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Vos moyens d’actions face à une inexécution contractuelle (Partim 1)

Il est courant dans la vie d’une entreprise qu’elle se retrouve confrontée à des difficultés contractuelles, que ce soit en amont de son activité avec d’éventuels fournisseurs ou prestataires de services ou, en aval avec ses propres clients.

De manière à limiter le risque entrepreneurial lié à ces inexécutions contractuelles, il est évidemment important de protéger l’entreprise par le biais de clauses à insérer dans les contrats et/ou conditions générales. Toutefois, lorsque l’entreprise se retrouve malgré tout confrontée à une inexécution contractuelle, il est primordial qu’elle ait à l’esprit les mécanismes juridiques qui lui permettront de répondre à cette inexécution, sans se mettre elle-même en défaut.

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Cette partim 1 nous permettra d’aborder les préalables qui permettront à l’entreprise de sauvegarder ses droits face au débiteur d’une inexécution contractuelle. Nous aborderons dans un prochain article les mécanismes qui seront à disposition de l’entreprise lorsque l’inexécution contractuelle persiste.

La Mise En Demeure

En vertu de l’article 5.231 du nouveau CC, la mise en demeure est l’acte juridique unilatéral par lequel le créancier notifie au débiteur, de manière claire et non équivoque, sa volonté d’exiger l’exécution de son obligation.

Cela implique qu’il ne suffit pas que l’entreprise constate que son débiteur est en défaut de remplir ses obligations. Il faut notifier cette inexécution et mettre le débiteur en demeure de remplir ses obligations dans un délai strict, délai au-delà duquel d’autres mesures pourront être prises.

La mise en demeure est également l’occasion de prévenir le débiteur des conséquences de son inexécution. Cette nécessaire mise en demeure résulte du principe d’exécution de bonne foi des conventions et il est dès lors conseillé de l’adresser même en présence d’une clause dispensant de l’envoi d’une mise en demeure.

L’absence de mise en demeure n’est permise que dans quelques cas exceptionnels, notamment lorsque l’envoi de la mise en demeure n’a plus d’utilité. Dans cette hypothèse, il n’est certes plus nécessaire de mettre le débiteur en demeure de remplir son obligation principale puisqu’il est trop tard, mais il peut par contre être nécessaire de le mettre en demeure d’indemniser les conséquences de son inexécution.

Les Constats

Il ne suffit malheureusement pas d’écrire dans une mise en demeure que le débiteur est en état d’inexécution, mais encore faut-il pouvoir le prouver, et ce d’autant plus si cette inexécution est contestée.

Il est en effet indispensable pour éviter toute difficulté ultérieure de se ménager la preuve des manquements du débiteur et de statuer la situation en procédant à des constats avant de faire le cas échéant appel à un tiers .

Les constats peuvent être de plusieurs ordres: l Constat unilatéral. Sa force probatoire est moindre puisque le cocontractant pourra facilement en contester les termes. Il est donc indispensable de renforcer ce caractère probatoire en adressant copie des constats au débiteur et en lui demandant de faire valoir ses remarques ou de venir opérer de nouveaux constats de manière contradictoire. l Constat contradictoire entre parties: il s’agit d’un constat réalisé en présence des deux parties. L’exemple le plus courant est l’état des lieux de sortie en matière de bail signé à la fois par le bailleur et le locataire. Les parties peuvent ainsi s’accorder sur les constats en tant que tels (présence d’humidité), mais non sur l’imputabilité des dégâts locatifs constatés. Le constat contradictoire doit donc être clair et non équivoque quant aux éléments sur lesquels les parties s’accordent et le cas échéant préciser les réserves des parties s’il y en a. l Constat en présence d’un tiers: il est parfois nécessaire de réaliser les constats en présence d’un tiers (huissier, architecte, expert judiciaire,…) si un avis technique est nécessaire ou si on souhaite donner par exemple à l’avis d’un tiers la force d’une tierce décision obligatoire (les parties seront dans cette dernière hypothèse tenues par l’avis de l’expert).

Concr Tement

Pour conclure et illustrer nos propos, voici quelques exemples:

1) Contenu de la mise en demeure: demande d’exécution et avertissement quant aux conséquences de l’inexécution

Madame X a conclu un contrat d’entreprise avec HOME pour la construction de son habitation qui doit être terminée pour le 30 janvier au plus tard, date audelà de laquelle des amendes de retard de 100 €/jour lui seront dues. HOME a lui-même conclu un contrat avec CARRELET pour le poste carrelage, mais ce dernier tarde à venir terminer le travail. HOME doit bien entendu mettre en demeure son sous-traitant carreleur de finir les travaux commandés pour une telle date, date au-delà de laquelle il doit clairement l’informer du fait que des amendes de retard lui seront portées en compte par X et répercutées ensuite à CARRELET en raison de son inexécution.

Si CARRELET ne vient pas terminer le travail, il sera en outre nécessaire que HOME réalise un état des lieux de chantier (le travail a-t-il été réalisé à 20 ou 90 % ?) avant de faire appel à un tiers pour finir le travail.

2) Utilité de la mise en demeure

Un organisateur d’évènements a commandé en vue du festival qu’il organise le week-end du 10 janvier un système sons et lumières auprès de X. Le fournisseur après maintes promesses n’a jamais livré le matériel. Le festival étant passé, la mise en demeure de livrer le matériel ne se justifie évidemment plus. Il est toutefois indispensable pour l’organisateur qui entend répercuter son dommage d’adresser à son fournisseur une mise en demeure de couvrir le dommage résultant de l’inexécution (soit par le biais de dommages et intérêts, soit par la prise en charge de la facture du tiers amené à livrer le matériel en urgence).

3) Constats en présence d’un tiers Bailleur et locataire constatent que le mur de la chambre est gorgé d’humidité lors de l’état des lieux de sortie, mais ils ne peuvent déterminer si cela résulte de la responsabilité du locataire qui n’aère pas ou du propriétaire, car l’immeuble a un problème structurel. L’appel à un expert architecte sera vraisemblablement nécessaire, car le seul constat de la présence d’humidité n’est pas suffisant. Pour éviter de devoir ensuite recourir à la justice, ils peuvent décider que l’avis de l’expert aura valeur de tierce décision obligatoire. Attention, il faut dans ce cas s’accorder avant sur la valeur que les parties souhaitent donner au rapport, car à défaut, ce rapport pourra le cas échéant être contesté en justice.

Il en va de même quant au coût résultant pour le bailleur de ce dégât locatif. En effet, même dans l’hypothèse où le locataire reconnait sa responsabilité, cela ne suffira pas à départager les parties quant au type de travaux à réaliser pour pallier à cette humidité (simple nettoyage à la javel pour le locataire et décapage et remise en peinture pour le bailleur). À nouveau dans cette hypothèse, l’avis d’un tiers sera nécessaire, mais les premiers constats conserveront toute leur utilité et permettront au bailleur de confirmer que l’humidité était bien présente lors du départ du locataire et qu’elle n’est pas due par exemple à une inoccupation prolongée de l’appartement.

Lors d’un prochain article, nous aborderons donc de manière plus spécifique quels sont les moyens d’action face au débiteur d’une obligation et après mise en œuvre de ces préalables. n

Gaëlle Gillard Avocat HENRY & MERSCH

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