Journal Voyageurs Volume 2

Page 1


MOZAMBIQUE

ALGARVE

COTSWOLDS

HAWAI’I

MÉKONG

SÉNÉGAL

ÎLES FÉROÉ

Journal

ÉDITO

Face aux crêtes rocheuses de Tórshavn, accueilli sous le toit d’une ferme féringienne comme un membre de la famille, le sentiment est flagrant. Dans ces lieux encore préservés du vacarme de la mondialisation flotte l’âme du monde. Anima mundi pour les stoïciens, pratītya-samutpāda chez les bouddhistes, cosmovision des Aborigènes, Mitakuyé oyasin (“nous sommes tous reliés”) des Sioux Lakota : la conception d’une osmose existentielle entre l’humain et la nature, les humains entre eux, est indifférente au temps, aux temples et à la géographie. Longtemps égarée sous nos latitudes, sa quête rejaillit. Parmi les signes les plus marquants, l’écoute que porte actuellement la science à la relation ancestrale entre les peuples premiers et leur environnement, leur capacité d’adaptation aux changements. Quand la parole autochtone prend le pas sur la technologie. Dans d’autres domaines comme l’art, l’architecture, la spiritualité, les cultures natives deviennent là aussi sources d’inspiration (p.122). À son échelle, ce Journal Voyageurs #2 reflète un mouvement de bon augure. Évident devant la puissance des éléments à Hawai’i (p.110) ou au Mozambique (p.52), reportage dans lequel le photographe néerlandais Pie Aerts met en lumière “la relation complexe entre humains et monde naturel” suivant son mantra : “Because People Matter” (“Parce que les gens comptent”). Moins perceptible lorsqu’il s’agit de la campagne anglaise (p.90) ou de l’Algarve (p.74), région littorale du Portugal martyrisée par le surtourisme. Il suffit pourtant de partir à l’anti-saison, de regarder vers les terres, à la rencontre de néo-ruraux qui font grandir un patrimoine sans le trahir pour sentir le vent tourner. Choisir l’âme du monde pour destination, cultiver le goût des différences : vous êtes toujours plus nombreux à vous reconnaître dans notre définition du voyage, autre signe des plus encourageant.

SOMMAIRE

JOURNAL VOYAGEURS / VOLUME 2

VERSUS

Bwindi vs. Ruhengeri PAGES. 8 — 9

UN DIMANCHE À…

Tanger PAGE. 10

UN MOT, UN CONCEPT

“Nankurunaisa” : aphorisme okinawais optimiste PAGE. 11

CEUX QUI FONT…

La Turquie

PAGES. 12 — 15

TENDANCE

La salle de bains chic, et souvent outdoor, des hôtels PAGES. 16 — 17

CQFD

L’équation idéale entre une envie, une expérience et un pays PAGE. 18

JOURNAL D’UNE RÂLEUSE

Bagage émotionnel PAGE. 19

LA FABRIQUE À SOUVENIRS

We Are Family

PAGES. 20 — 23

BOUCHE-À-OREILLE

Un œil sur la ferme de Barnhill, en Écosse PAGE. 24

LE MONDE EN SÉRIES

Shows froids en pays nordiques PAGE. 25

BOOK LOVERS

Les livres préférés de l’autrice Leïla Slimani PAGES. 26 — 27

EN PRIVÉ

Cours de cuisine ital avec Chef Vita en Jamaïque PAGES. 28 — 29

CABINET DE CURIOSITÉS

Chez Daniel Rozensztroch, directeur artistique et anthropologue des objets du quotidien PAGES. 30 — 35

GÉOPOLITIQUE DU VOYAGE

L’Arménie

PAGES. 36 — 37

ENTRETIEN

Avec Abnousse Shalmani, journaliste, réalisatrice et écrivaine iranienne PAGES. 38 — 41

SNAPSHOT

Au Yunnan, la grotte de Bodhidharma, fondateur du zen chinois

PAGES. 42 — 43

NOUVEAUX HÉROS

Transmettre, éduquer… : six initiatives internationales pour accompagner les adultes de demain PAGES. 44 — 45

TRAINS DE VIE

Suisse panoramique

PAGES. 46 — 47

ARCHI BEAU

L’art & la matière

PAGES. 48 — 49

LE DOUX MURMURE DE

SUSSURRO

Au Mozambique, un lodge édenique fait la part belle au développement durable et à l’humain

PAGES. 52 — 67

STORYTELLING

Road-trip, l’histoire d’une quête

PAGES. 68 — 73

UNE ALGARVE EN FILIGRANE

De Loulé à la pointe est du Sotavento, au gré de rencontres avec des faiseurs passionnés

PAGES. 74 — 89

COTSWOLDS,

IT’S A KIND OF MAGIC

En famille dans une campagne anglaise à l’imaginaire fertile

PAGES. 90 — 109

MANA POWER À HAWAI’I

Une communion avec le pouvoir spirituel des êtres, des lieux et des éléments

PAGES. 110 — 121

L’ÉTINCELLE DES NATIVES

Art, spiritualité, cinéma, mode, food, sport… : les cultures indigènes créent l’euphorie

PAGES. 122 — 135

MONSOON’S MEKONG

La vie aquatique, du Vietnam au Cambodge

PAGES. 136 — 151

TOUT CHAUD

Tour du monde des nouveaux hôtels

PAGES. 152 — 165

SÉNÉGAL : DE FIL EN AIGUILLE

Un carnet d’inspiration soufflé par des artisans talentueux

PAGES. 166 — 181

LE PARADOXE FÉROÏEN

L’heimablídni oppose l’art de recevoir à la rudesse du territoire

PAGES. 182 — 197

SHORT LIST

Une sélection de dix voyages à inscrire à votre agenda 2025

PAGES. 198 — 211

LE BILLET D’HUMM…

Les “tourons”, par Philibert Humm PAGE. 212

LEÏLA SLIMANI écrivaine

Lisboète d’adoption depuis quelques années, franco-marocaine d’origine, Goncourt 2016, la femme de lettres n’aime rien tant qu’écrire, lire et voyager. Elle partage huit de ses livres favoris dans nos pages Book lovers.

CONTRIBUTEURS

LUCY LAUCHT photographe

Cette Britannique, voyageuse professionnelle, nous transporte à chaque retour de reportage. Paysages ou portraits, il circule dans ses images le plaisir d’être ailleurs. Cette fois, l’ailleurs est algarvien et il est sublime.

PHILIBERT HUMM écrivain

Lauréat du prix Interallié 2022 pour Roman fleuve, récit drolatique d’une descente en barque sur la Seine, l’écrivain et journaliste est l’inverse du grand reporter. Ça tombe bien : pour nous, il signe un Billet d’Humm… depuis son bureau parisien.

KIN CHAN COEDEL photographe

Originaire de Hong Kong, il remporte en 2023 le prix du public de la 38e édition du Festival de Hyères. Son esthétique oniricoargentique apporte douceur à la nature brute de Big Island, la Grande Île d’Hawai’i.

MAURICE REBEIX écrivain

Introduit depuis quarante ans dans la communauté surf d’Hawai’i, il est l’auteur de deux ouvrages photo (son autre métier) sur l’archipel. Son reportage sur le mana, pp. 110-121, témoigne de son profond respect pour la culture locale.

PIE AERTS photographe

Entre deux masterclasses à Amsterdam, il propose des expéditions en Inde ou en Zambie pour transmettre sa science de la narration photo. Inépuisable, il est allé, avec sa compagne Jessica Wintz, capturer la quintessence du Mozambique, pp. 52-67.

KATRIEN DE BLAUWER artiste

Plasticienne belge, elle se définit comme une “photographe sans appareil photo”. En prélevant des images dans des magazines vintage, elle donne vie à de vrais récits cinématographiques, collages à la poésie chic, à retrouver en couverture, pages 50 et  6 8 à 73.

CAROL SACHS photographe

Petit tour en famille (pas la sienne) dans les Cotswolds pour cette familière de nos pages. La Brésilienne, grande voyageuse, sillonne le monde et nous revient toujours avec des photos qui tendent vers la perfection.

RAPHAËLLE ELKRIEF journaliste

Elle voue une passion à la Côte d’Azur. Et le chant des cigales lui souffle des sujets décalés. Fine observatrice, elle enquête et dégotte des histoires exaltantes, comme celle du road-trip, qui mêle aventure(s) et philosophie. À lire pp.68-73.

LAURIANE GEPNER journaliste

Collaboratrice de Voyageurs du Monde, elle a élu domicile à Lisbonne, tombée sous le charme de la saudade portugaise… Elle nous emmène dans une Algarve chaleureuse, aux artisans et faiseurs passionnés, pp.74-89.

VOYAGEURS JOURNAL

VOLUME 2

DIRECTEUR DE LA PUBLICATION

Jean-François Rial

RÉDACTRICE EN CHEF

Nathalie Belloir

DIRECTION ARTISTIQUE

Morgane Le Gall, Faustine Poidevin-Gros, Olivier Romano

RESPONSABLE ÉDITORIAL

Baptiste Briand

RÉDACTEURS

Baptiste Briand, Stéphanie Damiot, Éléonore Dubois, Marion LeDortz, FaustinePoidevin-Gros

SECRÉTAIRE DE RÉDACTION

Stéphanie Damiot

COORDINATRICE FABRICATION

Isabelle Sire

RESPONSABLE PHOTO

Marie Champenois

ICONOGRAPHE

Daria Nikitina

ONT ÉGALEMENT PARTICIPÉ

Boby, Denis Boulze, Édith Carron, Claire Egloff, JérômeGalland, Charlotte Huguet, MichaëlLevy, Anne-Claire Norot, Morgan Rousseau, Djan Turagay, Jessica Wintz

AVEC L’AIDE DES CONSEILLERS VOYAGEURS DU MONDE

Katia Simoes Pereira (Cotswolds), AlexandreVisinoni &Suzon Arnold (Îles Féroé), Marc-Olivier Préault & Aymeric d’Arexy (Mozambique), Evita Androulaki & MarylineSoares Do Amaral (Algarve), RatibaChenoun (Sénégal), JulietteKerlouegan &Aurélie Weill (Vietnam/Cambodge), Clémence Monnery-Ammeux (Hawai’i), Elizabeth Torren & Marie Cobac (Jamaïque)

Crédits photo pp. 16-17 : Aller Dorset /Hannah Dace, Tulum Treehouse/ Victor Stonem, Hôtel Peter & Paul, Sterrekopje Farm, COMO Laucala Island Fiji/Martin Morrell, DreamersWelcome, Hôtel Corazón, Robert Rieger/ Lost Lindenberg, Aline Coquelle/Golden Eye. P.18 : Hôtel Masseria Torre Maizza, Maria Barsukova/Unsplash, Marcus Nilsson/Gallery Stock, Viggo Lundberg/Westsweden.com, Alex Ghizila/Unsplash, Nathalie Belloir, Unsplash+, Marcos Rivas/Unsplash, Lia Bekyan/Unsplash+ Voyageurs du Monde S.A. au capital social de 4315216€. 55, rue Sainte-Anne, 75002 Paris. Tél.: 01 42 86 17 00 -RCS Paris 315459016. Immatriculation Atout France IM075100084. Assurance RCP: MMA – 14, boulevard Marie-et-Alexandre Oyon, 72030 Le Mans, Cedex9 -Contrat n°127113949. Garantie financière: Atradius (823 646 252 –RCS Nanterre), 159, rue Anatole France, CS 50118, 92596 Levallois-Perret Cedex.

Photogravure Groupe Santerre; Impression Imprimerie Chauveau

“Voyageurs du Monde s’est engagée dans une gestion responsable de ses achats papiers en sélectionnant despapiers fabriqués à partir de fibres etdebois provenant de forêts gérées durablement. Le choix d’éditer notre brochure à l’Imprimerie Chauveau, imprimeur écoresponsable, labellisé Imprim’Vert et certifié FSC, s’inscrit dans la continuité de notre engagement en matière deprotection de l’environnement. Brochure imprimée avecdes encres végétales.”

OUGANDA

RWANDA
Où rencontrer le gorilla beringei beringei ?

L’UNE EST BLOTTIE AU SUD-OUEST DE L’OUGANDA, L’AUTRE TAPI DANS LA COURBE NORD-OUEST DU RWANDA.

LES DEUX FLIRTENT AVEC LE CONGO VOISIN.

FORÊT IMPÉNÉTRABLE DE BWINDI ET PARC NATIONAL

DES VOLCANS, AUX PORTES DE RUHENGERI, ABRITENT UN MÊME TRÉSOR: LEGORILLE DES MONTAGNES.

Entre brume et forêt

La forêt de Bwindi semble en suspens. Aux premières lueurs, une brume immobile est venue coiffer la canopée. Cette dernière, épaisse, protège mille secrets. D’impénétrable, laforêt n’a que le nom: chaque matin, des rangers à la tête d’une équipe de huitchanceux s’enfoncent dans la jungle noueuse, évoluant au fil de sentiers que la pluie a rendu glissants. Quelque part dans ce labyrinthe, le gorilla beringei beringei attend.

Une faune riche

D’aucuns la surnomment ironiquement la forêt inatteignable de Bwindi. En cause : un réseau routier qui laisse à désirer. À l’asphalte succède hâtivement une piste de terre onduleuse. Qu’importe : sur le terrain de la superficie et de la diversité, la “Perle de l’Afrique” surpasse son rival. Chimpanzés au parc de Kibale, lions arboricoles d’Ishasha, rhinocéros du sanctuaire de Ziwa… : l’aventure ne s’arrête pas aux gorilles! 4 h en

Si tous les rêves ont un prix, c’est particulièrement vrai pour celui-ci : comptez quelque 800 dollars pour une heure en bonne compagnie. Bien que conséquente, la somme est deux fois moins élevée que chez le voisin rwandais. Un second permis, plus onéreux, permet depasser quatre heures avec les gorilles dans le cadre du processus “d’habituation” denouveaux groupes.

RWANDA

En apesanteur

Enveloppant dans son étreinte cinq des huitvolcans de la chaîne des Virunga, le premier né des parcs africains flotte quelque part entre 2500 et 3300mètres d’altitude – soit 1000 de plus qu’à Bwindi. Pour autant, l’acclimatation passée, la marche s’avère plus aisée. L’excitation aidant, on honore presque facilement lerendez-vous du jour. À l’arrivée, les silhouettes tant espérées patientent en zone dégagée, facilitant l’observation.

Des lodges chics

Trente ans après le génocide, exit l’instabilité et bonjour les axes étincelants. Et l’un file tout droit jusqu’à l’atout touristique n°1 du pays. Symboles eux aussi de la bonne santé du Rwanda, les lodges et hôtels aux services et équipements léchés. Et si laRépublique n’a pas la variété des voisins, il peut parier sur le mythe de la chercheuse DianFossey, dont la tombe ainsi que la maison se visitent. Dans lepetit monde de la primatologie, cela revient à être l’élu.

Un permis en or

Contrepartie d’une hôtellerie et d’un réseau routier soignés, c’est au Rwanda que le cours dupermis gorille est le plus élevé. Ajoutez à cela un tracking permit un peu moins aisé à obtenir qu’en Ouganda (où la population de gorilles habitués, et de gorilles tout court, est plus importante) et la question peut devenir épineuse. Le mot d’ordre? Anticipation.

UN DIMANCHE À ...

Tanger

SOUVENT RÉDUIT À UNE JOURNÉE TRAIT D’UNION

AVANT UN RETOUR OU UNE PROCHAINE ESCALE, LE SEPTIÈME

JOUR DE LA SEMAINE PEUT MANQUER D’INSPIRATION, À MOINS D’ÊTRE TRÈS BIEN RENSEIGNÉ.

PAR NOTRE CONCIERGE VOYAGEURS DU MONDE, GUILLAUME TANHIA

“Le dimanche est un jour quasi ordinaire à Tanger. Excepté en n d’après-midi, où des milliers de Tangérois croisent le long des boulevards et des plages. Tanger devient alors un immense paseo, in uence espagnole oblige. Première étape des pérégrinations dominicales : un petit déjeuner à la terrasse du Morocco Club, à l’entrée de la kasbah, lorsque le quartier historique s’éveille.

De là, s’ouvre le choix entre le musée d’Histoire et d’Archéologie couplé à l’espace d’art contemporain, logés dans un ancien palais, et celui consacré au grand voyageur du XIVe siècle, Ibn Battûta. On navigue ensuite entre kasbah et médina, sur les pas de Delacroix et Matisse, jusqu’aux souks. Avalanches de fruits, légumes, épices et produits artisanaux. La plus cosmopolite des villes marocaines montre son visage branché aux vitrines de Las Chicas, chez les créateurs

de Topolina ou de Youme. On se perd volontiers dans les tapis berbères de Bleu de Fès et parmi les antiquités de Tindouf. On s’entiche d’œuvres contemporaines marocaines à la galerie Najoua El Hitmi ou chez Conil, avant de s’amouracher d’au moins un âne au musée qui lui est consacré.

Un café à la cinémathèque de la photographe Yto Barrada, au sein du cinéma Rif, incontournable des amoureux du septième art et de conversations passionnées. À deux pas, la librairie-galerie Les Insolites est un phare parmi les ateliers d’artistes du quartier espagnol. Au déjeuner, trois horizons : le classique Salon bleu, cuisine et vue délicieuses sur la baie ; Chez Hassan, restaurant populaire installé sur la rue ; et Alma Kitchen, à l’image d’une nouvelle génération de cafés tangérois jonglant entre dalh et burrata.

L’après-midi démarre à la belle Villa Harris, ancienne résidence du journaliste du Times, réunissant chefs-d’œuvre orientalistes et artistes contemporains, et rappelant l’indéfectible lien entre Tanger et l’Europe. Au Gran Café de Paris vibre le souvenir de Jean Genet en conversation avec Samuel Beckett et Mohamed Choukri, à la terrasse du café Fuentes, celui de Joseph Kessel.

Rue Siaghine, Francis Bacon et Mick Jagger swinguent encore. Apéritif au calme de la Villa Mabrouka, ancienne demeure d’Yves Saint Laurent, ou au Nord-Pinus, face à l’Océan. Dîner à la Villa Joséphine pour l’impression d’un XIXe  siècle immuable. La dernière nuit tangéroise est baignée de musique chaabi, au Morocco Palace ou aux Ambassadeurs, cabarets qui donnent à voir un Maroc (presque) clandestin, déluré et joyeux.”

nankurunaisa

AVEC LE TEMPS, TOUT S’ARRANGE

N’en déplaise à Léo Ferré, au Japon, on accorde au temps de nombreuses vertus. En atteste l’aphorisme okinawais “Nankurunaisa” que l’on pourrait traduire ainsi: “Avec le temps, tout s’arrange”. Une invitation à adopter, face aux épreuves, une attitude résolument optimiste, à garder une confiance aveugle en l’avenir. En bref, à rester zen. Une philosophie qui peut sembler utopique mais qui résonne aussi comme une évidence: s’en faire a-t-il jamais apporté des solutions? Plus qu’un simple mantra, “Nankurunaisa” est une véritable manière de concevoir la vie qui réussit aux habitants de l’archipel d’Okinawa, connus dans le monde entier pour leur extraordinaire longévité. Avec le temps, va, tout va.

Contactez nos spécialistes du Japon 01 84 17 19 48 (ligne directe)

LA TURQUIE

Son héritage millénaire, grec, perse, romain, byzantin et ottoman, a forgé des personnalités frondeuses, créatives, pleines de ressources. Grâce à elles, la Turquie bouge et aimante, irrésistible, tel un grand mezzé foisonnant et savoureux.

Partenaires dans la vie, la DJ Debora Ipekel et le chef Cenk Debensason (lire ci-contre) ont ouvert fin 2022 Arkestra. Tout est au diapason dans ce restaurant gastronomique étoilé, installé dans une villa des années 1960 de Beşiktaş, où plats et musique se marient à merveille dans une ambiance chic et raffinée.

CENK DEBENSASON L’ART

CULINAIRE RÉINVENTÉ

Stambouliote d’origine, formé à Lyon au très réputé Institut Paul Bocuse, Cenk Debensason a beaucoup voyagé. Passé par Paris (chez Alain Senderens), San Francisco (chez Gary Danko), Los Angeles, où il initie des dîners pop-up, il retourne officier dans quelques cuisines en vue de son pays avant d’ouvrir fin 2022, à Istanbul, Arkestra, avec sa femme, la DJ Debora Ipekel. Le restaurant-bar ne tarde pas à se faire remarquer: le lieu est élégant (panneaux muraux en bois, lustres Art déco) et sa cuisine inventive fait des émules. La première étoile Michelin est décrochée un an plus tard. Une table à réserver absolument auprès de la conciergerie Voyageurs du Monde.

MOBIVET DES SOINS VÉTÉRINAIRES

POUR ANIMAUX ERRANTS

Comme la vache en Inde, les chats et les chiens de Turquie sont sacrés. À Istanbul, au gré des civilisations et des modes, ils tiennent depuis longtemps le pavé, choyés par les habitants: gamelles posées au sol, abris aménagés, câlins en passant. Des soins apportés également par des bus vétérinaires mobiles. Parmi eux, Mobivet, Vetbus, etc. Le premier, sur la municipalité de Beşiktaş, fournit un service de terrain 24/7 avec 5 véhicules, 6vétérinaires, 7auxiliaires. Ce sont 45 personnes au total qui se relaient. Pour paraphraser le Mahatma Gandhi: si l’on pouvait “juger de la grandeur d’une nation (…) par la façon dont elle traite les animaux”, la Turquie se trouverait sur l’une des premières marches du podium.

KIZ BASINA “JUSTE UNE

FILLE”, MAIS PAS SEULEMENT

Ce collectif œuvre contre lesviolences liées à l’inégalité entre les sexes en Turquie. Pour mener à bien ses projets, KizBasina (“Juste une fille”) a mis en place une stratégie de communication digitale finement rodée afin de sensibiliser le plus grand nombre. Finaliste et prix spécial du Global Digital Challenge Facebook Peerto-Peer 2019, prix d’excellence en ONG et lauréat du programme Kre-Akt (Activisme créatif) en 2022… : les récompenses pleuvent et sont dédiées “à toutes les femmes qui font partie de (leur) lutte” La présence de KizBasina n’est cependant pas que digitale puisque le collectif siège au conseil municipal d’Ankara. Avec plusieurs milliers de volontaires et 34projets en cours, cette “Fille”-là est bien décidée à s’inscrire dans l’histoire de son pays.

HALUK LEVENT ROCKEUR AU GRAND CŒUR

C’est en 2017 que le rockeur HalukLevent fonde Ahbap (“Pote”, en VF). Grâce à cette organisation, aidé par plus de 100000jeunes bénévoles, il collecte des fonds pour soutenir les familles d’enfants malades. La solidarité a toujours été au cœur de l’ONG; les séismes meurtriers de 2023 l’ont encore (malheureusement) prouvé. Face à l’inaction du gouvernement Erdogan, le musicien parvient en un temps record à lever près de50millions d’euros pour venir en aide aux victimes. La plus grande star vivante du rock anatolien se voit alors élevée au rang de héros national, dont lapopularité gagne le monde: Madonna elle-même incite aux dons via les réseaux sociaux. L’Ahbap remporte l’adhésion du public, rassemblant un million de membres et des réseaux de bénévoles implantés dans 68villes turques. Une chaîne de solidarité qui met du baume au cœur.

© Jackie Cole
© Andrew Liu/Unsplash

TOUJOURS PLUS FACE AU SURPLUS

Enfant, qui ne s’est jamais entendu dire: “Si tu ne finis pas ton assiette, pas de dessert!” Olcay Silahli et Arda Eren, nés dans les années 1980, ont forcément été marqués par ce chantage parental –honteux certes, mais qui forge une conscience anti-gaspi. En 2017, après leurs études, ils cofondent donc FazlaGida, start-up foodtech permettant aux professionnels de l’industrie alimentaire de gérer leurs stocks d’invendus via des dons aux banques alimentaires, la réutilisation dans l’alimentation animale ou le recyclage, répondant ainsi au triple défi de la faim, du gaspillage et des déchets. Plusieurs multinationales (Nestlé, Pepsi, Danone…) collaborent déjà. FazlaGida sauve ainsi régulièrement des milliers de tonnes d’aliments et évite autant d’émissions carbone. Une belle histoire de détermination, dont les graines ont germé à table, dès l’enfance…

Ceux qui font… la Turquie

LA CULTURE EN ÉTENDARD

Cem Yegül a toujours eu foi en la culture et en son pouvoir de transformation. Cofondateur en 1989 de Pozitif, un label qui fédère autour de l’art et du divertissement, il s’impose très tôt comme un acteur-clé de l’évolution de la scène musicale d’Istanbul. L’Akbank Jazz Festival, le Soundgarden, le One Love, etc., c’est lui! Un peu avant les années 2020, il ouvre Bomontiada dans une ancienne brasserie du quartier endormi de Bomonti. Le lieu, qui rassemble la salle de concerts emblématique Babylon, l’espace artistique Alt, le Leica Store and Gallery, le musée Ara Güler et plusieurs restaurants, est depuis devenu un symbole de résistance à l’uniformisation culturelle et à l’effacement de l’histoire locale. Une réussite salvatrice dans un pays marqué par un pouvoir politique centralisé et rétrograde, et où la création (de nouveaux repères/repaires) reste vitale.

DJAN TURAGAY

DU VOYAGE

À LA FOOD

Dans la liste des choses qui rendent lesgens heureux, il y a, entre autres, lesvoyages et le bien-manger… Indispensable collaborateur de Voyageurs du Monde, leFranco-Turque Djan Turagay a tout compris, passé d’une plateforme dédiée à la découverte d’Istanbul à la gastronomie végétale. C’est en 2021 qu’il cofonde Yoket, une entreprise pionnière qui propose des alternatives à la viande alliant innovation, santé et respect de l’environnement. La marque gagne rapidement les tables de plus de 400établissements et étend sa présence au secteur de la vente au détail. L’ambition est claire: conquérir le marché turc, tout en préservant les saveurs et les textures. De l’audace et du bon goût au pays des brochettes kofte pour promouvoir un mode de vie plus sain, durable, répondant aux attentes croissantes des consommateurs.

Voyageurs en Turquie

Un palazzo à Istanbul, caboter le long de la côte lycienne, l’aventure d’un road-trip pour rallier les sites antiques d’Éphèse et d’Antalya, (re)découvrir les charmes de la Cappadoce… Nos conseillers spécialistes ont mille et une idées pour vous faire vivre une Turquie à contre-courant. Contactez-les au 01 85 08 10 44

BATHROOM WITH A VIEW

VOYAGEURS DÉCRYPTE UNE TENDANCE HÔTELIÈRE :

LA SALLE DE BAINS CHIC, ET BIEN SOUVENT OUTDOOR.

Bullez, vous êtes arrivé! Après neufheures de vol, peau tirée, cheveu ébouriffé, vous n’avez qu’une envie : vous ressourcer sous la douche extérieure du TULUM TREEHOUSE (2). L’eau ruisselle, comme vous la jungle s’éveille et le chant du quetzal vous parvient. Peau neuve, le voyage peut débuter.

De l’autre côté des Caraïbes, cap sur Puerto Rico. Vous séjournez au ravissant DREAMERS (4) et tombez sous le charme de ses salles de bains out-door, véritables pièces à vivre aux matières brutes délicatement colorées. Vous prolongez l’expérience tropicale au GOLDENEYE (9), retraite mythique de Ian Fleming, père de JamesBond. Une adresse conviviale et écorespectueuse que l’on préférerait presque garder secrète. Forêt luxuriante, lagons émeraude, cocktails infusés de citron vert, d’ananas et de rhum, vous ne voudrez plus jamais quitter votre cocon jamaïcain. L’aventure insulaire s’étend jusqu’aux îles Fidji. Niché au cœur du Pacifique Sud, ce sanctuaire hors du temps invite quelques happy few à découvrir une vision du paradis. Au COMO LAUCALA ISLAND (5), votre salle de bains s’ouvre sur une palette de verts, de bleus, de parfums et de sons exotiques. Un peu plus loin, une plage, “votre” plage pour quelques journées.

Le Bali préservé, protégé, qui vous faisait tant rêver a-t-il définitivement disparu? Évidemment, non! Il suffit de s’éloigner quelque peu… et d’opter pour le LOST LINDENBERG (8), installé sur une plage de sable noir au nordouest de l’île. Le design y est pointu et l’environnement ultrarespecté.

Nous aurions pu consacrer l’ensemble de cette rubrique aux salles de bains du STERREKOPJE FARM (7) , en Afrique du Sud. Raffinement, élégance et décoration ultraléchée dans cette ferme dédiée au repos et à la créativité.

Virage à 180 degrés: bouffée de vie et d’énergie à LaNouvelle-Orléans, la ville envoûte, swingue et vous enivre de traditions française, créole, africaine et américaine. L’hôtel PETER & PAUL (3), rénové par le studio ASH NYC, mêle l’esthétisme des châteaux français et des palazzi italiens à de vastes demeures scandinaves. Ambiance loufoque et décalée jusque sous votre douche !

En Europe, votre cœur craque pour le CORAZÓN (6). Imaginée par la photographe Kate Bellm et l’artiste mexicain Edgar López, cette finca majorquine est une véritable pépite de bon goût. Murs d’argile, lits à baldaquins, courbes douces et baignoire perchée font de votre séjour une parenthèse poétique et sereine. Encore plus proche, et pourtant tout aussi dépaysant, le ALLER (1), dans le très british Dorset. Mosaïques jaune moutarde, motifs floraux exubérants, teintes pastel, mobilier vintage : plongez la tête la première dans un univers onirique digne d’Alice au pays des merveilles

Ce qu’il fallait démontrer

MAMMA MIA, ITALIA ! DESTINATION CHÉRIE, ELLE N’EN FINIT PAS DE SURPRENDRE.

MASSERIA & agoras La Maldonne DES SLEEPINGS STRADA & dolce vita

criques & FERRY

ORECCHIETTE & dolmadakia

Un savoureux duo italo-grec rythmé d’hébergements atypiques, de beautés baroques et de sites antiques. Entre les deux, un saut de ferry par la mer Ionienne.

14 jours à partir de 3 000 €

TERMINUS PALERME

Un périple de 3 semaines reliantles plus belles villes italiennesen train (Milan, Rome, Florence, Bologne, Vérone), entrecoupé d’une boucle en Sicile ! À chaque escale, belles adresses, visites privées et tutti quanti.

25 jours à partir de 7 200 €

palais & REFUGES

& ours brun

ROAD-TRIP ADRIATIQUE

Italie, Croatie, Slovénie : pourquoi choisir entre Bologne et Split, les Alpes juliennes, l’eau des Kornati ou du lac de Bled ?

26 jours à partir de 3 400 €

BAGAGE ÉMOTIONNEL

Drop off. On dépose son bagage comme on “drop” au rugby, en espérant que le ballon suive la trajectoire prévue. Avant de se faire engloutir par l’aéroport, ma valise me lance un dernier regard accusateur. La larme à l’œil, je soupire: et si l’on ne se revoyait jamais ?

Quand j’étais petite, faire sa valise était un moment d’excitation pure, des heures délicieuses qui sentaient bon les vacances. Mais la valise, cette allégorie du voyage, ce sas entre les mondes, s’est avec les années muée en véritable fardeau. Et à l’angoisse d’un oubli et de sa potentielle disparition, s’est ajoutée peu à peu celle du poids à ne pas dépasser. La stratégie du comptoir. Éviter la stagiaire en formation, l’implacable ronchon. Et si l’indulgence n’est pas au rendez-vous, affronter l’humiliation de devoir, à genoux, déballer, transvaser, râler. Tout le monde n’a pas la capacité de ce passager écossais qui, pour éviter le surcoût d’un bagage en soute décidait de porter sur lui l’ensemble de son contenu, en couches successives. Et de finir en syncope…

Checked ! Ma valise disparaît sur le tapis roulant. Je pense alors à cet ami fanfaronnant à Athènes d’avoir doté la sienne d’un AirTag, “l’accessoire tout trouvé pour tout retrouver” (sic). Au décollage pour les Cyclades, accroché à un dernier brin de réseau sous le regard noir de l’hôtesse, il put certes localiser sa valise… et voir qu’elle restait sur le tarmac. Depuis la vitre de la salle d’embarquement, je parviens à distinguer la mienne. Après un vol plané plein de grâce, je la vois s’écraser lamentablement sur le tapis menant à la soute. Aïe. Je monte à mon tour dans l’appareil, apaisée: au moins, nous prenons le même vol.

Atterrissage, en douceur cette fois. “La température locale est de 30 degrés…” Bye-bye chaussettes de contention, welcome back valise adorée. Ou pas. Devant les carrousels, on revit l’attente des résultats du bac, mais là les règles sont dictées par les dieux aéroportuaires. Mention très bien? Votre valise surgit en premier. Recalé? Vous passez des heures aux aguets jusqu’au terrible verdict: bagage perdu.

Ne reste plus qu’à se féliciter d’avoir pris en cabine le kit minimum pour survivre sur une île en tenue hivernale. Ne pas trop compter sur la prime de secours allouée par la compagnie pour s’offrir une brosse à dents. Apprendre à relativiser en songeant à cette femme qui dira “oui” sans la robe qu’elle a mis cinq mois à dégoter; à ce petit garçon qui ouvrira ses cadeaux de Noël à Pâques; ou à cet expat en mal du pays qui ne recevra jamais son fromage préféré. Enfin, savoir que votre valise n’est pas perdue pour tout le monde. En Alabama, un magasin étonnant, Unclaimed Baggage, récupère les bagages perdus dans les aéroports de toute la planète et revend une partie de leur contenu. Ma prochaine destination est toute trouvée, avec ou sans valise.

PARTIR AVEC VOYAGEURS DU MONDE

Assurance voyage avec garantie bagages, assistance 24/24, enregistrement de vos effets personnels à domicile, à Paris et dans le 92 (sur vol aller Air France et au départ de CDG uniquement), à récupérer à destination… Des services précieux pour voyager léger et sans râler.

À noter : Japan Airlines propose au Japon un service de location de garde-robe baptisé “Any Wear, Anywhere”, pour réduire le poids des bagages et le risque de les égarer.

WE ARE FAMILY

10 IDÉES POUR APPRENDRE en voyageant

ET SI, EN PLUS DE TOUS LEURS SOUVENIRS, ILS REVENAIENT AVEC DES BASES DE GRAFF, EN SACHANT ALLUMER UN FEU, PRÉPARER LA VERA PIZZA NAPOLETANA, IDENTIFIER UNE TRACE DE PATTE, EN ÉTANT INCOLLABLE SUR LES ÉTOILES ET LES VOLCANS ? EN RIMANT AVEC APPRENTISSAGE ET PARTAGE EN FAMILLE, LE VOYAGE FOURNIT AUX ENFANTS UNE OCCASION UNIQUE DE GRANDIR AU CONTACT DU MONDE.

ILLUSTRATIONS ÉDITH CARRON

Clic ! Cette fois, c’est la bonne, le paresseux est dans la boîte. Il faut dire qu’il prend mieux la pose que le colibri –et que les ados n’ont pas perdu une miette du cours de photo. Pour l’inspiration, direction le MoMA à New York, le berceau du manga à Tokyo ou les rues graffées de Valparaiso et Buenos Aires. “Moi je préfère ce dessin. Non, celui-là!” Déjà, l’artiste qui sommeille en eux pointe le bout de son nez. Mise en pratique studieuse à Kyoto, alors que les moines japonais les initient à l’art de la calligraphie. Eux, patients et appliqués? Les voyages font des miracles.

La fabrique à souvenirs

SELF-MADE

Le tour de potier qui virevolte à l’infini, les doigts agiles qui filent la laine, ça donne le tournis… et très envie d’essayer aussi! Accompagnés par des artisans talentueux, les enfants, mais aussi leurs parents et/ou grandsparents, se prêtent volontiers au jeu, touchent, modèlent, tissent, taillent et échangent autour du quotidien et des traditions locales. À Madère, en Jordanie ou au Pérou, toute la fratrie participe à la fabrication d’azulejos, cerfs-volants, bijoux, briques d’adobe, poteries… Comme ils seront fiers de repartir avec un nouveau porte-bonheur ! Un trésor qu’ils chériront longtemps en se remémorant le voyage.

GRAND ÉCRAN

Se prendre pour Harry ou Hermione – et rebaptiser grand-père “Dumbledore”– dans le Poudlard Express qui file à travers les Highlands, galoper après les cowboys dans le Far West, aller à la rencontre des hobbits en Nouvelle-Zélande, s’inviter en coulisses des tournages de leur série préférée et peut-être croiser quelques stars à Hollywood… Pendant les vacances, on les emmène sur les traces de leurs héros. On gomme les frontières entre fiction et réalité. En bref, on leur montre les effets très très spéciaux du voyage. Moteur!

OLYMPIADES

Surfer avec les tortues à Hawai’i, s’initier à la capoeira sous le soleil de Rio ou au kung-fu en Chine, faire le chien, le cobra ou le poisson avec un yogi en Indonésie, boxer à La Havane avec papa, prendre un cours de skate ou de rollers sous les mythiques palmiers de Venice Beach, descendre en raft le río Pejibaye au Costa Rica, se hisser sur un paddle en Afrique du Sud, parcourir à cheval la vallée de Reykholt en Islande ou les collines du Burren en Irlande. Du sport, oui, mais surtout plein de sensations et de fous rires partagés entre frères et sœurs, et avec les passionnés qui les prennent sous leurs ailes.

La fabrique à souvenirs

TOP-CHEFS

À la maison, ils traînent des pieds pour donner un coup de main aux fourneaux, mais en voyage les enfants mettent volontiers la main à la pâte. Au menu, bains de culture et rencontres franches avec des cuisiniers chevronnés. Dans les Pouilles, ils laminent la pasta fresca dans une masseria. À Chiang Mai, après l’exploration du marché en famille, ils préparent un khao soi – trop bonnes ces nouilles au lait de coco! À Marrakech, une dada (cuisinière) leur apprend l’art subtil de marier les épices. À Kyoto, rendez-vous pris dans une machiya traditionnelle : les tempura croustillants n’auront plus aucun secret pour eux.

SKY IS THE LIMIT

Ils sont souvent dans la lune, les enfants. Les voyages ont heureusement le pouvoir, en plus de créer des moments de partage uniques, d’alimenter leur machine à rêves, de trouver le terrain de jeu à la hauteur de leur imagination : le ciel. Dans le désert chilien d’Atacama, l’un des plus absolus au monde, la nuit est d’une rare limpidité. Sous des milliers d’étoiles, collés au télescope, les astronomes en herbe potassent les constellations avec un spécialiste. Tout près du cercle polaire – au Groenland, en Islande ou en Laponie–, ils assistent, œil nu et bouche bée, au show psychédélique des aurores boréales. La nature est donc magicienne? Ils croient rêver.

ALORS ON DANSE

Les pas acrobatiques du hip-hop US, les mouvements nonchalants du tango argentin, le déhanché décomplexé de la samba carioca, la tournoyante salsa cubaine qui va à mille à l’heure, les saynètes et chants rigolos du kecak balinais, les chorégraphies façon flashmob des films de Bollywood… Le monde entier danse devant leurs yeux, à eux de danser avec lui! À Rio, Bali, Mumbai, Buenos Aires, LaHavane ou New York, grâce à des pros au rythme dans la peau, ils libèrent leur corps, trouvent de nouvelles formes d’expression, dialoguent avec les autres cultures, et se découvrent des passions.

NOUVEAUX AMIS

Croiser le regard d’une baleine en Afrique du Sud, faire un câlin à un koala en Australie, se retrouver nez à nez avec une girafe lors d’un safari en Namibie, jouer à cache-cache avec des chiens de berger en Irlande, saluer depuis son lit les rhinocéros du Kenya ou l’ours noir depuis un Zodiac à Vancouver, nager avec les dauphins à Oman, les raies Manta à Hawai’i… Les rencontres animales n’ont pas leurs pareilles pour faire pétiller le regard des plus jeunes, les éveiller à la réjouissante biodiversité du monde, précieuse et fragile.

La fabrique à souvenirs

9.

NATURE COMPLICE

Ils se rêvent aventurière ou explorateur? À eux la belle vie sauvage entre cousins ! La journée, ils escaladent les volcans d’Islande ou des Canaries, les glaciers de Patagonie, les canyons de l’Ouest américain; ils caracolent avec les gauchos dans la pampa argentine, avec les rangers dans le bush au Botswana, avec les chameliers dans le désert du Maroc. Le soir, au Panama, ils se fraient un chemin à travers la jungle, ils dînent autour d’un feu de camp qu’ils auront appris à allumer, au bord d’un lac où ils auront appris à pêcher. Ils s’endorment sous un igloo, une yourte ou le ciel étoilé.

IL ÉTAIT UNE FOIS

Les histoires de pharaons les fascinent, les dieux grecs et Jules César aussi, même si tout ça, c’est un peu compliqué. Sur place, tout s’éclaire. À bord du Steam Ship Sudan (à partir de 6ans), on remonte le Nil et le temps. Près du Caire, toujours en Égypte, on découvre les pyramides de Gizeh, immenses –pas étonnant qu’il ait fallu autant de temps pour les bâtir–, on apprend à décrypter les hiéroglyphes… Ailleurs, ça sera l’Acropole d’Athènes, le Panthéon de Rome, les ruines de Pompéi. Mieux que leur livre d’histoire, les jeux de piste leur font réviser les civilisations: les Incas au Pérou, les Mayas au Belize, les Aztèques au Mexique… Tiens, encore des pyramides!

BARNHILL Le dernier refuge de George Orwell

Isolée au nord-est de l’île de Jura, en Écosse ; accessible uniquement à pied, par un chemin de huit kilomètres, la ferme de Barnhill abrite la genèse d’un monument de la littérature. De 1946 à 1949, derrière ses fenêtres ouvrant sur la lande battue par les tempêtes, surplombant les tourbillons de la mer des Hébrides, George Orwell y écrivit 1984. Une dystopie qui résonne encore en 2024. Fuyant Londres et sa notoriété croissante, Orwell trouve refuge sur cette île aux 200 âmes et 5 000 cerfs. À 2 h 30 de marche du premier village d’Ardlussa, où il s’approvisionne, l’écrivain britannique imagine une société infernale : autoritarisme, perte de la vie privée, manipulation de l’information… “Big Brother ne vous observe pas, mais les enfants sont assez féroces”, pouvait-on lire il y a peu sur un écriteau arraché depuis par le vent, rappelant avec humour que le lieu est privé. “Le domaine appartient à notre famille depuis 1926”, confie Robert Fletcher, installé à Kinuachdrachd, à deux kilomètres plus au nord de Barnhill, avec sa femme Sofie et leurs enfants. “Notre mode de vie spartiate est très proche de celui d’Orwell à l’époque, excepté que nous avons l’électricité solaire. Nous tentons de cultiver, d’élever et de chasser notre nourriture autant que possible.” C’est ici que le couple proposera un cabanon à louer. Avis aux amateurs d’âpre solitude.

Shows froids EN PAYS NORDIQUES

POLARS ET FANTASTIQUE NOUS MÈNENT AU CŒUR

D’UNE NATURE PUISSANTE, MAIS TROP SOUVENT MALMENÉE PAR L’HOMME. DE QUOI VOYAGER DEPUIS SON SOFA, TOUT EN AIGUISANT SA CONSCIENCE ENVIRONNEMENTALE.

ISLANDE VÍK, KATLA

Un volcan réel donne son nom à cette série aux accents fantastiques : le Katla. Recouvert par le Mýrdalsjökull, quatrième plus grand glacier d’Islande, il est actif et constamment sous surveillance. Dans la série, il est en éruption depuis un an et seuls quelques habitants sont restés sur place, dans le village de Vík. Ils vont bientôt être confrontés à l’étrange réapparition de personnes disparues… Vík est un village bien réel, isolé sur la côte sud de l’Islande. Et Katla , qui met en scène les curiosités naturelles des alentours, comme la plage de sable noir de Reynisfjara, les rochers en basalte dressés dans la mer (Reynisdrangar) ou les immensités désertiques de la plaine du Mýrdalssandur, reflète l’ambiance d’un territoire étrange où la rationalité peut être mise à l’épreuve par le contact direct avec les forces telluriques.

SUÈDE

ÄLVSBYN, HUNTERS – TRAQUE EN FORÊT

À Älvsbyn, bourgade du nord de la Suède, dans le comté de Norrbotten, deux frères entrepreneurs entendent exploiter un filon d’or, envers et contre tout – surtout contre les militants écologistes. Menaces, meurtre… très vite, tout dérape. Erik, un ancien inspecteur de police va mener l’enquête, qui le mènera au plus profond de la dense forêt des environs, paradis des ours, des chevreuils, et des chasseurs. Au cœur de ce polar, un véritable dilemme : faut-il exploiter les ressources minières quels que soient les coûts environnementaux – ici, la pollution à l’arsenic des nappes phréatiques – et l’impact sur les populations traditionnelles – les Samis éleveurs de rennes –, pour aider une petite ville à retrouver sa prospérité, ou faut-il s’abstenir par respect de la nature et entériner le déclin de l’économie locale ?

ÎLES FÉROÉ STREYMOY, TROM…

Originaire des îles Féroé, province autonome du Danemark située entre l’Écosse et l’Islande, le journaliste Hannis Martinsson revient dans l’archipel après l’appel d’une militante écologiste qui lui annonce être sa fille. À son arrivée, la jeune femme est retrouvée morte. Accompagnant Hannis dans son enquête, on emprunte des routes spectaculaires sinuant à flanc de falaises, on arpente des landes rases battues par le vent. Trom nous emmène dans l’île principale des Féroé, Streymoy, et sa capitale, Tórshavn ; sur l’île d’Eysturoy où se trouvent le village coloré de Gjógv et le lac Toftavatn ; ou encore à Gásadalur, sur l’île de Vágar. Là, dans ces petits ports d’apparence tranquille, l’intrigue se noue autour de l’industrie de la pêche à la baleine, toujours autorisée mais dénoncée par les défenseurs de l’environnement.

MES FIDÈLES COMPAGNONS de voyage

Dis-moi ce que tu lis, je te dirai qui tu es.

En nous con ant ses livres préférés, la journaliste et femme de lettres franco-marocaine Leïla Slimani dévoile une part d’elle-même. Des choix intenses qui ont forgé l’écrivaine qu’elle est devenue.

L’Orientaliste

Cette enquête rocambolesque vous maintiendra éveillé pendant des nuits! Ou comment Lev Nussimbaum, un Juif d’Azerbaïdjan ayant fui Bakou après la révolution d’octobre 1917, devient Essad Bey, prince musulman et personnalité mondaine du Berlin de la République de Weimar, puis Kurban Saïd, un romancier à succès. Il échappera aux nazis, rencontrera Mussolini, visitera New York. Le plus imaginatif des romanciers n’aurait pas pu le créer!

Martin Eden

Encore aujourd’hui, c’est un de mes livres préférés. Un grand roman sur la passion dévastatrice pour l’écriture, mais aussi roman d’amour tragique entre un homme d’origine modeste et une bourgeoise qu’il rêve de conquérir mais dont la famille le méprise. Martin Eden, génie incompris, amoureux délaissé, nous donne envie de croire à la possibilité d’un idéal. La n me fait toujours pleurer.

MARYSE CONDÉ Ségou

J’ai découvert Maryse Condé avec ses romans caribéens, mais c’est Ségou qui m’a le plus impressionnée. Véritable épopée, il nous plonge dans l’histoire méconnue du royaume Bambara, dont Ségou est la capitale. On y rencontre des personnages hauts en couleur et Maryse Condé fait de cet empire africain, avec sa langue imagée et vive, un extraordinaire territoire romanesque avec tout ce qu’il faut de suspense, d’aventures et de rebondissements. À recommander à tous ceux qui pensent que l’Afrique n’est pas entrée dans l’Histoire…

NAGUIB MAHFOUZ

La Trilogie

Elle fait partie de ces livres dont je me souviens exactement où je les ai lus, ce que je portais, avec qui j’étais. Je dois à ma grand-mère l’amour pour les sagas familiales et à mon grand-père la fascination pour l’Égypte, et en particulier Le Caire, “capitale du monde arabe”. La trilogie du seul prix Nobel arabe est un bijou de poésie et de tendresse et une extraordinaire déclaration d’amour à la ville foisonnante du Caire.

Les Raisins de la colère

J’ai pour Steinbeck une admiration sans borne et pour ce livre une véritable dévotion. Je crois qu’il n’existe pas de plus grand roman sur la misère, la famille, le déplacement, le capitalisme… Des thèmes encore si actuels. La langue de Steinbeck, à la fois épique et charnelle, nous transporte au plus près de la famille Joad et nous fait revivre les a res de la Grande Dépression. Un chef-d’œuvre absolu.

Alexis Zorba

Si je devais me réincarner dans un personnage de ction, je voudrais être Zorba le Grec. Il est la vie même, un être sensuel et joyeux, en phase avec les éléments, un homme brave et idéaliste qui fascine le narrateur, un timide intellectuel. Lire Alexis Zorba, c’est d’abord goûter le style sublime de Nikos Kazantzaki et ressentir son amour profond pour la terre grecque. Mais c’est surtout faire la rencontre d’un héros inoubliable qui nous donne soif de beauté et d’aventures.

Léon l’Africain

Lu à 14 ans, ce livre a été un choc. Pour la première fois, je lisais un grand roman épique qui se déroulait dans une géographie très proche de la mienne. Le style m’a emportée et je me souviens encore des nuits blanches à lire sous ma couette ! J’envie ceux qui découvriront l’autobiographie imaginaire de cet ambassadeur maghrébin qui, au début du XVIe siècle, est capturé par des pirates siciliens et o ert en cadeau à Léon X, le grand pape de la Renaissance. Homme d’Orient et d’Occident, homme d’Afrique et d’Europe, il incarne pour moi une sorte d’idéal, celui dans lequel j’ai été élevée.

Je pense très souvent à ce livre. Une partie de moi y vit encore. Auprès de Sethe, de Beloved, dans ces lieux que Toni Morrison décrit avec lyrisme et sensualité. C’est un livre touché par la grâce, qui fait entendre la voix des fantômes. Tous les thèmes qui m’obsèdent y sont présents : la soif de liberté, la maternité, la violence meurtrière, la vie secrète des femmes.

La librairie

Voyageurs du Monde

Un passage obligé! On y trouve tout pour préparer son voyage. Cartes géographiques, atlas, guides, albums photo, littérature d’aventure, polar, bd… Nos libraires passionnés sont là pour vous orienter et vous conseiller. 48, rue Sainte-Anne, ParisIIe

JACK LONDON
Chef Vita, solaire.

LA CUISINE ITAL de Chef Vita

SUR LA CÔTE NORD DE LA JAMAÏQUE, INSTALLÉ EN BORD DE RIVIÈRE, CHEF VITA CONCOCTE UN RAGOÛT BIENFAISANT À BASE DE LÉGUMES, DE COCO ET DE PIMENTS DOUX.

LA CULTURE RASTAFARI EST AU CŒUR DE CETTE RECETTE, OÙ LE FAIT-MAISON, LES PRODUITS NATURELS NON-TRANSFORMÉS ET LA CONSCIENCE DU CYCLE

DE LA VIE ONT DES ADEPTES TOUJOURS PLUS NOMBREUX. À VOS FOURCHETTES ! EN DOUCEUR.

Aux portes d’Ocho Rios, l’eau de la White River bouillonne tranquillement. Sa couleur laiteuse fait écho à la marmite d’Oshane Denton Warren, aka Chef Vita, posée juste là, sur un feu de bois, dans laquelle il vient de râper un peu de coco. Face à l’énergie communicative du chef, des oreilles attentives sont venues apprendre les secrets de son ragoût de légumes jamaïcain et de ses tacos de fruits d’arbre à pain. Sous le tchack-tchack du couteau, rien n’est choisi par hasard. Pas plus la citrouille, l’oignon frais, le piment doux, la banane plantain que le lieu où ils sont préparés. Car pour ce chef autodidacte élevé dans la paroisse de Trelawny, région du nord-ouest de l’île, formé dès l’enfance par son mentor rasta JahVita, tout n’est pas qu’une histoire de goût. “Le but de cette expérience est de retrouver l’équilibre avec les éléments – la terre, le vent, le feu, l’eau –, de se reconnecter avec la nature. La nourriture participe à cette reconnexion, à la manière dont vivent les rastas en Jamaïque.”

La cuisine ital (mot dérivé de “vitalité”) qu’il sert aujourd’hui met en e et sur la table une belle part de culture rastafari. Adoptée dès les années 1930 par les fondateurs du mouvement, notamment Leonard Percival Howell, lui-même inspiré par le régime végétarien des soldats indiens alors en poste en Jamaïque, cette alimentation à base de denrées naturelles, à savoir provenant directement de la terre, n’ayant subi aucune autre transformation qu’une éventuelle cuisson, s’inscrit dans

une philosophie de vie globale. “Le concept de vitalité rastafari est basé sur nos racines africaines et consiste à prendre soin de son temple intérieur”, explique le chef.

Cette approche holistique de la vitalité (“livity” en anglais) induit qu’une force suprême accordée par le Jah (Dieu) tout-puissant circule entre tous les êtres vivants. Le régime ital vise ainsi à nourrir cette force collective en prenant soin de son propre corps et de l’environnement. Consommer la viande d’un animal mort serait par dé nition contre-nature, au même titre que des aliments traités aux pesticides et additifs chimiques. Derrière l’écran de fumée et le cliché des dreadlocks, les rastafaris auraient donc près d’un siècle d’avance sur les dé s de notre époque.

Et le plaisir du goût dans tout ça ?, pensent tout bas les bons vivants arrivés dans le rang des apprentis du jour. Angoisse vite oubliée, car si l’interprétation la plus pure de la cuisine ital bannit le sel et le sucre, chaque adepte est susceptible de l’adapter à sa sauce. L’un des plaisirs de Chef Vita consiste justement à partager sa maîtrise des piments, du gingembre, des herbes pour magni er les saveurs. Aux premiers coups de fourchette, seul reste en suspens le murmure de la rivière. La vitalité commune semble quant à elle plus que satisfaite. •

Voyageurs en Jamaïque : 01 42 86 16 39 Pour aller à la rencontre de la culture locale et des habitants, en Jamaïque comme ailleurs, divers ateliers peuvent être organisés pour vous.

DANIEL ROZENSZTROCH

Si les cuillères, les balais et les paniers à salade pouvaient parler, on confondrait sans doute ce directeur artistique (à l’origine du concept-store parisien Merci) avec un anthropologue. Derrière ses lunettes rondes, il s’intéresse à l’histoire, l’esthétisme, le travail artisanal qui entourent les objets du quotidien.

Chineur invétéré, il explore leurs di érentes déclinaisons à travers le monde, réunissant le fruit de ses voyages lors d’expositions ou dans de beaux livres.

Une façon de clore sa quête, de passer à autre chose. En parallèle à ses collections, dans les “cabinets de curiosités” où il vit, à Paris et Nice, s’invite une famille d’objets recomposée. “J’aime voir comment ils cohabitent, comment organiser l’espace et vivre avec eux.”

© Reed Young

FINESSE & RÉPÉTITION

Brosses à dents

“Parmi une série thématique plus large réalisée autour des brosses et des balais, j’ai gardé ces brosses à dents que je conserve dans un meuble vintage de dentiste. Si l’objet symbolique de l’hygiénisme est apparu dans l’Angleterre du XIXe siècle, ledépartement de l’Oise, au nord de Paris, abrite l’une des manufactures historiques, et un très beau musée de la brosserie. Le métier de tabletier, ces artisans qui fabriquaient des objets en ivoire, en os, en corne, en nacre et en écaille de tortue s’y est développé. Les manches étaient sculptés avec une finesse particulière, tout comme l’assemblage des soies de sanglier. J’ai eu la chance de rencontrer ledescendant d’un de ces artisans, qui m’a offert leséchantillons d’époque produits dans la manufacture de son arrière-grand-père. À chaque collection correspond une part de hasard et de rencontres… Si le point de départ est toujours un objet qui m’interpelle, c’est ensuite la quantité, la répétition et les nuances qui en font lecorps et l’originalité.”

UN DIALOGUE INATTENDU

Fils de fer

“Ces objets en fil de fer reflètent ce que j’aime leplus, à savoir: une histoire riche et souvent oubliée derrière une apparente simplicité. Ici, celle d’un artisanat né dans la Mitteleuropa à partir de 1860, avec la production industrielle des premiers fils de fer. Avec elle surgit un petit métier de raccommodeur, qui faisait le tour des villages pour réparer les poteries. Progressivement s’est ajouté un artisanat inspiré de la vannerie. Je collectionnais déjà quelques pièces trouvées aux États-Unis, sans connaître leur origine si ce n’est qu’elles étaient liées aux grandes vagues d’immigration. Puis, j’ai découvert l’épicentre de cet art populaire auquel est dédié un musée, dans la ville slovaque de Zilina, à la frontière polonaise. J’en ai fait une exposition de près de 600pièces dont j’ai gardé les plus belles, certaines sur cette photo, à côté du grand bougeoir (à gauche) qui lui a été réalisé par le créateur Eric Schmitt dans les années 1980. Ce dialogue entre des objets d’une même famille, à travers les lieux et les époques, me fascine.”

PASSION/OBSESSION

Bagues

”Au-delà de mes collections thématiques, mon caractère obsessionnel –je le reconnais volontiers– s’exprime de façon plus personnelle notamment dans la passion que j’ai pour les bagues. J’en ai peut-être une trentaine, certaines réalisées par des créateurs, dont ma favorite sans doute, ronde, en argent, que je dois à une artiste roumaine, Alina Alamorean. Elle est posée ici, à côté d’une coupe en céramique signée de l’artiste japonais contemporain Taketoshi Ito, dans laquelle se mêlent les autres. Beaucoup représentent des souvenirs de voyages, des bagues éthiques trouvées dans certains pays du Maghreb notamment, où l’orfèvrerie, lajoaillerie tiennent une place importante.

Là aussi, c’est le savoir-faire, le patrimoine identitaire qui m’intéresse. En haut à droite de cette photo, une bague de mariage juif du XIXe siècle, achetée à Cracovie. En forme de maison, c’est en réalité une boîte dans laquelle on avait l’habitude de placer des épices.”

L’OUTIL POPULAIRE

Couteaux

“À l’entrée de mon appartement parisien, au dos d’un meuble en métal, j’ai placé un moodboard où je mêle images et objets. Ici, une photo représentant des couteaux qui se confond avec deux couteaux africains enfer, bien réels, réalisés à partir de boîtes deconserve. Le couteau fait partie de ces outils essentiels à l’usage multiple. Dans nos campagnes, les paysans avaient toujours un canif dans la poche qui, selon l’heure de la journée, servait à déjeuner ou à bricoler. Personnalisés, sculptés, ce sont des objets qui se transmettaient de génération en génération. C’est l’aspect populaire qui m’attire et non pas un art de la table sophistiqué. Depuis mon enfance, j’ai cet attrait pour les objets modestes, je les trouve généralement plus émouvants que des pièces d’art décoratif. Prenez le cintre, auquel j’ai consacré uneexposition : apparu à la moitié du XIXe siècle, il a servi de façon invisible l’histoire de la mode!”

UNE FIGURE INTIME

Matelots

“Voici sans doute la collection la plus intime que j’ai fini par dévoiler (dans un livre intitulé Ohé matelot!, paru aux éditions Pointed Leaf Press –ndlr). Différente aussi, car cette fois elle a pour centre non pas un objet mais un personnage. L’image du marin couvre un large spectre, du héros de l’enfance à la figure érotique, à la fois virile et fragile. Dans ma chambre, ce mur montre plusieurs œuvres à l’effigie du matelot, dont deux lithographies originales du grand peintre grec Yannis Tsarouchis Au centre, un marin tenant son chapeau; en bas, un autre assis sur un sofa. Au-dessus de la table de nuit, sur laquelle trône un Popeye hilare, un portrait de marin signé de l’artiste indien Sumatraz Mukherjee. À sa droite, dans le cadre argenté de style tramp art (l’art des vagabonds né aux États-Unis), un doudoumarin spécialement créé par Jean-Paul Gaultier pour une vente-exposition au profit de la Fondation Merci.”

UNE HISTOIRE MÉCONNUE

Porte-photos

“Je collectionne ces petits cadres en tôle emboutie d’époque NapoléonIII. Ils accueillaient à l’origine des images pieuses accrochées aux murs des chambres de bonnes. Ils me servent à présenter d’une manière informelle photos et cartes de visite. J’en compte unebonne centaine de toute forme et toute taille, trouvés un à un dans des brocantes. Ce sont desobjets qui ne valent pas des fortunes, voilà aussi ce qui me plaît, je leur trouve beaucoup plus de sensibilité que certains objets décoratifs précieux. Leur rareté vient du fait même que parce qu’ils n’avaient pas de grande valeur, beaucoup étaient jetés une fois leur utilisation accomplie, ou lorsqu’ils étaient abîmés. Ils ont souvent une histoire méconnue qui mérite de l’être. Les trouver participe à l’adrénaline du chineur que je suis. Où que je sois, mon premier réflexe est d’aller vers les marchés aux puces, les souks. Parmi mes destinations favorites: les États-Unis, pour les foires immenses qui réunissent des milliers d’exposants, et le Japon, bien sûr, pour sa culture wabi sabi, le respect de l’objet et de son usure.”

LE SENS DE LA SOPHISTICATION

Cuillères

“Voilà une quinzaine d’années que je collectionne les cuillères, à travers tous les continents. Elles sont même un point de référence, une connexion tactile à de nombreux voyages. La cuillère fait partie de ces objets qui nous accompagnent de la naissance à la mort. C’est la déclinaison basique qui m’intéresse, en particulier celle de qualité artisanale, qu’elle soit conçue dans des matériaux simples, comme le bois ou le métal, ou plus précieux comme l’ivoire, la nacre, le corail. Ici, page de gauche, des cuillères-souvenirs collectionnées au détour des sites touristiques aux États-Unis Ci-contre, des modèles en verre pressé ou soufflé, confectionnés au Portugal et en Espagne dans les années 1920-1930. Toutes possèdent un sens de la sophistication et une originalité intrinsèque. Même si certaines sont des objets de collection rares, la plupart sont utilisables comme au premier jour.”

Le monastère rupestre de Gherart, dans la Vallée de l’Azat.

Géopolitique du voyage

L’ARMÉNIE

dans le rétroviseur de Jean-François Rial, pdg de Voyageurs du Monde

PREMIÈRE NATION CHRÉTIENNE DE LA PLANÈTE, ANCIEN PAYS DE L’URSS OUVERT AUX VOYAGEURS DEPUIS L’INDÉPENDANCE EN 1991, L’ARMÉNIE

SE TIENT AU CARREFOUR DE TROIS MONDES – RUSSE, TURC ET EUROPÉEN. UN VOYAGE AU CŒUR DE L’HISTOIRE ET DES RETOURNEMENTS GÉOPOLITIQUES.

Sa nature de pays chrétien en Orient – l’Arménie et la Géorgie sont les seules enclaves caucasiennes de ce type à être entourée de pays musulmans – met en lumière une problématique délicate. Son caractère orthodoxe (resplendissant dans des églises du IVe au XIIIe siècles, l’incroyable complexe médiéval du monastère de Gherart dans la Vallée de l’Azat, ses manuscrits enluminés…) lui vaut d’être historiquement liée à la Russie. Les deux États sont restés très proches au-delà de la période de l’URSS, et la Russie a toujours agi comme un protecteur, un partenaire face à l’environnement hostile azéri et turc. Or, cette alliance a volé en éclats ces derniers temps. La guerre en Ukraine a changé la donne, les sanctions occidentales ayant imposé à Vladimir Poutine de revoir ses routes commerciales. La Russie dispose de trois principales sources d’entrée et de sortie de son territoire : la Chine, l’Inde et la Turquie. Cette dernière étant particulièrement stratégique, car elle contrôle en partie la sortie de la mer Noire. Recep Tayyip Erdoğan et Vladimir Poutine ont des rapports certes complexes mais beaucoup d’intérêts communs, et ce rapprochement, qui déjà s’est opéré sur le terrain syrien, représente un changement de taille pour l’Arménie. En choisissant la Turquie, Moscou se rapproche également de l’allié de celle-ci : l’Azerbaïdjan, ennemi historique de l’Arménie. En retour, l’Arménie a rati é à l’automne 2023, après l’avoir signé en 1999, le Statut de Rome, traité fondateur de la Cour pénale internationale, laquelle a émis un mandat d’arrêt contre Vladimir Poutine. Cet acte oblige, en théorie, l’Arménie à arrêter le président russe s’il venait à se rendre sur son territoire.

Pachinian, en faveur de l’Ukraine. Excédé par la passivité russe face à la menace azérie, l’Arménie n’hésite plus à a rmer son soutien, au moins humanitaire, au peuple ukrainien. Ce qui exaspère le Kremlin. Autre indicateur significatif : Erevan vient de remercier les garde-frontières russes stationnés à ses frontières avec la Turquie et l’Iran. Un premier pas vers le démantèlement de la dernière base militaire russe sur son territoire.

S’ajoute à cela les prises de position de plus en plus marquées du gouvernement d’Erevan par la voix de son Premier ministre, Nikol

En n, la France et l’Inde seraient désormais les premiers fournisseurs d’armes de l’Arménie, cela sans s’engager à assurer sa défense à court terme. Le Premier ministre arménien est donc allé probablement un peu vite. Il a d’ailleurs fait marche arrière sur les frontières historiques de son pays, signant avec l’Azerbaïdjan un accord qui, après le Karabakh, ouvre le champ à de nouvelles annexions. De fait, cette redistribution des cartes fait de l’Arménie un nouveau miroir grossissant des relations internationales. •

S’intéresser, débattre, envoyer promener ses idées: tel est l’objet de ce rendez-vous pour lequel

Jean-François Rial, président de Voyageurs du Monde, reçoit une personnalité. Ici, la journaliste, réalisatrice et écrivaine iranienne Abnousse Shalmani. Dans son roman J’ai péché, péché dans le plaisir, elle pose en miroir les parcours de deux femmes libres, l’une française, l’autre iranienne. L’a rmation farouche d’une quête de liberté qui résonne intensément avec sa propre existence.

Petite conversation sur le monde

© Boby Abnousse Shalmani, Paris, mai 2024

JEAN-FRANÇOIS RIAL : Votre roman J’ai péché, péché dans le plaisir raconte les destins croisés de deux femmes – l’une dans la France de la Belle Époque, l’autre dans l’Iran des année 1950 –animées d’un même désir de liberté. Marie de Régnier et Forough Farrokhzad ont-elles réellement existé et comment les avez-vous découvertes ?

ABNOUSSE SHALMANI : Tout a commencé avec Marie de Régnier, dont j’ai appris l’existence à l’âge de 13 ans, en 1990. Ma famille et moi avions quitté Téhéran cinq ans plus tôt, suite à la révolution islamique, et étions en exil à Paris. Lors des vacances, nous n’avions pas les moyens de partir mais mon père nous emmenait mon frère et moi dans une grande librairie du boulevard SaintMichel choisir des livres d’occasion. Ce jour-là, je trouve Les Yeux noirs. Je pense d’abord au lm de Nikita Mikhalkov, sorti en 1987. Mais rien à voir. Il s’agit en fait d’une biographie sur les sœurs Heredia, Hélène, Marie et Louise. J’y découvre l’écrivain Pierre Louÿs, dont je tombe folle amoureuse, et di érentes personnalités qui l’entourent : Léon Blum, Marcel Proust et Marie de Régnier, donc, une femme incroyable qui va m’accompagner toute ma vie. Concernant Forough Farrokhzad, mes parents la citaient régulièrement parmi d’autres poètes iraniens, et je connaissais son lm, La maison est noire, un chef-d’œuvre de 1962. Je ne savais pas grand-chose si ce n’est qu’elle était morte à 32 ans dans un accident de voiture, à Téhéran. Pendant le con nement de 2020, resurgit une interview au cours de laquelle Forough Farrokhzad évoque un recueil de poésies, Les Chansons de Bilitis, publié en 1894 par Pierre Louÿs. C’est une révélation. D’abord, je suis jalouse : comment cette Iranienne des années 1950 ose me prendre mon Pierre Louÿs ?! Puis, pour une raison qui relève de la mystique littéraire, alors que depuis des années je raconte à tout le monde l’histoire incroyable de Pierre Louÿs et Marie de Régnier, tout en refusant d’en faire un livre, m’apparaît l’évidence d’écrire le destin de ces deux femmes, sans savoir vraiment où j’allais.

par le poète persan Jalâl al-dîn Rûmî au XIIIe siècle, qui compare sa transe à un mouvement cosmique, c’est d’une beauté spectaculaire, génératrice d’espoir, mais la réalité actuelle est di érente.

A. S. :

Le passage où vous évoquez la solitude de la femme orientale, pas uniquement iranienne, m’a beaucoup intrigué. Je n’ai jamais perçu cette solitude lors de mes di érents voyages et échanges dans ces pays. Pouvez-vous développer ? Répondre que tout va bien est une des règles de la civilisation orientale, ne pas dire la vérité, surtout pas à un étranger. La maison peut brûler, les enfants se noyer, on ne montre pas sa détresse. À la notion de désastre civilisationnel s’ajoute l’art de l’hypocrisie. C’est une chose qui m’a toujours interrogée, que j’ai déjà évoquée dans mes précédents livres et à laquelle j’ai échappé par miracle générationnel. L’absence de vie privée, le regard inquisiteur permanent, le fait que vous ayez peur de con er la vérité car elle pourrait se retourner contre vous, votre famille, votre rue ou votre quartier, ce re exe enferme énormément les femmes. Si cette réserve est partagée par les hommes, elle est beaucoup plus forte chez les femmes. La civilisation orientale a notamment inventé la pierre de patience, ce caillou o ert aux jeunes lles à la puberté, destiné à être enfermé dans un co re et à recevoir leurs secrets. C’est d’autant plus étonnant lorsque l’on sait que l’origine de la psychanalyse a des sources dans l’islam, chez les sou s. Si les marchands soufis, qui fuyaient la persécution, ont converti la Malaisie et l’Indonésie, c’est grâce à l’accroche spirituelle que cette branche avait avec l’hindouisme et le bouddhisme. Les sou s ont remarqué très tôt que l’absence de parole était la cause de dysfonctionnements dans la société, ce qui les a longtemps préservés des dérives islamistes. Si l’on s’arrête à l’image du samâ, le ravissement, des derviches tourneurs dans le bazar d’Ispahan, décrite

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J.-F. R. :

Vous êtes plus optimiste sur votre pays d’origine, l’Iran, qui connaît depuis l’automne 2022 un soulèvement… Oui, mais l’Iran est chiite et sécularisé depuis le XVIe siècle, lorsque Shah Abbas le Grand sépare les pouvoirs spirituel et politique. Une décision confirmée en 1905 dans la constitution. Si les islamistes sont arrivés au pouvoir en 1979, c’est parce que la CIA, le véritable service de renseignements du pays, était obnubilé par les communistes, et n’a pas vu venir la révolution. Khomeiny est un personnage charismatique, doué pour la mise en scène. Il su t de se remémorer la scène sous le pommier à Neauphle-le-Château en 1978, où il reçoit l’intelligentsia française, quelques mois avant son retour en Iran. Notez au passage que les deux premiers exécutés du régime sont ceux qui l’accompagnaient ce jour-là en France. L’islamisme dévore toujours ses enfants. Khomeiny est in uencé par les Frères musulmans. Il s’agit bien d’une révolution sunnite en terre chiite. Le premier exil de Khomeiny se fait d’ailleurs en 1965, à la demande du clergé chiite. Khomeiny était perse, mais sunnite d’un point de vue religieux. Lors de son arrivée au pouvoir, pour se di érencier des pays musulmans, il prend alors deux mesures fortes : la première vise à réguler la natalité, la deuxième tend à améliorer l’alphabétisation. Garçons et lles confondus. Aujourd’hui, l’Iran est l’un des pays qui comptent le plus d’ingénieurs, hommes et femmes. Pour l’anecdote, au tournant des années 2000, Téhéran fut obligé de nommer non pas un mais une juge islamiste. Devant l’impossibilité de vivre en concubinage, les hommes arrêtent plus tôt que les femmes leurs études pour travailler a n de fonder une famille. Résultat, le gouvernement ne trouvait pas d’homme compétent pour le poste.

Vous dites que “la révolution des mentalités est déjà faite, il ne reste plus qu’à se débarrasser des barbus”. Pourtant, on voit bien que la “mollahrchie”, comme vous la surnommez, tient toujours…

A. S. :

Les mollahs ont encore la main sur les leviers économiques et militaires. La bascule pourrait venir de l’intérieur, par le biais des Pasdaran. Ces “gardiens de la révolution” tiennent les mollahs plus que les mollahs ne les tiennent. Les chercheurs s’accordent à dire que s’ils prenaient le pouvoir, imposant une dictature militaire plus directement assumée, ils pourraient retirer l’obligation du port du voile et autoriser l’alcool. Aujourd’hui, seulement 5 % de la population soutient le régime en place. Pour autant, les Iraniens refusent une surenchère de violence. Entre la révolution et la guerre Iran-Irak, on dénombre un million de morts. Pas une famille n’a été épargnée. Et si l’aide nancière étrangère déployée lors de la révolution fut importante, qui aujourd’hui soutient le peuple iranien ? Avons-nous vu à la Sorbonne, à Harvard, des étudiants se mobiliser pour la jeunesse iranienne ? À part un timide soutien aux femmes sur les réseaux qui a duré deux mois et se résume à quelques comédiennes qui se sont coupé une mèche de leurs cheveux face caméra, personnellement je n’ai rien noté.

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Entretien

Selon vous, la libération des esprits passe irrémédiablement par celle du corps. Vous écrivez : “Demain, la Perse sera peuplée de Forough.” Pensez-vous que l’image des jeunes Iraniennes retirant leur voile dépasse le geste symbolique ? Bien évidemment. Il y a dans ce geste bravant l’interdit, réalisé en dansant et en brûlant leur voile, un acte de puri cation. C’est le signe d’une libération, celle d’un corps soumis à une schizophrénie entre l’espace privé et l’espace public depuis une quarantaine d’années et qui ne supporte plus d’être enfermé. Un corps qui s’assume, malgré le risque des coups de fouet, ne peut appartenir qu’à un esprit victorieux. Marie de Régnier à la Belle Époque et Forough Farrokhzad dans l’Iran des années 1950 partagent ce besoin viscéral de liberté. Liberté de penser, de créer mais aussi liberté de leur cul ! La libération du corps marque notre spéci cité humaine. C’est fondamental. En revanche, je m’énerve lorsque l’on me parle d’une révolution de femmes en Iran. Il s’agit bien d’une révolution mixte. Hommes et femmes ensemble depuis le premier jour. Après la mort de Mahsa Amini (jeune femme kurde décédée le 16 septembre 2022 alors qu’elle était détenue par la police des mœurs iranienne – ndlr), ce sont des jeunes lles et des jeunes hommes éduqués par le régime islamiste qui se sont retournés contre lui.

Quelle féministe êtes-vous ?

Je suis féministe universaliste, humaniste avant tout. Admiratrice d’Élisabeth Badinter et d’Annie Lebrun. Les réexions sur le genre m’épuisent. Ce trip identitaire est très dangereux. Un salaud est un salaud quel que soit son sexe, son orientation sexuelle, sa religion. C’est d’abord un individu. Je suis sidérée par ces néoféministes qui à 18 ans tiennent des propos sur la sexualité qui rappellent ceux des vieux bourgeois moustachus du XIXe siècle. Après un XVIIIe très féminin, le XIXe a institutionnalisé les interdits sexuels. La sexualité y est vue comme un domaine exclusivement masculin, un lieu de danger pour les femmes. Il faut couper la relation des femmes avec leur corps et leur sexualité, en les gardant dans “l’ignorance”. Sous-entendu, une femme qui jouit est une femme libre. Aujourd’hui, les problématiques sont di érentes mais les discours se ressemblent. De la même façon, ces femmes qui encouragent l’homosexualité donnent raison à la théorie de conversion, sous-entendant que l’on choisit son orientation sexuelle. C’est totalement délirant.

Vous avez vécu en Iran jusqu’à l’âge de 8 ans, quels souvenirs en gardez-vous ? Aimeriez-vous y retourner ? Je suis hypermnésique, c’est pratique. Je me souviens très bien de notre maison à Téhéran, d’Ispahan, de Shiraz, de la mer Caspienne dont mon père est originaire et de la ville de Shalman. J’ai la chance d’avoir eu une enfance qui correspond réellement à un paradis perdu, délimité dans le temps, la géographie et l’espace. J’étais condamnée à être écrivain. J’aimerais y retourner mais j’irai quand les mollahs seront partis. C’est eux ou moi. Je ne me rendrai jamais dans un pays qui m’oblige à être voilée. L’Iran est une terre de paradoxes, comme tous les pays à longue histoire. Les Iraniens célèbrent le Norouz, fête zoroastrienne du printemps, totalement païenne. Personnellement j’ai découvert le ramadan en France. Le chiisme est vraiment un syncrétisme entre l’islam et le zoroastrisme. Le Livre des rois (épopée retraçant l’histoire de l’Iran, de la création à la reconquête arabe, écrite au début du XIe siècle par le poète

persan Ferdowsi – ndlr) que je relis régulièrement, le montre très bien. Ce sont les mêmes histoires, pulsations de vie et obsessions humaines que dans L’Iliade, avec des noms di érents. C’est une chose que j’aime dans le fait de me situer entre culture orientale et occidentale.

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S’agit-il aussi d’éducation ? Aimez-vous voyager ?

Non. J’ai peur de ne jamais revenir. Le simple fait de changer d’arrondissement me met en panique. Cela fait partie de mes traumas. Je regarde les pays comme des entités très organiques, avec du ressentiment, un passé, des secrets de familles. Je n’arrive pas à faire mes bagages, si je dois voyager, je demande à mes amis de le faire pour moi. Au retour je suis contente mais à l’aller et sur place, c’est plus di cile.

Marie de Régnier et Forough Farrokhzad sont d’une étonnante contemporanéité, quelles sont les autres femmes sur lesquelles vous aimeriez écrire ?

Elles sont en avance sur aujourd’hui. À toute époque ont existé des hommes, des femmes, des tempéraments, en réalité classés hors-jeu. Les bibliothèques en sont remplies. Ces personnalités sont des consolatrices, des modèles, un refuge. Je pourrais citer deux féministes de la première heure : Madeleine Pelletier, première Française à obtenir l’internat en psychiatrie, et la journaliste Marguerite Durand, à la tête du quotidien La Fronde qui l’a accompagnée. Ou encore Natalie Cli ord Barney, poète américaine que j’adore, mais aussi Jane Dieulafoy, brillante archéologue du XIXe siècle qui après avoir combattu contre la Prusse aux côtés de son mari, en se travestissant en homme, utilise la même ruse pour le suivre en Perse. Elle e ectue en Iran, un travail remarquable sur les origines de l’architecture occidentale. Elle a reçu la Légion d’honneur travestie en homme.

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Un mot sur votre dernier livre, Laïcité, j’écris ton nom C’est une version longue du discours que j’ai prononcé lors de la remise du prix de la Laïcité 2023. Lorsqu’un collégien dit : “Je prierai pour votre salut” au professeur qui leur enseigne Madame Bovary, je me dis que le chemin est encore long… Comme je l’écris en introduction, je refuse obstinément de laisser gagner les obscurantistes, je refuse d’abandonner le pays qui m’a accueillie avec ma famille – comme il a accueilli des milliers d’exilés en quête de liberté – à ceux que nous avons fuis là-bas, dans nos pays d’origine gangrénés par l’idéologie de la haine… Peut-être que j’ai déjà perdu. Mais tant que les obscurantistes islamistes n’auront pas gagné, je résisterai en restant debout au nom des Lumières. Jean Jaurès disait déjà en 1905 que la “laïcité, c’est la n des réprouvés”. Ce que Robert Badinter, qui s’est éteint le jour où j’ai ni d’écrire ce livre qui lui est dédié, commente ainsi : “Là s’inscrit le sens premier de la laïcité : je te respecte au-delà de nos di érences de religion ou d’opinion comme de sexe, de race ou d’orientation sexuelle parce que tu es comme moi un être humain, tu es mon frère ou ma sœur en humanité.”

J’ai péché, péché dans le plaisir Grasset, 198p., 2024

Laïcité, j’écris ton nom Éditions de l’Observatoire, 80 p., 2024

LA GROTTE DE BODHIDHARMA (YU NN AN) PAR DARIA NI K ITINA

“Aux confins nord du Yunnan, nichée sur la route ancestrale ravanes chargées de thé, la Bodhidharma Cave est un lieu sacré du bouddhisme. On sait peu de choses sur le personnage de Bodhidharma – a-t-il seulement existé ? Moine de la fin du Ve siècle originaire d’Inde, également appelé Damo, il serait né prince et aurait renoncé à son héritage pour se consacrer à la transmission de la doctrine bouddhiste. Après avoir vécu et médité dix ans dans cette grotte, aujourd’hui située dans la préfecture autonome tibétaine de Diqing, près du village de Qizong, il devint Bouddha. Chaq ue mois d’avril lunaire, période à laquelle le moine aurait atteint ce stade ultime, les pèlerins affluent, lors du festival Shifo, pour rendre hommage au fondateur du zen chinois, guidés par un fleuve multicolore de drapeaux de prière tibétains qui suit le chemin tracé en direction de la grotte par des adeptes en 1151. Le site est également doté d’un temple construit à flanc de falaise qui débouche sur une grotte-dortoir réservée aux moines. Ces derniers s’adonnent alors à la danse religieuse Qiangmu.” Parmi les iconographes de Voyageurs du Monde, Daria Nikitina a toujours un appareil photo entre les mains lorsqu’elle voyage. L’opportunité de saisir de belles images, comme ici lors de repérages en Chine et au Tibet.

LA GRANDE classe

Au Moyen-Orient, en Inde, en Afrique, en Europe, leurs initiatives éducatives o rent aux terriens de demain la possibilité de grandir, de se projeter, et tout simplement d’apprendre, di éremment. Six gouttes d’eau parmi des milliers d’autres, synonymes d’avenir.

DORINE EIJKMAN, MAROC FIERS & FORTS

RANA DAJANI, JORDANIE WE LOVE READING

Prendre sa revanche sur la vie en se lançant sur un skatepark, un tatami de karaté, une scène de théâtre… S’amuser à associer les deux : le karathéâtre, pour mieux canaliser ses émotions. Se reconstruire, retrouver la confiance en soi, vivre en communauté : voici en substance ce qu’offre à des enfants marocains en situation de détresse sociale, le centre Fiers & Forts. Située dans le village de Tamesloht aux portes de Marrakech, pilotée par la Néerlandaise Dorine Eijkman, l’association créée par sa mère Dorothea souffle ses 20 ans cette année. Elle porte sur son aile une quarantaine d’enfants et jeunes adultes, accompagnant leur réinsertion sociale au moyen d’ateliers sportifs et créatifs. L’oasis abrite également des salles de suivi scolaire, un cabinet dentaire, un jardin de permaculture et une ferme pédagogique, pour apprendre à prendre soin de la terre, de l’eau, de l’âne Ezel et au final de soi.

Docteur en biologie moléculaire, spécialisée en épigénétique, cette Palestino-Jordanienne, professeure à l’université hachémite de Zarka, travaille à l’amélioration de la santé et de l’éducation des femmes et des enfants du Moyen-Orient, notamment auprès des réfugiés. Interpellée par une pratique de la lecture de plus en plus absente chez les enfants de la région, le Dr Dajani fonde We Love Reading en 2006. Le but de l’ONG est de redonner l’envie de lire, notamment par le pouvoir de la lecture à voix haute. “La narration est fondamentale pour notre survie en tant qu’espèce, et par conséquent, que ce soit sous la forme orale ou écrite, nous transmettons des connaissances à travers les générations”, rappelle-t-elle. Derrière le simple plaisir d’ouvrir un livre, WLR voit un moyen indispensable de changer les mentalités et de former le libre arbitre. L’association existe aujourd’hui dans soixante-trois pays.

DEEP NARAYAN NAYAK, INDE LE PROFESSEUR DES RUES

En installant des classes dans les rues des villages les plus reculés du Bengale-Occidental, du Jharkhand mais aussi du Bangladesh, cet instituteur indien offre à des milliers d’écoliers un accès à un enseignement élémentaire dont ils étaient coupés. L’idée lui vient un jour de 2020, lorsqu’il se retrouve face à une salle vide. La pandémie de Covid-19 a alors amplifié l’absentéisme chez des familles n’ayant pas les moyens de scolariser leurs enfants. Le “professeur des rues” donne cours sous un arbre, peint des tableaux noirs directement sur les murs. “Où il y a un mur, il y a une solution” devient son mantra. L’étincelle prend et va même plus loin lorsque ses élèves transmettent leur apprentissage à leurs parents et grands-parents. Une éducation transgénérationnelle qui vaut à Deep Narayan Nayak d’être nommé parmi les finalistes du Global Teacher Prize 2023 qui récompense les enseignants visionnaires.

HÉROÏNE ANONYME, AFGHANISTAN

L’ÉCOLE CLANDESTINE

JULIE RICARD, FRANCE L’APPEL DE LA FORÊT

Développées depuis les années 1950 aux États-Unis et en Scandinavie, les forest schools germent enfin dans le paysage éducatif français. Cet apprentissage libre au contact d’un milieu naturel – la forêt, mais aussi la montagne ou la mer – est une évidence au Danemark, où nature et culture n’ont jamais été dissociées. Et si apprendre à reconnaître un arbre, faire un feu, mesurer le risque et faire des choix était aussi important que les mathématiques ? Institutrice passée par Hypokhâgne, formée en Angleterre, pays qui reconnaît à l’apprentissage en milieu naturel des valeurs d’entre-aide, d’autonomie et d’estime de soi, mais aussi l’effet bénéfique sur les résultats scolaires, Julie Ricard a participé en France à la création du réseau PPN (Pédagogie par la nature), qui compte aujourd’hui une centaine d’associations. Des initiatives essentiellement privées, dont la sienne, Autour du feu, dans le Finistère, et de rares écoles primaires qui introduisent un cycle forest school à leur programme.

En Afghanistan, depuis le retour au pouvoir des talibans en 2021, les filles âgées de plus de 14 ans ont l’interdiction d’étudier. Selon l’Unicef, 1,4 million de jeunes Afghanes sont ainsi privées d’éducation secondaire. À Kaboul, une femme, dont le nom et le visage sont gardés anonymes pour des raisons de sécurité, a transformé sa maison en école clandestine. Défiant le régime fondamentaliste auquel elle s’opposait déjà en manifestant, elle accueille chez elles une soixantaine d’adolescentes. Une démarche courageuse qu’elle entend souffler à d’autres habitants afin de raviver le rêve de devenir docteur ou enseignante, et tout simplement d’accéder à un droit essentiel, dans un pays où les femmes sont bannies de la vie publique. “Si une fille ne va pas à l’école, c’est toute la société qui régresse”, confie l’héroïne anonyme dans une interview à Rukhshana Media, une agence de presse 100 % féminine.

LUCÍA MUÑOZ SUEIRO, ESPAGNE L’UNIVERSITÉ DURABLE

Depuis le printemps 2024, l’Université de Barcelone (UB) intègre à son premier cycle un cursus sur la crise climatique et écosociale. Une première mondiale. Point de départ de cette prise de conscience éducative : une manifestation menée en 2022 par le groupe écologiste End Fossil – militant pour la fin des énergies fossiles – qui avait occupé le campus durant une semaine. Parmi les activistes, Lucía Muñoz Sueiro, doctorante à l’UB. Plutôt que d’évacuer manu militari les manifestants, l’université fit le choix de les entendre et d’initier un mouvement qui pourrait faire tache d’huile. “Il ne s'agit pas d’un cours de plus sur le développement durable. Il combine les aspects sociaux et écologiques de la crise, qui sont interdépendants”, confiait au quotidien britannique The Guardian la jeune anthropologue qui cherche auprès des savoir-faire ruraux de la péninsule Ibérique une solution de décroissance.

UN

CONVOI ÉCARLATE SLALOME ENTRE LES CIMES, SILHOUETTE ROUGE DANS UN MONDE TANTÔT FLEURI, TANTÔT BLANC. INDIFFÉRENTES AU RELIEF ET AUX ÉLÉMENTS, SES VOITURES VERNIES GLISSENT SUR UN VIADUC, S’ENGOUFFRENT DANS UN TUNNEL, RESSURGISSENT AU CŒUR D’UNE VALLÉE. LE TRAIN AU SOMMET DE SON ART.

Àconsidérer sa topographie, la Suisse n’était pas vraiment destinée à devenir une nation ferroviaire. Vallées profondes et sommets vertigineux s’accommodent mal à la nécessité de bâtir des chemins de fer. Ajoutez à cela un épais manteau de neige jeté en altitude l’hiver et vous obtenez une ambition qui relève davantage de la folie. Pourtant, à la n du XIXe siècle, la èvre ferroviaire s’empare du pays – quand une bonne moitié du territoire est grignotée par les Alpes, on aurait tort de renoncer à les conquérir. Les ingénieurs charbonnent jusqu’à accomplir de véritables prouesses. Avec les viaducs et les tunnels hélicoïdaux naît le train à crémaillère, enfonçant ses dents dans la montagne, s’agrippant au dénivelé pour mieux le dompter. Rigi Kulm, première ligne à crémaillère d’Europe, voit le jour en 1871. Les pèlerins qui gravissent le Rigi depuis le XVIe siècle réprouveraient ce raccourci. Les artistes qui ont marché dans leurs pas – Goethe, Mark Twain, Victor Hugo – s’en donneraient à cœur joie. Un siècle et demi plus tard, le train à crémaillère est monnaie courante sur le terri-

toire. Parce qu’il faut se démarquer, Brienz Rothorn Bahn se targue d’être le seul fonctionnant uniquement à la vapeur. En fendant les vallées piquées de eurs, la locomotive cahote, fume, pétarade. Cela fait un sacré raffut, généralement réservé aux touristes. Les locaux préfèrent emprunter la ligne des Rochers-de-Naye : après avoir déposé skis et snows sur le rack attaché à l’avant de la locomotive et salué le conducteur, ils prennent place sur les sièges bleus, format mini. Autrefois destiné aux nantis, le train suisse s’est démocratisé. Aujourd’hui, emprunter les lignes panoramiques ne coûte guère plus qu’un billet classique. Océan de sommets, vallées émaillées de chalets, lacs gelés : le voyage s’écoule scotché à la fenêtre, à engloutir du regard les paysages alpins. Les ouvertures sont à la mesure du temps consacré à la contemplation. Repensées, agrandies, ce sont de gigantesques baies courant jusqu’au plafond.

Démonstration à bord du Glacier Express, qui relie Zermatt à Saint-Moritz. La classe “Excellence” ne propose que des sièges individuels anqués d’immenses vitres. On est aux premières loges pour le spectacle : le

passage sur l’imposant viaduc de Landwasser, suivi de la traversée de la vallée du Rhin, le “Grand Canyon suisse”. Inoubliable. De Saint-Moritz – berceau du tourisme alpin, doyenne des stations –, on embarque à bord d’une autre ligne de légende : le Bernina Express. Après s’être envolé jusqu’à Alp Grüm (2 904 mètres), le convoi descend doucement vers Tirano, en Lombardie. Les grandes forêts de pins suisses laissent alors place à une douceur typiquement italienne.

Face à un décor aussi époustou ant, la banalité des intérieurs des voitures paraît presque insultante, comme pénétrer dans une salle de bal en haillons. “Tenue correcte exigée” semble crier le panorama. De citrouilles, certaines rames du GoldenPass, entre Montreux et Zweisimmen, se transforment donc en carrosses, devenant des wagons Belle Époque. Sièges vert émeraude, boiseries et dorures, sans oublier un splendide plafond en cerisier : une échappée dans le temps autant que dans l’espace, de retour au début du XXe siècle. Le voyage n’est jamais aussi doux que lorsqu’il est teinté de nostalgie. •

L’ART & la matière

DES CRÉATIONS, DES RÉNOVATIONS, DES PROJETS EN COURS PARTOUT À TRAVERS LE MONDE. POUR LE VOYAGEUR PASSIONNÉ D’ART ET D’ARCHITECTURE.

ANDENES (ÎLE D’ANDOYA), NORVÈGE

The Whale Museum

L’île d’Andoya va bientôt accueillir un musée dédié à ces créatures d’exception que sont les baleines. Imaginé par l’architecte danoise Dorte Mandrup, il réunira art, sciences et espaces d’observation dont un toit aux vues spectaculaires. Encore à l’état de projet, le tout est cofinancé par le ministère norvégien de la Pêche et de la Politique océanique, dans l’un des trois derniers pays au monde à autoriser la pêche à la baleine…

GIZEH, ÉGYPTE

Grand Musée égyptien

La statue de Ramsès II – 3 200 ans et onze mètres de haut – annonce la couleur : le Grand Musée égyptien est pharaonique. Il s’agit tout bonnement du plus grand musée archéologique au monde (500 000 m2). Ouvert depuis peu, le bâtiment, vêtu de hiéroglyphes qui s’inspirent des pyramides voisines, abrite pas moins de 100 000 objets, dont 5 000 trouvés dans la tombe de Toutânkhamon.

AMSTERDAM, PAYS-BAS

The Drift Museum

Au cœur d’Amsterdam, les bâtiments industriels du Van Gendt Hallen (1898) font peau neuve. Le studio DRIFT, constitué des artistes Lonneke Gordijn et Ralph Nauta, connus pour leurs œuvres alliant art et technologie, va en effet transformer deux halls monumentaux en espace de culture et de partage. Au total, 8 000 m2 dédiés à des sculptures, des installations et des performances hors-normes. À voir en 2025.

LE ZAYED NATIONAL MUSEUM À ABU DHABI – ÉMIRATS ARABES UNIS LE NINTENDO MUSEUM À KYOTO & LE NAOSHIMA NEW MUSEUM À NAOSHIMA – JAPON L’ASTRONOMY DISCOVERY CENTER EN ARIZONA – ÉTATS-UNIS LE POWERHOUSE À PARRAMATTA – AUSTRALIE

LOS ANGELES, ÉTATS-UNIS

Lucas Museum

of Narrative Art

Avec ce nouveau projet d’“art narratif”, un gigantesque musée-vaisseau spatial devant ouvrir en 2025, George Lucas compte bien continuer à raconter des histoires. À l’intérieur, deux salles de projection high-tech, mais aussi Degas et Renoir, l’Antiquité et la SF – le célèbre réalisateur alimentant la collection de souvenirs de tournages, tel le mythique Faucon Millenium de Han Solo et Chewbacca dans Star Wars

LHASSA, TIBET Thangka

Art Museum

Il manquait à Lhassa un lieu où mettre en valeur l’art bouddhiste traditionnel, et notamment les thangka, peintures colorées représentant les dieux. C’est désormais chose faite. Bâti en 2022, le musée, immaculé et cubique, est conçu comme une ascension, littérale et spirituelle. Les espaces d’exposition suivent le parcours du pèlerin gravissant la montagne, du croyant dans sa recherche d’illumination.

Stiftung

Exilmuseum

En 2011, Herta Müller, Nobel de littérature ayant fui la Roumanie de Ceaușescu, réclame à la chancelière Angela Merkel un musée de l’exil. Il verra le jour en 2028 sur les restes de la gare d’Anhalt, d’où tant de trains sont partis entre 1933 et 1945. L’espace, imaginé comme un recueil d’histoires d’hier et d’aujourd’hui, opposera au totalitarisme et à l’inhumanité réflexion et empathie.

BERLIN, ALLEMAGNE
Blauwer

JOURNAL VOYAGEURS

Le monde selon vos envies

52 — 211

52 — 67

LE DOUX MURMURE DE SUSSURRO

Au Mozambique, un lodge édenique fait la part belle au développement durable et à l’humain

68 — 73

STORYTELLING

Road-trip, l’histoire d’une quête

74 — 89

UNE ALGARVE EN FILIGRANE

De Loulé à la pointe est du Sotavento, au gré de rencontres avec des faiseurs passionnés

90 — 109

COTSWOLDS, IT’S A KIND OF MAGIC

En famille dans une campagne anglaise à l’imaginaire fertile

110 — 121

MANA POWER À HAWAI’I

Une communion avec le pouvoir spirituel des êtres, des lieux et des éléments

122 — 135

L’ÉTINCELLE

DES NATIVES

Art, spiritualité, cinéma, mode, food, sport… : les cultures indigènes héritées de la Mésoamérique créent l’euphorie

136 — 151

MONSOON’S MEKONG

La vie aquatique, du Vietnam au Cambodge

152 — 165

TOUT CHAUD

Tour du monde des nouveaux hôtels

166 — 181

SÉNÉGAL : DE FIL EN AIGUILLE

Un carnet d’inspiration soufflé par des artisans talentueux

182 — 197

LE PARADOXE FÉROÏEN

L’heimablídni oppose l’art de recevoir à la rudesse du territoire

198 — 211

SHORT LIST

Une sélection de dix voyages à inscrire à votre agenda 2025

LE DOUX MURMURE DE SUSSURRO

DANS LE SUD DU MOZAMBIQUE SE TISSE UN LIEN ESSENTIEL ENTRE LE SUSSURRO, LODGE ÉDENIQUE POSÉ ENTRE OCÉAN INDIEN ET MANGROVE, ET LA POPULATION LOCALE. UNE HISTOIRE D’APPARTENANCE MUTUELLE OÙ SE MÊLENT FIERTÉ DE LA CULTURE AFRICAINE ET ENGAGEMENT DANS UN MODÈLE DE TOURISME ÉTHIQUE. DÉVELOPPEMENT DURABLE, ARTISANAT ET VALEURS HUMAINES SONT LE FIL ROUGE DE CE DISCRET REFUGE.

MARÉE BASSE SUR LA LARGE PLAGE DE SABLE DE LA PÉNINSULE DE NHAMABUE. Pêcheurs et familles travaillent au bord de la côte à remonter leurs filets chargés de la prise du jour. Hommes, femmes et enfants œuvrent de concert. Leurs cris et leurs rires se mêleront au son des vagues jusqu’à notre destination : Sussurro.

Perché sur une péninsule étroite située entre l’océan et un lagon aux eaux calmes, Sussurro (qui signi e “murmure” en portugais) apparaît comme un lieu parfaitement intégré à la terre. Ses toits de chaume et ses structures en bois se fondent en douceur dans la nature environnante. L’image même du développement durable et de l’artisanat local. Dès l’entrée, nous sommes accueillis par des espaces ouverts, véritable invitation à la brise marine, qui o rent un point de vue panoramique époustou ant. Le design, minimaliste, laisse la part belle aux matériaux naturels.

Une fois installés, nous nous rassemblons autour d’un feu de camp avec Adam Humphreys, l’un des fondateurs de Sussurro. Sa fascination pour ce paysage a commencé dès l’enfance, lorsque son père a construit une petite hutte de roseaux sur ce bout de terrain, en bordure de la péninsule. Le père d’Adam appréciait particulièrement cet endroit, dans lequel il trouvait le réconfort, près de l’océan. Des années plus tard, Adam revint sur les lieux avec sa compagne, Sarah Birkett, cofondatrice de Sussurro. “Nous savions ce que nous cherchions lorsque nous sommes arrivés, mais la question de savoir ce que nous pourrions rendre n’a jamais quitté notre esprit” , explique-t-elle.

Pour Adam et Sarah, il ne s’agissait pas uniquement de construire une résidence de luxe, mais également de créer un lien profond avec la terre et la collectivité. “Nous

souhaitions bâtir un lieu qui soit éloigné des canons du grand tourisme, une expérience authentique axée autour d’une notion éthique de ce que nous pourrions proposer et de l’endroit dans lequel nous le proposerions”, se souvient Sarah. Un sentiment d’appartenance à un lieu, en somme.

Partis de rien, ils ont vécu dans la plus grande simplicité – une hutte de roseaux, comme le père d’Adam – pendant près de trois ans, à apprendre les voies de la terre et de son peuple. “Nous avons fait le choix de nous développer lentement. Nous avons consacré beaucoup de temps à comprendre comment le Mozambique fonctionne, ses matériaux, sa logistique”, ajoute Sarah. De l’approvisionnement exclusif en matériaux africains, au départ à l’échelon hyper-local, à l’implication d’artisans, de concepteurs de proximité et des habitants, les e orts déployés par le couple témoignent de leur engagement envers le développement durable et l’artisanat. “Une démarche loin d’être économique, mais qui constitue le l rouge au cœur de Sussurro. Nous dépendions de la collectivité, qui elle-même dépendait de nous. Nous avons appris à connaître chaque personne.”

Ernesto est l’un de leurs tout premiers employés. Résidant sur place, il a construit Sussurro à leurs côtés. Il a fait ses débuts comme manœuvre, fabriquant des briques avec Adam et Sarah tout en apprenant l’anglais auprès d’eux. “Sarah et lui sont très amis, continue Adam. Il a commencé par manifester de l’intérêt pour la production, en absorbant notamment toutes les notions de présentation, et en faisant preuve d’un réel désir de prendre les a aires en main. Dernièrement, il s’est plongé dans l’aspect restauration de l’entreprise.”

Très bientôt, nous rencontrons Ernesto : “Je me souviens encore des premiers jours.

Adam et Sarah m’apprenaient l’anglais, tandis que je leur apprenais le xitswa, le dialecte local”, se remémore-t-il. Étudiant autant que professeur. En investissant dans les talents locaux, Adam et Sarah ont à la fois créé un sentiment de erté au sein de leur équipe, ainsi qu’un modèle de tourisme éthique qui respecte et exalte la collectivité locale. “Le cœur d’Ernesto s’est véritablement fondu dans cet endroit. Je ne le vois pas quitter Sussurro, et j’espère d’ailleurs que ça n’arrivera jamais”, ajoute Sarah.

Alors que je me promène sur la plage, j’aperçois un homme en train de rassembler des feuilles de palmier et de sélectionner méticuleusement les meilleures. Jeremiah se présente et m’invite à m’asseoir à l’ombre d’un palmier. “C’est moi qui ai fabriqué ces chaises”, dit-il en me montrant du doigt les chaises longues sur la plage. Jeremiah aligne les feuilles avec soin et ses mains expertes commencent à tisser un motif complexe. Il est né et a grandi dans la région de Chibué, et sa vie a toujours été inextricablement liée au monde naturel qui l’entoure. Son père a disparu lorsqu’il n’avait que 4 ans, laissant sa mère l’élever lui et ses frères et sœurs. Dès son plus jeune âge, Jeremiah a ainsi appris l’importance de l’e ort et de la collectivité. Il a travaillé pendant de nombreuses années en tant que récolteur de miel sauvage et a abattu des arbres dans les denses forêts du Mozambique. Ce travail physique et dicile n’a pas été sans conséquence. “Je n’étais pas en bonne santé, puis j’ai commencé à ressentir une douleur dans la poitrine. Je suis allé à l’hôpital où l’on m’a dit que je travaillais trop dur, que je ne prenais pas soin de moi et que tout cela se terminerait mal si je continuais comme ça”, se souvient-il. Une annonce qui fait l’e et d’un électrochoc : Jeremiah prend conscience qu’il doit suivre une nouvelle direction qui lui permette de soutenir sa famille sans sacri er son bien-être.

Voile latine et coque en bois, le boutre traditionnel est idéal pour naviguer en mer et s’aventurer au cœur de la mangrove.

Beauté des lieux, des matières – les feuilles de palmiers utilisées pour tisser chaises et paniers ; les coquillages au motif floral… Et beauté des gens : Ernesto, en haut à droite, est l’un des piliers du Sussurro. Il en a fabriqué et posé les premières briques avec les cofondateurs. Amalia, en bas à gauche, y est en charge de l’entretien.

Chez Sussurro, il trouve d’abord un poste de charpentier. Un simple emploi au départ. Mais face au projet, il démontre rapidement sa soif de s’investir. Il commence à tisser des nattes et à réaliser des meubles selon la méthode traditionnelle, en y incorporant des feuilles de palmier et de la jekka, une herbe haute endémique de la région. “C’est ma mère qui a fabriqué ces nattes” , nous dit-il en tapotant celle sur laquelle je suis assise. Lorsqu’il était jeune, il regardait souvent sa mère tisser, et ses mouvements lui sont revenus naturellement en mémoire. Son travail constitue un pont entre le passé et l’avenir, un moyen d’assurer la pérennité des traditions, tout en contribuant à un avenir durable. Il tire une grande fierté de la création de ces pièces qui s’avèrent non seulement fonctionnelles, mais également profondément liées à la terre. “Les bungalows et le mobilier permettent d’entretenir une vie, car les matériaux naturels ont besoin d’une attention constante. Tout cela nous aide à conserver un lien avec la terre”, nous explique Jeremiah.

Même logique à l’œuvre dans le choix délibéré de n’installer l’air conditionné dans aucun des bâtiments. En e et, les bungalows sont conçus pour s’harmoniser avec l’environnement naturel. Je me souviens d’ailleurs m’être assoupie au son des vagues et du bruissement des feuilles de palmier, sous la fraîcheur de la brise marine. Une ventilation naturelle qui rend totalement dispensable la présence d’un système de climatisation. Jeremiah incarne l’esprit de Sussurro, et son parcours constitue le récit de sa résilience, de son dévouement et de son lien profond à son artisanat et à sa culture. Après avoir essayé d’apprendre les bases de la vannerie à ses côtés, nous embarquons à bord d’un boutre traditionnel, l’un des moyens les plus anciens de naviguer sur les mers, a n de nous aventurer au cœur de la mangrove toute proche. Avec sa voile latine et sa coque en bois, le boutre glisse gracieusement sur les eaux, en un mouvement presque hypnotique. Une légère gîte se fait sentir tandis que l’eau clapote doucement contre le bateau. Alors que nous passons une pointe, une colonie de amants roses

posée sur une petite étendue de plage apparaît. Leurs plumes colorées contrastent avec la mangrove d’un vert luxuriant. Ici, le paysage change à chaque marée. Sussurro se situe juste au bord de l’océan et de la mangrove, à une intersection unique entre les deux écosystèmes. En naviguant à travers le labyrinthe des racines de palétuviers, Adam désigne les diverses espèces qui prospèrent ici, soit sept des neuf sortes de palétuviers présentes au Mozambique. “Les palétuviers ne sont pas uniquement importants pour l’environnement. Ils constituent un élément essentiel du mode de vie de la communauté locale, dont elle tire nourriture, abri et protection contre les tempêtes. La santé de la mangrove a une influence directe sur le bien-être de la population.”

Il y a quelques années, Adam a conduit des recherches sur cette même forêt de palétuviers. “Nous avons été étonnés de découvrir à quel point l’écosystème de la mangrove était sain, se souvient-il. Il était orissant, sans aucun effort de conservation externe. La communauté en prenait soin à sa manière et maintenait un équilibre délicat à côté duquel les étrangers passent souvent.”

La conservation de la mangrove s’inscrit profondément dans les connaissances et pratiques traditionnelles. Adriano, un ancien respecté, pêcheur et chef de la péninsule, joue un rôle central dans la gestion de cet écosystème. “Il a été notre guide et notre mentor en ce qui concerne la compréhension des mangroves. Il nous a appris à quel point la préservation et la récolte réfléchie des ressources de la mangrove s’avèrent essentielles pour la santé de la forêt. Sa sagesse s’est révélée inestimable”, explique Adam. La plupart du temps, les meilleurs conservateurs sont issus des populations qui vivent avec ces écosystèmes et en dépendent depuis des générations. Ils comprennent les rythmes de la nature mieux que quiconque, d’une manière impossible à enseigner dans les livres.

Adriano n’est pas uniquement le gardien des mangroves. Il représente également l’autorité, et la loi de facto , de la région. En cas de problème, qu’il s’agisse d’un con it conjugal, d’un let de pêche volé ou d’un enfant malade, il est la pre -

mière personne vers laquelle se tourner. “À chaque fois que nous avons eu besoin de bois pour le feu, nous demandions à Adriano si nous pouvions le prélever dans la forêt. Il est toujours au courant de tout ce qui se passe, tel un directeur de gazette africain. Dès qu’un étranger met le pied sur la péninsule, il sait de qui il s’agit et ce qu’il est venu faire ici”, a rme Adam.

Les fondamentaux d’une collectivité fonctionnelle reposent sur la con ance et le respect, et tout le monde a con ance en Adriano ici. Lorsqu’Adam et Sarah sont arrivés pour la première fois à Sussurro, Adriano était l’un de leurs premiers contacts. Adam le décrit comme un individu pragmatique, er et stoïque, qui valorise l’équité et la justice plutôt que l’argent. “Ne comptez pas le rallier à votre cause en lui offrant une poignée de dollars, assure Adam. Il a fallu du temps et de la persévérance pour gagner sa con ance. Au début de l’aventure, il se demandait sincèrement ce que ces jeunes Blancs venaient faire ici.” Loyal, Adriano est également très protecteur envers sa communauté, et pour être dans ses bonnes grâces, seules les actions importent. Vous ne pourrez en aucune façon acheter son estime. “Le processus nous a demandé de nombreuses années. Après ça, j’ai ressenti un respect immense pour lui. Aujourd’hui, nous jouons dans la même équipe”, se souvient Adam.

Autre élément fondamental ici : les femmes. De retour au lodge, nous faisons la connaissance d’Amalia, dont le mari, un ami très proche d’Adriano, est pêcheur. Elle a rencontré Sarah sur la plage et s’occupe de l’entretien de Sussurro depuis lors. Les femmes sont impliquées dans tous les aspects les plus cruciaux. Elles aident par exemple les hommes à la pêche, en remontant les lets avec leur bébé sur le dos, et occupent divers postes essentiels. “J’ai élevé quatre enfants et j’aide mon mari chaque jour. Je sais comment tenir ma place”, a rme Amalia, la voix empreinte de vigueur et de erté. “Les femmes d’ici sont fortes, elles sont la véritable colonne vertébrale de la communauté”, ajoute Sarah. Aucun doute là-dessus après avoir rencontré Amalia.

Lodge écoresponsable, plage de sable fin, lagon d’eau salée et végétation luxuriante : une certaine définition du rêve tropical.
“ON PEUT

VOIR L’ÉNERGIE

DE CHAQUE

PERSONNE SE MODIFIER AVEC LES MARÉES. LES GENS VIVENT ET RÊVENT AU RYTHME QU’ELLES IMPOSENT. APRÈS DIX ANNÉES PASSÉES ICI, MON

HORLOGE BIOLOGIQUE ET TOUTES MES ACTIVITÉS SONT CALÉES

SUR ELLES.” – ADAM HUMPHREYS, COFONDATEUR DE SUSSURRO

Le lendemain, nous rejoignons Adam pour ce qu’il décrit comme une brève mission d’exploration. Celle-ci se transformera rapidement en l’une des matinées les plus mémorables du voyage. Nous prenons la mer vers une petite île, tout juste une étendue de sable uniquement émergée à marée basse. “Nos vies sont rythmées par les marées” , déclare Adam, en pointant du doigt les eaux mouvantes, qui révèlent ou dissimulent l’île à chaque cycle.

En marchant sur la plage, quelque chose attire mon attention. Un objet délicat, d’un blanc pur et à moitié enseveli sous le sable, brille dans la lumière matinale. Je le ramasse, émerveillée face au motif quasi oral qui s’étend à sa surface. “C’est un oursinbiscuit, ou un dollar des sables, comme certains l’appellent”, m’annonce Adam dans un sourire. Perdu sur cette petite surface de sable qui aura disparu d’ici deux heures, ce magnifique coquillage est un rappel des splendeurs cachées de l’océan.

Les habitants de la région sont profondément en phase avec ces forces naturelles. “On peut voir l’énergie de chaque personne se modier avec les marées. Les gens vivent et rêvent au rythme qu’elles imposent. Après dix années passées ici, mon horloge biologique et toutes mes activités sont calées sur elles. C’est d’ailleurs le cas pour Sussurro dans son ensemble”, précise Adam. Impossible de les ignorer. Ou alors à ses dépens. “Un jour, je suis parti pêcher et je suis resté coincé six heures. Nous n’avons pas eu d’autre choix que d’attendre que la mer remonte”, se souvient-il.

Le Mozambique connaît des événements météorologiques fréquents, comme des cyclones et des tempêtes tropicales, au cours de la saison des pluies qui prend place de novembre à mars. En mars 2024, la région a été durement frappée : “Le cyclone de 2023 avait déjà amené des vagues de 5,3 mètres. Cette fois, elles s’élevaient à 5,6 mètres. Ça n’a pas l’air de faire une grande di érence, mais elle est énorme en réalité. Les épisodes destructeurs sont de plus en plus intenses, potentiellement du fait du réchau ement climatique”, explique Adam. Pour preuve, ces arbres déracinés et ces bateaux échoués, brisés, qui ponctuent la côte.

Pourtant, même au milieu du chaos, le renouveau advient. “Juste après un cyclone, l’océan est vide. Mais quatre semaines plus tard, la vie est de retour et d’une façon stupéfiante. Le plancher océanique a été en quelque sorte labouré, des nutriments tout neufs arrivent et l’ensemble fourmille de vitalité, comme s’il avait été régénéré. Une foule d’éléments positifs émerge. C’est là un rappel qui nous montre que le renouveau constitue une composante fondamentale de cet environnement”, précise Adam. L’océan et ses marées ne sont pas uniquement une manifestation de la puissance de la nature, ils sont le moteur de cet endroit. En façonnant les vies de ceux qui résident ici, ils représentent l’essence même de Sussurro. Au retour, de l’eau jusqu’aux genoux en direction de la grève, je me souviens avoir vu des photos de la jetée, traçant son sillon

à travers les palétuviers. Balayée depuis par le cyclone, elle a été l’une des premières structures construites par le couple, un symbole de leur vision pour Sussurro. “Lorsqu’elle a été détruite, en même temps qu’un bout de la mangrove, nous avons eu l’impression de perdre une partie de notre rêve”, a rme Adam, ému. Mais Adam et Sarah demeurent déterminés. Ils comprennent qu’à l’instar des marées et des palétuviers, Sussurro fait partie d’un cycle plus vaste et en mouvement perpétuel. Un lieu où les murmures du passé se mêleront toujours aux promesses d’avenir. “Nous savons qu’un jour un cyclone pourrait tout emporter, reconnaît Adam, mais pour le moment, nous avons l’avenir devant nous.”

Les essentiels

1 Le bon moment: d’avril à novembre pour éviter la saison des pluies et les cyclones. En juin et août, conditions idéales pour la plongée et le snorkeling. Noter que durant l’hiver austral, l’eau est plus fraîche (autour de 23°C).

2 Y aller : avec Air France, via Johannesburg, correspondance pour Vilanculos, puis 2h30 de piste ou un court vol en hélicoptère.

3 Bon à savoir : depuis mai 2023, les Français sont exemptés de visa d’entrée au Mozambique. Un passeport valide suffit pour un séjour de moins de trente jours.

4 Budget : 8 jours à partir de 5700 € par personne, incluant vols, transferts, 2 nuits au Sussurro en pension complète (repas, collations, boissons, pique-nique privé et feu de camp sur la plage) et 5 nuits dans l’archipel de Bazaruto, activités, conciergerie francophone…

L’INCONTOURNABLE

SANTA CAROLINA

Également connue sous le nom d’“Île du paradis”, il s’agit de la seule île complètement déserte de l’archipel de Bazaruto. S’y trouve un hôtel abandonné datant du début des années 1950. À son apogée, des légendes comme Elton John et Bob Dylan s’y sont rendues. Dylan aurait écrit son titre Mozambique (1976) dans le restaurant de l’hôtel. Malgré l’état de délabrement actuel du lieu, les vestiges Art déco font encore écho à son passé luxueux, et des plans gouvernementaux visent à restaurer ce trésor historique d’une manière ou d’une autre.

2 jours en plus

Parc national de Kruger À à peine plus d’une heure de vol du Mozambique, le plus grand parc national d’Afrique du Sud (20000 kilomètres carrés) et le plus ancien (1898) permet d’ajouter un chapitre totalement différent et une rencontre avec les Big Five.

MOZAMBIQUE

Parc national de Gorongosa

Why now ?

3 BONNES RAISONS DE PARTIR

1

Susurrer

Encore peu fréquenté, comparativement à son voisin sudafricain, le pays offre un choix d’hôtellerie qui conjugue haut standing, respect de l’environnement et prouesses architecturales.

2

Plonger

Dans l’archipel de Bazaruto, la réserve marine voisine abrite sur près de 1500 km2 une large faune aquatique. L’île de Benguerra, siège du BCSS (un centre de recherches), est dotée d’un autre écolodge d’exception : le Kisawa.

3

Souffler Trente ans après la guerre civile, le Mozambique a retrouvé son calme (sauf à l’extrême nord du pays). La zone de Vilanculos est particulièrement sûre.

tips

PARTAGÉS PAR NOS SPÉCIALISTES DU MOZAMBIQUE

CARBONE DIMINUÉ ET 100 % ABSORBÉ

Pour lutter contre le réchauffement climatique, Voyageurs du Monde participe à des projets de reforestation qui permettent la totale absorption carbone sur l’ensemble de ses voyages.

To dhow or not_Embarquer sur un dhow (boutretraditionnel) et glisser sur les eaux calmes, explorer la mangrove ou se poser sur un banc de sable de l’île de Bartolomeu Dias. Une tente dressée, poissons grillés, salade du jardin, café de Gorongosa. Plus tard, le coucher de soleil depuis l’eau. Idyllique.

True romance_Des safaris dans le parc national de Gorongosa au kite surf à Pemba, en passant par la plongée ou le snorkeling ciblé (le Sussurro propose un “safari hippocampes”)… Tout pour les amateurs de sensations fortes et les amoureux de la nature.

Melting pot_Le pays se targue d’un mélange unique d’influences africaines, arabes et portugaises, que l’on retrouve dans sa musique, sa cuisine et son architecture, offrant ainsi aux voyageurs une riche mosaïque culturelle, à expérimenter à Vilanculos. 3

LE CHIFFRE

1000

C’est la population estimée des habitants peuplant les villages isolés de la péninsule de Nhamabue (à la pointe de laquelle se trouve le Sussurro). Et 80% d’entre eux vivent de la pêche.

MÉMO

VOYAGEURS AU MOZAMBIQUE

LES CONSEILLERS Parmi les spécialistes de l’Afrique australe, ils sont une quinzaine à maîtriser la destination sur le bout des palmes. Répartis à travers nos Cités des Voyageurs en France, Belgique, Suisse et au Canada, ils proposent des rendez-vous physiques et en appel vidéo, pour mettre en place le voyage qui vous ressemble.

LA CONCIERGERIE FRANCOPHONE Basée en Afrique du Sud, l’équipe de conciergerie francophone se tient à l’écoute durant tout votre voyage.

L’EXCLU VOYAGEURS Fast-track : gagner un temps précieux à l’aéroport de Johannesburg grâce au service de formalités accélérées. À Paris-CDG, l’accès au salon Air France est prévu pour les clients Voyageurs du Monde. Autre bonne nouvelle : vous y trouverez en exclusivité le Journal Voyageurs

CONTACTEZ UN CONSEILLER SPÉCIALISTE DU MOZAMBIQUE AU 01 42 86 16 60

Née de la révolution industrielle du XXe siècle, la culture du road-trip s’est écrite à travers l’immensité américaine. Des kilomètres d’asphalte, des automobiles, de l’essence et une soif certaine d’aventure ont fait germer des envies de liberté et d’expériences créatrices. Philosophie du voyage et mythologie (contre-)culturelle pour les uns, moments simples partagés en famille pour les autres, elle a tracé sa route aussi bien chez les vanlifers que chez les néo-nomades occasionnels. Fini la destination comme graal du voyage : pour les road-trippers, seul compte le chemin. À méditer.

ROAD-TRIP

L’histoire d’une quête

Texte
RAPHAËLLE ELKRIEF
Collages
KATRIEN DE BLAUWER

DANS L’IMAGINAIRE COLLECTIF, on se les représente ensablées, désertes, ponctuées de grandes balises vertes devenues des éléments de décoration pour chambres d’adolescents biberonnés à la culture américaine. Autoroutes aux voies multiples ou routes sinueuses de l’arrière-pays, ce sont plus de six millions de kilomètres d’asphalte qui sillonnent aujourd’hui le territoire US. Certaines portant encore les vestiges du passé – comme le Cadillac Ranch, cet alignement de dix vieilles Cadillac, à demi-enfoncées dans le sol texan. D’autres regardent déjà vers l’avenir, équipées de bornes de recharge pour véhicules électriques. Ce réseau autoroutier n’a pas seulement changé la physionomie de l’Amérique. Il a accouché d’un mode de vie et de voyage, et est devenu un objet de littérature et de pop-culture, imprimant l’imaginaire de générations d’enfants américains entassés sur la banquette arrière, à leur tour parents d’enfants entassés dans des avions aux assises qui ne cessent de rétrécir. Un imaginaire ravivé ces derniers temps à la faveur de nouvelles o res touristiques, mais aussi des aspirations de néo-nomades. D’une semaine, d’une année ou d’une vie. Si le terme “road-trip” n’a pas sa déclinaison dans la langue française, c’est parce qu’il s’agit d’un concept profondément lié à la culture américaine. L’histoire de l’humanité a toujours été de chercher à raccourcir les distances, remplaçant la bipédie par la domestication des chevaux, puis la motorisation tous azimuts, mais écrire une histoire du road-trip c’est avant tout raconter l’Amérique du XXe siècle. Un voyage au cœur de la révolution industrielle qui a commencé bien avant le National Interstate and Defence Highways Act (1956), la législation qui a ouvert la voie à la construction des autoroutes américaines.

Un voyage que l’on doit aussi bien aux constructeurs automobiles – dont le succès nancier dépendait de routes bien construites – qu’aux grands noms de la politique américaine. Comme les présidents Franklin D. Roosevelt, qui face à un taux de chômage grimpant, décide dans les années 1930 que la construction de routes serait un excellent moyen de mettre les Américains au travail. Ou Dwight D. Eisenhower, estimant en pleine guerre froide que son devoir était de fournir aux citoyens un moyen d’évacuation rapide en cas de guerre atomique. Des autoroutes, larges, spécialement conçues pour la conduite à grande vitesse, qui permettraient de transporter des hommes, des troupes, des munitions, et des rangées de voitures privées auxquelles la classe moyenne pouvait maintenant accéder. Ce réseau routier interétatique avait ainsi transformé l’immensité américaine en un endroit bien di érent. Si les récits de voyages lui ont préexisté, ce nouveau maillage territorial signi ait que les gens pouvaient en n prendre la route dans un simple but de loisir. Reliant le nord au sud, les marécages des Everglades aux montagnes de la Sierra Nevada, les forêts de pins du Lake Tahoe aux sources chaudes de l’Arkansas. Tout ce qu’il fallait, c’était un véhicule, de l’essence. Et une soif d’aventure.

Voyages initiatiques et motels revisités

Dans les années 1960, la route devient synonyme d’expérience et de puissance créatrice. Le road-trip incarne alors aussi bien une philosophie du voyage qu’une mythologie culturelle. Magni é par de grands récits, il inspire aux auteurs de la beat generation Jack Kerouac et Allen Ginsberg, et plus tard à l’hilarant Bill Bryson, des chefs-d’œuvre de littérature autour de la quête de liberté. De buts rarement atteints. Quand Kerouac publie Sur la route, monument contre-culturel d’une aventure au cœur de l’Amérique, l’idée de partir en road-trip était en train de gagner le courant dominant, se faisant à la fois voyage initiatique pour la jeunesse beat que moyen de voir du pays pour la classe moyenne américaine post-Seconde Guerre mondiale.

“Bonnie & Clyde, Easy Rider… Avec le road-trip, il y a toujours la promesse qu’au bout de la route, ce sera mieux”, analyse Marine Sanclemente. La journaliste française a coécrit avec sa consœur et amie Catherine Faye À la vie à la mort – Sur la route avec Thelma et Louise, publié en janvier 2024 aux éditions Paulsen. Un récit de voyage sur la route empruntée par Thelma et Louise, les héroïnes du lm culte de 1991 signé Ridley Scott. “Cet itinéraire ctif nous a conduites de l’Arkansas, l’Oklahoma, le Nouveau-Mexique et l’Arizona jusqu’au Grand Canyon, raconte Marine Sanclemente. Nous avons ajouté l’Utah à notre périple, car la moitié des scènes du lm y ont été tournées. Le road-trip de Thelma et Louise est davantage une fuite, une traque du FBI, mais c’est aussi l’aspiration à une autre vie.”

Deux mois de voyage, 10 000 kilomètres et des arrêts improvisés dans les motels qui depuis le début du XXe  siècle essaiment sur le bord des routes américaines. Ces lieux sulfureux – où l’on s’arrêtait sans réserver, toujours certains de trouver une chambre libre après un dérapage contrôlé sur le parking lui faisant face –, tombés en désuétude face à la toute-puissance de resorts, sont aujourd’hui réinvestis par de nouveaux entrepreneurs de l’hospitalité, désireux de redonner leurs lettres de noblesse à ces adresses transformées en hôtels branchés pour nostalgique du rêve américain. En Californie, le Surfrider Hotel, ex-star des fties construit en 1953, est devenu un lodge de surf chic, étape très instagramable lors d’un road-trip le long du Paci que.

Du côté de La Nouvelle-Orléans, le studio Nicole Cota a reformulé The Drifter : piscine aux airs de jungle urbaine, expos d’artistes locaux et terrazzo au sol. Quant au Anvil Hotel, à quelques miles du parc de Yellowstone, il a gardé son architecture basse de deux étages, typique des hôtels de bord de route, ses coursives éclairées, mais s’est paré d’une couleur vert sourd et d’un lobby ambiance western désormais doté d’un concept-store.

C’est dans les versions originales de ces motels que les jeunes Américains des années 1950-60 ont leurs souvenirs de vacances. Pour une pause d’une nuit ou plus, quand les familles ont commencé à se rendre en masse, et sans ceinture de sécurité, dans les recoins de leur propre pays. Bien avant l’ère de l’aviation lowcost et de la réduction des distances, le road-trip incarnait aussi cette aventure familiale, faite de stations de radio, de pauses toilettes à organiser, de batailles entre fratrie pour la meilleure place à l’arrière et de co res surchargés. La route, c’était déjà une aventure à laquelle il fallait survivre.

Une expérience créatrice de souvenirs

Ces souvenirs, égrainés sur des milliers de kilomètres du domicile jusqu’à la destination, l’écrivain américain Richard Ratay les a tous vécus. Dans son ouvrage Don’t Make Me Pull over! (Scribner, 2018) il raconte comment le road-trip familial est né et pourquoi ces voyages magiques qui rassemblaient ont en grande partie disparu. “Plus que toute autre chose, ce qui rend un road-trip en famille si spécial, c’est le sentiment d’être inextricablement lié dans une grande aventure. Une aventure moins basée sur l’endroit où nous allions que sur les moments partagés sur le chemin. L’endroit où nous voyagions n’avait jamais vraiment d’importance. En faisant simplement le trajet ensemble, nous étions déjà dans le meilleur des endroits possibles.”

Cette grande aventure éducative, c’est ce que l’auteur appelle “la parentalité sur l’autoroute”. Une manière de voyager qui a créé une façon d’éduquer la jeunesse américaine. Et une philosophie du voyage que l’on retrouve également en Europe, lors des voyages en caravane ou camping-car des familles françaises. Dans En camping-car (Seuil, 2018), l’historien et écrivain Ivan Jablonka se souvient de ce camping-car qui a emmené sa famille du Portugal à la Grèce, à Tolède ou à Venise, et qui symbolise pour lui “cette vie bringuebalante et émerveillée, sans horaires ni impératifs”

C’est cette énergie si particulière, cette manière de voir le monde dans lequel le moyen vaut autant, sinon plus, que la n, qui conduit aujourd’hui les nouveaux road-trippers à prendre la route. À mesure que les vols se sont multipliés, que le tourisme s’est structuré, le voyage s’est incarné par sa destination. Et le trajet une nuisance à réduire au maximum, le véritable voyage ne commençant qu’une fois à bon port, quand les roues de l’avion se posent sur les pistes d’un pays plus ou moins lointain.

Depuis quelques années pourtant, les routes du monde entier semblent avoir retrouvé leur attrait. De celles qui mènent à Compostelle, à pied, empruntées par quelque 500 000 personnes par an, à la Route 66 qui continue d’incarner l’essence même du tourisme à l’américaine.

Les familles ont renoué avec les joies simples de partir ensemble sur la route. Et de nouveaux modèles ont fait leur apparition, tels les vanlifers qui partagent sur les réseaux sociaux leurs escapades. Les road-trips se font désormais en camper-van, campingcar, 4 x 4 ou fourgon aménagés, équipés et parés pour l’aventure. Et ceux qui prennent place à bord disent l’envie de voir le monde en slowmotion, de vivre en roulant une expérience créatrice de souvenirs.

“Ce mouvement a grossi et a franchi le mur des seuls connaisseurs, avance Maxime Brousse, journaliste et auteur de l’essai Les Nouveaux Nomades (Arkhê, 2020). Ces nouveaux nomades sont aujourd’hui adoubés par la société alors qu’ils l’ont inquiétée pendant douze mille ans. (…) C’est un phénomène qui est très regardé et qui concerne aussi bien ceux qui font le choix d’une vie nomade à vivre à l’année dans un van que ceux qui prennent la route le temps d’une expérience de voyage”, poursuit-il.

Bien entendu, ces itinéraires sont loin de concerner les seuls États-Unis, même si ses grands itinéraires et sa côte Ouest continuent d’attirer les road-trippers du monde entier. La culture du road-trip a infusé partout. À travers les routes de la Pologne, des Pays baltes, du Portugal – de la vallée du Douro à l’Alentejo –, ou dans les décors toscans. “L’Australie est aussi une destination où le road-trip a un véritable intérêt, nous dit la journaliste Marine Sanclemente. Mais je pense également à un itinéraire qui traverserait l’Europe, où rejoindre, depuis la France, la Turquie et Istanbul en voiture.” Finalement, qu’importe la destination nale. La route et le trajet sont des objets de découverte à part entière. Et le chemin menant d’un point A à d’innombrables potentiels points B un lieu d’évasion. •

Bertha Benz, première road-trippeuse de l’histoire L’histoire bégaie. Elle a tendance à oublier les noms defemmes derrière les grandes découvertes, derrière les“premières fois”. Celle du voyage n’y échappe pas. Pourtant, le premier road-trip a été réalisé par une femme, Bertha Benz, épouse de Carl, inventeur de l’automobile à essence. Un matin d’août 1888, elle partait pour une centaine de kilomètres, accompagnée de ses deuxfils, à bord d’une Benz Patent-Motorwagen Typ III. Cevoyage, épique pour l’époque, qui relie la ville de Mannheim à Pforzheim (lieu de naissance de Bertha Benz), est surtout un coup de pub de génie pour l’entreprise automobile de son mari, endetté, à qui elle s’est contentée de laisser un mot avant de prendre la route. Cetteroute, qui ressemble plus à un chemin de terre sinueux et poussiéreux, contraint la jeune femme à nettoyer une conduite de carburant bloquée à l’aide d’une épingle à cheveux, et ses deux fils à pousser la voiture dans certaines montées, ce qui conduisit leur père à créer le premier système de boîte de vitesses!

UNE ALGARVE EN FILIGRANE

À TOUS CEUX QUI OSENT DÉFIER LES PRÉJUGÉS, L’ALGARVE RÉSERVE SON MEILLEUR PROFIL. LOIN DES GRAPPES DE TOURISTES ET DES DÉVELOPPEMENTS IMMOBILIERS DOUTEUX, ELLE DÉVOILE LES CHARMES DE SA RÉGION, DYNAMIQUE ET VERTUEUSE. AU GRÉ DES RENCONTRES AVEC DES ARTISANS, DES RESTAURATEURS ET AUTRES FAISEURS PASSIONNÉS, L’ITINÉRAIRE, DE LOULÉ À LA POINTE EST DU SOTAVENTO, SE DESSINE SOUS UNE LUMIÈRE ÉTRANGEMENT MÉDITERRANÉENNE.

Sur la plage de Cordoama, sable fin, foule discrète et grandes vagues au large.

I NTÉRIEUR JOUR, CENTRE HISTORIQUE DE LOULÉ. Un samedi matin, la clameur du marché couvert interrompt pour quelques heures la torpeur de cette chaude matinée de septembre. Construit en 1908 dans un style revivaliste orné de détails mauresques, le marché municipal de Loulé marque l’âge d’or de la ville. Loulé était alors au cœur des échanges commerciaux en Algarve, le point de rencontre entre les habitants de la campagne, des montagnes et de la côte.

À quelques enjambées, sous les panneaux de bois vernis du Café Calcinha, une table de desserts à plusieurs étages attire le regard au fond de la salle. Ce jour-là, le gâteau renversé à l’ananas, glaçage miroir coi é d’une cerise con te, semble dé er le goût du jour. Un anachronisme délicieux, à l’image de ce café aux lignes Art déco inauguré le 5 juin 1929. Presque un siècle plus tard, ses tables de marbre, ses colonnes et ses bois sombres voient encore les serveurs virevolter comme à l’époque. Une dame au port altier, élégante, boit un espresso seule. Voyageurs et locaux vont et viennent pour quelques instants dans cette institution en marge du temps.

Mais la paix des lieux est toute relative : non loin, l’atelier des chaudronniers laisse échapper un “tac tac tac” sonore, métallique et régulier. Dans leur petite o cine ouverte sur la rue, deux artisans s’a airent sans relâche. Le plus âgé est le dernier à fabriquer, à la main et sur commande, la cata-

plana , une casserole en cuivre étamé et martelé qui donne aussi son nom à un plat typique de la cuisine régionale. Cette ferronnerie est l’un des six ateliers de la ville mis à disposition par Loulé Criativo pour soutenir les artisans dont l’activité menace de disparaître. L’organisation, créée en 2015 par la mairie de la ville, s’applique à faire vivre l’héritage artisanal de Loulé dans les rues de la ville et entre les murs du Palácio Gama Lobo. Cette demeure du XVIIe siècle, devenue au l du temps et des nécessités entrepôt de textile, de fruits secs, refuge pour les jésuites et sanatorium, abrite aujourd’hui un centre dédié à l’artisanat. Des expositions temporaires, un incubateur, une résidence créative et une école ouverte aux voyageurs comme aux aspirants néo-artisans investissent les lieux.

Par un de ces heureux hasards du voyage, au détour d’une rue de Loulé, nous rencontrons une gure de la préservation du patrimoine artisanal de l’Algarve : João Ministro. “Il n’y a pas une Algarve, mais des Algarve”, lance-t-il avant d’expliquer : “Sur un petit territoire, collines et montagnes, côtes sableuses et rocheuses dominées par d’imposantes falaises, vastes forêts, champs agricoles ou kilomètres de maquis… À chacun de ces paysages se rattache un faisceau de coutumes et de traditions qui font toute la singularité de la région.” Ajoutons la beauté aussi. À la tête de Projecto Tasa, João Ministro s’applique depuis 2013, d’abord sous l’égide

Se laisser porter : de Loulé, où trône l’élégant Café Calcinha Art déco et quasi centenaire, à Cacela Velha et sa plage lunaire.

d’un programme soutenu par la région et aujourd’hui en fonds propres, “à introduire l’innovation dans l’activité artisanale de la région et à créer ainsi les conditions pour que l’artisanat devienne une profession d’avenir”. En pratique, Projecto Tasa tisse aujourd’hui un maillage de près de cinquante artisans en Algarve, qui interviennent dans la production de nouvelles pièces en collaboration avec de jeunes designers, animent des ateliers d’initiation et forment les futures générations.

On ne peut s’empêcher de voir dans ses souvenirs d’enfance les ferments de la mission qu’il s’est donné d’accomplir : “Quand j’étais petit, je voyais beaucoup de rues pleines de pots de terre cuite en train de sécher au soleil. Toutes les poteries fabriquaient l’alcatruz, un pot traditionnellement utilisé en Algarve dans la pêche du poulpe. Il n’y en a plus aujourd’hui.” Plus encore, la raison d’être du Projecto Tasa pourrait en réalité tenir dans l’anecdote que nous con e João, alors que l’on vient de piocher un sac à main, posé sur une table de l’atelier de création : “J’ai trouvé ce très vieux sac dans la maison familiale. Il a appartenu à ma grand-mère, puis à ma mère. Je les ai toujours vues le porter. J’y suis très attaché et il m’accompagnera toute ma vie, mais j’ai pensé qu’il pourrait aussi servir de modèle pour générer de nouvelles histoires.” Il con e à l’une des artisanes de son atelier la réalisation d’une réplique, à laquelle seront ajoutés quelques détails.

Enfant de Monchique, la céramiste
Madalena Telo maîtrise la création de ses pièces d’argile du début à la fin, du dessin à la cuisson, en passant par le façonnage et l’émaillage.

Douze heures de travail ont été nécessaires à cette création. Avant de poursuivre notre voyage, nous demandons à João Ministro quel est son terrain de jeu favori en Algarve, et sa réponse coïncide avec notre prochaine étape : “J’ai une a ection particulière pour le versant intérieur de la région, surtout les collines de Monchique.”

Cette Algarve-là, protégée, intrigante, mérite bien de tourner le dos à l’océan pour quelques heures. La chaîne de montagnes (Serra, en version originale) de Monchique, habillée d’une roche d’un granit rare, confère aux eaux qui y jaillissent en sources chaudes des propriétés curatives. Au l du temps, elle est devenue une destination thermale. Foisonnante, fascinante, d’un vert sourd, la Serra de Monchique semble comme suspendue au-dessus d’un nuage de brume. Et si l’Algarve compte moins de soixante jours de pluie par an, le microclimat des collines peut vite faire oublier les statistiques.

En arrivant au village de Monchique, la céramiste Madalena Telo nous ouvre une petite porte ouvrant sur un jardin où sculptures et plantes dialoguent à l’abri du monde. En préambule, elle confirme que “Monchique n’est pas un lieu de passage mais une destination”, avant de nous inviter à la suivre dans son atelier, une cabane de bois cachée dans les feuillages, qu’elle partage avec son père, céramiste lui aussi. Un air de bossa nova résonne, la quiétude d’un dimanche après-midi. En apparence seulement, car Madalena Telo jongle entre le dessin de ses pièces, leur façonnage, l’émaillage, la cuisson…

Par la fenêtre, juste derrière le tour de potier, le mont Picota apparaît. C’est l’un des deux plus hauts sommets de la chaîne de montagnes de Monchique. En nous voyant sonder le paysage, Madalena raconte : “Ce que je préfère, c’est monter au

point le plus haut de la Serra et voir à l’horizon se détacher tout le littoral ouest de l’Algarve et les collines.” Après ses études à Porto, Madalena revient à Monchique. Dans un sourire, elle con e : “Je ne me rendais pas compte de la rareté de l’environne-

ment dans lequel j’ai grandi. Il m’a fallu partir pour le comprendre. Quand je disais à mes amis que je voulais retourner vivre à Monchique, ils s’exclamaient : ’Mais il n’y a rien ici !’ Je répondais que c’était exactement pour ça que je voulais rentrer. Car il n’y a pas de stimuli partout.”

Ses créations d’argile s’inspirent des plages d’Aljezur, qu’elle parcourt longuement en observant les roches, les algues, leurs formes, textures et sensations. Sa signature ? “J’aime que la matière de mes pièces ne soit pas totalement émaillée, qu’elle ait un grain qui rappelle sa provenance : la terre.”

Et de la terre au terroir, il n’y a que quelques coups de fourchette, que nous donnons joyeusement dans les assiettes d’Austa, à Almancil. Certaines d’entre elles ont d’ailleurs été réalisées par Madalena Telo. Austa, cette jeune table prometteuse ouverte par David et Emma Campus, anglais d’origine et algarviens d’adoption, ne désemplit pas. Entre les mains du chef David Barata, lui-même fervent pêcheur, agriculteur, cueilleur et par là même soucieux de la provenance des produits, la cuisine regarde vers l’Algarve et rend un hommage créatif et contemporain au terroir.

Emma Campus a connu la région quand elle était enfant, ses parents troquant chaque été l’Angleterre pour un moulin à vent de l’arrière-pays algarvien. Quelques années plus tard, au hasard de la pandémie, Emma et son mari s’y installent. Ils partent explorer le Portugal dès la n du con nement, cette étrange période donnant nalement “la chance de passer un temps long et précieux avec des gens – producteurs, vignerons et artisans – qui sont habituellement pris par leur quotidien” , raconte Emma, avant d’insister sur une certaine dynamique locale à l’œuvre.

“Depuis notre arrivée, nous avons été encouragés et motivés à créer notre projet par une communauté de personnes qui choisit d’aller à contre-courant, d’incarner et de promouvoir une approche plus réfléchie de l’hospitalité. En choisissant de mettre en valeur le véritable caractère de notre région, au-delà du soleil et de la plage, que ce soit en construisant une architecture vernaculaire ou en travaillant avec des artisans et producteurs locaux, nous essayons chacun de faire remonter à la surface des histoires d’ici, à la fois culturelles et familières, qui nous font nous sentir proches de notre nouveau pays et auxquelles d’autres semblent s’identi er.”

“J’AIME QUE LA MATIÈRE DE MES PIÈCES NE SOIT
“EN CHOISISSANT DE METTRE EN VALEUR LE VÉRITABLE CARACTÈRE DE NOTRE RÉGION (…), NOUS ESSAYONS DE FAIRE REMONTER

À LA SURFACE DES HISTOIRES D’ICI, À LA FOIS CULTURELLES ET FAMILIÈRES.”

– EMMA ET DAVID CAMPUS, D’AUSTA

Austa incarne ces principes tant par l’assiette que par l’esthétique des lieux, profondément marquée par le choix de matériaux de la région et de pièces de la jeune garde de l’artisanat contemporain portugais. Il est d’ailleurs tentant de passer par la petite échoppe du restaurant avant de partir : vins portugais triés sur le volet par David Campus, objets et produits sélectionnés avec soin permettent d’emporter un peu de cette Algarve-là avec soi.

Aucune déconstruction des idées reçues en Algarve ne serait complète sans un passage par Faro, la capitale administrative de la région. Il y a peu de temps encore, la ville semblait tout juste bonne à accueillir, en périphérie, l’aéroport de l’Algarve et en son centre, des grappes de touristes passablement éméchés. C’est peu dire qu’on y posait le pied sans prendre le temps de l’explorer. Christophe et Angélique Oliveira, passionnés d’architecture, y sont à l’avant-poste d’une petite

révolution culturelle. Ils ont entrepris de présenter la ville sous un jour nouveau en portant à la connaissance de tous son patrimoine architectural Art déco et moderniste.

Il y a d’abord eu l’ouverture de leur hôtel, installé entre les murs d’un édi ce construit par l’architecte Joel Santana, “longtemps considéré comme l’immeuble le plus laid de Faro” , disent-ils. C’est aujourd’hui une adresse aux lignes claires qui interprète les principes clés du modernisme de l’Algarve en leur donnant une tonalité contemporaine. Entre les années 1910-1940, Faro est sous l’in uence Art déco et nombre de bâtiments portent encore les marques de cet héritage architectural. Plus tard, entre les années 1950-1970, sous l’impulsion de l’architecte Manuel Gomes da Costa (19212016), qui a suivi les traces d’Oscar Niemeyer, Le Corbusier et Frank Lloyd Wright, la ville se dote de constructions aux lignes

modernistes. D’autres prennent la relève. Et Faro de compter aujourd’hui près de cinq cents constructions Art déco ou modernistes à découvrir à la faveur d’une balade guidée. Le tracé en a été décidé par Christophe et Angélique, faisant de la ville un jeu de piste à ciel ouvert.

Lire les façades, voir l’influence brésilienne sur le dessin d’un pavé inspiré de Copacabana, s’attarder sur la forme d’une fenêtre ou les lignes géométriques d’un azulejo … Une promenade de quelques heures, foisonnante d’anecdotes, que l’on imagine sans peine se prolonger. C’est ainsi qu’en 2022, Angélique et Christophe ont créé le Modernist Week-End, qui réunit une fois par an architectes, designers et voyageurs curieux autour de conférences et de portes ouvertes. Sous cette impulsion, Faro a récemment invité plusieurs autres villes modernistes d’Europe à signer une charte sur la conservation du patrimoine.

À Almancil, chez Austa, les Anglais Emma et David Campus, algarviens d’adoption, ont choisi des matériaux typiques de la région et des pièces de la jeune garde de l’artisanat portugais.

Ci-contre : l’intimiste praia do Burgau. Page de droite : les oliviers de Companhia das Culturas, domaine écodesign situé dans le district de Faro.

Eglantina Monteiro (en portrait ci-dessous) est à la tête de Companhia das Culturas, une maison d’hôtes singulière ancrée aux portes de l’Espagne, cernée de figuiers, d’orangers, de caroubiers, d’oliviers centenaires, de romarin…

Faro est aussi la porte d’entrée de la Ria Formosa, déclarée réserve naturelle en 1978, puis parc naturel en 1987. Elle s’étend sur soixante kilomètres de littoral jusqu’à Cacela Velha, dévoilant canaux, îlots, marais salants et étangs, protégés du courant par des îles barrières. L’ensemble accueille plus de deux cents espèces d’oiseaux et des eaux riches en palourdes, coques et huîtres. En chemin vers l’est, nous faisons justement escale à Cacela Velha à l’heure où décline le jour. Ce minuscule village perché sur une colline, tout juste une poignée de rues pavées qui convergent vers la place de l’église, dévoile un tableau vivant. Des cannes et des poussettes, des cris joyeux, une fumée de poisson grillé sur la braise distillent une atmosphère de bonheur simple. Le belvédère donne à voir la pointe orientale de la Ria Formosa et, en contrebas, des petits bateaux de pêcheurs traversent l’estuaire pour emmener les voyageurs à la plage.

À quelques kilomètres, Companhia das Culturas semble évoluer dans une autre Algarve encore. Et pour cause : certains de ses plus proches voisins sont les marais salants de la réserve naturelle de Castro Marim et Vila Real de Santo António. À la tête de cette maison d’hôtes singulière, Eglantina Monteiro : “Vous êtes riches de ruines”, lui a glissé son grand-père lorsqu’elle lui annonce l’acquisition faite avec son mari de ce domaine agricole de quarante hectares doté de constructions à l’abandon près de la frontière espagnole. Peu à peu, le projet Companhia das Culturas se dessine, avec “la responsabilité d’un patrimoine, qui passe par nous et qu’il faut faire grandir sans le

trahir”. Ainsi de l’édi cation respectant le plan d’origine, labyrinthique, dont la maison principale et les dépendances (comme le pressoir à huile d’olive, qui trône encore au milieu du salon). En la compagnie d’Eglantina, nous voilà partis pour une balade : “Au petit-déjeuner, on mange le paysage et ici, on boit le vent !”, nous dit-elle alors que l’air est chargé d’effluves de feuilles de guier.

Sur ces terres, les oranges poussent de mai à juin, mais on croise ce jour-là dans la propriété le chemin de caroubiers, d’oliviers centenaires, de menthe pouliot, de romarin… On dirait le maquis méditerranéen, aux portes de l’Espagne. Mais nous sommes à la pointe du Sotavento algarvien, une région marquée par les vents : à voir certains arbres dont le tronc et les branches tortueuses semblent se livrer à une danse chaloupée, il n’est pas di cile de l’imaginer.

Avant de quitter l’hôtesse des lieux, nous lui demandons d’évoquer un endroit qu’elle a ectionne particulièrement en Algarve. Eglantina répond, dans ce mélange singulier de douceur et d’enthousiasme qui la caractérise : “J’aime Loulé, son mouvement, son énergie et la scène artisanale qui y existe et continue de se réinventer.” Et voici, par ses mots, notre boucle bouclée. •

Les essentiels

1 Le bon moment : toute l’année! La période septembre-octobre remportant cependant la palme, avec un mercure généreux et une foule discrète.

2Y aller: avec Transavia, filiale d’Air France, vol direct Paris-Faro (durée d’environ 2h40).

3 Bon à savoir: Voyageurs du Monde vous permet de combiner Espagne et Portugal. Depuis Séville, Faro se regagne en transfert privé et en un peu plus de deux heures. Un tandem ibérique de charme.

4 Budget : la semaine à partir de 2000 € par personne, incluant vols, location de voiture et hébergements…

L’INCONTOURNABLE

QUINTA DO MURO

À quelques grains de sable de la plage de Cacela Velha, la Quinta do Muro tient du secret bien gardé. Conçue par l’architecte Pierre-Louis Faloci entre 1983 et 1988, cette construction moderniste a longtemps été une maison de famille avant d’ouvrir ses portes aux voyageurs esthètes. Lignes claires et lumière naturelle s’invitent dans les trois bâtisses, avec vue sur la nature en format panoramique : jardin anglais, potager, verger, champ de lavande. Puis l’horizon, traçant une ligne entre l’océan et le ciel. Une adresse extraordinaire où poser ses bagages en tribu ou entre amis.

2 jours en plus

Dans l’Alentejo À 2 h 30 de Faro, la région verse dans le slow tourism, tout en regorgeant de magnifiques villages : le chef-lieu, Évora, classé au patrimoine mondial de l’Unesco, Monsaraz, Marvão, Elvas… Gastronomie, vins d’exception, production de liège, d’huile d’olive et de céramique, tout est réuni pour prolonger la douceur déjà goûtée en Algarve.

3 tips

PARTAGÉS PAR NOS SPÉCIALISTES DE L’ALGARVE

Alte_Ce village, blotti au cœur de la région, n’a rien cédé à la modernité. Seul aménagement contemporain : Fonte Pequena et Fonte Grande, deux plages fluviales toutes indiquées pour quelques brasses de fraîcheur.

Vous avez peu de temps?_Deux options : découvrir les villages autour de Tavira (de Vila Real de Santo António à Loulé) ou rester sur la côte du Parque natural de la côte vicentine avec les surfeurs (plages d’Arrifana et de Bordeira), où la ville de Sagres diffuse une ambiance très familiale et décontractée!

Why now ?

1

Découvrir une autre Algarve

En marge des stations balnéaires, Olhão, ville de pêcheurs, voit par exemple converger une communauté d’artisans contemporains et de belles adresses.

2

Un bain de culture à Faro En juillet, l’Açoteia Faro Rooftop Festival convoque cinéma, danse et poésie sur les toits-terrasses privés de la ville; en novembre, le Modernist Week-End dévoile l’héritage architectural de la ville.

3

De très belles plages peu fréquentées Parmi lesquelles celles de l’Ilha Deserta, l’une des cinq îles barrières de la Ria Formosa.

CARBONE DIMINUÉ ET 100 % ABSORBÉ

Pour lutter contre le réchauffement climatique, Voyageurs du Monde participe à des projets de reforestation qui permettent la totale absorption carbone sur l’ensemble de ses voyages.

Des promenades littéraires_Marcher dans les pas de poètes et d’écrivains, de lieux d’inspiration en anecdotes. Rota Literária do Algarve, projet imaginé par deux professeures et chercheuses de l’université de l’Algarve, propose seize parcours offrant un aperçu original et enthousiasmant de la région.

LE CHIFFRE

18

districts, 5 régions continentales (Nord, centrale, Lisbonne et la vallée du Tage, Alentejo, Algarve) et 2 régions autonomes (l’archipel des Açores, composé de 9 îles, et celui de Madère qui en compte 8). Le territoire portugais est d’une richesse infinie et incontestable.

MÉMO

VOYAGEURS AU PORTUGAL

LES CONSEILLERS Des experts passionnés et dévoués, ainsi que des guides privilégiés. L’équipe a à cœur de partager son attachement pour cette destination phare de Voyageurs du Monde, la douceur de vivre du pays, la chaleur de son accueil, et la gentillesse du peuple portugais.

LA CONCIERGERIE FRANCOPHONE Cristina Lemos et toute l’équipe sont ultraréactifs et savent faire face à la moindre demande, qu’il s’agisse d’ajuster une réservation ou de dénicher les meilleurs restaurants!

L’EXCLU VOYAGEURS Au Portugal, particulièrement à Lisbonne, les contacts locaux de Voyageurs du Monde vous font découvrir, sur demande, des adresses confidentielles de la ville et de ses alentours sous un angle inédit, selon vos goûts et centres d’intérêt.

CONTACTEZ UN CONSEILLER SPÉCIALISTE DU PORTUGAL AU 01 84 17 21 69 (ligne directe).

Figé dans le temps des Cotswolds, le pub – ici à Chipping Campden –reste une institution anglaise, mais ne se résume plus aux fries and sausages.

NICHÉS À L’OUEST D’OXFORD, LES COTSWOLDS, CLASSÉS POUR LEUR BEAUTÉ EXCEPTIONNELLE, DÉROULENT UNE CAMPAGNE

ANGLAISE REBONDISSANT ENTRE COLLINES ET VILLAGES CHARISMATIQUES. UN CADRE QUI A NOURRI L’IMAGINAIRE DE NOMBREUX AUTEURS DE LITTÉRATURE JEUNESSE. UN PRÉTEXTE PARMI D’AUTRES À VOYAGER EN FAMILLE DANS CETTE RÉGION SURRÉALISTE.

IT’S A KIND OF MAGIC

TEXTE BAPTISTE BRIAND

PHOTOS CAROL SACHS

“AU FOND D’UN TROU VIVAIT UN HOBBIT. Non pas un trou immonde, sale et humide, rempli de bouts de vers et de moisissures, ni encore un trou sec, dénudé, sablonneux, sans rien pour s’asseoir ni pour se nourrir : c’était un trou de hobbit, d’où un certain confort.” C’est l’heure de l’histoire, dans un cottage douillet de l’Oxfordshire. Tessa et Milo écoutent d’une oreille distraite les premières lignes de Bilbo le Hobbit, écrites au début des années 1930 sur un bout de copie vierge, à un jet de pierre de là, par un certain J.R.R. Tolkien (18921973). Passé par les bancs universitaires d’Oxford, d’abord étudiant, puis professeur de langue et de littérature anglaise, l’alchimiste de la trilogie du Seigneur des anneaux y a forgé sa Terre du Milieu. Un monde secondaire, formulé à partir de cultures nordiques médiévales et d’une imagination sans limite.

Ce soir, avant que la situation entre les deux elfes ne dégénère en bataille de polochons, l’aînée s’imaginerait bien prendre le chemin d’Oxford et de la Bodleian Library visitée la veille, dans les pas d’Hermione Granger, aka Emma Watson. L’actrice, inscrite depuis la rentrée 2023 à Oxford, en master d’écriture créative (cursus qu’elle suivra principalement à distance – magie du cinéma oblige), rêve sans doute, elle aussi, de traverser le Divinity Hall dans lequel elle tourna une scène de la saga Harry Potter, pour une remise de diplôme bien réelle.

De toute évidence, la campagne anglaise bordant les comtés de l’Oxfordshire et du Gloucestershire est propice à l’imaginaire, depuis longtemps. Aux côtés de Tolkien, d’autres auteurs, dont son acolyte C. S. Lewis (1898-1963), auteur des Chroniques de Narnia, rent d’Oxford le creuset de la fantasy anglaise. Un genre littéraire

né à la n du XIXe siècle, peuplé de gobelins, de trolls, d’esprits de la forêt et d’un bestiaire tour à tour drôle et e rayant.

Près d’un siècle avant eux, un autre professeur d’Oxford, le révérend Charles Lutwidge Dodgson, trempait sa plume dans les mêmes paysages pour écrire sous le pseudonyme de Lewis Carroll une histoire à dormir debout devenue l’un des phares de la littérature d’enfance. Inspiré par les llettes du doyen du Christ Church College, Henry Liddell, et à la demande de la plus jeune d’entre elles, le professeur de mathématiques, mais aussi photographe reconnu à travers le pays pour ses portraits, décida de coucher sur le papier ses élucubrations entamées lors d’un canotage sur la Tamise en leur compagnie… Les Aventures d’Alice aux pays des merveilles furent publiées en 1865.

Une petite lle qui tombe dans un autre monde et se miniaturise, un lapin en retard pour son rendez-vous avec la Reine, un chat qui a le don d’invisibilité, une parade de cartes à jouer : “P f, ça n’existe pas !” Les petits Français de 2024 ne s’en laissent pas facilement conter. Au réveil, la porte du doute s’entrouvre pourtant lorsque, derrière les fenêtres du salon perlées de rosée automnale, une biche dresse les oreilles avant de ler vers le bois, laissant planer une invitation à la suivre.

Et si ce pays existait bel et bien ? Qu’il s’appelait les Cotswolds ? Succession de collines ( wolds , en anglais ancien) couvertes de pâturages – les cots étant ces anciens arcs de pierres servant d’enclos à ovins –, la région a bien été classée, dès 1966, pour sa beauté exceptionnelle : Area of Outstanding Natural Beauty . Puis, requali ée moins poétiquement en 2020, National Landscape (“Paysage national”). Des paysages qui ondulent sur deux mille

kilomètres carrés, glissant du nord au sud entre Stratford-upon-Avon (lieu de naissance du dramaturge William Shakespeare) jusqu’à la ville thermale de Bath, délicieuse Aquae Sulis, qui déjà avait conquis les Romains au premier siècle de notre ère.

Sur les hauteurs d’Oddington, au nord, la brume se dissipe. Mais pas avant d’avoir infusé une carte postale régionale : perdue au bord d’un champ, une cabine téléphonique rouge est encerclée de moutons qui paissent nonchalamment. Shaun et ses compagnons ne manquent jamais une occasion de rappeler l’importance historique de leurs toisons pour la région. Acheminée jusqu’à Londres par la Tamise, qui prend sa source non loin d’ici, la laine de ces Lions des Cotswolds (“Des moutons-lions ? Vraiment, ça existe ?”) a contribué à la prospérité de l’Oxfordshire mais aussi de tout un pays. Aujourd’hui, le chancelier de la Chambre des Lords, deuxième ventricule du parlement londonien avec celle des Communes, siège sur le Woolsack, un banc de tissu rouge rembourré de la précieuse bre. Instauré au XIVe siècle, il rappelle en haut lieu le rôle qu’eut le commerce de la laine dans le développement économique de l’Angleterre. Il est temps de grignoter un peu de cette cocagne british. Sur la table en bois du petit déjeuner : pain au levain (sourdough), mu ns, con tures, œufs et yaourts en direct de la ferme biologique voisine, la Daylesford Farm. Une success story signée lady Carole Bamford, entrepreneuse londonienne qui depuis vingt-cinq ans a bâti un petit royaume agricole et économique dont l’épicentre s’étend ici, entre Kingham et Oddington. Neuf hectares de potagers, de vergers et de pâturages 100 % biologiques dans lesquels les cent-vingt vaches laitières sont elles aussi appelées “Ladies”, très sérieusement.

D’UN CHAMP, UNE CABINE TÉLÉPHONIQUE

Posé dans un parc de 1 200 hectares de l’Oxfordshire, l’Estelle Manor, hôtel de campagne et club privé, déroule le tapis vert à ses jeunes hôtes.

À l’arboretum de Westonbirt, planté il y a deux cents ans à proximité du village de Tetbury, on joue avec les Ents, esprits tolkieniens de la forêt.

Fermes glamour, petits bourgs de calcaire blond figés dans l’Angleterre victorienne et champs truffés de citrouilles : il y a du charm, de la magie, dans ces Cotswolds.

Ces dames reçoivent un traitement presque aussi royal que celui réservé aux membres du club privé qui s’est ajouté récemment à la collection d’adresses signées Bamford (au nombre de quatre, à Londres). À elles, l’herbe locale extrêmement nutritive et riche en trè e porte-bonheur, à eux la cuisine green du restaurant. Aux robes tachetées les rouleaux de brossage, aux esprits fourbus le spa, le yoga et le sound healing. Dans l’étable, la rencontre entre nos deux têtes blondes et les génisses fait mouche. Di cile de dire qui sont les plus intimidés : ceux qui tendent la main ou celles qui osent l’entourer de leurs langues râpeuses.

On se remet de ses émotions autour d’un chocolat chaud et de quelques shortbreads, directement sélectionnés dans la grande épicerie attenante. Car ici, le concept de ferme glamour est cultivé jusqu’au bout des sabots : produits bio, soins de beauté, objets de déco, cours de cuisines, ateliers oraux… Mais aussi à travers deux restaurants, un café, trente-deux cottages redonnant vie à des hameaux gothiques du XIXe siècle et

quatre pubs : du classique Wild Rabbit au plus edgy The Fox. Certains ruminent encore qu’après son Brexit, l’ex-Premier ministre du Royaume-Uni Boris Johnson soit venu se mettre au vert ici, dans le sillon de David Cameron, de la famille Beckham, des sœurs Delevingne, entre autres. Il n’empêche que situé à moins de deux heures de Notting Hill, les Cotswolds sont devenus en une dizaine d’années le refuge des golden boys and girls de la capitale. On parle même d’un “triangle d’or” entre les villages de Burford, Chipping Norton et Stow-onthe-Wold, dans lequel les fermes délabrées s’arrachent à coups de millions de pounds

“And we’ll never be royals/royals

It don’t run in our blood

That kind of luxe just ain’t for us

We crave a di erent kind of buzz…”

Depuis la banquette arrière, une princesse rebelle a pris les commandes audio de notre carrosse. “Baby I’ll rule/Let me live that fantasy” : le hit de 2013 de la NéoZélandaise Lorde résonne sur la route du

château de Warwick. Un point de rendezvous bien réel avec l’histoire anglaise, les armures du roi normand Guillaume le Conquérant et quelques fantômes récalcitrants. L’équipage marque une pause à Stow-on-the-Wold, un village perché dont le marché en t un point de passage commercial obligé au XVe siècle.

Aujourd’hui, on vient plutôt chiner dans ses magasins d’antiquités, s’o rir une bonne paire de chaussettes en laine locale, et se réchau er les papilles d’une soupe de butternut. Certains petits appétits se réservent pour le cake meringué citron-myrtille sur lequel ils ont louché dès la porte d’entrée. Ensuite, il faut se perdre dans les venelles de pierres blondes et passer au dos de l’église normande de St. Edward’s Church. Là, bordée de deux ifs plantureux, une ouverture en ogive aurait, selon la légende touristique locale, inspiré à Tolkien les portes de Durin. Un passage vers un autre monde, la cité des Khazâds, ces nains amis des hobbits. Les nôtres ne sont pas encore convaincus, mais peut-être plus totalement

réfractaires à l’idée que cette région cache le long de ses chemins boueux, au creux de ses chênes centenaires, une frontière perméable avec l’imaginaire.

La réalité des Cotswolds se re ète aussi dans des villages de poupées aux teintes de miel, aujourd’hui victimes de leurs succès. Un charme rayonnant même les jours de pluie que ces petits bourgs gés dans l’Angleterre victorienne doivent au calcaire blond du sous-sol qui servit à les bâtir. Les façades fleuries de Bibury, de Broadway et celles bordées d’eau à Bourton-onthe-Water (surnommée la “Venise des Cotswolds”) attirent depuis la moitié du XIXe siècle peintres, poètes, écrivains et aujourd’hui in uenceuses…

Aux beaux jours, des bataillons entiers débarquent des États-Unis et du Japon pour se promener le long des canaux, se “sel ser” sur les petits ponts, s’o rir un brin de romance sous un pommier. Une envie sans doute légitime de dissoudre l’âpreté du XXIe siècle dans un peu de romantisme

austenien (hello Jane!) , d’entrer dans un décor peint près d’un siècle et demi plus tôt par John Singer Sargent (Œillet, Lys, Lys, Rose , 1885) ou Francis Davis Millet ( A Cosey Corner, 1884, “Un coin tranquille”) qui n’a pas bougé d’une tuile. L’envie, peutêtre aussi, de marcher sur les pas de T.S. Eliot (1888-1965).

À Chipping Campden, à huit kilomètres à peine de Broadway, un extrait du poème Burnt Norton, inspiré ici à l’auteur américain naturalisé, a été gravé au sol entre les pavés patinés de la halle médiévale du marché. “Maintenant la lumière tombe sur le champ dégagé, laissant l’allée profonde fermée par des branches, sombre dans l’aprèsmidi” : l’inscription circulaire marque le point de départ d’un chemin bien connu des randonneurs, le Cotswold Way, qui trace vers le sud, à travers les collines et forêts pour rejoindre Bath, 102 miles plus bas.

La famille se contentera pour l’instant d’un chat perché, sans oublier qu’aux Cotswolds, comme ailleurs, la meilleure façon de marcher reste de faire un pas de côté.

Chaque porte, chaque mur raconte un peu l’histoire médiévale des Cotswolds.

Prairies vertes et forêts moussues pour humer le grand air ; atelier poterie pour laisser libre cours à son imagination.

Troquer le printemps pour la période où les arbres tournent au rouge royal et où les champs se tru ent de citrouilles. Abandonner alors les villages phares, et grimper vers les hameaux en lisière des radars.

Cap au sud. Le rideau gris se déchire au-dessus d’un fil d’asphalte qui ne laisserait pas la place de croiser un troupeau. Les collines ondulent leurs écailles vertes et brunes sous un horizon capitonné de gros marshmallows blancs. Les champs cadrés de murets argentés glissent doucement à travers des forêts moussues. Et là, Snowshill vous replonge dans l’imaginaire. Sortant de son chapeau un élevage d’alpagas moqueurs et des champs de lavande qui, dès la mi-juin, se prennent pour un coteau du Luberon, le village accroche à ses pentes des cottages miniatures, grignotés de glycine. Et, toujours, le blond des pierres.

L’église victorienne St. Barnabas se dresse là, au milieu des stèles, devant l’éternelle phone boot rouge. Milo décroche le combiné, tente une conversation avec l’Audelà “parce que, tu sais, la reine d’Angleterre, elle est morte…” À quelques pas se dresse l’immanquable manoir de Charles Paget, personnage quirky (excentrique) qui, dans les années 1920, y amassa un incroyable bric-à-brac de plus de seize mille objets anciens en tout genre, du costume de théâtre aux boucles de souliers.

Le lendemain matin, on le plus à l’ouest, à Kemerton, sur la crête de Bredon Hill. Là, les enfants sont attendus pour une session de poterie au Upper Court, manoir géorgien du XVIIIe siècle. “Let’s get muddy !”, lance Auriol. Notre hôte navigue entre son atelier

londonien et cette belle demeure retapée par ses parents dans les années 1970. Entretemps, la céramiste a laissé la colline de son enfance, celle où son père lui a appris à récolter la terre malléable des rus, celle des amours perdues du poète Alfred Edward Housman (1859-1936), pour suivre le sien au Chili.

Dans la petite serre du potager, elle a planté ses tours et enseigne les bons gestes aux enfants du village, et à tous ceux de passage. Le plus jeune des deux élèves d’aujourd’hui ne se fait pas prier pour découper la terre au l à beurre avant de la malaxer généreusement, de sauter dessus à pieds joints pour l’aplatir. Sa sœur, elle, s’applique à suivre les conseils de la céramiste : réchau er la terre entre ses mains, jeter la boule au centre du tour, xer les bras, fermer les yeux. “La poterie vous apprend la patience, la résilience : faire, défaire, échouer, recommencer…”, commente Auriol.

Avec un enthousiasme communicatif, elle suggère également de suivre une autre façon de voyager. “Ici, nous sommes en dehors du triangle d’or, tout est plus calme”, confie-t-elle. Une invitation à arrêter de courir comme un lapin après le temps (ou après l’impossible, comme le veut l’expression anglaise “Chasing the white rabbit”).

Profiter de l’instant présent, les enfants savent faire… Simplement heureux de repartir avec un si et en terre et un petit pot de romarin qu’ils viennent de fabriquer. Un peu tristes aussi de laisser Arkala, le labrador câlin.

Un nouveau rendez-vous les attend au palais baroque de Blenheim, propriété de la famille Churchill pendant trois cents ans (le petit Winston y est né en 1874)…

UN PEU TRISTES AUSSI DE LAISSER ARKALA, LE LABRADOR CÂLIN.

LES DEUX LUTINS SURVOLTÉS. IL LEUR APPREND

À ALLUMER UN FEU DE CAMP AVEC UNE PIERRE À FEU ET UN BRIN D’ÉCORCE, À CHOISIR LE BON BÂTON

POUR Y GRILLER DES MARSHMALLOWS MAISON, À TIRER

À L’ARC ET À LA CARABINE…

Ce lieu historique a également servi de cadre au tournage de Barry Lyndon, réalisé par Stanley Kubrick en 1976, et plus récemment de la minisérie La Reine Charlotte : un chapitre Bridgerton (2023). Dans le parc, devant le tronc au trou béant du cèdre pluricentenaire qui apparaît dans Harry Potter et l’Ordre du Phénix (2007), nos petits sorciers se préparent à a ronter les créatures malé ques qui, en cette veille d’Halloween, se sont invitées autour du château.

Au crépuscule, ils se serrent les coudes devant deux Détraqueurs anqués sur de ténébreuses Valkyries qui xent le néant, une armée de Jack-o’-lantern, de soubrettes pâlottes et de morts-vivants qui déambulent. Un vampire à l’humour sombrement british détend l’atmosphère en con ant aux enfants qu’il tente de changer de régime pour passer au chocolat chaud.

“La nuit promet d’être belle car voici qu’au fond du ciel apparaît la lune rousse”, contait Jacques Higelin (un autre ami des lutins, des faunes et des farfadets, mais aussi du Tom Bombadil de Tolkien) dans sa chanson Champagne, en 1979. Le hasard veut que ce soit dans les Cotswolds que l’élixir pétillant ait révélé pour la première fois le secret de sa fermentation, en 1662. Mais devant la danse ivre d’un zombie, mieux vaut s’éclipser : “Cocher lugubre et bossu, déposez-moi au manoir…”, poursuit la ritournelle.

Perché en équilibre sur le balcon est des Cotswolds, le nôtre a des airs de MarieAntoinette excentrique, version So a Coppola. L’Estelle Manor brille dès l’allée qui, sous les frondaisons majestueuses d’un parc de mille deux cents hectares, mène à une façade néo-jacobéenne aux teintes dorées. À l’intérieur, un véritable labyrinthe de murs lambrissés, des plafonds de stucs dont descendent des lustres gigantesques et une cheminée aussi large qu’une maison de hobbits. “C’est wahou !”

Dehors, l’étrange histoire se poursuit. Ici, les arbres touchent le ciel – des séquoias géants dont les graines furent ramenées d’Amérique au milieu du XVIIIe siècle par deux jeunes explorateurs qui, ayant dépensé tout leur pécule dans l’achat de semences exotiques, gagnèrent leur place sur le bateau retour grâce à des combats de boxe organisés par le capitaine. Les voitures, elles, ont rétréci ( “De plus en plus étrange” , dirait Alice) : des mini-Land Rover pour ler sur des pelouses taillées au cordeau, à perte de vue. “Cette fois, c’est moi qui conduis !”, lancent en chœur frère et sœur. Un géant nommé Nye joue les chefs scouts pour les deux lutins survoltés. Il leur apprend à allumer un feu de camp avec une pierre à feu et un brin d’écorce –  “C’est magique !” –, à choisir le bon bâton pour y

griller des marshmallows maison plus gros que la main de Milo –  “Mmmm, trop bon !” –, à tirer à l’arc et à la carabine, #Tessatireusedelite. Plus tard, avec un imperceptible frisson et beaucoup de erté, on s’appliquera aussi à réceptionner sur sa main gantée les serres d’Izzy, la buse de Harris. Autant dire que lorsque sonne l’heure de rejoindre Londres, les hobbits traînent un peu des bottes. Alors, les Cotswolds ? Rêve ou réalité ? Dans le rétroviseur, les regards pétillent, les sourires s’élargissent. Le doute plane encore un peu dans leurs esprits. Ils préfèrent donner leurs langues au chat… du Cheshire. Laissant à chacun le soin d’aller véri er par soi-même.

Caractéristique de la région, le calcaire blond habille avec élégance les façades, comme ici le Upper Court, manoir géorgien du XVIIIe siècle posé sur les hauteurs de Kemerton.

Les essentiels

1 Le bon moment: si le printemps offre une météo agréable et des jardins fleuris, c’est aussi la période la plus fréquentée. Préférez l’automne (couleurs magnifiques et belles journées), voire l’hiver (les Cotswolds sont magiques sous la neige) !

2Y aller: Eurostar jusqu’à Londres, train jusqu’à Oxford (1h) et location de voiture.

3 Bon à savoir: le choix d’hébergements est vaste : du cottage familial à louer au beau manoir, les Cotswolds sont privilégiés par une clientèle anglaise habituée à un certain niveau de services. Cet aspect est donc particulièrement soigné.

4 Budget: la semaine à partir de 2200 € par personne, incluant Eurostar, véhicule électrique familial de location (HertzSt Pancras), hébergements, activités et visites, conciergerie francophone…

L’INCONTOURNABLE

DAYLESFORD VILLAGE COTTAGES

Dans un rayon de quelques kilomètres autour de sa ferme, la Daylesford Farm a restauré plusieurs hameaux de cottages (32 au total) proposés à la location. Parmi eux, la Old School House, ancienne école à l’architecture Tudor reconstruite à la fin du XIXe siècle, reçoit aujourd’hui les voyageurs dans le plus grand confort : cheminée traversante, chauffage au sol, édredons douillets et cuisinière en fonte mijotent une douce atmosphère de cocon hobbitien. À deux pas du spa et de l’épicerie de la ferme, les collines pour terrain de jeux.

Kiosque

POUR LES KIDS

Le Hobbit de J.R.R. Tolkien

L’un des piliers fondateurs de la fantasy et de la Terre du Milieu, prélude au Seigneur des anneaux, bien plus accessible aux jeunes lecteurs (dès 8 ans).

Le Monde de Narnia de C.S. Lewis

La saga en sept tomes de ce monde enfantin fantastique trouve ses origines à Oxford, où l’auteur a enseigné et formé avec son complice Tolkien le cercle des Inklings.

Why now ?

1

Be Original Depuis le Brexit, le Royaume-Uni est un peu sorti des radars touristiques, mais il reste toujours aussi facile d’y voyager.

2

Varier les plaisirs

Entre la campagne, des villes charismatiques très différentes (Oxford, Bristol et Bath) et un littoral tonique, l’ouest de l’Angleterre a beaucoup à offrir.

3

À leur rythme

Un road-trip facile (une fois apprivoisée la conduite à gauche), particulièrement adapté en famille, grâce aux courtes distances entre chaque étape.

CARBONE DIMINUÉ ET 100 % ABSORBÉ

Pour lutter contre le réchauffement climatique, Voyageurs du Monde participe à des projets de reforestation qui permettent la totale absorption carbone sur l’ensemble de ses voyages.

3 villages À NE PAS MANQUER

Upper and Lower Slaughter_Son nom glaçant (littéralement “Abattage supérieur et inférieur”) est à l’opposé de l’atmosphère bucolique qui émane de ce hameau divisé entre partie haute et partie basse. De beaux cottages de pierres blondes cernés de canaux.

Castle Combe_Il faut dégringoler dans une combe étroite pour trouver l’un des villages emblématiques de la région, qui est aussi l’un des centres de l’industrie lainière médiévale. Les façades ondulent, les murs épais se couvrent de tuiles fendues et bordent les eaux de la By Brook. Vision idyllique à capturer tôt ou tard pour éviter la foule.

Lacock_La quintessence de l’Angleterre rurale du XVIIIe siècle aux portes de Bath. Il est très visité pour son abbaye, qui fut successivement depuis le XIIIe siècle propriété de la famille Tudor, mais aussi de William H.F. Talbot, inventeur du film négatif. Ses maisons en pierre et à colombages ont servi de décor à la saga Harry Potter et à la série Orgueil et Préjugés, inspirée du roman de Jane Austen.

3 tips avec les kids

PARTAGÉS PAR NOS SPÉCIALISTES DES COTSWOLDS

EN CUISINE

La Daylesford Farm propose des workshops : atelier floral, cours de cuisine thématiques à base de produits locaux, selon la saison (agenda en ligne).

2 jours en plus

La ville thermale de Bath À l’extrémité sud des Cotswolds, elle est bien plus qu’une porte de sortie. L’architecture géorgienne, les ponts enjambant la rivière Avon, la halle au marché et les bains romains plantent un décor cossu. L’hôtel N°15 by Guesthouse, propose des chambres familiales agréables qui bousculent les codes classiques : platine LP, tipi dans la chambre et réserve de bonbons pour eux, spa et massages pour vous.

Autre prolongation possible : Londres of course! Jamais à court d’idées quel que soit l’âge – des incontournables musées d’Histoire naturelle à la Tate Modern. Chambres communicantes au très confortable (et central) Mayfair Townhouse.

RIDE ON

Les collines se prêtent à merveille à la randonnée, à pied mais aussi à cheval. Plusieurs clubs équestres, notamment à Bourton-onthe-Water, organisent des sorties.

Playlist ON THE ROAD

1 A Kind of Magic Queen

2

Alice’s Theme

Danny Elfman

3

Faux Savage

Domenique Dumont

4

Vampire

Olivia Rodrigo

5

Sunday Morning

The Velvet Underground

6

Ani Kuni

Polo & Pan

7

Green Eyes

Coldplay

8

Dirty Old Town

The Pogues

9

Budapest

George Ezra

10

Sonho Meu

Maria Bethânia

HARRY POTIER

Malaxer, écraser, tourner : l’apprentissage de la céramique, délivré au manoir de Upper Court, s’adapte à l’âge et à l’expérience de chacun.

MÉMO

VOYAGEURS EN GRANDE-BRETAGNE

LES CONSEILLERS Spécialisés par région, les dix conseillers UK ont une expérience pointue et souvent personnelle du terrain. Leur capacité d’écoute et de profiling leur permet de créer un voyage sur mesure minutieux.

LA CONCIERGERIE FRANCOPHONE Basé à Londres et francophone, David Rouland a fait ses armes à Buckingham Palace. Autant dire que lui et son équipe ont une certaine idée du service et de l’exigence. Vous le rencontrerez peut-être à Londres, lors d’une visite personnalisée à bord de son cab.

L’EXPÉRIENCE VOYAGEURS Inscrit dans l’ADN Voyageurs du Monde, le roadtrip en famille est particulièrement préparé : carnet de route électronique, bonnes adresses géolocalisées, wifi nomade, assistance 24h/24 : everything is under control, à vous la liberté !

CONTACTEZ UN CONSEILLER SPÉCIALISTE DE LA GRANDE-BRETAGNE AU 01 85 08 10 40 (ligne directe).

MANA POWER À HAWAI’I

CONNU COMME L’ALOHA STATE, TERRE HOSPITALIÈRE PRÔNANT L’AMOUR DE L’AUTRE ET LE RESPECT DE LA VIE, HAWAI’I DONNE ÉGALEMENT

ACCÈS AU MANA, POUVOIR SPIRITUEL ANCESTRAL DES ÊTRES, DES LIEUX ET DES ÉLÉMENTS. PILIER DE LA CULTURE AUTOCHTONE, IL IMPOSE SES RÈGLES ET INVITE À REVOIR NOTRE COMPRÉHENSION DU MONDE, LA FAÇON DE LE PARCOURIR, POUR MIEUX S’Y RATTACHER.

PEU À PEU LA PÉNOMBRE CÈDE AUX LUEURS DE L’AUBE. Ce que l’on prenait, dans l’obscurité, pour d’étranges fantômes aux silhouettes blanchâtres se révèlent être les longues écharpes de fumerolles s’échappant de la gueule du volcan. Arrivés sur place à la nuit noire, nous accueillons le jour nouveau depuis le cratère du Kilauea, le rebord même de sa caldeira. Kilauea : celui qui “répand beaucoup”, en hawaiien. L’un des volcans les plus actifs de la planète, ses éruptions et ses coulées de lave régulières font de la Big Island – la Grande Île d’Hawai’i – un territoire dont la supercie augmente au l des ans.

Portée par la brise encore fraîche, monte vers nous des entrailles de la Terre une odeur légèrement âcre et sulfureuse. Elle di ère du parfum des eurs de frangipanier, de celui de la terre rouge des plantations aux senteurs d’ambre et de bergamote ou des embruns iodés tamisés au sel du Paci que. Partout sur le reste de l’île, ce sontlà les fragrances qui enivrent les sens, le jour durant. Ici, la sensualité des tropiques s’e ace devant la force primale qui présida aux origines du monde.

Au-delà du cratère, vers l’ouest, dans le lointain, on distingue l’immense courbe du Mauna Loa, ancêtre vieux d’un million d’années. Longtemps endormi, son dernier réveil date du 27 novembre 2022. Il marqua le début d’une éruption assez mémorable pour attirer les télévisions du monde entier.

Les rayons safranés du soleil levant commencent à iriser d’or le sommet du géant de nouveau assoupi, se déposant sur lui comme une cape de noblesse. Bien équipés et chaudement vêtus, on se lancera un autre jour dans l’ascension de ses près de 4 200 mètres d’altitude, longue randonnée méditative dans l’air raré é de ce haut sommet tropical parfois enneigé.

Un grondement sourd et prolongé rompt le silence. Une convulsion souterraine fait légèrement vibrer le sol sous nos pieds. Tout se tait de nouveau. Au cœur de Big Island, nous nous tenons au cœur du monde, témoins du commencement de l’histoire de la vie dans les soubresauts originels de la Terre. “Devastation Trail”, c’est le bien nommé “Sentier de la dévastation” que nous avions emprunté dans la nuit. À la lumière de nos lampes torches, un panneau prévenait le visiteur : “Attention : restez sur le sentier, prenez garde aux bouches de vapeur, aux crevasses et aux à-pics.” Sans vraie diculté, la marche vers le cratère dispensait malgré tout un parfum d’aventure.

Au parc national des Volcans d’Hawai’i (prononcer “ha-wa-i” et non “ha-waille”, les Hawaiiens y percevront de votre part une marque d’attention), la Terre sou e et respire. Elle y entre aussi parfois en furie. Dans leur lent glissement vers la mer, les coulées de lave détruisent alors des arpents de forêt tropicale et toutes les infrastruc -

tures humaines au passage. Puis, phénomène cyclique qui dit le cercle ininterrompu de la vie, cette même lave ayant refroidi et commençant à se pulvériser, elle devient le terreau et l’engrais des fougères arborescentes à renaître. Ainsi, quittant aujourd’hui les pourtours désolés du cratère, on plonge quelques minutes plus tard dans la luxuriance d’une jungle tou ue, parcourue de sentiers féeriques dont la poussière noire crisse sous les souliers. Pour les volcanologues, le Kilauea illustre les aléas de l’activité sismique. Dans la mythologie hawaiienne, il incarne le pouvoir et les sautes d’humeur de Pélé. Déesse du feu à la chevelure incandescente, celle-ci, à la suite d’une dispute avec sa sœur Nā-maka-o-Kaha’i, déesse de l’eau, vint se cacher sous le Kilauea. Hier, ces mythes et légendes de l’Hawai’i ancestral étaient considérés avec condescendance comme un charmant folklore. Aujourd’hui, cette compréhension du monde s’est imposée comme celle d’une culture autochtone renaissante, disposant désormais de ses droits à être honorée, respectée mais aussi enseignée, partagée et transmise.

Les Hawaiiens, immensément fiers de leur lien primordial à la nature, vont jusqu’à se désigner eux-mêmes comme keiki o ka ’āina, “enfants de la terre”. On comprend alors que le précepte Mālama i ka ’āina, “respecter et prendre soin de la terre”, constitue un pilier de la culture traditionnelle.

À trente minutes au nord de Hilo, le chemin vers l’Akaka Falls State Park, à travers une jungle exubérante, débouche sur une double cascade époustouflante.

À l’aube, de longues écharpes de fumerolles s’échappent du cratère du Kilauea, l’un des volcans les plus actifs de la planète.

Le Kekaha Kai

dont celle

aligne les plages de sable

au

Plus au sud, Pu’uhonua O Honaunau, la cité du Refuge, abrite un village traditionnel niché sous la palmeraie, que des tikis en bois sculpté semblent protéger.

State Park
blanc idylliques,
de Makalawena,
nord de Kona.

Une culture qui s’exprime plus que tout dans la valeur de l’ Aloha , partage d’un sou e mutuel où, nez contre nez, l’on se salut dans la tradition. Au-delà du seul geste, l’esprit d’Aloha – omniprésent dans l’État d’Hawai’i jusqu’à être inscrit dans la loi – traduit tout à la fois une façon de vivre civile et hospitalière et une philosophie faite de spiritualité prônant l’amour de l’autre et le respect de la vie dans toutes ses formes d’expression.

On évoque désormais dans nos pays la nécessité de protéger le monde, d’en préserver l’intégrité, voire de le “sauver”. C’est trop vite oublier qu’il existe déjà plusieurs mondes en ce monde. Cette évidence attend les voyageurs sur la Grande Île d’Hawai’i. Ici, se distançant du matérialisme ambiant, chaque être, chaque animal, chaque plante, chaque élément, chaque lieu possède son pouvoir et son âme, la charge de son mana . Dans le gigantesque triangle de la Polynésie qui traverse le Paci que sur des milliers de kilomètres, de Tahiti à Hawai’i, de Aotearoa – La Nouvelle-Zélande, pays du “Long Nuage Blanc” – aux îles Samoa, de Fidji au royaume de Tonga et jusqu’à la chilienne Rapa Nui, l’île de Pâques, partout on rencontre ce même principe du mana, pour dire le pouvoir spirituel des êtres, des lieux, des éléments.

Oublié l’Hawai’i de carte postale, les champions de surf, hédonistes aux cheveux blondis par le mariage du soleil et du sel, les cocktails fruités servis dans les accents d’une guitare slide frôlant le sirupeux, les malls et les shopping centers, les boutiques de luxe et le tourisme de masse engorgeant les rues de Waikiki, c’est à une véritable initiation à ce pouvoir, à ce mana des temps ancestraux, qu’invite Big Island, la distante, la retenue, la reculée.

Illustration de son charme irtant avec le désuet, sur la côte Est, Hilo est de tout l’archipel la ville la plus lointaine d’Hono -

lulu. Hilo et sa forêt pluviale, son architecture Art déco dans les quartiers du centreville, son grand marché aux fruits et légumes d’un autre âge, provincial, Hilo, son allure rétro et sa nostalgie d’un Hawai’i vintage préservé.

Parce que, dans nombre de lieux et de recoins de Big Island, le temps semble s’être arrêté, plus qu’ailleurs peut-être sent-on ici le mana nous faire des clins d’œil. Acceptant alors de se laisser jouer soi-même de ses impressions et de ses ressentis, on s’inventera un tourisme d’un genre subtil et

MIEUX QUE D’ÊTRE

LES SIMPLES

OBSERVATEURS

DES LIEUX QUE NOUS VISITONS, NOUS DEVENONS

LES PARTICIPANTS

À CE QUI S’Y MANIFESTE.

particulier où, sur une terre étrangère, confetti posé au cœur de l’immensité Pacique, on parviendra furtivement à donner corps à l’ine able, à rendre presque tangible la part d’invisible d’un monde ancien qui ne demande qu’à être éveillé du long assoupissement où voulurent le plonger la “civilisation” et le “progrès”.

Ainsi, au premier matin du voyage, dès le soleil levé et sans attendre, on commence les travaux pratiques, et sa propre initiation, par une visite à Pu’uhonua O Honaunau, la cité du Refuge, au sud de Kona. Là,

près d’une modeste crique où viennent fréquemment frayer les tortues, on découvre un village traditionnel niché sous la palmeraie. Gardé par de grands tikis dressés, immuables idoles en bois sculpté, un ancien temple clos et ceint d’une barrière de piquets, abrite les ossements des ali’i , les vieux chefs coutumiers.

Un peu à la manière des cathédrales d’Europe offrant refuge aux hors-la-loi qu’on ne pouvait plus dès lors pourchasser, Pu’uhonua O Honaunau constituait dans l’Hawai’i des temps anciens, le lieu du salut pour quiconque avait brisé un tabou et souhaitait s’en exonérer, en obtenir le pardon. Le simple fait de parvenir à atteindre l’endroit sans avoir été pris ne vous y o rait pas seulement protection. Cela devenait le signe que vous étiez placé sous le bon augure des aumakua, les divinités ancestrales. Vous vous trouviez alors amnistié de vos manquements aux règles et pouviez de nouveau revivre au sein de la communauté.

À Pu’uhonua O Honaunau, des milliers de pierres de lave noire empilées forment des tertres sacrés sur un sol de sable à gros grains et d’un blanc éclatant, fait du corail broyé par la mer, par le vent, par la pluie et les siècles. Pendant que des cocotiers minces et altiers oscillent dans la brise marine, l’océan rythme la vie du lieu dans la longue et lancinante mélopée du sac et du ressac. Fondé par l’expérience de ce premier matin, tout le séjour sur l’île s’effectuera à l’avenant. Nous voilà non plus seulement touristes découvrant Hawai’i l’Exotique, mais aventuriers en quête de l’immémorial mana des îles tant, ici, sont nombreux les lieux où murmure le passé. Parce que les cultures indigènes nous rappellent que nous appartenons à un monde que nous avons trop longtemps cru pouvoir posséder, elles deviennent nos guides vers une nouvelle façon de le parcourir et de s’y rattacher.

Sur la route du Hawai’i Volcanoes National Park.
Tout au nord de Big Island, les falaises abruptes, bordées par le Pacifique, de la majestueuse Pololū Valley.

Mieux que d’être les simples observateurs des lieux que nous visitons, nous devenons les participants à ce qui s’y manifeste. Concept réaffirmé à travers la renaissance de la culture polynésienne, le tabou vient questionner notre ancienne façon de voyager dans le monde et nous en o re une autre, plus précieuse et plus respectueuse en retour. Nous commençons d’apprendre qu’il y a des limites à ne pas dépasser et qu’en certaines circonstances, il est propice et raisonné de savoir ne pas aller plus loin.

Au sommet du Mauna Kea, troisième volcan de l’île, plus haut sommet du Paci que, un panneau précédé du mot Aloha nous invite, parce que le lieu, nous dit-on, possède “une signi cation historique, culturelle et environnementale”, à ne pas pousser notre randonnée jusqu’à l’ultime point sommital, à laisser celui-ci nu, infréquenté, par respect pour l’importance spirituelle qu’il revêt aux yeux de la culture locale.

Au pied du Pu’ukohola Heiau, massif et imposant édi ce de pierres soigneusement empilées sur plusieurs mètres de haut, le plus majestueux de l’archipel, deux perches aux extrémités dissimulées d’un linge blanc se croisent à la base même du mur pour en barrer le toucher, évitant aux amateurs de sel es de profaner la sacralité d’un lieu où les rangers du parc conseillent : “Leave no trace” (“Ne laissez pas de traces”). En surplomb de la vallée de Waipi’o, joyau de l’île, béance naturelle ouverte sur l’océan dans l’écrin des immenses falaises verdoyantes

qui l’encadrent, on apprend qu’il nous faudra l’admirer d’en haut, la mirer, la deviner, la rêver, écouter le lointain bruissement de sa rivière née d’une cascade miroitante, mais ne plus y descendre. Par respect pour la faune et la ore, le calme et le silence, l’esprit du lieu à ne plus déranger, cet atout touristique est devenu sanctuaire et la route est fermée. À chaque fois, renoncer peut se transformer en un véritable plaisir fait pour la satisfaction et l’enrichissement du voyageur. On ne renonce pas au nom du seul respect d’une culture locale mais bien plutôt pour s’inscrire en elle, l’honorer, en devenir l’élément étranger qui contribue à sa préservation.

Et parce qu’après tout, voyageant, il est bien légitime de pro ter de la beauté des lieux, au nord de la vallée de Waipi’o, sans route pour y descendre mais accessible par un sentier à peine escarpé, c’est la vallée de Pololū qui nous o rira un charme équivalent, protégé, lui, parce qu’il se mérite. Pareillement, c’est à Makalawena, au nord de Kona qu’on trouvera une idyllique plage de sable blanc quasi déserte et bordée d’élégants cocotiers enchâssés dans les blocs de lave. Parce que seulement accessible aux marcheurs, elle aussi se mérite, ne s’o rant qu’aux partisans d’un relativement court et agréable e ort.

Et, s’il n’avait pas fallu les mêmes qualités de marcheur le long d’un sentier à peine tracé dans la forêt, puis dans les herbes hautes, pour accéder aux pétroglyphes de

Puakō, émouvantes œuvres rupestres gravées à même la dalle basaltique, celles-ci traduiraient-elles la même magie, la même poésie, la même force ? Sentirait-on exsuder d’elles le même mana si la marche qui précède n’avait réglé nos pas à ce rythme ancestral si favorable à la révélation ? Parce que l’on aura donné privilège au matin tôt pour accéder aux sites culturels et historiques et à la marche à pied pour découvrir la beauté de lieux préservés, et parce que l’on aura accepté que tout ne soit pas livré à l’insatiable appétit de nos curiosités, ces secrets du voyageur auront conditionné le voyage. Parcourant l’Hawai’i des temps modernes en pratiquant la sagesse de l’Hawai’i des temps anciens, on pourra alors èrement se réclamer adepte du précepte qui nous rappelle : “Inā mālama ’oe i ka ’āina, mālama no ka ’āina iā oe”. “Si tu prends soin de la Terre, la Terre prendra soin de toi.”

Dernier ouvrage paru de Maurice Rebeix, L’Esprit ensauvagé (Albin Michel, 2022), un panorama de ré exions inspirées de la pensée des peuples premiers.

Les essentiels

1 Le bon moment: de mars à juillet! Moins de longs épisodes pluvieux, pas encore de très fortes chaleurs et une faible affluence touristique.

2Y aller: vol Paris-Honolulu avec Air France, via Los Angeles ou San Francisco (durée d’environ 18 heures, transit et douane inclus).

3 Budget : 16 jours à partir de 5800 € par personne, incluant vols (international et inter-îles), 13 nuits en chambre double, bungalow et studio, location de voiture (14 jours en tout), visite privée du parc national des Volcans d’Hawai’i, wifi nomade et carnet de voyage.

L’INCONTOURNABLE

LEVER DE SOLEIL SUR LE CRATÈRE DU KILAUEA

La veille, vous aurez récupéré via la conciergerie Voyageurs du Monde les renseignements sur la situation en cours transmis par les rangers du Hawai’i Volcanoes National Park (accès, météo, etc.). L’arrivée se fera à la nuit, chaudement vêtu, avec gourde d’eau et lampe torche, sur le parking de la Devastation Trail. De là, il faudra emprunter à pied l’ancien Crater Rim Drive, désormais fermé aux voitures. Plus loin, sur la droite, un sentier marqué mènera au bord du cratère. Si la météo est clémente et que la matinée est sans brume, le lever de soleil sera majestueux.

2 jours en plus

Maui Idéale en extension de Mainland, elle se suffit également à elle-même et peut faire l’objet d’un voyage à part entière. Sans doute parce qu’elle regroupe tout ce que l’on attend d’Hawai’i : des petites bourgades typiques (Paia, Makawao), des volcans (Haleakala), des chutes d’eau, des routes panoramiques, des activités telles que le snorkeling, l’observation des baleines en saison ou la pratique du canot traditionnel… Une valeur sûre!

Why now ?

3 BONNES RAISONS DE PARTIR

1

Une nature toute-puissante Activité volcanique et végétation endémique font d’Hawai’i une destination unique. Étrangement peu connue, elle attise toutes les curiosités.

2

L’association des plaisirs balnéaires (activités nautiques, snorkeling, plages de sable fin) et d’une culture locale très marquée (traditions polynésiennes, etc.).

3

Le Kaloko-Honokōhau

National Historical Park Un site archéologique classé où voir des “murs immergés” et des pièges à poissons construits par les anciens. Le lieu est aussi prisé des tortues!

CARBONE DIMINUÉ ET 100 % ABSORBÉ

Pour lutter contre le réchauffement climatique, Voyageurs du Monde participe à des projets de reforestation qui permettent la totale absorption carbone sur l’ensemble de ses voyages.

3 tips

PARTAGÉS PAR NOS SPÉCIALISTES D’HAWAI’I

Papakōlea Green Sand Beach_ C’est l’une des quatre seules plages de sable vert au monde. Une couleur due à la présence d’olivine volcanique. Située à l’est de la pointe sud de l’île, elle est accessible à pied ou en 4x4 uniquement. À voir absolument!

Holualoa_ Ce petit village pittoresque se trouve à dix minutes au sud de Kona. À visiter pour son architecture typique, ses galeries d’art, ses champs de cannes à sucre, mais surtout la culture d’un café au goût exceptionnel.

Akaka Falls State Park_ Une majestueuse cascade, doublée d’une seconde, plus secrète. Toutes deux cachées au milieu d’une jungle exubérante, à trente minutes au nord de Hilo, il est conseillé de s’y rendre le matin, à l’ouverture.

L’EXPRESSION

“Mahalo Nui Loa!”

“Merci beaucoup!” : plus que de la courtoisie, il y a de la gentillesse dans l’esprit d’Aloha Quelques mots prononcés dans cette langue seront la démonstration des égards qu’on témoigne à la culture locale.

MÉMO

VOYAGEURS À HAWAI’I

LES CONSEILLERS Une dizaine de spécialistes couvrent l’ensemble de la zone, répartis entre la France et le Canada. Ils sont secondés par une conciergerie précieuse, joignable par messagerie instantanée et téléphone (basée à New York, elle est disponible de 4 h à 16 h, du fait du décalage horaire).

UN LIKE A FRIEND AU TOP En plus de ses qualités d’écoute, de sa réactivité et de sa capacité à répondre aux exigences de nos voyageurs, Philippe Nault a un savoir volcanologique poussé. Très instruit, il prend plaisir à mixer ses connaissances aux légendes et à la culture hawaïenne.

L’EXCLU VOYAGEURS Votre métier, vos hobbies votre dernière passion comme fil rouge… Nos conseillers peuvent organiser des rencontres personnalisées et des visites exclusives de certains lieux pour créer un voyage qui vous ressemble.

CONTACTEZ UN CONSEILLER SPÉCIALISTE D’HAWAI’I AU 01 84 17 57 96 (ligne directe).

Longtemps bâillonnées, les cultures indigènes des continents sud et nordaméricains, héritages des premières civilisations de la Mésoamérique, s’expriment haut et fort. Art, spiritualité, cinéma, mode, food, sport… : les talents se multiplient tous azimuts, sou ant une inspiration à la fois contemporaine et ancrée à de profondes racines. Euphorisant.

DOSSIER RÉALISÉ PAR BAPTISTE BRIAND

DES

L’ÉTINCELLE NATIVES

Les yidiiltoo (tatouages faciaux) de la top Quannah Rose Chasinghorse-Potts, qui milite pour la défense de l’environnement et des peuples de l’Arctique.

La marque Les Jesus réinvente les codes de la broderie traditionnelle mexicaine.

MODE

New faces

De la forêt amazonienne de Rondônia aux catwalks new-yorkais, la Brésilienne Zaya Guarani s’est frayé un chemin parmi les tops en devenir. Dans ce regard fier et profond qui perce les pages du Vogue Brésil s’affiche la détermination d’une activiste qui utilise sa notoriété pour braquer les projecteurs sur les problématiques de droits des terres, auxquelles sont confrontées les ethnies dont elle est issue –Kamurape et Guarani Mbya–, mais aussi de déforestation et plus globalement de climat qui en découlent.Aux États-Unis, Quannah Rose Chasinghorse-Potts, elle aussi mannequin de la génération Z, s’inscrit dans une démarche identique. Descendante des Hän Hwëch’in (“peuple de la rivière”) en Alaska et des Sicangu/Oglala Lakota (Dakota du Sud), la jeune femme ne se contente pas d’afficher ses yidiiltoo (tatouages faciaux) dans les grandes campagnes publicitaires. Elle fait résonner sa voix (près de 600 k followers sur Instagram) pour la défense de l’environnement et des peuples de l’Arctique. Loin de l’épiphénomène, l’émergence de ces news faces indigènes accompagne une tendance du secteur très inspiré par les peuples autochtones. Un réflexe déjà constaté chez certains acteurs flirtant parfois avec l’appropriation culturelle (en 2019, les Indiens Kuna du Panama avaient obtenu de Nike le retrait d’une basket sur laquelle était imprimé un dessin mola appartenant à leur ethnie). Heureusement, ces dernières années, une révolution de l’intérieur est menée par des créateurs locaux. Exemple au Mexique, avec le duo Les Jesus (Gabriel Brandon-Hanson et Jesús Herrera), qui porte un regard débridé sur la broderie traditionnelle, sans jamais perdre le fil de son histoire. Remarquée également: la créatrice brésilienne Flavia Aranha, pour son application raffinée des techniques ancestrales de teintures végétales.

Le mannequin et activiste environnementale Zaya Guarani.

© Mathieu Richer Mamousse, Molly Berry, Johnson Lui

Les préparations délicates et préhispaniques de la cheffe guatémaltèque Debora Fadul.

2. FOOD

À la recherche du goût ancestral

Et si le meilleur moyen de voyager dans le temps se résumait à un tubercule ? C’est en tout cas ce qui se mijote sur les hauts plateaux andins, aux abords du site archéologique inca de Moray, au Pérou. Alors que son rôle entre laboratoire agricole et lieu de cérémonie n’est pas tout à fait établi, le centre de recherches Mater Iniciativa creuse dans une même direction. Élaboré sur place par Virgilio Martínez et sa femme Pía León , les deux étoiles filantes de la gastronomie nationale, le lieu décortique, avec l’aide des communautés locales, les ingrédients de la cuisine ancestrale (plantes, légumes, champignons…).

Servis par de très variés biotopes, ils en extraient une interprétation contemporaine d’une profondeur inouïe. Classée en tête du World’s 50 Best Restaurants en 2023 (une première pour l’Amérique latine), Central, l’une de leurs adresses de Lima, consacre cette gastronomie archéologique. Longtemps ignoré, le parfum de ces ingrédients préhispaniques ressuscités flotte également au Guatemala, où des chefs, telle Debora Fadul (restaurant Diacá), voient dans les recettes de leurs ancêtres la meilleure définition d’un goût naturellement durable, basé sur des produits locaux. Le Mexique, lui, réhabilite les chinampas, ces potagers et vergers flottants inventés par les Aztèques. Baignés par l’écosystème lacustre de Xochimilco, nourris par une eau riche en substrats volcaniques, ces jardins sont basés sur une permaculture triangulaire entre maïs, haricots et courges. Un petit miracle qui se retrouve dans l’assiette des top-chefs mexicains du moment Xchel Chonzález , Elena Reygadas , Enrique Olvera ou encore Jorge Vallejo

ART

Création & mémoire

S’ILS N’ONT JAMAIS CESSÉ D’EXISTER, LES ARTS INDIGÈNES GAGNENT

AUJOURD’HUI EN VISIBILITÉ. AINSI, PAR EXEMPLE, DU BRÉSIL ET DU MUSÉE DES CULTURES INDIGÈNES DE SÃO PAULO OUVERT FIN 2022, MAIS AUSSI DU MASP, TEMPLE DE L’ART CONTEMPORAIN, QUI A ORGANISÉ EN 2024 UNE GRANDE EXPOSITION COLLECTIVE INTITULÉE HISTOIRES AUTOCHTONES

Sculpture. Après les cubes de ciment de l’Argentin César Paternosto, évoquant le Machu Picchu, les lignes du Mexicain Pedro Reyes s’inspirent du langage et des symboles préhispaniques. Ses œuvres présentées de New York à Los Angeles portent toutes un nom en nahualt . Aux États-Unis, Rose B. Simpson sculpte, elle, l’argile du Santa Clara Pueblo, au nord de Santa Fe, mais à la place des poteries indiennes de sa grand-mère elle façonne des bustes, inspirés par son passage à l’école de design de Rhode Island.

Peinture. Sans abandonner la représentation symbolique, à l’image des kéné – dessins géométriques symétriques–, d’artistes de la communauté amazonienne ShipiboKonibo, telles Celia Vasquez Yui et Sara Flores représentées à New York et Paris, la peinture indigène investit désormais l’art contemporain. Il faut voir les travaux du Brésilien Jarbas Lopes (disparu en 2021), reconnu pour ses œuvres conceptuelles, ou encore l’univers féminin de la Mexicaine Hilda Palafox, aka Poni, remarquée en 2023 à l’Art Basel de Miami, dont la thématique des tresses rappelle l’importance des cheveux chez les Mayas.

Tissage. Véritable fil d’Ariane entre les communautés indigènes des continents sud et nord-américains, le tissage exprime dorénavant leurs racines et leurs territoires par le prisme de créateurs contemporains tels Jeffrey Gibson, d’origine Cherokee (premier artiste autochtone à exposer en solo dans le Pavillon américain à la biennale de Venise 2024), à mi-chemin entre le perlage traditionnel, le travail du métal et la peinture abstraite. Melissa Cody, qui se définit comme “tisseuse Navajo de la cinquième génération”, mixe un style traditionnel “Germantown Revival” avec l’univers des jeux vidéo des années 1980 où elle a grandi. Enfin, au printemps 2024, l’Islaa (Institut d’études de l’art d’Amérique latine), basé à New York, présentait une vaste exposition, Threads to the South, réunissant une vingtaine d’artistes sudaméricains, dont la Péruvienne Cristina Flores Pescorán et ses étonnants drapés, exposés de Vancouver à Madrid.

Pedro Reyes, Totem (Huehueteotl), 2021.

Reyes
Hilda Palafox, Florecer, 2021.

DESIGN Avoir la fibre naturelle

Le maïs remplacera-t-il le plastique ? Au Mexique, l’épi vénéré par les civilisations aztèque et maya sert le design contemporain. Cinq designers se sont ainsi intéressés aux possibles applications de différents matériaux naturels. À l’étude également, des processus de conception et de réalisation qui aient un impact positif sur les communautés locales. Pour réaliser son projet Articles of Protection, Taina Campos a ainsi travaillé avec une association communautaire de femmes victimes de violences conjugales, Mujeres de la Tierra, pour transformer les rebuts des récoltes de plants de maïs en lunch-box et en sacs De son côté, Gabriel Calvillo a initié une collaboration étonnante avec… des abeilles. Un insecte qui dans la spiritualité maya précède l’origine du temps. À partir d’une structure de ruche conçue par le designer, les ouvrières Melipona, une espèce inoffensive présente au Yucatán, façonnent de petits objets en cire. Dans l’État de Jalisco, Paloma Morán Palomar renoue quant à elle avec une technique traditionnelle de tissage des fibres de tamarin. De la même manière, en Colombie, Lucia Echavarría s’inspire des techniques ancestrales d’une dizaine de régions, transformant notamment les feuilles de palmiers d’Iraca en mobilier contemporain. En racontant l’histoire et les croyances, dans les luminaires de l’atelier mexicain Mestiz, ces jeunes créateurs préservent la culture de leurs ancêtres. Une architecte et une anthropologue londoniennes vont encore un peu plus loin, en retranscrivant dans un étrange objet 3D, les impulsions de la langue amazonienne tariana, menacée d’extinction.

Le mobilier contemporain en feuilles de palmiers signé Lucia Echavarría (Colombie).

Maison by Lucia Echavarría, Taina Campos, Lørdag & Søndag
Une création du projet Articles of Protection de Taina Campos (Mexique).
Les pièces en marbre noir de Puebla, sculptées à la main, par le collectif Lørdag & Søndag (Mexique).
L’univers de l’atelier Mestiz (Mexique).

CINÉMA

D’autres regards

L’expression “crever l’écran” n’a jamais eu autant de résonance. Si la cérémonie des Oscars 2024 a une fois de plus tourné le dos au réalisateur Martin Scorsese, son film Killers of the Flower Moon (retraçant l’assassinat de plusieurs membres de la tribu des Osages, dans les années 1920) a eu le mérite de confirmer le talent de Lily Gladstone. Première Amérindienne à être nominée dans l’histoire de la cérémonie phare des États-Unis, l’actrice a grandi dans une réserve des Blackfeet, au nordouest du Montana. Révélée en 2016 par Certain Women de Kelly Reichardt, elle est la figure de proue d’une génération à laquelle le cinéma américain ne ferme plus la porte.

Au contraire. Le Wall Street Journal ose même parler d’un “boom des projets de premier plan autour d’acteurs amérindiens” évoquant la série phénomène Reservation Dogs qui a révélé la jeune Paulina Alexis, elle-même née dans une réserve de l’Alberta, au Canada. Le géant Marvel suit le mouvement en offrant à l’actrice Menominee/ Mohican Alaqua Cox, un rôle-leader de superhéroïne dans sa minisérie Echo Autre exemple percutant, Kali Reis , championne du monde de boxe, originaire des Northeast Woodlands, descendante des tribus Cherokee, Nipmuc et Seaconke Wampanoag, qui partage avec brio la saison 4 de True Detective aux côtés de Jodie Foster.

Précurseur, le cinéma mexicain propulsait dès 2018 l’actrice Yalitza Aparicio d’ascendance mixtèque, aux premières loges de Roma , d’Alfonso Cuarón, un film quatre fois récompensé aux Oscars. “Nous ne sommes pas vraiment de nouveaux visages, rappelait-elle alors au magazine Elle Mexique. Nous avons toujours existé. Heureusement, nous sommes là et nous pouvons produire un changement, amener les gens à comprendre peu à peu.”

Lily Gladstone, fascinante dans Killers of the Flower Moon (2023) de Martin Scorsese.

Parmi les sports qui feront leur retour aux jeux Olympiques de Los Angeles en 2028, la crosse – sorte de hockey sur gazon, particulièrement populaire outre-Atlantique, puise ses origines chez les Amérindiens. L’équipe de la Confédération haudenosaunee, réunissant sixethnies (Cayuga, Mohawk, Onneiout, Onondaga, Seneca et Tuscarora), reste l’une des plus performantes au monde. Pourtant sa participation à une compétition par nation dépend encore de sa reconnaissance comme telle par le Comité international olympique, qui pourrait se montrer conciliant. Une première hautement symbolique pour un sport qui porte sur le terrain la lutte identitaire des peuples amérindiens. “Citius, Altius, Fortius…” (devise officielle des JO à traduire par “Plus vite, plus haut, plus fort…”).

Le monde de la course à pied , regarde lui vers les hauteurs de la Sierra Madre, au Mexique. Là, dans les canyons des Barrancas del Cobre, dans l’État de Chihuahua, vit une tribu, les Rarámuri (“peuple qui court”), renommée Tarahumaras par les premiers missionnaires. Des athlètes exceptionnels capables de parcourir chaque jour jusqu’à douze marathons à travers la montagne par 50°C, en sandales et en pagne! Ce qui ressemble à une légende est en réalité une microsociété qui fascine tant par ses qualités physiques que son organisation (relire le drolatique Born to Run de Christopher McDougall).

Autre phénomène dégringolant de l’Altiplano sur les réseaux: les Cholitas de l’extrême. Reconnaissables à leur tenue composée de jupons superposés (polleras) , d’un châle et d’un chapeau melon, les Indiennes Aymara, habitantes des campagnes de Bolivie, ont longtemps été ostracisées. Aujourd’hui, elles arborent non seulement avec fierté le costume qui les lie à leur culture, mais certaines d’entre elles créent la surprise en gravissant ainsi vêtues, l’Aconcagua, plus haut sommet andin, (voir le documentaire réalisé en 2019 par Jaime Murciego et Pablo Iraburu) ou en investissant les skate-parks de La Paz. Symbole de contre-culture par excellence, le skateboard s’affirme dans les communautés natives, notamment dans la réserve Navajo de Tuba City, en Arizona.

6.

ARCHI 7.

Entre les lignes

Sur une colline de Los Feliz, quartier prisé de Los Angeles, trône une villa aux airs de temple maya. Réalisée en 1924 par Frank Lloyd Wright, la Ennis House est emblématique du style néo-maya qui enflamme alors la Californie. Après le cinéma, la danse, la musique, la littérature, l’architecture moderne puise elle aussi l’inspiration à Uxmal, Chichen-Itza et Mitla, taillant des édifices taillés en bloc à la géométrie complexe et aux motifs variés. Robert Stacy-Judd en est l’un des chefs de file avec son mythique Aztec Hotel. Un siècle plus tard, si la fièvre s’est éteinte en Californie, les pays mésoaméricains se réapproprient l’architecture de leurs ancêtres. Exemple spectaculaire au Mexique, avec El Nido de Quetzalcóatl de Javier Senosiain, immeuble organique voué à la divinité aztèque mi-oiseau, mi-serpent. À Mérida, haut lieu de l’héritage maya, l’architecte français Ludwig Godefroy, lui, taille de sa patte brutaliste la spectaculaire Casa Dzul. Autre illustration au Chili, dans le travail d’Alejandro Aravena, prix Pritzker 2016, à Santiago (Centre d’innovation UC) ou de Guillermo Acuña sur l’île de Chiloé, tous deux très inspirés par les techniques vernaculaires. Car, au-delà de l’esthétisme (voir en Bolivie le travail flamboyant de Freddy Mamani), les techniques ancestrales, dont la ventilation naturelle, répondent très bien aux défis actuels. Au Chili toujours, Eliseo Huncho met en lumière depuis des décennies l’architecture des premiers peuples du pays, Aymara et Mapuche, et le rôle de ses formes circulaires dans la cohésion sociale. Le Trawupeyüm Intercultural Village, réalisé à Curarrehue, permet d’en faire l’expérience.

© J asson Ro drigue z
La Casa Dzul, à Mérida : un hommage brutaliste à l’héritage maya.

NATURE

Back to the roots

BAINS DE FORÊT, RETRAITES “OFF THE GRID”, ÉTUDES ANIMALIÈRES: CETTE NOUVELLE QUÊTE DU SAUVAGE S’INSPIRE DE CULTURES QUI ONT TOUJOURS ENTRETENU UNE RELATION VERTUEUSE AVEC CELLE QUE LA CIVILISATION PRÉ-INCA TIWANAKU NOMMAIT DÉJÀ “PACHAMAMA”, LA TERRE-MÈRE. UN DÉSIR NATUREL QUI S’EXPRIME NOTAMMENT PAR DES PROJETS OÙ LA RÈGLE N’EST PLUS L’ANTHROPOCENTRISME.

Immensité patagone. Doug Tompkins, cofondateur de la marque outdoor The North Face disparu en 2015, et sa femme Kristine McDivitt Tompkins sont à l’origine d’un immense projet de conservation naturelle au Chili et en Argentine. En transformant des centaines de milliers de kilomètres carrés en parcs nationaux, le Tompkins Conservation participe au “réensauvagement” du continent et à la survie des communautés (voir le documentaire Les Tompkins: une vie pour la nature, sorti en 2023).

Vert Brésil. Après le chaos bolsonaresque, le pays met cap au vert. Le gouvernement de Lula multiplie les signes, avec la création d’un ministère des Peuples autochtones piloté par l’activiste Sônia Guajajara et un projet de fonds international destiné à préserver les forêts tropicales. Sur le terrain émergent de nouvelles figures militantes, dont la jeune Txai Suruí, membre d’une communauté autochtone du Rondônia, nommée parmi les cent personnalités les plus influentes de 2023 par le magazine américain Time

Ô jardin ! Entre les cactus endémiques du jardin ethnobotanique de Oaxaca, initié par le peintre Francisco Toledo, les temples du parc de Las Pozas, imaginé par le poète Edward James comme une réminiscence surréaliste maya, les maisons de Luis Barragán, où le jardin joue un rôle central, le Mexique rappelle que l’humain est une plante parmi les autres.

Drôles d’oiseaux. Observer, photographier, écouter. Le birding a le vent poupe. En Colombie, le bioacousticien Benjamin Gottesman et le compositeur Alejandro Bernal ont créé une symphonie à partir d’enregistrements de chants d’oiseaux : El Canto vuela, une ode à la biodiversité du pays.

SPIRITUALITÉ

L’esprit du jaguar

LONGTEMPS CONSIDÉRÉES COMME OCCULTES, LES SPIRITUALITÉS INDIGÈNES ET LES RITES QUI Y SONT LIÉS TROUVENT DE PLUS EN PLUS D’ÉCOUTE DANS NOS SOCIÉTÉS DITES “CIVILISÉES”. COMME SI, DANS UN MONDE QUI TANGUE, ET FACE AUX DÉFIS ENVIRONNEMENTAUX, NOS ESPRITS CARTÉSIENS S’OUVRAIENT À D’AUTRES FAÇONS DE PENSER, DE COMMUNIQUER, DE COEXISTER.

Voyages chamaniques

Dans les cultures animistes, le chaman tient un rôle crucial. Intermédiaire entre le monde invisible, celui des esprits, de la nature, et celui des profanes. D’ordinaire consulté par un cercle proche, un village et ses environs, ces guérisseurs, hommes et femmes, reçoivent dorénavant des voyageurs venus de bien plus loin. Au Mexique , sur le site archéologique de Teotihuacan, on consulte un chaman qui, comme ses ancêtres aztèques, utilise la pierre d’obsidienne pour soigner vos énergies. En Bolivie, le yatiri évalue votre chance et, au besoin, vous réconcilie avec les divinités. Au Guatemala, sur les rives du lac Atitlán, l’ ajq’ij guide les séances de divinations au cours desquelles il ou elle interprète le calendrier maya: la lecture du nawal (l’énergie liée à votre jour de naissance), à travers celle des titze (petits haricots rouges), oriente alors votre chemin personnel.

Le pouvoir des plantes Utilisées depuis des millénaires dans les rituels chamaniques, les plantes et les champignons hallucinogènes ont fait couler beaucoup d’encre. Parmi eux, le peyotl , petit cactus présent au Mexique et dans le sud des États-Unis. Des végétaux sacralisés par les peuples autochtones, la plus célèbre reste sans doute l’ayahuasca. Cette liane poussant dans l’ouest du bassin amazonien – au Pérou, notamment, qui a classé ses usages au patrimoine culturel en 2008 –est au centre de la culture d’une centaine de peuples amazoniens. La décoction obtenue à partir de la psychotria viridis est ingérée à des fins thérapeutiques, mais aussi d’introspection et de créativité. Hier terrain d’exploration d’une poignée d’illuminés, des écrivains de la Beat Generation (William S.Burroughs, Allen Ginsberg) au réalisateur Jan Kounen qui depuis vingt-cinqans y consacre films et ouvrages, la “liane des morts” est l’objet de conférences internationales et d’expositions dans de grands musées.

WELLNESS

Droit au cœur

LA QUÊTE DE SENS, LA VOLONTÉ DEGUÉRIR SES TRAUMATISMES, PETITS ET GRANDS, PHYSIQUES ET SPIRITUELS, AMÈNENT À PRÊTER UNE OREILLE ATTENTIVE AUX PRATIQUES ANCESTRALES DES PEUPLES NATIFS. TROQUER LE DIVAN POUR LA JUNGLE, LA PHARMACOPÉE TRADITIONNELLE POUR CELLE DE LA CANOPÉE, SE LAISSER ÉCLAIRER PAR UNE VISION ANIMISTE QUI INVITE À SE RECONNECTER À SA NATURE PROFONDE: UNE DÉMARCHE DE PLUS EN PLUS RECHERCHÉE.

Temazcal. La cérémonie du temazcal , souvent désigné comme la version maya du sauna, dépasse largement la dimension physique. Certes, prendre place, en groupe, dans le temazcalli , la hutte de pierres chaudes, active la sudation et purifie le corps des toxines. Mais ce rituel guidé par un ou une chamane a une dimension émotionnelle et spirituelle nourrie des quatre éléments : l’eau, la terre, le feu et l’air. Les communautés amérindiennes pratiquent une cérémonie similaire appelée l’inipi

Sound Healing. Pas de rituels sans chants ni musique. Suivre le rythme des percussions –pour atteindre un niveau de conscience particulier mais aussi pour se soigner– est une pratique commune à l’ensemble des peuples natifs. À écouter attentivement, le travail documentaire des Français Priscilla Telmon et Vincent Moon (collection Petites Planètes) déjà présenté au MoMA de New York et au Barbican de Londres.

Cérémonie du cacao. On connaissait l’effet du chocolat sur les endorphines, hormones du plaisir. Sa forme brute, le cacao, a d’autres vertus. Originellement pratiqué par les Mayas pour se connecter à l’ inframundo (le monde des esprits), le rituel du cacao fait des adeptes. Une expérience collective destinée à libérer ses émotions, à connecter son cœur à la nature. Spoiler : le goût ultra amer du cacao pur n’a rien d’un carré de grand cru.

FLEUVE NOURRICIER S’IL EN EST, LE MÉKONG CONSTITUE UN CADRE À LA FOIS ÉVOCATEUR ET ANIMÉ. MARCHÉS FLOTTANTS, VILLAGES SUR PILOTIS ET PLAINES IRRIGUÉES DÉDIÉES À LA CULTURE DU RIZ EN SONT LES PRINCIPAUX COMPOSANTS. DU VIETNAM AU CAMBODGE, D’HÔ CHI MINH-VILLE À ANGKOR, L’ÉLÉMENT EAU EST OMNIPRÉSENT. UNE VIE AQUATIQUE DANS LAQUELLE PLONGER À CORPS PERDU, TELS DES HÉROS DURASSIENS, LES PIEDS BIEN ANCRÉS SUR TERRE.

MONSOON’S MEKONG

TEXTE BAPTISTE BRIAND

PHOTOS OLIVIER ROMANO

Le ciel gronde au-dessus des cocotiers de Bên Tre. Dernier roulement de tambours annonçant l’arrivée imminente de “l’ombre des nuages” comme l’appellent avec poésie les Vietnamiens. Premières gouttes de la journée sur le delta du Mékong. Grosses, chaudes, abondantes, elles frappent le sol, exhalant ce parfum végétal, terreux et intense sur lequel la science pose un nom – le pétrichor – bien trop râpeux pour la sensation qu’il procure. L’e et enthousiasmant des molécules libérées est, lui, universel. Encore plus agrant ici, lorsque l’averse rafraîchit une virée à vélo sur l’île de Son Phu, qu’elle exalte les e uves de fruits sur les marchés ottants de Châu Dôc, à la frontière cambodgienne.

Relier Vietnam et Cambodge en un même voyage, durant la mousson, semble d’une évidence aussi limpide que l’eau du Mékong est troublée d’alluvions, aussi uide que le ballet des mobylettes d’Hô Chi Minh-Ville. Arrosant l’Asie du Sud-Est de juin à octobre, ces pluies sont essentielles à la culture du riz, l’autre pilier, comme au cours des euves, et à celui de la vie. Omniprésente dans la religion bouddhiste, l’eau des coupelles asperge les fronts et nettoie les âmes dans les pagodes du mont Sam, elle soigne le feu intérieur au même titre que brûler un bâton d’encens apportera la bonne fortune aux êtres aimés.

À Angkor, au Cambodge, on découvre l’importance de l’ingénieux réseau hydraulique et son rôle crucial dans l’émergence et le crépuscule de la cité khmère. Lors de la Fête de l’eau, le feu et l’eau sont réunis en une même o rande : le prâtip, une embarcation miniature en bananier façonnée en forme de eur de lotus et lancée au gré du courant pour remercier les divinités. Le voyageur, lui, ne se fera pas prier pour suivre le ow de l’eau.

Dans les ruelles du quartier chinois de Cholon, à Hô Chi Minh-Ville.
C’est dans cette maison familiale de Cân Tho, construite en 1870, que le film L’Amant, d’après le roman de Marguerite Duras, fut tourné en 1992. Entretenue et conservée intacte, elle accueille toujours de nombreux visiteurs.
Au Vietnam, la petite ville de Châu Dôc est une destination phare pour flâner aux abords du Mékong. Frontalière du Cambodge, elle constitue également une belle porte d’entrée pour le “pays du sourire”.

Les essentiels

1 Le bon moment: en juin-juillet, début de la mousson, les averses sont là mais de courte durée, rafraîchissant les 30 degrés ambiants. Si vous fuyez la chaleur humide, préférez octobre.

2Y aller: avec Air France, vol direct Paris–Hô Chi Minh-Ville (durée d’environ 12 heures).

3Bon à savoir : patience, le passage de frontière est une expérience. Obtenir le sésame peut prendre deux heures, mais c’est un authentique moment de vie locale.

4Budget : 13 jours à partir de 3600 € par personne, incluant vols, hébergements, transports, visites privées.

L’INCONTOURNABLE

MEKONG HOME

Posée à l’embouchure des deux plus grands bras du Mékong, à Bên Tre, cette adresse familiale composée de deux poignées de bungalows semés dans un jardin luxuriant constitue un agréable cocon végétal. Toits de chaume, moustiquaires et hamacs, petit bassin, vélos à disposition pour explorer les environs, et sorties sur le Mékong depuis le bout du jardin. Un air d’éden, renforcé par une cuisine fraîche et savoureuse.

2 jours en plus

Au Cambodge Après le choc architectural de Siem Reap, direction le lac Tonlé Sap, prolongement logique à un voyage lacustre. Puis, les villes agréables de Battambang et aussi de Kampot, pour sa douceur de vivre, ses façades coloniales, sans oublier son fameux poivre.

3 tips À VIVRE À HÔ CHI MINH-VILLE

Cholon en privé_Le quartier chinois est un incontournable. Pagodes, échoppes traditionnelles, marché aux multiples saveurs : un voyage dans le voyage.

Love is in the air_Le fantôme de L’Amant de Marguerite Duras flotte aux terrasses des hôtels Art déco. À Binh Thuy, visitez la maison du XIXe siècle qui servit le tournage du film de Jean-Jacques Annaud. Un Vietnam passionné.

Why now ?

3 BONNES RAISONS DE PARTIR

1

Le calme

Depuis la crise sanitaire, le tourisme du Sud-Est asiatique n’a jamais retrouvé son pic. Privilège inestimable de partager les célèbres temples d’Angkor Thom et Angkor Vat avec peu de monde.

2

La sérénité

L’indéfectible effet du bouddhisme et des cultures asiatiques sur nos esprits occidentaux chahutés. Une formidable respiration.

3

Hors-radars

Combiner le SudVietnam – région la moins visitée du pays et desservie par vol direct –avec le Cambodge couvre l’ensemble du prisme asiatique: villes animées, campagnes tropicales, sites culturels majeurs, jusqu’à la plage (plutôt en hiver).

CARBONE DIMINUÉ ET 100 % ABSORBÉ

Pour lutter contre le réchauffement climatique, Voyageurs du Monde participe à des projets de reforestation qui permettent la totale absorption carbone sur l’ensemble de ses voyages.

Fast-food_Accrochez-vous, votre guide d’un soir vous propose une virée gustative en scooter. Entrée, plat, dessert : à chaque stade, une nouvelle adresse. Vous êtes plutôt haute gastronomie ou speakeasy? La virée s’adapte à vos goûts.

LE CHIFFRE

4350 km

Le fleuve Mékong, quatrième plus long d’Asie, prend sa source en Himalaya, traverse la Chine, la Birmanie, le Laos, la Thaïlande, le Cambodge et le Vietnam, où il se divise en neuf bras (les Neuf Dragons) alimentant son delta.

MÉMO

VOYAGEURS AU VIETNAM & AU CAMBODGE LES CONSEILLERS Spécialistes par zones géographiques de chaque pays, certains en sont originaires, d’autres y ont vécu : ces passionnés ont tissé un solide réseau local qui leur ouvre un accès direct aux meilleures adresses, et permet d’organiser des expériences uniques, selon vos envies.

LA CONCIERGERIE FRANCOPHONE Disponible en permanence, l’équipe conciergerie de chaque pays vous assiste à la demande : trouver le bon herboriste de Cholon, un dentiste à Bên Tre, les meilleures adresses street-food de Châu Dôc, rencontrer un photographe à Angkor…

L’EXCLU VOYAGEURS Suggérer, s’adapter, rebondir : soucieux d’aller toujours plus loin dans la personnalisation de votre voyage, Voyageurs du Monde lance le “voyage désorganisé” : une façon d’improviser en direct l’itinéraire, les hébergements et les expériences selon vos envies et votre ressenti à l’instant T.

CONTACTEZ UN CONSEILLER SPÉCIALISTE DU VIETNAM AU 01 84 17 19 46, DU CAMBODGE AU 01 83 64 79 43 (lignes directes).

À Siem Reap, à quelques kilomètres d’Angkor Vat, le temple Ta Prohm (XIIe siècle) surgit de la jungle.

LES NOUVEAUX HÔTELS 2025

SÉLECTIONNÉS PAR LES DIRECTEURS DE DESTINATIONS

VOYAGEURS DU MONDE

TOUT CHAUD

Tout quitter pour vivre la vie de palazzo en Italie, goûter au quiet luxur y aux États-Unis, au Japon ou en Indonésie, se fondre dans la nature – bucolique en Angleterre, désertique au Chili… Partout, être le témoin privilégié, du beau et du bon, de ces nouveaux refuges ultra désirables.

Pastoral

1 • ESTELLE MANOR

ANGLETERRE

OXFORDSHIRE

Où ? Au cœur de l’Angleterre, dans les Cotswolds. Quoi ? La déclinaison bucolique de Maison Estelle, un club de Londres réservé aux happy few. Chacun peut trouver sa place dans ce countryside club, des amis festifs aux familles avec enfants. Une réussite. On adore Le spa Eynsham Baths, réinterprétation exquise des bains romains : architecture néoclassique et délassement contemporain. On y va avec Un dandy chic et anachronique.

2 • THE NEWT IN SOMERSET

ANGLETERRE

BRUTON

Où ? Au creux des collines du Somerset, véritable carte postale de l’Angleterre pastorale. Quoi ? Un hôtel posé dans un domaine de plus de 300 hectares où vergers, lacs, forêts et jardins à la française rivalisent de beauté. Reste à choisir sa villégiature entre les murs de la maison géorgienne, des anciennes écuries ou du corps de ferme devenus havres sophistiqués. On adore Voir ler le temps entre balades botaniques, dîners élaborés avec les produits du domaine et repos contemplatif. On y va avec Un amoureux de la nature.

Solaire

3 • CASA MONTI

ITALIE

ROME

Où ? À Monti, entre la Via Cavour et la Via Nazionale, un quartier romain bohème et branché miraculeusement resté en dehors du radar touristique. Quoi ? Trente-six chambres et suites signées par la décoratrice Laura Gonzalez, dans la joie, la couleur et les imprimés. On adore La promesse du dernier verre sur le toit, le mont Palatin pour seul vis-à-vis. On y va avec Un artiste en mal d’inspiration.

4 • DOLCE VITA

FRANCE-ITALIE EN TRAIN

Où ? Sur les rails, lové dans le confort de l’un des wagons de l’OrientExpress qui inaugure de nouvelles routes en Italie. Quoi ? Le charme originel de l’Italie doublé de l’art de vivre de l’Orient-Express : si ce n’est pas le paradis, ce n’est pas loin. On adore Remonter le temps dans un décor cinématographique et étancher sa soif de petites escales italiennes, où l’on forme le vœu (pieux ?) de revenir un jour. On y va avec Un fou de cinéma italien, période La Dolce Vita (1960).

5 • HÔTEL DU COUVENT

FRANCE

NICE

Où ? au cœur du Vieux-Nice. Quoi ? au terme de travaux pharaoniques, l’Hôtel du Couvent s’installe entre les murs épais du Couvent des Visitations, dont la construction remonte au XVIIe siècle. La décoration a été con ée à Festen Architecture, qui travaille essentiellement sur des bâtiments existants. On adore Avant de regagner sa chambre, faire escale à l’herboristerie de l’hôtel, ingrédient essentiel d’une récollection inspirée. On y va avec L’âme trouble. Gageons qu’en de tels lieux, elle ne le restera pas longtemps.

6 • ROSEMARY

MAROC

MARRAKECH

Où ? Dans l’entrelacs de ruelles de la médina de Marrakech, une maison qui aurait été conçue par l’architecte belge Quentin Wilbaux et dont la renaissance a été con ée à Laurence Leenaert, créatrice de la marque LRNCE. Quoi ? Un riad de cinq chambres qui rivalisent de charme. On adore Être, pour quelques nuits, le témoin privilégié d’une rencontre entre l’art, le design et l’artisanat local orchestrée avec goût par LNRCE. On y va avec Une grappe d’amis sensibles au beau et au bon.

7 • PUQUIO

PÉROU

LES ANDES

Où ? Dans la vallée reculée de Colca, où la nature règne sans partage et à perte de vue. Quoi ? Une poignée de tentes en toile élégantes, inspirées de celles des premiers explorateurs andins. L’heure y est à la simplicité, prélude au retour à l’essentiel. On adore Apprivoiser la vallée au-delà du canyon, au cours de l’une des explorations proposées par l’hôtel. On y va avec Un calepin et un appareil photo (pas celui de son portable).

© Puquio

8 • OUR HABITAS

CHILI

ATACAMA

Où ? Au nord-est du Chili, dans le désert d’Atacama. Quoi ? L’opus chilien de la famille Our Habitas joue un double rôle. S’il est en premier lieu une base d’exploration idéale pour tutoyer le désert non polaire le plus sec du monde, il se prête tout autant au lâcherprise. Ses cinquante-et-une chambres, sa belle piscine et son spa l’attestent. On adore Goûter à l’e ort et au réconfort avec la même joie. On y va avec Son aventurier préféré.

9 • OUR HABITAS

QATAR

DUKHAN

Où ? À la lisière de la réserve de biosphère d’Al-Reem, protégée par l’Unesco, à tout juste une heure de Doha. Quoi ? Quarante-deux villas couleur sable, postées face aux eaux tranquilles du golfe Persique. Déployant entre une et quatre chambres, toutes présentant d’amples volumes, un nuancier neutre et des clins d’œil à l’artisanat local, dont il est proposé une acception contemporaine. On adore Voir le soleil disparaître derrière les dunes. On y va avec Le goût de la contemplation.

Déserts

11 • BELMOND MAROMA

MEXIQUE

YUCATÁN

Où ? Sur l’une des plus belles plages de la péninsule, au bout d’une piste perçant la jungle chuintante. Quoi ? Un refuge d’architecte, lentement métamorphosé pour recevoir. Cocons organiques disposés selon l’alignement des étoiles dans la géométrie maya, sculptés de l’intérieur par les artisans locaux. On adore Quitter l’asphalte, se fondre dans le vert dense des jardins, poser le pied nu sur les carreaux peints à la main et les lèvres sur une margharita au miel rare, lâcher son stress au spa Guerlain. On y va avec Sa star préférée.

Far Far Away

10 • SUN RANCH

AUSTRALIE

BYRON BAY

Où ? À Byron Bay, côté terre. Quoi ? Un néo-ranch installé dans une ancienne ferme de 22 hectares réhabilitée avec style par deux amies designers d’intérieur. La décoration emprunte autant aux ranchs californiens des années 1970 qu’au charme des ncas espagnoles. On adore Goûter à la vie de ranch, rythmée par les balades à cheval et les tablées de fête. On y va avec Sa tribu au grand complet.

12 • FURTHER

BALI

PERERENAN

Où ? Un village posé sur la côte sud-ouest de l’île de Bali, en équilibre entre les rizières et le large. Quoi ? Dans un édi ce aux airs de construction Kapla en grand format, dix chambres amples qui jouent de lumières et d’in uences nippones. On adore L’esthétique des lieux, un minimalisme inspiré sans être monacal. Le bien-être, le confort et le bon goût y ont aussi droit de séjour. On y va avec Une âme sœur.

© The Comodo
The Comodo, au cœur des Alpes autrichiennes.

13 • THE COMODO

AUTRICHE

BAD GASTEIN

Où ? Dans un village de montagne au cœur des Alpes autrichiennes. Quoi ? Un balcon panoramique sur la vallée. Soixante-dix chambres lumineuses qui jettent des œillades à l’âge d’or de la station, sans perdre de vue le design et le confort d’aujourd’hui. On adore Fendre la piscine intérieure de quelques brasses, le regard rivé sur la vallée de Bad Gastein. On y va avec De bonnes chaussures de marche ou une paire de skis pour tutoyer les cimes.

14 • MOLLIE

ÉTATS-UNIS

ASPEN

Où ? Colorado. Une station de sports d’hiver prisée des stars et consorts depuis les années 1970. Quoi ? Véritable vent de fraîcheur à Aspen, le Mollie oppose aux grands hôtels de la station, un peu datés et parfois clinquants, une alternative à l’aise avec la notion contemporaine de quiet luxury On adore La rencontre au sommet d’in uences nippones et Bauhaus, de matériaux naturels et d’artisanat sophistiqué. On y va avec Quelqu’un avec qui s’enrouler dans un plaid devant la cheminée du salon.

Sommets

© Mollie Aspen

Post-urbain

15 • JANU TOKYO

JAPON

TOKYO

Où ? Dans l’une des tours d’Azabudai Hills, nouveau quartier en vogue de Tokyo Quoi ? La première ouverture de Janu, une collection d’hôtels signée Aman. En ligne avec l’esprit et l’esthétique de la maison mère, mais avec plus de divertissements à portée de chambre. L’hôtel compte huit restaurants/bars, un spa qui abrite la plus grande salle de remise en forme de Tokyo et un bassin de 25 mètres. On adore Mettre l’e ervescence de la ville au second plan le temps d’un “Janu Signature Massage”. On y va avec impatience.

16 • VENICE VENICE HOTEL

ITALIE

VENISE

Où ? Sur le Grand Canal, face au pont du Rialto. Quoi ? L’un des plus anciens palazzi de la ville transformé en nouvel îlot de la “post-Vénitialité”, un concept iconoclaste développé par les fondateurs de l’hôtel, qui voit les vestiges du palais cohabiter avec des œuvres d’art du XXe siècle. On adore Passer littéralement la nuit au musée, chaque chambre étant consacrée à un artiste ou à un courant artistique. On y va avec Un rêveur-collectionneur.

Le Venice Venice Hotel, sur le Grand Canal.

17 • OUR HABITAS SANTA TERESA

COSTA RICA

PÉNINSULE DE NIKOYA

Où ? En équilibre entre la forêt tropicale et les eaux transparentes de Santa Teresa. Quoi ? Des tentes luxueuses aux huttes et aux maisons au toit de chaume, quarante-et-une chambres où s’invitent la lumière naturelle, les matériaux bruts et un nuancier sable. On adore S’o rir une retraite spirituelle ou un simple reset, lové entre la jungle et l’océan. On y va avec Un a cionado de surf et/ou un bon roman.

Sea Side

18 • TAMPAH HILLS

INDONÉSIE

LOMBOK

Où ? Au sud de l’île, considérée comme la “petite sœur” de Bali. Des paysages extraordinaires, sans les foules. Quoi ? Une poignée de villas d’architecte, accrochées à la colline et regardant l’océan. Lignes claires, design durable et désirable. On adore Goûter en même temps à l’intimité d’une maison et aux services d’un bel hôtel. On y va avec Sa famille, de sang ou de cœur.

DE FIL

EN AIGUILLE

À DAKAR, SUR L’ÎLE DE GORÉE OU À SAINT-LOUIS, LE SÉNÉGAL FAÇONNE SA CRÉATIVITÉ DÉBORDANTE ENTRE LES MAINS D’ARTISTES ET D’ARTISANS

TALENTUEUX : BRODEUSES, PEINTRE SUR VERRE, SCULPTEUR SUR BOIS, TEINTURIER, FERBLANTIER… LA STYLISTE CHARLOTTE HUGUET ET LE PHOTOGRAPHE DENIS BOULZE SONT ALLÉS À LEUR RENCONTRE Y PUISER UN CARNET D’INSPIRATION.

Les essentiels

1 Le bon moment: de novembre à avril, saison sèche et la moins chaude.

2Y aller: avec Air France, vol direct Paris-Dakar (durée d’environ 5 heures).

3 Bon à savoir: à Dakar, la circulation est dense. Raisonnez en temps de route, pas en kilomètres. Et ne prévoyez pas trop de choses dans une même journée.

4 Budget: 8 jours à partir de 2600 € par personne, incluant vols, hébergements, chauffeur privé…

L’INCONTOURNABLE

CSAO

Créée en 1995 par la Française Valérie Schlumberger, la Compagnie du Sénégal et d’Afrique de l’Ouest offre aux artisans sénégalais, et plus largement de toute l’Afrique occidentale, une passerelle permettant de diffuser leur travail en France et en Europe. En parallèle, elle développe l’Asao, association et lieu d’accueil pour les enfants des rues installé dans un ancien cinéma de Dakar. En 2012, sa fille Ondine Saglio organise à Gorée des ateliers de broderie, revalorisant une tradition sénégalaise et donnant accès à une formation à 150 femmes. Dans la foulée, Ondine ouvre à Gorée une maison d’hôtes à la déco joyeuse et l’esprit solidaire.

2 jours en plus

Le Siné Saloum À la frontière de la Gambie, le delta des fleuves Siné et Saloum déroule des paysages de contes africains. Une région marécageuse, réserve naturelle appréciée des oiseaux, dans laquelle on vient se poser dans un lodge au toit de chaume tissé par des artisans. En 2025, la région de Sénégambie accueille le Bët-bi (l’œil en wolof), musée et centre culturel dédié à l’art africain, initié par les fondations Josef et Anni Albers et Le Korsa.

Why now ?

3 BONNES RAISONS DE PARTIR

1

S’inspirer à Dakar

La capitale fourmille de créativité et attire de plus en plus d’artistes et de créateurs de tous horizons (musique, cinéma, gastronomie, mode, art…). En 2024, la ville recevait notamment la Biennale d’art contemporain africain.

2

Se souvenir à Gorée Tragique théâtre de l’esclavage entre les XVe etXIXe siècles, “l’île mémoire” est à la fois un symbole universel, un témoin essentiel et une bulle de sérénité de 0,28km2 pour rêver sous les bougainvilliers.

3

Souffler à Saint-Louis De ses façades coloniales et ses ruelles émane une pure douceur. Le fleuve Sénégal, dont la ville garde l’estuaire, ne fait que renforcer l’atmosphère. Aborder Saint-Louis par l’eau est d’ailleurs la meilleure façon de figer une première impression.

CARBONE

DIMINUÉ ET 100 % ABSORBÉ

Pour lutter contre le réchauffement climatique, Voyageurs du Monde participe à des projets de reforestation qui permettent la totale absorption carbone sur l’ensemble de ses voyages.

3 tips

PARTAGÉS PAR NOS SPÉCIALISTES DU SÉNÉGAL

À Dakar_Commencez par le marché aux tissus de Sandaga, puis celui aux poissons de Soumbédioune où se joue le ballet coloré des pirogues. Déjeunez ensuite à l’Institut français. Passage à la maison du sculpteur Ousmane Sow, pause dans le café-boutique Lulu Home Interior, finissez par un verre et un concert sur le toit de la plateforme artistique Trames.

À Gorée_Bien avant l’existence de la photographie, la peinture sur verre était utilisée ici pour tirer le portrait des habitants. Au cœur de l’association Keur Khadija, l’artiste Fallou Dolly enseigne les rudiments de cette technique de peinture à l’huile.

À Saint-Louis_Depuis le fleuve, laissezvous bercer par l’histoire coloniale que reflètent les façades. Prolongez avec une nuit à La Résidence, maison historique toujours baignée de son charme années 1950.

PAROLE

“Seul le rythme provoque le court-circuit poétique et transforme le cuivre en or, la parole en verbe”

Léopold Sédar Senghor (1906-2001), ancien président de la République du Sénégal

MÉMO

VOYAGEURS AU SÉNÉGAL

LES CONSEILLERS Spécialistes de l’Afrique, et du Sénégal en particulier, ces passionnés ont tissé un solide réseau local qui leur ouvre un accès direct aux meilleures adresses, et leur permet d’organiser selon vos envies des expériences uniques.

LA CONCIERGERIE FRANCOPHONE Disponible en permanence, l’équipe conciergerie vous assiste. Réserver une traversée vers Gorée, une balade à Saint-Louis avec une habitante, trouver le meilleur yassa de Dakar et l’adresse pour danser jusqu’au bout de la nuit… : Il suffit de demander!

L’EXCLU VOYAGEURS Accueil personnalisé dès l’aéroport, chauffeur privé, expérience Like a friend dans les pas d’un local à Dakar… Pour aller à l’essentiel et découvrir les meilleures adresses, Voyageurs du Monde vous propose un Sénégal cousu main.

CONTACTEZ UN CONSEILLER SPÉCIALISTE DU SÉNÉGAL AU 01 84 74 37 51 (ligne directe).

BATTUES PAR LES VAGUES ET LES VENTS, À MI-CHEMIN ENTRE L’ISLANDE ET L’ÉCOSSE, LES ÎLES FÉROÉ RÉSERVENT NÉANMOINS DES TRÉSORS DE DOUCEUR ET DE BIENVEILLANCE AUX GENS DE PASSAGE.

PRINCIPE FONDAMENTAL DE LA CULTURE LOCALE, L’HEIMABLÍDNI

LE PARADOXE FÉROÏEN

OFFRE “L’HOSPITALITÉ À LA MAISON” AUX AMOUREUX DE TRADITIONS ET DE SAVEURS NORDIQUES. LE GOÛT DU PARTAGE EN HÉRITAGE. PHOTOS JÉRÔME GALLAND TEXTE MICHAËL LEVY

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FLASHBACK. 20 JANVIER 2017, MON NEUVIÈME VOYAGE EN ISLANDE S’ACHÈVE. Cette fois-ci, c’est décidé, Paris attendra. En un saut de puce depuis Ke avík, me voilà à l’aéroport de Vágar, sur les Îles Féroé. À l’époque, personne ou presque ne parle de cette destination. Et je ne tarderai pas à comprendre pourquoi… Tout juste est-elle mentionnée comme une étape obligée du ferry reliant le Danemark à l’Islande. Ce lac suspendu au-dessus de l’Atlantique, ces petits villages au toits échevelés, ces paysages à la Mondrian où des falaises croisent l’océan… : les Îles Féroé sont un secret jalousement gardé, petit archipel (18 îles, 1 400 kilomètres carrés) dont les Féroïens pro tent en toute discrétion, et dont je ne saurais plus me passer.

Arrivé sur place, je n’ai alors qu’une idée en tête : me rendre sur l’île de Mykines, la plus à l’ouest, la plus sauvage. Seulement dix habitants y vivent à l’année. Le seul moyen de l’atteindre est l’hélicoptère (un transport public là-bas), car la mer est trop déchaînée en cette période pour y accoster. Je souhaite y passer deux nuits pour atteindre le phare à pied (une randonnée aujourd’hui rendue impossible suite à un glissement de terrain). Mais comment faire ? Ni visiteurs ni hébergements. Je m’enquiers auprès de l’antenne de tourisme de l’île de Vágar et découvre un premier élément constitutif de la culture locale : aux Îles Féroé, on ne vous dira jamais “non”, un Féroïen trouvera toujours une solution. Quelques jours plus tard, je reçois un message semblable à un télégramme : “Prenez l’hélicoptère demain à 11 heures pour Mykines. Quelqu’un sera là pour vous aider.” Stop. Le lendemain, un imposant Bell 212 d’Atlantic Airways s’arrache de l’héliport de Tórshavn. Casque anti-bruit sur les oreilles, je fais dos aux pilotes que rien ne sépare des

passagers. La cabine de douze places est presque vide. Un homme, grand et filiforme, se tient, silencieux, près de la fenêtre, observant le sol s’éloigner. Johan part sur Mykines visiter un couple de personnes âgées. Il restera deux jours avec eux pour rompre leur solitude. Il me donne quelques conseils pour atteindre le phare ainsi que les clés d’une maison voisine. À l’intérieur, un vieux poêle endormi. Un fauteuil s’y accoude. Quelques stalagmites de cire attendent patiemment qu’une allumette craque. De vieux tableaux sur les murs (principalement des marines) et des photos de famille me tiendront compagnie.

Les Îles Féroé sont l’Islande d’il y a 65 millions d’années. Ce millefeuille géologique principalement composé de basalte, le même qui constitue le Groenland, trouve son origine sur le point chaud islandais. L’expansion de la plaque océanique a lentement laissé dériver le plateau féroïen dont on perçoit le glissement si l’on observe la morphologie des Féroé : elles suivent toutes le même mouvement ondulatoire vers l’est.

Ces couches successives, parfois veinées d’orgues basaltiques, subissent une érosion à vitesse variable suivant leur résistance. C’est ainsi qu’on trouvera des monuments de verticalité comme le Trøllkonufingur (île de Vágar) et le vertige des abysses dans les tranches les plus tendres. La forme des montagnes, pyramidale (que l’on retrouve en Islande), est héritée de la précédente période glaciaire datant de dix mille ans. Les glaciers ont creusé de larges vallées au pro l doux et arrondi. La fonte des glaces en a inondé les parties les plus basses créant détroits et ords. Les villages féroïens sont nichés au creux de ces vallées, saupoudrés dans les endroits “possibles”, au plus près de la mer.

L’intérieur typique, rustique et chaleureux, d’une maison féroïenne où partager l’heimablídni

La pêche à la langoustine est une activité à part entière aux Féroé, et le crustacé se retrouve sur toutes les bonnes tables.

Vue du village de Bøur, sur l’île de Vágar.

Ci-dessus : le restaurant Ræst (nom qui signifie “fermenté”), à Tórshavn, sert une cuisine audacieuse dans un cadre réconfortant, quasi familial.

Certaines îles se montrent inaccessibles, comme la petite Lítla Dímun, sorte de chapiteau saillant uniquement peuplé de moutons. Sa voisine, Stóra Dímun, n’abrite qu’une seule famille. L’impressionnante île de Kunoy, hérissée de tout son long par des sommets dépassant 800 mètres, n’o re aux hommes qu’une modeste parcelle de vie. Pour tout à fait comprendre, il faut se rappeler que le premier tunnel creusé aux Îles Féroé ne date que de 1963 (reliant Hvalba et Trongisvágur sur l’île de Suduroy). Celui libérant le village si populaire de Gásadalur date de 2006 !

Cette géomorphologie du territoire a forgé au l des siècles un mode de vie basé sur le partage, l’union pour mieux résister aux éléments, la courtoisie. Prendre soin de ses voisins mais pas seulement. Le voyageur est lui aussi l’objet de toutes les attentions. Ce qui se véri e encore, en mai 2024, lors de ma quatrième venue aux Féroé – Føroyar (en féroïen) ou Færøerne (en danois) : les “Îles aux moutons”. Je discute avec Harriet autour d’un drekkamunnur, autrement dit “le partage d’une boisson chaude”, qui se décline en ka emunnur pour les amateurs de café ou en temunnur pour les buveurs de thé. Harriet, l’unique fermière des Îles Féroé, me reçoit avec son mari dans son petit paradis, la ferme Hanusarstova, située à Æðuvík, à une heure de la capitale. Il fait un temps radieux et la vallée verdit. Le mois de mai annonce le printemps. Harriet est une fermière 2.0 : jeune, moderne, jamais à court d’idées, elle a lutté pour être acceptée en tant que femme dans le métier. Quand elle ne s’occupe pas de ses moutons, chiens, chevaux, poules et lapins, dont elle fait souvent le portrait (Elias, son bélier aux couronnes de eurs, est une star sur Instagram, @byolafsdottir), Harriet propose de temps en temps l’heimablídni à ses convives. “Heimablídni” se traduit littéralement par “hospitalité à la maison”. Lorsque je l’interroge sur ce principe fondamental de la culture féroïenne, elle explique qu’“un Féroïen doit toujours réunir chez lui les conditions nécessaires au bon accueil du visiteur de passage. Il serait très impoli, dit-elle en souriant, de ne pas o rir du café accompagné d’une part de gâteau ou d’une gaufre, le plus souvent faits maison, en cas de passage, si impromptu soit-il”.

Harriet ajoute : “Tu ne demandes pas s’il désire boire un café. Tu poses une tasse sur la table dès qu’il franchit le portail !” Mais que se passe-t-il s’il n’a pas le temps d’entrer et de s’assoir ? “Cela arrive souvent à mes frères, qui sont toujours pressés. Dans ce cas, ils boivent quand même leur tasse de café… sur le pas de la porte. Cette tradition peut paraître excessive, poursuit Harriet, mais c’est ainsi que nous vivons, ce sont nos traditions.” Elle se souvient de sa grand-mère : “Il faut aller acheter des gâteaux ! – Mais… nous en avons déjà dans le placard ! – Nous n’en avons pas assez, on ne sait jamais qui peut venir nous visiter !”

“DURANT DES SIÈCLES, IL ÉTAIT COMPLIQUÉ D’ALLER

D’UN VILLAGE À UN AUTRE, MAIS (…) IL ÉTAIT IMPORTANT

D’ACCUEILLIR AU MIEUX LES GENS DE PASSAGE EN LEUR

OFFRANT UN ABRI, UNE SOUPE, UN PEU DE RÉCONFORT.

UN VISITEUR NE DOIT JAMAIS REPARTIR DU VILLAGE

LE VENTRE VIDE.” – JÓGVAN, FERMIER SUR L’ÎLE DE KALSOY

On comprend en creux l’importance de ces moments partagés. Quelques mots pour rompre l’isolement de Féroïens qui furent pendant des siècles séparés de leur famille, de leurs amis et du reste du monde par une montagne ou un bras d’océan. Une hospitalité doublée d’une expérience culinaire, pour laquelle les habitants des Îles Féroé préparent des repas à base de produits locaux qui permettent de découvrir les saveurs et les traditions féroïennes de manière intime. Je suis ainsi invité avec quelques amis français chez Jógvan, fermier sur l’île de Kalsoy. Il vit dans le village de Mikladalur, célèbre pour sa statue de Selkie, la “femmephoque”. La quarantaine fringante, l’humeur enjouée, Jógvan nous raconte faire un peu tous les métiers : fermier, charpentier, mais aussi guide à ses heures perdues. Il nous accompagne en cette n d’aprèsmidi jusqu’au phare de Kallur, qui o re un panorama unique au monde : c’est ici qu’a été tournée la dernière scène du 25e lm de la série des James Bond, Mourir peut attendre (2021). Nous pressons le pas car sa femme nous attend pour le dîner. C’est dans la maison de ses grands-parents qu’ils nous accueillent plutôt que chez eux, plus haut dans le village. “Notre maison o re un confort trop moderne… Celle-ci est plus appropriée pour partager l’heimablídni, elle est plus authentique.”

La maison est rustique, mais on s’y sent bien, blottis autour de la tablée. Jógvan nous explique l’histoire des lieux pendant que sa femme s’a aire aux fourneaux. Je remarque en l’écoutant les photos de famille accrochées aux murs. Elles sont présentes dans toutes les maisons.

La nuit féroïenne, à Tórshavn, la capitale.

Le charme des maisons ouvertes à l’heimablídni opère rapidement. On se sent comme chez soi, entouré de fauteuils cossus, de tapis moelleux, de vieux tableaux et de photos de famille.

Depuis le phare de Kallur, sur Kalsoy, Eysturoy se devine. Elle est la seconde plus grande île de l’archipel après celle de Streymoy. Autant de lieux à retrouver dans la série Trom : les falaises, le vent et la mort (lire aussi p. 25).

ÎLES FÉROÉ
Múlafossur Cottages, dans le village de Gásadalur, sur l’île de Vágar.

Chez Harriet, l’unique fermière des Îles Féroé. Son petit paradis, Hanusarstova, se trouve à Æðuvík, à une heure de la capitale.

“Les Îles Féroé sont une a aire de famille”, me con rmera plus tard Birita, la patronne du Caféin á Mølini, à Skálavík, sur l’île de Sandoy. “Le ‘prendre soin’ est une notion fondamentale des Féroïens, explique Jógvan. Durant des siècles, il était compliqué d’aller d’un village à un autre, mais nous étions parfois obligés, pour un événement familial comme un mariage ou un enterrement. Il était important d’accueillir au mieux les gens de passage en leur o rant un abri, une soupe, un peu de réconfort. Un visiteur ne doit jamais repartir du village le ventre vide.”

Avec la modernité et le développement du tourisme, le concept a évolué. Les Îles Féroé n’avaient que peu de restaurants (exclusivement situés à Tórshavn, la capitale), mais le site Visit Faroe Islands 1, conscient de l’attrait grandissant des visiteurs pour un tourisme immersif, a suggéré aux Féroïens – le plus souvent des fermiers, qui produisent eux-mêmes les aliments frais, locaux et naturels qu’ils proposent – de redonner toute sa place à l’heimablídni.

Et celui-ci ne rentrant pas dans le cadre de la restauration classique, certaines règles ont été instaurées pour les di érencier : le repas doit être servi dans la maison où vit l’hôte et préparé dans la cuisine de la maison (si possible visible des hôtes qui pourront observer les produits et la façon dont ils sont utilisés) ; les visiteurs doivent être informés qu’il ne s’agit pas d’un restaurant mais d’un repas chez l’habitant et doivent réserver au moins un jour à l’avance.

Chez Jógvan, à mesure que les plats (copieux) se succèdent, se découvre l’identité culinaire des Féroé. Le fermier nous parle aussi de cette période si particulière que nous vivons, au mois de mai, la “lambing season” (période d’agnelage), durant laquelle on peut voir gambader partout d’adorables agneaux accompagnés de leur “mother sheep”. Mes souvenirs s’invitent à nouveau au milieu de la conversation : retour en 2017, après avoir passé une semaine sur l’île de Mykines. L’hélicoptère, en chemin vers la capitale, fait une première escale à Vágar quand les pilotes

nous annoncent faire demi-tour. Un incident technique ? Un problème de liaison ? Rien de tout cela. Ils me rassurent. Nous retournons sur Mykines chercher deux touristes retardataires… Traditions, modernité et bienveillance en toutes circonstances. La philosophie de vie des Îles Féroé.

1. La liste des Heimablídni est disponible sur visitfaroeislands.com/en

Michaël Levy est photographe, cartographe et auteur de guides pour la maison d’édition International Photographer. Ses cartes des Îles Féroé, d’Islande et des Îles Lofoten sont à retrouver à la librairie Voyageurs, 48 rue Sainte-Anne, Paris 2e.

Les essentiels

1 Le bon moment: si l’archipel se visite toute l’année et peut offrir les quatre saisons dans une même journée. Périodes idéales : mai-juin et septembre-octobre. 2Y aller: au départ de Paris-CDG, avec Atlantic Airways (compagnie féringienne), trois vols hebdomadaires directs (2h40), d’avril à mi-octobre. Ou par ferry depuis le Danemark et l’Islande.

3 Bon à savoir : le réseau routier des Féroé est très développé. Les îles sont reliées par un ensemble de 19 tunnels et les transports publics tout à fait fiables.

4 Budget : 8 jours à partir de 3500 € par personne, incluant vols, 4 jours de location de voiture, hébergements, activités, conciergerie francophone…

L’INCONTOURNABLE

NÓLSOYARSTOVA

Maison historique de Tórshavn, la capitale, construite au XVIIIe siècle dans le quartier le plus ancien de la ville, cette bâtisse aux façades immaculées a hébergé successivement le premier médecin des Féroé et leur Premier ministre, cédant place entretemps au consulat d’Italie. Après quatre années de rénovation, le lieu vient de rouvrir et abrite désormais trois appartements confortables, chacun accueillant jusqu’à six personnes. La décoration mène de front la sobriété du style scandinave et de joyeux éléments de décor féringiens : lustres, lambris en bois de récupération. Le toit-terrasse offre quant à lui le meilleur point de vue sur la vieille ville et l’eau.

2 jours en plus

Copenhague À un coup d’ailes (direct) des îles, la capitale danoise compose un parfait second acte aux Féroé. Après la solitude des sommets féringiens, le buzz du design scandinave. Copenhague, ville idéale également pour dérouler le fil de la cuisine durable, des cafés-boulangeries aux tables conceptuelles, dont l’étonnant Alchemist de Rasmus Munk.

ÎLES FÉROÉ

3 tips

PARTAGÉS PAR NOS SPÉCIALISTES DES ÎLES FÉROÉ

Food_Servis par une nature généreuse, les Féroé pointent bel et bien sur la carte des destinations “gastronordiques” avec de belles tables, dont le Raest, du nom du plat traditionnel fermenté, et le Roks (petit frère de l’étoilé Koks, actuellement délocalisé au Groenland) qui sous son toit de chaume, ciselle oursins, langoustines et crabes arctiques.

Why

now ?

1

Prémices

Longtemps resté sous les radars, l’archipel est sans doute à l’aube d’une nouvelle ère touristique, liée en partie aux vols directs et à l’ouverture d’établissements répondant mieux aux standards contemporains.

2

Contrepied

Souvent critiqués pour leur accueil parfois à hauteur du climat, les pays nordiques disposent là d’un bel ambassadeur, capable de vous faire changer d’avis.

3

Objectif terre

Oublier les bouts du monde : à moins de trois heures de vol, l’archipel féroïen promet un dépaysement inouï, et un voyage à l’empreinte carbone faible.

CARBONE DIMINUÉ ET 100 % ABSORBÉ

Pour lutter contre le réchauffement climatique, Voyageurs du Monde participe à des projets de reforestation qui permettent la totale absorption carbone sur l’ensemble de ses voyages.

Sunset_Prenez le large, au départ de Vágar, cap sur Drangarnir (les “piliers de la mer”), deux arches naturelles plongeant dans l’eau. Photogénie à l’état pur, démultipliée au soleil couchant.

Time to hike_ Kayak, escalade, randonnée à cheval, vélo, plongée sous-marine : les Féroé, ou le dernier archipel des sports outdoor. Parmi eux, le plus élémentaire, la marche permet de palpiter. Rendue célèbre par la scène finale du James Bond, Mourir peut attendre (2021), celle qui mène au phare de Kallur, sur Kalsoy, est un must. Spectaculaire également, le lac Sørvágsvatn depuis la falaise Trælanípa.

LE CHIFFRE 38

Le nombre d’habitants au kilomètre carré. L’ensemble des îles réunit 54642 habitants (avril 2024) pour environ 80000 moutons et 5 feux de circulation. L’île de Sund et celle de Norðtoftir n’ont qu’un seul résident.

MÉMO

VOYAGEURS AUX ÎLES FÉROÉ

LES CONSEILLERS Parmi les spécialistes de l’Europe du Nord, une poignée sont férus de Féroé. Physiquement présents dans trois de nos Cités (Paris, Lille et Genève), ils assurent également des rendez-vous en vidéotéléphonie pour mettre en place le voyage qui vous ressemble.

LA CONCIERGERIE FRANCOPHONE Un habitant français aux Féroé, cela ne court pas les rues. Anthony Darracq vit à Thórshavn depuis près de dix ans, il parle féroïen et met volontiers au service des voyageurs sa connaissance et sa bonne humeur. Un précieux relais.

L’EXCLU VOYAGEURS Malgré le caractère très spontané de l’accueil féroïen, l’expérience la plus complète passe par les bonnes tables de l’île. Votre conseiller réservera en amont les meilleures d’entre elles et pourra même prépayer l’addition.

Royal!

CONTACTEZ UN CONSEILLER SPÉCIALISTE DES ÎLES FÉROÉ AU 01 42 86 16 00

SHORT LIST

ET VOUS, VOUS FAITES QUOI EN 2025 ?

Une sélection de dix destinations à ne pas rater. Ou comment avoir toujours un coup d’avance sur la tendance.

BON PRÉTEXTE / Le 6 février 2025, Bob Marley aurait eu 80 ans ! Aujourd’hui, après la relève de ses enfants, c’est au tour de son petit-fils, YG Marley, de caracoler au sommet des charts. Son titre, Praise Jah in the Moonlight , a dépassé le milliard de streamings cette année. ON Y VA

POUR / Dépasser justement la vision d’une île limitée à sa musique, embrasser la culture rasta dans sa globalité, goûter la cuisine jerk de Kingston, explorer la région tropicale de Port Antonio.

JAPON → OSAKA

BON PRÉTEXTE / L’exposition universelle, qui se tiendra du 13 avril au 13 octobre 2025 sur l’île de Yumeshima, dans la baie d’Osaka, convie 161 pays à imaginer la société du futur. ON Y VA POUR / S’inspirer sous le “Grand Toit” (Anneaux) de l’archistar Sou Fujimoto, structure phare de l’Expo 2025, mais aussi dans les rues d’une ville anticonformiste, réputée pour son esprit créatif qui s’exprime dans la gastronomie, le design et la décontraction de ses habitants.

→ KIGALI

BON PRÉTEXTE / Souvent dans l’ombre des gorilles des montagnes des Virunga, la capitale est l’une des villes africaines les plus dynamiques et les plus écologiques du moment : elle a instauré le nettoyage mensuel des rues par ses habitants et deux journées sans voiture par mois.

ON Y VA POUR / L’histoire et l’émouvant mémorial de Gisozi, le quartier arty et festif de Nyamirambo, les ateliers des jeunes créateurs et ceux des torréfacteurs, les inattendus bars à lait.

ÉCOSSE → NORTH COAST 500

BON PRÉTEXTE / Parcourir les 830 kilomètres de la North Coast 500 : un road-trip considéré parmi les plus beaux au monde. Tout simplement époustouflant. ON Y VA POUR / Les vues sur les paysages des Highlands. Mention spéciale pour les épingles du col d’Applecross, le pont de Kylesku et le ch âteau d’Eilean Donan, décor de nombreux films.

INDE → PRAYAGRAJ BON PRÉTEXTE / La Kumbh Mela, du 13 janvier au 26 février 2025, le plus grand pèlerinage hindou de la planète. Orchestrée en rotation dans quatre villes majeures de l’hindouisme, elle rassemble des dizaines de millions de visiteurs venus se purifier au confluent du Gange et des rivières Sarasvati et Yamunâ. ON Y VA POUR / La ferveur intense, le grand moment du bain (à observer de loin) et la densité culturelle qui se dégage de l’événement.

OMAN → SALALAH BON PRÉTEXTE / Capitale du Dhofar, gouvernorat le plus méridional du sultanat, Salalah bénéficie d’un climat agréable toute l’année, y compris les mois d’été où l’atmosphère humide lui confère un caractère unique dans la région du golfe. ON Y VA POUR / La beauté des plages d’albâtre, Fazayah en tête, la végétation tropicale et la douceur rafraîchissante des wadis, ainsi que la cité perdue de Sumhuram, fondée au III e siècle

J.-C.

avant

GRÈCE → LES ÎLES SPORADES

BON PRÉTEXTE / La Grèce se démarque dans la protection des mers en annonçant la création en 2025 de deux nouveaux parcs naturels marins, l’un en mer Ionienne, l’autre en mer Égée (contesté par la Turquie). Le pays prononce simultanément l’interdiction d’opérer le chalutage de fond dans ces parcs, devenant le premier pays européen à adopter une telle mesure.

Cette dernière devrait s’étendre à l’ensemble de ses aires marines protégées d’ici 2030. ON Y VA POUR / Buller avec les dauphins autour de l’île préservée d’Alonissos, plus grande aire marine protégée de la zone Méditerranée.

ITALIE → TURIN BON PRÉTEXTE / Discrète, la capitale du Piémont a de quoi séduire. Histoire, gastronomie, design, architecture… : Turin a de l’imagination à revendre à l’instar de Carlo Mollino, dont la maison (en photo ci-contre) devenue musée réunit mobilier, sculptures et photographies de l’artiste. ON Y VA POUR / Flâner aux terrasses des cafés Art nouveau, visiter le Musée national du cinéma situé dans la Mole Antonelliana, une belle structure du XIX e  siècle. Enfin, les sportifs ont rendez-vous en janvier 2025 pour les 32 e Jeux mondiaux universitaires d’hiver.

NICARAGUA → POPOYO BON PRÉTEXTE / Dans le viseur des surfeurs pro et amateurs depuis quelques années déjà, les spots de la côte Pacifique, moins fréquentés que ceux du Costa Rica voisin, offrent des conditions proches de la perfection. ON Y VA POUR / Les plages, belles et sauvages, également sur la côte des Caraïbes, mais aussi pour l’étonnant lac Cocibolca, localement appelé “Douce mer”, pour l’île Ometepe, les villes coloniales de León (au nord) et de Granada, la plus ancienne du continent.

→ LAC TAHOE BON PRÉTEXTE / L’air vif qui borde ce lac cristallin posé à près de 2 000 mètres d’altitude, en équilibre entre Californie et Nevada, est un Graal que l’on vient chercher été comme hiver. ON Y VA POUR / Filer en kayak sur les criques de Zephyr Cove Beach, randonner dans les bois qui longent le château de Vikingsholm, dévaler les pentes enneigées de Kirkwood et d’Heavenly Mountain, la “montagne céleste”.

TOURONS of the world

L’ANNÉE DERNIÈRE, UN TOURISTE BULGARE

A GRAVÉ “IVAN AIME HAILEY 2023” sur une arche à colonnes du Colisée. Cette information a été portée à notre connaissance par un touriste américain qui a filmé la scène et l’a partagée sur ses réseaux. Sans lui, nous n’aurions jamais su qu’Ivan aimait Hailey en 2023, à moins d’aller soi-même à Rome, de visiter le Colisée et de lire l’inscription sur le pilier, à deux mètres au-dessus du sol. Car Ivan a pris soin de laisser son empreinte hors de portée des minables et des nabots qui seraient tentés de la recouvrir ou de l’effacer. Preuve qu’Ivan s’adressait moins à ses contemporains qu’aux générations futures qui ont le droit de savoir, elles aussi, qu’Ivan aimait Hailey en l’an 2023 de notre ère. Quelques semaines plus tard, un Canadien de 17 ans écrivait “Julian” avec son ongle, sur un pilier du temple Toshodaiji, un site classé au patrimoine mondial de l’Unesco. Une autre fois, c’était un jeune Chinois, dans le temple d’Amenhotep III, à Louxor : “Ding Jinhao en visite ici” Malheureusement pour eux, ces trois-là se sont fait pincer. Ils ont dû présenter leurs excuses et ont écopé d’amendes salées. La ligne de défense d’Ivan était pourtant des plus originales. Aux carabiniers venus le gronder, il a déclaré : “Je ne savais pas que le Colisée était si vieux !” S’il avait su que ce machin-là était un peu ancien, vous pensez bien qu’il se serait retenu d’y inciser son nom et celui de sa fiancée. Peut-être l’âge du Colisée (1952 ans) n’est-il pas suffisamment mis en avant dans les dépliants touristiques. On devrait le faire graver sur les piliers, comme aide-mémoire.

Les Américains ont créé un terme pour qualifier Ivan, Julian, Ding Jinhao et leurs semblables. Ils les appellent des “tourons”, à ne pas confondre avec turrón, délicieuse pâtisserie de nougat marocaine sans rapport avec l’histoire qui nous occupe. Touron est la contraction de turist et moron, signifiant respectivement “touriste” et “abruti”. Ce mot-valise a été imaginé par les rangers pour désigner les visiteurs se comportant de manière inappropriée dans les parcs nationaux. Internet regorge des exploits de tourons descendant de leur camping-car pour donner des cacahuètes aux élans ou se photographier au plus près d’un grizzly.

Le grand reporter Kelsey Timmerman décrit le touron comme “à la fois un touriste enthousiaste et un crétin bien intentionné” Il ajoute que le simple fait d’être à l’étranger, plongé dans une autre culture et un autre environnement, peut faire de vous un touron. En d’autres termes, nous serions tous susceptibles de commettre les pires impairs, par ignorance, inconscience, bêtise, ou les trois à la fois. On peut en effet supposer que le chef indien Raoni, en vacances dans le quartier d’affaires de la Défense, se comporterait en touron typique. Il allumerait un feu sous l’arche, croyant bien faire il planterait son tipi au pied de la tour Areva, ferait joujou avec sa hache de guerre, fumerait le calumet de la paix dans les couloirs du RER, enfin il se conduirait comme un mufle. Nous sommes tous des tourons en puissance. Personne n’est à l’abri. Il faut l’admettre et se le tenir pour dit.

D’ailleurs, Ivan et ses amis n’ont rien inventé, les tourons sont vieux comme le monde. Au bas d’un temple de Gizeh, on trouve cette inscription, datant de deux mille ans : “Hadnakhte, scribe du trésor, est venu en excursion pour se distraire”. Beaucoup plus près de nous, Poussin a signé sur la cheminée en marbre de la chambre d’Héliodore, au Vatican ; Van Loo a laissé sa trace villa d’Hadrien, à Tivoli ; et Victor Hugo s’est vanté d’avoir gravé son nom sur le faîte de la plus haute tourelle de Chambord… “J’étais là !” a aussi écrit en haut du lanternon du Panthéon un imbécile qui a oublié de signer.

D’où vient que l’homme, comme le chien au pied des réverbères, veut partout laisser trace de son passage, et marquer le territoire ? La moindre des choses serait de laisser le monde aussi propre que nous l’avons trouvé en entrant. À l’heure où nous bouclons ce numéro, je ne suis pas en mesure de vous confirmer qu’Ivan aime toujours Hailey en 2024, ni qu’Hailey aime toujours Ivan. Mais si cette union devait perdurer, comme nous le leur souhaitons, il est probable que nous l’apprendrons tôt ou tard sur un temple d’Angkor ou ailleurs. Longue vie aux tourons qui s’aiment.

Dernier ouvrage paru de Philibert Humm, Roman de gare (Éditions des Équateurs, août 2024).

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