N° 45 - Décembre 2021

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portrait

Bernard et le picoulet

L

e picoulet fait émerger de ma mémoire les souvenirs d’enfance liés à Bernard Crettaz, le picoulet et les farces. Ah ! Clore les festivités de la Fête-Dieu de Vissoie, après avoir quitté la Place de Fête, se retrouver sur la place du village, nous les enfants en cercle au milieu, les jeunes et adultes formant une ronde tout autour, pour chanter et danser le picoulet entraînés par l’animateur du jour trônant au centre. Une belle façon de se dire au revoir, après avoir participé à la fête religieuse qui prenait des airs un peu païens au fur et à mesure de l’après-midi.

Le picoulet ? Une magnifique ronde chantée populaire du folklore de Suisse romande, qui semble avoir pris racine au Moyen-Age et a résisté au temps qui passe. A Genève, par exemple, le fameux cortège de l’Escalade se termine sur un picoulet d’enfer autour d’un feu de joie. Bernard animait le picoulet de Vissoie bien avant de « remuer » vers Genève, on ne peut donc pas l’accuser d’avoir copié les mœurs citadines. Et c’est ainsi que l’on danse, notre charmant picoulet (refrain). Il faut bien se lancer, alors entrons dans la danse, mais avec Bernard, c’est dans une folle farandole qu’on se jette. Rémy Abbet, animateur-né, porteur de nombreuses vieilles chansons populaires a transmis l’art de diriger le picoulet à Bernard qui lui en est infiniment reconnaissant. Il affirme avoir beaucoup reçu des anciens, d’Henri Florey et de son fils Edouard, des gens hors norme, inventeurs, conteurs, électriciens à

la première centrale électrique au fil de la Navizence entrée en fonction en 1904. Edouard et Alfred Clivaz, électricien lui aussi, roulaient à moto et personnifiaient un aspect novateur pour les jeunes comme lui à cette époque. Bernard a passé des soirées entières à écouter Edouard conter avec passion, transmettre Anniviers. Il a sérieusement prêté l’oreille, a observé, fait une première tentative de percer les mystères des comportements populaires, étudié leurs sources, leur évolution dans le temps. Puis l’heure est venue de prendre le relais, d’être désigné « major de table » de la Fête-Dieu, en alternance avec les anciens. Bernard a quand même chanté l’Internationale un soir de Fête-Dieu, accompagné par d’autres ; Euchariste Massy, major de table cette foislà, ne l’a pas interrompu. Initier les copains à la traversée du cimetière la nuit fait partie de ses moments forts, un peu de rébellion, un peu du désir de transmission concrétisé plus tard. Et si vous preniez le car postal en même temps que Bernard dans ces annéeslà, vous étiez assuré que le trajet serait très animé, voire agité : il passait d’un siège à l’autre, invectivait, débattait déjà ! Et les farces alors ? Cette période riche en changements sociaux se voulait propice aux canulars de toutes sortes. Les Anniviards en ont toujours été friands, pour alléger un peu leur vie si rude. Autant dire que Bernard était largement pourvu de ce goût particulier,

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un des rois de la farce, parfois seul, parfois avec d’autres. Peut-être que Cécile Zufferey se souvient de la première visite officielle d’un responsable scolaire, alors qu’elle était jeune enseignante à Mayoux ? Bernard s’est présenté comme inspecteur, les enfants lui ont montré leur cahier, et l’enseignante son savoir-faire. Mais lorsque Bernard a entendu un bruit à l’extérieur de l’école, il a pris congé vite fait, un peu stressé mais content bien sûr d’avoir joué un bon tour. Une autre fois, après avoir peint des chèvres qui n’ont pas eu leur mot à dire, avec son compère l’autre Bernard, ils ont ameuté le Nouvelliste de l’époque qui leur a envoyé une jeune journaliste, un peu naïve. L’article qui s’en est suivi relatant une épizootie incroyable en Anniviers a fait grand bruit et a failli leur coûter cher. Je me sou-


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