

SOMMAIRE
Picasso et l’art du multiple : de l’expérimentation plastique à la démocratisation de l’art
Céline Graziani
Introduction
Salvador Haro González et Harald Theil
Picasso et la céramique
Harald Theil
Une approche des céramiques éditées par Picasso
Salvador Haro González
Linocéramiques : le relief imprimé dans la terre
Anne-Françoise Gavanon
Témoignage
Dominique Sassi
Catalogue des œuvres
Empreintes originales
Répliques authentiques
Liste des œuvres
Pablo Picasso : chronologie
Glossaire
Bibliographie
PICASSO ET LA CÉRAMIQUE
HARALD THEIL
L’œuvre céramique de Picasso est une partie organique et essentielle de l’ensemble de sa création artistique. Pour lui, la céramique n’était pas considérée comme une forme d’art mineure, puisqu’il continuait d’y approfondir des pratiques artistiques visant des transformations multiples qu’il explorait depuis le cubisme1 : l’inversion des volumes négatifs et positifs, l’exploration de la relation entre polychromie et la tridimensionnalité, ainsi que la représentation d’un sujet par un objet réel. Son emploi d’objets trouvés reflète une des préoccupations majeures de son art depuis le cubisme : la tension entre l’objet et l’image, entre la réalité et sa représentation, tension se manifestant très clairement dans sa création céramique2. Il s’agit d’un moyen d’expression artistique à part entière, au même titre que la peinture, le dessin, la sculpture et les arts graphiques. Un moyen adéquat et astucieux de pérenniser son art et de le faire pénétrer dans un cercle plus large.
Picasso et Madoura
Picasso s’est consacré à la céramique durant une période de vingt-cinq ans, de 1946 à 1971, à l’atelier Madoura de Suzanne (1905-1974) et Georges Ramié (1901-1976). Les premiers essais céramiques de Picasso à Vallauris chez Madoura, fin juillet 1946, ne sont pas le fruit du hasard. Sa volonté de créer des céramiques est une démarche préméditée.
Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, Picasso développe un nouveau langage de formes, tant en peinture qu’en lithographie. Avec La Femme-Fleur , une peinture à l’huile représentant Françoise Gilot 3 terminée le 5 mai 1946 et Femme dans un fauteuil (fig. 1), datée du 2 avril 1947, il a élaboré un système de signes reposant sur des formes géométriques – lignes courbes, formes ovales et cercles – qui seront transposées en trois dimensions à partir de 1947 avec la création de vases plastiques céramiques anthropomorphes et zoomorphes (fig. 2, cat. 3839).
Il revient en été 1947 chez Madoura avec des dessins préparatoires pour la réalisation de ce type de céramiques, décidé à se consacrer à cet art de façon régulière4
Avec son équipe, Suzanne Ramié produisait des formes céramiques issues de la tradition populaire vernaculaire provençale. À Madoura, des objets utilitaires – plats, vases, pichets et divers autres récipients – sont fabriqués en série à partir de formes et de techniques locales traditionnelles. Suzanne Ramié crée également des objets utilitaires qu’elle réinterprète de façon artistique en
1. Pablo Picasso Femme dans un fauteuil 2 avril 1947
Huile sur toile 92 × 72,5 cm

de cette œuvre, les « pâtes blanches », composée de soixante-six modèles24, dont la majorité a été réalisée dans les années 1950.
Empreintes originales colorées uniques
Parfois, Picasso prenait une de ces pâtes blanches et la couvrait d’engobes, d’oxydes métalliques, de glaçures, souvent en plusieurs versions différentes (fig. 3). Ces pièces étant intégrées à l’œuvre unique (cat. 22), certaines d’entre elles ont posé des problèmes de catalogage, car elles avaient déjà été estampillées au verso comme des empreintes originales. L’assiette Picador (fig. 4) en est un exemple. Pour cette céramique unique, peinte en 1961 et dédiée à Suzanne Ramié, Picasso a utilisé comme base une pâte blanche provenant d’un moule qu’il avait gravé deux ans plus tôt et qui avait été utilisé pour une édition (AR 439). Au dos de l’assiette, outre la dédicace, on peut lire « empreinte originale de Picasso », bien qu’il s’agisse d’une pièce unique. Un autre exemple pourrait être l’assiette Grand poisson, dont seule la pâte blanche a été éditée (AR 332), et dont il existe au moins trois variantes peintes uniques.
Empreintes originales colorées éditées
Parfois, ces variations colorées ont fait l’objet d’une nouvelle édition. Dans ces cas-là, le processus ne se termine pas avec le moulage et la cuisson de la pièce, mais les techniciens de l’atelier colorent les empreintes à la main en suivant le modèle établi par Picasso, de la même manière que les colorations sont parfois réalisées sur les gravures sur papier, mais en utilisant des engobes, des oxydes et 3.

Roberto Otero Picasso avec une céramique dans sa chambre Notre-Dame-de-Vie (Mougins), [1966-1968] Épreuve à la gélatine argentique


Plat Picador
12 octobre 1953
Plat rond
Terre de faïence
blanche, décor sous couverte partielle au pinceau
D. 42 cm
d’autres colorants céramiques. En effet, il n’existe pas de version en pâte blanche de toutes les empreintes originales ; au contraire, les colorées sont beaucoup plus nombreuses (cat. 8, 10, 12, 14, 15, 17, 18, 20, 21).
En 1950, Picasso a gravé un moule avec une Tête de chèvre dont il n’existe aucune version en pâte blanche. Il en existe cependant au moins quinze versions uniques différentes et huit modèles colorés édités. Le point commun de ces œuvres, qu’il s’agisse de celles qui ont été éditées ou des pièces uniques, est qu’elles sont toutes issues de la même empreinte originale et que différentes solutions picturales ont été développées à partir de celle-ci, comme une réinterprétation et une exploration du potentiel plastique du motif représenté (fig. 5). Dans ce cas particulier, cependant, le motif gravé a changé progressivement. En effet, il existe au moins trois états différents de la matrice. En d’autres termes, après avoir réalisé un certain nombre d’empreintes, l’artiste est intervenu sur la matrice en plâtre (ou sur des contre-moulages des assiettes extraites), en ajoutant des incisions aux incisions existantes au moins à deux reprises25
Douze ans plus tard, en 1962, l’artiste peignait encore des variations sur cette empreinte originale. Une photographie de David Douglas Duncan montre l’artiste dans son atelier en train de travailler sur deux de ces assiettes26, preuve de la persistance de l’artiste à explorer toutes les variations possibles d’un motif.
Pablo Picasso
Tête de chèvre de profil 1950
Assiette ronde carrée
Terre de faïence blanche, décor à la paraffine oxydée et bain d’émail blanc
D. 25,5 cm
4.
Pablo Picasso
5.

5. Pablo Picasso
Matrice de plat
1956
Plâtre
D. 52 × Ep. 9 cm

22 janvier 1956
D. 41,5 cm
6. Pablo Picasso
Profil de Jacqueline
Plat rond carré
Terre de faïence rouge

Matrice de plat
Vers 1952
Plâtre
D. 55 × Ep. 8 cm
1952
Plat ovale
Terre de faïence blanche, décor aux engobes, sous couverte partielle au pinceau
H. 34,5 × L. 42,5 cm


16.
Pablo Picasso
17.
Pablo Picasso
Poisson chiné
1952

H. 34,5 × L. 42,5 cm
18. Pablo Picasso
Poisson fond blanc
Plat ovale
Terre de faïence blanche, décor aux oxydes sur émail blanc
Plat rond
D. 42 cm

21. Pablo Picasso
Visage de faune tourmenté 1956
Terre de faïence blanche, décor à l’engobe, couverte et patine

1956
Plat rond
Pièce unique
Terre de faïence blanche, décor à l’engobe, couverte et patine
D. 42 cm
22. Pablo Picasso
Visage de faune tourmenté

Terre de faïence rouge imprimée au tampon d’engobe
33 × 25 cm
30. Pablo Picasso
Petit buste de femme
1964
Plaque rectangulaire

Portrait de Jacqueline en robe imprimée 15 février et 7 mars 1962
Gravé à la gouge et au grattoir sur deux linoléums ; imprimé en trois couleurs sur papier vélin d’Arches (épreuve Sabartés, état IV/définitif pour la planche principale)
34,9 × 26,9 cm (planche)
62,5 × 44,1 cm (papier)
31. Pablo Picasso
34.
Pablo Picasso
Homme aux petits bras
1950
Médaillon ovale
Terre de faïence rouge
H. 11,5 × L. 3 cm
Homme aux grosses jambes
1950
Médaillon ovale
Terre de faïence rouge
H. 12 × L. 3 cm
Picador et taureau
1949
Médaillon rond creusé
Terre de faïence rouge
D. 5 cm
Taureau attaquant
1949
Médaillon rond creusé
Terre de faïence rouge
D.5 cm
Centaure de profil
1950
Médaillon rond creusé
Terre de faïence rouge
D. 5 cm
Femme à la chevelure aux traits
1950
Médaillon ovale
Terre de faïence rouge
H. 11,5 × L. 3,5 cm

Picador et taureau
1950
Médaillon carré irrégulier
Terre de faïence rouge
H. 8 × L. 7,5 cm
Visage
1954
Médaillon ovale
Terre de faïence rouge
D. 5,7 cm
Homme barbu
1949
Médaillon rond creusé
Terre de faïence rouge
D. 5 cm
Oiseau de profil
1949
Médaillon rond creusé
Terre de faïence rouge
D. 5 cm
Visage de femme
1949
Médaillon rond creusé
Terre de faïence rouge
D. 5 cm
Personnage de face
1950
Médaillon ovale
Terre de faïence rouge
H. 11,2 × L. 3,5 cm
Femme aux cheveux défaits
1950
Médaillon ovale
Terre de faïence rouge
H. 11 × L. 3 cm



Pichet tourné
Terre de faïence blanche, décor aux engobes sous couverte partielle au pinceau et patine rouge
H. 22 × L. 19,5 cm


35.
Pablo Picasso
Pichet aux oiseaux
1962


Visage de femme
7 juillet 1953
Pichet tourné
Terre de faïence blanche, décor aux engobes, gravé au couteau, sous couverte partielle au pinceau
H. 31,5 × L. 21 cm
36. Pablo Picasso

1951
Vase tourné
Terre de faïence blanche, décor aux engobes, gravé au couteau
H. 55 × L. 46 × l. 38,5 cm
40. Pablo Picasso
Gros oiseau, visage noir

1952
Pichet tourné

Terre de faïence blanche, décor aux oxydes, gravé au couteau sur émail blanc
H. 31 × L. 19 × l. 36 cm
41. Pablo Picasso
Pichet à glace
En couverture / Cover
Pablo Picasso Grand vase aux femmes nues 1950 (cat. 25, p. 77)
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