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Santé et sécurité au travail - Martine Charrette, Conseillère en hygiène industrielle - L’ergonomie, c’est l’affaire de tous

En soulevant une batterie à partir du sol, un commis aux pièces a ressenti une vive douleur au dos qui l’empêche de se redresser. C’est une entorse lombaire, qualifiée de « dos barré ». Tout s’écroule autour de lui : douleurs insupportables, prise de médicaments à risque de dépendance, incapacité de s’occuper de la maisonnée et des enfants, manque de sommeil, stress, etc. L’employeur se retrouve privé d’un employé d’expérience. Cela incombe aux autres employés de s’acquitter de ses tâches jusqu’à son retour. Mais reviendra-t-il bientôt?

Voilà un scénario bien représentatif d’une lésion de type musculosquelettique. Après coup, on se dit que ça aurait sûrement pu être évité. Mais qu’est-ce qui peut motiver les acteurs du milieu à s’occuper des risques ergonomiques?

L’ergonomie c’est quoi?

L’ergonomie est une science qui vise l’adaptation du travail (équipements, aménagement des lieux, méthodes de travail, organisation) aux capacités de l’individu. Cela implique de considérer à la fois l’environnement de travail (distances, hauteurs, etc.), l’utilisation d’équipements facilitant le travail (chariots, lève-roues), l’adaptation aux dimensions individuelles (chaise compatible avec la taille du travailleur) et finalement l’adoption de postures de travail adéquates. Ce sont beaucoup de choses à considérer, mais c’est par des approches paritaires employeur et travailleurs que cette thématique doit être abordée.

Pourquoi s’intéresser à l’ergonomie?

C’est dans la loi

L’ergonomie fait implicitement partie de la loi depuis longtemps, sans y avoir été explicitement nommée. Depuis le 6 avril 2022, la Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail oblige maintenant tous les milieux de travail à inclure les risques ergonomiques dans l’identification des risques. Cette nouvelle orientation officialise l’importance de l’ergonomie dans la loi en impliquant les travailleurs et leurs représentants.

C’est la principale cause des lésions

Le secteur des services automobiles a un dossier peu reluisant en matière de lésions de type musculosquelettique. Ces lésions représentent plus du tiers des accidents et les deux tiers des maladies professionnelles indemnisées par la CNESST en 2020.

C’est avantageux pour le gestionnaire

Une bonne connaissance et une prise en charge des risques ergonomiques permettent d’avoir une meilleure gestion des ressources humaines et financières telles que :

  • le temps consacré à la gestion d’arrêts de travail (trouver, former et intégrer des remplaçants; suivi auprès de la CNESST, etc.);

  • la durée de l’arrêt de travail (le retour au travail est plus rapide si le travail est moins contraignant);

  • les départs volontaires (roulement de personnel) dus à la pénibilité du travail;

  • le taux de cotisation des entreprises à la CNESST est basé en partie sur leur performance en termes d’accidents basée sur les 4 dernières années, donc moins d’accidents = moins de paiements CNESST à priori;

  • les départs à la retraite plus tôt en raison de douleurs et d’inconforts physiques;

  • des critères d’embauche basés sur la force physique (gestion plus complexe en contexte de pénurie de main-d’œuvre que l’achat d’équipements pour faciliter le travail);

  • un meilleur confort pour les travailleurs;

  • une meilleure productivité.

Ça protège la santé physique et psychologique des travailleurs

Les travailleurs doivent aussi prendre conscience des risques ergonomiques dans leurs tâches et considérer que leur corps est loin d’être invincible. Et il est reconnu que le stress aggrave la probabilité de développer une lésion de type musculosquelettique. Ne pas pouvoir prendre son enfant dans ses bras ou être incapable d’attacher ses chaussures sont des conséquences possibles d’une entorse lombaire, ce qui affectera la qualité de vie. Pour éviter d’en arriver là, les travailleurs doivent se conditionner à adopter certains réflexes, tels que :

  • prendre le temps d’utiliser les bons équipements;

  • prendre le temps d’évaluer l’environnement de travail;

  • prendre le temps de se positionner correctement;

  • ne pas attendre d’avoir une douleur chronique pour parler de la situation de travail qui cause problème.

Ça crée un esprit de collaboration

Lorsque le gestionnaire démontre une ouverture à discuter des problèmes musculosquelettiques, les inconforts et tâches physiquement contraignantes seront plus volontairement rapportés par les travailleurs. Les travailleurs et les gestionnaires, avec l’aide du représentant des travailleurs (agent de liaison ou représentant en santé et en sécurité), ont tout intérêt à chercher et proposer ensemble des solutions concrètes. Si les cordons de la bourse appartiennent aux gestionnaires, les travailleurs sont souvent les mieux placés pour juger l’efficacité des solutions envisagées.

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