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JURIDIQUE

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ENTREVUE

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L’importance du nom d’une municipalité

Une municipalité est une personne morale de droit public et comme toute personne elle a un nom sous lequel elle exerce ses droits, notamment pour la rédaction des contrats ou pour intenter des recours judiciaires.

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Me JEAN HÉTU, AD. E., AVOCAT-CONSEIL

La Loi sur l’organisation territoriale municipale édicte que le nom d’une municipalité locale comprend le mot «Municipalité» et un toponyme. Toutefois, le nom peut plutôt comprendre le mot «Ville» ou «Village». Ainsi lors de la création d’une nouvelle municipalité ou lors d’une demande de changement de nom, on a seulement trois choix. La Loi prévoit cependant que les anciennes municipalités de « Paroisse» ou de « Canton» peuvent conserver cette vieille désignation. Ajoutons que les dernières « Cité » (Dorval et Côte-Saint-Luc) ont disparu avec le regroupement des villes de l’île de Montréal pour former, en 2002, la nouvelle Ville de Montréal. Même si ces municipalités ont retrouvé leur personnalité juridique en 2006, elles n’ont pas repris leurs anciennes désignations car elles sont maintenant des « Villes ». La Loi sur les cités et villes ne s’applique donc aujourd’hui qu’à des villes malgré son titre qui date de 1903. Le nom d’une municipalité comprend un toponyme qui fait habituellement référence à son histoire. Au Québec, environ 40 % des municipalités locales ont pour toponyme le nom d’un saint ou d’une sainte ou un nom qui a une connotation religieuse. Ceci s’explique par le fait que les municipalités québécoises ont été en 1855, lors de leur création, calquées sur le territoire des paroisses religieuses catholiques. Ce faisant, les nouvelles municipalités ont hérité du nom du patron de la paroisse. Vouloir aujourd’hui « laïciser » les noms de nos municipalités, c’est non seulement démontrer une méconnaissance de l’origine de nos institutions municipales mais aussi faire une « croix » sur un passé pas si lointain ! Une municipalité peut vouloir changer de nom et la Loi prévoit une procédure de consultation de la population dont les résultats sont soumis à l’attention du ministre des Affaires municipales qui décide en dernier ressort. On peut ainsi vouloir simplifier un toponyme jugé trop long. Par exemple, en 1998, le ministre a approuvé la demande de changement de la «Municipalité de Saint-Paul-du-Nord-Sault-au-Mouton» pour lui donner le nom de «Municipalité de Longue-Rive».

Par ailleurs, une municipalité peut elle-même, sans changer son nom officiel, vouloir le simplifier pour faciliter sa désignation quotidienne. C’est ainsi que la « Municipalité de la paroisse de Notre-Dame-du-Sacré-Cœurd’Issoudun » préfère utiliser simplement «Municipalité d’Issoudun», même si ce n’est pas son nom exact. La population peut parfois considérer que le toponyme porte au ridicule. Ce fut le cas en 1998 lorsque les citoyens de la «Municipalité de Boucher» en Mauricie ont opté pour le nom de « Trois-Rives ». Par ailleurs, les Français ne semblent pas beaucoup se préoccuper du fait que certaines de leurs 35000 communes puissent porter des noms assez étranges comme «Condom» ou « Montcuq ». Elles en tirent d’ailleurs une certaine publicité gratuite.

Depuis longtemps la Ville d’Asbestos voulait cesser d’être identifiée à un produit dangereux pour la santé puisque ce toponyme signifie en anglais «amiante». Par conséquent, la Ville a tenu en octobre dernier un référendum pour faire disparaître la connotation négative de sa désignation en permettant aux résidents de 14 ans et plus ainsi qu’aux propriétaires de voter sur une période de trois jours. Le maire était d’opinion que le nom d’Asbestos était un frein au développement économique et social de sa ville. Les habitants ont été invités à choisir entre six propositions de changement de nom : L’Azur-des-Cantons, Jeffrey-sur-le-Lac (un souvenir de la mine Jeffrey fermée en 2012!), Larochelle, Phénix, Trois-Lacs et Val-des-Sources. La population (taux de participation de 48,2 %) a choisi cette dernière appellation avec 51,5 % des votes au troisième tour de votation. Ce nouveau nom a été entériné par la ministre en décembre dernier. Mais les vieux habitants s’attachent très souvent à l’ancienne désignation. Ainsi, plusieurs mineurs d’autrefois ont déclaré qu’ils vont continuer à dire «On vient d’Asbestos». C’est un peu la même chose par exemple de certains habitants de la Ville du Lac-Brome qui disent encore qu’ils résident à Knowlton alors que cette municipalité a été fusionnée en 1971.

Le nom d’une municipalité est protégé. Certaines chartes municipales sont explicites à cet égard. Par exemple, celle de la Ville de Montréal édicte que nul ne peut, sans son autorisation, utiliser de quelque façon que ce soit son nom, ou un nom qui peut être confondu avec ce nom, son écusson, blason, drapeau, armoirie ou symbole graphique, et ce, sous peine d’amende. Qui plus est, une municipalité a droit, à titre de personne morale, au respect de son nom et la jurisprudence lui reconnaît le droit d’intenter, le cas échéant, un recours en diffamation. Un juge a même décidé qu’un citoyen qui menait une campagne visant à ternir la réputation d’un maire s’attaquait également à la réputation de sa municipalité et que les deux avaient droit à des dommages-intérêts. En terminant, mentionnons que pour connaître le nom officiel d’une municipalité et sa bonne graphie, il faut consulter le document officiel (loi, lettres patentes, proclamation, décret) qui lui a donné naissance ou qui a autorisé un changement de nom. Toutefois, le Répertoire des municipalités du Québec peut être très utile à cet égard.

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