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Le gouvernement fédéral tente de

© Shutterstock Le chômage corona arrivera à son terme à la fin du mois de juin.

Le gouvernement fédéral tente de démêler l’écheveau

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Quand vous recevrez ce numéro de Syndicaliste dans votre boîte aux lettres, la grande manifestation organisée le 20 juin à Bruxelles contre la loi sur la norme salariale sera derrière nous. Nous sommes à présent en train de nous préparer pour l’audition que nous avons pu obtenir au Parlement grâce aux quelque 90.000 signatures digitales récoltées dans le cadre de la pétition contre cette loi. Quels sont les autres dossiers qui se trouvent sur la table?

Deal pour l’emploi: les rouages se grippent en deuxième lecture

Au moment d’envoyer ce numéro de Syndicaliste à l’imprimerie (le 15 juin), le gouvernement n’a manifestement pas avancé d’un pouce sur le projet de loi relatif au deal pour l’emploi. Un texte adapté du ministre de l’Emploi, Pierre-Yves Dermagne, serait sur la table du Conseil des ministres en vue d’une deuxième lecture mais, sous la pression des employeurs, il se heurte à de vives résistances sur le banc libéral. C’est en tout cas ce que l’on peut déduire des messages diffusés dans les médias. Au grand dam des employeurs, Dermagne aurait formulé de nouvelles propositions: • pour améliorer le fonctionnement de la

Commission des relations du travail, pour faciliter la reconnaissance des travailleurs des plateformes en tant que travailleurs salariés; • pour qu’à partir de l’année prochaine, la prolongation des délais minimums pour notifier les horaires variables des tra-

vailleurs à temps partiel s’applique également aux secteurs dont les CCT prévoient des délais plus courts; • pour obliger les employeurs à conserver le nouveau droit individuel à la formation pour chaque travailleur sur un compte digital à l’ONSS. De ce fait, le dossier est à nouveau bloqué au sein du gouvernement et il ne peut par conséquent pas encore être soumis au Parlement pour y être débattu. L’objectif reste cependant de clôturer ce dossier avant les vacances parlementaires.

Fin du chômage corona

Le couperet est tombé. Contrairement à ce qu’espéraient les employeurs, le chômage corona arrivera à son terme à la fin du mois de juin. À partir du 1er juillet, les entreprises devront donc recourir aux systèmes classiques de chômage économique et de force majeure. Sachez toutefois que pour le chômage économique, un jour de travail suffit pour avoir droit à des allocations. Par ailleurs, une série de mesures transitoires sont prévues jusqu’au 31 décembre 2022. Ainsi, le droit au chômage temporaire est maintenu jusqu’à la fin de l’année pour les travailleurs qui doivent se mettre en quarantaine ou qui sont confrontés à des problèmes en raison de la fermeture de l’école ou de la structure d’accueil de leur enfant. Vous trouverez tous les détails à ce sujet sur la page d’accueil de l’Onem, sous la rubrique «Actualités». De notre côté, nous souhaitons avant tout que l’assimilation du chômage corona pour le premier semestre de 2022 soit réglée. Le ministre Dermagne avait laissé entendre au Parlement qu’il n’y avait pas d’urgence parce qu’il s’agit du droit à des jours de vacances et à un pécule de vacances en 2023. C’est évidemment problématique, d’une part parce que les travailleurs qui sont en chômage corona veulent savoir à quoi s’en tenir et, d’autre part, parce qu’un pécule de vacances de départ doit de toute façon déjà être payé aux employés licenciés en 2022.

Les chômeurs temporaires dans le viseur

Dans le prolongement des discussions avec les Régions et les Communautés sur la fameuse «politique de l’emploi asymétrique», il y a toutefois un élément nou-

veau, tant pour le régime de chômage temporaire pour force majeure que pour les régimes de chômage économique. En effet, le gouvernement flamand souhaitait depuis un certain temps déjà pouvoir interpeller plus rapidement et plus activement les chômeurs temporaires afin de pouvoir les activer pour d’autres emplois. Le 25 mai, une proposition concrète a été soumise au comité de gestion. Cette proposition prévoit l’obligation, à partir du 1er juillet 2022, pour les chômeurs temporaires, de s’inscrire comme demandeurs d’emploi après trois mois de chômage (donc pour la première fois après le 1er octobre 2022). Cette obligation n’existe aujourd’hui que pour le chômage temporaire pour force majeure ordinaire (avec, il est vrai, une suspension pour le chômage corona) et pas pour le chômage économique. Le chômeur temporaire à qui le service régional propose une trajectoire sur la base de cette inscription est tenu d’y participer activement. La proposition a soulevé de nombreuses questions techniques, surtout au sujet de la procédure d’inscription et des sanctions en cas de non-respect. Les employeurs ne sont pas non plus favorables à cette activation des chômeurs temporaires. Vu l’acuité des problèmes de recrutement, ils ne voient pas d’un bon œil que les service régionaux orientent leurs travailleurs en chômage temporaire vers d’autres employeurs. Entretemps, il est question de ne faire entrer cette nouvelle obligation en vigueur qu’au 1er septembre (inscription comme demandeur d’emploi à partir du 1er décembre, donc). Il en va de même pour deux autres dossiers qui ont été débattus avec les Régions et les Communautés: le maintien du paiement de 20% de l’allocation pour les chômeurs complets qui commencent à travailler dans un métier en pénurie et/ou qui vont travailler dans une autre Région et le cumul illimité des primes de formation régionales avec les allocations de chômage.

Réforme des pensions d’ici au 6 juillet

En septembre 2021, la ministre des Pensions, Karine Lalieux, a présenté au gouvernement une série de propositions visant à réformer les pensions. Elle souhaitait travailler en trois phases. La première phase prévoyait un plan quadriennal pour relever les minima et les plafonds de pension. Une deuxième phase devrait permettre d’apporter des améliorations ponctuelles: possibilité de partir à la pension anticipée à partir de 60 ans moyennant 42 ans de carrière, réintroduction d’un bonus de pension, introduction de la pension à temps partiel, accès plus aisé à la pension minimum, prolongation de l’allocation de transition… Trois thèmes devraient être abordés dans un Comité national des pensions réformé au cours de la troisième phase: l’augmentation du ratio de remplacement, la généralisation de la pension complémentaire et la modernisation de la dimension familiale. Ces propositions ont immédiatement été communiquées à la presse, ce qui a fortement irrité le gouvernement et a entraîné le report du dossier jusqu’après la confection du budget 2022. L’objectif était de le reprendre à la fin de l’année 2021 mais, finalement, seul le dossier relatif à la prolongation de l’allocation de transition a pu être réglé sans problème. Dans tous les autres dossiers, rien n’a été fait pendant des mois. Plus aucun écho au sujet du reste de la phase deux, ni sur la réforme du Comité national des pensions ou sur les trois thèmes qui devraient y être abordés. De manière tout à fait inattendue, le Conseil central de l’économie (CCE) et le Conseil national du Travail (CNT) ont reçu, début juin, un courrier de la ministre Lalieux et du ministre des Classes moyennes, David Clarinval, compétent pour les pensions des indépendants. Dans ce courrier, les deux ministres demandent aux interlocuteurs sociaux au CCE et au CNT d’établir un rapport intermédiaire sur ces trois thèmes pour le 6 juillet 2022 et un rapport final pour le 31 décembre 2022. Deux des trois thèmes ont cependant été quelque peu étendus. Thème 1: la soutenabilité financière et sociale des pensions. Thème 2: la généralisation et le renforcement des pensions complémentaires. Le thème 3, la modernisation de la dimension familiale, est inchangé. Exiger un rapport pour le 6 juillet, c’est évidemment de la folie, ne serait-ce que parce que la discussion doit porter sur les trois régimes de pension, donc également les pensions publiques. Il ne faudra sans doute pas s’attendre à y trouver plus que des modalités sur l’approche qui sera suivie après les vacances d’été. Entretemps, le gouvernement poursuit la concertation au sujet de la phase 2 susmentionnée et en particulier sur trois dossiers: la réintroduction d’un bonus de pension, l’accès à la pension minimum et l’instauration d’une pension à temps partiel, l’objectif étant, ici aussi, de boucler ces dossiers d’ici aux vacances parlementaires. Remarque: l’accès à la pension anticipée à partir de 60 ans après 42 ans de carrière n’est plus sur la table.

Ça coince toujours du côté de la liaison au bien-être

Curieux de savoir si les choses avancent concernant la liaison au bien-être des allocations sociales pour 2023-2024? Vous allez être déçus! Les employeurs continuent à exiger que ce dossier soit finalisé dans le cadre des négociations pour un accord interprofessionnel 2023-2024. Dans le meilleur des cas, le Bureau du

En matière de pension, le gouvernement veut boucler trois dossiers avant les vacances parlementaires: la réintroduction d’un bonus de pension, l’accès à la pension minimum et l’instauration d’une pension à temps partiel.

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Plan nous fournira, au mois de juin, son rapport avec le calcul du budget disponible mais, tant que les employeurs ne sont pas disposés à discuter de la répartition du budget, ce rapport ne nous avance pas, notamment parce que les ministres compétents n’ont pas envie de prendre eux-mêmes une initiative.

Plus d’un tiers des travailleurs exclus de la suppression du certificat médical

Entretemps, le gouvernement poursuit la mise en œuvre des différents sous-dossiers relatifs au retour au travail des malades et des invalides. Maintenant qu’on dispose d’un cadre pour les coachs chargés d’accompagner le retour au travail, des sanctions vont être infligées aux employeurs et aux travailleurs qui ne collaborent pas suffisamment. Le projet de loi fixant les sanctions pour les malades a entretemps été soumis à la Chambre pour y être discuté. Un arrêté d’exécution devra être pris sur cette base, parallèlement aux sanctions qui sont prévues pour les employeurs.

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Le gouvernement poursuit ses travaux pour supprimer le certificat de maladie à raison de trois jours par an, avec une limitation aux entreprises occupant au moins 50 travailleurs, ce qui exclut 37% des travailleurs du secteur privé de la mesure.

Enfin, il reste quatre dossiers en suspens qui doivent encore être tranchés par le gouvernement: l’adaptation des conditions auxquelles la force majeure médicale peut être invoquée, le droit à l’outplacement en cas de force majeure médicale, le salaire garanti en cas de reprise partielle du travail et la suppression du certificat médical à raison de trois jours de maladie par an. Le CNT avait déjà rendu un avis sur les trois premiers. Le dossier relatif au certificat médical a été mis de côté parce qu’il n’a pas de lien direct avec le retour au travail. Le CNT avait demandé de pouvoir l’examiner de manière plus large, dans le cadre de l’approche globale des congés de maladie de courte durée, mais le gouvernement s’y est opposé. Début juin, il est apparu qu’il entend poursuivre ses travaux afin de supprimer le certificat de maladie à raison de trois jours par an, avec une limitation toutefois aux entreprises occupant au moins 50 travailleurs. 37 % des travailleurs du secteur privé sont ainsi exclus de la mesure (voir p. 12-14). Après évaluation, le dossier reviendrait sur la table du Conseil des ministres l’année prochaine en vue d’une éventuelle extension aux entreprises de minimum 20 travailleurs. Cette décision ne nous avance guère. Nous reviendrons sur cette question dès que nous disposerons de textes définitifs clairs. Le gouvernement espère également pouvoir finaliser ces dossiers d’ici aux vacances parlementaires. Reste encore le dossier de la politique de réintégration collective dans le chef des entreprises. Ce dossier est encore sur la table du CNT. Il était question d’organiser des auditions avant l’été, en présentant les meilleures pratiques des entreprises, pour ensuite, à l’automne, examiner quelle déclaration commune les interlocuteurs sociaux peuvent faire.

Les déplacements professionnels moins coûteux?

Lors du dernier contrôle budgétaire, le gouvernement avait réservé 30 millions d’euros pour une éventuelle intervention dans l’augmentation des frais que doivent consentir les travailleurs qui utilisent leur voiture personnelle pour se rendre au travail ou pour se déplacer entre deux postes de travail. Sur cette base, le Groupe des 10 a été invité à formuler une proposition. En vain. Le gouvernement avance maintenant une proposition pour le moins étrange. Le plafond de l’exonération fiscale pour l’intervention de l’employeur dans les déplacements en mission fait l’objet d’une majoration unique de 0,3707 à 0,402 euro par kilomètre pour la période comprise entre avril et juin 2022. Le 1er juillet suivra alors l’indexation normale du montant initial de 0,3707 euro par kilomètre. À partir de cette date, le principe de l’indexation annuelle (au 1er juillet) sera remplacé par une indexation tous les trois mois. Une indemnité égale au plafond fiscal n’est pas pour autant un droit pour le travailleur. En effet, l’employeur doit être d’accord de relever l’indemnité kilométrique. Pour l’inciter à le faire, l’employeur pourra bénéficier d’une intervention fiscale unique. Pour ce faire, le ministre des Finances doit élaborer une proposition respectant le budget de 30 millions d’euros. Reste à savoir si cette mesure va convaincre les employeurs récalcitrants qui, aujourd’hui, paient souvent une indemnité bien inférieure à 0,3707 euro. L’avantage fiscal risque de profiter essentiellement aux entreprises qui paieraient spontanément 0,402 euro dès que le plafond fiscal est relevé. Mais, plus important encore: contrairement à ce que le gouvernement avait annoncé, rien n’est prévu pour compenser l’augmentation du coût des déplacements domicile-lieu de travail effectués avec son propre véhicule, alors que c’est la première des priorités. Les déplacements effectués à la demande de l’employeur sont un coût propre à l’employeur. Les pouvoirs publics n’ont pas à intervenir financièrement dans ce coût. Ils doivent uniquement veiller à ce que le travailleur soit correctement indemnisé par son employeur pour ces déplacements.

Par ailleurs, 80 millions d’euros avaient également été prévus pour promouvoir les déplacements à vélo. Cette mesure n’est pas unique mais structurelle. Sur cette somme, 60 millions peuvent déjà être alloués en 2022. Nous n’avons pas d’autres informations à ce sujet pour le moment.

Focus sur les travailleurs avec des racines hors UE

Le présent article est envoyé à l’imprimeur (le 15 juin) au moment où la 2ème conférence sur l’emploi se termine. Cette conférence est organisée par le ministre Dermagne, en collaboration avec Sarah Schlitz, secrétaire d’État à l’Égalité des genres, à l’Égalité des chances et à la Diversité, l’objectif étant essentiellement d’organiser la concertation avec les interlocuteurs sociaux, en séance plénière et en groupes de travail. La première conférence de ce type a eu lieu en septembre 2021 et s’était focalisée sur les travailleurs âgés. Les 14 et 15 juin 2022, l’attention s’est portée sur les travailleurs originaires de pays situés en dehors de l’Union européenne. La CSC a déposé toute une série de propositions reposant sur six axes: • l’intensification de la lutte contre la discrimination, l’inégalité de traitement et le racisme; • la promotion de la diversité, à tous les niveaux; • la lutte contre le dumping social, tant dans le cadre du détachement que du transport international de marchandises; • une meilleure protection des migrants économiques; • un travail sûr et sain, y compris pour la main-d’œuvre étrangère; • le droit à un logement décent pour les travailleurs à temps partiel. Nous avons également demandé qu’une attention spécifique soit accordée à certains groupes-cibles particulièrement vulnérables: • les demandeurs d’asile et les autres personnes demandant une protection internationale; Les 14 et 15 juin, la conférence sur l’emploi a porté son attention sur les travailleurs originaires de pays situés en dehors de l’Union européenne.

• les victimes d’exploitation économique; • les sans-papiers; • les travailleurs saisonniers; • le personnel domestique, y compris les personnes travaillant au pair; • le personnel des ambassades et des autres missions diplomatiques. Dans un prochain numéro de Syndicaliste, nous reviendrons plus longuement sur le déroulement de la conférence. Quant à savoir si cette conférence permettra d’apporter des changements concrets, il faudra encore attendre un long moment avant de le savoir.

| Chris Serroyen |

Comprendre la loi de 1996 et la norme salariale

Grèves, manifestations, pétition citoyenne, rencontres avec des représentants politiques, prises de parole dans les médias… Depuis plus d’un an, les organisations syndicales se sont engagées dans un combat de longue haleine vis-à-vis du monde politique, mais aussi des employeurs, afin de faire revoir la loi de 1996 et de rendre la «norme salariale» indicative. Mais de quoi s’agit-il exactement? Qu’est-ce donc cette loi de 1996 et cette «norme salariale»? Comment ça fonctionne? Et quelles sont les critiques syndicales? La Fec a rédigé un Cahier à ce sujet. Rédigé par Benoît Brabant, il vise à donner à un large public les clés pour comprendre les tenants et aboutissants et saisir les enjeux de cette grande mobilisation syndicale actuelle. Téléchargez ce Cahier de la Fec sur https://fecasbl.be

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