Virages 2

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L’accident Après la Jaguar XK 140, la toute jeune Françoise s’est offert une Aston DB2, cabriolet évidemment. L’accident, presque fatal, vient punir sa belle insouciance, comme diront les méchants que ses souffrances semblent venger. Ses passagers ; toute une voiturée de jeunes ou futurs écrivains : Valdemar Lestienne, Bernard Frank, Véronique Campion... Ils sont sains et saufs, mais pas Françoise : crâne fracturé, thorax enfoncé, bassin brisé, extrême-onction.

« Je ne prends jamais de risques. Je conduis très vite et prudemment. C’était un accident idiot. On sait que cinq voitures se sont renversées au même endroit : trois 4 CV et deux Aronde. Je n’étais pas en prise, je ne pouvais pas aller très vite. » Interview pour L’Express, 1957.

250 GT California. Enzo Ferrari, que toujours intéressent les jeunes femmes et les belles fortunes, la rencontre et, protecteur, lui explique son propre accident, dont il ne sait pourtant pas grand chose : « Vous avez mordu avec une roue avant sur le bas-côté de la route ; vous alliez vite et vous aviez une voiture assez lourde. Vous avez essayé de revenir sur la chaussée et, dans l’effort, vous vous êtes cassé le poignet. » Enzo Ferrari, Mes Joies Terribles, éd. Robert Laffont 1963.

Explication plausible mais curieuse

où l’on peut aussi bien entendre : « Vous êtes bien frêle pour ces machines d’hommes ». Voilà qui illustre une autre des réactions auxquelles Françoise est sans cesse confrontée, de la part de ceux qui pourraient le mieux la comprendre : nous sommes en 1950, la virilité des champions et la supériorité mâle ne souffrent encore aucune question. À sa manière, surtout pas militante, Mlle Sagan fait ainsi la trace pour d’autres ; écrire ce qu’elle écrit, conduire comme elle conduit, c’est un acte de liberté. RP

Quelques termes techniques,

c’est idéal pour fermer la bouche des sots. Plusieurs mois d’hôpital se passent, mais ils ne la guérissent pas de l’amour de conduire. Il y a là cet héroïsme de l’hédonisme, le seul qu’autorise les destins délibérément futiles. Dès 1958, peu de mois après qu’on l’ait désincarcérée de son Aston broyée, Françoise est à Maranello pour essayer un Spyder

the accident After a Jaguar XK 140, the very young Françoise* offered herself an Aston DB2, a cabriolet of course. The accident, almost fatal, punished her happy-golucky attitude, as the malicious would say and whose suffering seemed to vindicate them. Her passengers

Sagan conduisait vite et plutôt bien, mais pas ce jour-là… Sagan was a quite fast and secure driver, but not on this day…

were Valdemar Lestienne, Bernard Frank, Véronique Campion. They were healthy and safe, but not Françoise: a fractured skull, a smashed thorax, a broken pelvis, and extreme inunction. “I never take any risks. I drive very quickly and carefully. It was a stupid accident. It is well known that five cars have overturned at the same spot: three 4 CV and two Aronde. I wasn’t in gear, I couldn’t go very fast”. Interview in L’Express magazine, 1957. * Françoise Saigon, a famous French writer A few technical terms, the ideal way to stop the chattering of the foolish. She spent several months in hospital, but it did not cure her of her love of driving. This is a perfect example of the heroism of hedonism, the only one that deliberately futile destinies authorise themselves. In 1958, only a few months after that she was freed from her wrecked Aston, Françoise was at Maranello to try out a Spider 250 GT California. Enzo Ferrari, who always interested young women and great fortunes, met her, and, in the role of protector, explained her very own accident, of which he did not know much: “You overlapped with a front wheel onto the edge of the road; you were going fast and you had a pretty heavy car. You tried to get back onto the roadway, and with that effort, you broke your wrist”. Enzo Ferrari, My Terrible Joys, publisher H. Hamilton, 1963. A plausible but strange explanation where we can also hear; “You’re rather frail for these machines made for men”. This fully illustrates another reaction to which Françoise was often confronted, from those who should have known better: we are in the 1950s, and the virility of champions and male superiority were not questioned. In her way, and certainly not in a militant way, Miss Sagan traced a path for others; writing what she wrote, driving as she drove…as an act of freedom.

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2009

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