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Enjeux et défis

LES ENJEUX ET DÉFIS DE LA PÉNURIE DE MAIN-D’ŒUVRE Pistes de solution pour favoriser le développement économique

ENTREVUE AVEC MME MIA HOMSY, PRÉSIDENTE-DIRECTRICE GÉNÉRALE DE L’INSTITUT DU QUÉBEC

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Le Québec vit actuellement une pénurie de main-d’œuvre sans précédent. Avec 4,2 % d’emplois vacants, il est la 2e province la plus touchée, juste après la Colombie-Britannique. L’enjeu est bien réel et risque de nuire au développement économique. Dans les prochaines années, le Québec devra faire preuve de souplesse et d’ingéniosité dans ses façons de faire pour résoudre le problème.

QQuel est votre rôle à l’Institut du Québec?

RLe mandat de l’Institut du Québec est de contribuer à analyser et à vulgariser les enjeux socio-économiques pour proposer de meilleures politiques publiques. Nous voulons faire progresser le Québec avec des politiques publiques, sociales et économiques plus adaptées qui regardent vers l’avenir.

À combien estimez-vous le nombre de postes vacants au Québec? La pandémie de la COVID-19 a-t-elle eu un impact sur ce nombre?

Il y a environ 150 000 postes vacants. Nous avons connu une légère baisse pendant la pandémie, mais maintenant nous sommes revenus au même point qu’avant la crise. Au 1er trimestre de 2021, nous avions 18 500 postes vacants de plus qu’un an plus tôt. Le Québec est la deuxième province la plus touchée par la pénurie, avec 4,2 % d’emplois vacants, tout juste derrière la Colombie-Britannique, avec un taux de 4,5 %.

Mme Mia Homsy, présidente-directrice générale de l’Institut du Québec

Quels sont les secteurs les plus touchés?

Le secteur de la santé et de l’assistance sociale, où il y a environ 25 000 postes vacants. Ensuite, il y a la fabrication, la construction et les services professionnels, scientifiques et techniques. La pénurie n’est pas seulement concentrée dans un ou deux secteurs.

Quelles sont les régions les plus touchées?

Les régions qui ont connu les hausses les plus importantes sur un an sont la Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine, la Côte-Nord et le Nord-du-Québec, Lanaudière et les Laurentides. Toutefois, si on parle de taux de postes vacants, ce sont les régions de la Côte-Nord et le Nord-du-Québec (6,1 %), la Capitale-Nationale (4,8 %) et les Laurentides (4,7 %) qui arrivent en peloton de tête.

Quelles sont les recommandations de l’Institut du Québec en ce qui concerne la pénurie de main-d’œuvre? Quelles sont les solutions préconisées?

L’immigration et les travailleurs temporaires, ce sont les mesures les plus demandées par les employeurs, mais ce ne sont que des solutions parmi d’autres. Il y a des obstacles à l’immigration, par exemple le taux d’intégration des immigrants. Nous avons encore des progrès à faire au Québec. Les immigrants ne trouvent pas nécessairement un emploi même s’il y a beaucoup de postes vacants. La plupart d’entre eux s’installent à Montréal, alors qu’il y a aussi des besoins en région.

Il faut que les entreprises pensent à former leurs employés et même à embaucher des gens qui n’ont pas le profil recherché. La formation peut se faire à l’interne. Il faut favoriser la formation des travailleurs et le rehaussement des compétences. On doit collaborer avec les établissements d’enseignement pour trouver de nouvelles façons de former les gens de façon plus flexible aussi. Il faut ouvrir notre esprit. Le télétravail donne de nouvelles possibilités de recrutement dans certains secteurs. On peut recruter des gens qui habitent plus loin. Il y a aussi des façons d’automatiser ou d’être plus productif, de changer nos façons de faire.

Il y a encore beaucoup de chômeurs, le taux d’emploi peut s’améliorer, les personnes de 60 ans et plus sont moins actives sur le marché de l’emploi au Québec qu’en Ontario. Il y a peut-être des façons de les accommoder avec du travail temporaire, du travail atypique, ou qu’ils fassent du mentorat et qu’ils s’impliquent dans les entreprises.

L’immigration est une partie importante, mais ne peut combler à elle seule les besoins du marché du travail pour les dix prochaines années. Néanmoins, des progrès en matière d’intégration économique sont possibles : l’écart entre le taux de chômage des immigrants et des natifs est beaucoup plus élevé au Québec qu’en Ontario ou qu’en Colombie-Britannique.

Comment les municipalités peuvent-elles contribuer aux solutions à la pénurie de main-d’œuvre?

Elles peuvent contribuer en matière d’intégration, d’accompagnement et d’arrimage. Lorsqu’on parle de régionalisation de l’immigration, il y a une grande partie du succès qui est souvent liée à la créativité des organisations sur le terrain. Les gens doivent sentir que c’est un endroit où il fait bon vivre, surtout pour les immigrants. Des partenariats peuvent être faits pour essayer de faire du jumelage avec des organisations où il y a des enjeux de main-d’œuvre, dans les entreprises, mais aussi dans les secteurs communautaire et public. La municipalité est un acteur clé et peut contribuer à ce maillage. Selon vous, quels seront les impacts de la pénurie de main-d’œuvre à moyen et à long terme?

Tout dépendra de notre capacité à s’adapter en tant que société, à s’ajuster et à moderniser nos façons de faire. Le gouvernement du Québec a déjà commencé à adapter les programmes, à faire des formations plus courtes, à demander aux employeurs de former davantage de gens. C’est ce que je veux dire quand je parle d’adaptation. Il faut mettre de l’avant les emplois où les besoins sont grands. Si on ne change rien, nous serons incapables de livrer les services essentiels et la croissance économique en souffrira, puisque nos entreprises devront refuser des projets de développement et d’investissement. Nous allons nous appauvrir collectivement. En même temps, c’est important de réfléchir aux compétences nécessaires pour occuper les emplois de demain et d’adapter les programmes de formation en conséquence.

Je pense qu’il faut viser le plein emploi et pour ce faire, nous devrons être plus agiles et créatifs. Nous sommes en décroissance démographique, c’est un enjeu qui est bien réel et les solutions demandent que nous soyons flexibles.

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