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DOSSIER DU MOIS
from URBA - Mars 2021
by UMQ
Climat politique à l’ère du 2.0
LE 18 JANVIER DERNIER, L’UMQ A LANCÉ LA CAMPAGNE « LA DÉMOCRATIE DANS LE RESPECT, PAR RESPECT POUR LA DÉMOCRATIE ».
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À ce jour, près de 250 municipalités ont adhéré à la campagne, et cela, en adoptant une résolution lors d’une séance de conseil municipal. Le message du milieu municipal est fort et engageant. Il a résonné partout, et ce, dans toutes les régions du Québec ; mais aussi, on en parle en Ontario et en Colombie-Britannique. L’enjeu n’a pas de frontière.

Aujourd’hui, le message est clair et unanime. On veut des débats d’idées, on veut échanger, on veut avoir les pour et les contre. Cependant, on veut que cela se fasse dans le respect. Sans intimidation ou menaces. C’est encore plus important cette année, à quelques mois des élections municipales. On veut inciter les gens à se présenter en politique et ne surtout par les décourager. On veut une politique constructive; on veut consolider le lien de confiance qui unit la population à leurs institutions démocratiques. Depuis quelques semaines, l’UMQ est au travail pour accompagner ses membres par le biais notamment de formations, de conférences et d’outils pédagogiques. Dans ce magazine, on en parle et on va plus loin. À cet effet, vous y trouverez une section spéciale comprenant entre autres une entrevue avec l’honorable Steven Guilbeault, ministre du Patrimoine canadien, qui nous parle de son projet de loi visant à lutter contre les discours haineux en ligne. Vous y trouverez aussi une analyse juridique répertoriant les différents recours légaux de même qu’un article sur les conséquences de l’intimidation sur les femmes en politique.
Pour toute question relative à cette campagne, communiquez avec M. Fabrice Fortin, conseiller stratégique aux communications politiques, par courriel à ffortin@umq.qc.ca
DOSSIER DU MOIS
Les violences en ligne : un problème qui a un impact sur les candidatures politiques des femmes
La campagne « La démocratie dans le respect, par respect pour la démocratie» de l’UMQ touche particulièrement les élues femmes, alors qu’elles sont plus à risque de recevoir des propos haineux en ligne que les hommes. Ce problème a d’ailleurs été reconnu par l’Assemblée nationale il y a un peu plus d’un an, en novembre 2019, dans le cadre de l’adoption d’une motion visant à ce que l’Assemblée «reconnaisse que la cyberintimidation prend une forme particulière lorsqu’elle est dirigée vers les femmes en s’attaquant notamment à leur intégrité physique» et qu’elle « reconnaisse que l’hostilité envers les femmes freine leur engagement politique1 ».
Par Alex Miller-Pelletier, chargée de projet, Direction des politiques à l’UMQ
À la suite du dépôt de cette motion, des députées des quatre groupes parlementaires ont pris la parole pour dénoncer ce qu’elles et leurs collègues vivent en ligne. La députée Christine Labrie a notamment mis de l’avant qu’il est : « largement documenté que les femmes subissent plus de violence en ligne que les hommes, jusqu’à 27 fois plus, selon certaines estimations. Et les femmes qui font de la politique sont particulièrement visées2 ». La campagne sur la démocratie et le respect partage certains des objectifs de la campagne D’Elles à Élues de l’UMQ, dont celui de donner le goût à la population, aux femmes spécifiquement, de s’engager en politique municipale. Les gestes d’intimidation ou de harcèlement que subissent les élues et élus entrent en contradiction avec celui de la valorisation des fonctions de mairesse et de conseillère. Concrètement, le « climat haineux et de harcèlement» est un obstacle qui bloque les femmes souhaitant se lancer en politique expliquait en 2019 la présidente du Groupe Femmes, Politique et Démocratie, madame Thérèse Mailloux 3. Les femmes «hésitent à faire le saut parce qu’elles refusent de vivre dans cette ambiance malsaine et ne veulent pas la cautionner». La professeure de science politique à l’Université Rutgers au New Jersey, Mona Lena Krook, qui a réalisé des recherches sur les violences envers les femmes en politique, explique que « Le problème est resté caché jusqu’à présent, en grande partie parce que de nombreuses femmes normalisent cette violence comme faisant partie de la joute politique. D’autres femmes prennent la décision stratégique de ne pas parler des attaques basées sur le genre, parce qu’elles craignent qu’en parler publiquement nuise à leur carrière politique ou ait un impact sur les chances de réélection de leur parti 4 ». Les femmes se retrouvent donc dans une position délicate où elles font face à des attaques qui peuvent s’avérer très difficiles à gérer personnellement en plus des diverses dynamiques politiques propres à leur parti politique ou au milieu dans lequel elles évoluent.
Bien que la situation soit particulièrement accablante pour les élues, il faut préciser que cela touche aussi la majorité des femmes qui utilisent Internet. En effet, dans un rapport publié en 2015 par la Commission des Nations Unies sur la connexion à haute vitesse, on souligne que :
73 % des femmes [qui utilisent
Internet] ont déjà été confrontées, d’une manière ou d’une autre, à des violences en ligne ou en ont été victimes5 .

Il est absolument nécessaire d’intervenir pour mieux encadrer les propos haineux et violents que les femmes élues, et toutes celles qui prennent la parole publiquement, reçoivent quotidiennement sur les réseaux sociaux. La Commission Femmes et gouvernance travaille fort depuis plusieurs années pour inciter les femmes à faire le choix de la politique municipale, mais ces efforts seront vains si on ne règle pas cette situation qui est l’un des principaux obstacles à leur implication dans nos instances démocratiques.
– Maude Laberge, Présidente de la Commission Femmes et gouvernance
Par ailleurs, une étude réalisée par Amnistie internationale et Element AI publiée en décembre 2018 démontre l’ampleur du problème puisque, selon leur analyse, 7,1 % des tweets envoyés à des femmes ont été jugés « violents, injurieux ou problématiques 6 ». La situation est encore pire pour les femmes noires, asiatiques, latinas ou métisses puisqu’elles ont « 34 % de plus [de risque] d’être mentionnées dans des tweets injurieux ou problématiques que les femmes blanches ».
Les pistes de solution proposées par la professeure Krook incluent l’importance de faire de la sensibilisation auprès de la population à ce sujet, mais aussi de dénoncer les propos haineux et violents, comme l’ont fait les députées de l’Assemblée nationale. De même, l’instauration de lois ou de codes de conduite portant spécifiquement sur les violences contre les femmes en politique est identifiée comme une solution potentielle à ce problème selon Rutgers, l’Université de l’état du New Jersey. Dans le même ordre d’idées, le rapport de la Commission des Nations Unies sur la connexion à haute vitesse propose trois axes de recommandations :
Sensibilisation – Prévenir les cyberviolences envers les femmes et les jeunes filles grâce à la formation, l’apprentissage, l’organisation de campagnes et le développement communautaire afin de faire évoluer les attitudes et comportements sociaux.
Protection – Mettre en place une surveillance et avoir recours à des pratiques responsables concernant l’infrastructure Internet, grâce à des solutions techniques et à de meilleures pratiques d’assistance à la clientèle.
Sanctions – Élaborer et appliquer une législation, une réglementation et des mécanismes de gouvernance afin de dissuader les auteurs de violences de commettre de tels actes.
Source : Organisation des Nations unies 1- Assemblée nationale, «Reconnaître l’importance de la lutte contre la cyberintimidation envers les femmes», 6 février 2020. 2- Richer, Jocelyne, La presse canadienne, «Cyberintimidation : les femmes politiques font l’objet d’attaques misogynes», 27 novembre 2019. 3- Mailloux, Thérèse, Le Soleil, «La violence contre les femmes politiques», 3 décembre 2019. 4- Schumann, Megan, Rutgers : The state university of
New Jersey, « Violence against Women in Politics a
Growing Problem», 5 novembre 2020. 5- ONU Femmes, «Selon un nouveau rapport de l’ONU, il est urgent d’agir pour lutter contre la violence en ligne à l’égard des femmes et des jeunes filles », 24 septembre 2015. 6- Amnistie Internationale, « La plus grande étude jamais réalisée sur les violences en ligne visant les femmes», 18 décembre 2018.
ENTREVUE
Entretien avec le ministre du Patrimoine canadien, l’honorable Steven Guilbeault
Nous remarquons depuis quelques années et surtout depuis le début de la crise sanitaire, une augmentation importante des propos agressifs et intimidants à l’égard des élues et élus municipaux, provinciaux et fédéraux sur les médias sociaux.
QEst-ce que vous ou vos collègues avez reçu ce type de propos depuis votre arrivée en politique? Comment expliquez-vous cette situation?
RJ’étais conscient qu’en me lançant en politique, peu importe le parti, je serais sujet à des commentaires désobligeants, que je recevais déjà en tant que militant écologiste. On se bâtit une carapace, c’est certain. en ligne qui est à l’origine d’actes haineux, tels que l’attentat à la Mosquée de Québec. Cette année seulement, les crimes haineux ont augmenté de 7 % dans tout le pays. Il me semble qu’en regardant ces chiffres, on réalise qu’il y a urgence d’agir collectivement.
Toutefois, je remarque que plusieurs de mes collègues sont l’objet de discours haineux en ligne, particulièrement les femmes qui font le choix de se lancer en politique ou dans le secteur du journalisme et des médias. On peut aussi penser aux communautés traditionnellement marginalisées, qu’elles soient de genre, ethniques, d’orientation sexuelle, qui sont davantage l’objet de cette haine. J’ai récemment pris connaissance d’un sondage qui indiquait que les populations racisées sont trois fois plus à risque d’être exposées ou ciblées par la violence
Notre démocratie est ainsi privée d’une diversité et pluralité de perspectives qui est absolument nécessaire. Il faut comprendre que la haine en ligne n’est pas une opinion. Elle heurte, elle tue, elle prive des personnes de leur dignité et des enfants de leur droit de s’épanouir dans un environnement sain et sécuritaire.
– Steven Guilbeault, ministre du Patrimoine canadien sur les réseaux sociaux. Cela ne constitue certainement pas un incitatif à s’investir dans l’espace public et à faire entendre leur voix. Notre démocratie est ainsi privée d’une diversité et pluralité de perspectives qui est absolument nécessaire. Il faut comprendre que la haine en ligne n’est pas une opinion. Elle heurte, elle tue, elle prive des personnes de leur dignité et des enfants de leur droit de s’épanouir dans un environnement sain et sécuritaire. Elle se transforme trop souvent en haine dans le monde « réel ». On n’a qu’à penser au phénomène de radicalisation Selon vous, est-ce que les géants du web en font assez pour contrôler ou limiter les propos diffamatoires et haineux sur leurs plateformes?
Pour le moment, les plateformes numériques s’autorèglementent. Nous avons été témoins récemment de certaines de leurs tentatives pour aborder ces enjeux, mais nous croyons fermement qu’un cadre plus complet, neutre, uniforme et transparent sera plus efficace et performant pour protéger les usagers. D’autant plus que, jusqu’à présent,


les gestionnaires n’ont pas été en mesure de gérer l’ampleur des contenus illégaux qui se retrouvent sur leurs plateformes. Notre objectif est de les responsabiliser et d’assurer la sécurité de leurs usagers, tout en veillant à ce que davantage de voix soient entendues. Notre position est claire : s’il existe des règles pour assurer la sécurité des individus dans l’espace public, il devrait également y avoir des règles pour condamner les comportements préjudiciables en ligne. Comment votre projet de loi aura-t-il un impact sur les géants du web ? Quel encadrement allez-vous proposer?
Tout en préservant le droit fondamental à la liberté d’expression, notre approche exigera des entreprises qui gèrent les plateformes en ligne qu’elles surveillent et éliminent les contenus illégaux qui sont partagés sur celles-ci. Cela comprend les discours haineux, la propagande terroriste, les contenus violents, l’exploitation sexuelle des enfants et la diffusion non consensuelle d’images intimes. Évidemment, pour avoir une réelle influence sur les géants du web, il faut travailler avec les autres pays afin d’avoir une réglementation similaire à ce sujet. Comment allez-vous faire pour vous assurer que le Canada ne sera pas le seul à légiférer en cette matière?
Effectivement, nous ne sommes pas les seuls à être confrontés à cette problématique à l’ère du numérique. Bien peu de pays dans le monde se sont attaqués à ce problème de front, à l’exception d’une poignée d’entre nous qui souhaitons tracer la voie, parce que nous croyons que la démarche s’impose comme étant plus que nécessaire aujourd’hui. Sur le plan politique autant qu’au niveau de la fonction publique, de nombreuses rencontres et discussions ont eu lieu avec des représentants de ces pays. J’ai d’ailleurs récemment discuté avec mes vis-àvis de l’Australie, de la France, de l’Allemagne, de la Finlande et du Royaume-Uni de nos initiatives respectives.
Au sein même de notre gouvernement, je travaille de concert avec mes collègues des ministères de la Justice, de la Sécurité publique, de la Diversité et de la Jeunesse, de l’Innovation, des Femmes et de l’Égalité des genres, entre autres. Les points de vue de nombreux experts et intervenants sont aussi pris en compte pour créer ces nouvelles règlementations.
Quand les paroles dépassent la limite de l’acceptable
Il n’est pas toujours évident de tracer la ligne entre ce qui constitue des critiques acceptables dans le cadre du débat démocratique et ce qui constitue une atteinte à la réputation, voire même dans certains cas, des actes criminels. L’objectif du présent article est d’expliquer sommairement les notions de diffamation, de menaces, d’intimidation et de harcèlement criminel, ainsi que de présenter les démarches à suivre lorsque l’on se croit victime d’un tel acte.
Par Me Stefanie Wlodarczyk, conseillère juridique en droit municipal à l’UMQ
Le droit à la réputation est enchâssé dans le Code civil du Québec 1 et protégé par la Charte des droits et libertés de la personne 2 . Les atteintes illicites à ce droit peuvent donner ouverture à un recours civil en diffamation3. La diffamation « consiste dans la communication de propos ou d’écrits qui font perdre l’estime ou la considération de quelqu’un ou qui, encore, suscitent à son égard des sentiments défavorables ou désagréables 4 ». Il a été reconnu en jurisprudence que les personnes qui exercent des activités politiques doivent faire preuve d’une plus grande tolérance que les autres citoyens. En raison de leur rôle public, les élues et élus municipaux doivent donc s’attendre à ce que leurs décisions soient remises en question et critiquées 5 . Toutefois, le fait d’occuper une charge publique ne saurait se traduire par un anéantissement du droit à la réputation. Les élues et élus n’ont pas à tolérer des attaques gratuites à leur égard ou des insinuations basées sur des faussetés6 . Pour obtenir gain de cause, le demandeur doit prouver la commission d’une faute, l’existence de dommage et un lien de causalité entre cette faute et le dommage. L’appréciation des dommages repose sur plusieurs facteurs, dont la gravité de l’acte diffamatoire, l’importance de la diffusion publique et la durée éventuelle et raisonnable prévisible du dommage causé et de la déchéance subie7. Si le recours en diffamation vise des propos en ligne, il peut également permettre de contraindre le défendeur à retirer les propos et d’interdire la publication de nouveaux propos diffamatoires.
Au-delà de la responsabilité civile, certains gestes ou comportements peuvent constituer des actes criminels. Constituent des infractions au Code criminel la transmission de menaces8, l’accomplissement d’actes de harcèlement 9, et l’intimidation contre une personne associée au système judiciaire10 . Le fait de proférer des menaces, de causer la mort, des blessures graves ou de détruire des biens constitue une infraction criminelle. À cet égard, les menaces de viol sont équivalentes à des menaces de causer des blessures graves 11. L’élément constitutif de cette infraction est l’intention d’intimider la victime ou lui faire peur. Il n’est pas nécessaire que le contrevenant ait l’intention d’exécuter ses menaces pour être reconnu coupable12 .
Le recours en diffamation étant intenté à titre personnel, l’intervention de la municipalité est exceptionnelle. À moins que la municipalité ne soit visée par les propos en cause, elle ne pourra pas intenter un tel recours lorsqu’un élu est visé par des propos diffamatoires. Le recours en diffamation peut viser à obtenir des dommages-intérêts pour réparer un préjudice moral. Le harcèlement devient criminel lorsque le comportement d’une personne fait craindre pour la sécurité de la victime ou celle de ses connaissances13. Les actes qui constituent du harcèlement sont notamment : suivre une personne de façon répétée, communiquer avec cette personne de façon répétée, cerner ou surveiller sa résidence ou son endroit de travail, se comporter d’une manière menaçante à l’égard de cette personne. Pour que l’auteur de ces actes soit reconnu coupable de harcèlement criminel, il faut en outre que son intention criminelle soit prouvée, c’est-à-dire qu’il savait que la personne se sentait harcelée, ou qu’il était insouciant à cet égard14 .

Le Code criminel prévoit une infraction générale pour des actes d’intimidation 15 . Une infraction distincte et plus sévère est prévue lorsque l’intimidation vise une personne associée au système judiciaire, dont font partie les élus municipaux aux termes du Code criminel. Il est interdit d’agir de quelque manière que ce soit dans l’intention de provoquer la peur chez un élu en vue de lui nuire dans l’exercice de ses fonctions16. En conséquence, un contrevenant est passible d’une peine plus sévère que l’infraction générale pour des actes d’intimidation. La peine maximale pour une telle infraction est un emprisonnement maximal de 14 ans. La sévérité de la sanction est justifiée compte tenu de l’importance de préserver le bon fonctionnement et l’autorité du système judiciaire, au sein duquel les élus municipaux jouent un rôle important17 .
Dans tous ces cas, un élu qui s’estime victime d’un acte criminel devrait porter plainte auprès des corps policiers. Suivant un signalement, les policiers documenteront le dossier et verront à mener une enquête, le cas échéant. Conformément à la procédure, les policiers transmettront le dossier d’enquête au procureur aux poursuites criminelles et pénales, qui décidera ultimement si des accusations peuvent être portées à l’égard du suspect, et ce, après avoir analysé la preuve au dossier. Contrairement aux recours civils, ce sont les procureurs de la poursuite (au nom de l’État) et non la victime qui décident d’intenter une poursuite criminelle ou non18 . Bien que les recours présentés précédemment soient avant tout de nature personnelle, les municipalités ne sont pas reléguées au simple rôle de spectatrices dans les cas d’intimidation ou de harcèlement. Les lois municipales leur confèrent le pouvoir d’encadrer des comportements intimidants. Selon la Loi sur les compétences municipales (LCM), les municipalités peuvent réglementer pour « assurer la paix, l’ordre, le bon gouvernement et le bien-être général » de la population 19. Depuis quelques années, plusieurs municipalités ont été proactives en interdisant d’injurier un agent de la paix ou un employé municipal par le biais de leur règlement sur la régie interne ou leur règlement sur la paix et le bon ordre. Les tribunaux ont confirmé à maintes reprises20 que cette façon de faire était conforme aux pouvoirs prévus à la LCM, qui doivent être interprétés de façon large et libérale. Ce type d’infraction a pour objectif de répondre aux impératifs de bien-être de la population et peut s’appliquer même à des propos publiés en ligne 21. De plus, les tribunaux soulignent l’importance de préserver la dignité humaine. La notion de dignité humaine l’emporte généralement sur la liberté d’expression lorsque cette dernière tend à l’attaquer22 .
1- Art. 3 et 35 de la Charte des droits et libertés de la personne 2- Art. 4 du Code civil du Québec 3- Art. 2929 du Code civil du Québec 4- Prud’homme c. Prud’homme, [2002] 4 R.C.S. 663 5- Landry et al. c. Dumont, 2012 QCCS 2769 6- Ibid. 7- Fabien c. DimancheMatin ltée, [1979] C.S. 928 8- Art. 264.1 du Code criminel 9- Art. 264 du Code criminel 10- Art. 423.1 du Code criminel 11- R. c. McCraw, [1991] 3 R.C.S. 72 12- Annie-Claude Bergeron et Catherine Dumais, «Les infractions criminelles» dans École du Barreau du Québec, Droit pénal – Infractions, moyens de défense et peine, Collection de droit 2020-2021, vol. 13, Montréal (Qc), Éditions Yvon Blais, 2020, 71 13- Éducaloi, Accuser ou non un suspect d’un crime : le rôle du procureur. 14- Précité, note 12. 15- Art. 423 du Code criminel 16- Art. 423.1 du Code criminel 17- Précité, note 12. 18- Éducaloi, Le harcèlement criminel. 19- Art. 85 de la Loi sur les compétences municipales 20-Voir notamment : Ville de SteAnnedesPlaines c.
Dubé, 2009 QCCM 187, Ville de Joliette c. Sarrazin, 2010 QCCM 264, Ville de StJeansurRichelieu c.
Beauchamp, 2015 QCCM 235, Québec (Ville de) c. Smith Jacob, 2016 QCCM 24, Ville de Québec c.
Valiquette, 2018 QCCM 309 21- StJeansurRichelieu (Ville de) c. Beauchamp, 2015
QCCM 235 22- Ibid.
INTIMIDATION
La SQ est catégorique : c’est tolérance zéro
Dans le cadre du dossier spécial sur la campagne La démocratie dans le respect, par respect pour la démocratie, notre rédactrice en chef s’est entretenue avec un responsable de la Sûreté du Québec (SQ) pour en apprendre davantage sur le Plan de lutte contre l’intimidation des élus(es) PLI-Élus, crée par la SQ en avril 2013.
Le PLI-Élus est un plan de réponse uniformisé destiné aux municipalités que la Sûreté du Québec dessert. Le plan vise à inciter les élues et élus de même que les gestionnaires municipaux ; (greffières et greffiers, trésorières et trésoriers, inspectrices et inspecteurs) à dénoncer tous les actes de violence et d’intimidation dont ils ou elles pourraient être victimes dans l’exercice de leurs fonctions.
En d’autres mots, avec ce plan, la Sûreté du Québec veut mettre un frein à l’intimidation au sein de la démocratie municipale. Le Plan présente différents objectifs. Ce dernier vise à sensibiliser les élus (es) et les gestionnaires municipaux, à soutenir, protéger et sécuriser les administrateurs publics et également par le biais de son champ d’action il recense les actes d’intimidation et de violence pour maintenir un portrait à jour du phénomène.
Les propos d’Hugo Petit, responsable de service et policier au Service de la coordination des enquêtes sur les crimes majeurs sont clairs : le PLI est là pour assurer une meilleure sécurisation des élus (es) et gestionnaires municipaux. « Le message c’est que si elles ou ils se sentent victimes de quoi que ce soit; de violences ou d’intimidation, il faut porter plainte. C’est tolérance zéro. », explique-t-il. « Que ce soit fait sur Internet, par téléphone, en personne ou conseil municipal, ce n’est pas tolérable ; il faut porter plainte au corps de police qui les dessert pour rapporter les événements. Ce n’est pas tolérable. », précise l’officier. Il assure d’ailleurs que cette philosophie est présentée de la même façon aux patrouilleurs et enquêteurs afin qu’ils transmettent le message aux élues, élus, employées et employés municipaux. À cet effet, le PLI vient outiller les patrouilleurs de toute la Sûreté du Québec, sous le même
PROCESSUS
Par la suite d’un acte d’intimidation ou de violence, l’administrateur visé doit prévenir le corps policier ayant autorité sur le territoire où l’événement s’est produit en communiquant avec le poste le plus proche.
DANS LES CAS IMPLIQUANT LA SÛRETÉ DU QUÉBEC, CELLE-CI POSERA ENSUITE LES ACTIONS SUIVANTES :
1. Ouverture d’un dossier opérationnel ; 2. Instauration des mesures nécessaires pour faire cesser les actes d’intimidation et de violence ; 3. Recommandation ou mise en place de mesures de protection nécessaires ; 4. Transfert du dossier à un service d’enquêtes au besoin.
cadre d’intervention afin d’offrir un service distinctif, novateur et sécurisant.
Pour la Sûreté du Québec, le Plan élaboré a, entre autres, été mis en place pour répondre à une problématique observée sur le terrain dans le but de mettre à la disposition des administrateurs publics l’expertise de la SQ pour assurer leur sécurité. Malgré les données à la baisse entre 2019 et 2020, il est impossible pour la Sûreté du Québec d’attribuer une cause à cette donnée. En effet, en 2019, on recensait 96 plaintes diverses en lien avec le PLI-Élus alors qu’en 2020, on en comptabilisait 69. « Les plaintes pour intimidation, il s’agit du type de dossier que l’on recense le plus annuellement. Par exemple, relativement à ceux relatifs à des menaces, ou des voies de fait, c’est l’intimidation qui présente le plus grand nombre de signalements, entre autres par le biais du PLI-Élus », précise le responsable de la Sûreté du Québec. Pour les municipalités desservies par la Sûreté du Québec qui voudraient avoir plus d’informations sur le PLI, elles sont invitées à communiquer avec leur poste de police local ou avec le Plan de lutte à l’intimidation des élus au 514 598-4378 ou par courriel à : division.lutte.intimidation@surete.qc.ca. Pour les autres municipalités et villes non desservies par la Sûreté du Québec, elles sont appelées à contacter leur Service de police pour connaître les dispositions à prendre dans un tel contexte.
