L'éclairage d'une thérapeute

POINT DE VUE DU THÉRAPEUTE

L’éclairage d’une thérapeute spécialisée en lymphœdème non cancéreux Mythes et préjugés sur le diagnostic, le traitement et les soins du lymphœdème Par Heather Watt

1. Vos jambes sont grosses parce que vous êtes en surpoids. Vous devez donc perdre du poids.

Nos clients nous disent trop souvent que leurs médecins leur ont recommandé de maigrir, estimant simplement que leurs jambes sont grosses et qu’il n’existe aucun autre remède. De nombreuses personnes atteintes d’obésité présentent également un œdème chronique ou un lymphœdème. Le médecin devrait procéder à une évaluation approfondie de la gravité de l’œdème, des modifications de l’intégrité cutanée et du risque de formation de plaies et de cellulite, afin de juger si un traitement est nécessaire.

Un diagnostic précoce peut se traduire par un traitement plus immédiat, empêchant ainsi une aggravation du lymphœdème. Le lymphœdème secondaire à l’obésité peut entraîner une déformation importante des membres, de graves problèmes de mobilité et des plaies chroniques. La forme et la taille des jambes rendent les plaies très difficiles à traiter, car il est compliqué d’appliquer des bandages de compression et des pansements favorisant le processus de guérison. Les membres atteints de lymphœdème lié à l’obésité peuvent toujours être traités, mais le succès du traitement est tributaire de la précocité de la prise en charg

2. Le lipœdème est un lymphœdème.

Le lipœdème est une affection extrêmement méconnue et la plupart des professionnels de la santé ignorent probablement son existence. Le lipœdème est un dysfonctionnement du tissu adipeux frappant principalement les membres inférieurs des femmes. Les patientes présentent des jambes plus volumineuses et une sensibilité cutanée importante à la palpation pouvant franchir des seuils de douleur. Malgré une perte de poids, une certaine disproportion entre les jambes et les bras peut subsister. En raison de son aspect clinique, cette pathologie peut être diagnostiquée à tort comme un lymphœdème. Au terme d’un examen détaillé, le clinicien constatera que les tissus sont souples, reprenant leur forme à la palpation et présentant peu ou pas d’œdème à godet. Les traitements usuels du lymphœdème, telle la compression, ne réduiront pas le volume du membre en cas de lipœdème, mais peuvent atténuer considérablement l’inconfort aux jambes. Les patientes peuvent être profondément découragées par ce pronostic. Les plus efficaces sont actuellement le contrôle du poids, l’activité physique, la compression pour soulager la douleur et contenir l’œdème éventuel, et une chirurgie de liposuccion

DÉCEMBRE 2022

Article publié à l’origine dans Pathways, Fall, 2022. Tous droits réservés 2022.

Partenariat canadien du lymphœdème. Diffusé avec la permission de l’éditeur.

Les études démontrent que l’exercice n’est pas dommageable pour le lymphœdème. La pompe musculaire est indispensable pour faire circuler les fluides dans les vaisseaux et les veines afin de favoriser la circulation veineuse. dans certains cas. Les symptômes du lipœdème et du lymphœdème diffèrent, mais le lipœdème associé à l’obésité peut entraîner un lymphœdème. Les personnes vivant avec un lipœdème doivent observer attentivement leurs jambes pour détecter les signes d’œdème et les altérations de la peau. Les patientes doivent être renseignées sur le traitement et la gestion du lipœdème et du lymphœdème.

3. Le lymphœdème découle uniquement de vaisseaux lymphatiques endommagés ou manquants en raison d’un cancer ou de malformations développementales ou génétiques.

Selon la récente étude LIMPRINT, les principales causes de lymphœdème secondaire ne sont pas en réalité les cancers, mais bien l’insuffisance veineuse et l’obésité. De nouvelles avancées scientifiques sur les échanges de fluides au niveau des capillaires révèlent que les capillaires n’assurent pas la réabsorption nette des fluides tissulaires et que l’excès de fluides dans l’espace interstitiel doit être éliminé par le système lymphatique. Tout signe d’œdème indique que les vaisseaux lymphatiques ne suffisent pas à la demande et/ou que les vaisseaux ou des ganglions lymphatiques présentent un dysfonctionnement. Le diagnostic du lymphœdème est donc difficile à établir et peut parfois échapper à l’examen médical. Un bilan approfondi des antécédents médicaux est nécessaire pour établir TOUTES les pathologies, chirurgies, traumatismes ou facteurs liés au mode de vie susceptibles de contribuer à la présence d’un lymphœdème.

4. Le lymphœdème peut être guéri grâce à la chirurgie.

On ne guérit pas d’un lymphœdème. En revanche, cette affection chronique peut être gérée efficacement au moyen de stratégies thérapeutiques à long terme. La compression, des soins de la peau adaptés, l’activité

physique et un mode de vie sain font partie de ces stratégies. Sujet d’actualité captivant dans la sphère du lymphœdème, les chirurgies lymphatiques génèrent de plus en plus d’informations et de recherches. Il importe de savoir que ces chirurgies ne guérissent pas la maladie. Elles peuvent faciliter la gestion de l’œdème pour un membre bénéficiant déjà de traitements conservateurs. Ces chirurgies requièrent le maintien des traitements usuels du lymphœdème.

5. L’étape la plus difficile du traitement est la réduction de l’œdème.

Diminuer l’œdème peut être un défi, mais la partie la plus exigeante du traitement pour le patient est la phase de maintien. Lors de la phase de réduction, les patients subissent le traitement, mais le travail est principalement accompli par le thérapeute. Il est demandé aux patients de se présenter à leurs rendez-vous, de suivre leur programme d’exercices et de veiller à maintenir l’intégrité des bandages. Les rôles s’inversent en phase de maintien, le travail étant principalement effectué par le patient.

Les stratégies de gestion du lymphœdème s’inscrivent sur le cours de toute une vie. Il est donc primordial de faire participer le patient à l’élaboration du plan de traitement et de s’assurer de son acceptation à long terme.

Lors de la transition vers la phase de maintien, observez et soutenez les patients afin de favoriser l’observance et soyez prêt à modifier les plans de traitement. Les patients font un GRAND SAUT pour passer à la phase de maintien et ils ont particulièrement besoin de notre soutien à cette étape pour s’engager sur la voie du succès.

6. Lorsque mon patient porte des vêtements compressifs, il peut obtenir son congé de traitement.

Comme précisé précédemment, il est très important de continuer à observer les patients pendant la phase de maintien. Ils ne sont pas prêts à voler de leurs propres ailes dès qu’ils passent aux vêtements de compression.

Le plan de traitement initial pourrait ne pas être adapté et performant. Il est essentiel de s’assurer que les vêtements prescrits soient efficaces pour maîtriser l’œdème et que

le patient gère bien ses vêtements et sa nouvelle routine.

Dans un premier temps, les suivis hebdomadaires doivent prévoir des mesures de volume, une vérification de l’enfilage et de l’entretien du vêtement, et de l’enseignement afin que le patient puisse surveiller l’œdème à long terme.

Lorsque ces suivis sont omis, les patients courent un risque accru d’échec et de retour à un nouveau traitement en phase décongestive. Il convient d’informer les patients des fluctuations possibles de l’œdème, de la progression de la maladie et du renouvellement régulier des vêtements compressifs. De meilleurs résultats sont attendus lorsque les thérapeutes demeurent disponibles pour leurs patients à long terme et que ceux-ci sont incités à les contacter en cas de problème.

7. La réduction de volume est permanente.

Le lymphœdème fluctue et peut évoluer de jour en jour, même lorsque les patients portent leurs vêtements de compression. De nombreux facteurs peuvent expliquer ces variations : le régime alimentaire, le niveau d’activité (qu’il soit augmenté ou diminué), le temps chaud, les changements hormonaux, le stress et d’autres problèmes médicaux. Les cliniciens doivent enseigner aux patients que des fluctuations surviendront, et les patients doivent tenter de déterminer la cause de ces variations pour en limiter les impacts. Les thérapeutes apprendront aux patients à observer ces changements et leur fourniront des outils à utiliser au besoin. Parmi ces outils, on comptera l’autobandage, les vêtements compressifs à velcro, les vêtements de nuit, le drainage lymphatique manuel et l’automassage, ainsi que divers types d’exercices comme la natation. Plus les outils seront nombreux, meilleurs seront les résultats.

8. L’exercice est nuisible au lymphœdème, surélevez vos pieds toute la journée.

De nombreuses études ont démontré que l’exercice n’est pas dommageable pour les patients atteints de lymphœdème. La pompe musculaire est indispensable pour faire circuler les fluides dans les vaisseaux lymphatiques et les veines afin de favoriser la circulation veineuse. L’exercice présente d’autres bienfaits, notamment le maintien ou la réduction du poids, l’amélioration de la santé cardiovasculaire et de la mobilité. Il est prouvé que les vaisseaux lymphatiques ne remplissent pas bien leur rôle chez

les personnes en surpoids. Le maintien ou la réduction du poids peut faciliter la gestion du lymphœdème. L’élévation est un élément important de la gestion du lymphœdème, mais elle doit être prescrite avec prudence. L’élévation entraîne nécessairement une inactivité, ce qui n’est pas souhaitable en cas de maladie chronique. Les patients doivent alterner activité et repos tout au long de la journée. Dans la mesure du possible, il est préférable de surélever les jambes pendant les périodes de repos.

9. Les diurétiques sont utiles pour le traitement du lymphœdème.

Le lymphœdème peut se manifester chez des personnes également atteintes de pathologies telles que l’insuffisance cardiaque ou les maladies rénales – pour lesquelles un diurétique peut être indiqué et utile afin de provoquer une élimination de l’excès de liquide dans l’organisme. L’enflure qui caractérise le lymphœdème présente une teneur élevée en protéines. Lorsqu’un diurétique est administré, il s’en suit une élimination de liquides alors que les protéines subsistent dans les tissus.

Une concentration élevée de protéines dans les tissus peut entraîner une augmentation de la quantité de liquide, de la fibrose et de l’inflammation. Lorsque le diurétique perd de son efficacité, une plus grande quantité de liquide peut s’infiltrer dans les tissus, ce qui cause une augmentation du lymphœdème. Nous constatons trop souvent que les diurétiques sont prescrits comme seul et unique traitement de l’enflure chronique des membres, et ce sans grand avantage. Les patients doivent être invités à discuter du recours aux diurétiques avec leur médecin et à comprendre les motifs de la prescription, ainsi que l’efficacité réelle de ce traitement contre l’œdème. Les diurétiques peuvent également être efficaces au stade palliatif d’une maladie pour la personne atteinte de lymphœdème.

10. Le lymphœdème se manifeste immédiatement après une lésion du système lymphatique.

Le lymphœdème peut survenir immédiatement ou plusieurs années après que le système lymphatique ait été

endommagé. Les traumatismes du système lymphatique peuvent être consécutifs à un cancer ou à ses traitements, à une chirurgie orthopédique, à une fracture ou à une autre lésion tissulaire grave. Il est important de dresser un bilan médical et chirurgical complet. Un système lymphatique endommagé peut compenser pendant de nombreuses années après une blessure, mais il peut finir par s’affaiblir et présenter des symptômes de lymphœdème. Il est difficile de déterminer qui développera un lymphœdème après une lésion. Certaines données indiquent que les personnes atteintes peuvent être prédisposées génétiquement ou présentent un lymphœdème primaire sous-jacent.

11. Le choix du vêtement compressif repose uniquement sur la gravité de l’œdème.

Outre la gravité de l’œdème, les capacités physiques du patient, ses ressources financières, sa motivation, son réseau de soutien et ses comorbidités doivent être pris en compte par le thérapeute quant au choix des vêtements compressifs. Dans le cas d’un patient motivé à enfiler lui-même ses bas, mais à peine capable de toucher ses pieds en raison de problèmes de dos, le thérapeute peut envisager un bas avec un niveau moindre de compression et/ou de rigidité. Conscient que cela pourrait être insuffisant pour contenir l’œdème, le patient devra peut-être envisager un vêtement compressif de nuit. L’objectif thérapeutique pourrait alors délaisser l’élimination de l’œdème à godet et la réduction optimale des membres pour se centrer sur les priorités du patient. Prenons l’exemple d’un patient présentant un léger œdème de la cuisse et/ou des orteils qui

tirerait profit de bas de compression à la cuisse et d’une protection aux orteils. Ce patient n’a jamais porté de bas de compression auparavant, semble très accablé, ne dispose d’aucune aide à domicile et a peu d’énergie à consacrer à la gestion de son œdème. Le thérapeute doit prioriser l’observance en rendant le plan de compression aussi simple que possible. La première année, commencez par un bas qui monte jusqu’au genou, discutez des risques et des avantages de ne pas traiter la cuisse ou les orteils, et réévaluez le plan de compression l’année suivante. À ce stade, le patient sera plus familier avec les vêtements compressifs et sera peut-être plus disposé à traiter la jambe entière et les orteils. En considérant tous ces éléments, on améliore l’observance du patient et la réussite de sa prise en charge du lymphœdème à long terme.

Heather Watt ERG, TLC est diplômée de l’Université de l’Alberta et a exercé dans divers milieux communautaires en tant qu’ergothérapeute et thérapeute certifiée en lymphœdème. Depuis 2010, elle participe au développement d’une clinique externe en traitement du lymphœdème. Cette clinique se concentre sur le traitement du lymphœdème primaire et secondaire non relié au cancer.