Etude des potentialités de développement de la Filière de tissage de Gafsa

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Etude des potentialités de

développement de la mlière tissage de

Gafsa

et sa contribution à la dynamique socio économique de la région

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Remerciements Nous remercions Monsieur Sofiane Tekaya directeur général de l’ONA, Madame Jaouida Gastli directrice du CITT, Monsieur Jamel Riahi délégué régional de l’artisanat, tous les cadres de l’ONA qui ont participé à la table ronde organisée durant la phase de diagnostic ainsi que Madame Fatma Moussa directrice au Ministère de la Formation Professionnelle et de l’Emploi pour leur accueil et leur disponibilité durant la conduite de cette étude. Nous remercions le bureau de l’ONUDI à Tunis particulièrement sa représentante Madame Monica Carco pour sa confiance et Madame Douja Gharbi, experte auprès de l’ONUDI dont la collaboration a été particulièrement précieuse dans la conduite de cette étude lors de l’enquête sur terrain dans la région de Gafsa et l’élaboration du plan d’affaires d’une entreprise pilote d’artisanat.

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Sommaire REMERCIEMENTS

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EDITORIAL

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INTRODUCTION

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1. LA SITUATION DU SECTEUR DE L’ARTISANAT

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2. L’ARTISANAT DANS LA REGION DE GAFSA 2.1 La région, son potentiel et l’effectif d’artisanes 2.2. Le soutien institutionnel : des approches rationnelles et des performances mitigées 2.2.1. L’Office National de l’Artisanat 2.2.2. Le centre technique du tapis et tissage 2.3. La production dans les localités de l’étude 2.4. Le processus commercial

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3. LES ENQUETES DE TERRAIN ET LA SITUATION DE L’ARTISANAT ET DES ARTISANS DANS LES LOCALITES ETUDIEES 3.1. Les visites de la région 3.2. Le diagnostic 3.2.1. Les points faibles 3.2.2. Les points forts

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4. SYNTHESE DES PROPOSITIONS 4.1 Le volet technique et les métiers connexes 4.2 La formation 4.3 La promotion des produits de tissage ras 4.4 Le modèle économique 4.5 La dynamisation de la filière et l’autonomisation des artisanes

39 39 40 41 42 43

5. MODELE STRATEGIQUE POUR LA TRANSFORMATION DE L’ARTISANAT EN MOTEUR DU DEVELOPPEMENT REGIONAL

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CONCLUSION : PROPOSITIONS PRATIQUES POUR LA MISE EN OEUVRE DU MODELE

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ANNEXES Annexe 1 : Potentiel entrepreneurial, modèle économique et plan d’affaires Annexe 2 : Les besoins exprimés lors de la consultation nationale sur l’artisanat Annexe 3 : L’Office National de l’Artisanat Annexe 4 : Le centre technique de création, d’innovation et d’encadrement dans le secteur du tapis et de tissage Annexe 5 : Propositions formulées à l’issue de la campagne de formation-sensibilisation à la création de groupements d’artisans

57 57 73 75 77 78

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Editorial Créé

en 2007 grâce à une généreuse contribution du gouvernement espagnol au système des Nations Unies, le Fonds pour la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement (F-OMD) s’est fixé pour objectif la contribution résolue à l’éradication de la pauvreté et des inégalités. Le F-OMD apporte son soutien aux citoyens et à leurs organisations, ainsi qu’aux gouvernements, afin de mettre en œuvre des programmes qui aident à faire progresser l’atteinte des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) dans le monde entier. Le F-OMD est géré dans chaque pays par les équipes de l’ONU; la collaboration entre les différents organismes de l’ONU vise à garantir une plus grande efficience des interventions de développement. Le Fonds a adopté une approche centrée sur les programmes conjoints et en a approuvé 130 dans 50 pays. Ces programmes sont répartis en huit volets qui contribuent de diverses façons à la réalisation des OMD, à l’appropriation nationale et à la réforme de l’ONU. Le programme conjoint « Impliquer la jeunesse tunisienne pour atteindre les OMD » a été développé en Tunisie depuis Octobre 2009. Au niveau global, le Programme entre dans la contribution à l’atteinte de l’OMD 1 qui concerne la réduction de l’extrême pauvreté et de la faim ayant pour cible d’atteindre

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le plein emploi productif et un travail décent pour tous, y compris les femmes et les jeunes.Il cible trois régions (Gouvernorats d’El Kef, Gafsa et le Grand-Tunis). Il consiste à appuyer la Tunisie dans ses efforts pour développer et rehausser les capacités locales, dans les zones exposées au problème de la migration, à travers la création durable d’emplois décents et la promotion de compétences locales dans ces trois régions pilotes. Ce programme qui implique, cinq agences onusiennes (BIT, FAO, OIM, ONUDI, PNUD) et le Ministère de la Formation Professionnelle et de l’Emploi (MFPE), vise à soutenir les objectifs du Gouvernement, du secteur privé et de la société civile par le biais d’activités coordonnées sur l’emploi des jeunes et la migration aux niveaux central et régional. Ainsi, le programme suggère des interventions différenciées adaptées aux différents besoins des populations cibles. Les résultats attendus du Programme sont les suivants:

1. À l’horizon 2013, les partenaires 2. Les chômeurs diplômés et non 3.D’ici publics et privés mettent en place de nouvelles stratégies et mécanismes d’emploi mieux adaptés aux besoins spécifiques des jeunes chômeurs diplômés et non diplômés dans les régions ciblées (Tunis, El Kef, Gafsa) ;

diplômés des régions ciblées (Tunis, El Kef, Gafsa) accèdent mieux à des emplois salariés décents en Tunisie et à l’étranger ;

2013, une proportion des jeunes chômeurs diplômés et non diplômés des régions ciblées créent leurs propres projets.

Comme on le voit, le programme s’adresse aux jeunes défavorisés dans les zones urbaines et rurales avec des mesures ciblées pour leur insertion dans le marché de l’emploi, minimisant du même coup les risques des jeunes à s’engager dans les circuits de la migration illégale. La priorité du programme conjoint est de cibler les plus démunis et ceux dont les chances en termes d’emploi sont les plus faibles (jeunes diplômés et non diplômés). Une attention particulière a été accordée aux jeunes filles qui font face en plus à une discrimination basée sur le genre social.

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Introduction Selon les termes de référence, cette étude vise l’ « analyse des potentialités de

développement de la filière du tissage ras dans le gouvernorat de Gafsa et de sa contribution à la dynamique socio-économique de la région ». Elle s’inscrit dans un programme plus vaste : « Le programme conjoint « Impliquer la jeunesse tunisienne pour atteindre les OMD », dans lequel cinq agences onusiennes (BIT, FAO, ONUDI, PNUD, l’OIT et l’OIM) sont impliquées, vise à soutenir les objectifs du Gouvernement par le biais d’activités coordonnées sur l’emploi des jeunes et la migration aux niveaux central et local… Le programme suggère des interventions différenciées adaptées aux différents besoins de deux populations cibles identifiées par les analyses préliminaires du projet i) les diplômés de l’enseignement supérieur en chômage et ii) les jeunes chômeurs sans qualifications.»1

Concrètement l’étude devra aboutir à l’élaboration d’un diagnostic du secteur de l’industrie de tapisserie dans 4 délégations de Gafsa et la mise en évidence de ses potentialités de développement ainsi que des propositions d’actions permettant « l’amélioration de la contribution du secteur de tapisserie à la dynamique socioéconomique du gouvernorat de Gafsa ».

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cf. TDR expert principal

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Avant d’engager l’étude sur le terrain un travail de documentation a été réalisé par l’expert principal. Il a abouti à un pré-diagnostic qui a été discuté avec les autres membres de l’équipe puis présenté le 5 mai 2011 devant une membre de l’ONUDI à Vienne, en mission à Tunis. Ce pré-diagnostic a servi de base commune aux membres de l’équipe pour conduire l’étude et se partager les tâches chacun dans sa spécialité. A mi parcours de l’étude, une réunion de travail a été organisée le 14 juin à l’occasion de la mission de Mme Mouna Hachem experte désignée pour la mission d’évaluation à mi-parcours du programme « Impliquer la jeunesse tunisienne pour atteindre les OMD ». Un rapport d’étape a été réalisé après les travaux d’enquête auprès des institutions concernées et les visites effectuées dans la région de Gafsa. Dans le présent rapport, on présente, dans une première partie, des éléments de la situation du secteur de l’artisanat tunisien, des stratégies et politiques de développement dont il a fait l’objet, des conclusions et propositions d’actions auxquelles ont abouti quelques études dont il a fait l’objet et peuvent inspirer l’action dans le cadre du développement de l’industrie du tissage dans

la région de Gafsa. Dans une seconde partie, on y décrit la situation de cette industrie dans le gouvernorat et plus précisément dans les quatre localités, objet de l’étude. Le soutien institutionnel et ses performances sont également passés en revue. Un diagnostic stratégique relevant les points forts et les points faibles est élaboré. Il est suivi d’une synthèse des propositions formulées à la suite d’une analyse des diagnostiques des différentes dimensions du secteur. La quatrième partie du rapport présente un modèle stratégique de développement de l’artisanat qui permettrait, une fois mis en oeuvre, d’en faire un secteur durable, créateur de valeur, attractif pour les jeunes promoteurs, générateur de métiers connexes et d’emplois. Le rapport se termine par des propositions pratiques pour la mise en oeuvre du modèle défini. En annexe, on présente, entre autres documents, un plan d’affaires pour la création d’une entreprise artisanale pilote ainsi qu’un modèle économique pour la création d’un groupement d’intérêt économique GIE.

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La Situation du Secteur de l’artisanat

Le secteur de l’artisanat en Tunisie constitue un domaine d’activité économique

stratégique au sens où il représente une source de revenu pour une population d’artisans estimée à 350.000 personnes2, et d’emplois indirects dans les secteurs du commerce et du tourisme voire même de l’industrie et de l’agriculture qui fournissent certaines matières premières. Le secteur a fait l’objet d’une étude stratégique en 2002. Cette étude a abouti à la fixation d’objectifs à réaliser à l’horizon 2016 qui sont les suivants : • Accroissement de la part du secteur dans le PIB : de 3,82% en 2006 à 8% en 2016 • Accroissement de la part du secteur dans le volume global des exportations : de 2,19% à 8,9 % • Création de plus de 7000 nouveaux emplois par an • Augmentation de la valeur ajoutée par artisan de 3400 D à 11000 D • Augmentation du revenu annuel moyen de l’artisan de 2000 D à 9000 D Ces objectifs sont inégalement réalisés : Au niveau de l’emploi, et selon les chiffres publiés en 2010, les réalisations dépassent les prévisions : 9500 emplois créés par 8000 projets dont 2000 ont bénéficié de crédits de fonds de roulement. Il s’agit de micro projets dans leur majorité puisque la moyenne de création d’emplois par projet est de 1,19 environ. La question se pose quant à la survie des entreprises créées et quant aux activités artisanales confinées dans le secteur informel, de façon éventuellement durable. Néanmoins, on peut retenir que le secteur reste attractif pour les petits promoteurs. Une étude approfondie devrait permettre d’identifier le profil de ces promoteurs et d’apprécier dans quelle mesure le secteur attire des diplômés de l’enseignement supérieur, de mesurer les effectifs d’artisans et d’artisanes qui migrent du secteur informel vers le secteur formel et d’identifier la propension des entreprises créées à survivre et se développer. 2

dont 120.000 artisans disposant d’une carte professionnelle

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Concernant l’export c’est plutôt une régression que l’on relève à travers les chiffres publiés en 2010 : La part de l’artisanat ne représente que 1,9% des exportations totales. Les exportations directes sont de 140M DT, celles indirectes (achats faits par les touristes) s’élèvent à 350M DT soit 71,42% du total des exportations des produits artisanaux, ce qui montre combien le secteur est dépendant du tourisme3. L’étude stratégique a été suivie de décisions politiques pour la promotion du secteur et d’un plan national de développement de l’artisanat (PNDA). Des réalisations ont été enregistrées dans divers domaines d’intervention4, on citera entre autres : - la réforme du cadre juridique organisant les métiers et la restructuration de l’ONA renforçant les fonctions de qualité, de création, de promotion et d’information en particulier - le renforcement de la disponibilité de la main d’oeuvre qualifiée par la formation (programme 21 21) - la mise en place d’un système qualité (programme ITKAN), - la stimulation de la création d’entreprises et d’emplois - la création de villages d’artisans

- la promotion du produit artisanal à l’échelle nationale et internationale Une seconde étude réalisée par l’ONA s’est intéressée aux faiblesses du secteur qui bloquent son développement en tant qu’activité économique déterminée comme toutes les autres activités par l’environnement actuel des affaires5. La créativité, l’innovation technologique, les circuits de distribution, la communication et le marketing, les conditions de la production, la capacité de négociation des agents économiques sont autant de facteurs à prendre en considération. Partant de cette hypothèse et d’une analyse des points forts et des points faibles du secteur, cette étude a mis en évidence le partenariat comme piste stratégique à emprunter pour le développement du secteur. Il s’agit • d’un partenariat institutionnel qui mettrait, au profit de l’artisanat, la recherche dans le domaine du patrimoine, la recherche scientifique appliquée aux matières premières et divers intrants de la production artisanale, la recherche et développement appliqués à la technologie, la recherche & développement de l’ingénierie de formation etc. • et d’un partenariat réunissant des artisanes et des artisans dispersés et sans pouvoir de négociation

2006 ‫ وﺛﻴﻘﺔ داﺧﻠﻴﺔ‬،‫ ﺣﻮل ﺗﻨﻔﻴﺬ اﺳﺘﺮاﺗﻴﺠﻴﺔ اﻟﻨﻬﻮض ﺑﺎﻟﺼﻨﺎﻋﺎت اﻟﺘﻘﻠﻴﺪﻳﺔ‬2016 ‫ ﺣﻮل أﻫﺪاف اﺳﺘﺮاﺗﻴﺠﻴﺔ اﻟﻨﻬﻮض ﺑﺎﻟﺼﻨﺎﻋﺎت اﻟﺘﻘﻠﻴﺪﻳﺔ ﻓﻲ آﻓﺎق‬4 Cf. http://www.onat.nat.tn/site/fr/article.php?id_article=27 «A propos des objectifs stratégiques de promotion de l’artisanat à l’horizon 2016». Document interne relatif à la mise en oeuvre de la stratégie de promotion de l’artisanat 5 STARC Consulting (2006) Projet d’aide à la conception d’une politique de développement de l’artisanat dans le cadre d’une stratégie de partenariat

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4

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des prix aussi bien des intrants que des outputs. Ce partenariat permettrait un commerce équitable et rendrait l’activité artisanale suffisamment rentable pour assurer un revenu décent. L’étude affirme dans ses conclusions qu’étant donné le caractère transversal du secteur, il « ne peut connaître la croissance souhaitée sans la contribution des divers départements ministériels et autres acteurs du développement national, chacun dans sa spécialité ». En effet, le développement nécessite l’intervention de plusieurs acteurs appartenant à des institutions et domaines divers : patrimoine, institutions financières, tourisme, enseignement supérieur, technologie, commerce, formation… L’intervention de différentes parties est d’autant plus justifiée que l’artisanat renferme un fort potentiel économique qui réside dans la création d’emplois à coût réduit, la valorisation des ressources locales et régionales, les possibilités d’exportation directe et indirecte. Il a en plus une valeur symbolique car il constitue un support de l’identité nationale et locale tout en s’inscrivant dans la modernité. Durant l’année 2005 des consultations à l’échelle régionale et nationale ont été organisées par le Ministère du Commerce et de l’Artisanat en vue de recueillir l’opinion des professionnels concernant la situation du secteur. L’analyse des rapports établis

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à la suite de ces consultations a montré l’importance relative, selon les régions, des domaines pour lesquels les professionnels souhaitent une intervention. Il s’agit du financement, la formation, le cadre juridique et institutionnel, la recherche et l’innovation, la production et la commercialisation6. Concernant la région du sud ouest dans le gouvernorat de Gafsa les besoins prioritaires sont liés à l’innovation, le financement et la production-commercialisation. Cette étude a abouti à des recommandations pour le développement du secteur qui restent encore valables et que nous reprenons ci-dessous : • « Associer préservation du patrimoine et besoins du consommateur dans la société moderne : exploiter plus largement l’héritage et renforcer la fonctionnalité des produits pour la vie moderne. Cela peut se faire par la fertilisation croisée des connaissances en mobilisant les savoirs hérités et les savoirs scientifiques, une exploitation plus intense et plus méthodique des ressources disponibles comme intrants (matières premières, produits végétaux…) design et combinaison des métiers (bois et tissage, cuir et tissage, architecture-décoration-produits artisanaux, art culinaire-produits artisanaux) • Rationaliser et simplifier le travail des artisanes et artisans : étude des processus et application de principes ergonomiques.

Cf. carte des besoins exprimés en annexe 2

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• Gérer autrement le produit : réduction du coût, apport de nouvelles fonctionnalités au produit en rapport avec la modernité, l’exploitation des nouvelles technologies… • Stimuler la demande : communication, informations livrées avec le produit, recherche de moyens pouvant donner au produit artisanal des avantages compétitifs, circuits de distribution innovants. • Mutualiser les moyens entre les producteurs : assistance orientée vers des besoins partagés au niveau approvisionnement, commercialisation, conception des produits et design, R & D, exploitation des nouvelles technologies, finances, développement des ressources humaines. • Innover dans les matériaux, les processus et les produits • Communiquer et former en vue du développement de la capacité d’adoption des innovations de manière récurrente par les artisanes et artisans ainsi que les entreprises artisanales. • Oeuvrer pour un changement culturel en vue de la formation de valeurs positives concernant l’artisanat, les artisanes, les femmes, l’entrepreneuriat… • Mettre en place une politique de qualité totale qui touche l’ensemble de la chaîne de valeur * l’innovation (associer valorisation du patrimoine et modernité, recherche scientifique et transfert des savoirs hérités),

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* les matières premières, leurs propriétés et leur qualité, * les politiques d’achat, * le contrôle de la qualité des matériaux (création éventuelle de laboratoires spécialisés), * les équipements et outillages (politique d’achat ; R&D et innovation; maintenance; adaptation aux processus de fabrication et de contrôle), * les processus de production, * les procédures (définition, partage des savoirs, documentation sur supports adaptés et diffusion des bonnes pratiques), * la définition, la diffusion et le contrôle de normes,

proximité (plateforme) associant les diverses parties prenantes (administration, artisans, office, fédérations…) toutes responsables de la réussite de la politique de qualité ». Des journées de formation et de sensibilisation à la création de groupements d’artisans ont été organisées en 2008. Elles ont couvert l’ensemble des régions de la république7. A la fin de la campagne 60 groupements ont été créés. A Gafsa, on a recueilli 5 intentions de création mais aucune n’a été réalisée. Ces journées ont été l’occasion de relever les difficultés pouvant freiner la formation de groupements. Un rapport a été établi et a abouti à des propositions pour la stimulation de la création de groupements que l’on trouvera en annexe 3. Parmi les recommandations, on note celle qui concerne la valorisation du patrimoine et le renforcement des synergies à l’échelle régionale.

* la commercialisation (segmentation et ciblage de la clientèle, communication, distribution, service après vente), * la formation (ingénierie de formation, institutions et procédés pédagogiques). • La certification éventuelle par des agences nationales spécialisées (à créer éventuellement en intégrant les amines), • Constitution d’une plateforme régionale de soutien au développement local du secteur, une structure de

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STARC Consulting (2008) Rapport des journées de sensibilisation des artisans à la création de groupements

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L’artisanat dans la région de Gafsa

Pour un premier diagnostic de la situation de l’artisanat à Gafsa, l’équipe

d’experts s’est déplacée à l’ONA, d’abord pour conduire un entretien avec le directeur général et deux de ses collaborateurs, ensuite pour une table ronde qui a réuni les représentants des différentes directions à l’ONA (groupements, investissement et mise à niveau, qualité, marketing, coopération internationale et partenariat, salons de l’artisanat et salons à l’étranger, un directeur général adjoint et le délégué régional de l’artisanat à Gafsa). La même équipe a réalisé une visite et un entretien avec la directrice du centre de tissage des tapis CITT, de même qu’un entretien avec la Directrice de l’Observatoire National de l’Emploi et des Qualifications au Ministère de la Formation Professionnelle et de l’Emploi. Une synthèse des informations recueillies est présentée dans ce qui suit.

2.1. La région, son potentiel et l’effectif d’artisans

Gafsa compte 330.000 habitants et 11 délégations. Selon le délégué régional de l’artisanat à Gafsa, le capital humain du secteur est estimé à 14000 artisans(es), dont 9000 disposant de carte professionnelle, 80% d’entre eux sont des femmes. Outre ces artisans (es) en activité, il y aurait 4500 personnes qui ont reçu une formation grâce au mécanisme 21-21 sur lequel nous reviendrons. Certains considèrent que toutes les femmes ont appris le métier sur le tas au sein de la famille. Le tissage manuel représente 95% des activités artisanales. Le reste couvre l’habillement traditionnel, le bois, les métaux, la pierre, l’argile, les fibres végétales et le cuir. Il existe 52 entreprises artisanales exerçant dans le secteur formel. Le tableau ci-dessous présente la répartition des artisans (es) sur les différentes localités.

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Tableau 1. Répartition géographique des artisans(es) Délégation

Nombre d’artisans (es)

Gafsa Sud et Ouest

3800

El Gtar

1300

Metlaoui

1078

Gafsa Gsar

800

Redeyef

380

Belkhir

380

Sned

370

Om Larayes

130

Sidi Yaich

96

Le tissage dans la région s’articule autour de deux axes : le tissage ras traditionnel et la tapisserie murale (reproduction de toiles classiques et motifs modernes). Selon les experts de l’ONA, la production de la région représente 10% de la production nationale de tissage et tapis et 2 à 3% seulement des produits estampillés. La plus grande variété de produits existe à El Gtar : mergoum, tapisserie, toute la panoplie de tissage y compris les tissages fins. Gafsa ville et les autres pôles de l’exploitation minière se distinguent par la tapisserie murale. On peut imaginer que cela est lié à l’existence d’un pouvoir d’achat dans ces localités mais il semble que sur les 100 millions de

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dinars distribués en salaires par la CPG seulement 20 millions sont dépensés sur place.

Un potentiel qui attend sa mise en valeur De l’avis des experts de l’ONA, le savoir faire dans la région est très important et son patrimoine est très riche. Mais il y a nécessité de formation et d’encadrement pour une meilleure qualité, d’actions marketing et de commercialisation efficaces pour exploiter ce potentiel hérité. Ce patrimoine a été conservé en l’absence d’industries de transformation et d’opportunités d’emploi pour les femmes. Mais actuellement, la pérennité du secteur est menacée à plus ou moins long terme car le revenu qu’il procure à l’artisane du tissage est beaucoup trop faible pour être attractif. C’est pourquoi la recherche de voies pour l’accroissement de la création de valeur permettant le relèvement du revenu des artisanes est une exigence incontournable si l’on veut pérenniser le secteur et en faire un vecteur de développement de la région. Les voies porteuses qui se présentent pour le développement du secteur et son élévation au rôle de moteur de développement de la région sont la qualité, l’innovation, la promotion marketing, la commercialisation et la formation en tant que vecteur favorisant la qualité et l’innovation. On pourrait ajouter


à cela la communication afin d’améliorer l’image de l’artisanat ainsi que la restructuration du secteur principalement au niveau de la production, des circuits de distribution et d’approvisionnement. Les localités de Majoura, Sned, Ayech Jbel et Hawel el Oued retenues pour cette étude, font partie des délégations de SNED et Belkhir qui sont parmi les moins peuplées d’artisans (es), (voir tableau 1 cidessus). C’est à Majoura (Sned) seulement que l’on fabrique le tapis point noué, seul le tissage ras (Mergoum Bousaad, Klim Gafsi,Tapisserie,) est pratiqué dans les autres localités. Le tissage au Sned est dominé par le mergoum et le klim.

2.2. Le soutien institutionnel : des

approches rationnelles et des performances mitigées

L’artisanat bénéficie d’un soutien institutionnel assuré principalement par l’Office National de l’Artisanat créé en 1959. Plus récemment et en 2008, il a été créé le centre technique de création et d’innovation dans le secteur du tapis (CITT).

2.2.1. Office National de l’Artisanat

Les activités de l’ONA lors de sa création et durant des décennies, couvraient l’ensemble de la chaîne de valeur de l’artisanat depuis la production jusqu’à la commercialisation des produits en passant par la formation, l’octroi de fonds de roulement et

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l’encadrement des artisans. Le site de l’ONA décrit sa mission originelle comme suit : « Depuis sa création, l’ONA s’est essentiellement préoccupé de sauver les anciennes techniques en voie de disparition, de sélectionner et de rénover les techniques traditionnelles tout en s’intéressant, de plus en plus, à la formation artisanale et à une meilleure commercialisation »8. Actuellement, et après sa restructuration, la mission de l’ONA s’est orientée vers la veille et la promotion du secteur : élaboration de normes de qualité, contrôle technique des entreprises artisanales, contrôle de la qualité des produits artisanaux destinés au marché local et à l’exportation, élaboration d’études, planification, développement de la coopération internationale, proposition de mesures et moyens propres à promouvoir le secteur. L’ONA assure un encadrement du secteur à travers des projets et programmes ad hoc : Programme National de Développement de l’Artisanat, Programme Qualité ITKAN, Programme Innovation IBTIKAR, stimulation de la création de groupements d’artisans, salon de l’artisanat, accréditation de magasins, estampillage des tapis. L’ONA ne contrôle donc plus les mécanismes de développement du secteur tels que le financement et la formation. Le financement des crédits pour capital roulant ont été transférés à la BTS, le fonds 21-21 pour la formation

http://www.onat.nat.tn/site/fr/article.php?id_article=50

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est contrôlé par le Ministère de la Formation Professionnelle et de l’emploi . Ce retrait de l’ONA des activités de soutien direct aux artisans a été à l’origine d’une perte d’informations et de moyens d’orienter le développement du secteur. En effet, lorsque le fonds de crédit pour fonds de roulement était géré par l’ONA, il permettait de tenir des statistiques fiables, d’entretenir et de garder le contact avec les artisans et de les encadrer. Ce fonds fonctionnait comme outil permettant l’assistance et l’encadrement des artisans qui s’adressent à l’ONA et ses délégations régionales. Lorsque le fonds a été utilisé par l’ONA pour encourager à la création de groupements et pour l’accès des artisans au secteur formel, 80 groupements ont été créés en une année ainsi que 300 entreprises, selon le directeur de l’investissement à l’ONA. L’ONA dispose de cadres spécialisés au fait des problématiques réelles du secteur ce qui n’est pas le cas des structures chargées récemment des dossiers de crédit ou de formation. Par exemple, la spécificité du mode d’organisation des artisanes (travail à domicile, réseaux informels) n’est pas reconnue par le système BTS d’octroi de crédit. Ces spécificités étaient prises en considération par la politique de crédit de l’ONA qui a une approche globale du secteur et des conditions de travail des artisan(e)s, sa politique ayant toujours été marquée

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par le souci de sauvegarder un patrimoine matériel et immatériel menacé. Partant du constat qu’une mauvaise qualité fait chuter jusqu’à 70% le prix du produit, l’ONA tente des actions pour l’améliorer à plusieurs niveaux de la chaîne de valeur • Au niveau de l’estampillage : la traçabilité est obligatoire mais actuellement les experts évaluent la qualité à l’oeil nu. Pour plus de rigueur l’ONA est en train de travailler avec le CETTEX pour mettre au point une méthode permettant les analyses. • L’ONA dispose de normes établies relatives à la filature et la teinture, il travaille pour les rendre obligatoires pour les fabricants. Un projet d’arrêté est en voie d’homologation. • Il encadre les artisanes pour les orienter vers l’achat de fils de qualité normalisée, sauf que parfois, pour des raisons de prix, les artisanes ne suivent pas les conseils. Un effort est déployé pour les aider à se fournir en matières premières de qualité y compris des produits importés. • Il conseille sur les dimensions et le poids des produits pour qu’ils soient mieux adaptés au marché. Le défi pour l’ONA réside actuellement à amener les


artisans à changer de comportement sur toute la chaîne de valeur mais il se heurte à d’autres acteurs en présence. Leur influence économique, morale et sociale est dirigée par des principes divergents par rapport à ceux de l’ONA, particulièrement dans la région de Gafsa. Par rapport à la qualité de la matière 1ère et de l’outillage, l’ONA a élaboré un cahier des charges qui n’a pas, jusque-là, été respecté. Il a mené une action auprès des filatures du secteur formel afin de les obliger à respecter les normes de teinture pour des filés de qualité. Mais ces dernières sont concurrencées par les opérateurs du régime informel qui fournissant des fils de très mauvaise qualité mais bon marché. L’ONA s’est également intéressé à la question de l’innovation. Dans le cadre du projet Ibtikar, un programme de coopération a été lancé avec l’université, il a permis de recruter des contractuels diplômés de l’enseignement supérieur qui bénéficient d’un encadrement à l’ONA. Ce programme destiné aussi à soutenir des projets de réseautage entre l’université et les artisans, a démarré dans quelques régions mais pas à Gafsa. Il est prévu la construction de sept villages d’artisans dans la région de Gafsa. Seul celui d’Om El Arayess est fonctionnel mais il n’a pas encore démarré.

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Un projet de centre pilote de développement des compétences prévu à Gafsa est resté au stade de l’étude.

2.2.2. Le centre technique du tapis et tissage

Le Centre Technique de Création, d’Innovation et d’Encadrement dans le Secteur du Tapis et de Tissage, est créé par arrêté du Ministre du Commerce et de l’Artisanat du 14 février 20079. Il réalise différentes activités destinées à valoriser et à développer les techniques de tissage à travers les études, la recherche, l’innovation dans le design, l’encadrement des artisans et des jeunes diplômés du supérieur (beaux arts, ingénieur textile etc.). Les maquettes sont mises à la disposition des artisans pour la réalisation des prototypes. L’artisane bénéficie d’un encadrement à cet effet. Elle peut par la suite produire le modèle en série et le vendre pour son propre compte sans payer de redevance au centre de tissage. Depuis sa création il y a 3 ans le centre a pu réaliser des prototypes de tissage ras. Il a créé un label qualité intégrant trois variables : qualité de la laine, teinture bio, travail manuel. Il conduit des recherches sur divers domaines liés au tissage : métiers à tisser, icones, terminologie. Il travaille également sur l’innovation en matière de design. Les techniciens du centre ont appris à tisser, pour mieux comprendre le métier et pour qu’en faisant des designs, ils prennent

cf. annexe 4

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en considération les contraintes de la production. Malgré les précieuses opportunités qu’il peut offrir, il ne semble pas que le CITT ait eu un impact significatif sur l’activité artisanale dans la région de Gafsa.

2.3. La production dans les localités de l’étude

Il existe deux modes de production : celle à domicile et celle des ateliers qui obéissent à des circuits différents mais convergent toutes deux vers un commerce non équitable qui freine l’expansion du secteur et l’exploitation de son potentiel. Le travail à domicile est répandu, il représente selon les estimations de l’ONA, 40% de la production du secteur. C’est une activité féminine. Les femmes travaillent selon une logique de réseau : celle qui reçoit une commande sous traite auprès d’autres femmes qui travaillent chez elles ; ce sont les sous-traitantes pour divers donneurs d’ordre. Les principaux bénéficiaires de cette activité domestique sont ceux qu’on appelle « les ramasseurs ». Ils fournissent la matière première aux artisanes à domicile, puis viennent ramasser la production. Ils contrôlent donc l’input et l’output du processus de production et par suite les prix et les caractéristiques du produit final dont la qualité. En conséquence, on observe une mauvaise qualité des matières premières et, par conséquence, des produits finis, une rémunération faible des artisanes, d’où un effet désastreux sur l’image du produit et de l’activité artisanale elle-même désormais peu attirante pour les jeunes. Les ateliers fonctionnent grâce au mécanisme 21 21 supposé rémunérer l’effort de formation prodigué par

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l’entreprise. Les « apprenties » reçoivent 50DT par mois au titre d’indemnité payée par l’Etat. Or ces dernières arrivent déjà formées chez elles et produisent donc « gratuitement » pour l’entrepreneur (e) qui vend la production et reçoit en sus une subvention versée également par l’Etat ! Il existe 11 ateliers opérant dans le secteur dans les quatre localités réunies. Des signes de constitution de lobbies et de monopoles de ramasseurs dans la région sont relevés. Ces derniers favorisent les produits de mauvaise qualité sur un marché régional dont ils ont le monopole, dissuadent les artisanes d’estampiller leurs produits et bloqueraient même une opération qualité menée par l’ONA. Les artisanes sont dépendantes financièrement de ces ramasseurs. A cet égard, l’ONA a tenté de stimuler la création de 5 ateliers par 3 entrepreneures femmes et 2 hommes sélectionnés et éligibles au bénéfice du fonds 2121. Ces entreprises emploieraient 180 personnes qui bénéficieraient d’une formation financée par le fonds. L’objectif est de réaliser un produit de qualité estampillable. Les localités concernées sont Belkhir et El Gtar (environ 3000 artisanes si on compte les patentées et les non patentées). Un encadrement par les services de l’ONA amènerait les artisanes à travailler selon les normes de qualité établies. Des séances de formation dans l’ourdissage incluant la reconnaissance de la qualité des fils et l’entame du produit sont prévues. Les cadres de l’ONA considèrent que les artisanes sont

10

très qualifiées du point de vue capacité de réalisation des motifs et disposent d’une dextérité remarquable en matière de tissage, mais il y a certains détails qui leur échappent et les empêchent de réaliser un produit de bonne qualité, qui répond à la demande du marché10. Mais, au moment où nous écrivons, le projet n’a pas encore abouti.

2.4. Le processus commercial

Le processus commercial n’est pas maîtrisé par l’artisane sauf si elle gère elle-même son atelier. Elle ne contrôle qu’un seul maillon de la chaîne de valeur à savoir la transformation (ou production), elle est déconnectée de tout le reste du processus (en amont ou en aval). Elle produit un article soit sur commande, soit pour la consommation familiale soit dans un réseau pour vendre aux ramasseurs. Les villages artisanaux qui devaient, en temps qu’espace de proximité, servir à faciliter la commercialisation des produits par les artisans eux-mêmes, n’ont pas été réalisés sauf celui d’Om Larayes prêt mais pas encore entré en activité. Une opération de commerce équitable a été lancée par l’ONA dans 6 gouvernorats dont Gafsa. Une trentaine d’artisanes ont été touchées pour la production de klim Bousaad normalisé, respectant les normes de qualité, contre une rémunération de 160D le m2 au lieu de 80 qu’offrent les ramasseurs. Mais l’opération aurait été bloquée par des autorités régionales (omda, président de cellule RCD ) sous la pression des lobbies ou en raison du manque à gagner d’agents corrompus qui rackettent

Cf. rapport de Mohamed Njeh qui confirme cette dextérité.

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les artisanes et probablement les ramasseurs eux-mêmes. A l’export le problème de la commercialisation se pose en termes de capacité de production. Concernant le tourisme, il se pose en termes de qualité, d’innovation et de circuit de production. Il a été relevé que le tissage ras a plus de chance d’être écoulé avec une valeur ajoutée plus importante que pour le tapis. Et ceci en raison de sa légèreté et des multiples déclinaisons possibles en divers produits. Mais il y a nécessité d’adapter le design, d’améliorer le processus de production et ses techniques, d’assurer une bonne qualité de la matière première et de développer le volet marketing.

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3

Les enquêtes de terrain et la situation de l’artisanat et des artisans dans les localités étudiées

3.1. Les visites de la région

L’équipe de ce projet d’étude a visité Gafsa et s’est rendue dans les quatre localités désignées. Elle s’est rendue dans des institutions, des ateliers et a rencontré des artisanes, des ramasseurs et des porteurs de projets. Des détails concernant ces visités sont présentés dans ce rapport et ceux établis par les experts Noureddine Essaidi et Mohamed Njeh.

3.2. Le diagnostic

Une analyse synthétique des observations et informations sur les lieux a permis de relever un certain nombre de points faibles et de points forts caractérisant la dynamique du secteur de l’artisanat dans les localités concernées par l’étude.

3.2.1. Les points faibles

Onze points faibles handicapent sérieusement le développement du secteur de l’artisanat dans la région de Gafsa en général et les quatre localités objet de l’étude en particulier.

a. Une image négative de l’artisanat marque la conscience collective :

L’artisanat dans la région souffre d’une image négative qui a des répercussions sur la formation, l’entrepreneuriat et le développement. Il est peu apprécié en tant que secteur d’activité, absent de la formation universitaire, objet d’exploitation sans vergogne (artisanes payées à 50 D par mois sur fonds publics, sous prétexte de formation, ramasseurs et commerçants tirant vers la non qualité et refusant l’estampillage des tapis pour les acheter aux artisanes à

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bas prix), l’entrepreneuriat dans le secteur découragé par certaines structures d’appui à l’entrepreneuriat qui orientent les porteurs de projets vers d’autres secteurs, des étudiants non motivés pour la création d’entreprises dans le secteur.

b.

Absence de formation organisée : Il n’existe pas de centres de formation professionnelle dédiés au tissage, les curricula des deux institutions universitaires ISAMG et ISETG ne comportent pas de filière dédiée à l’artisanat, la filière design ne dispose pas des moyens nécessaires à la formation dans le domaine du tissage, les ateliers privés censés former les apprenties moyennant 50 dinars versés par le fonds 21 21 privilégient la production de qualité moyenne, voire médiocre, à la formation proprement dite. En l’absence de formation organisée, l’apprentissage se fait de mémoire. Il est entretenu par la tradition d’une part, l’opportunité de profiter du fonds 21-21, d’autre part. L’apprentissage au sein de la famille et dans les ateliers se fait sur le tas, à même le métier en plaçant la jeune apprentie entre deux artisanes chevronnées le temps nécessaire à l’assimilation de la technique par la jeune fille.

c.

Absence de stimulants pour le développement de l’artisanat : L’environnement des affaires artisanales est peu attractif : pas de fournisseurs de matières premières de qualité proche, pas de système de formation avancée permettant la maîtrise du

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design et du tissage de produits de qualité, pas de tourisme régional ni local, pas de lieux dédiés à l’exposition-vente des produits, une clientèle de « ramasseurs » encourageant les produits bas de gamme (pas d’estampillage, un commerce inéquitable), de mauvaises conditions de travail au plan ergonomique (installations) et technique (qualité des métiers à tisser, des outillages et de la matière première). Les équipements et les outillages sont rudimentaires, les conditions de travail sont pénibles, l’effort est mal rémunéré. Tout cela a favorisé la chute de qualité des produits et le mépris du métier d’artisane. On est porté à croire que ce sont les pratiques locales et régionales qui contribuent à la dévalorisation de l’artisanat de façon dramatique.

d. La domination du secteur par les ramasseurs qui maintiennent les standards de qualité et de rémunération du travail à un niveau plutôt bas sinon très bas. Ils manifestent une tendance à maintenir l’activité dans le secteur informel afin d’éviter le paiement des impôts et des taxes et comprimer encore davantage les coûts d’une activité à faible valeur ajoutée. Cette domination est particulièrement vérifiée dans les localités de Ayech Jebel et Haouel el Oued. A Majoura et au Sned on a relevé l’existence d’ateliers


dirigés par des diplômés de l’enseignement supérieur mais leur performance reste médiocre sur le plan design et adaptation à la demande du marché.11

e. La suppression de l’octroi de prêt de fonds

de roulement par l’ONA a réduit les opportunités de développement des activités artisanales : L’ONA combinait plusieurs fonctions et services offerts aux artisans. Le fonds de roulement jouait à la fois le rôle de fonds d’amorçage et de financement pour le développement. Il constituait une opportunité pour les cadres de l’ONA de garder le contact avec les artisans, les encadrer techniquement, diffuser des choix stratégiques tels que la qualité ou la constitution de groupements rassemblant des artisanes dispersées. L’abandon de cette fonction cédée à la BTS a privé les artisans des services qui étaient associés au financement. Il a également privé l’ONA de suivre l’évolution du secteur ainsi que des moyens de réaliser la stratégie de développement élaborée par des consultants.

f.

Parmi les conséquences des suppressions successives des fonctions de l’ONA (production, commercialisation, formation, financement), on constate l’introduction d’un flou dans la perception de la fonction du délégué régional de l’artisanat. Cette fonction nécessite une nouvelle analyse et une

redéfinition de sa mission, d’une part en cohérence avec celle de l’ONA après sa restructuration, d’autre part en vue d’une meilleure insertion dans les réseaux des structures régionales d’appui à l’entrepreneuriat et au développement économique.

g.

L’écoulement des produits artisanaux souffre d’une forte dépendance du marché du tourisme. En se fixant sur ce secteur, l’artisanat se détourne d’autres opportunités génératrices de valeur ajoutée plus élevée tels les produits de luxe, le ciblage d’une clientèle exigeante poussant vers l’innovation et la qualité.

h. Absence de sources d’information et d’une base

de données pour stimuler la créativité : déficit de la documentation relative au patrimoine malgré sa richesse (motifs, graphismes, compositions12), pas de musée, pas d’archives concernant les oeuvres et les maquettes réalisées à Gafsa à l’époque où un centre de formation et de production était en activité. Cela a conduit à un tarissement de la dynamique d’innovation, un appauvrissement des designs et une banalisation des produits13.

i.

Un faux business model adopté par les structures de production existantes, qui entraîne précarité et faible valeur ajoutée : les ateliers supposés servir la formation sont en fait des ateliers de production subventionnés par l’Etat aboutissant à une situation rocambolesque, injuste et peu viable.

Cf. rapport de Mohamed Njeh Cf. rapport de Noureddine Essaïdi 13 Cf. rapport de Mohamed Njeh 11 12

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Les « supposées apprenties » sont en fait des ouvrières maîtrisant déjà la technique du tissage transmise par la famille, payées 50D par mois par l’Etat, travaillant dans de mauvaises conditions matérielles, pour une production dont seul profite le ou la propriétaire de l’atelier. L’atelier se trouve souvent à domicile et s’inscrit dans le secteur informel sans taxes ni impôts à payer.

j.

Une absence de coopération entre les artisans (es) et les établissements universitaires de la région : L’institut supérieur des arts et métiers (ISAM) ne dispose pas de filière tissage mais forme dans deux licences spécialisées qui pourraient exploiter le potentiel artisanal de la région. Il s’agit d’une licence de design espace (architecture d’intérieur) et de design produit (création artisanale, création industrielle et design meuble). L’institut supérieur des études technologiques (ISET) dispose d’une filière « tapisserie d’art » mais elle est peu appréciée par les étudiants qui ne s’y rendent que forcés car pour eux « l’artisanat c’est archaïque et démodé ».

k.

Une forte dépendance des artisanes qui ne contrôlent généralement qu’un seul maillon de la chaîne de valeur : sauf exception, les artisanes dépendent des « ramasseurs » pour l’approvisionnement et la

36

vente de leur produit dont le prix dépend de la bonne volonté de ces derniers.

3.2.2. Les points forts

L’artisanat ne manque pas de potentialités qu’une politique pertinente peut mettre en valeur:

a. Un capital de savoir faire et une riche expérience passée : un patrimoine varié de motifs, de graphismes, de compositions et de techniques de tissage.

De plus on peut reconnaître une identité artisanale locale : klim ouled bousaad, mergoum jebali, klim trabelsi, tapisserie murale. La mémoire des appellations traditionnelles des spécialités locales est restée vivace, elle est entretenue par les ramasseurs. La région a bénéficié d’une importante intervention de l’ONA qui a créé les ateliers de Gafsa (1958-1996) animés par un artiste de la région feu Hmida Wahada et d’autres collaborateurs dont M. Mohamed Njeh. Ces ateliers ont allié formation et production, héritage ancestral et modernité. Une nouvelle génération d’artistes y a été formée et a découvert de nouvelles formes d’expression artistique à travers le tissage. Parallèlement, ils ont bénéficié du transfert du savoir traditionnel. Chez elles, les artisanes étaient suivies par une « surveillante de production » employée par


l’ONA qui les conseillait et veillait à la qualité des produits. L’une d’elle dispose aujourd’hui d’un atelier de production, en plus, elle fabrique chez elle des pièces de très bonne qualité.

b.

L’importance du secteur du tissage dans la région : chaque douar a ses artisanes. Elles seraient au nombre de 600 à 750 à Haouel el Oued, 2000 à Ayech Jbel, 200 à Sned et 120 à Majoura. Au total le nombre d’artisanes spécialisées avoisine les 3000. Des ateliers de production existent même si le business model n’est pas durable. On compte au total 11 dont 3 à Haouel el Oued, 3 à Ayech Jbel, 4 à Sned et 1 à Majoura.

c. Un artisanat original se prêtant à la labellisation d. Une dextérité des artisanes du tissage qui,

malgré la vétusté des équipements arrivent à réaliser des pièces de qualité parfois fort complexes lorsqu’il s’agit de reproduire des oeuvres d’artistes14.

e. Existence de deux institutions d’enseignement

la région sont à l’origine d’une civilisation qui remonte à -8000 avant J.C.15

g. Des signes d’évolution des jeunes générations

vers plus d’autonomie et d’esprit entrepreneurial. L’équipe a rencontré des artisanes qui se déplacent dans et hors de la région pour s’approvisionner en matières premières ou vendre leurs produits, des promoteurs femmes et hommes qui ont réalisé ou sont en voie de réalisation de leur projet. Certains jeunes gens rencontrés jouent un rôle de soutien et de défense des intérêts des artisanes de leur localité (cas de Mohamed Ben Salem Bennour de Ayech Jebel)

h. Une interpénétration des intérêts au niveau de la localité et des pratiques d’association familiale et d’entraide : ateliers réunissant les membres d’une même famille, groupement des achats, dépannage en cas de rupture de stock d’écheveaux de couleur chez un groupe d’artisanes ou un autre…)

i. Présence de quelques entrepreneurs potentiels

supérieur qui peuvent être exploitées pour le développement du secteur à travers la formation, le design et la recherche et développement

intéressés par la création dans le secteur de l’artisanat, sinon par le développement de leur entreprise (Raouia Dhahri, Walid Nafti, Fethi Ayech, Aïcha Wahada, Najet Salem)

f.

j.

Existence d’un potentiel touristique régional encore inexploité. L’histoire de la région compte 10.000 ans de vie humaine. Les Capsiens, premiers habitants de

14 15

Existence d’une association de diplômés chômeurs qui peut jouer le rôle de relais pour identifier des entrepreneurs potentiels dans le domaine de

Cf. rapports de Mohamed Njeh et de Noureddine Essaidi http://www.neolithique.eu/capsien-el_golea1.html ; http://www.tunisia.com/fr/tunisia/l%E2%80%99%C3%A9poque- pr%C3%A9historique-en-tunisie

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l’artisanat et les métiers connexes, communiquer sur l’artisanat et améliorer son image.

k.

La satisfaction des besoins techniques et managériaux pour le développement de l’artisanat peuvent donner naissance à de multiples activités et métiers connexes : fabrication et /ou maintenance d’équipements et d’outillages, design, traitement de matières premières, commerce des divers intrants, production/reproduction de maquettes, tous les métiers marketing, tous les métiers liés au tourisme…

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4

Synthèse des propositions

Les propositions ci-dessous sont fondées sur le diagnostic relatif aux volets • Technique et de production • De formation • De création et de design • De promotion • Economique • De dynamisation de la filière

4.1. Le volet technique et les métiers connexes

16

Le diagnostic technique a relevé l’état rudimentaire des métiers à tisser, la mauvaise qualité de la matière première, le non respect de principes ergonomiques élémentaires aux postes de travail ni celui des conditions d’hygiène et de sécurité dans les ateliers, le manque d’innovation et l’absence d’évènements locaux permettant l’échange d’expériences. On en déduit la nécessité d’intervenir au niveau de : • la qualité des outils de production, • la qualité des matières premières • l’aménagement des lieux de travail. L’intervention sera axée sur l’innovation en partenariat avec les institutions idoines. Concernant le matériel, l’outillage et le processus de production, l’ONA et le CITT devraient initier une collaboration avec les centres techniques, les ISET, les écoles d’ingénieur…

16

Cf. rapport « Diagnostic technique et mise en valeur du produit » élaboré par Noureddine Essaïdi

41


afin d’imaginer/améliorer des équipements et des outils de fabrication plus ergonomiques et plus adaptés aux normes de qualité. L’ONA et le CITT devraient aussi collaborer avec le centre technique du textile, les filatures, les teintureries en vue d’assurer une meilleure qualité des intrants, et avec le CEPEX pour une meilleure promotion des produits. Dans l’optique des objectifs de cette étude à savoir, faire de l’artisanat une force motrice pour une nouvelle dynamique de la région, on peut avancer que le secteur de l’artisanat peut générer plusieurs activités connexes dans les métiers du commerce, des services, de la ferronnerie, du bois ou de l’industrie, telles que celles énoncées ci-dessous : • dans le domaine du commerce : l’établissement de points de vente de matières premières de proximité, la constitution de groupements commerciaux pour l’approvisionnement et l’écoulement des produits, l’établissement de petits commerces spécialisés en tissage haut de gamme (qualité supérieure, produit estampillé et labellisé…) • dans le domaine des services : un service d’accompagnement pour l’encadrement des artisanes qui travaillent à domicile, la réparation et la maintenance des équipements et des outillages (soudure, aiguisage de ciseaux,…), la réalisation et la vente de maquettes, l’organisation d’expositions thématiques dans différentes régions, des agences

17

42

de services touristiques, le transport des produits artisanaux vers les zones touristiques et les grandes villes, un incubateur privé jouant le rôle d’informateur et de facilitateur de création d’entreprises artisanales. • dans le domaine de la ferronnerie : la création d’ateliers de fabrication de métiers à tisser et/ou des outillages (khlala, barres de lisses, clous, dévidoirs) et autres équipements des ateliers de tissage. • dans le domaine du bois : l’établissement d’ateliers pour la fabrication des bancs et complément pour les bancs, des casiers de rangement pour les matières premières, la réparation/l’amélioration des métiers en bois actuellement en service • dans le domaine de l’industrie, on peut envisager la possibilité de création d’une petite unité de filature/ teinturerie spécialisée dans les filés de laine et de coton spécifiques au tissage fin de toute la région de Gafsa.

4.2. La formation

17

La formation dans le domaine du tissage devra constituer non seulement un vecteur de développement des compétences, de renforcement du capital humain disponible mais aussi de valorisation du secteur et d’amélioration de son image parmi les jeunes. Vu

l’importance

stratégique

Cf. rapport « Développement des compétences et perspectives de développement de l’innovation » élaboré par Mohamed Njeh

du

secteur

dans


l’économie locale, la formation devrait s’articuler sur plus d’un projet :

• L’organisation de sessions de recyclage pour des artisanes qui veulent se perfectionner ou apprendre des nouvelles techniques.

• la sensibilisation dès l’école de base à travers le programme de la matière « éducation artistique » qui devrait inclure une composante tissage. Cela suscitera l’intérêt des enfants pour l’activité des artisanes autour d’eux, ouvrira des perspectives pour que ceux qui n’auront pas la chance de terminer leurs études et les motivera, qu’ils soient garçons ou filles à rejoindre les centres de formation professionnelle spécialisés dans ce secteur.

4.3. La promotion des produits de tissage

• Les programmes des instituts d’arts et métiers devraient inclure toutes les techniques du tissage et ne pas se limiter aux compostions et aux couleurs, de sorte que les futurs designers soient conscients des contraintes de la production dans la conception de leurs modèles. Pour leur part, les programmes des ISET devraient inclure l’expérimentation de nouvelles matières, l’innovation dans les techniques, ce qui favoriserait la conception de nouveaux produits dérivés. • La création des centres de formation professionnelle spécialisés dans le domaine du tissage s’impose, afin d’accueillir des apprenants sans distinction de sexe comme cela se fait dans les centres de formation du textile et de l’habillement. Ils seront formés dans le tissage aussi bien que dans le contrôle de la qualité.

18

ras18

La promotion devrait commencer par la création d’un label pour la région de Gafsa et de ses agglomérations afin d’affirmer l’identité de leurs produits et de leur donner une visibilité et un argument supplémentaire de vente aussi bien à l’échelle nationale qu’internationale. Afin de rendre les produits plus adaptés aux goûts d’une clientèle sensible à la mode et aux nouvelles tendances, il y a nécessité pour les acteurs dans le domaine, de participer aux évènements (foires, salons, expositions) relatifs à l’artisanat. Comme tous n’ont pas les moyens de se déplacer, il faudra créer des évènements locaux et régionaux où participeront des artistes de renommée, de sorte qu’en plus de l’information, il y ait une stimulation de la créativité pour la conception de modèles et de produits innovants. Néanmoins, la participation des agents économiques de l’artisanat aux foires et salons organisés dans d’autres villes du pays et à l’étranger doit être encouragée et éventuellement subventionnée. Ce sera un investissement qui produira un retour en termes de ventes et de création. En effet, on ne peut dissocier la promotion des produits de la dynamique

ibidem

43


de création. Il s’agit de générer une valeur ajoutée plus haute que celle qu’autorisent les produits classiques de mergoum ou de klim et ceci à travers l’innovation dans des produits dérivés tels que sacs à main, sets de table etc. et l’exploration de nouveaux matériaux, et de nouvelles combinaisons de matériaux qui pourraient apporter des touches esthétiques innovantes. La promotion des produits pourra s’appuyer également sur les TIC et exploiter les possibilités du e-commerce qui connaît une croissance vertigineuse. En effet, selon le site Rep.fr, le marché du commerce en ligne en France a représenté en 2007 un chiffre d’affaires de 16 milliards d’euros et selon une étude mondiale d’American Express, les ventes en ligne de produits de luxe ont augmenté de 87% en 2009. Afin de tirer profit de cette opportunité technologique, un site web qui associe à la fois la promotion de la région de Gafsa et celle des produits de l’artisanat, pourra être créé. Ce site proposera une visite virtuelle de la région et les différents produits artisanaux de chacune de ses localités. On propose également la création d’un musée dédié au tissage. Un tel musée a plus d’un intérêt : il permettra de valoriser et de préserver le patrimoine local, de stimuler l’imagination des agents économiques pour la création de nouveaux produits, de nourrir l’activité touristique et in fine de générer une nouvelle dynamique économique

19

44

Cf. annexe 1 les détails du Business plan

de la région bénéficiant du développement du secteur artisanal et du tourisme. Parallèlement, il faudrait s’appuyer sur les instituts des Arts et Métiers des régions environnantes pour stimuler l’innovation dans les produits et le design. Ces instituts offriraient sur place les conditions favorables aux expérimentations et à l’ouverture de nouvelles perspectives pour la création et l’innovation dans des produits qui répondent aux besoins actuels des marchés local, national et international. L’innovation devra également s’inspirer d’une façon plus méthodique et plus exhaustive du riche héritage de la région. A cet égard, la constitution d’une banque de données des motifs du tissage traditionnel de la région s’impose.

4.4. Le modèle économique

L’analyse diagnostique du secteur a montré que le secteur est mal organisé économiquement. Le business model en place se caractérise par le manque de contrôle de la chaîne de valeur par les artisanes, la domination des activités informelles, une faible valeur ajoutée et une distribution inéquitable des revenus. Tout cela induit une fragilité du secteur menaçant son existence même vu le peu d’attractivité qu’il exerce auprès des jeunes. Il existe quelques ateliers de tissage mais leur business model ne leur permet pas de se développer, ni même d’assurer la continuité de leur activité vu qu’ils misent principalement sur la subvention de l’Etat permettant


de payer 50DT par mois à des ouvrières supposées être des apprenties. Il y a donc nécessité de reconsidérer ce modèle et de stimuler la création d’ateliers de tissage dans le secteur formel. L’initiative peut venir de promoteurs – primo entrepreneurs – formés en gestion pouvant maîtriser toute la chaîne de valeur (approvisionnement, production, GRH, vente etc.), de groupements d’artisanes et autres intervenants dans le secteur. Partant du constat que la région renferme un potentiel entrepreneurial, qu’il existe un potentiel commercial du produit, une main d’oeuvre abondante et qualifiée, une capacité de la filière à créer des emplois décents dans les localités considérées et à engendrer un développement économique de la région dans son ensemble, cette étude propose un modèle de business plan pour la création de PME, axé sur les principes suivants19 : • répondre aux normes de toute entreprise citoyenne qui valorise ses ressources, ses produits et le savoir faire de tous ses intervenants tout en respectant les lois du pays et celle de la concurrence loyale, • mettre sur le marché des produits faits main, classiques et/ou innovants, de qualité et à forte valeur ajoutée, répondant à la demande d’une clientèle nationale et internationale de plus en plus exigeante par rapport à la qualité et au design,

• motiver les artisanes pour une meilleure performance en matière de qualité et de quantité produite et ceci à travers des salaires décents et une participation au capital et aux fruits de l’exploitation. Il s’agit de donner la possibilité aux artisanes de maîtriser la chaîne de valeur de leur produit et de remédier à l’état actuel de redistribution inéquitable, à leurs dépens, des revenus du travail artisanal. Cela induit la constitution de SARL ou de groupements d’intérêt économique (GIE), voire de consortia pour la commercialisation y compris l’exportation de la production. • assurer un environnement du travail ergonomique et répondant aux conditions d’hygiène et de sécurité du travail.

4.5. La dynamisation de la filière tissage et l’autonomisation des artisanes

• La création d’un label par exemple « GAFSA WEAVING » (tissage de Gafsa) mettant en valeur les spécificités du tissage de la région et son originalité en plus d’une garantie de qualité. L’obtention de ce label par les entreprises artisanales est conditionnée par la charte du label (englobant l’aspect social, environnemental, qualité etc.) • L’organisation de concours entre les artisans de chaque région dans le domaine du tissage et l’organisation d’un évènement national pour mettre le tissage local (de chaque région) sous les projecteurs

45


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(ce qui entraînera la création d’un label spécifique à chaque région, effet boule de neige) là où le gagnant bénéficiera d’une aide financière pour qu’il puisse améliorer son unité de production. • La protection de la propriété intellectuelle : l’aspect distinctif des formes et modèles utilisés pour le tissage ras à Gafsa devront être répertoriés comme propriété intellectuelle et être protégés en tant qu’images artistiques et modèles industriels. Ceci pourrait booster la créativité et la recherche de motifs et designs spécifiques à la région et donc développer et améliorer le produit. • La création d’une structure (coopérative, groupement…) réunissant l’ensemble des corps de métier de l’artisanat local, dont l’objectif sera la création des produits nouveaux mixant divers matériaux tels que des chaînes en fer forgé avec des assises en kilim, des pots en céramique recouverts

partiellement de mergoum, des coffres en bois habillés de tissage, des tableaux de tissage avec encadrement bois, des cartables en cuir et klim etc… • La création d’associations réunissant des artisans (es) et des entreprises artisanales spécialisées dans le tissage ras. Leur mission consistera à offrir des services, diffuser de l’information dans le cadre d’échanges internationaux et intégrer des artisans (es) et/ou des entreprises artisanales dans des programmes d’échange et de partenariat avec des organismes internationaux. • L’intégration des ateliers de tissage dans un circuit de tourisme culturel englobant plusieurs composantes du patrimoine local.

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5

Un modèle pour la transformation de l’artisanat en moteur du développement régional

Ce que l’on peut retenir du diagnostic comme faits saillants ce sont : • L’existence d’un potentiel indéniable de compétences, de savoir et de savoir faire locaux •une identité locale distinctive du produit pouvant être exploitée comme avantage compétitif pour sa commercialisation • une société structurée en « unités socio-territoriales » relativement solidaires pouvant servir à générer des synergies sociales soutenant des projets communs • des signes de changement des comportements au niveau des jeunes des deux sexes : mobilité, prise de conscience des intérêts des artisanes, création de projets dirigés par des diplômés, envie d’entreprendre. Mais • une image négative de l’activité artisanale domine les représentations de la population, • un manque d’encadrement technique et artistique des artisanes qui rejaillit sur la qualité médiocre des produits • un manque d’autonomie des artisanes qui ne contrôlent généralement qu’un seul maillon de la chaîne de valeur à savoir le tissage • une absence d’équité dans la distribution des revenus de l’activité artisanale dont les principales victimes sont les artisanes,

49


• une création de valeur insuffisante pour assurer un revenu décent pour les artisanes et autres agents économiques opérant dans le secteur. Partant de ces constats un modèle pour une politique de développement stratégique de l’artisanat a été élaborée dont la finalité est de :

Faire de l’artisanat un secteur durable, créateur de valeur suffisante pour motiver les porteurs de projet dans la région, générer des activités connexes et créer de l’emploi. Figure 1. Modèle stratégique pour le développement de l’artisanat

Label

Projet collectif Circuit touristique Salle d’exposition-vente Musée (unités locales/projet régional)

Innovation-Création Contribution des institutions universitaires et des institutions culturelles à la recherche et la R&D Création et production de maquettes, Synergies entre savoir hérité et savoir moderne Organisation d’évènements

Distribution équitable des revenus valeur ajoutée plus haute

Entrepreneuriat

Création d’entreprises viables et de groupements dans l’artisanat et les métiers connexes Une ligne de crédit pour l’amorçage des groupements Création d’incubateurs dédiés à l’artisanat

50

Qualité

Une structure de formation professionnelle dédiée Association des artisanes chevronnées à l’encadrement des apprenants motivation des étudiants pour le choix de la filière artisanat

Au centre de ce modèle apparaît « la distribution équitable des revenus et une haute valeur ajoutée » comme force motrice du développement de l’artisanat. Si le potentiel de l’artisanat est actuellement peu valorisé et peu exploité c’est surtout en raison de la sous rémunération du travail des artisanes, qui rejaillit sur son image négative répandue dans la région. Une distribution plus équitable génèrera un meilleur revenu pour les artisanes et rendra le secteur plus attractif pour les personnes – hommes ou femmes – à la recherche d’emploi et de projets de création d’entreprise. La création d’une haute valeur ajoutée amènera à viser une clientèle exigeante en qualité et en innovation pour payer le bon prix du produit artisanal.

1.Pour

actionner la force motrice du développement quatre leviers apparaissent dans ce modèle :

a. Un centrage de la stratégie sur la localité : exploiter

les solidarités existantes, donner un label au produit de la localité qui sera collectivement géré, réaliser des projets communs pour la commercialisation (un espace d’exposition vente, un circuit touristique) la documentation et la conservation du patrimoine, gérer des services communs tels que le groupement des achats, la maintenance des équipements et des outils, le stockage des matières premières et l’écoulement des produits finis. Le centrage sur la localité n’exclut pas une intégration régionale.


De nombreux projets de soutien et de renforcement du secteur sont à réaliser au niveau de la région tels que ceux concernant la formation, la création, la fabrication d’équipements et d’outillage, la documentation et l’archivage du patrimoine, la promotion des produits artisanaux en particulier par l’organisation d’évènements locaux.

b. Une politique de qualité englobant toute la chaîne de

valeur : lancer une structure de formation et d’encadrement dédiée, responsabiliser les artisanes chevronnées en les associant à la formation et à l’encadrement des autres artisanes, attirer les diplômés de l’enseignement supérieur vers le secteur afin d’enrichir le savoir traditionnel par un apport scientifique.

c.

Une politique d’innovation et de stimulation de la créativité appliquée à l’ensemble de la chaîne de valeur : Contribution des institutions universitaires et culturelles à la recherche et la R&D, création et production de maquettes, synergies entre savoir hérité et savoir moderne

d.

Une politique de stimulation de l’entrepreneuriat : stimuler la création d’entreprises pérennes aussi bien dans le secteur de l’artisanat que dans les métiers connexes, encourager à la constitution de groupements, créer une ligne de crédit pour l’amorçage de ces groupements, créer des incubateurs au sein des institutions universitaires

(individus et groupements) de sorte qu’ils puissent maîtriser l’ensemble de la chaîne de valeur grâce à l’entrepreneuriat, l’exploration de nouveaux marchés et l’instauration d’un business model assurant une distribution équitable des revenus de l’activité artisanale.

b. Exploiter les solidarités sociales en place pour générer des synergies et des projets viables

c.

Développer des partenariats avec des institutions locales et régionales en vue d’une meilleure exploitation du patrimoine, la modernisation et l’amélioration des techniques et des conditions de travail

d. Générer des activités commerciales, artisanales et

industrielles autour de l’artisanat : vente des matières premières de qualité, commercialisation des produits, activités de service dont la conception et la vente de maquettes, l’encadrement des artisanes, le transport des produits finis vers les centres commerciaux, la maintenance des équipements et outillage ; fabrication de métiers à tisser et outils ergonomiques, fabrication de bancs ergonomiques et équipements de rangement, unité industrielle de filature et de teinture des filés utilisés dans la région etc.

2.La mise en oeuvre de ce modèle devrait aboutir à ce qui suit : a.

Assurer une autonomie aux artisans et artisanes

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CONCLUSION

PROPOSITIONS PRATIQUES POUR LA MISE EN OEUVRE DU MODELE

La mise en oeuvre de ce modèle sera confiée à l’ONA et au CITT, avec la

délégation régionale comme relai et partenaire des institutions régionales concernées par le développement économique régional. Elle devrait passer par les étapes suivantes :

a. Reprendre les activités de formation dans le cadre du projet prévu de centre de développement des compétences. Il s’agit de former et de pousser plus loin le niveau des compétences de manière à réaliser des produits sophistiqués permettant de viser une clientèle exigeante et de dégager une haute valeur ajoutée.

b. Accélérer la réalisation des villages d’artisans et développer un concept pour leur promotion et leur animation.

c.

Stimuler la création d’un groupement au moins dans chacune des quatre localités. Il réunira les artisanes dans un réseau formel avec une réelle participation à la constitution et au fonctionnement du groupement. On pourrait charger des jeunes de porter le projet du groupement. Ils seront choisis parmi

53


ceux qui se sont déjà manifestés comme motivés par la création d’entreprise, ou bien des opérateurs déjà actifs dans le domaine et disposés à valoriser l’artisanat dans leur localité. On sait qu’il existe dans les quatre localités réunies 11 ateliers de production opérant dans le secteur formel20. Certains se prêtent à une restructuration selon la forme juridique de SARL avec une participation des artisanes. Les porteurs des projets seront encadrés par des experts, mis à leur disposition par l’ONA ou des établissements universitaires, en vue de créer un label pour la localité, monter le groupement et la PME le cas échéant, gérer l’approvisionnement, la production, la qualité et la commercialisation.

d

. Définir un circuit touristique par localité en coopération avec la population locale.

e.Créer une structure (musée, bibliothèque) qui sera

h.

Stimuler la coopération entre partenaires régionaux et nationaux : • Centres Techniques, ISETs, écoles d’ingénieur pour la conception/amélioration des équipements et outillages • Le centre technique du textile (CETTEX), l’institut de recherche et d’études agronomiques (IRESA) pour la recherche de nouveaux matériaux, les Filatures/ teintureries pour la recherche et l’amélioration de la qualité des fibres et des filés • Les Instituts d’Art et Métiers, le Centre Technique de Création, d’Innovation et d’Encadrement dans le Secteur du Tapis et de Tissage (CITT) l’ONA pour le développement de l’innovation dans les techniques, le design et le produit

consacrée à l’inventaire et l’archivage du patrimoine artisanal régional. On peut commencer par des noyaux locaux dans les localités sélectionnées.

• Le centre de promotion de l’exportation (CEPEX), l’ONA et l’office du tourisme pour la promotion des produits, la distribution et l’exportation.

f.

On terminera ce rapport par le tableau ci-dessous qui récapitule les activités liées à l’artisanat et celles qui peuvent être générées par ce secteur dans des métiers connexes. Certaines peuvent être à l’origine de la création d’entreprises, d’autres peuvent être assurées par les organismes d’appui de l’artisanat et autres organismes publics.

Actionner les programmes Ibtikar (innovation) et Itkan (qualité) dans les localités objet de cette étude.

g.

Attirer l’investissement dans des projets d’intérêt régional : fabrication d’équipements et d’outillages, filature et teinture, musée, organisation d’évènements

20

54

promotionnels…

La région de Gafsa compte 52 ateliers


Domaine d’activité

Nature de l’activité

Production Entreprise artisanale (SARL, SUARL) Groupement d’artisanes ou GIE Incubateur privé jouant le rôle d’informateur et de facilitateur de création d’entreprises artisanales Formation Création des centres de formation professionnelle (privés) spécialisés dans le domaine du tissage Organisation de sessions de recyclage pour des artisanes qui veulent se perfectionner ou apprendre des nouvelles techniques Commerce Points de vente de matières premières de proximité Groupements commerciaux pour l’approvisionnement et l’écoulement des produits Petits commerces spécialisés en tissage haut de gamme Organisation d’expositions thématiques dans différentes régions Transport des produits artisanaux vers les zones touristiques et les grandes villes Promotion et dynamisation de la filière Organisation d’évènements locaux et régionaux Création d’un site web qui associe à la fois la promotion de la région de Gafsa et celle des produits de l’artisanat Création d’un musée dédié au tissage Constitution d’une banque de données des motifs du tissage traditionnel de la région Organisation de concours entre les artisans de chaque région dans le domaine du tissage puis organisation d’un évènement national

55


Domaine d’activité

Nature de l’activité Création d’une structure (coopérative, groupement…) réunissant l’ensemble des corps de métier de l’artisanat local, dont l’objectif sera la création des produits nouveaux mixant divers matériaux Création d’associations réunissant des artisans (es) et des entreprises artisanales spécialisées dans le tissage ras

Services aux artisans (es) Accompagnement et encadrement des artisanes qui travaillent à domicile Réparation et maintenance des équipements et des outillages (soudure, aiguisage de ciseau,…) Réalisation et vente de maquettes Ferronnerie Ateliers de fabrication de métiers à tisser et/ou des outillages (khlala, barres de lisses, clous, dévidoirs) et autres équipements des ateliers de tissage Menuiserie Fabrication des bancs et compléments pour les bancs, de casiers de rangement pour les matières premières, réparation/amélioration des métiers en bois actuellement en service Tourisme Agences de services touristiques

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Annexes Annexe 1 : Potentiel entrepreneurial, modèle économique et plan d’affaires Dans cette annexe nous présentons un rappel des potentialités du secteur artisanal et des modèles économiques en vigueur dans les localités étudiées, un plan d’affaires pour la création d’une entreprise artisanale pilote répondant aux objectifs de développement du secteur et un modèle économique pour la création d’un groupement d’intérêt économique GIE.

1.la filière du tissage ras dans le gouvernorat de Gafsa

La filière du tissage ras dans le gouvernorat de Gafsa et ses localités, renferme un potentiel incontestable qui peut être valorisé : malgré ses insuffisances les produits se vendent dans les circuits touristiques et les foires ; une main d’oeuvre abondante et un potentiel entrepreneurial sont disponibles. En effet, il existe une génération de jeunes diplômés, certains parmi eux, ayant vécu dans les circuits communautaires travaillant dans le tissage, sont tout à fait conscients des problématiques de la filière et motivés par des projets d’organisation et de restructuration de la filière. De même, s’agissant de zones défavorisées, les promoteurs peuvent bénéficier d’incitations financières et fiscales conséquentes. La main d’oeuvre qualifiée est disponible et fait preuve de capacité de réaliser des tissages de bonne qualité lorsqu’elle est bien encadrée. Il existe

59


également un marché potentiel local et international pouvant absorber une quantité importante de klim et mergoum etc. En effet, et selon TUNISIA TODAY, citant le Ministère du commerce, l’exportation du tissage manuel a atteint 14 millions de dinars en 2010, soit 40% de la valeur totale des exportations des produits artisanaux. Selon le Ministère, le secteur du tissage manuel est capable de créer environ 10% d’emplois supplémentaires par an, et représente une des plus importantes activités artisanales avec une capacité de production annuelle estimée à près de 200 000 m2, dont la majorité (près de75%) est destinée à l’exportation directe et aussi indirecte (vente dans les circuits touristiques). Selon le ministère du commerce, les exportations (directes et indirectes) du tissage manuel représentent 40% du total des exportations des produits de l’artisanat. Cependant, tout ce potentiel est sous valorisé, sous exploité car il est soumis à des modèles économiques aux défaillances multiples. D’abord, la majorité des ateliers implantés dans ces localités sont dans le secteur informel, sans perspectives de développement ni même de pérennité, sans maîtrise des différentes composantes de la chaîne de valeur par les agents économiques. En conséquence, ils génèrent une faible valeur ajoutée associée à une répartition inéquitable des revenus aux dépens des artisanes en particulier.

60

Le premier modèle économique en vigueur réside en des « entreprises artisanales » qui sont lancées généralement par un promoteur ou une promotrice ayant dans sa famille au moins une personne qualifiée dans le tissage ras, il (elle) « aménage » un petit local rudimentaire où il (elle) installe des métiers à tisser de qualité moyenne voire médiocre et recrute des artisanes habitant dans la localité. Cet « entrepreneur » présente un dossier à l’ONA pour bénéficier d’une subvention de 50 DT (financée par le mécanisme 21 21) accordée à chaque ouvrière, supposée être recrutée en vue de formation alors qu’elle a déjà appris à tisser chez elle. Le promoteur de cet atelier achète de la matière 1ère, soit auprès des usines de fabrication de filés en laine – et ce n’est souvent pas le cas parce qu’ils n’ont pas les moyens d’acheter en quantité – soit, et c’est souvent le cas, au souk de la localité en question ou à Gafsa même avec une qualité de laine moyenne voire médiocre, ce qui inévitablement se répercute sur la qualité des produits finis. Il fait travailler les artisanes dans la production de Klim, mergoum ou tapisserie, sous le contrôle de la « formatrice » - membre de sa famille- contre une subvention nette de 50DT par mois. Enfin, c’est ce même promoteur qui se déplace vers des acheteurs potentiels, foires, ou magasins pour touristes afin d’écouler des produits.


Naturellement, les artisanes qui ne bénéficient d’aucune stabilité d’emploi, sont très mal rémunérées et travaillent dans de mauvaises conditions, sont peu motivées. Tout cela a des effets sur le rendement en quantité et en qualité. La qualité du produit qui laisse à désirer oblige le promoteur à le vendre aux prix fixés par les clients, souvent trop bas pour procurer des revenus décents. Il existe, un 2ème modèle économique basé sur la communauté et le travail dans le cadre d’une même famille. Dans ce cas aucune entreprise n’est créée et cette famille ne bénéficie d’aucun avantage fourni par l’Etat. En effet, toute l’activité est menée par les membres d’une seule famille : le père et les fils achètent la matière 1ère dans les souks et les femmes tissent des mergoums et klims à la maison chez elles, là où dans chaque chambre il y a un métier à tisser. Leurs produits sont alors achetés par des « ramasseurs » de leur communauté, généralement habitant la localité. Ces derniers ramassent la production à un prix dérisoire (50 DT le m²) et parfois ils fournissent eux-mêmes la matière première, ils refusent l’estampillage afin d’acheter moins cher sous prétexte qu’au final ce sont eux qui supportent le coût de stockage en attendant l’écoulement de la marchandise en question : résultat de ce modèle, les

artisanes sont encore exploitées. Ces dernières rêvent aujourd’hui de travailler dans des ateliers de tissage correctement structurés et de percevoir des salaires décents pouvant leur permettre d’améliorer leur qualité de vie ainsi que celles de leurs familles en utilisant leur savoir faire ancestral. Il apparaît ainsi clairement que ces deux modèles économiques, l’un fondé sur l’opportunité d’une subvention d’apprentissage, se traduisant in fine par une main d’oeuvre gratuite, l’autre fondée sur le ramassage des produits à domicile sont peu viables et entretiennent la précarité, la pauvreté et l’image négative de l’activité artisanale. Si l’objectif recherché réside dans la création d’emplois décents et l’exploitation du secteur comme levier de développement économique de la région, il faudra oeuvrer pour remplacer ce modèle par un autre plus viable. Nous proposons dans cette annexe un modèle économique et un plan d’affaires d’entreprise artisanale pouvant répondre aux normes de rentabilité et d’équité dans la distribution des fruits de l’exploitation.

2.Un modèle d’entreprise pilote

Au plan juridique, l’entreprise peut prendre la forme d’une SUARL (Société Unipersonnelle à responsabilité limitée) ou une SARL (société a responsabilité limitée avec la participation d’au moins 2 personnes) régie par le régime réel.

61


L’entreprise aura pour mission de mettre sur le marché des produits faits mains, de très haut de gamme et à forte valeur ajoutée répondant à la demande d’une clientèle de plus en plus exigeante par rapport à la qualité et au design. Elle vendra donc ses produits à des prix nettement plus chers (tout en veillant à un bon rapport qualité/prix).

devraient être associées au capital et recevoir une part du bénéfice à la fin de chaque année. Il s’agira donc d’une sorte de coopérative mais qui a la forme juridique d’une SARL. La participation au capital se fera par un apport personnel ainsi que par la répartition des subventions éventuelles sur les associés.

Afin de s’assurer d’une meilleure productivité et en partant du fait que le processus de production est totalement manuel, il est important que les artisanes soient motivées, travaillent dans des conditions ergonomiques confortables et disposent d’outils et de matières premières respectant les normes de bonne qualité. On suppose qu’elles ont reçu une formation adéquate.

L’esquisse de business plan qui suit est composée de 4 parties.

3.1. Généralités

3.Un

3.2. Avantages et incitations accordés au projet (en référence aux règlements en vigueur)

plan d’affaires pour la création d’une sarl

Le plan d’affaires qui suit a été élaboré en vue de la création d’une entreprise artisanale soumise au régime réel, sous la forme juridique d’une SARL. Pour une meilleure motivation et implication des artisanes qui vont travailler dans cet atelier – dont l’effectif est estimé à 30 personnes qualifiées – on considère qu’elles

62

Dans cette partie le promoteur aura à présenter ses qualifications, sa formation son expérience professionnelle ainsi que la qualification de ses associés.

• Exonération des droits de douane, des taxes d’effets équivalents, la suspension du droit de consommation et l’imposition de la TVA au taux réduit de 12 % au titre des équipements importés n’ayant pas de similaires fabriqués localement.


• Prime d’investissement 6% (projet BTS) = Dotation FONAPRAM • Prise en charge de la cotisation patronale au régime légal de la sécurité sociale (CNSS) La prise en charge par l’Etat de cette contribution pendant les cinq premières années à partir de la date d’entrée en activité effective et d’une quote-part de cette contribution pendant une période supplémentaire de cinq ans, est fixée comme suit :

Tableau1 : quote-part de la prise en charge par l’Etat de la cotisation patronale de la CNSS Année concernée par la prise en charge par l’Etat

Quote-part de la prise en charge par l’Etat

Première année

80%

Deuxième année

65%

Troisième armée

50%

Quatrième année

35%

Cinquième année

20%

63


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3.3. Détails du Projet : Tissage manuel de Mergoum , Klim et tapisserie murale Tableau 2: Equipements

64

Désignation

Description

Unités

PU DT

Valeur totale

Métier à tisser

Métiers à tisser métalliques de largeur entre 250cm et 310cm

30

700

21 000

Ciseaux

Ciseaux à bec arrondi

30

20

600

Peigne à tasser

Peigne pour le tissage (Khlela)

30

10

300

TOTAL

21900


Tableau 3 : Autres actifs fixes Désignation

Description

Installations

électricité etc..

Système de tissage

installation des métiers à tisser et chaises

MMB

1 bureau, une imprimante et un ordinateur

Unités

PU DT

Valeur totale

1

1000

1000

30

50

1500

1

1500

1500

TOTAL

4000

Tableau 4 : Dépenses préliminaires ou pré-opérationnelles Designation Installations

Montant

F.A.D

1000 50

1000

Frais d’Approche et Divers : F.A.D

-Frais d’enregistrement (contrat de location, contrat de crédit …) -Frais d’études -Frais de transport -Divers et imprévus -Frais SOTUGAR -Frais d’assurance - …… 65


Tableau 5: Fonds de roulement Description

Durée

AN1

Stock mat 1ères

3 mois en dinars

Revenu mensuel

3 mois de salaires

2000 24900

Loyer d’un atelier à 4 pièces (tissage, bureau, magasins de stockage, 3 mois de loyer salle d’exposition) en plus des sanitaires et salle de repos (3x350/mois)

1050

TOTAL

27950

Tableau 6 : Schéma d’investissement Investissement Machines et équipement

21900 Autofinancement

Aménagement+M.M.B

4000 Dotation FONAPRAM

Dépenses préliminaires

1000

Fonds de roulement

66

Financement 5248 20872

27950 Crédit MLT

33180

55350

55350


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3.4 Potentiel Marketing Pour apprécier ce potentiel, le produit sera analysé sous des angles différents :

A. Le Produit : L’entreprise fabrique les produits suivants: 1. Megroum 2. Klim 3. Tapisserie murale (éventuellement sur commande) 4. Autres produits de design

Spécificités des produits par rapport à la concurrence :

1. Ce sont des produits tissés 100% main (hand made) 2. Ils se caractérisent par des motifs, des couleurs et des designs spécifiques à la région. 3. Les designs sont parfaitement adaptables aux goûts et besoins des clients potentiels.

Fréquence des achats/ durée de vie du produit

1. Les tapis ras produits par l’entreprise respecteront les normes de qualité dans toutes les étapes de la production et seront au final des produits haut de gamme. 2. Ils présentent une durée de vie illimitée si bien entretenus.

68

Type de distribution du produit

Les produits seront vendus à travers des circuits de distribution haut de gamme : 1. magasins de décoration spécialisés 2. sites de vente en ligne spécialisés 3. magasins de touristes haut de gamme. 4. foires spécialisées en Tunisie et à l’étranger. 5. production sur commande pour des privés, des hôtels, des entreprises, des créateurs de tapisserie ou autres produits composés (cartables en cuir Klim, céramique et mergoum , fer forgé avec assises en tissage etc.)

Autres entreprises/Dans la même affaire

En parlant de concurrence nous devons distinguer entre les concurrents directs et indirects : 1. Concurrents directs: se sont tous les acteurs qui travaillent dans le domaine du tissage ras à Gafsa ou dans d’autres régions. 2. Concurrents indirects : a. Les fabricants de tapis artisanaux ou industriels b. Les importateurs de tapis

B. Le Marché Le client privé type:

Homme/Femme: généralement ce sont des femmes, mais dans une moindre proportion, les clients peuvent être des hommes.


Âge: entre 25 et 50 ans Occupation: des personnes actives et ayant un revenu leur permettant de se payer un produit fait main pour la décoration de leur logement ou lieu de travail. Style de vie: le client privé ciblé a un standing de vie moyen ou élevé et donne de l’importance à la décoration de son intérieur.

Le client entreprise type:

Type d’affaire: magasins spécialisés, architectes décorateurs, hôteliers Âge: population active entre 25 et 55 ans

Limites géographiques:

Tunisie et pays étrangers notamment les pays européens. Outre les magasins spécialisés se trouvant dans les grandes villes et les magasins pour touristes haut de gamme, les produits se vendront dans les salons et foires spécialisés dans l’artisanat et la décoration intérieure.

Paramètres de compétitivité importants sur le marché: 1. Le rapport qualité/prix 2. La proximité du client final 3. L’originalité et le design 4. La possibilité de vendre le produit en ligne

Visite des clients: ventes directes en présentant : produits, catalogues et prix. Publicité: des insertions dans des magazines déco spécialisés Publications: des flyers et brochures présentant l’entreprise et les produits Foire des métiers: être présents dans toutes les foires spécialisées Médias pertinents: essayer de faire publier quelques articles sur le produit et l’entreprise.

D. Processus de Fabrication Le produit est à 100% fait main Programme de production : Il s’agit de la fabrication de Mergoum, Klim et tapisserie murale dont la vente se fait au m². a. Nombre de jour de travail par an : 265 jours b. Nombre d’heure de travail par jour : 8h c. Capacité annuelle : 900 m²

C. Vente et plan Marketing Courrier direct : aux entreprises et architectes décorateurs Internet: site web et des e-mailings pour lancer les collections

69


Tableau 7 : ventes/revenus des produits Année

Produits

Qté/an

Prix taire

1

Mergoum, Klim et tapisserie murale

900

200

uni-

CA en DT 180.000

Le prix moyen de vente au m² est estimé en tenant compte de deux faits : le tissage mural peut faire l’objet de commandes spécifiques pour des clients qui sont prêts à payer le prix fort pour ce produit et, certains produits de tissage sont intégrés à des produits composites de design (sacs à main, sets de table, objets de décoration etc.)

Tableau 8 : Matière Première (Besoin 1er année) Description

Qté/m²

Prix unitaire

Total en DT

1

Filés laine et coton en KG

1450

6

8700

Installations

Divers Total

8700

Tableau 9 : Services publics

70

Description

Dépenses/an

1

Electricité

600

2

Eau

300

Total

900

Remarques


Tableau 10 : Main d’oeuvre (Salaires, charges sociales ...) Désignation

Nombre

sal/mois

sal/an

1

Gérant

1

500

6000

2

Ouvriers qualifiés

30

250

90000

3

Prime (= 1 mois de salaire)

2550 Total

98550

Total

99550

Tableau 11 : Réparation et maintenance Désignation

Montant/ an

maintenance machines

500

Tableau 12 : Dépenses sur ventes et distribution Description

Dépenses/an

Remarques

1

Dépenses de publicité

3500

2

Déplacements/transport

1500

3

Foires et expositions

5000

Flyers, Enseigne publicitaire, échantillons cadeaux, participations dans les foires et les expositions…

Total

10000

71


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Tableau 13 : Dépenses administratives

Description

Dépenses/an Remarques

1

Impression et autres

500

2

Tél, internet

500

3

Achats divers

500

Total

1500

papiers en tête/ cartes

3.5.Intérêts Remboursement du crédit BTS avec un taux d’intérêt de 5% Remboursement de la dotation FONAPRAM avec un taux de 3%

72


3.6.Compte Profit/perte du projet Tableau 14 : compte profit/perte du projet Description

Année 1

A

Revenu des ventes

180.000

B

Coût de production 1 matières premières

8700

2 services publics (eau, électricité)

900

3 Salaires et revenus

99550

4 réparation et maintenance

500

5 dépenses/ventes et distribution

10000

6 dépenses administratives

1500

7 Location

4200

TOTAL

125.300

C

profit/perte (A-B)

54.700

D

Taxes à payer

0

E

Profit/perte

54.700

F

Remboursement crédit

7.116

H

Report à nouveau

47.584

Année 2

Année 3

0

0

73


4.Création de GIE

a. Offrir aux membres l’assistance appropriée en cas

Un Groupement d’Intérêt Economique GIE – c’est un groupement doté de la personnalité morale qui permet à ses membres de mettre en commun certaines de leurs activités afin de faciliter ou de développer leur activité, d´améliorer ou d´accroître les résultats de cette activité et ceci tout en conservant leur individualité.

b. Instituer un réseau commun de distribution; c. Promouvoir, organiser et régler la participation

Le GIE (ou le consortium) est une structure intermédiaire entre la société et l´association et doit être immatriculé au Registre du Commerce. La création d’un GIE viendrait en seconde étape, faisant suite à la création d’entreprises de tissage fortes et pérennes, ce consortium renforcera surtout leur force de vente et leur marketing. Néanmoins le GIE présente l’avantage d’être soumis à des règles juridiques très souples, notamment en ce qui concerne son capital social (possibilité de constitution sans capital), son objet (qui peut être civil ou commercial) ou ses modalités d´organisation. En pratique le GIE et dans ce cas d’espèce, sera sous forme d’une coopération durable entre professionnels dont l’objet serait : la promotion, la commercialisation et l’exportation de la production réalisée par les membres (ou associés) ; il peut également assurer l’approvisionnement des associés en intrants. Ainsi, le GIE aura à réaliser et à titre non exhaustif les activités suivantes:

74

de nécessité.

collective des entreprises aux salons et foires localement ou à l’étranger en fournissant l’assistance nécessaire.

d.

Promouvoir la participation des membres aux missions économiques à l’étranger et recevoir les groupes d’opérateurs.

e. Instituer une marque pour le consortium (ou un label) et le soutenir grâce à des actions promotionnelles.

f. Collecter des informations sur les clients et échanger les informations entre membres, le but final étant d’entretenir la croissance des ventes et éventuellement de l’exportation.

g. Sélectionner les fournisseurs de matières premières utilisées par les membres en collectant les données et les informations sur ces sources et les partager avec les membres.

h. Garantir le respect de l’éthique professionnelle des membres.

i. Elaboration de catalogues communs. j. Faire des recherches de marché pour trouver où l’activité commerciale du GIE pourrait se développer le


mieux et s’occuper de la publicité collective;. A cet égard, nous présentons ici l’expérience édifiante de l’ONUDI en matière de consortium. Il s’agit d’un consortium artisanal réalisé à Essaouira (au Maroc) qui a permis à l’ONUDI d’intervenir au niveau des axes suivants : 1. Le savoir faire de la main d’oeuvre et la qualité des produits : en organisant des formations pour les artisans et en les aidant à créer de nouvelles gammes de produits. 2. Le système de production : en assistant les autorités à réorganiser le secteur, à créer un village d’artisans et à faire face au problème d’épuisement de la matière première.

3. Le renforcement des liens au sein du consortium et l’échange d’informations : en aidant à la création du consortium, au lancement du guide des artisans ainsi que le bulletin du consortium, en donnant des cours d’informatique et d’initiation à l’internet. 4. Les relations avec les institutions publiques et privées : facilitation d’accès au marché, accès au crédit et collaboration avec des plateformes internationales en Europe spécialisées dans la distribution des produits artisanaux. 5. Liens avec les marchés nationaux et internationaux. 6. Proposition de projets pour dynamiser la filière.

Annexe 2 : Les besoins exprimés lors de la consultation nationale sur l’artisanat Nord-Ouest

Nord-Est

Très Important Important Peu Important Financement Recherche & Innovation

Centre-Ouest

Centre-Est

Formation Production & Commercialisation Cadre Juridique & Institutionnel

Source : STARC Consulting (2006) Projet d’aide à la conception d’une politique de développement de l’artisanat dans le cadre d’une stratégie de partenariat

Sud-Ouest

Sud-Est

75


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Annexe 3 : L’Office National de l’Artisanat http://www.onat.nat.tn/site/fr/article.php?id_article=50

1.Création de l’office national de l’artisanat L’Office National de l’Artisanat a été institué par la loi n°59-133 du 14 Octobre 1959, modifiée et complétée par le décret loi n°65-1 du 15 Février 1965. De par cette loi, l’Office est un établissement public à caractère commercial et industriel doté de la personnalité civile et de l’autonomie financière. L’activité de l’ONA a été fixée par l›article 2 de la loi susvisée comme suit : «Depuis sa création, l’ONA s’est essentiellement préoccupé de sauver les anciennes techniques en voie de disparition, de sélectionner et de rénover les techniques traditionnelles tout en s’intéressant, de plus en plus, à la formation artisanale et à une meilleure commercialisation». L’ONA produisait pour son propre compte et assurait lui-même la commercialisation de sa production avec des missions de service public qui, il est vrai, n’ont pas eu l’impact attendu au niveau du secteur et qui profitaient plutôt à l’Entreprise. Le développement de la production de l’ONA et les retombées de ses activités en tant que service public encadreur de l’artisanat ont permis indirectement la multiplication des producteurs privés. Ce qui a engendré une nécessaire réflexion au niveau : - de la mission de l’ONA en tant qu’entité d’encadrement du secteur, d’une part, et chargé de la production, d’autre part.

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- du fait de la production et de la commercialisation du produit artisanal entrant ainsi en concurrence directe et les producteurs privés dans une phase où les options économiques étaient pour la privatisation. D’où l’idée de la séparation entre les deux missions, ce qui a abouti à la restructuration de l’ONA .

2.Restructuration de l’ONA

• La promotion des produits artisanaux sur les marchés nationaux et étrangers : organisation et participation à des Foires et Expositions, assistance aux opérateurs commerciaux, études de marché, mise en relation, aides à l’organisation d’expositions de promotion, diffusion de la meilleure image de marque du produit artisanal par le biais de l’information et de la publicité.

Sur la base des travaux de commissions chargées de cette restructuration, le Conseil Ministériel Restreint du 2 Janvier 1990, a engagé le processus définitif de la restructuration de l’ONA qui a consisté en :

• La promotion de l’investissement artisanal par l’étude de projets, la constitution d’une banque de données et l’octroi de crédits.

- le maintien d›un office chargé de l›encadrement et de la promotion du secteur public et privé.

• La promotion de la création et de la recherche par la constitution d’un fonds de référence, la réalisation de prototypes, l’organisation de concours et l’établissement de conventions de recherche et toute autre action pilote.

- la constitution de deux sociétés filiales de l’ONA, l›une chargée de la production, l’autre de l’approvisionnement et de la commercialisation pour son compte et le compte des tiers des produits artisanaux. La nouvelle mission de l’ONA telle qu’elle est arrêtée par les commissions de restructuration s’articule autour des axes suivants qui sont la concrétisation de la politique du gouvernement en matière d’artisanat • L’encadrement du secteur par l’implantation de structures régionales devant être à l’écoute des problèmes de la région et assister les artisans et les entreprises artisanales administrativement.

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• La formation des agents d’encadrement dans le secteur.

• La promotion de la qualité par l’élaboration de normes de qualité, le contrôle technique des entreprises artisanales et le contrôle de la qualité des produits artisanaux destinés au marché local et à l’exportation. • L’élaboration d’études, d’un observatoire de l’artisanat et de la planification. • L’assistance et la concertation avec les structures professionnelles et les autorités gouvernementales sur les plans central et régional.


• Le développement de la coopération internationale. • La proposition de mesures et moyens propres à promouvoir le secteur.

Annexe 4 : Le centre technique de création, d’innovation et d’encadrement dans le secteur du tapis et de tissage http://www.citt.nat.tn/index.php?id=52 Le Centre Technique de Création, d’Innovation et d’Encadrement dans le Secteur du Tapis et de Tissage, est créé par arrété du Ministre du Commerce et de l’Artisanat du 14 février 2007.Il est défini comme étant une personne morale d’intérét économique public dotée de la personnalité civile et de l’autonomie financière et il est placé sous la tutelle du Ministre chargé de l’Artisanat

1.Metiers de tissage • Tissage manuel. • Filature manuelle • Teinturerie traditionnelle • Tapis de sol • Tapisserie murale • Couverture en laine

2.Missions générales

1/ Encourager la création et la rénovation en sauvegardant l’originalité et le patrimoine national. 2/ Encadrer et assister les artisans pour développer les méthodes de travail, améliorer la qualité des matières premières et les diversifier, agir dans le sens de la maîtrise des coûts, procéder aux travaux de publicité et d’information pour faire connaître les créations, assister les artisans à les exploiter et les commercialiser, ainsi que l’organisation d’ateliers annuels. 3/ Inciter à l’utilisation des matières premières naturelles et les techniques permettant la protection de l’environnement et la préservation des ressources naturelles. 4/Accueillir les nouveaux projets et les encadrer durant toutes les étapes de leur création. 5/ Fixer des programmes de partenariats avec les institutions d’enseignement supérieur et les centres de formation professionnelle dans un cadre contractuel, et ce, pour assurer la veille scientifique et technologique du secteur y compris l’élaboration des études, des recherches et documentations dans le cadre de sa spécialisation en collaboration avec les organes spécialisés. 6/ L’inventaire des ressources nationales en matières premières utilisable dans le secteur artisanal. 7/ La collecte et l’analyse des informations inhérentes

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aux activités relevant de ses attributions. 8/ Le développement et la promotion des compétences et le savoir-faire artisanal.

3.Missions spécifiques 1/ Fournir les informations techniques, artisanales et commerciales ainsi que toutes les statistiques et l’élaboration des études inhérentes aux activités du tapis et de tissage. 2/ La contribution à l’exploitation de toutes les ressources nationales en matiéres premiéres utilisées dans le domaine et en collaboration avec les structures concernées. 3/ Fournir l’assistance nécessaire aux artisans ; aux entreprises artisanales et aux groupements spécialisés dans le domaine pour la modernisation des méthodes de production, et outillage, l’amélioration des techniques et la promotion de la qualité. 4/ La contribution à l’élaboration des critères et des normes techniques et l’appui aux artisans, aux entreprises artisanales et aux groupements spécialisés dans le domaine pour leur application. 5/ La coordination avec les structures de soutien et d’appui, les organisations, les associations et les établissements d’enseignement supérieur tunisiens et étrangers pour l’échange des expériences et des informations en

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vue de la promotion du secteur et l’encouragement de la recherche scientifique et l’innovation dans le domaine. 6/ La coordination avec les centres de formation professionnelle spécialisés dans le domaine pour le développement des méthodes de travail et l’introduction de nouvelles techniques dans la formation et la production et le développement des compétences et du savoir-faire. 7/ La réalisation de toutes les opérations d’expertise et l’analyse des matières et des produits.

Annexe 5 Propositions formulées à l’issue de la campagne de formationsensibilisation à la création de groupements d’artisans Pour encourager la constitution de groupements : • Publier un guide pour la création de groupements • Accompagner les groupements nouvellement constitués • Publier un guide des groupements constitués pour favoriser le recours à leurs services en matière d’approvisionnement et de commercialisation


• Renforcer le rôle des groupements dans la coopération internationale en tant que structure concrète et qu’interlocuteur crédible Pour valoriser le potentiel et renforcer les synergies régionales :

• Développer des partenariats avec des laboratoires spécialisés au niveau national et régional

• Mettre en valeur les spécificités de la région comme force motrice de développement du partenariat, de l’exportation, de la qualité et de la production

• Introduire les activités artisanales dans les pépinières d’entreprises

• Stimuler la recherche sur le patrimoine pour alimenter l’artisanat en innovations

• Renforcer le partenariat institutionnel à l’échelle régionale Pour développer la commercialisation et l’exportation • Créer un centre d’excellence pour l’exportation consacré aux techniques et matériaux d’emballage et d’information sur le produit • Stimuler l’application de la loi concernant la part des produits artisanaux dans les achats publics • Développer les pratiques d’étiquetage et d’information sur le produit fini parmi les artisans Pour stimuler la recherche et développement • Etablir les besoins du secteur et inviter le ministère de l’enseignement et de la recherche à les insérer dans ses appels d’offres pour la recherche

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Cette étude a été financée par le Fonds espagnol pour la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement (F-OMD) dans le cadre des activités du programme conjoint « Impliquer la jeunesse tunisienne pour atteindre les OMD ». Le Programme est mis en œuvre par cinq agences onusiennes (BIT, FAO, OIM, ONUDI, PNUD) et le Ministère de la Formation Professionnelle et de l’Emploi (MFPE). Étude réalisée par : Riadh Zghal Douja Gharbi Noureddine Essaidi Mohamed Njeh


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www.mdgfund.org


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