Article publié à l’origine dans Pathways Printemps 2023. Tous droits réservés 2023. Partenariat canadien du lymphœdème. Diffusé avec la permission de l’éditeur.
Adaptation : Anne-Marie Joncas – Graphisme : Catherine Boily
Article publié à l’origine dans Pathways Printemps 2023. Tous droits réservés 2023. Partenariat canadien du lymphœdème. Diffusé avec la permission de l’éditeur.
Adaptation : Anne-Marie Joncas – Graphisme : Catherine Boily
Isa-Bella Leclair vit avec le syndrome de Parkes-Weber et un lymphœdème primaire depuis sa naissance. Elle avait partagé son histoire dans Pathways/ L’info AQL à l’automne 2016 et en tant que conférencière au déjeuner du congrès national du lymphœdème du PCL en 2017. Âgée de 20 ans, elle était alors étudiante à l’Université d’Ottawa. Nous l’avons récemment retrouvée pour prendre de ses nouvelles, six ans plus tard. Le texte qui suit est tiré d’un entretien avec Anna Kennedy.
Q Comment est né votre intérêt pour l’accessibilité ?
Mon mémoire de maîtrise portait sur les responsabilités qui incombent aux ingénieurs civils afin de s’assurer que l’environnement bâti est accessible à tous, en particulier aux personnes handicapées.
Q Votre rôle actuel est-il quelque chose que vous avez voulu faire dès le départ ?
J’ai tendance à suivre les occasions qui se présentent à moi. Ainsi, la recherche que j’ai entamée au cours de ma maîtrise est née du constat que l’accessibilité n’est pas vraiment une priorité en génie civil, alors qu’elle devrait l’être. Tandis que je menais cette recherche, on m’a mise en contact avec le personnel du Parlement et j’ai décroché ce poste. Le Parlement procède à la réfection d’une grande partie de ses bâtiments et notre équipe fait en sorte qu’ils deviennent accessibles. Ce travail est tout à fait dans mes cordes. Mais si vous m’aviez demandé il y a trois ans ce que je voulais faire, je n’aurais pas pu répondre, car je ne savais pas que je pouvais en faire une carrière.
QQuel est le domaine d’études des personnes qui réfléchissent et œuvrent pour l’accessibilité et les handicaps ?
Notre petite équipe ne compte que cinq personnes : deux urbanistes, un autre ingénieur et un analyste politique. De nombreux travaux sont menés sur les normes, ce qui nécessite plusieurs analystes politiques. Il y a aussi les personnes chargées de concevoir les bâtiments : les architectes, les urbanistes et les ingénieurs. La communauté des personnes handicapées est également impliquée, car elle est la mieux placée pour comprendre les besoins. Nous les écoutons, puis nous faisons appel aux experts de l’environnement du bâtiment pour faire en sorte de satisfaire leurs besoins d’une manière durable et intégrée, car tout est interrelié.
QÊtes-vous en mesure de vous appuyer sur votre expérience personnelle du lymphœdème ?
Bien sûr. Nous travaillons avec de nombreux consultants en accessibilité qui cumulent plus de 30 ans de connaissances sur une multitude de handicaps. Les personnes atteintes de lymphœdème appartiennent à de nombreuses catégories, qu’il s’agisse d’endurance, de dextérité ou même du handicap invisible. Il s’agit de veiller à ce
que les bâtiments soient conçus pour combler ces besoins, à ce que ces personnes puissent s’asseoir si nécessaire, à ce que les itinéraires soient tracés pour éviter les longs déplacements et à ce qu’il y ait des points d’accès autres que les escaliers, etc. Nous voulons nous assurer qu’aucun groupe n’est négligé. Il doit s’agir d’une approche très large qui englobe tout le monde. Autrefois, l’accessibilité se concentrait sur les personnes ayant des problèmes de mobilité très ciblés, qui utilisaient des dispositifs de mobilité tels que des fauteuils roulants. Mais nous savons aujourd’hui que cela dépasse largement ce cadre. C’est pourquoi il m’a été très utile de faire appel à mon expérience afin de mieux comprendre ces besoins.
Q Comment votre lymphœdème évolue-t-il depuis votre adolescence ?
À cette époque, je m’adaptais au changement et à la façon dont l’enflure évoluait. Depuis notre dernier entretien, la situation est très stable et très gérable. Je dois simplement y faire face tous les jours, mais si je porte mes vêtements de compression et que je m’assure de ne pas faire d’excès, je sais que la journée se déroulera bien.
Q Comment gérez-vous votre lymphœdème ?
La compression est l’élément clé ; je me fais mesurer régulièrement. Je dors dans un lit surélevé, ce qui me convient parfaitement. J’ai aussi appris à connaître mes propres limites et à les respecter.
Vous avez eu un tel impact positif pour moi lorsque vous avez pris la parole au congrès. Vous étiez une jeune adolescente portant fièrement une jupe courte
Autrefois, l’accessibilité se concentrait sur les personnes ayant des problèmes de mobilité très ciblés, qui utilisaient des dispositifs de mobilité tels que des fauteuils roulants. Mais nous savons aujourd’hui que cela dépasse largement ce cadre.
sur scène et exhibant votre vêtement de compression. J’étais décontenancée, car, étant beaucoup plus âgée, je cachais mon lymphœdème en pensant que les gens me dévisageaient. Je me souviens encore de ce moment comme d’un instant de grâce. Je me suis dit : « Si elle y parvient, alors pourquoi est-ce que j’en fais tout un cas ? »
C’est formidable. Je suis très heureuse de vous l’entendre dire.
Qll est rare que quelqu’un d’aussi jeune ait une image de soi aussi positive. Comment l’expliquez-vous ?
Lorsque j’étais enfant, j’ai bénéficié d’un soutien incroyable de la part de ma famille et de ma communauté. Je viens d’une toute petite ville du nord du NouveauBrunswick, et je pense que cela a beaucoup joué. En grandissant, j’ai eu l’impression que mon entourage, à l’école et en ville, était au courant et m’acceptait, alors pourquoi le cacher ? J’ai également beaucoup voyagé lorsque j’étais petite, avec mes parents et ma sœur. Nous aimions la plage et tout ce qui touchait aux sports nautiques. La présence de ma sœur jumelle m’a beaucoup aidée, car elle pouvait me servir d’exemple : « si elle le fait, pourquoi n’en ferais-je pas autant ? »
Efforcez-vous d’avoir confiance en vous et d’être positif. Faites en sorte que le sentiment de satisfaction vienne de vous et non des autres. Plusieurs personnes ont besoin de recevoir la validation de leur entourage et d’entendre des commentaires positifs à leur sujet.
nager, je peux réellement m’amuser. Il y a des situations où les gens me fixent (certains ont même pris des photos) ou me posent des questions. Mais il n’y aurait tout simplement aucun plaisir à me cacher. Je sais que c’est une prise de conscience difficile et qu’il faut beaucoup de volonté et d’énergie pour se dire « Ça va, j’assume mon choix » et pour comprendre pourquoi c’est un choix sensé.
QAvez-vous des conseils ou des trucs utiles à offrir à un adolescent atteint de lymphœdème ?
Efforcez-vous d’avoir confiance en vous et d’être positif. Faites en sorte que le sentiment de satisfaction vienne de vous et non des autres. Plusieurs personnes ont besoin de recevoir la validation de leur entourage et d’entendre des commentaires positifs à leur sujet. En revanche, si vous parvenez à développer votre confiance en vous, vous serez plus sûr de vous, plus confiant et plus optimiste.
Mais cela exige du travail. On me demande souvent : « Oh, mais comment fais-tu ? », comme si c’était simple. Cela peut sembler évident, mais après 26 ans de mise en pratique, c’est une attitude à laquelle je suis habituée et qui me vient assez facilement parce que je n’ai pas d’autre choix. Mais je comprends très bien que pour une personne qui, par exemple, développe un lymphœdème secondaire au beau milieu de sa vie, cela puisse être bien plus difficile, car la situation est toute nouvelle pour elle.
QVous avez grandi avec un lymphœdème primaire. Ce qui peut être considéré comme un avantage plutôt que comme un choc pour les personnes qui reçoivent un diagnostic de lymphœdème secondaire et qui voient leur vie changer soudainement.
Au départ, j’avais un diagnostic de syndrome de ParkesWeber et de syndrome de Klippel-Trenaunay. Ces deux maladies sont des indicateurs de malformations capillaires, veineuses et artérielles, qui affectent également le système lymphatique, provoquant un lymphœdème primaire. Vers l’âge de six ou sept ans, j’ai réalisé que mon apparence était tout à fait unique et j’ai commencé à réfléchir aux implications de cette situation. Je passais beaucoup de temps entourée de ma famille et mes amis et personne ne me faisait remarquer que j’étais différente. J’ai donc grandi en sachant dès mon plus jeune âge que cela n’avait pas d’importance.
Merci Isa-Bella. C’était très agréable de voir ton sourire si positif qui a illuminé cet appel Zoom. À bientôt !