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THE SHINING

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A CLOCKWORK ORANGE

A CLOCKWORK ORANGE

SHINING

THE SHINING

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Production : Hawk Films, Peregrine Scénario: Stanley Kubrick, Diane Johnson Acteurs : Jack Nicholson, Shelley Duvall, Danny Lloyd, Scatman Crothers Année de sortie: 1980 Durée: 146 minutes Genre: Horreur Nationalités : Britannique, Américain

RÉSUMÉ

L’écrivain, Jack Torrance devient le gardien de l’Hotel Overlook, durant la période creuse. Stuart Ulman, le directeur, lui signale que Gardy, le précédent gardien, a tué sa femme et ses jumelles avant de se suicider. Quand Jack arrive avec sa femme Wendy et leur fils Danny, tout le personnel part. Dick Hallorann, un vieux chef cuisinier noir, ressent que Danny a, comme lui, le «Shining» : un don de médium. De terribles visions d’ascenseur débordant de sang alertent le petit garçon du danger. Les jours et les semaines passent. La neige s’accumule, les privant du téléphone. Jack, devient de plus en plus instable, voire violent. Danny a visité la chambre 237 et en revient couvert de bleus, il dit avoir été infligés par une vieille femme. Wendy soupçonne son mari, ce qui le met dans une rage folle ! Celui-ci se réfugie dans la salle de bal, où il discute avec l’imaginaire Lloyd, barman. «Contacté» par Danny, Halloran s’inquiète. Dans la chambre 237, Jack rencontre une jeune femme nue, qui se transforme en vieille femme cadavérique. Jack retourne à la salle de bal bondée, dans un style années 1920. Il reconnaît Grady parmi les serveurs, qui lui conseillent de sévir comme lui-même l’a fait. Wendy découvre que Jack tape la même phrase à l’infini. Jack la surprend. Terrorisée, elle l’assomme avec une batte de base-ball, puis l’enferme dans la réserve. Hélas, la fuite est impossible : Jack a détruit radio et chenillette. Près de sa mère épuisée, muni d’un couteau, Danny répète et écrit «REDRUM». Dans le miroir, Wendy lira «MURDER». Armé d’une hache, Jack poursuit Wendy et Danny. Il défoncera la porte de la salle de bain où est bloquée sa femme. Puis il poursuit Danny dans le labyrinthe, où il reste coincé. Wendy et Danny s’échappent avec la voiture de Hallorann. 99

LE SPECTATEUR QUI REGARDE THE SHINING POUR LA PREMIÈRE FOIS EST CONDAMNÉ À LE REVOIR.

ANALYSE

Celui qui aime le film reviendra dans les couloirs de l’Hôtel Overlook et s’interrogera sur ce qu’il a vu, et celui qui ne l’aime pas a deux choix possibles, ou bien refuser de replonger ou bien essayer à nouveau, mais, dans les deux cas, il y pensera, obsédé par cette question: pourquoi les autres le voient-ils comme un grand film et pas moi ? Après l’échec de Barry Lyndon, Stanley Kubrick souhaite réaliser un film plus «commercial» et rivaliser ainsi avec la génération montante du nouvel Hollywood. L’Exorciste de Friedkin, ou encore les dents de la mer de Spielberg, ne le laisse pas indifférent. Kubrick comprend que l’horreur est désormais le Zeitgeist, l’esprit du temps. Pour Shining, Kubrick a décidé d’adapter le roman du même nom de Stephen King. Kubrick transforme le récit avec l’aide de Diane Johnson, une spécialiste de la littérature fantastique.

STANLEY KUBRICK A RÉALISÉ CE FILM À L’ABRI DES MÉDIAS. IL S’EST ENFERMÉ PENDANT DES MOIS DANS UN STUDIO LONDONIEN POUR TOURNER LE FILM.

Le personnage de Wendy est modifié, les flash-back aussi, et encore d’autres éléments du décor, décris par King dans son roman. Il a recréé l’intérieur de l’hôtel Overlook, qui se situe au Colorado. Il répétait chaque prise, plus de quarante fois, même pour une simple action. La maniaquerie de Kubrick semblant alors correspondre à celle de son personnage principal, qui tape sur sa machine à écrire le même texte à l’infini, dans d’infimes variations de mise en page ! Kubrick est casanier, incapable de voyager, dans la deuxième moitié de son existence. il est évident que le récit de cet homme qui s’enferme pour «créer» est un autoportrait à la fois amusé et angoissé. La personnalité de Kubrick est montrée au travers de ce film. L’omniprésence et l’omnipotence du cinéaste démiurge, par son humour aussi, Shining n’est pas tant une histoire à prendre au premier degré qu’un commentaire, à la limite de la caricature, sur le film d’épouvante.

Kubrick est un homme rationnel qui observe avec distance tous les phénomènes dits «surnaturels». Concernant Shining, le cinéaste, disciple lucide de Freud, Schnitzler et Max Ophüls, déclarait: «L’attrait essentiel qu’exercent les histoires de revenants vient de ce qu’elles impliquent une promesse d’immortalité: au niveau inconscient, elles plaisent parce que, si l’on peut avoir peur des fantômes, c’est qu’on accepte, ne fût-ce qu’un instant, l’idée qu’il existe des êtres surnaturels, et cela suppose très évidemment qu’au-delà de la tombe il y a autre chose que l’oubli.» Pourquoi ce film nous marque-t-il autant ? La première raison est que nous subissons, l’obsession de la signature.

KUBRICK EST DONC AVANT TOUT UN PRAGMATIQUE QUI AMBITIONNE, APRÈS AVOIR LU TOUTES LES ÉTUDES SUR LE SURNATUREL, DE FAIRE LE FILM SYNTHÈSE DE L’ÉPOUVANTE.

C’est une vieille maladie épidémique qui remonte au XIXe siècle, prenant sa souche dans le mythe du Génie romantique. Les experts du «marché de l’art» nous l’affirment: si une œuvre est signée Cézanne, Picasso, ou Warhol, elle est donc forcément géniale. Ceux qui ne voient pas ce génie, passeront pour des ploucs et devront se torturer les méninges. De fait, Kubrick «traumatise» le cinéphile par sa présence au générique du film. Il nous possède comme l’hôtel possède Jack Torrance. Il faut donc essayer de prendre du recule, et se demande si le film nous marquerait autant s’il n’y avait pas le nom de Kubrick au générique. Deuxième raison pour laquelle Shining nous marque, c’est qu’il est visuellement conçu pour impressionner. Une fois vues, impossibles de l’oublier. Par la puissance, la précision et la pureté de son style, Kubrick est comparable aux grands compositeurs du XIXe siècle. Le mouvement rythmique de Shining évoque celui d’une symphonie wagnérienne: montées en puissance répétées, entrecoupées d’explosions.

Le concept du film est de montrer que l’horreur ne vient pas forcément d’un château gothique ou d’un cloaque redneck, mais d’une moquette proprette et kitsch, d’un éclairage électrique plat dans une salle de bain.Ce qui fait peur au fond dans Shining, c’est le vide et la laideur fonctionnelle de la vie moderne, vide qui accuse notre stérilité existentielle et qui nous laisse encore plus seuls face à nos démons intérieurs. Le labyrinthe résume visuellement et symboliquement l’essence du film: lorsqu’on y pénètre, on ne peut que tourner en rond dans un vide inquiétant, dans une sorte de gouffre «horizontal». On entre en fait dans une boucle où la logique habituelle du temps et de l’espace, telle qu’on la conçoit dans notre société, s’efface peu à peu pour disparaître ensuite complètement: Jack a toujours vécu là, il a toujours été le gardien de l’Overlook. Le film est bel et bien une boucle spatio-temporelle où le domestique se dissout totalement dans le cosmique. Et au fond du labyrinthe, Jack se tient face à nous, en miroir: notre double est dans la glace et nous regarde.

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