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THE KILLING
KILLING
THE KILLING
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Titre français : L’Ultime Razzia Production : James B. Harris et Stanley Kubrick Scénario: Stanley Kubrick, Jim Thompson Acteurs : Sterling Hayden, Coleen Gray, Vince Ewards, Marie Windsor Année de sortie: 1956 Durée: 80 minutes Genre: Drame Nationalité: Américain
RÉSUMÉ
Johnny Clay travaille sur un dernier coup fumant avant de prendre sa retraite en se mariant avec Fay:braquer le champ de courses. Un coup de deux millions de patates. Après c’est fini, c’est promis ! Il monte une équipe composée de Randy Kennan, un flic, qui lui donne des indications, George Peatty, un caissier minable, pour accéder à la salle des paris, Nikki Arane, un sniper et d’un ancien catcheur, Maurice Oboukhoff, pour faire diversion. Tout a été calculé de manière millimétrée. Si chacun respecte sa partition, c’est la richesse assurée. Le caissier est faible et ne peut s’empêcher de tout raconter à sa femme Sherry, qui s’empresse d’en parler à son amant, Val Cannon. Ce dernier voit grand. Plus que de prendre la part de George, il a l’intention de dévaliser les cambrioleurs. Le plan se déroule sans accroc, à l’exception de Nikki qui est abattu par un officier de police. Les hommes se retrouvent au lieu de rendez-vous. Avant que Johnny les rejoigne, Val fait intrusion et provoque une tuerie. Suite à ce carnage, Johnny passe son chemin, comme prévu. George, grièvement blessé, parvient à rentrer chez lui pour abattre sa femme. Johnny file à l’aéroport avec Fay. Sa valise pleine de billets est trop encombrante pour qu’il l’emmène en cabine. Il est contraint de l’enregistrer au moment d’embarquer, le couple observe leur bagage se renverser sur le tarama et disperser leur fortune aux quatre vents. Ils tentent de quitter l’aéroport, mais ils sont identifiés par le responsable de la compagnie aérienne. Résigné, Johnny renonce à prendre la fuite.


ANALYSE
En 1958, Stanley Kubrick a vingt-huit ans. C’est un jeune cinéaste en devenir, qui forge son art en autodidacte. Même si au début, il reniera Fear and Desire, film de guerre métaphorique, longtemps introuvable, et que Le baiser du tueur tient plus de l’anecdotique série B que du chef d’oeuvre, ses coups d’essai en solitaire attireront l’attention de la puissante United Artists, alors en phase de diversification et attirée par le cinéma de genre. L’Ultime Razzia fait office de jalon à bien des égards:c’est une des premières oeuvre produite par une grosse compagnie, avec un budget conséquent, première adaptation, première collaboration avec un chef opérateur (une légende raconte que Kubrick remit le technicien expérimenté à sa place, à l’occasion d’une histoire de focale sur un travelling chevalin). Le cinéaste collabore à cette occasion avec James B. Harris. L’Ultime Razzia est basée sur le polar de Lionel White: Clean Break.
BIEN REÇU PAR LA CRITIQUE ANGLO-SAXONNE, L’ULTIME RAZZIA PLACE LE JEUNE KUBRICK AU RANG DES CINÉASTES PROMETTEURS, ET LUI OUVRE LES PORTES DES GROSSES PRODUCTIONS.
Time Magazine le compare à un nouvel Orson Welles. En France, la réception est plus tiède : joliment salué dans Le Monde et Positif, le film fait peu de remous aux cahiers, pourtant curieux de séries B américaines, et se voit qualifié d’un simple «Copie d’un bon élève, sans plus», par Jean-Louis Godard. L’Ultime Razzia a un récit sec et nerveux. Le film s’inscrit parfaitement dans le genre du polar, dont il reprend les codes essentiels, des personnages à la morale douteuse aux ambiances enfumées en passant par les enjeux véreux et la mécanique sanglante. Et s’il ne se défait pas de certains codes des séries B de l’époque (musique omniprésente, montage un peu haché et casting inégal), il investit brillamment le sousgenre du «film de casse parfait».
Déstructurés, chronométrés et soutenus par une voix off joueuse, les préparatifs et l’exécution du Hold-up forment une ligne sous haute tension qui s’ébroue entre pics dramatiques et creux bavards. Le film semble magnétisé par sa galerie de personnages, casting d’inconnus sans figure proéminente aux motivations convaincantes et aux backgrounds individuels. L’inventivité de Kubrick perce la membrane classique de L’Ultime Razzia en de multiples éclats formels. Captation documentaire de l’ambiance du champ de courses, jeux d’annulations inconfortables des plans d’intérieur, étonnante séquence d’après fusillade en caméra à l’épaule. À travers l’effeuillage chronologique hyperdétaillé de la mécanique criminelle, Kubrick laisse effleurer sa volonté de contrôle et sa fascination pour les mécaniques implacables. Rivé aux allées et venues millimétrées et quasi-robotiques des gangsters, le cinéaste capte ce que le geste humain retient, et ce qui lui échappe.
CHEZ KUBRICK S’AFFRONTENT DÉJÀ LES FORCES D’ORGANISATIONS ET DE DÉSORGANISATION, LA VOLONTÉ DE CONTRÔLE DES HOMMES SE HEURTANT AUX PUISSANCES DU HASARD ET DU CHAOS.
L’Ultime Razzia n’est pas un grand film, et fait assurément partie de ces oeuvres artificiellement rehaussées par l’aura postérieure de leurs créateurs. Mais sa torsion habile des règles du genre ainsi que ses audaces formelles en font un film singulier qui signe la fin d’un apprentissage. Fort d’un succès public et critique, Kubrick peut s’emparer des moyens de l’édifice hollywoodien pour forger en miroir déformant et ouvrager les premiers jalons mémorables de son oeuvre inclassable. C’est d’ailleurs par ce film qu’il se fera remarquer par Kirk Douglas, qui lui proposa de reprendre la réalisation de Spartacus quelques années plus tard.
