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L’effet Leidenfrost : mais si, vous savez ce que c’est !

L’effet Leidenfrost… Vous ne connaissez peut-être pas ce qu’est ce terme bizarre et ne savez pas à quoi il correspond. Il s’agit pourtant d’un phénomène assez courant et qui influence de nombreux processus industriels dans lesquels un refroidissement intense et contrôlé est nécessaire. Et … vous avez sans doute déjà pu l’observer dans votre cuisine.

Le phénomène a été décrit pour la première fois par un docteur allemand, Johann Gotlob Leidenfrost, qui a publié un article sur ce sujet en 1751. Ce n’est donc pas très nouveau mais le sujet est toujours d’actualité, et il garde une part de mystère.

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L’effet Leidenfrost, c’est ce qu’on observe lorsqu’on verse un liquide sur une surface beaucoup plus chaude que la température d’ébullition du liquide. C’est par exemple le cas lorsque vous versez de l’eau dans une poêle que vous avez préalablement chauffée ou que vous laissez tomber des gouttes sur une plaque de cuisson. Vous constatez alors que l’eau ne s’évapore pas tout de suite mais qu’elle forme des petites billes bondissantes qui se déplacent rapidement à la surface de la poêle.

transformée en vapeur. Au fur et à mesure que la température de la poêle augmente au-dessus de 100° C, l’eau s’évapore de plus en plus vite en produisant un crissement de plus en plus intense.

quoi on appelle généralement “point de Leidenfrost” la température à laquelle les gouttes d’eau se maintiennent le plus longtemps.

Ce phénomène peut aussi s’observer avec d’autres liquides. Ainsi, c’est le cas si on renverse de l’azote liquide qui bout à -196° C sur un sol à 20° C.

Pour que le phénomène apparaisse, il faut des conditions assez particulières. En effet, si la surface solide (la poêle) a une température très inférieure au point d’ébullition du liquide (ici 100° C, température d’ébullition de l’eau), ce liquide va rester liquide et rien de particulier ne se passera. Par contre, si la température est légèrement inférieure à 100° C, l’eau va s’évaporer doucement, jusqu’à être totalement

Cependant, si la température de la poêle atteint un certain point, appelé température de Leidenfrost, une fine pellicule d’eau, de l’ordre du millimètre d’épaisseur, se transforme immédiatement en vapeur. La vapeur conduit assez mal la chaleur et va de ce fait isoler le reste du liquide de la chaleur de la poêle. Et donc, l’eau qui se trouve au-dessus de la fine couche de vapeur va rester liquide assez longtemps.

Une expérience réalisée au milieu du 19ème siècle par le physicien français Pierre Hippolyte Boutigny a montré que, dans les conditions de son test, une goutte d’eau qui s’évapore quasi instantanément à 168° C reste liquide pendant 152 secondes à 202° C. Si la température de la poêle continue d’augmenter, la chaleur finit par se transmettre plus rapidement à l’eau restée liquide, les gouttes rétrécissent et l’eau commence à s’évaporer plus vite. C’est pour-

Malheureusement, malgré tous les efforts des nombreux chercheurs qui se sont penchés sur la question, il est très difficile de prévoir la température de Leidenfrost, et donc à partir de quand le phénomène apparaît, parce que cela dépend de nombreux facteurs mal connus ou mal maîtrisés. Ainsi, par exemple, la surface du solide modifie la température de Leidenfrost en fonction de sa rugosité. Aussi, si elle est couverte d’une couche d’oxyde (de la rouille par exemple), cela a également une influence. Même la qualité de l’eau influence cette température de Leidenfrost. Ainsi, de l’eau plus dure, qui contient plus de calcaire, entraîne une température de Leidenfrost plus élevée.

On a aussi pu montrer que la tension superficielle (la force qui apparaît à l’interface d’un liquide et d’un autre milieu et qui contribue à maintenir la forme des gouttes) joue aussi un rôle dans la température de Leidenfrost. Ainsi, les alcools, qui ont une tension superficielle plus faible que celle de l’eau, ont aussi des températures de Leidenfrost plus faibles.

Le même phénomène est à l’œuvre lorsqu’on se lèche les doigts avant d’éteindre la flamme d’une bougie entre le pouce et l’index. L’évaporation soudaine de l’eau fournit une couche protec - trice de vapeur entre les doigts et la flamme de la bougie. L’effet est aussi souvent évoqué pour expliquer la marche sur les braises, rendue possible grâce à l’humidité des pieds.

L’effet Leidenfrost est sans doute assez amusant à observer dans une cuisine mais, dans l’industrie, cela peut rendre certaines opérations compliquées. En effet, lorsque le phénomène apparaît, les échanges de chaleur entre l’eau et la surface solide chaude sont très ralentis. Donc, si on veut refroidir un produit chaud avec de l’eau, cela va prendre plus de temps et dans certains cas, cela peut avoir des conséquences sur la qualité du produit.

De plus, comme on l’a vu, le phénomène apparaît à une température différente si les matériaux sont couverts d’une couche d’oxyde plus ou moins épaisse et cela rend difficile l’obtention de conditions de refroidissement constantes.

Enfin, pour le refroidissement de produits industriels, on utilise généralement de l’eau recyclée qui a donc souvent une composi- tion variable et cela aussi change donc l’efficacité du refroidissement en modifiant le point de Leidenfrost.

En janvier 2022, des chercheurs chinois ont même réussi à développer une structure de surface constituée de petits piliers qui créent des canaux à la surface et qui permet d’augmenter le point de Leidenfrost au-delà de 1150° C, ce qui devrait améliorer fortement l’efficacité du refroidissement de produits industriels même très chauds.

En conclusion, le phénomène de Leidenfrost est quelque chose de très courant, qu’on peut observer dans la vie de tous les jours mais dont les implications pratiques sont essentielles pour le refroidissement industriel de produits solides. Il est aussi intéressant de constater que, si ce phénomène est connu depuis plus de 250 ans, il est encore difficile à prédire de façon fiable, malgré tous les efforts des chercheurs. n

Cependant, des études récentes permettent de penser qu’on pourra mieux prédire le phénomène. Elles ont montré par exemple que, lorsqu’on refroidit un produit solide avec des jets d’eau, on peut calculer de manière approximative le point de Leidenfrost en tenant compte du débit de l’eau, du diamètre des gouttelettes et de la vitesse de celles-ci.

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