People of the Mirror, VINCENT ZUCCA, 2023.

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People of the Mirror

de l’autre côté des écrans

un essai video/installation de Vincent Zucca

capitalisme des imag es

En 2014, je me rendais pour la première fois dans la ville de Leipzig. Ma présence coïncidait avec une des manifestation subculturelle les plus importantes au monde. Au milieu du commerce des regards des festivaliers, je percevais une attitude face aux images qui enclenchait en moi une abondante matière à penser.

La prédominance du visuel, l’esthétique des poses, la recherche de la photogénie — témoin de l’influence des réseaux sociaux et de la culture post-internet — m’interpellait fortement. Soudain il m’apparaissait très clairement comment aspiration identitaire, consommation et imaginaires s’entremêlaient, recomposant dans ce microcosme les mécanismes à l’œuvre dans nos sociétés occidentales.

Mon travail artistique s’efforce de trouver des éléments de réponses aux questions qui m’obsèdent : que sont fondamentalement les images ? Que représentent-elles pour nous ? Comment et pourquoi agissent-elles autant sur nous ? Mes recherches, qui se déploient autour des thématiques de l’effacement de l’identité et de réflexions sur la nature des images, venaient de trouver à Leipzig un point de convergence dans un même projet.

spectres de silicium

La technologie numérique ouvre une brèche dans notre rapport au monde. L’immatérialité de l’image numérique la rapproche des idées, donc d’un état mental, virtuel (en puissance) et spirituel. Peut-on imaginer que monde des image et monde des morts se confondent dans la même dimension ?

Les appareils informatiques sont, comme les monuments funéraires, composés de matières minérales issues des sous-sols de la terre. Si la tradition décrit que le corps du défunt devient une âme, un esprit, de nos jours le corps de l’utilisateur devient avatar. Ces deux état outre la chair sont représentés et mis en forme par les images.

Pour illustrer cette analogie, j’aurai recours à la métaphore du fantôme numérique.

En suivant cette perspective, la scène Goth prend alors un nouveau sens. Cette communauté pour qui l’apparence est un élément déterminant, est comme la passerelle entre la mort du corps et la «mort» électronique. Ceux qui se projettent entièrement dans l’espace numérique, rejoueraient une relation qui se produit depuis l’aube de l’humanité. Les éléments macabres l’esthétique de cette scène sont à la fois une métaphore et une nouvelle confirmation de la sacralité des images.

le «corps incorporel»

(michel foucault, 1966)

People of the mirror se propose de croiser deux enquêtes :

Une enquête philosophique

Que vient modifier la technologie numérique dans notre perception du monde ?

De quoi le corps physique se fait-il le reflet aujourd’hui ?

Le corps est-il réduit à n’être qu’une somme de représentations ?

Comment penser le double numérique ? Quels en sont les enjeux qui se dessinent pour cette ère qui s’ouvre ?

Une enquête sociale et politique

Comment les industries de l’image influent nos représentations et nos imaginaires ?

Que vient créer/fragmenter le désir d’image ?

Comment ces communautés et ces individus se perçoivent-ils dans l’espace politique ?

Ces comportements traduisent-ils la mise en place d’une échappatoire ou bien l’ébauche d’une nouvelle forme de vivre-ensemble ?

traitement

Au montage, une unité géographique sera fabriquée en rassemblant des plans de plusieurs lieux souterrains (grottes, cryptes, salles de spectacles, caves, ...) , les faisant apparaître à l’écran comme s’il s’agissait du même complexe architectural.

L’aspect sonore sera particulièrement travaillé afin de rendre plus réceptif le spectateur à un autre type d’image : l’image mentale. Ceci lui permettant d’appréhender par la sensation cette immatérialité primordiale des images.

Je voudrais que le spectateur ressente l’expérience d’un voyage à travers les profondeurs obscures. Il sera question de donner l’impression que le lieu des images est un espace physique, chthonien, que l’on explore tout au long du récit, un abîme d’où les images surgissent comme des spectres. abysses

au delà de l’humain

Pour renforcer l’étrangeté des personnages qui apparaissent à l’écran, certaines prises seront effectuées à l’aide d’une caméra infrarouge, donnant un aspect spectral aux sujets filmés. Ce procédé visuel me servira à montrer le statut intermédiaire des corps incarnant des images, à mi-chemin entre le surnaturel et le high-tech. Cette esthétique m’intéresse également pour sa capacité à transmettre une sensation d’ «œil-machine».

narration en réseau

Il est important que le spectateur perçoive les différentes composantes de la fusion corps-image, et que ce phénomène soit retranscrit dans sa complexité. Suivant le schéma de la carte mentale, le récit va développer plusieurs capsules dont les thèmes se croiseront tout au long de la narration pour constituer un réseau d’histoires.

J’aborderai la vidéo non pas en suivant un mode dramaturgique traditionnel mais avec un découpage en chapitres qui se font échos entre-eux. J’imagine le résultat comme mélange des derniers travaux d’Harun Farocki (Parallel I-V , Serious Games)

Wayof Seeing de John Berger et des documentaires The Decine of the Western Civilization de Penelope Spheeris.

Une voix-off emmènera le spectateur tantôt au fil de réflexions, tantôt à la manière d’un conte. Elle fera le lien entre des documents et des évènements de sources variées (fonds de cartes, objets anciens, documents d’archives, fac-similé,...).

https://youtu.be/iiqcr5jityY

- Dante Alighieri, La Divine Comedie.

- Gaston Bachelard, L’Eau et les Rêves, 1942.

- Hakim Bey, The Temporary Autonomous Zone, 1991.

- Juan Luis Burke, Architecture and Urbanism in Viceregal Mexico, 2021.

- David Buxton, Le Rock : Star-System et Consommation, 2014.

- Jean-Christophe Bailly, L’instant et son Ombre, 2007.

- Jean Baudrillard, L’échange symbolique et la mort, 1976.

Simulacre and Simulation, 1981.

Le Crime Parfait, 1995.

- Roland Barthes, La Chambre Claire, 1980.

- Hans Belting, Pour une Anthropologie des Images, 2004.

- Horst Bredekamp, Théorie de l’Acte d’Image, 2007.

- Luc Boltanski & Eve Chiapello, Le Nouvel Esprit du Capitalisme, 1999.

- Françoise Dolto, L’Enfant du Miroir, 1987.

Le Sentiment de Soi, aux Sources de l’Image du Corps, 1997.

- Guy Debord, La Société du Spectacle, 1967.

- Umberto Eco, La Guerre du Faux, 1985.

- Mircea Eliade, Le Sacré et le Profane, 1957.

- Harun Farocki, Il Serait Temps que la Réalité Commence, 1992.

- Michel Foucault, Dit et Écrits, 2001.

- Byung-Chul Han, La Société de Transparence, 2012. Le Désir : l’Enfer de l’Identique, 2014. Dans la Nuée : Réflexions sur le Numérique, 2015.

- Yuval Noah Harari, Sapiens, 2015.

Homo Deus, 2017.

- Dick Hebdige, Sous-Culture, le Sens du Style, 1979.

- Eva Illouz, La fin de l’amour : Enquête sur un désarroi contemporain, 2020.

- David Le Breton, Disparaître de Soi, 2015.

- Marshall Mac Luhan, Understanding Media,1964.

- Marie-José Mondzain, Image Icone Economie, 1996.

Homo Spectator, 2007.

- Ovide, Les Métamorphoses.

- Mary Shelley, Frankenstein, or ; the Modern Prometheus, 1818.

- Susan Sontag, Notes on Camp, 1964.

On Photography, 1977.

bibliographie selective Ce projet a reçu le soutient de :

- Charles Stépanoff, Voyager dans l’invisible : Techniques chamaniques de l’imagination, 2019.

- Bram Stoker, Dracula, 1897.

- Guy Stresser-Péan, Le Soleil-Dieu et le Christ. La Christianisation des Indiens du Mexique, 2005.

- Vincenzo Susca, Industries Culturelles et Vie Quotidienne, 2021.

- Nikola Tesla, My Invention, 1919.

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