PRADEL PURSUIT
DOSSIER D’ANALYSE - E524 PRATIQUES URBAINES - ENSAL KÉVIN GERIN - TÉVI MENSAH - AMY YEO - L3Temporalité, animation, environnement
Comment s’intègre le skate dans l’espace urbain et plus particulièrement, SUR la Place Louis Pradel à Hotel de Ville ?
Que l’on aime ou non le skateboard, de nos jours, ce dernier occupe une place importante dans le paysage urbain. Véritable art de rue revendiqué par les pratiquants, vandalisme et nuisances sonores décriés par les autres, on ne peut nier que le skate modifie l’espace qui l’entoure et le transforme, à sa manière. La Place Louis Pradel, haut lieu du skate lyonnais fait partie de ces lieux transformés par ce nouveau sport.
Mais alors, comment ces artistes urbains perçoivent-ils la Place et comment s’approprient-ils un espace pourtant destiné à tout autre usage, envisagé comme grand lieu de passage par les instances publiques ?
Nous verrons donc que ce phénomène n’est pas apparu soudainement, mais est bien le résultat d’une temporalité de plusieurs dizaines d’années. Nous comprendrons ensuite comment fonctionne cet espace, comment s’effectue l’appropriation du lieu par les skateurs et les liens que crée cette pratique entre les différents usagers, mais aussi entre les skateurs eux-mêmes, véritable outil de rapprochement et de sociabilisation. Enfin, nous observerons de quelle manière un skateur analyse l’environnement qui l’entoure et la capacité qu’il a à transformer un mobilier ou un espace anodin en un réel élément de jeu.
C’est à l’aube des années 80 que la municipalité de Lyon décide d’aménager la place Louis Pradel, en profitant des travaux de la première ligne de métro (A) de la ville. Située dans le 1er arrondissement, la place porte le nom du Maire lyonnais éponyme, en fonction de 1957 jusqu’en 1976. Au nord, on retrouve la colline de la Croix-Rousse, au sud, sa façade donne sur deux monuments emblématiques de la ville : l’Hôtel de Ville et l’Opéra. À l’est, en continuité de la place, le pont Morand nous permettant de rejoindre le 6e arrondissement lyonnais.
Lors de son aménagement en 1982, les architectes et urbanistes prévoyaient une possibilité de circuler en voiture sur cette place, une voie à était crée, mais lors de la fin des travaux de la place, en 1993, Michel Noir alors Maire à cette époque décide de piétonniser la place et de remplacer la voie de circulation par un ruisseau et une pelouse. La piétonnisation de cette place a été très favorable aux amateurs de skateboard qui y ont, dès ses débuts, vu un espace urbain en totale adéquation avec leur pratique.
Le skate, ou skateboard, est avant tout la pratique de l’objet homonyme. Cette dernière est souvent confuse, car parfois considérée comme un sport, on l’assimile aussi à une forme d’art plus abstraite ou à une performance, mais aussi une activité récréative ou seulement un mode de déplacement. La pratique du skate (ou simplement « le skate ») est un style propre à lui-même qui n’est défini que par la personne qui va en faire : certains skateurs préfèrent le pratiquer en tant que sport en faisant des compétitions, d’autres plus comme un mode de déplacement doux, alternatif aux vélos, rollers ou trottinettes. Les autres, les plus nombreux, y voient en cet objet et en son utilisation une forme d’expression. « Le skate c’est la liberté ! » [Hassan, 22 ans, skateur depuis toujours].
Plus qu’une forme de liberté, ils y voient aussi une forme d’art, en effet, c’est dans les années 80 que le talent des artistes se transforma peu à peu pour venir créer cette nouvelle pratique. Le surfeur devient skateur et, tout comme le peintre ou le danseur, vient créer de l’émotion avec une motion de son corps : les individus créent avec leur corps un mouvement assimilé à une certaine chorégraphie qui crée de l’espace autour d’eux et entre alors en contact direct ou indirectement avec l’espace qui les entoure : « Les mouvements de mon corps sont grave importants, une fois appris je les lock (vérrouille) » [Enzo, 21 ans, skateur quotidien à Hôtel de Ville].
ci à Hôtel de Ville, l’espace et surtout le mobilier urbain est une mine d’or pour les skateurs, de la ville, mais pas que. La Place Louis Pradel est devenue un spot mondialement connu et reconnu par les plus grands : « Tu vois celui qui skate là ? [aka. Jb Gillet, 37,1k abonnés Instragram, sponso. Nike SB] C’est une légende du skate ! Y’a pleins de skateurs du monde entier qui viennent skater ici. » [Hassan]. Lorsque l’on parle de la place d’Hôtel de Ville, il est maintenant difficile de venir dissocier les deux. Les skateurs sont omniprésents et font maintenant partis de l’identité du lieu et pour cause « Hôtel de Ville a une histoire très importante pour le skate, la place est symbolique, de partout, même aux States, du coup on considère ça un peu comme notre Q.G. nous aussi » nous dit Hassan.
En 1982, lorsque les travaux de la place sont engrangés, Jean-Robert Ipousteguy, sculpteur, va créer pour la place quatre œuvres d’art : côté Rhône, la « Pyramide de l’Histoire de Lyon » ou « Pyramide des lyonnaiseries » où l’histoire de Lyon est figurée par une série de petites sculptures représentant les symboles de la tradition lyonnaise, la pyramide prend place sur un socle rectangulaire en pierre massive. Au centre de la place : le monument de Louise Labé, sur un socle pyramidale, en pierre également, offre un parfait spot pour les skateurs qui y voit une parfaire occasion de venir réaliser différentes figures. Côté CroixRousse : le « buste de Louis Pradel » représente l’ancien maire ainsi qu’un lion surmonté de fleurs de lys. La sculpture en fonte prend place sur le dossier d’un banc en pierre traversant la quasi-totalité de la place.
Ce banc (ou curb), sans histoire particulière est l’un des mobiliers urbains le plus apprécié de la place entière, un peu par les piétons décidant de venir faire une pause dans leur cheminement, beaucoup par les skateurs qui glissent dessus. Pour terminer, il y a tout simplement le sol (ou flat), pavé en diagonal en pierre il guide tout simplement le skateur dans sa progression et surtout dans son processus de réalisation d’un trick. Car, avant d’être un spot emblématique de skateboard, il ne faut pas oublier que la Place Louis Pradel est une place traversante de la ville à l’emplacement pragmatique qui permet à beaucoup de personne de la traverser chaque jour. Les piétons, mais aussi les vélos, trottinettes ou encore rollers traversent la place en gardant (ou pas) un œil sur ces « nouveaux » occupants.
Finalement, de nos jours, il y a sûrement plus de skateurs que de passants sur la place. On peut alors y voir ici une certaine forme d’appropriation de l’espace urbain et plus précisément dans notre cas, une appropriation de la Place Louis Pradel.
La Place Louis Pradel est, aujourd’hui, le symbole des symptômes des espaces publics contemporains.
L’espace public ne cherche plus à ancrer les usagers, mais à gérer leurs flux. La place, la rue, le trottoir ne sont que le support de passage. Le moindre rassemblement, le stationnement des individus devient marginal.
À Hôtel de ville, nous avons observé différents d’usages, de temporalité de la place. Les usages sont divers, les skateurs côtoient les passants, les habitants, les touristes. Le stationnement, qui est communément marginal sur ces types d’espaces publics, devient la pratique urbaine principale du lieu. Les skateurs deviennent « les gardiens de la place » et les pratiques communément observées sur un espace public deviennent secondaires.
Le groupe de skateurs se fait sa propre appropriation, par une approche et un regard particulier contrairement à celui des autres usagers. Comme Michel Fize l’illustre dans son étude « Le skate : la fureur de faire » (1992) : « Lâché dans la ville - un espace qui n’est pas fait pour lui - sans droits, l’adolescent-skateur se sent subitement doté d’une énergie et d’une liberté extraordinaire… ».
Alors que les passants, les instances ou les architectes n’y voyaient qu’un espace servant les flux et la mobilité piétonne, le skateur y voit un endroit de pause et d’arrêt, il remarque bien plus le mobilier urbain présent et ré-imagine l’endroit sous un aspect qui n’avait pas été pensé de la sorte, redonnant une fonctionnalité à cet espace tombé un temps soit peu dans l’oubli. Il réinterprète la géométrie du lieu, sa matérialité. Chaque élément devient unique et permet la réalisation d’une figure peut être impossible ailleurs : « On a une vision différente, quand on se balade dans la rue, y’en a, ils remarquent pas forcément le mobilier alors que moi, je passe et je me dis « Wow c’est ouf ce que je peux faire là ! » » [Enzo]. Ce qui reste tout aussi particulier, ce sont les interactions entre les skateurs et les passants. Dans un premier temps, on observe des rapports plutôt conflictuels. Des regards un peu noirs venant des passants, des sourcils qui se haussent, et même parfois des plaintes. L’hostilité vient majoritairement des piétons. Mais dans un second temps, on remarque aussi une indifférence de la part des autres passants qui se contentent de passer sans trop faire attention aux skateurs, qui les évitent instinctivement. Mais là où l’interaction devient encore plus subtile et presque théâtrale c’est lorsque les passants s’arrêtent un instant et contemplent les skateurs. En effet, la pratique du skate, se trouvant au milieu de ce lieu de passage qu’est la Place Louis Pradel, prend une place importante dans les mobilités, il occupe l’espace visuel et impose des sonorités. Parfois, des gens s’arrêtent pour tout simplement regarder et contempler les skateurs et leur run.
Car en effet, le skate jouit aussi d’un esthétisme certain, en étroite relation avec l’architecture et l’espace urbain qui l’entoure. Ce notamment avec la prolifération des « clips » de skate, qui mettent en avant aussi bien la technique du skate, que le lieu qui est pratiqué, toujours avec des codes très urbains passant par un style vestimentaire, un jargon américanisé, de la musique hip hop ou bien électronique : « On connaît les endroits grâce aux vidéos ! » [Hassan]. Scène que l’on retrouve désormais quotidiennement sur la place, redonnant en quelque sorte vie à ce territoire devenu invisible, redevenant un espace de stationnement et non de simple passage. Ceci créant ainsi un lieu de rassemblement spontané qui favorise la socialisation des skateurs entre eux. On voit très peu de skateurs pratiquer seul, c’est bien souvent des groupes de « potes » habitués à se retrouver sur le lieu, mais toujours sans s’être organisés au préalable. En effet dans le cas de la Place Louis Pradel, on observe une ré-appropriation « collective » quasi-communautaire d’un lieu.
Cette importance du groupe dans la pratique du skate fait pleinement partie de cette culture, la place est rarement, voire jamais, occupée par seulement un individu. Un fait flagrant observé suite aux différents entretiens : si la place est vide, le skateur ne l’a ridera pas, c’est l’effet de nombre qui est une des clés de cette pratique urbaine : « Quand tu skates tout seul et qu’il fait gris, t’as pas trop envie… » [Enzo]. La place, le spot, devient alors un lieu de socialisation et le support de la vie sociale des jeunes pratiquants : sur la place, on observe des habitués, des skateurs qui viennent chaque jour comme Enzo et Hassan par exemple. En 1978, Jacques Caroux, ethnologue français, étudie la sociabilité dans les nouveaux sports. D’après lui, le skate dit « sauvage » révèle « un désir d’échanges, de contacts dans l’univers citadin. On fait du skate, mais aussi, on s’initie. On se communique les « ficelles » de ce nouveau sport et on rompt l’isolement, l’anonymat ». La place qui ne prévoyait que le passage, devient un lieu de stationnement et de socialisation sportif, et même ludique : « Quand on est pleins on se motive entre nous, on a envie de se surpasser » [Enzo], « Le skate te permet de socialiser, on devient cool a force de trainer avec d’autres gens. » [Quentin, 20 ans].
La place est pour les skateurs un lieu privilégié de pratique de leur art, un lieu de vie, de stationnement, mais surtout, de sociabilité. Chaque élément de l’espace public devient un support de la pratique urbaine, un support de jeu.
Alain Loret, docteur en sciences de gestion et directeur de la Faculté des Sciences du sport et de l’Éducation physique de Rouen défini les sports de glisse dans son livre « Génération Glisse » (1995) comme : « Une intuition du temps et de l’espace, une sorte d’aventure de l’instinct ». À Hôtel de Ville, Hassan nous livre sa propre idée de l’aventure : « On gère rien, y’a aucune anticipation ! Tout se fait au « feeling » ». Lorsque l’on arrive sur la Place Louis Pradel, on s’aperçoit directement de la connexion des skates avec le sol et surtout l’espace urbain. Cette nouvelle pratique sportive ne peut alors pas être dissociée de l’urbain, en effet, la glisse fait désormais partie de notre culture, de la rue, de la street. Les terrains de pelouse et les tatamis, on était remplacé par de l’asphalte et du béton, les cages de football par des bancs en pierre, données avec lesquelles on ne peut pas négocier. Une nouvelle étape a donc était franchie par ces nouveaux sports : leur urbanisation et leur transformation de sport à pratique urbaine. Pourtant, un bon nombre d’entre eux ne se considère pas comme des sportifs : « Finalement, le skate se rapproche carrément de l’art. » [Enzo]. En effet, ces derniers nous expliquent que pour eux, le skate est plutôt un art, une performance qui fonctionnent avec leurs corps et leur sens. À Hotel de Ville comme ailleurs, les skateurs considèrent leur pratique comme un jeu, emprunt de liberté, leur terrain : la ville et ici plus particulièrement, la place.
Mais alors, pourquoi la Place Louis Pradel est-elle aussi attrayante ? Pourquoi ici et pas ailleurs ? Tout d’abord, car pour choisir un bon spot, le skateur calcul (sans le vouloir) sa capacité d’adaptation à un lieu en fonction de ses souhaits, il vient alors évoluer dans un monde qui lui permet de jouer. Ici, le skate se pratique de minuit à minuit, un skateur vit de sa passion et il ne veut pas être bridé par des règles ou des horaires. Une place comme celle-ci leur permet d’aller et venir comme bon leur semble sans être obligé de partir à une certaine heure contrairement aux skateparks, soumis à un certain règlement : « Par exemple, quand on est dans un skatepark on peut pas fumer, ça ferme tôt… » [Quentin].
Le jeu du skateur, c’est aussi ressentir des choses tout en intégrant le monde qui l’entoure. Un skateur est obligé de penser à la ville, à son environnement et aux habitants. Sans arrêt les yeux rivés sur ses perspectives, Enzo nous explique que le seul moment où il regarde ses pieds, c’est lorsqu’il viendra effectuer son trick sur un des spots de la place. C’est une pratique beaucoup plus exigeante sur un plan critique, car il faut être capable de penser à « l’avant » , au « pendant » et à « l’après » des figures tout en prenant en compte le monde qui nous entoure et penser aux éventuels facteurs qui pourraient venir perturber l’action. En soumettant la ville à son envie de jouer, le skateur parodie l’espace urbain en un terrain de sport pour transformer une activité sportive en activité ludique, « les escaliers mécaniques sont des toboggans, la route une piste de schuss, le mobilier urbain un tremplin ou une barre d’appui… » (Sociologie du hors-piste urbain, 2001, p. 121).
Le skateboard devient alors une pratique accessible à tous sans l’être réellement, car si la ville est disponible en permanence, les skateurs ne sont pas tous capables de la dompter. En effet, la liberté de la pratique s’applique aussi à l’entraînement et à l’apprentissage. Le rider apprend seul en essayant quotidiennement ses figures. On vient alors troquer les entraînements du sportif par des répétitions quotidiennes des mêmes gestes, comme nous le montre Marc Touché et Claire Calogirou (ethnologues français) « …rentrer telle figure, sauter tel obstacle, maîtriser vitesse et équilibre. La plupart du temps, cet entraînement sportif se fait quotidien. ». Finalement, le sentiment de satisfaction qu’a un skateur lorsqu’il rentre ses tricks s’acquière après des années de pratique, de chute et de persévérance ce qui s’apparente une nouvelle fois à un plaisir ludique et à une découverte de sensations et d’émotions :
« Le skate est difficile, ce n’est pas un sport qui procure un plaisir immédiat, mais plutôt à la longue, à force de répétitions. » [Hassan].
Pour ce jeu, outre les règles de bienséance, il n’y en a pas. Ce qu’on demande à un skateur, c’est de la création et de la récréation à répéter de gestes dans un espace connu ou inconnu. Ici, les spots sont rider des centaines de fois par jour, d’une centaine de manières différentes. La créativité fait donc partie intégrante du jeu, la dissociation des deux devient compliquée voir impossible.
Les potentialités de la place viennent vite la transformer en terrain de jeu grâce à plusieurs lien construit entre l’urbain et le skateur. Ici, par exemple, le banc (ou curb) est utilisé pour s’asseoir, mais la plupart du temps les skateurs l’utilisent autrement : « Pour nous le curb nous permet de grinder et de faire pleins de tricks » [Hassan]. Le sol (ou flat) est l’un des spots le plus utilisé par les riders malgré son délabrement, les lignes tracés au sol servent en quelque sorte de guides, les trajets se font donc la plupart du temps diagonalement de manière à rester dans les « clous ». Suivre les lignes permet aussi aux skateurs de ne pas tomber à cause des aspérités du sol qui peuvent s’avérer parfois dangereuses (chutes).
La pyramide et le socle en pierre des deux statuts ne sont plus deux œuvres décoratives appréciée pour leur esthétique, elles deviennent fonctionnelles : le rebord en pierre permet de grinder ou slider, la pente de la pyramide permet au skateur de faire un ollie (mais pas seulement).
En fin de compte, dans ce jeu, on peut voir que les riders sont emprunt d’imagination et ont plusieurs autres capacités : la première est celle de ne pas voir l’espace urbain comme une personne lambda le verrait, lorsque nous nous voyons un banc en pierre ou une rampe d’escalier, eux voient un espace pour grinder, slider ou spiner. C’est grâce à cette vision et à cette capacité à transformer l’espace urbain mentalement que la place se transforme finalement en terrain de jeu, mais pas que. Pour remplir tous les facteurs de transformations d’un terrain de jeu, il faut que le passant ou l’observateur l’accepte aussi. Les skateurs, en réalisant leur figure sont parvenu, sur la Place Louis Pradel, à la magnifier « Ne ne faisions rien de la ville ; les rollers (skateurs) se sont chargés d’en faire quelque chose » (Sociologie du hors-piste urbain, 2001, p. 75). Dans ce processus d’appropriation, nous avons vu apparaître la capacité des escaliers, du banc ou des statuts de la place à servir à autre chose qu’a décorer. Cette place, simple passage pavé de pierre est devenue alors, pour tous, un terrain de jeu.
Finalement, ressort de tout ceci plusieurs dimensions à cette appropriation de l’espace urbain par les skateurs. Premièrement, la vision différente de celle des piétons ou autre usagers de la place. Le skateur a cette capacité à analyser tous les mobiliers et aménagements urbains, à l’apprécier, à en exploiter toutes les possibilités. Il est le plus à même de lire et comprendre l’espace dans lequel il évolue, contrairement aux personnes pour qui le lieu n’est qu’un moment éphémère dans leur trajet. Cette vision redonne en quelque sorte son importance à la place, appuyée par la réputation internationale qu’a créé leur pratique. C’est également cette dernière qui est devenue caractérielle à la Place Louis Pradel, imposant un cadre visuel et sonore, à la manière d’un spectacle de rue totalement improvisé.
Dans un second temps, ce phénomène d’ancrage en un lieu, extérieur et donc peu propice au rapprochement et à la socialisation au premier abord, révèle une réelle affection pour l’espace urbain de la part des skateurs. Lieu de passage et de concentration de flux bidirectionnels selon les plans, attirant les badauds, en font un lieu remarquable et remarqué. Les skateurs illustrent cet esprit de pause, ce sentiment de “Hé, on peut vraiment faire des trucs ici regardez !”. Ils figent en quelque sorte le temps, ralentissant un peu le rythme d’une ville toujours plus rapide, dynamique et connectée. Il devient alors lieu de récréation, avec toute l’insouciance enfantine que cela pourrait impliquer, un vrai terrain de jeu à ciel ouvert, sans limites.
Et cet endroit, comme une institution non-officielle et non-régulière, crée une socialisation à part et très riche. Ces groupes de « potes », qui en rencontrent d’autres, et qui bout à bout créé un énorme groupe, une tribu, donnent lieu à un esprit familial. Même si aux premiers abords, on semblerait juste voir des skateurs solitaire tous dans leur ride, chacun n’hésite pas à conseiller l’autre, à l’aider. Le skateur sait qu’en toute heure et tout temps, il peut aller à la Place, et trouvera des amis, ou bien juste des passionnés comme lui, avec qui expérimenter encore un peu plus son terrain, son aire de jeu.
LE SKATE
La board : la planche (anglissime)
Le skateboard : c’est la board la plus répandue de nos jours, on la voit partout (≠ longboard, cruiser)
Le skateboard : c’est aussi la pratique de cet objet, généralement considéré comme un sport.
Le skateur (ou ride[u]r) : celui qui pratique le skateboard (glisse sur le sol avec une planche)
Le surfeur : celui qui pratique le surf (glisse sur la mer ou la neige avec une planche)
La street : la rue (anglissime)
Le skatepark : lieu essentiellement destiné à la pratique du skateboard (intérieur ou extérieur)
LES TERMES DU SKATE
Un trick : une figure
Rider : pratiquer le skate
Rentrer : c’est le fait de réaliser et/ou maîtriser une figure (ex : j’ai réussi à rentrer un ollie)
Replaquer : le fait d’atterrir sur le skate à l’issu d’une figure
Un spot : l’endroit/le lieu où tu fais du skate
Le flat : le sol sur lequel tu glisses avec ta board
Le run : il s’agit d’un parcours libre
LES ÉLÉMENTS DE LA STREET
Le curb : c’est une sorte de rebord où l’on peut grinder et slider
Le ledge : c’est un curb en descente
Les rails : ce sont des barres sur lesquelles on peut s’amuser à glisser avec son skateboard
Le set : c’est un ensemble de marches
Le bowl : c’est comme une piscine ronde sauf qu’il n’y a pas d’eau et que tu y retrouves des courbes
La rampe : appelé aussi le “U” et composé de 2 courbes face à face
La pyramide : c’est module qui se compose de 4 plans inclinés
Le spine : ce sont 2 courbes collées l’une à l’autre (dos à dos)
Le corner : c’est le quart d’un bowl
LES TRICKS
Le ollie : le but est simple : “sauter” avec sa planche. En maîtrisant cette figure, cela te permettra passer une grande majorité de tricks
Le fakie : c’est le fait de rouler en arrière sur son skate
Le backside 180 : lorsque tu fais un demi-tour (à 180°) avec la planche en te tournant vers l’intérieur
Le frontside 180 : lorsque tu fais un demi-tour (à 180°) avec la planche en te tournant vers l’extérieur
Le varial flip : lorsque tu tournes ta board en réalisant un demi-tour et en enchaînant sur un kickflip
Le nollie : lorsque tu réalises un ollie mais inversé. Ton pied va alors claquer le nose (partie avant) de ta planche
Le kickflip : cette figure consiste à sauter en faisant tourner sa planche d’un tour dans l’axe parallèle de la planche, en envoyant le pied sur le côté
Le wheel : le fait de tenir en équilibre sur ton skate en roulant sur les trucks arrières
Le nose-wheel : le fait de tenir en équilibre sur ton skate en roulant sur les trucks avant
Le grind : le but ici est de faire glisser les trucks de ta planche de skateboard sur le curb
Le noseslide : c’est une figure qui consiste à faire glisser ta planche sur une surface avec le nose de ta planche
Le tailslide : c’est une figure qui consiste à faire glisser ta planche sur une surface avec le tail de ta planche
Le boardslide : c’est un trick qui consiste à faire glisser ta board sur le rebord d’une surface, rail, barre de slide…etc
Le 3.6 flip : cette figure consiste à faire avec ta planche une rotation de 360° en backside enchaîné avec un kickflip
Le kiss the rail : figure qui consiste à glisser très peu sur la barre
Le gap : consiste à sauter des obstacles
Le copping : c’est une partie métallique situé d’une rampe, d’un quarter ou d’une courbe où tu peux grinder
Le wallie: consiste à glisser sur le coin d’un mur ou d’un objet.
LORET, ALAIN. Génération glisse / [Article] / Éditeur : Autrement, série Mutations ; avril 1995, 3-325 p.
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