ce chapitre en donnant quelques raisons expliquant pourquoi j’insiste ainsi sur l’amour d’alliance qui permet de pardonner et de considérer son conjoint comme un être juste alors qu’il ne l’est pas. Pourquoi donc braquer le projecteur sur le postulat négatif selon lequel notre conjoint est un pécheur qui a besoin d’être pardonné ? N’ai-je pas la conviction qu’il faut se réjouir de son conjoint ? Bien sûr que si. Toutefois, tant mon expérience personnelle que la Bible me poussent dans cette direction. Ce qui est sûr, c’est que Jésus est marié à son épouse, l’Église, et il ne fait aucun doute qu’il est à la fois possible et bon de plaire au Seigneur (Colossiens 1 : 10). Autrement dit, le Christ se réjouit indéniablement de son épouse. Et, dans l’autre sens, il est assurément infiniment digne que nous nous réjouissions en lui. C’est précisément l’idéal qu’il faut avoir comme objectif dans 55


Ce mariage

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le mariage : deux personnes ayant suffisamment d’humilité pour chercher à être transformées selon Dieu de manière à réjouir leur conjoint et à répondre à ses besoins physiques et affectifs – le but étant de lui faire du bien de toutes les bonnes manières possibles. Oui, la relation entre le Christ et son Église englobe tout cela. Si j’insiste sur la nécessité de vivre de la grâce de Dieu sur le plan vertical, puis de la transposer à son conjoint sur le plan horizontal afin qu’il soit au bénéfice du pardon et de la justification, c’est pour plusieurs raisons. D’abord, il y aura forcément des conflits causés par le péché et les différences entre les époux (et vous n’arriverez parfois pas à vous accorder l’un l’autre pour distinguer ce qui est simplement différent ou étrange chez votre conjoint, de ce qui relève du péché). Ensuite, supporter et pardonner participent au dur labeur qui permet de faire revivre les affections quand elles semblent avoir disparu. Enfin, Dieu est glorifié lorsque deux personnes très différentes et très imparfaites forgent une vie de fidélité dans le creuset de l’épreuve tout en s’en remettant au Christ. Je reprendrai mon propos à ce stade au chapitre suivant en vous parlant de quelque chose que Noël et moi avons découvert. Nous appelons cela le « tas de compost ». Mais pour l’instant j’invite les époux que vous êtes à faire pénétrer dans votre conscience ces vérités énormes – qui sont bien plus grandes que n’importe quelle difficulté conjugale : « [Dieu] nous faisant grâce pour toutes nos fautes ; il a effacé l’acte rédigé contre nous en vertu des prescriptions légales, acte qui nous était contraire ; il l’a enlevé en le clouant à la croix » (Colossiens 2 : 13-14). Croyez à ces vérités de tout votre cœur et transposez-les à votre conjoint.

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PIPER J O H N

Ce mariage Nous avons besoin d’appréhender, aujourd’hui, une vision du mariage plus digne, plus profonde, plus puissante et plus glorieuse que tout ce que notre culture a jamais imaginé. Rester fidèle à son conjoint, ce n’est pas, avant tout, rester amoureux l’un de l’autre. Il s’agit essentiellement de respecter l’alliance contractée.

Certes, le mariage c’est pour toute la vie, mais il n’est pas éternel. Le mariage est un excellent cadeau de Dieu, mais c’est un cadeau éphémère. Pendant nos quelques années sur la terre, apprenons à vivre cet engagement comme un reflet de l’alliance entre Dieu et l’Église.

À P R O P O S D E L’A U T E U R

John Piper est pasteur honoraire et auteur de nombreux ouvrages dont Au risque d’être heureux et Que les nations se réjouissent ! Il est marié à Noël depuis près de 50 ans. Ils ont cinq enfants et douze petits-enfants.

15,90€

ISBN 978-2-36249-395-9

publié au Canada par

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Ce mariage Ce mariage éphémère

« Le but de ce livre est d’élargir votre vision du mariage. Le mariage est plus que l’amour entre deux personnes. Beaucoup plus. La signification du mariage a une portée incommensurable. Le mariage consiste à manifester aux yeux de tous l’amour d’alliance entre le Christ et son peuple. »

J O H N P I P E R

Un reflet de l’alliance éternelle


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